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Lapinos - Page 146

  • Philosophie à la jarretière

    Surmontant mon dégoût, je poursuis mon exploration de la planète féministe contemporaine. Après Caroline Fourest, faible rhétoricienne qui doit tout à son physique de playmate androgyne - Christine Ockrent, trop proche du pouvoir pour prêter une attention sincère à des peccadilles, qui s'attache surtout à brosser le costard de gentleman frimeur de son "compagnon” (de fortune), en regrettant seulement que celui-ci ait la dégaine de John Kerry et pas celle de Bill Clinton (Christine, tu t'es gourée de "partner", voilà où mènent les sentiments)… j'en viens tout naturellement à aborder le rivage de la docte Sylviane Agacinski.

    Celle-ci a été la compagne de route d'un des philosophes les plus emmerdants et les plus vains de toute la philosophie, auprès de qui Sartre peut passer pour un joyeux farceur (ce qu'il était), puis d'un des hommes politiques les plus emmerdants et les plus vains de toute la politique : c'est dire le parfum de sérieux qui flotte autour d'elle.
    D'ailleurs la philosophe a intitulé son ouvrage majeur La métaphysique des sexes, pas moins. Apprêtez-vous à échapper à l'attraction des frustes instincts terriens et virils, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs - par ordre de préséance alphabétique -, et à décoller pour de hautes sphères. Il se pourrait même qu'on frôle l'exhaustivité, ne vous étonnez pas si un "voile noir" vous aveugle à un moment où à un autre.

    J'espère que les misogynes "ultras" me pardonneront cette remarque que, de toute évidence, sur le plan théorique Mademoiselle Agacinski est nettement plus intéressante que ses deux mentors successifs. Sa compilation de la théologie et de la morale chrétiennes ne manque pas de rigueur et d'honnêteté. Ainsi Sylviane avoue être tombée sous le charme de Tertullien ; la jolie féministe qui tombe amoureuse du vilain machiste, c'est un grand classique ; en pratique Sartre était on ne peut plus phallocrate et le dévouement de Simone exceptionnel, allant jusqu'à torcher son monstre incontinent alors que son style de vie bourgeois aurait très bien pu l'en dispenser. Je suis même tenté de croire que Simone était une meilleure épouse que sainte Monique, essentiellement dévouée à son fils, elle, ce qui n’est pas exactement pareil.

    *


    C'est la thèse de Sylviane Agacinski qui est beaucoup plus "téléphonée", mais elle a le mérite de ne pas polluer toutes ses recherches antérieures, de venir juste en conclusion de sa Métaphysique. En effet, lorsque Sylviane A. parle de "la nature androcentrée de l'imaginaire chrétien", elle s'enfonce dans l'arbitraire, ce qui n'est pas tellement compatible, autant que je sache, avec un projet "philosophique" moderne.
    Il est bien évident que pour un chrétien, ce sont surtout les athées comme Sylviane A. qui ont l'imagination fertile. C'est comme si Sylviane A., elle, entendait s'ancrer plus profondément dans la réalité. Or qu'en est-il de la réalité athée et féministe ? Pour ce qui est des régimes communistes, bien qu'Arte ou d'autres organes continuent d'en donner une image nostalgique, avec un minimum d'histoire on se rend bien compte que l'égalité communiste, le divorce et l'avortement entièrement libres, n'ont pas élevé l'ouvrière soviétique à une dignité supérieure à celle des autres femmes.
    Pour ce qui est des régimes capitalistes, ils voudraient se parer de vertu en brandissant la bannière du combat contre les deux ou trois cent machos qui brutalisent leurs femmes, mais il n'y a pas besoin de gratter très fort le vernis démocratique de ces régimes pour voir qu'une seule loi morale y est en vigueur, la loi du marché. Et pour le "marché", comme ils disent, il n'y a pas de sexes ni de races, l'argent n'a pas d'odeur. Jospin ou Kouchner auraient-ils agi contre les "lois du marché" qui font de la femme de plus en plus de la chair à publicité, quand ce n'est pas un pur produit de consommation pornographique ?

    L'idée centrale de la thèse, bien qu'exprimée de façon sophistiquée, est simplissime à piger : l'“androcentrisme chrétien” serait une peur de la différence, qui entraînerait un refus de cette différence ; assortie d'un parallèle audacieux (ou foireux) avec l'universalisme des Lumières qui serait aussi une peur de la différence (culturelle). Femmes et noirs, même combat !
    L'inconvénient d'une thèse philosophique, c'est qu'on peut la retourner comme un bas à jarretière. Et si c'était l'égalitarisme athée, plutôt, qui était un refus de la science qui démontre les différences, un nivellement qui fait les affaires des entreprises capitalistes ?

    C'est dommage, Mlle Agacinski aurait pu se montrer encore un peu plus virile, se contenter de remarques historiques pertinentes, et nous dispenser de son bavardage philosophique.

  • La femme modèle

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    C'est sans doute pas une coïncidence si j'ai presque toujours eu le béguin pour des nageuses, rencontrées à la piscine, dans les rouleaux de l'Atlantique ou au bord d'un lac. Les femmes de tête ne me séduisent pas, je m'obstine à préférer les femmes de cuisses, de chevilles ou de tétons.

    À ce propos, on ne peut éviter la question épineuse de la symétrie, épineuse sur le plan des canons de beauté. En ce qui me concerne, j'ai l'œil exercé à remarquer le plus léger déséquilibre. Celui des tétons n'est pas le plus choquant, il est assez répandu. Mais un mollet plus gros que l'autre, cela rompt inévitablement l'harmonie, c'est gênant, quelles que soient par ailleurs les qualités de la femme observée, une épaisse chevelure dorée ou des chairs très fermes. L'admiration et le désir diminuent d'autant. Combien de fois j'ai été tenté d'aborder une femme dans la rue, puis, m'apercevant qu'elle avait un bras plus épais que l'autre, j'ai renoncé à mon projet ? Une fois que j'ai fait ce type d'annotation, je ne peux plus me l'ôter de l'esprit : « Cette fille a un bras plus gros que l'autre, cette fille a un bras plus gros que l'autre… », et cela signifie que je préférerai causer avec elle toute la nuit plutôt que de la croquer, ne serait-ce qu'une poignée de minutes.

    Ce désir de perfection n'est pas très original, on le retrouve dans l'art grec, bien sûr, qui marque les esprits, que de dépit on veuille le saccager, ou d'amour on veuille l'imiter. Mais ce désir de perfection, en ce qui me concerne, n'est pas aussi poussé s'agissant du visage ; à cet étage un peu de déséquilibre ne nuit pas, un nez tordu n'est pas forcément rédhibitoire. Qu'est-ce qui explique cette distorsion entre le visage et le corps ? Est-ce que le visage n'est qu'une partie du tout, une partie secondaire, ou est-ce que le visage est le lieu où se disent les idées, domaine superficiel où un peu de fantaisie est permis ?

    Un mathématicien pourrait être tenté de faire cette objection bénigne que la symétrie n'existe pas dans la nature, mais les mathématiques ne sont qu'une approximation naïve.
    La fierté des peintres véritables de savoir rendre les mains et les visages n'est pas contradictoire avec le propos précédent sur la symétrie. C'est que les mains et le visage s'écartent des schémas et sont d'autant plus difficiles à traduire en signes. Les mains et le visage pour les peintres, ça correspond un peu à l'imparfait du subjonctif des poètes.

  • La symétrie rêvée des femmes

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    Mon avis n'est pas celui d'un "expert en anatomie féminine", ça serait un peu prétentieux de ma part, néanmoins je crois que j'ai assez croqué de gonzesses pour pouvoir me permettre quelques observations.

