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  • La Nuit avec Vladimir Holan

    Le poète tchèque Vladimir Holan (1932-1970), a passé une nuit avec Hamlet ("Noc S Hamletem"). Hamlet sait tout, et il guerroie contre le monde qui ne sait rien, faisant comme si "être" était "avoir", et "pouvoir" une fin. A la fin du temps, Hamlet ressuscitera, non pas en raison de la foi mais de l'histoire.

    Je viens de passer une nuit avec V. Holan.

    "Sur le chemin de la nature à l'être

    les murs ne sont pas à vrai dire très accueillants,

    ces murs couverts d'urine par le talent et mouillés de crachats

    par la révolte des eunuques contre l'esprit, ces murs,

    ces murs d'un rien plus bas que leur propre naissance,

    et ces murs où l'on voit déjà mûrir et s'arrondir tout fruit...

    Pleine et fluide, la voix de Shakespeare

    est invite à tout se permettre, et sa parole,

    qui comme l'étonnement même se devrait d'être

    une célébration, devient par la dévaluation du Temps (devant les preuves possibles de son absence),

    un impôt d'usurier sur tous les appartements,

    dans lesquels le metteur en scène s'est installé avec sans-gêne.

    Seule l'escroquerie est ici certitude. Et quant au spectateur,

    sans plus attendre il rampe vers la sortie comme le serpent de saint Georges,

    pour se chauffer à la bile des critiques..." (Trad. D. Grandmont)

    Depuis Samuel Johnson je n'avais pas entendu une parole sensée à propos de Shakespeare.

     

  • Gnose catholique romaine

    ("Gnose" a pris le sens courant de fausse théologie ou de fausse science.)

    - Propos d'un évêque romain français, affichant néanmoins sa prétention à l'universalisme dans le terme de "catholique".

    Je cite E. de Moulins-Beaufort, pour qui ce qui compte dans la vie chrétienne "n'est pas un ordre moral ni un ordre social, même inspiré de l'Evangile [mais] le lien au Christ, la place de sa croix au coeur de notre coeur, l'adhésion de toutes les fibres de notre être à son offrande pour la gloire de Dieu et le salut du monde".

    Je doute qu'un tel discours vaudrait la moyenne à un étudiant de droit ou de philosophie, même moderne. Ou bien l'Evangile permet de fonder un ordre social ou moral, et dans ce cas on voit mal pourquoi un chrétien ne suivrait pas rigoureusement cette ligne de conduite ; ou bien selon le démenti formel de saint Paul à la suite de Jésus et des apôtres, dans sa lettre aux Hébreux, cet ordre moral chrétien est impossible, et dans ce cas c'est un fieffé mensonge de le suggérer.

    Notez que Paul n'éprouve aucune difficulté à fonder le sacerdoce nouveau CONTRE l'ordre moral, puisque celui-ci est représenté dans l'Evangile par le tableau frappant de la lapidation par les juifs d'une femme adultère. Ce qui est plus difficile à comprendre, peut-être, c'est qu'il n'y a pas non plus dans le judaïsme d'ordre moral. L'ordre moral des juifs est une invention des pharisiens, qui ont subverti la loi de Moïse et l'ont détournée de son esprit, en pratiquant le négationnisme historique, c'est-à-dire en étouffant la voix des prophètes - Isaïe, par exemple, qui annonce la venue du fils de dieu parmi les hommes. Il n'est pas immoral de tuer son voisin. Les Etats le font sans arrêt, non seulement l'Allemagne nazie, et les Etats sont des personnes morales exemplaires.

    La suite de la phrase ne peut plus avoir de sens, et c'est le reproche principal qu'on peut faire à un pasteur qui, prétendant ramener ses brebis dans la juste voie du ciel, les plonge encore plus dans le doute existentiel. Quant à la croix, symbole animiste brandi par de nombreuses nations barbares, instrument de torture favori des Romains, il est plus logique de dire que Jésus l'a vaincue.

    De plus, l'homme n'est malheureusement pas un "être", faute de quoi les hommes ne seraient pas tantôt en train de dépenser leur petit capital-vie à essayer de voir dieu, tantôt au contraire à tenter de bâtir de grandes civilisations pour d'essayer d'empêcher que le ciel leur tombe sur la tête, là où Jésus-Christ a situé la grande fracture entre les pauvres et les riches, inversant l'ordre naturel païen pour proposer le sien, surnaturel.

    Plus loin cet évêque parisien mondain élabore de façon encore plus nette la thèse démocrate-chrétienne satanique, en reprenant un couplet scandaleux de son supérieur hiérarchique Jean-Paul II :

    "La qualité absolue du mouvement de l'homme vers la femme et de la femme vers l'homme, en quoi se reflète quelque chose - beaucoup plus que quelque chose - du lien de Dieu à l'humanité, du Christ à l'Eglise."

    Là encore saint Paul vient au secours de la parole de Dieu. Paul s'arrête au mystère de l'image du Christ et de son Epouse pour dire qu'il est certainement grand, mais sans révéler son contenu apocalyptique. Plutôt disert d'habitude, Augustin d'Hippone fait de même, j'ose dire avec une réserve et une prudence dont il est peu coutumier.

    L'analogie avec le lien sexuel et légal qui unit untel et unetelle, suivant une loi hasardeuse que n'importe quel esprit scientifique jugera une commodité de l'esprit d'appeler "une qualité absolue de mouvement", qualification vague qui convient pour l'agrégation de n'importe quelle chair, comme pour la mort, le chaos, ou encore l'union mystique du soleil et de la lune, dont les mouvements paraissent plus purs que ceux des jouvenceaux et jouvencelles "catholiques romains" dans leurs lits, cette comparaison n'est pas possible selon saint Paul ; elle reviendrait à faire une croix sur le sacerdoce. Du reste l'apôtre est le dernier à accorder à la sexualité une quelconque valeur métaphysique, ce qui explique que Shakespeare le cite souvent quand il fait une croix sur le romantisme catholique.

    Le lien entre dieu et l'humanité n'est autre que le Sauveur lui-même. En outre, le lien entre dieu et l'humanité n'a rien de nécessaire. C'est le coït entre l'homme et la femme qui est nécessaire ou vital. Pour cette raison, le lien du mariage est sacré dans les religions... païennes. Alors que Jésus n'a de cesse par ses paraboles de présenter une métaphysique chrétienne renversant l'ordre naturel marqué par le péché d'Adam et Eve, l'Eglise romaine s'applique systématiquement à prostituer l'esprit chrétien, c'est-à-dire à proposer pour rien ses piteuses solutions juridiques à un monde qui s'en moque bien.

