Sans la bibliothèque de mon hôte, je ne sais pas si j’aurais pu tenir aussi longtemps éloigné de Paris. Il faut dire que je soupçonne la moindre boulangère de province de lire Pascal, Cioran ou une niaiserie de ce genre pour se justifier de vendre un pain aussi dégueulasse à ses clients.
Et dans le moindre plaisancier qui escalade prudemment un promontoire rocheux pour mieux humer les embruns, je vois un petit-fils de Chateaubriand que je me réfrène de pousser au gouffre.
Je parviens à convaincre mon hôte de se débarrasser des ouvrages de Jean Guitton, ce Proust catholique, qui traînent dans ses rayons, avant que ses enfants ne soient en âge de s’en saisir et de se laisser séduire par les attermoiements de ce suppôt.
Me souviens que j’ai été moi-même ‘guittonien’, autour de dix-huit ans et pendant une semaine, avant de voir que le lac n’était qu’un miroir, le 'style' une jonglerie que le chimpanzé Guitton sait parfaitement contrefaire. La seule originalité de poètes comme Proust ou Guitton, c'est que ce sont des pasticheurs sérieux.
Avant de livrer cette poésie aux flammes de la cheminée, je feuillette encore quelques pages, pour mieux éteindre toute nostalgie. Je ne suis pas surpris d’apprendre l’amitié de Guitton avec Althusser, étant donné les efforts déployé par ce dernier, hystérique femelle, pour convertir le communisme en jansénisme, c'est-à-dire les militants révolutionnaires en fonctionnaires de l'Education nationale.