    Le modèle idéal, c'est celui qui pose simplement, sans chichis, fier d'exhiber ses abattis, sans plus. Ça fait du bien de se sentir admiré, pas de doute, c'est le moteur de tous les modèles au service de la peinture ou de ce qu'il en reste, le fric vient après. Car comment ferait-on pour dessiner un objet, même une cruche, qu'on n'admirerait pas ?

    Souvent ces filles souffrent d'une certaine injustice. Dans la vie de tous les jours, elles passent parfois inaperçues. Telle cette Marion, dont je ne soupçonnai pas la valeur exacte lorsqu'elle se présenta à la grille l'autre jour, jusqu'à ce qu'elle se tienne nue, debout, en pleine lumière. À quoi tenait cette transfiguration ? Au caractère sculptural de son anatomie, la solidité des épaules et des jambes n'excluant pas la finesse de ses terminaisons, pieds, mains, oreilles ; quelque chose dans la texture de la peau aussi qui améliorait son modelé - tout à coup c'était une princesse inca et plus une fille banale sapée à la mords-moi-le nœud. Il faut dire aussi que le regard du peintre est forcément un regard qui rêve. Il y a des modèles sans grâce qui se tortillent, c'est même la majorité, on a envie de les casser en morceaux, d'en faire du petit bois. Souvent ces modèles sont maigres, ils ne tiennent pas en place.

    Les filles des photographes, de K. Lagerfeld par exemple, c'est tout l'inverse, les hommes se retournent sur elles dans la rue, parce qu'elles sont en couverture des magazines, sur les affiches du métro, et les chiens mangent ce qu'on met dans leur gamelle, ils voient rarement plus loin que le bout de leur instinct ; mais lorsque ces "top" modèles se foutent à poil, psschitt, circulez, y'a plus rien à voir. C'est le genre de filles qu'un mec veut surtout pour se faire mousser auprès de ses potes. Et il y a de pauvres filles pour se fixer cet idéal de beauté ! Dont certaines par-dessus le marché qui n'hésitent pas à se dire "féministes", ça fait partie de la panoplie.

    Il y a le cas aussi des peintres qui demandent à leurs proches de poser nu pour eux. C'est assez délicat. Dans l'absolu il vaut sans doute mieux coucher avec son modèle après qu'avoir couché avec avant, si on est capable de se retenir. Il me revient un exemple un peu différent : un vieux peintre que j'ai connu, pas franchement laid mais très ridé, raviné, et qui avait l'habitude de prendre pour modèle sa ravissante jeune fille de seize ou dix-sept ans. Je ne sais pas s'il le faisait pour ça ou par économie, mais toujours est-il que ça "épatait la galerie" ; il aurait pu faire une petite carrière rien qu'avec ce truc, dans le genre de Balthus, s'il n'avait pas été franchement trop nul. Je trouvais ça plutôt amusant, la dévotion de cette fille pour son vieux papa peintre ; si ç'avait été un photographe, je crois que ça m'aurait écœuré.

  • La fin d'un préjugé

    Mon pote Henri qui m'hébergeait pour la nuit a comme voisin un fils de millionnaire d'origine juive-méditerranéenne. Assez conforme à la caricature du fils de millionnaire, il se déplace en Porsche ZB12 - ou je ne sais quoi du même calibre -, porte des lunettes de soleil y compris par temps couvert, et s'asperge d'une eau de toilette à forte odeur de loukoum ; en revanche, très bien élevé, il me tient la porte pour m'aider à passer avec mon bardas, ce qui n'était pas une obligation, d'autant plus qu'il avait intercepté le regard indiscret que j'avais jeté sur sa femme.

    Les murs ont beau être d'une épaisseur rassurante, on peut les entendre Henri et moi à l'heure de l'apéro s'engueuler tous les deux comme des clébards, le raffût qu'ils font couvrirait pour un peu les pronostics et les paris que nous échangeons sur les prochaines élections… Elle hurle presque aussi fort que lui ! Merde, moi qui n'ai jamais rêvé d'être millionnaire, au contraire, sauf pour une chose, vivre à l'abri des récriminations d'une gonzesse, je suis désillusionné d'un seul coup. Je pensais qu'un collier de perles, une bague sertie de diamants par-ci par-là, et hop, on était assuré d'une paix royale… Apparemment ce n'est plus le cas, même les millionnaires aujourd'hui se font traiter par leurs femmes comme des prolétaires !

  • La fracture mentale

    Entre l'idéologie de l'égalité, idéologie qui se veut le comble du raffinement philosophique, et la réalité sociale, plus brutale, le décalage est flagrant.

    On se souvient de ce bouquin ubuesque, paru il y a un an environ, soutenant la thèse selon laquelle les noirs n’ont pas une bite plus grande que celle des blancs ou des jaunes, en moyenne, contrairement aux idées reçues. Et de l'interdiction d'en rire sur la place publique, étant donné que l'auteur de l'ouvrage était lui-même noir, ça c’est une certitude, et sans doute pas très bien pourvu, hypothèse plus personnelle. Je n'en jurerais pas, mais il est tout à fait plausible que ce théoricien de couleur ait même été invité à témoigner dans l'émission "littéraire" de Guillaume Durand.

    Dans le même genre de discours en faveur d'une plus grande justice sociale, on est habitué à entendre la doctrine selon laquelle les femmes ne se satisfont pas plus des grosses bites que des petites, sexuellement parlant ; les petits zizis n'ont donc pas de mouron à se faire, au contraire, leur modestie est prise pour une marque de tact par la gent féminine.
    Étant donné le désir refoulé d'une majorité de femmes occidentales de s'"accoupler" pour la vie de préférence à un homosexuel bien manucuré et bien peigné (et abstinent, si possible), il n'est pas étonnant que les nanas soient aussi nombreuses à défendre un tel parti-pris, sans réfléchir.
    Sur cette question de société, l'avis des hommes n'est pas recevable, étant entendu que le plaisir féminin leur échappe encore largement et qu'il faut plusieurs minutes à un homme moyen pour retrouver un clitoris en érection dans une chatte bien épilée.

    Un message publicitaire indésirable (mpi) parmi tant d’autres dans ma boîte, en provenance des États-Unis, me ramène à la réalité - ainsi formulé : « Hey, don't be the "littell guy" in the club! » On devine qu’il s’agit de fourguer un procédé quelconque pour se muscler l'"appendice à donner du plaisir aux femmes".
    La fréquence de ce genre de réclames pour des produits dopants indique deux faits ; le premier, c’est l’importance du marché des produits dopants aux États-Unis. Un marché de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Mais lorsque tout le monde sera dopé, tout le monde sera à égalité, non ? C'est ça qui est pratique avec l'idée d'égalité, elle retombe toujours sur ses pieds.

    La deuxième évidence c'est que le public yanki est d'une naïveté hors du commun. De cette naïveté on peut tantôt s'effrayer, tantôt se moquer. Aujourd'hui comme il fait beau et que je suis de bonne humeur, après le retrait de "facho-Chirac" de la vie politique (Et un fachiste de moins !), je choisis de m'en moquer.

  • L'air démocratique

    La démocratie, ça fait un peu penser à ces "parfums d'ambiance" que les bonnes ménagères des films publicitaires - le seul, le vrai cinéma sincère -, vaporisent dans les recoins nauséabonds de leur intimité/appartement/sphère privée (Si l'on ne zappe pas les longs métrages pour regarder la pub à la télé, on a peu de chance de comprendre dans quel monde on vit, et on perd un temps précieux, de façon générale.)