    L'Eglise romaine sacrifie l'esprit de dieu sur l'autel de sa vanité, et rien ne semble pouvoir la faire douter d'elle. Une institution ne doute jamais d'elle-même nous dit Shakespeare, et son droit est la seule vérité qu'elle connaît, jusqu'au jour où son coeur est frappé d'apoplexie, et elle s'écroule sur ses ouailles.

     

  • Crise de l'évolution

    La crise de la société ou de la civilisation moderne peut-elle entraîner une crise de la théorie du transformisme darwinien ? Je le pense, ayant très souvent entendu des savants évolutionnistes évoquer l'avenir de l'humanité en des termes flatteurs et typiquement religieux, c'est-à-dire prenant leurs désirs ou leurs hypothèses pour la réalité. Le fait que l'homme, sur le plan physique terrestre, domine toutes les autres espèces, débouche sur l'idée un peu facile que cet animal parviendra nécessairement à s'adapter à toute nouvelle circonstance, y compris sous la forme d'un suicide collectif de l'humanité, qui mettrait un peu de sel à mon goût, ou de variété, dans le fastidieux et lent processus de l'évolution des espèces vivantes.

    La modernité elle-même, idéologie négationniste récusée par tous les historiens sérieux, c'est-à-dire dégagés de l'obligation de démontrer que nous vivons dans le meilleur des mondes possible, où l'on n'élimine ses ennemis avant d'avoir souhaité avant qu'ils connaissent un jour la démocratie, la modernité se nourrit largement de la foi évolutionniste dans le bonheur : les animaux ne sont-ils pas toujours, invariablement... heureux de vivre, surtout quand ils ne servent pas le dessein intelligent de l'homme ?

    Un lecteur attentif m'a fait remarquer que, contrairement à mon allégation, Nitche était "moderne", mais non "darwinien". En effet, mais Nitche n'était pas démocrate non plus le moins du monde, sachant que le pinard de Dionysos est mieux fait pour maintenir le peuple dans un état d'hébétude que d'évolution. Hitler l'était beaucoup plus - démocrate -, ainsi qu'évolutionniste, "tirant des conclusions hâtives d'une science beaucoup trop bien fondée pour lui trouver des applications dans le domaine de l'anthropologie", dira-t-on pour rester "éthiquement pur".

    Mais là, moi qui ne suis pas évolutionniste, je m'interroge, je me mets à la place des nazis, comme on est un peu obligé de se mettre à la place des bêtes pour comprendre leur volonté : c'est tout de même un peu ballot, si l'ingéniosité humaine qui ne fait jamais que recopier celle de la nature, transposer son architecture ou sa structure dans le domaine de la technologie, ne trouve aucune application dans le domaine social du merveilleux mécanisme qui a permis aux animaux d'évoluer jusqu'à nous ? C'est ballot, non ? Ah ! A moins que les robots ne soient le terme suivant de l'évolution humaine ? Mais non, ce sont les femmes, ça ne colle pas.

    Deuxième question : pourquoi les tenants de l'évolution, surtout ceux qu'on entend le plus, à savoir les médias et leurs experts attitrés, ayant posé le principe que le darwinisme social de Hitler n'a rien à voir avec Darwin et ses augustes héritiers, plutôt que de faire obstacle systématique à ceux qui constestent l'évolutionnisme, ne censurent-ils pas plutôt le "darwinisme social" dans les médias et son millénarisme économique adjacent. Les énergumènes qui nous expliquent, par exemple, que les cartels industriels et bancaires sortiront renforcés de la crise économique qui secoue actuellement la modernité, faisant douter de plus en plus de monde que cette idéologie a un sens. Je sais bien que la confiance fait presque tout dans le domaine économique, mais on n'est pas des animaux tout de même : nous ne sommes pas dotés de la même culture de vie ou de la même foi et raison qu'eux ; ce que l'animal ne fait jamais - douter de la politique et des institutions de son espèce - cela nous est encore permis.

    Ainsi les adversaires de l'évolutionnisme ne seront pas tentés de se dire que c'est le préjugé anthropologique qui est au coeur de l'évolutionnisme, à savoir que cette science n'aboutit pas au darwinisme social, mais qu'elle part du préjugé commun des anthropologues d'un progrès de l'espèce humaine.

    Pour conclure j'aimerais protester contre un thème récurrent agaçant, qui pollue le débat scientifique inutilement, et le situe le plus souvent au niveau d'un procès. Dieu n'a rien à voir là-dedans. Depuis l'antiquité, la théorie de l'évolution ou du transformisme existe, et elle s'accommode très bien de l'idée de dieu, dont il existe pratiquement autant de variétés que d'espèces animales. L'introduction de l'histoire de la science dans le débat serait beaucoup plus utile, en tout premier lieu parce qu'elle met en lumière l'usage du discours scientifique, vrai ou faux, sur le plan éthique et politique, bien au-delà du seul cas de l'Allemagne nazie. Que signifie la participation d'un soi-disant savant, par exemple, à un comité d'éthique, chargé de dire la morale (certainement la discipline la plus évolutive et adaptée aux circonstances) ?

    La logique de l'hostilité des chrétiens au transformisme biologique est bien réelle, mais les chrétiens qui, aux Etats-Unis, croient que dieu est un grand architecte qui a créé le monde vivant suivant un "dessein intelligent" sont des chrétiens d'un genre un peu particulier et pas très crédible. Parce qu'il croit la même chose, Voltaire en France évite au contraire de se dire chrétien. La logique chrétienne est historique ; il n'y a pas d'anthropologie chrétienne, à moins de faire passer les inventions pour exploiter les paysans au moyen âge, puis les ouvriers aux XIXe siècle, pour une idée de Jésus-Christ et de ses apôtres.

    Tandis que l'anthropologie, et de ce point de vue il faut bien dire que l'anthrophologie nationale-socialiste est la plus sophistiquée (G.W.F. Hegel) pose l'hypothèse d'une succession d'événements ou d'états politiques prédéterminée ou hasardeuse (le nazisme est largement une idéologie statistique), la vision historique s'oppose à ce processus, que Marx qualifie d'ésotérique. Au contraire de l'anthropologue, l'historien chrétien pense que c'est la liberté qui est la plus certaine, et non le hasard. L'histoire chrétienne, dont la fin est déjà écrite, n'est pas chronologique mais s'achève sur le salut de quelques hommes, non pas de l'humanité ou de quelques surhommes prédestinés. Il n'y a pas de progrès social dans le christianisme où chaque chrétien est invité à considérer l'apocalypse sur le plan individuel. L'idée que la spécialisation de la science ou sa ramification constitue un quelconque progrès, cette idée elle-même heurte la conscience chrétienne, tant l'observation est aisée que cette ramification a un sens organique et répond au besoin social ou anthropologique, bien plus qu'à la recherche de la vérité. Un univers réduit à une théorie de l'information, répond à un besoin temporel ou politique bien plus qu'il ne contribue à élucider cet univers, sans compter qu'en devenant de plus en plus virtuelle et inexpérimentale, cette rhétorique dissout la matière, qui n'est restituée que dans des explications paradoxales et pratiquement incommunicables au dehors des chapelles qui les ont émises.

