Sans excuser la passion d'une partie de l'élite républicaine française pour l'Allemagne, on peut essayer de la comprendre.
De façon simple, on peut qualifier cette fascination de "nitchéenne", puisqu'elle répond à l'idéal civilisateur républicain, dont Nitche sait bien qu'il n'est ni juif, ni chrétien, ni anarchiste.
L'Allemagne nazie paraît à un certain nombre d'intellectuels français républicains des années 30 le meilleur espoir de restauration d'un Occident submergé par les valeurs libérales mercantiles "made in usa".
L'espoir placé au contraire dans la nouvelle civilisation soviétique est à peu près fait du même espoir de renaissance sociale. Ces espoirs sont aussi débiles l'un que l'autre. Nitche a raison de dénoncer comme une illusion l'idée de gouvernement populaire et de croire la civilisation fondée sur l'élitisme. Mais il a tort de ne pas voir que le premier rôle du clergé ou de l'élite moderne, consiste à tenir des discours démagogiques afin d'endormir le peuple.
Contrairement aux allégations du clergé soviétique, l'éloge du peuple n'est pas dans Marx, dont la critique conserve toute sa vigueur. La démonstration est dans Marx que la pourriture d'un régime commence par se sentir d'abord dans son élite ; cela ne consiste pas dans l'éloge du peuple, mais le conseil adressé à ceux qui en sont issus de se défier des moeurs et la mentalité de l'élite dirigeante, en particulier son culte du droit, par où la débilité de l'élite est la plus remarquable.
Le meilleur exemple de fascination de l'Allemagne est celui de Drieu La Rochelle, fasciné par l'Allemagne nazie, avant de reconnaître que les nazis, en fait de parangons de la civilisation, ne sont que de vulgaires commerçants belges ou yankees ; et de reporter son admiration sur l'Union soviétique. On devine que la civilisation n'a jamais eu d'existence en dehors de la cervelle de bourgeois rêveurs. Du moins Drieu comprit-il et formula presque que la bourgeoisie n'a d'autre aptitude que se vautrer dans les rêves complaisants et la conception de toutes les choses virtuelles, ainsi que les gosses qui ne sortent jamais du giron de leur mère, ou n'ont jamais d'autre désir que, secrètement, d'y retourner.
Par quoi ces espoirs de renaissance divers ont-ils été remplacés après guerre, si ce n'est par le projet de constitution européenne ?
Dans la fascination pour les régimes nazi ou soviétique des intellectuels républicains d'entre les deux guerres, entre certainement aussi pour beaucoup la vitalité industrieuse de ces nations, ayant apparemment retrouvé leur jeunesse. Les poètes, dont il n'est pas besoin de creuser beaucoup pour déceler la sensibilité pédérastique, sont forcément sensibles à la vigueur des jeunes nazis ou soviétiques.
Beaucoup plus difficilement compréhensible et excusable en revanche, la fascination de l'élite républicaine actuelle pour l'Allemagne, réduite à l'état d'hospice de vieillards ? L'Allemagne est une femme-cougar. Il faut le goût de la charogne comme François Fillon pour vouloir s'y fourrer.