    Il suffit d'ouvrir en grand les fenêtres et le courant d'air emportera cette ambiance frelatée aussi vite qu'elle s'est installée, dira-t-on. Certes, mais il n'est pas prévu qu'on puisse ouvrir les fenêtres ni même la porte, et en attendant l'atmosphère est de plus en plus irrespirable.
    On a beau savoir cette idéologie démocratique assez volatile, n'empêche c'est étonnant de voir à quel point elle imprègne le quidam.

    J'en viens à mon exemple. Prenons un militant du Front national, par exemple, le type même d'individu peu suspect de se gargariser de principes démocratiques. Pourtant, à propos des signatures de Le Pen, sur un blogue militant, je lis qu'on se réjouit au Front national de la promesse de Sarkozy de venir en aide aux candidats à qui il manque quelques précieuses signatures, y compris Le Pen. Quelle confiance dans le système démocratique et les promesses d'un candidat !? Et si Sarkozy ne faisait que se garder du reproche qui pourrait lui être fait ultérieurement, au cours de la compétition, d'avoir fait obstacle à la candidature de Le Pen ?
    Un article du Monde a été enterré, et pour cause, c'était du temps où Le Monde misait sur Jospin, avant de miser sur Sarkozy. À cet époque, pas si lointaine, pour emmerder Chirac, Le Monde avait révélé que le Président avait fourni au grand méchant Le Pen les dernières signatures qui lui manquaient pour se présenter. Toute comptabilité effectuée, Chirac craignait que les électeurs de droite lui imputent l'absence de Le Pen et le lui fassent "payer" au second tour en s'abstenant. Question de tactique. Ce qui n'était que de tactique de la part de Chirac s'avéra être un coup de génie involontaire ensuite.
    L'hypothèse selon laquelle Sarko volerait au secours de Besancenot et de Le Pen uniquement par altruisme ou idéal démocratique paraît peu plausible…

    Dans la même veine, un autre militant de Le Pen me dit :
    « Ils n'oseront pas faire ça, empêcher Le Pen, le scandale serait trop grand !
    - Ben voyons,
    je lui réponds, qu'est-ce que vous croyez, que les citoyens vont descendre dans la rue pour défendre les droits démocratiques de Le Pen ? Hi, hi, quelle drôle d'idée ! De Gaulle s'est emparé du pouvoir par un coup d'État, comme Pinochet ou Castro, ça ne l'empêche pas aujourd'hui de passer pour un des pères fondateurs de la "démocratie" française… »

    Simone Veil, drapée dans sa vertu féministe et sa cote de popularité, apportant sa caution morale à Sarkozy, est à la démocratie ce que la mère Denis est à la société de consommation.

    NB : En réaction à la démagogie et au cynisme de "La Journée internationale des femmes", célébrée dans des pays qui collaborent en toute connaissance de cause au trafic de chair humaine sur Internet, sans distinction de sexe, de race ou de religion, le seul outrage à la féminité auquel les Occidentaux pourraient s'opposer avec efficacité, aucun commentaire de ce billet de mauvaise humeur par une femme n'est autorisé symboliquement aujourd'hui jusqu'à minuit.
    D'ailleurs malgré tous les efforts de la propagande pour faire porter des pantalons aux femmes, si elles sont de plus en plus nombreuses à regarder des matchs de foot, en revanche dès qu'on parle de politique ou d'histoire, elles ont encore beaucoup de mal à réprimer un bâillement.

  • La Guerre des sexes

    Aussi loin que ma mémoire remonte, j'ai toujours été misogyne. Je suis donc habitué aux sarcasmes à l'égard des gens de mon espèce et je dois dire qu'ils ne me font ni chaud ni froid, à force. « Les chiennes aboient, la caravane passe… ».
    Cet instinct premier s'est transmué petit à petit, au fil des années, en idéal politique et social, et il m'arrive de me documenter sur le sujet de temps en temps. À ceux qui voudraient se renseigner sur le "parti misogyne" avant d'y adhérer, je ne saurais trop conseiller la lecture de quelques ouvrages "éclairants" (en partant du principe qu'on a déjà vu ou lu, bien sûr, certaines pièces importantes d'Aristophane ou de Molière, deux "joyeux réactionnaires" incontournables).

    Au risque de me mettre une ancienne maîtresse à dos, Isabelle, qui brûle d'une vaine passion pour Éric Zemmour, chroniqueur politique au Figaro et chez Laurent Ruquier - pas plus tard que la semaine dernière elle me confiait au téléphone : « Zemmour est si courageux de défendre ses idées, seul face à la meute médiatique ! Il me fait vibrer ! S'il n'était pas aussi laid je coucherais bien avec lui… » - réflexion typiquement féminine - eh bien je dois dire que j'ai feuilleté l'essai à succès d'E. Zemmour mais qu'il ne m'a pas paru très sérieux (Le Premier sexe).

    Zemmour se perd en conjectures pour tenter d'expliquer la perte de virilité des hommes en Occident, concomittante à l'accroissement du pouvoir des femmes. Ces explications diverses ne sont pas très cohérentes. Il est vrai par exemple que l'Église catholique "drague" les femmes depuis longtemps et néglige de s'adresser aux hommes, mais l'Église catholique a perdu toute influence morale réelle sur la société depuis longtemps. En outre, peut-on dire que les deux pour cent d'hommes catholiques pratiquants restants en France sont moins virils que les autres ? En ce qui concerne les démocrates-chrétiens, c'est incontestable, ils sont à la limite de l'impuissance, mais si on fait une moyenne, je ne crois pas qu'il y ait une différence importante avec les païens, que les catholiques pratiquants soient plus "féminisés" que les païens. Le rôle joué par l'Église dans la promotion des idées féministes semble assez marginal.

    Zemmour signale par ailleurs la misogynie de certains auteurs dits "des Lumières", Voltaire ou Rousseau, en réaction à l'influence politique de la Pompadour. Je ne vois pas où il veut en venir ? Et puis c'est du bidon, la marquise de Pompadour les ménageait en tant que littérateurs de premier plan ; d'ailleurs il serait naïf de croire que Voltaire ou Rousseau ont eu de l'influence sur le cours de l'Histoire.

    Encore une explication foireuse : la terrible guerre de 1914-18 aurait durablement dégoûté les hommes de remplir leur devoir d'hommes !? Tout ça ne tient pas debout. Du reste on voit bien en quoi cette idée de "dévirilisation" des hommes est de nature à séduire les femmes d'aujourd'hui. Je suis persuadé que la majorité des lecteurs de Zemmour sont des lectrices de Elle ou de Madame Figaro. Peut-être pas les plus connes, mais quand même.

    Non, il vaut mieux lire un auteur plus sérieux que Z. lorsqu'on est un homme, un vrai ; même s'il n'est pas lui-même misogyne, l'historien Georges Duby, à travers une étude approfondie de la condition féminine dès le XIIe siècle, en arrive à la conclusion que la "guerre des sexes" n'est pas une nouveauté. Même lorsque le destin de la femme était entièrement entre les mains rudes et calleuses de leur père ou de leur mari, déjà leur tempérament les incitait à guigner un pouvoir plus grand, à s'émanciper, à la faveur de circonstances favorables telles que le décès de leur mari, ou son absence prolongée.

    À celles qui, sarcastiques, la ramènent avec le mythe "nitchéen" de la superfemme ("Überfrau") - l'homme ayant cédé une part de sa virilité à la femme en échange d'un peu de grâce féminine, main dans la main ces deux humanoïdes nouveaux atteindront ensemble le nirvana de l'accumulation maximum de biens de consommation courante et de loisirs culturels - à ces femmes inconséquentes, on doit cet avertissement : l'histoire des guerres montre qu'elles ne sont jamais plus violentes, plus longues, que lorsque les adversaires disposent de forces à peu près égales…

  • Le Rose et le Noir

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    De toutes ces femmes proches du pouvoir, Anne Sinclair, Marie Drucker, Béatrice Schönberg, etc., qui prennent les Français pour des veaux avec leur prétendue “impartialité”, celle qui m’est le moins antipathique, c’est Christine Ockent, la "Reine Christine". Rien à voir avec sa pomme d'Adam, qui faisait marrer mon paternel quand j’étais petit, non, je suppose que c’est parce qu’elle est belge - elle fait montre d’une arrogance inférieure à la moyenne de ses consœurs, ou, disons, d'une arrogance teintée d'ironie, ce qui la rend beaucoup plus supportable.