  • Soldat de la Paix

    Je consulte une thèse historique sur la "Grande Guerre". Elle démontre l'aliénation mentale des jeunes officiers les plus courageux, une folie comparable à celle du soldat norvégien André Breivik, c'est-à-dire qu'elle peut aussi bien être présentée comme la justice sociale la plus stricte. Cette folie fut aussi celle du jeune Louis-Ferdinand Céline, et je suis persuadé que son "Voyage au bout de la nuit" résulte d'abord de la nécessité de reconquérir ses facultés intellectuelles, en même temps qu'il est une vengeance contre la société qui l'en avait privé. L'ignominie de Ferdinand est de s'être laissé conduire à la guerre comme une bête. Le "Voyage" apparaît à certains lecteurs comme un roman d'une noirceur extrême, mais il est plus certainement pour son auteur une confession déculpabilisante et une bouffée d'air, un roman rose. La reconquête de l'amour de soi véritable, l'individualisme, se fait forcément contre la société. Il n'y a pratiquement qu'un homme issu du peuple à pouvoir comprendre l'humanisme de Céline, sans se préoccuper de ses fautes d'orthographe.

    Chaque impression de bonheur ressentie sur cette terre s'accompagne du sentiment d'un recul de la folie. Pour un homme, le coït, bref épisode où il peut mettre à distance l'âme, est à lui seul un éloge du présent et de la raison, qui n'a malheureusement que la capacité furtive d'abolir le temps et la folie. La plupart des femmes sont nostalgiques du passé ou de l'origine, tandis que les hommes vivent toujours en quelque sorte dans la nostalgie du temps présent, ce qui explique que la rencontre spirituelle d'un homme et d'une femme est aussi difficile, et coïncide le moins avec la jouissance physique la plus naturelle.

    Il est arrivé qu'on m'interroge sur la différence entre Nitche et Céline : elle revient quasiment à la différence physique entre une femme (Nitche) et un homme (Céline). D'ailleurs, tandis que Céline rend hommage au christianisme pour le tableau noir de la société qu'il peint (noir et blanc, pour être exact), c'est-à-dire pour lui ôter son masque, Nitche au contraire accuse le christianisme d'être imperméable à la musique. C'est bien sûr Céline le plus voltairien. Je ne connais aucun Français qui apprécie Nitche, à cause de son masochisme invétéré d'aristocrate polonaise, qui transpire comme s'il n'avait jamais ôté son casque à pointe et ses bottes pour écrire. Je n'ai pas trouvé dans le "Gai Savoir" une seule trace d'humour : on dirait du cinéma français, c'est-à-dire la vain effort pour faire se rejoindre la fiction et  l'intelligence.

    L'explication du succès de Nitche aujourd'hui, malgré toute sa médiocrité, ne tient pas à son antichristianisme ("L'Antéchrist" est son ouvrage le moins mauvais, qui exprime une culture de vie démoniaque assez cohérente et claire) ; elle résulte encore moins de son anticapitalisme, mais elle est due à son masochisme. Privez le capitalisme du masochisme, et il est perdu ; on pourrait même dire, sachant de quoi est faite l'avance de l'Occident sur la Chine : empêchez le suicide ou l'automutilation des jeunes Occidentaux, et l'économie occidentale qui tire son ultime puissance de la publicité et de la frustration est foutue.

    *

    Le soldat Breivik est dans l'état psychologique de haïr la société, tout en étant entièrement déterminé par le préjugé social ; haïr la société, c'est-à-dire l'aimer avec passion, en dépit de ce qu'elle est vraiment, comme un point de perspective pur. Condamner Breivik plutôt que les magistrats et les lois qui l'ont formé, c'est encore faire l'éloge de la folie et du ministère de la Guerre.

    Le courage et la folie des loups de guerre de 14-18, je l'affirme, n'est plus. Le courage a fondu dans le confort moderne, à de rares exceptions près. Le consommateur n'est pas semblable au producteur, bien que leurs fanatismes soient similaires. Les organes du consommateur pourrissent plus vite. Je veux dire par là qu'il était impératif pour l'Etat-major de trouver dans le perfectionnement du matériel une compensation à l'affaiblissement général de la volonté des recrues, afin de maintenir la violence militaire au même niveau qu'autrefois. Les prothèses technologiques étaient indispensables, alors même que dans l'absolu elles sont inutiles. Dans le même temps on peut voir que l'attrait des femmes en Occident s'est déplacé de l'homme vers la prothèse, conformément à la juste contrainte sociale qui s'efforce d'enfermer l'homme dans ce rôle. La femme est une idée du travail, que l'homme met en oeuvre : dans les sociétés où la procréation perd de son urgence et de sa nécessité, le robot entre directement en concurrence avec l'homme, qui perd son prestige sexuel.

    A cela il faut ajouter la ressource psychologique des faibles, à savoir la ruse, qui leur permet bien souvent d'incliner plus forts qu'eux. Le "soldat de la paix" ou "casque bleu" prend tout son sens ici. Même s'il y a bien déjà dans la tête du poilu de la grande guerre la notion de juste cause qui libère son instinct, et le retient de se vomir lui-même une fois son meutre accompli, le caractère frontalier de cette guerre indique suffisamment à ce type de soldat qu'il défend sa propriété, quand c'est un officier riche, la poésie de la terre quand c'est un simple trouffion.

    La sophistication croissante de l'armement suffit à trahir la ruse du "soldat de la paix", gadget parallèle, dont l'ignominie est pire que celle du napalm ou de l'éparpillement de la chair des "victimes collatérales" du plan de paix mondiale par une roquette chirurgicale.

    Cette sophistication est-elle dissuasive ? Comme nul n'y croit dans le camp de ceux dont les frontières sont violées sans vergogne, il faut déduire cette sophistication, aussi bien sur le plan technologique que rhétorique qui l'accompagne, comme étant essentiellement en direction de l'agresseur lui-même, destinée à apaiser ses scrupules, et remplacer la pièce manquante du vieux nationalisme éculé et déjà démodé par Staline ou Hitler. Le nationalisme est en effet si démodé sur le plan de la stratégie guerrière que les représentants de l'élite républicaine ont déserté les rangs de l'armée, où ils opéraient efficacement pour galvaniser la troupe, pour se consacrer plutôt aux raffinements de la propagande, où la propriété trouve son ultime point d'appui (c'est le défaut de propagande qui a contraint la France à battre en retraite de l'Algérie, après y avoir fait 200.000 victimes).