    En revanche elle ne se gêne pas pour faire de la propagande féministe, Madame Christine, profitant de sa position pour ça. Au fait de quoi se plaint-elle, n’a-t-elle pas un concubin célèbre, élancé, galant, "de gauche" et épargné par la calvitie ?
    Mme Ockrent apporte sa caution à un ouvrage intitulé Le livre noir de la condition féminine. Je suis bien obligé de le dire, en tant que "misogyne éclairé", je trouve ce bouquin scandaleux !
    D’abord le procédé éditorial : on se souvient qu'il y a tout juste quelques années un collectif d’historiens avait brisé la résistance et fait paraître un bouquin intitulé Le livre noir du communisme, afin de mettre un terme à des années d’omerta autour des crimes de Lénine, Trotski et Staline, et de tenter de faire savoir à l'opinion publique que les crimes communistes avaient été encore plus barbares et cruels que les crimes nazis - aussi difficile à imaginer que ça peut paraître.
    Le bouquin "marrainé" par C. Ockrent imite à dessein le titre et la maquette de la couverture de ce bouquin d'histoire. Faire un parallèle entre l’oppression dont sont victimes les femmes aujourd'hui dans le monde et les millions de morts en Ukraine, affamés par le régime soviétique, c’est faire un amalgame malhonnête ; si dans certaines parties du monde les femmes peuvent se plaindre d’être opprimées par les hommes, de n'être pas sur un pied d'égalité, elles ne meurent pas par dizaines de millions !

    En outre, cet épais cahier de doléances de mille pages s’intéresse à 99 % à la situation des femmes en Afrique, au Moyen-Orient, dans les pays musulmans en général… En Occident, la légende dorée du féminisme veut que la femme ait été libérée du joug de l'Église catholique par la contraception et le travail. Quid des femmes qu'on vend sur internet ? Le bouquin donne quand même un chiffre ; ce business, typique des démocraties occidentales, génère sept milliards de dollars par an environ. Quelques pages seulement lui sont consacrées dans ce dossier féministe. D'ailleurs jamais je n’ai entendu B. Kouchner lorsqu’il était au pouvoir suggérer qu’on tente de mettre un terme, au moins en France, à ce commerce juteux, à cette exploitation de la femme par l’homme (ou par la femme).

    Et si on s’élève d’un cran, c’est tout le système publicitaire - dont dépendent les médias et Mme Ockrent ! - qui est pourri. Utiliser le cul des gonzesses pour appâter le consommateur de sexe masculin, ça en dit long sur le niveau moral des démocrates capitalistes et leur mépris profond pour l'humanité tout entière, hommes et femmes confondus. La propagande féministe ne fait que dissimuler cette médiocrité.

    De grandes bourgeoises ont voulu cette guerre des sexes. Elles l’ont déclarée, maintenant elles l’attisent ; demain ce seront les plus isolées qui paieront le prix de leurs caprices de grandes bourgeoises, car il est à peu près certain que les femmes la perdront, cette guerre. Le Livre noir du féminisme reste à écrire.

  • La valse des étiquettes

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    L'éditorialiste de Charlie Hebdo, Philippe Val, fait un distinguo entre l'"homme de droite" d'une part, gouverné par ses instincts naturels, l’appât du gain, la violence, etc., porté par conséquent à dominer et à opprimer son prochain, et d’autre part l'"homme de gauche", poli par la culture, patiné par les "Lumières", enclin du coup à la générosité et à la solidarité. Manière sophistiquée de traiter son adversaire de droite d'imbécile.

    Au-delà de cette boutade destinée à divertir les happy few du show-biz, dont Val fait un peu partie désormais, ce que Val cherche à prouver, c’est qu'il mérite bien une place de philosophe, non pas au soleil comme Diogène, mais à la télé ou à la radio. C’est pas moi qui vais dire le contraire, après tout Val n’est pas plus inapte que Finkielkraut ou Onfray à manier des syllogismes propres à épater l’auditoire clairsemé de France-Culture. Et comme P. Val est aussi chansonnier, il peut même fredonner ses idées reçues, c’est encore mieux.

    N’empêche qu’il y a un fond de vérité ; depuis une cinquantaine d’année, c'est bien la "gauche" qui se charge de définir la "droite", et cette définition a quasi force de loi. Et le pauvre imbécile de droite de s’efforcer tant bien que mal d’échapper à ces humiliantes stigmates, en se démarquant de Le Pen, par exemple, ou encore en essayant d'avoir l'air aussi branché et cultivé qu'un "homme de gauche"…
    Voyez BHL ou Finkielkraut, ils adhèrent grosso modo à la politique libérale et vaguement conservatrice de Sarkozy, mais ils tiennent à préciser dans le champ de la caméra qu'ils sont restés des hommes de gauche, attention, ne vous méprenez surtout pas !… au cas où Sarkozy perdrait, et parce que dans le milieu des profs de philo on ne peut pas vraiment se permettre d’être un "homme de droite", ça fait désordre.

    Cette valse des étiquettes, dans le grand supermarché des idées reçues que la France est devenue, elle est assez logique. On compare juste les prix. Si on gratte un peu, on voit bien qu'en réalité il n’y a que des libéraux. Sur les trente-cinq heures par exemple, sujet qui passionne - ô combien -, ces pauvres tartes de gauche comme de droite, il n’est question que de la quantité de travail et de sa rémunération. Les libéraux de gauche ont foi dans la division (?), les libéraux de droite, eux, dans la multiplication (?). Insoutenable légèreté de ces êtres… Nul ne s’intéresse à la qualité du travail. Vaut-il mieux vendre des téléphones portables ou du pain Poîlane ? Vaut-il mieux être réassortisseur à la Fnac ou bouquiniste ? Le problème c'est qu'on ne peut pas répondre à ces questions de façon binaire.

    Pas difficile de deviner pourquoi, de Philippe Val à Nicolas Sarkozy, on est incapable d’un quelconque jugement moral. Une "éthique de langage", à la rigueur, mais des jugements moraux, surtout pas, c’est bon pour les curés intégristes ou les musulmans, la morale.

  • Tête de veau sauce vinaigre

    Une tête de veau endurcie d’une paire de cornes, celle des "muses" cocufiées sur la place publique, c’est le portrait de Guillaume Durand. Significative brochette de starlettes convoquées sur son plateau pour nous abreuver de laïus démocratique : Alain Finkielkraut, Bernard-Henri Lévy, Alain Minc, Michel Onfray - le carré des hyperténus.
    Aucune des quatre tares cardinales ne manque à l’appel : le sectarisme (Onfray et BHL), le libéralisme (BHL et Minc), l’existentialisme (Finkielkraut et Onfray), et le journalisme (Minc et Finkielkraut).