    Il n'y a guère que les Anglais, dont la ruse démoniaque excède celle de toutes les autres nations, qui sont encore prêts à verser quelques litres de sang royal si nécessaire, pour occulter mieux le plan infernal de celui qui, ayant perdu au jeu de la fortune, plante un poignard dans le dos de son créancier en faisant passer son geste pour de l'altruisme.

    Chrétiens, notre devoir est d'arracher leurs masques de vertu à ces chiens qui se font appeler "soldats de la paix", et bien plus encore les masques de ceux qui les dotent et les bénissent. Ils contribuent avec une ruse supplémentaire à l'iniquité et la fosse commune.

    - Eh, quoi, ce naïf veut éviter la solution finale avec ses grandes phrases ?

    - Non, ce n'est pas ça. L'objection de ceux qui pressentent le plan de Satan avec plus de lucidité que d'autres et s'y résolvent ne me concerne pas. Il y en a des objecteurs, je connais de ces hommes qui ont reçu assez de satisfaction de la vie pour ne pas réclamer plus que la dose, en même temps pas assez lâches pour se dérober à la perspective de leur mort dans l'heure à venir, qui revient exactement à la fin du monde ou au jugement dernier. C'est le négationnisme historique même de nier que la solution finale viendra, celui-là même que les chrétiens accusent le clergé romain d'entretenir depuis des millénaires par mille ruses identiques à celles des pharisiens ; et c'est encore sur ce négationnisme  que le nazisme fonde sa tentative d'ajouter un wagon supplémentaire à la civilisation.

    Non, rien de cette naïveté ou de ce fer chauffé à blanc, que les mères passent et repassent devant les yeux de leurs gosses pour les rendre aveugles et qu'on dit "l'avenir", qui fournit au dieu Bel 100% de ses victimes. En revanche l'individualisme, la force de rompre les rangs de l'armée des morts, aux casques repeints en bleu azur, rose bonbon ou arc-en-ciel, oui, c'est une chose qui n'est pas hors d'atteinte, et auquel le mensonge social surtout fait obstacle. Il ne faut pas s'étonner que la vérité ait peu d'écho : c'est la propriété du mensonge, qui obéit aux lois de la physique quantique, d'en avoir. Mais l'écho du mensonge finit toujours comme une musique, par ne plus être audible. La pierre de la vérité, elle, demeure éternellement, et la véritable épouse du Christ n'attend que les derniers joyaux de son parement.

  • Tabula rasa

    - La culture est l'art au niveau de la consommation. Ce qui explique qu'il n'y a ni culture marxiste, ni culture chrétienne. L'iconoclasme, quand il s'agit de détruire des idoles, c'est-à-dire de brûler l'opium du peuple, ne peut être regardé d'un mauvais oeil par le chrétien. Moïse est un iconoclaste, et Jésus l'est bien plus encore. Les apôtre se moquent bien des cathédrales et de leurs éjaculations douloureuses vers le ciel.

    - La parole de Jésus, qui est l'esprit de dieu, fait table rase de la civilisation, comme la sagesse balaye la folie. Shakespeare illustre que les chrétiens qui seront montés dans la nef des fous de la civilisation resteront dans cet enfer, avec le tourment, de surcroît, de s'apercevoir qu'ils ont tourné le dos à la vérité. Qu'ils ont méprisé la liberté qui leur était offerte. Je pleure, car j'ai vu cette dernière lueur de terreur dans l'oeil de mon parent. Je pleure car j'ai vu la pince du bourreau broyer la tête du foetus, sans pouvoir rien faire pour la victime ni le bourreau. Je cesse de pleurer, parce que la société a voulu se servir de ma colère pour m'assassiner, mais qu'elle n'y est pas parvenue. Merci mes frères qui êtes en dieu, de m'y avoir aidé.

    Tout a lieu ici et maintenant, rien après ; les actionnaires du Royaume de Dieu ne sont que des cocus, Dante compris. Leurs indulgences n'ont plus cours, et ils continuent de les vendre. Shakespeare a fait voir les stigmates de la civilisation sur les visages des aliénés qui mènent le monde à la renverse.

    - Ce qui te nourrit ne te rend pas plus fort, ça ne fait qu'entretenir ta petite vertu malingre jusqu'à ce que la terre te reprenne.

    - Enfants, n'écoutez pas les salauds qui vous flattent afin de vous affaiblir. Qui vous font rois pour mieux vous sodomiser. Ne renoncez pas à la force divine avant même de vous être tournés vers elle. Descendez du manège. Dégueulez les nourritures intellectuelles ou la culture : elles sont plus empoisonnées qu'un verre de vin. Ne cherchez surtout pas à vous adapter à la société, mais feignez plutôt de l'être, comme Hamlet. S'adapter à la société, c'est comme prendre les mesures de son cercueil et en passer la commande avant l'heure. Laissez-ça aux vieux singes au bord de la tombe. Je vous le jure, ils n'ont jamais voulu rien savoir : ils ont fait tout ce qui fallait pour ne rien voir, au contraire. Ils se sont assis avec leurs culs larges sur les indices de la vérité, pour vous empêcher de les voir. Ils ont affirmé comme un dogme que la vérité n'existe pas ; seul le mensonge social est une vérité absolue selon eux, la théorie de la relativité des mangeurs de bananes imbéciles au point d'Adam.

  • Shakespeare ou l'Occident

    Impossible de comprendre l'Occident, cette énigme, sans comprendre Shakespeare. Pour comprendre Shakespeare : éviter les thèses universitaires, car le mépris de l'université est une des caractéristiques de l'art de la Renaissance, quand l'Occident atteignit sa maturité, à cause du panurgisme qui règne dans les institutions scolaires, désormais à un niveau jamais atteint auparavant.

    Plusieurs universitaires m'ont avoué avoir dû censurer leurs thèses pour ne pas nuire à leur carrière ou simplement être publiés ; je précise que ces thèses ne s'en prenaient en rien au grand tabou international de la shoa. Je tairai les noms de ces universitaires, car mon but n'est pas de dénoncer publiquement leur pleutrerie, mais de démontrer que la chinoiserie est la qualité principale requise pour grenouiller dans le marigot universitaire, où il n'existe pratiquement aucun contre-pouvoir, et les jeunes étudiants sont manipulés par leurs professeurs.

    Le désir des rejetons de familles prolétaires d'échapper à leur condition grâce à l'université est un truc que les bandes de singes universitaires exploitent de manière peu ragoûtante. Pratiquement la différence est la même aujourd'hui entre les professeurs de collège et les universitaires qu'elle était entre le bas-clergé et le haut-clergé sous l'Ancien régime. D'ailleurs Benoît XVI est le dernier tocard à rendre hommage aux universitaires européennes, tout en postulant par ailleurs, credo invraisemblable, que le christianisme et la science n'ont rien à voir.