    Je philosophe à peine, car Guillaume Durand aurait très bien pu imaginer, si j’ose dire, de réunir sur le même thème permutable, “Tu votes Sarko ou Ségo ?”, d’autres professionnels du débat-citoyen : Sollers, Luc Ferry, Enthoven Jr, d’Ormesson, Sorman, qui sais-je encore ? C’est pas les volontaires qui manquent. Mais non, ceux-ci ne sont pas aussi exemplaires. Il fallait aussi que l'humour soit totalement absent pour que la démonstration soit parfaite. À la réflexion le débat a bien été émaillé par un ou deux sourires carnassiers de BHL et Minc, tout de même… mais pas un éclat de rire. Durand a un talent quand même, il sait mettre les pieds dans le plat avec ses gros sabots…

    (Admettons, hypothèse peu orthodoxe, que la charité m’impose, parmi ces quatre sinistres évangélistes, d’en sauver tout de même un ; c’est Minc que je choisirais. Le "petit mobile économique personnel", de la bande c’est encore lui qui l'incarne avec le plus de franchise et de naturel. Mais ça c’est "une question d’appréciation personnelle", chacun ses goûts comme on dit.)

  • Au moins Sunsiaré

    Misère de l'édition française. Au rayon "Fruits et légumes", il n'y a peut-être plus de saisons, mais je vous garantis que dans les supermarchés culturels il en va autrement. Après la rentrée littéraire, la saison des prix, voici venue la morte-saison des petites vendanges. Eva Kristina, Stéphanie Pollack, Fanny Carel, Camille de Peretti, Élise Fontenaille, Colombe Schneck, Cypora Petitjean-Cerf, Karine Tuil, Blandine Le Callet, elles me font penser à ces grosses pommes granny vertes, tellement dures qu'il est impossible de mordre dedans, mais que les ménagères achètent quand même parce qu'elles brillent.

    Elles ont un principe commun ces romancières, je regrette si j'en oublie : un style quelconque, imité d'un imitateur de Céline ou de Proust, pas trop de pages, pas trop de vagues, et surtout un bandeau avec la photo de leur frimousse presque jeune dessus ; c'est important que la consommatrice puisse s'identifier. Espoir de "jackpot"… Une chance sur dix ? Une chance sur cent ? Une chance sur mille ? N'importe, ça serait vraiment trop con de ne pas tenter sa chance, même si elle est infime, d'être un jour cotée au Salon du Livre, comme Amélie Nothomb.
    Sur ce segment de marché, les publicitaires ont l'imagination particulièrement frileuse, comme une ménagère qui attend la ménopause en bouquinant. Aucun éditeur ne tente le coup du jeune écrivain musclé exhibant une bite avantageuse en couverture. Je note tout juste un : « La critique et le public l'ont déjà épousée. » un peu vulgaire, mais qui suffira peut-être, qui sait, à distinguer la jeune mariée ?

    Au moins Sunsiaré était jolie.

    Sur la couverture du premier bouquin de Raphaël Enthoven, il n'y a pas sa photo avec un sourire ou un regard. C'est sans doute, pense-t-on, qu'on est dans le domaine de la littérature.

  • Marx au pays des menhirs

    Un peu plus et j'oubliais ce que j'étais venu faire dans ce rayon. Les bouquins de Marx et les bouquins sur Marx sont malheureusement classés au rayon "Philo" : contre le poids des préjugés, il est difficile de lutter.

    Yves Quiniou, ça tombe à pic, se propose de bousculer quelques-unes des idées reçues sur Marx. Décidément, après le Père Le Calvez, encore un Breton… On peut dire que la Bretagne participe à l'exégèse marxiste ! Il est vrai que Marx a été exilé dans le Morbihan, je crois - mais ceci est une autre histoire.

    Et puis des bouquins autour de Marx, il y en a des centaines, des milliers, une vraie jungle. Autant éliminer Jacques Ellul tout de suite, obscur penseur démocrate-chrétien qu'on réédite parce qu'il ne mange pas de pain ; fatras incohérent, même pas sûr qu'Ellul ait vraiment pigé le propos de Marx…
    R. Aron est plus intéressant, mais un peu trop "pontifiant" à mon goût, pas assez dynamique, un centriste de plus. Althusser n'est pas mal non plus, le cas d'un professeur qui étrangle sa femme, c'est forcément plus pittoresque que le cas d'un travailleur de force qui étrangle sa femme. Sur la différence entre la vision de Hegel et le regard critique de Marx, Althusser dit des choses intéressantes ; le seul problème c'est qu'il s'exprime sous le contrôle du PCF et que ça l'oblige à alambiquer son propos au maximum pour que les cadres du Parti ne le comprennent pas.

    Le livre de poche de Quiniou est assez clair. Sur Marx et la démocratie, par exemple : l'égalitarisme démocratique ne coïncide pas avec l'idée d'égalité qu'il y a chez Marx. L'idée du partage "équitable" des richesses, défendue par les terroristes de la Convention française, ou plus "médiatiquement" par Besancenot aujourd'hui, cette idée qui s'appuie concrètement sur la jalousie des moins riches vis-à-vis des plus riches, elle n'appartient pas à Marx. Ce que Marx explique et voulait combattre, c'est l'oppression du Capital, une oppression dont les capitalistes eux-mêmes sont les victimes. Un raisonnement "qualitatif", pas "quantitatif". D'ailleurs Marx méprise l'argent.
    S'il ne se trouve aucun homme politique pour répliquer à Besancenot qu'il est écœurant et ridicule à force de pédaler derrière la cassette du CAC 40 en prenant des airs de moujik joufflu opprimé, c'est parce que ce sont tous des libéraux - de droite ou de gauche. Au fond ils partagent le même idéal que Besancenot.

    De l'athéisme de Marx aussi Quiniou est précis. Peut-être ne va-t-il pas assez loin ? Sur les questions religieuses, j'ai tendance à me méfier des Bretons, des païens christianisés en surface, à l'image des menhirs christianisés qu'on voit parfois en plein champ de maïs génétiquement modifié.
    Bref, voici la citation de Marx que Quiniou commente en disant qu'elle n'est pas vraiment athée : « C'est l'homme qui fait la religion, ce n'est pas la religion qui fait l'homme. » Je dirais même plus, non seulement cette manière de présenter les choses n'est pas athée, mais elle est conforme au récit évangélique, puisque Jésus bâtit son Église sur les épaules d'un homme, Simon-Pierre. Cette citation peut choquer un protestant à la limite, mais pas un catholique. Maurras, par exemple, est plus choquant lorsqu'il réduit le christianisme à un mythe - sans parler des démocrates-chrétiens qui admettent la relégation de Dieu dans une sphère privée fictive en se fondant sur une interprétation truquée de l'Évangile de Matthieu.

  • Au rayon "Jouets"

    J'ai trois points communs avouables ici avec Raphaël Enthoven - Raphaël Enthoven de chez « Enthoven et Cie, Philosophes médiatiques de père en fils ». Le premier c'est que j'ai désiré coucher avec Carla Bruni. Quand j'avais seize ou dix-sept ans, un soir, devant le poste de télé, elle a même incarné pour moi brièvement l'idéal féminin. Au plan spirituel s'entend, car c'est son élocution qui m'a mystifié, l'Italie qui sortait d'elle, pas ses miches de rat. J'ai revu Carla Bruni récemment, pistonnée par son mari, dans une émission littéraire. Le charme s'est rompu. Je dois dire que les visages modifiés par la chirurgie esthétique me mettent très mal à l'aise. Il y a quelque chose de démoniaque dans ces faces à moitié momifiées.

    Le deuxième point commun, c'est que si j'avais couché avec Justine Lévy, je l'aurais certainement abandonnée aussi, comme Raphaël Enthoven. Si mon propos paraît obscur, c'est sans doute qu'il est philosophique.