    Le pape situe instinctivement l'université au niveau de ce qu'elle est : un lieu de culte imperméable à la critique, et même, je crois, à l'ironie. Certes l'université française a beaucoup contribué à la germanisation accélérée des esprits français depuis la Libération pour le compte du pouvoir industriel et bancaire, afin de faire des petits Français de bons petits soldats au service de l'économie. Les gens de droite sont beaucoup trop bêtes dans l'ensemble pour comprendre que l'effort d'éradication de l'esprit anarchiste ou individualiste typiquement français a été accompli essentiellement par la gauche.

    D'ailleurs on peut traduire d'après Shakespeare le basculement du mode de gouvernement tyrannique dans le totalitarisme comme le gauchissement ou la féminisation des esprits. Le plus grand visionnaire de l'Occident a été capable d'anticiper l'effondrement de la civilisation occidentale au niveau religieux le plus médiocre, celui de l'éthique démocratique, guère éloigné du cannibalisme humain.

    Comprenez Shakespeare, et vous ne pourrez plus ensuite entendre parler de "comités d'éthique" sans avoir la nausée. Plus généralement, Shakespeare peint l'esprit universitaire comme un pharisaïsme et fait de Copernic-Polonius une figure mythique du pharisaïsme universitaire, ainsi que les traîtres Rosencrantz et Guildenstern. Comment veut-on, après ça, que Shakespeare soit jugé sereinement dans l'université, et que celle-ci n'ait pas préféré qualifier ses pièces d'"énigmatiques" ? Nitche fait d'ailleurs de même, car Shakespeare est le moins dionysiaque ou musical des tragédiens.

    L'éthique, qui est le principe même de l'antichristianisme, cela Shakespeare le sait aussi bien que Nitche, l'éthique devient encore plus sinistre dans le théâtre de Shakespeare quand elle s'avance sous le masque chrétien. Croire que Shakespeare est athée parce qu'il met en péril l'éthique romaine, bottant le cul-béni de Claudel à travers les siècles, c'est faire la théorie d'un Jésus-Christ athée, sous prétexte qu'il voue aux gémonies l'éthique juive, dont le déchirement du voile signifie la fin. L'éthique ne peut se passer d'un voile, ou d'un nuage de signes mathématiques insignifiants. Il est curieux de voir de soi-disant savants s'acoquiner avec l'éthique, matière la moins scientifique au point d'impliquer le négationnisme historique le plus strict. Du point de vue occidental, on reconnaîtra un barbare à ce qu'il est imprégné d'éthique, et donc pas très éloigné de placer le hasard au niveau d'un phénomène scientifique. Les Etats-Unis aujourd'hui, auparavant le régime nazi, sont au niveau de l'éthique, la plus apte à préparer et justifier les génocides de la polytechnique. La science barbare intègre le préjugé d'ordre éthique ou juridique, c'est ainsi que Shakespeare la détecte, et ce qui lui permet d'anticiper le retour en grâce de la science égyptienne en Occident, que la contre-culture populaire aujourd'hui désigne sous le nom de "complot illuminati". A cette contre-culture populaire, l'historien Shakespeare n'enlève que le qualificatif de "complot", ou du moins il le situe au niveau physique primordial qui est le sien.

    L'antichristianisme des Etats-Unis aujourd'hui, et l'analogie du culte qui règne dans cette théorie de nation avec celui de l'Egypte antique, voire de l'Atlantide évoquée par Platon, est constatable en un endroit où Hamlet-Bacon enfonce son épée particulièrement : celui de la "philosophie naturelle". Comme la conscience des Egyptiens est orientée vers un au-delà métaphysique truqué, qui n'est qu'une "morale pure" en réalité, faite pour souder la société égyptienne en anéantissant toute velléité d'individualisme, l'inconscient collectif aux Etats-Unis relève de la même incitation identitaire parfaitement ésotérique du point de vue chrétien.

    Chez les rares chrétiens d'Europe assez stupides ou malhonnêtes pour faire valoir le principe identitaire égyptien, il n'y a pas à chercher très loin pour retrouver les symboles du culte de Satan. Adolf Hitler était lui-même issu d'un tel milieu démocrate-chrétien. Il se caractérise non par le paganisme ou par le christianisme, mais par le mariage ubuesque de l'éthique païenne avec le message chrétien, qui comporte un risque d'aliénation mentale. Dans la prose de Nitche par exemple, l'aspect d'auto-psychanalyse est déterminant (qui le rend peu digne d'intérêt pour le lecteur français, guère amateur de littérature thérapeutique) : un esprit ne peut demeurer durablement installé sur deux forces aussi opposées sans basculer dans l'aliénation.

    Hitler est le bouc émissaire idéal de la démocratie-chrétienne allemande, mais du point de vue chrétien la voie romaine nazie, son culte des éléments, n'est pas le plus dangereux. Certains prêtent à Shakespeare d'avoir annoncé les ravages du national-socialisme. C'est inexact. Brutus, qui est une sorte d'Hitler avant l'heure, désireux de restituer au peuple romain ses droits, est loin d'être le personnage le plus antipathique que Shakespeare a créé. C'est plutôt l'inconséquence de Brutus que Shakespeare signale et stigmatise, et que, déjà du temps de Rome, la démocratie est un mode de gouvernement désuet et inadapté. Non, c'est l'Angleterre que Shakespeare vise, c'est-à-dire un paganisme revêtu des oripeaux de l'éthique chrétienne. Il faut être aveugle pour ne pas comprendre que Shakespeare voit juste : c'est un défaut de machiavélisme qui caractérise le régime nazi, à qui il manque l'essence même du socialisme, à savoir la tartufferie sans laquelle le socialisme n'est plus qu'une utopie inutile, et dont aucun clergé ne peut faire usage.

  • La Nuit avec Hamlet

    L'avenir est la plus grande peur et le plus grand espoir de l'homme. Nul ne peut dire si l'homme qui s'avance vers l'avenir est lâche ou bien courageux. Il est seulement déterminé. L'avenir est le truc au fond du vase de Pandore. La chute gravitationnelle de l'homme est dans l'avenir.

    D'après Shakespeare-Bacon

  • J.0. de Londres

    Pourquoi les (gentils) organisateurs des jeux de Londres n'ont-ils pas érigé l'Amour discipline olympique ? La Bible ne dit-elle pas que l'Amour est le plus vieux sport du monde ? Et Shakespeare que tous les autres sports en dérivent ? J'imagine que c'est encore pour priver les Français de chances de briller à ces jeux...

    Plus grave : quel avenir le commerce a-t-il, sans les trésors d'imagination du Shylock britannique ? Quel avenir, l'Avenir tout court a-t-il ? Je croyais que les J.O. étaient fait pour ramener la confiance dans les ménages. Ils devront se contenter du judo, flirt homosexuel peu productif.

    On peut rapporter chaque compétiteur des jeux modernes à un animal. N'y a-t-il pas un judoka qui s'appelle Teddy ? La nature ne laisse rien au hasard, même si Machine se demandera parfois toute sa vie pourquoi sa route a croisée celle de Machin, sans jamais avoir de réponse valable, faute d'instruction suffisante. On mettra les loups de côté pour d'autres compétitions plus carnassières, sous la férule de maître renard, qui figure de ce côté-ci de la Manche le niveau d'éthique de l'Anglais.

    L'Amour, ah, ne croyez pas que l'amour soit une discipline moins risquée que la boxe. Le nombre de types au tapis s'explique parfaitement. Les femmes sont les reines de l'esquive, et c'est ce qui compte avant tout pour faire carrière dans le noble art. Le jour du mariage, c'est toujours le marié qui est la cible des quolibets des titis parisiens, pas la mariée, qui a toujours l'air triomphant d'Hélène de Troie avant la catastrophe, tenant son connaud par la bride.

    Le jeu de l'amour et du hasard offre plus de variété que celui du saut à la perche. Le vieillard dont la jeune fille partage le lit, en dépit de son état physique, doit s'imaginer qu'elle l'aime pour son esprit, et non pour ses gènes. Il multiplie les grimaces et les saillies verbales, ou se fait protecteur avec celles qui sont en manque de pure affection paternelle. La troisième marche du podium est pour l'amant - tous les vieillards ne sont pas idiots et certains savent les limites du hasard. En réalité, les femmes se fient plus à l'âme qu'au physique, surtout lorsqu'elle se piquent de réfléchir ; mais l'âme n'est pas moins génétique que le physique, et le vieillard devra s'efforcer de lisser la sienne autant qu'il peut s'il veut conserver sa place sur la plus haute marche. La voix, qui est l'écho de l'âme : rauque, de préférence. Bon, mais je sais que les histoires de couple n'intéressent que les curés, et tous les professionnels qui, sous couvert de prêter assistance à la société, lui pompent le sang. Ainsi des jeux olympiques.

    "Le malheur de l'homme vient de ce qu'il ne peut rester seul." dit La Bruyère. Autrement dit, l'homme ne s'aime pas assez, et il requiert toujours quelqu'un à ses côtés pour lui prodiguer des compliments et des encouragements. La salope qui dénigre l'homme sans arrêt, dès la naissance, c'est la société, ces Jeux Olympiques immondes, avec leurs slogans nitchéens pour débiles mentaux, qui font passer pour des surhommes enviables tous ces lèche-bottes et leurs entraîneurs allemands au bord de la cirrhose. 

     

     

     

  • L'Esprit des lois

    De l'esclavage des Nègres

    "Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :

    Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s'en servir à défricher tant de terres.

    Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.

    Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez si écrasé, qu'il est presque impossible de les plaindre.

    On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir...

    On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Egyptiens, les meilleurs philosophes du monde, était d'une si grande conséquence, qu'ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains.

    Une preuve que les nègres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font plus de cas d'un collier de verre que de l'or, qui, chez des nations policées, est d'une si grande conséquence.

    Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes, parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.

    De petits esprits exagèrent trop l'injustice que l'on fait aux Africains : car, si elle était telle qu'ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en faire une générale en faveur de la miséricorde ou de la pitié ?"

    Montesquieu

    Toute la foi et la raison juridiques sont dans ce petit texte, y compris l'hommage aux Egyptiens. La nécessité du sucre à bas prix et du dieu de Montesquieu ont passé, mais le raisonnement juridique est resté le même. Les Bordelais croient encore à l'esprit des lois, et la charognarde magistrature est bien capable d'intriguer aujourd'hui pour du pétrole, comme son ancêtre fit pour du sucre.

  • Science sans conscience

    ... n'est que spéculation.

    Je propose d'inverser la proposition des frangins Bogdanov pour qui dieu est probablement une particule élémentaire. Et si c'était l'homme qui n'était qu'un quantité négligeable dans l'univers ?

    La science égyptienne des Bodganov se ramène peu ou prou à celle de Blaise Pascal, pour qui dieu n'est qu'un point. La paire de jumeaux, en soi, est un système mathématique : l'un existe d'abord relativement à l'autre. J'ai observé à plusieurs reprises la propension des jumeaux à inventer de toutes pièces des univers parallèles et à former un monde séparé.

    Mieux que Pascal, les Bogdanov illustrent d'ailleurs les nombreux paradoxes que la spéculation mathématique fait jaillir, et la théorie du "grand architecte", dont le plus hénaurme est sans doute l'effort continu des mathématiciens pour aboutir à une logique, défaisant et refaisant sans cesse leurs tapisseries comme Pénélope. Les derniers gadgets de la physique quantique en témoignent encore. Encore un paradoxe : tandis que les paradoxes de Pascal sont cause de son inquiétude, le fatras de spéculations algébriques modernes n'empêche pas les chevilles de nos savants d'enfler à chaque nouvelle hypothèse renversante.

    Quant au procès fait par la science laïcarde française, engluée dans le XIXe siècle, aux Bogdanov, il n'a pas lieu d'être et stimule inutilement les ventes des ouvrages de vulgarisation des deux compères. Dans la  science égyptienne, dieu fait office d'hypothèse de travail nécessaire, qui n'empêche absolument pas l'anthropologie et les anthropologues de se multiplier à l'infini. L'hypothèse est le dieu du spéculateur, quel que soit le nom qu'il choisit de lui donner, et la querelle sémantique ne vaut pas le procès. L'effort primordial pour nier dieu fut accompli par les théologiens égyptiens qui lui attribuèrent une existence aussi virtuelle que celle des âmes du purgatoire. La persistance de l'éthique égyptienne dans le monde moderne prouve la persistance de la foi dans un souverain architecte, dont la science moderne, sous diverses bannières, tente de dévoiler le programme.

    A l'interrogation du boucher Napoléon, au soir de quelque génocide : "Et l'hypothèse de dieu dans tout ça ?", son expert scientifique aurait dû répondre plus précisément : "La technocratie s'en passe très bien, avec ses prothèses gigantesques." Pharaon est de tous les oedipes le plus conscient qu'il porte des cornes.

  • Permis de tuer

    Les Yankees ont bien raison de défendre le port d'armes à feu. Nulle société n'abolira jamais la méfiance du voisin ni son assassinat. L'assassinat fait d'ailleurs partie des beaux-arts. De temps à autre quelque ponce-pilate l'avoue, et fait l'éloge, par exemple, du marquis de Sade. Il y a d'ailleurs dans l'aristocratie un goût du viol et du meurtre plus prononcé, du fait de la position sociale. N'oublions pas que la culture imite la nature, et que le viol ou vol sont plus naturels que le mariage ou la propriété. La "licence poétique" devrait être invoquée par les avocats des assassins.