    Troisième point : comme le titre du premier bouquin d'une longue série que Raphaël E. vient de publier l'indique, celui-ci considère la philosophie comme un jeu d'enfant. Là encore je dis : "banco" ! Dans le cas de Raphaël, j'ajouterais même : un jeu d'enfant gâté. Voyons un peu quels auteurs il cite dans son "premier bouquin" : Nitche, Cioran, Bergson, Schopenhauer, Montaigne… Ouf ! Non parce qu'à côté des pirouettes de Cioran, des galipettes de Montaigne ou des numéros de clown de Nitche, il y a des jeux d'enfants gâtés beaucoup plus chiants - comme Heidegger, Lévinas, Jeanne Arendt, voire Finkielkraut ou Steiner pour les enfants de la classe moyenne.
    Le cas de Raphaël E. n'est donc pas désespéré.

  • Petite mise à jour

    Chose promise, chose due, voici la mise à jour 2007 du Dictionnaire des idées reçues. Elle s'imposait vu que depuis Flaubert le climat a un peu changé. Si je ne m'abuse il y a une sorte d'accélération et les préjugés eux-mêmes ont tendance à s'user plus vite. Voyez la pédérastie par exemple : remise à la mode dans les années soixante-dix, trente ans plus tard la société la fustige unanimement, jusqu'aux sites ouaibe où l'on fait commerce de films et de matériel pornographiques ! Même les préjugés sont fragiles désormais…

    Mise à jour 2007

    - A -

    ACHILLE : Ajouter "le talon de”, ça donne à croire qu'on a lu Homère.

    ATHÉE : Personne peu influençable. Un peuple d'athées ne saurait périr.

    - B -

    BACCALAURÉAT : Graal moderne.

    BLONDES : Plus bêtes que les brunes.

    BONNE : Le repos du curé de campagne avant le Concile. Dire "Nounou" est plus correct.

    - C -

    CAPOTE (anglaise) : Dans le sac-à-main des jeunes filles rangées.

    CÉLIBATAIRE : Une vocation comme une autre. Le célibataire est surtaxé. Exige un héritier.

    CENSURE : Enfin abolie.

    CÉRUMEN : "Cire humaine", se l'ôter régulièrement pour mieux profiter des programmes télé.

    CHASSE : Réservée au brutes sanguinaires en voie de disparition. « Un lapin a tué un chasseur, pan ! »

    CHRISTIANISME : Une secte pas plus prospère que les autres, en définitive.

    CYNISME : Diogène était devenu un peu fou à force de s'exposer aux rayons du soleil.

    CLASSIQUES (les) : Ringards célèbres.

    COCU : S'accorde au féminin aussi. Tend à disparaître comme le mariage.

    COLONIES (nos) : S'indigner quand on en parle.

    CONCESSIONS : Le ciment du couple.

    CONVERSATION : Le sexe en est le sel.

    - D -

    DESSERT : Meilleur sans sucre.

    DICTIONNAIRE : Un volume rassurant. Larousse ou Robert ?

    DICTIONNAIRE DES SYNONYMES : Pourquoi tant de mots ? Pourquoi tant de dictionnaires ?

    DIEU : Confort intellectuel. Quelques personnes âgées y croient encore - inutile de les détromper.

    DIVORCE : Privilégier la formule dite "à l'amiable". Blesse moins les enfants que les bris d'assiettes.

    DOULEUR : Perversion des sens. La morphine n’a pas été inventée pour les chiens.

    DRAPEAU NATIONAL : En vente dans les stades de foot.

    DROITS : Nul n'est censé ignoré les siens.

    DOUTE : Est nécessaire pour croire.

    - E -

    ÉGOÏSME : Revers de la médaille.

    EMAIL : Pester contre les "spams". Seuls les snobs disent "courriel".

    ÉTÉ : Canicule. Il n’y a plus de saisons.

    - F -

    FAISCEAUX : À l'origine du fascisme. Ne pas oublier d’éteindre ses phares.

    FEUILLETONS : Principal sujet de conversation (Voir "conversation").

    FŒTUS : Terme technique. Amas de cellules vivantes potentiellement appelé à remplir la condition humaine. Intéresse l’industrie pharmaceutique.

    FONCTIONNAIRE : Juron répandu. Idéal répandu.

    FONDS SECRETS : Servent à acheter des petits fours.

    FOULARD : Remis à la mode par les musulmans. Cause d’hécatombes dans les cours de récréation. Hantise des instituteurs.

    FRANC-MAÇONNERIE : Dépassée par la Scientologie.

    - G -

    GRAMMAIRE : Vieilli. Mère Fouettard. Fait peur aux enfants et à leurs parents.

    GRAS : Matière bourgeoise. Ne pas dépasser 40 %.

    - H -

    HALEINE : La garder fraîche est un véritable sacerdoce.

    HUILE D'OLIVES : Vierge. Pressée à froid. L'italienne est la meilleure. Aphrodisiaque.

    HYSTÉRIE : Sans rapport avec l’utérus. Pas d'automédication ni de gifles. Consulter un psy.

    - I -

    IMPRIMERIE : Menacée de disparaître.

    IMAGINATION : Les enfants et Jacques Séguéla en ont beaucoup.

    INFANTICIDE : Pas de confusion possible avec l'avortement.

    INHUMATION : En chansons. La crémation permet d'éviter les vers.

    INNOVATION : Leitmotiv. Exemples marquants : le fil à couper le beurre, le string.

    INQUISITION : Peut revenir. Rester vigilant.

    - J -

    JÉSUITE : Sorte de prêtre particulièrement pervers. Porte un uniforme.

    JOUIR : Bruyamment.

    - L -

    LITTÉRATURE : Intimidante. Ni entr'acte ni pop-corn.

    LATIN : Déclin des déclinaisons : un scénario, des scénarii. Même l’allemand est plus utile.

    - M -

    MACHIAVEL : Ne pas l'avoir lu, mais le regarder comme un génie.

    MAHOMET : Misogyne ET polygame.

    MALADE : Ne pas dire qu'on est "en bonne santé" mais "hypocondriaque" si on veut être remboursé.

    MALTHUS : Incompris pendant deux siècles.

    MARSEILLAIS : Plus sympathiques que les Parisiens. Accent chantant (la "Marseillaise").

    MISSIONNAIRES : Ont inventé une méthode d'accouplement fastidieuse.

    - N -

    NÈGRES : Vocabulaire primitif.

    - O -

    OPTIMISTE : Citoyen vertueux.

    - P -

    PARADOXE : Se dit toujours sur le bd St-Germain, entre deux bouffées de cigarette light.

    PAUVRETÉ : Faible pouvoir d'achat. Épée de Damoclès. Investir dans la pierre.

    PÉDÉRASTIE : Amalgame utilisé pour flétrir les homosexuels.

    PHILOSOPHIE : La recette du bonheur. Existe en plusieurs parfums.

    POÉSIE : Elle est partout, surtout dans les aires d’autoroute.

    PRÉJUGÉS : Notre époque en a peu.

    PUCEAU/PUCELLE : Se percer l’hymen ou ronger son frein de toute urgence pour échapper aux quolibets.

    - R -

    RELIGION (La) : Le haschisch est la religion du peuple.

    RÉPUBLICAIN : Ça va de soi, mais ça va encore mieux en le disant.

    ROMAN : Peut rapporter gros.

    - S -

    SAINT-BARTHÉLÉMY : Prémices de la Choa.

    SUICIDE : Geste républicain. Jospin y a songé. Carence en vitamines et en fer.

    - T -

    TEMPS : Subjectif au début, de moins en moins vers la fin. Un temps peut en cacher un autre.

    - V -

    VOLTAIRE : Valeur sûre.

  • Pourquoi pas Flaubert ?