    La société seule accomplit le crime parfait, au nom du droit - au nom des "droits de l'homme", même, s'agissant d'Hillary Clinton et des 30.000 Irakiens exécutés. La gorgone Clinton paraît le condensé de toute l'hypocrisie yankee. Je ne serais pas plus étonné que ça si BHL la compare un jour à Jeanne d'Arc. La notion de légitime défense prête à sourire tous les humoristes qui protègent le peuple de croire que le droit est une chose sérieuse.

    Du reste les accidents de la route font plus de victimes que la défense de la propriété par les armes à feu ; sans compter l'alcoolisme, ou l'avortement, qui fausse les statistiques de la criminalité en faveur des femmes, afin d'en faire des personnes morales exemplaires, jeu débile auquel elles se prêtent le plus souvent volontiers, par amour des fleurs. Mon dieu quand cessera la cupidité des femmes, derrière tous les permis de port d'arme, l'alcoolisme et les accidents de la route ?

  • Aux Français

    Français, si l'on vous parle de "modernité", traduisez par "hypocrisie" ou "Etats-Unis". Aucun penseur français digne de ce nom n'a cédé à cette idéologie socialiste. Ce sont les types sociaux abjects décrits par Molière qui sont "modernes", et non Molière lui-même. Le principal soucis d'un artiste est d'échapper au mouvement, et non d'y verser, afin d'éviter d'exprimer seulement les préjugés de son temps.

    Même Baudelaire et Delacroix, fondateurs d'une modernité "à la française", ne sont pas assez cons pour n'être pas de purs réactionnaires et participer à la culture générale comme des singes savants. La seule chose à retenir des spéculations esthétiques de Baudelaire, c'est que la culture est toujours assez bête pour avoir un temps de retard sur la contre-culture.

    La principale astuce des modernes est de faire passer la religion pour la science. On reconnaît là que l'idéologie moderne repose sur un fatras de thèses universitaires, multipliant les références pour faire oublier qu'elles sont nulles. Car si l'université française moderne n'est pas le lieu de la recherche scientifique et de la critique, cela signifie qu'elle est la première cause d'emplois fictifs, mais aussi le ferment du populisme, qui part toujours dans le peuple du sentiment d'avoir été trahi par l'élite dirigeante.

    La seule contribution des Lumières françaises à la Révolution, dont la violence fut réprouvée par ceux des philosophes qui vécurent assez pour la connaître, fut de mettre en exergue l'imposture des élites et de l'art baroque, tombés au niveau de la figure de style et des mathématiques mondaines. Tout le reste, s'agissant de la révolution, n'est, comme dit Marx, que pure mythomanie libérale du niveau des slogans échangés par les députés lors des séances à l'Assemblée.

     

  • Exit la France

    Je ne fais jamais l'éloge de la France, mais de la franchise, contrepoint du cléricalisme des Etats-Unis, et du faciès de singes souriants de leurs édiles. Louis-Ferdinand Céline, par exemple, était franc, c'est-à-dire inadapté socialement, et le clergé continue de le poursuivre de sa vindicte post-mortem.

    L'éloge de la France trahit le narcisse allemand, qui n'aime jamais que lui-même, à travers divers objets. On n'est pas très loin de la pédérastie, caractéristique des civilisations en phase terminale, transies d'angoisse, et qui se réfugient comme les vieillards dans les souvenirs d'enfance. Le Pen pédéraste ? Pourquoi pas ? Le gadget de la fête de Jeanne d'Arc est proustien en diable.

    Je ne suis pas dupe que la France est une vieille charogne depuis longtemps ; cela se prouve par le parasitisme de son élite. Surtout dans les cadavres et les oeuvres mortes, les intellectuels trouvent à se nourrir. "Il est difficile d'écrire des choses neuves", dit en substance A. Gide. Tout l'art social est en effet du recyclage, soumis au principe de l'éternel retour. Pas une seule chose neuve dans toute l'élite française, qui n'essaie même pas, mais se contente de machouiller de vieux lambeaux. Et la science ? Quoi de neuf dans la science ? Elle tarde un peu à vaincre le hasard. Où nous menez-vous demandent les enfants ? Pourquoi faut-il continuer d'apprendre à calculer quand les machines s'en occupent mieux que nous ? Etc.

  • Matérialisme chrétien

    Jésus ne s'adresse jamais aux personnes morales. Il les méprise. Que dire à Ponce-Pilate, lui qui n'est qu'un engrenage, une horloge, inique selon le temps ou la nature, et même pas capable d'assassiner de ses propres mains !

    Cela veut dire que Jésus ne parle pas à l'âme, qui anime la chair. L'esprit des personnes morales n'est qu'un mouvement physique. L'âme n'est qu'un centre théorique, un facteur multiplicateur ou diviseur, un château ou une banque.

    "Laissez les morts enterrer les morts !", dit Jésus, bousculant tous les rituels humains, trop humains, dont les pharisiens et les bonnes femmes se font une spécialité.

  • Exit le bonheur

    Chrétien, je m'entends assez avec le philosophe athée d'Holbach quand il démontre que le bonheur est ce vers quoi la conscience de l'homme est orientée par le préjugé social commun. Marx va dans le même sens lorsqu'il condamne l'épicurisme, jugeant la quête du bonheur le plus bas niveau de la philosophie ; c'est-à-dire celui où toute l'Europe a été plongée depuis le XIXe siècle sous l'impulsion de la bourgeoisie industrielle libérale.

    - L'étude de la philosophie des Lumières est vaine tant qu'on n'a pas compris que les cibles visées par d'Holbach ou Voltaire - Leibnitz, Descartes, Pascal - témoignent d'un christianisme truqué, d'une formule éthique adaptée à un régime politique à l'agonie. Depuis le XVIe siècle, l'Eglise romaine n'est plus qu'un vaisseau fantôme, prônant l'éthique quand il n'y a pas de formule éthique qui perdure au-delà de la puissance politique.