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    Pourquoi Flaubert ne figure-t-il pas au programme de mes lectures futures, pas plus que Balzac, au contraire de Villiers, Saint-Simon, Pound, Loti ou Gobineau, que je connais mal et que je désire approfondir ?
    Est-ce d’avoir été contraint d'apprendre Madame Bovary à l’école, parmi tant de matières oiseuses, qui explique cette allergie ?
    Ou ne serait-ce pas plutôt une adaptation filmée, profondément ennuyeuse, avec une actrice rouquine plate et laide, à contresens de surcroît, de Madame Bovary ? Ou est-ce encore de n’avoir pu dépasser les dix premières pages de Salammbô ni de Bouvard et Pécuchet ?

    Le Dictionnaire des idées reçues, ouvrage léger, a néanmoins retenu mon attention quelques instants - dans un souci d’analyse politique et sociale. Flaubert y raille les préjugés de son époque. J’ai d’abord été vexé de voir que je partageais quelques-unes des idées reçues des contemporains de Flaubert. Celle-ci en particulier :
    « MOUSTIQUES : Plus dangereux que n'importe quelle bête féroce. »
    (L'occasion de remarquer que, comme le reste, les préjugés s'héritent, car celui-ci est dans ma famille depuis longtemps et j'entends bien le transmettre à mes enfants potentiels.)

    Au terme de cette lecture, plusieurs constats sociologiques s’imposent :
    - Une courte majorité des préjugés contemporains de Flaubert a résisté à l’usure du temps. Voilà pour la continuité, mais concernant tous les préjugés qui touchent à ce qu’il est convenu d'appeler "la culture générale", elle-même toujours un peu "conventionnelle", on observe qu’ils ont disparu en même temps que cette culture générale-là. C'est rassurant : il n'est pas en définitive si ridicule de partager certains des préjugés de la deuxième moitié du XIXe siècle !
    - Incidemment j’ai noté un certain nombre d’idées reçues dont le postulat s'est inversé et qui creusent donc aussi un fossé entre notre époque et celle de Flaubert, et je me suis attelé aussitôt à une petite mise à jour - bientôt disponible sur ce blogue.

  • Dans la chaleur de l'hiver

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    Ayant connu des déboires avec plusieurs femmes intelligentes successives, j’étais bien décidé désormais à ne m’accoupler qu’avec une sotte. Je me mis à fréquenter plus assidûment le rayon "Développement personnel" de la Fnac des Ternes.
    Chercher une sotte dans une librairie peut sembler un paradoxe, mais le rayon “Disques” ou “Dévédés” était au-dessus de mes forces, de toute façon.
    « Connais-toi toi-même. », dit la sagesse grecque : c’est d’abord être conscient de ses limites !

    Ledit rayon grouillait et j’eus bientôt dans le collimateur le specimen désiré : une gonzesse très bien roulée, mais surtout très sotte ; aucun doute possible là-dessus, elle était en train d'éplucher un bouquin publié chez Odile Jacob, je ne sais plus trop lequel, un essai de Boris Cybernik, quelque chose dans ce goût-là.

    Je m’étais coiffé ce jour-là en arrière, pour découvrir le plus largement possible mon front, partant du principe que les grands fronts séduisent forcément les sottes, et j’avais enfilé, une fois n’est pas coutume, un pantalon en laine repassé ; les sottes aiment le repassage aussi.
    Je ne doutais pas dans ces conditions de faire mouche ; plein d’assurance, j’adressai donc à cette créature idéale un sourire aussi américain que possible, en m’inspirant du style un peu niais de Gary Cooper, par-dessus le bord d’un livre pris au hasard. Comme prévu, la réaction de la donzelle ne se fit pas attendre, elle se mordilla la lèvre. C'est à partir de là que les choses ont mal tourné… J’ai voulu faire une pause, changer un peu de regard, j'ai baissé les yeux et, machinalement, j'ai lu dans le bouquin qui me servait d'alibi :

    Mordillement des lèvres : Ce geste illustre un malaise évident. Elle a peur d’être dépossédée, s’il s’agit de sa lèvre inférieure. Elle est débordée ou surmenée si elle mordille sa lèvre supérieure.

    Quelle coïncidence ! Le nom de l'auteur : Joseph Messinger, un analyste du comportement corporel humain. La quatrième de couverture m'informa qu'il s'était déjà vendu deux cent mille exemplaires de ce traité des gestes et tics dans tous les rayons "Développement personnel" de France. Et, pour une fois, c'était mérité, Messinger y développait une vraie science, basée sur l'observation attentive, à mille lieues des supputations fumeuses de Freud ou de Boris Cytronchik.
    Mais lorsque j’ai relevé la tête, ma gonzesse n'était plus là, dame, elle en avait profité pour s’échapper. Vaguement dépité, je renonçai à la poursuivre dans les escalators.

  • Confessions intimes

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    J'ai fait un curieux rêve hier soir après avoir éteint la télé, feuilleté quelques pages d'un des cinq bouquins que je lis en alternance en ce moment, et m'être endormi sans effort. J'étais dans un vaste bureau en compagnie de Jean-Marie Le Pen. Il y avait un très beau Bouguereau accroché au mur. Tout indiquait dans ma posture, je me tenais assez raide sur une chaise, sur les genoux une serviette en cuir et sur l'oreille un crayon de bois, que j'avais été embauché comme secrétaire particulier par le Président du Front National. Pas depuis longtemps, parce que j'essayais de deviner en plissant les yeux les titres des bouquins dans les vitrines en attendant que le Président, penché sur une lettre, daigne m'adresser la parole.

    Je sais d'où vient ce rêve. Outre la confidence de Le Pen, l'autre jour, sur son manque de foi dans la construction européenne, j'ai retenu aussi qu'il s'apprête à écrire ses mémoires, pour régler des comptes personnels. Eh, eh, voilà qui est intéressant et qui nous change des bilans comptables et des estimations habituels. Déjà que je n'aime pas les chiffres, si en plus de ça ils sont bidonnés, je ne vois vraiment pas l'intérêt de se prendre la tête avec.

    Le Pen s'est raclé la gorge et m'a demandé quel titre je pouvais lui suggérer pour ses mémoires ? J'ai un peu bredouillé, vu que je m'attendais pas à cette question : « Pourquoi pas Les Confessions… comme saint Augustin et Jean-Jacques Rousseau ? »
    Il n'a pas eu l'air convaincu, ou alors c'est ma précision sur saint Augustin et J.-J. Rousseau qu'il a trouvée un peu impertinente ? J'ai essayé de me rattraper en disant que le coup de Rousseau, de faire planer la menace de révélations fracassantes et de ne publier ses mémoires qu'à titre posthume était génial, qu'il devait absolument l'imiter - qu'on pouvait même perfectionner l'idée…

    À ce moment-là, Marine est entrée en coup de vent, elle a traversé le bureau en trombe, elle a pris un dossier sur le bureau de son paternel, et elle est repartie aussi sec sans même m'accorder un regard… La suite du rêve m'échappe. La seule chose dont je sois sûr, c'est que ça se terminait pas en cauchemar.

  • A Handful of Dust

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    Des cérémonies religieuses de mon enfance je ne garde pas un souvenir aussi ému que Chateaubriand ou Brassens. Il est vrai qu'il est difficile d'avoir un souvenir plus ému de soi-même enfant qu'un inverti (léger) comme Chateaubriand !
    Et puis je n'ai pas connu le faste des cérémonies, aboli déjà depuis un laps, et qu'une nef sombre seule rappelait, et quelques ciboires massifs relégués dans un coffre ouvert à tous les voleurs. "Donner l'argent des autres", "Demander le pardon des péchés de son grand-père", "Prier aussi Bouddha", j'ai été élevé dans les nouveaux dogmes.

    Pas d'enthousiasme, mais pas de dégoût non plus, sauf pour la cérémonie du Vendredi saint. S'agenouiller devant une statue et lui baiser les pieds, je trouvais ça déshonorant et indécent. Je renâclais. Un fond de puritanisme ? Peut-être bien. Aujourd'hui, je m'agenouille sans effort, mais ce que je trouve ridicule, c'est le petit coup de chiffon de l'acolyte pour essuyer les pieds de Jésus crucifié, après chaque baiser ; ça me rappelle que l'Église n'a pas encore fini d'être hygiénique et démocratique. On peut prévoir un petit sursaut esthétique, dans un réflexe de survie, vers la fin, et puis plus rien, le désert ou la jungle.

    Mais n'anticipons pas ; aujourd'hui, mercredi des Cendres, le premier vicaire rappelle le règlement en vigueur : « Pour les personnes âgées de dix-huit ans au moins et en bonne santé, le jeûne est obligatoire, pas plus d'un "vrai" repas par jour ! »
    À ce régime-là, qui est le meilleur régime pour rester éveillé, si les catholiques étaient plus nombreux, on entrerait en récession économique !

  • Parallèle cubiste

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    C'est le hasard si je lis en ce moment en parallèle deux biographies, celle de Roger Nimier (1925-1962) et celle de Pablo Picasso (1881-1973). À première vue, tout semble séparer ces deux types. Pas de risque de confusion, j'ai pensé d'abord : autant Nimier est grand, autant Picasso est petit, autant Nimier est large, autant Picasso est pingre, autant Nimier est fidèle, autant Picasso est lâche, autant Nimier doute, autant Picasso est sûr, autant Nimier est anticonformiste, autant Picasso est communiste.

    Le hasard car je ne m'attendais pas à ce qu'on m'offre la biographie de Nimier par Marc Dambre le jour où j'ai acheté celle de Picasso par Arianna Huffington. J'étais prévenu contre la biographie d'Huffington ; elle est Américaine et je ne devais donc pas espérer beaucoup de subtilité psychologique de sa part. De fait, A. Huffington ne peut s'empêcher de réitérer sa désapprobation féministe dès qu'il est question des conquêtes de Picasso, à chaque nouveau chapitre par conséquent, alors que personnellement je trouve que c'est un des aspects les plus sympathiques du personnage. Néanmoins l'aspect documentaire de cette biographie m'attirait. A. Huffington a en effet compulsé bon nombre de bouquins et d'articles sur son sujet, avant de composer son ouvrage, et elle n'a pas "poussé les mégots sous le tapis".
    Même si A. Huffington préfère s'en prendre à la statue de Don Juan plutôt qu'à celle du Commandeur, on sent que déjà la gloire de Picasso entre dans l'ombre. Après tout Picasso appartient au moins autant aux Amerloques qu'à nous, ils peuvent bien jouer avec sa cote si ça les amuse.

    Plus sérieusement, ne peut pas se poser des questions sur l'art spéculatif - et je m'en pose quelques-unes -, sans se pencher un minimum sur les spéculations de Picasso, largement inspiré par un rhéteur plus habile que lui, à savoir Apollinaire. Madame Huffington les cite l'un et l'autre assez souvent. Un exemple comique de jugement de Picasso sur Pollock, par exemple :

    « Je suis contre ce genre de peinture : je crois que c’est une erreur de se laisser complètement aller, et de se perdre dans un geste, cette foi en l’acte pur me déplaît énormément. Ce n’est pas que je m’accroche à une conception rationnelle de la peinture. Je n’ai rien de commun avec un homme comme Poussin, par exemple. De toute façon, notre inconscient est si fort qu’il s’exprime toujours d’une manière ou d’une autre, en dépit de nous. »

    Il y a dans cet arrêt toute l'impudence naïve de Picasso, sa foi dans les idoles du moment. Il ne voit pas qu'il tend des verges pour se faire fouetter, ou plutôt il s'en moque, ses bêtises n'ont-elles pas toujours été couronnées de succès ? Quel besoin a-t-il lui-même, Picasso, de rajouter des arêtes, des angles et des saillies dans sa peinture ? N'y en a-t-il pas assez dans la nature ? Et puis, surtout, on ne peut pas jouer sur la spéculation et en même temps vouloir la stopper lorsqu'on le désire.

    À la réflexion, il y a quand même ce point commun entre Nimier et Picasso qu'ils sont tous les deux des génies précoces, gâtés par leurs mères. La spéculation non plus n'est pas étrangère à Nimier, elle est même sans doute plus spontanée chez lui. Et la vitesse, bien sûr, qui n'aura pas été fatale qu'à Nimier. Comme quoi on n'échappe jamais complètement à son époque.

  • Campagne profonde (2)

    Le piment de Le Pen, c'est qu'il chahute l'"establishment". La partie de tennis démocratique qui se joue, si Le Pen n'était pas là pour ruer dans les plates-bandes et chiper la balle de temps en temps, serait d'un ennui mortel ! Ou alors il faudrait deux femmes, et non pas une seule, qui se crêperaient le chignon sans retenue sous nos yeux.

    L'ennui mortel, en revanche, est typique de la littérature démocrate-chrétienne, de Paul Bourget (qu'on réédite !) à Éric-Emmanuel Schmitt ; en toute logique les démocrates-chrétiens haïssent donc Le Pen - du bout des lèvres, comme tout ce qu'ils font. S'ils n'avaient pas enterré le diable, ils penseraient : « Ce Le Pen est diabolique ! ».

    Aussi le spectacle de la métamorphose de Bayrou - qui essaie de "s'hybrider" pour les besoins de son élection -, est-il assez étrange. Il peine à trouver son style. Appliquer la recette de Le Pen ne suffit pas, encore faut-il avoir le tournemain… On dirait que Bayrou drague un type d'électeur qui n'existe pas, un électeur théorique (En dehors de fournir un nouveau sujet de conversation aux journalistes, je lui vois un autre point commun avec Chevènement, à Bayrou : un orgueil disproportionné.)
    Bon, mais j'ai du mal à rester concentré plus de deux minutes sur ce que dit Bayrou ; qu'il soit dans son costard de démocrate-chrétien ou dans son nouveau déguisement de Zorro, il me fait bâiller.

    Retour, donc, à Le Pen, tangent à l'hémicycle, pour reprendre une des ces comparaisons géométriques que les philosophes affectionnent tant. Il m'a fait sursauter l'autre jour lorsqu'il a avoué qu'il avait perdu sa foi dans l'Europe après être allé reconstruire des digues effondrées sur la côte hollandaise, lorsqu'il était encore étudiant. Il aurait de ce jour-là compris que le désir d'un destin commun n'existait pas dans la tête des citoyens des différentes nations européennes… En voilà une triste idée ! Aller chercher le sentiment européen en Hollande, primo, ça n'a pas de sens, les Bataves ont toujours combattu tout ce qui est latin, à l'exception de la monnaie latine.
    Deuxio, Le Pen a une curieuse conception de l'Histoire s'il croit qu'elle ne peut pas se passer des desideratas du peuple. Qui peut dire ce que désire le peuple ? Lui-même ne le sait pas.
    S'il avait fallu attendre le désir des Bretons d'être Français, les Bretons en seraient encore à échanger des fables dans leur dialecte et Le Pen ne saurait pas se servir de La Fontaine pour railler ses adversaires. Finalement il n'y a pas que Bayrou qui soit hybride.

    Je crains que ce sentiment de Le Pen, qui existait aussi chez Mitterrand et chez Chirac, ne trahisse en fait le vieux préjugé persistant des Français vis-à-vis des Allemands, entretenu par la République française depuis plus d'un siècle. Qui sait si dans quelques lustres, à cause de notre orgueil et de notre philosophie, nous ne serons pas obligés d'accepter de nouveau sans discuter toutes les conditions que l'Allemagne, réformée, nous dictera ?