    - Le bonheur est une idée mathématique, et c'est cela même qui la rend suspecte aux yeux des Français. Il est frappant de voir comme, du point de vue social, le bonheur se nourrit largement du malheur d'autrui. Le type qui percute une porte vitrée par inadvertance, faisant rire les badauds autour de lui, trimballe le truc qui fonde la plupart des spectacles et divertissements sociaux. Sans "têtes de Turc", volontaires ou involontaires, il n'y aurait pas de société heureuse, ni cinéma, le divertissement préféré des cocus, dont tout le message est passé dans le petit film primitif de "l'arroseur arrosé" des frères Lumières. On pourrait multiplier les exemples de "spectacles dégradants", comme disaient les philosophes du XVIIIe siècle, inventés par l'élite républicaine pour stupifier les masses. Les jeux olympiques ou le football, lénifiants spectacles, endormiraient tout le monde s'il n'y avait, par bonheur, à chaque fois un perdant ou un gagnant. Francis Bacon Verulam, dont l'influence sur la philosophie des Lumières est reconnue, désigne la chasse comme le mobile essentiel de tout acte social. Eh bien le motif de se réjouir en société, pratiquement comme un réflexe conditionné, est très voisin de cette compétition entre les hommes, désormais organisée à l'échelle du monde, sans frein, excitée par les publicitaires qui font office de "gouvernants responsables". On peut penser que les plus rusés de ce monde rient sous cape de la moquerie indirecte des "droits de l'homme", au service de l'Occident (droit au bonheur parfaitement inconséquent). Le tartuffe se garde de rire ouvertement de ceux qu'ils manipule. Laissons la philosophie allemande du bonheur à ceux à qui profite le crime de l'aliénation des masses et du culte de la chose sociale immonde.   

  • Guerre sans trêve

    - Ne jamais compter dans la vie sur personne. Surtout pas sur les personnes qui disent éprouver pour vous des sentiments et qui sont les plus faibles, comme le prouve leur attachement aveugle à l'existence.

    - Chacun pour soi est la règle sociale véritable ; l'apparente cohésion sociale vient du mouvement de fuite.

    - Se méfier des secouristes professionnels. Savoir reconnaître la main vraiment secourable qui sort du magma ordinaire des hommes pour la saisir. Ne pas s'étonner qu'elle soit rare.

  • Croix de Satan

    Il n'y a pas de société qui tienne sans l'éloge de la souffrance par ses clercs. On constate que pour inventer le socialisme chrétien, contre le texte et l'esprit, il a fallu recentrer la théologie autour de la "passion du Christ", c'est-à-dire des souffrances et l'assassinat que Jésus a subi de la part de la société judéo-romaine. L'acte masochiste par excellence dans l'Evangile, c'est le suicide de Judas Iscariote, auquel nombre de clercs chrétiens, tenant d'un christianisme dévoyé, sont susceptibles de s'identifier.

    Il est probable que les insultes dont Jésus-Christ continue d'être la cible, bien que celles-ci ne bravent plus aucun interdit et dénotent même d'un certain conformisme, viennent de personnes entièrement mues par une foi et une raison sociales. L'antichristianisme de Nitche ou de Maurras a le mérite d'être clair : il est fait pour servir la société. Si Shakespeare démasque aussi brutalement les "rois très chrétiens" d'Angleterre, c'est sachant cette vérité constante que ce sont toujours les élites qui sont intéressées au premier chef par le maintien de l'ordre social, ici et maintenant. Le temps présent est le pré carré où jouissent les élites, pendant que le peuple se nourrit de fantasmes et de lendemains qui chantent.

    Au stade capitaliste où nous sommes, époque de maîtres irresponsables de leurs esclaves, l'apologie de la jouissance sans entrave remplace avantageusement celle de la souffrance et du sacrifice, puisqu'elle aboutit au même résultat, à une frustration aussi douloureuse que le travail du paysan ou de l'ouvrier.

  • Purgatoire

    Si être, c'est aimer, tandis qu'avoir n'est que paraître, alors des milliards d'ectoplasmes doivent hanter la terre, âmes des propriétaires du présent, du passé ou du futur.

  • Exit la démocratie

    "La démocratie, c'est un truc de blancs riches pour posséder le monde." : certaines belles consciences républicaines s'étonnent ou s'indignent que les gosses des banlieues gobent de moins en moins la démocratie, préférant se fier aux lois du commerce et de la concurrence. Je prétends que, dans les banlieues, ce sont les musulmans pratiquants les meilleurs défenseurs de la République, c'est-à-dire qui prônent les moeurs les plus éloignées du "deal" ou du gangstérisme libéral. L'essence du libéralisme consiste à faire passer le viol et le vol pour normaux ou éthiques, y compris sur le plan artistique ou intellectuel, puisque le libéralisme procède du pillage d'autres pensées, qu'il s'efforce de faire passer pour originales. Si l'on veut une métaphore, les penseurs libéraux sont des coucous.

    Les musulmans partagent avec les tenants de la laïcité l'idée naïve qu'on peut "encadrer le commerce" et le soumettre à des lois raisonnables, à quoi l'histoire oppose le démenti le plus formel, puisqu'elle montre l'effet d'entraînement sur les lois.

    Les soupçons à l'égard de l'idéal démocratique sont confirmés par les industriels libéraux eux-mêmes, qui viennent de la mettre entre parenthèses en Italie afin de protéger leurs avoirs bancaires. Quand les caisses sont vides, la démocratie flanche, et l'idéal démocratique n'est pas loin d'être aussi stupide que  l'idée d'enrichissement sans cause à l'infini.

  • Pièges de la femme

    L'expression de "matrice" pour désigner le régime totalitaire dans lequel nous vivons a le mérite de souligner l'importance du préjugé mathématique dans l'inconscient de l'homme moderne robotique.

    Le robot et l'animal ont en partage d'être "inconscients", et que cette inconscience soit profitable à leur mode d'action et de réflexion ; l'humaniste combat au contraire l'inconscience comme l'ignorance. Du point de vue de Shakespeare, voire de Marx, ce combat doit s'achever par la fin du monde. Une image célèbre de la Renaissance illustre parfaitement la mécanique de l'inconscient, c'est celle représentant une femme se mirant dans un psyché, et la mort qui ricane derrière elle ; elle est parfaitement dissuasive de l'art religieux abstrait.

    On trouve l'avertissement contre "les pièges de la femme", dès l'antiquité juive, conforme au récit mythologique de la Genèse. La résistance des mythes au temps incite selon Bacon-Shakespeare à y déceler plus de vérité que dans les spéculations égyptiennes relativistes d'Einstein. C'est la résistance au destin qui résume l'effort de l'humanisme occidental, individualiste, tandis que le régime de la civilisation incline l'homme à s'adapter selon le droit naturel, jusqu'à devenir un singe ou un robot. La théorie de l'évolution elle-même est porteuse d'un négationnisme historique, et sa transposition dans la sociologie ou l'anthropologie est le fait d'esprits criminels. Si l'homme agissait toujours inconsciemment ou religieusement, comme c'est le cas sur le plan économique ou politique, alors le darwinisme pourrait passer pour vrai. Les anarchistes qui soupçonnent légitimement le "darwinisme social" de servir à justifier le régime d'exploitation libéral, après avoir servi le régime nazi, devraient s'interroger plus profondément sur les fondements scientifiques de cette philosophie économique bestiale.

    L'affinité entre le politicien et la femme est qu'ils promettent tous les deux beaucoup, mais tiennent peu ; les enfants ont raison de s'y fier parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement.