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Lapinos - Page 146

  • Le pétrole et les idées

    Il y a un autre aspect de la civilisation yankie dont j'ai oublié de parler. Non pas la question de la politique étrangère néocolonialiste des États-Unis : je crois que quiconque compare avec honnêteté les méthodes coloniales françaises en Algérie aux méthodes néo-coloniales yankies en Irak est capable de tirer les conclusions qui s'imposent dans ce domaine.

    La question du melting pot yanki me revient en feuilletant un magazine pro-américain, papier de luxe, maquette soignée, avec beaucoup de photographies en quadrichromie ; Le Spectacle du Monde, ça s'appelle ; on nous promet du recul.
    On pourrait dire aussi de ce canard que c'est un canard "libéral de droite". Comment peut-on être libéral et de droite ? Mystère. C'est comme comment peut-on être démocrate et chrétien ? Remystère… La partition démocratique de la société en clans rivaux a produit des formules idéologiques assez bizarres, il faut bien dire.
    Peut-être Patrice de Plunkette - avec sa bonne tête de GI yanki -, a-t-il la réponse, lui qui incarne toutes ces contradictions ?

    Donc d'après un article dans le Spectacle du Monde, le melting pot est en voie de réussir aux États-Unis où les populations de races différentes se mélangent de plus en plus. Et de souligner le bénéfice de la politique de discrimination positive dans ce domaine, dont Sarkozy entend s'inspirer. Les gros sabots, quoi…
    La société yankie est à peu près stable, malgré les ghettos - ghetto homosexuel, ghetto noir, ghetto latino, ghetto chinois -, c'est vrai. Mais ce que l'auteur de cet article flatteur pour le melting pot oublie de dire, c'est que les bons sentiments, la morale démocratique ne sont pour rien dans cette stabilité. En fait d'amitié entre les races, c'est de manne en dollars dont il s'agit. Ce qui entretient la bonne humeur au États-Unis, c'est la croissance, la fameuse bulle spéculative. Qu'elle éclate et on verra ce qu'il reste des bons sentiments. Que les GI, en majorité des "blacks", contrairement à Patrice de Plunkette, se fassent massacrer en Irak, en Iran ou ailleurs, et on verra ce qu'il en est de la cohésion yankie. Il y a un autre pays métissé, plus au sud, et beaucoup moins riche, c'est le Brésil, et c'est un des pays les plus racistes au monde.

  • Campagne profonde

    Je ne sais pas si vous avez observé comme moi, c'est un phénomène typiquement démocratique, dès lors qu'un candidat est condamné à obtenir un score dérisoire, à partir de ce moment-là seulement on peut s'attendre à ce qu'il dise des choses sensées et qu'il s'élève ainsi au-dessus de la démagogie la plus grossière.

    C'est le cas de Dominique Voynet, qui se condamne elle-même à obtenir un score dérisoire, de peur de faire perdre Ségolène Royal. L'autre jour D. Voynet - beaucoup plus jolie à la télévision qu'en vrai, c'est la réflexion que je me faisais après avoir failli la percuter au sortir d'une bouche de métro avant-hier -, D. Voynet disait publiquement que la France est dirigée par les cinquante plus grosses sociétés capitalistes, et que c'est un obstacle politique majeur.
    Dominique Voynet nous fait partager ainsi le fruit de son expérience gouvernementale.
    J'ajoute tout de suite que je me tamponne du programme de Mme Voynet comme de ma première layette, les programmes politiques, c'est comme les constitutions, c'est fait pour les cons, les "blogueurs-citoyens", mais son diagnostic a le mérite d'être juste.
    Bien sûr que ça pose un problème d'être gouverné par Pinault, Arnault, Lagardère & Cie ! Il suffit de voir leurs goûts de chiotte !
    Je sais bien que cet argument-là n'est pas de nature à pénétrer ceux qui n'entravent que dalle à l'art, eh bien dans ce cas qu'ils fassent l'effort de se pencher sur la structure de l'économie yankie, qui nous sert de modèle de civilisation, c'est pas moi qui vais dissuader quiconque d'une analyse marxiste, évidemment…

    Je mets de côté l'industrie automobile, qui a fait la fortune de l'Empire américain et qui est en cours de délocalisation désormais. Non pas qu'il n'y a rien à dire là-dessus, ce phénomène de délocalisation est passionnant, comment un Empire peut abandonner pour des raisons économiques son industrie aux mains d'une puissance étrangère, ça n'est pas anodin ! On ne peut s'empêcher ici de penser encore à Marx pour qui le principal ennemi du capital, c'est le capital lui-même ; mais il faudrait analyser le phénomène de délocalisation de l'industrie américaine dans le détail, car le fait que cette industrie soit délocalisée en Chine ou en Amérique du Sud, par exemple, n'a pas la même incidence du tout.
    Je préfère prendre deux exemples plus simples et emblématiques. D'abord celui de la production de pilules. Comme chacun sait (il suffit d'avoir lu les premiers tomes de Lucky Luke), c'est un commerce florissant aux États-Unis, où on peut se procurer à peu près n'importe quelle poudre de perlimpinpin au drugstore d'à-côté, des cinq variétés de Viagra jusqu'à la créatine, les emphétamines, bref tous les produits dopants dont les papys et les mamies yankis adorent se gaver en regardant la télé. Sans les retraités yankis, on carburerait encore au Pernod-Ricard sur le Tour de France et Blondin continuerait de rédiger ses chroniques sportives…
    Lors du dernier banc d'essai de la revue Prescrire, la seule revue médicale indépendante de l'industrie, sur cent nouvelles spécialités médicales introduites sur le marché français, Prescrire concluait que trois d'entre elles, pas plus, représentaient une amélioration par rapport aux formules plus anciennes.

    Caractéristiques aussi de la structure de la fameuse "croissance des États-Unis" sont les bénéfices générés par internet et les services informatiques. Il est utile de rappeler comment s'est développé l'internet. Au cours des premières années, c'est la pornographie qui a généré l'essentiel des bénéfices. Sans la pornographie, internet n'aurait pas connu un développement aussi rapide. Je me rappelle cette étude il y a dix ans sur un campus français qui venait d'être connecté à internet : 80 % des connexions se faisaient vers des sites pronographiques.
    Le vernis moral dont internet essaie de se recouvrir aujourd'hui, avec des entreprises comme Google ou Wikipédia, a de quoi déclencher le sourire sarcastique de quiconque se situe au-dessus du niveau moral et intellectuel d'un gugusse comme Loïc Le Meur. Tout l'esprit de l'américanisme est là : une entreprise crapuleuse recouverte de bons sentiments à l'usage des gogos.
    La propagande consommatrice a pris le relais. On voit bien ici le cynisme d'un Guy Sorman, qui essaie de nous faire croire que le capitalisme est inévitable, alors que les gouvernements soutiennent la croissance en offrant des ordinateurs à un euro aux étudiants, et qu'on remplace l'apprentissage du latin par l'apprentissage de l'informatique avec la bénédiction des syndicats enseignants qui ne tiennent qu'à une seule chose : être augmentés - alors que la publicité matraque du matin au soir la nécessité de passer au haut débit lorsqu'on est un ringard qui n'a que de tout petits bits… Pour Sorman, la publicité est un truc naturel, probablement, qui sourd des murs et des caméras… Il faut dire qu'il en vit, du capitalisme, alors pourquoi le dénoncerait-il ? Là où Sorman a raison, c'est que les parasites dans son genre ne sont pas faciles à déloger.

    Mais le terme de "bulle spéculative" pour caractériser la tendance de l'économie yankie est très bien choisi, rien n'est plus gonflé de vent, plus brillant, ni en même temps plus fragile, qu'une bulle. Au fait, quelle mouche a piqué les Yankis de rompre avec leur politique de non-ingérence ? Après la catastrophe évitée de justesse du débarquement en Normandie, après le Vietnam, qu'est-ce qui leur a pris d'aller s'aventurer en Irak ?

  • La putain bourgeoise

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    On s'est longtemps figuré le capitalisme d'après les caricatures de Forain ou d'Hermann-Paul, comme un gros industriel qui fume le cigare en se frottant le ventre dans l'antichambre d'une grisette. Hélas, cette caricature est périmée ! Ainsi, dans le cas de BHL et de sa moitié, par exemple - je choisis exprès un exemple de capitaliste-philosophe -, dans ce cas on est bien obligé de constater les effets des régimes minceur, les efforts du capitalisme pour soigner sa télégénie. Même, pour éviter le cliché de la bourgeoise replète, Arielle Dombasle n'hésite pas à se déguiser en pute. En pute virtuelle, ça va de soi. Arielle nous fait le coup de la Goulue ; et BHL est son Lautrec, toutes proportions gardées.

    On mesure mieux le rôle précurseur de BHL maintenant que les petits sophistes de son espèce, toujours prêts à plaider la cause du système, se sont multipliés au point qu'il faut élargir les plateaux de télé pour leur faire de la place à tous et qu'ils se bouffent le verbiage philosophique sur le dos. Sans conteste, BHL, forcément un peu usé après toutes ces années de bons et loyaux services, BHL les dominait tous de la tête et des épaulettes !

    De tous les avatars de BHL, Guy Sorman est sans doute celui qui m'évoque le plus Pangloss, avec son faciès de saumon d'élevage surgelé et son petit sourire content. Il a trouvé la formule philosophique magique ; à qui ose critiquer le capitalisme américain, invariablement il réplique, et c'est comme une explosion de raison raisonnante : « Certes, mais qu'est-ce que vous proposez d'autre que le capitalisme ? »
    L'oligarchie capitaliste nous a poussés au bord d'un déficit profond ; économique, bien sûr, en orientant délibérément l'économie vers la production de gadgets et de services superflus de mauvaise qualité ; moral ensuite, en morcellant l'intérêt européen, notamment, en une multitude de petites revendications de consommateurs mesquins ; politique ensuite, en substituant au colonialisme brutal un néo-colonialisme beaucoup plus vicieux, dont il est difficile de distinguer les responsables, dissimulés derrière des raisons sociales abstraites, quand ce n'est pas derrière un discours humanitaire cynique ; au bord d'un déficit artistique enfin : où sont passés les poètes ? où sont passés les peintres ? Il ne reste plus que des philosophes binaires ou existentialistes… Alors, à question idiote réponse idiote : « À quoi bon vouloir changer un système qui a si bien réussi à Guy Sorman ? »

    D'ailleurs Guy Sorman revient d'un séjour d'un an en Chine. Il y a constaté la sévérité du régime communiste, malgré la conversion des dirigeants chinois au libéralisme économique. « Certes, mais que proposer d'autre que la Chine ? », voilà la conclusion de Guy Sorman.

    Les Yankis ont mis le poète Ezra Pound en cage, comme un singe. Tout un symbole… Puisque Sorman réclame des contre-propositions, je suggère qu'on flanque Guy Sorman et ses congénères, non pas dans des cages, il n'est pas question de s'abaisser au niveau des principes qu'ils défendent, mais dans un grand couvent vide, aux murs épais, afin que leurs points de vue philosophiques n'en sortent plus et que l'horizon soit ainsi un peu dégagé.

  • Con comme un blogueur

    La dernière mode dans les médias, c'est de flatter les blogueurs. Ils seraient plus attentifs, plus lucides que la moyenne. Moi je trouve au contraire les blogueurs très représentatifs de la connerie des Français, connerie qui les a poussés récemment à voter en majorité contre la constitution européenne, connerie qui les pousse à voir majoritairement dans le racisme et l'antisémitisme la cause de tous les maux, à se faire peur avec le cléricalisme catholique ou musulman, avec le réchauffement climatique, connerie encore qui les pousse à approuver deux cent ou trois cent mille avortements par an au nom de la liberté et des droits de la femme, afin que notre pays soit transformé le plus vite possible en asile de vieillards, etc., etc.

    Les journalistes officiels n'ont pas un discours plus relevé en moyenne que le discours officieux des blogueurs, mais au moins les journalistes se font payer, eux, poour écrire leurs bafouilles. Ils seraient donc plutôt moins cons, même si au plan moral tout ça n'est pas très reluisant. Quoi de plus logique de leur part, à partir de l'exemple de quelques blogueurs insignifiants dans le genre de Loïc Le Meur, que de flatter la "blogosphère" ? La flatterie n'est pas une ruse réservée aux politiciens…

    Certains de ces "blogueurs-citoyens" de mes deux se plaignent, paraît-il, du "niveau de la campagne présidentielle". Ils le trouvent bien bas. C'est un comble ! Il faut en tenir une sacrée couche pour ne pas voir que ce concours de démagogie auquel on assiste de la part des hommes politiques est exactement proportionnel à l'appétit des Français pour les promesses électorales bidons, les discours ronflants sur la laïcité, le drapeau français, le mariage homosexuel ou la sauvegarde des pandas.
    Si les politiciens sont démagogues, c'est parce qu'ils briguent les suffrages des gogos - gogos en ligne ou gogos déconnectés.

    La démagogie n'est pas un phénomène nouveau, mais elle se renforce de plus en plus, elle s'institutionnalise, au point qu'il devient presque impossible de régler le moindre problème concret désormais, même un problème simple comme celui de l'insécurité dans les banlieues.
    Un homme politique qui veut entreprendre une réforme aujourd'hui doit s'efforcer de le faire à l'abri du regard des citoyens, faute de quoi il est condamné à échouer. Le marketing d'une réforme demande plus d'efforts que la réforme elle-même.

    Prenons l'exemple des accidents de la route. C'est le seul domaine où Chirac, lors de son dernier mandat, a obtenu un résultat net, abaissant sensiblement le nombre de morts, malgré la pression du lobby de l'industrie automobile.
    Bien sûr, s'il avait fallu demander leur avis aux Français, ils auraient été contre les nouvelles limitations de vitesse, puisque ce que les Français réclament ESSENTIELLEMENT, du PDG sarkozyste au facteur trotskiste, les cochons, c'est l'augmentation du pouvoir d'achat pour pouvoir rouler plus vite !
    Depuis que la campagne présidentielle a commencé, pour ne pas mécontenter les automobilistes, qui, non content de conduire votent aussi, on a levé le pied sur les contredanses, diminué le nombre des patrouilles, et le nombre des accidents de la route a augmenté de nouveau.

  • Help !

    J'ai perdu une expression. Cette perte remonte bien à deux semaines déjà. Depuis l'automne dernier aux Puces de Saint-Ouen, elle ne m'avait pas servi une seule fois, et je me réjouissais à l'idée d'en faire de nouveau usage au sens figuré dans un courriel, quand ma mémoire m'a trahi.
    J'ai pris la chose calmement au début, pensant qu'après un petit verre et un clope ça irait mieux. Rien à faire, j'ai dû expédier mon courriel sans, après avoir gâché presque toute une bouteille de Côtes-de-Bourg. Forcément, c'est un peu vexant… Sur ces entrefaites je me suis pieuté, mais ça n'a rien changé vu qu'au petit matin, toujours rien.

    Quelques recherches sur internet ensuite n'ont fait que me mettre en rage et me conforter un peu plus dans l'idée que, décidément, internet est un outil conçu en priorité pour les jean-foutres !
    Que faire ? Je pourrais aussi bien poser la question à un antiquaire, vu que c'est une expression d'artisan, mais il n'y en a pas dans mon quartier, juste des brocanteurs.
    Téléphoner à ma mère, j'y ai pensé aussi, c'est le genre de personne qui a la réponse à coup sûr, mais elle risquerait d'en profiter pour me poser quelque question indiscrète, alors je préfère éviter de l'appeler.

    Il ne me reste plus, après un dernier effort de concentration infructueux, qu'à jeter cette bouteille à la mer. Quelqu'un sait-il quelle expression simple on emploie dans le métier de sculpteur, de menuisier ou de fondeur, pour désigner une pièce taillée dans un seul morceau, fondue d'un seul bloc, qui n'est pas le résultat d'un assemblage quelconque ?

  • Idylle contemporaine

    C'était à la Poste de la Rue des Saints-Pères, mardi, vers onze heures ; j'examinais avec attention une jeune femme - à peine, une fillette ! -, dans la queue : une brune un peu joufflue, l’air sensuel d'une gourmande au régime qui se retient de toutes ses forces de grossir et ses yeux brillent ; avec ça une paire de jambes bien droites, sculpturales, de loin le meilleur morceau.
    Et je faisais complètement abstraction du fait que cette fillette était dotée de la capacité de raisonner et de s'exprimer, quand elle a rompu la file, s'est approchée de moi et m'a dit en face :
    « - Hey, ça fait bien dix minutes que tu me dévisages, toi… T'as qu'à m’épouser maintenant ! »

    Malgré tout le sang-froid qu'on m'a inculqué (chez les boy-scouts, notamment), je crois que j'ai quand même eu l'air surpris. Ces derniers temps, la presse n'a pas manqué de se faire l'écho d'un regain d'enthousiasme pour le mariage, mais comme je prends tout ce que disent les journalistes pour du bluff, j'avais négligé cette information.
    L'effet de surprise passé, j'ai donné mon consentement, sans même m'enquérir du pedigree de cette demoiselle, putain ou pucelle ?, grande noblesse ou petite bourgeoisie ?, rien, pas même son prénom.
    Je n'ai pas voulu passer pour une mauviette à la Poste. Pour reprendre l'initiative, j'ai même suggéré qu'on passe à l'acte sans plus tarder ; le temps de poster ma lettre, trouver un hôtel, et je serais à elle !

    Tout se passait bien suivant ce plan dont la simplicité me séduisait de plus en plus, hormis l'intervention d'un nain grincheux derrière moi, le sosie de Pascal Sevran, qui, trouvant que je ne me précipitais pas assez vite vers le guichet qui venait de se libérer, m'a houspillé en zozotant. Je m'apprêtais donc à entamer ma lune de miel, pas la toute première mais presque, lorsque j'ai commis une gaffe… La guichetière était une jolie blonde un peu frisée. Elles ne sont pas toutes comme ça. Je lui ai rendu son sourire un peu triste (On le serait à moins, affronter de vieux luths comme Pascal Sevran toute la journée, ça ne doit pas être une sinécure !).

    J'en ai trop fait, peut-être ? Difficile à dire… Toujours est-il que lorque j'ai voulu tirer ma nouvelle fiancée par la manche en direction de l'Hôtel du Pas-de-Calais, elle s'est dégagée vivement :
    « Tu crois que j'ai pas vu le clin-d'œil que tu viens de lancer à cette pétasse ? Puique c'est comme ça, je préfère casser tout de suite ! »

    En la regardant s'éloigner, d'un pas qui mettait en valeur ses jambes que je n'ai pas oubliées, j'étais déçu, bien sûr. Mais pour me réconforter je me disais qu'avec ces jeunes filles modernes, c'est fou ce qu'on économise comme argent et comme temps, quand même…

    NDLA : Cette demi-nouvelle est une sorte d'hommage maladroit à au moins quatre écrivains à la fois, si vous n'avez que ça à faire, retrouvez lesquels. Un indice : ils sont tous morts.

  • Aristogiton

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    En principe je préfère m'abstenir de rompre le pain avec un libéral ; cette espèce de gauchisme-là n'est pas moins rasoir que l'autre.
    Pour le Vicomte de V., cependant, je fais une exception car c'est un marginal charmant. C'est sa façon de se croire intégré dans la société française qui est touchante ; en réalité il y est juste toléré.
    Il fait partie de ces pédés raffinés qui fréquentent assidûment les musées, les livres d'histoire, arpentent le centre de Paris la fleur au fusil, et, est-ce l'effet de son intelligence ou de son raffinement, je ne sais, mais la vulgarité du milieu homosexuel est devenue telle qu'il préfère ne pas entendre du tout parler des "gays", et pousse même le "vice" jusqu'à ne pas avoir d'amant.

    J'accepte de me faire payer à dîner, quitte à passer pour une jeune personne entretenue aux yeux des serveurs, mais pas question de me laisser marcher sur les pieds. Aussi quand mon ami le vicomte commença à m'entreprendre sur les mérites de Sarkozy, je l'arrête net. Qu'il vote pour Sarkozy parce qu'il a en commun avec lui d'être d'assez vieille noblesse, fort bien, mais je ne vais pas me laisser enfumer comme ça par des arguments plus irrationnels.
    Immanquablement, on en vient ensuite à parler de la politique des États-Unis, que Sarkozy est bel et bien censé représenter en France dans l'esprit de certains, même si tout ça ne rime à rien. Elle est idiote, cette foi aveugle dans l'Empire américain !
    Pour le débouter définitivement, je lui demande de me citer un nom, ne serait-ce qu'un nom, d'écrivain nord-américain qui a un tant soit peu de hauteur… Sa réponse : Truman Capote !?

    Ça me rappelle une citation d'Edgard Poe, à ce propos, sur une jaquette, pour élever un peu le niveau :
    « Dans les lettres comme dans la politique, nous avons besoin d'une Déclaration d'Indépendance, et surtout - ce qui serait mieux - d'une déclaration de guerre ! »

    Cette guerre il semblerait que les Yankis l'aient perdue bien avant celle d'Irak.

  • Petit traité d'art contemporain (4)

    Dans la vulgate ou le jargon sur l'art contemporain, Jean-Philippe Domecq croit nettement distinguer l'influence d'une tournure d'esprit marxiste. C'est marrant, moi j'aurais plutôt vu l'influence de toute cette philosophie importée de Pologne, de Prusse ou du Danemark, les Kant, Kierkegaard, Heidegger, tous ces "boulets" que la pensée occidentale charrie - jusqu'à quand ?

    La preuve de notre désaccord sur ce point, c'est que Domecq cite Finkielkraut dans son essai, alors que selon moi on ne peut pas prétendre au sérieux ET citer Finkielkraut, c'est incompatible ! La pensée de Finkielkraut est en effet l'exemple typique d'une pensée qui s'adapte en permanence aux circonstances. Ou bien ce sont les circonstances qui sont adaptées à Finkielkraut ? J'hésite…

    Bon, mais sans doute Domecq n'a-t-il pas lu attentivement Finkielkraut… Peu importe. Qui de nous deux a raison ? Marxisme-hégélianisme ou existentialisme ? Un mélange des deux ? Le fait est qu'il n'y a aucune cohérence dans la vulgate de la critique d'art contemporaine. Qu'il s'agisse de Jean Clair, de Jacques Thuillier, de Catherine Millet, d'Yves Michaud ou d'Apollinaire (« Si la peinture de Matisse devait ressembler à un fruit, ça serait à une orange. »), chacun a ses petits trucs, joue sa petite partition personnelle. C'est un sabir en plus d'être une vulgate.

    Que faut-il en déduire ? Que Domecq se trompe ? Que je me trompe ? Ou que la critique d'art n'a pas beaucoup d'importance ? Dans ce cas-là je ferais mieux de me taire et d'aller nager un peu…

  • Climat démocratique

    Le réchauffement du pôle, la grippe aviaire, la bombe atomique iranienne, Le Pen au second tour, tous ces périls finissent par s'annuler les uns les autres et les bons citoyens continuent stoïquement de faire leurs courses et d'arrêter de fumer.
    Ce qui ne s'annule pas en revanche, et ça m'inquiète beaucoup plus que la disparition des ours blancs et l'immersion des plaines bataves, c'est tous ces débats démocratiques, toute cette sous-littérature de circonstance, en très très nette inflation.

    Affiches géantes dans le métro pour des films désolants, pour le dernier bouquin de Jean-Christophe Ruffin… Les publicitaires feront-ils faillite, au moins, si la grippe aviaire contraint les Français à rester cloîtrés chez eux pendant un mois ? Dans ce cas, vite, une prière pour la grippe aviaire !
    Ce Ruffin, c'est une vraie catastrophe culturelle à lui tout seul. Je peux pas supporter sa tronche de furet. À partir de maintenant, le premier qui me parle du désintéressement des French doctors, je le mords.

    Pourtant l'autre jour Ruffin râlait contre les écolos qui ont remis à la mode les théories malthusiennes, j'aurais dû être content… mais c'est complètement dément, Ruffin lui-même est un des représentants les plus médiatiques de la politique malthusienne menée en Afrique par les ONG et les organisations internationales… avec le résultat qu'on sait.
    De Malthus, Ruffin est passé à Darwin ; « Touche pas à mon Darwin ! », c'est tout ce qu'il a su dire sur ce sujet. Étonnante, la fortune médiatique de Malthus et de Darwin, contre le cours de la science ? Non, rien de plus logique ; c'est quand même plus facile d'expliquer la théorie de Darwin à la télé que celle de Gould, celle de Dawkins, ou même celle de Mendel.

    Si on m'avait dit quand j'avais quinze ans et que je pestais contre ma prof de sciences nat. qui m'obligeait à torturer tout un tas de pauvres bestioles qu'un jour je défendrais les scientifiques contre les barbares, je ne l'aurais pas cru.

  • Bloy à la télé

    Un débat à la télé pour essayer de faire le point sur le niveau de la critique littéraire en France. Pour représenter la critique : Jérôme Garcin et Arnaud Viviant. Vu le niveau de ces deux argousinets de la pensée, je pourrais aussi bien aller me coucher…

    Quelques "images d'archives" sont rediffusées, montrant Edern-Hallier flanquant à la poubelle un bouquin de Labro par-dessus son épaule, avec dandysme. Et Viviant, petit critiquelard démocratique sur France-Inter, de s'offusquer devant ce qu'il prend pour de la désinvolture de la part d'Edern-Hallier. Pour se faire bien voir, il ironise sur le fait qu'E.-H. était aveugle, et que par conséquent comme critique littéraire… Comme s'il était besoin de lunettes pour deviner que la littérature de Labro n'a que deux fonctions complémentaires, la première laxative, la seconde hygiénique. "La littérature sans estomac", c'est encore trop gentil pour parler de la littérature de cabinets.

    C'est Marc Dambre dans sa grosse bio. de Nimier qui observe que celui-ci avait la "religion de la chose écrite" - à ne pas confondre avec la religion de la chose imprimée vendue sous le nom de "livre".

    Viviant s'enfonce encore un peu plus, concluant l'émission en disant qu'il adore David Lynche.

  • Petit traité d'art contemporain (3)

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    On peut être tenté parfois de recueillir l'absurdité à laquelle on est désormais quasi-quotidiennement confonté pour esquisser un portrait de notre époque au ras des pâquerettes.
    Ce ne sont pas les exemples qui manquent, de phrases, de gestes, de politiques, d'objets, d'ouvrages, de personnages ou de situations, comme ces gens qui éteignirent tous la lumière hier soir au même moment pendant cinq minutes en pensant ainsi accomplir un acte moral, une B.-A. démocratique, avant de s'en retourner à leur petite "existence" bourgeoise bien éclairée et bien chauffée, sans oublier de se brosser les dents avant de se coucher.
    Un pour cent seulement de nos concitoyens, me direz-vous, mais le problème c'est qu'ils sont censés incarner l'élite, la crème du pays !

    On peut être tenté, oui, mais qui un telle collection de petits bobards civiques ou philosophiques intéressera-t-elle dans cinquante, cent, ou cent-cinquante ans ? Personne. Les historiens du futur se pencheront sur quelques exemples saillants, la littérature de Robbe-Grillet, le musée Pompidou, la philosophie de Derrida, le cinéma français, et puis basta, ils passeront à une époque plus intéressante. Ah, j'allais oublier, un petit détour par les écrivains ayant prophétisé et tourné cette absurdité en dérision, Allais, Jarry, etc., ne leur fera pas de mal ; il soulagera le malaise qu'ils ne manqueront pas d'éprouver en remuant toute cette poussière. Mais les détails qui font l'air du temps ? On ne peut pas tout conserver, d'autant plus que notre civilisation produit énormément de déchets.

    En attendant, il me revient une anecdote, lorsque j'apprenais le dessin, une réflexion d'un professeur respectable. Il observait dans mon dos ma méthode, tout à fait capable de distinguer la syntaxe de chacun des élèves de son atelier, quand il me dit, l'air mi-inquiet mi-amusé : « Si vous continuez comme ça vous allez finir par peindre comme Fragonard ! ». L'incongruité de son propos me choqua au point que je ne pus ensuite faire autre chose pendant tout le restant de la séance que du barbouillage. Ce prof avait mis dans ma tête à la fois l'idée que j'avais effleuré le bas du manteau de Fragonard de mon pinceau, et l'idée que le manteau de Fragonard n'avait plus désormais que la valeur d'une vieille défroque. La vanité et la colère s'entrechoquaient dans mon esprit et me déconcentraient.

    Si je me permets de vous ennuyer avec cette petite histoire banale, c'est parce que je la crois significative. Certes, ce professeur n'était qu'un professeur et pas un maître, mais c'était loin d'être un imbécile. Il avait étudié aux Beaux-Arts de Paris mais en avait retenu des choses concrètes, précises, aussi surprenant que ça puisse paraître. Il était même possible avec lui de causer de peinture et d'art. Il comprenait ça de l'intérieur, ce qui est forcément plus intéressant que le point de vue de celui qui cherche à expliquer les choses de l'extérieur, aussi "sérieux" soit-il.
    Hélas la philosophie qu'on lui avait inculquée aux Beaux-Arts lui avait fait perdre le sens de la peinture. Disons le sens "grec", pour synthétiser. Il était incapable de penser les choses en termes de destin commun et ne voyait qu'une addition de petites justifications, de petits projets, de petites existences individuelles comme désolidarisées les unes des autres.

    On comprend ainsi l'importance de Picasso, philosophe-peintre. L'importance, non pas dans le sens où Picasso est décisif, je ne le pense pas, mais dans le sens où Picasso est la clef de voûte. L'existentialisme repose sur lui, il est le maillon le plus solide, parce qu'il est le plus complexe, plus complexe que la peinture de Cézanne par exemple, dont l'architecture est trop voyante, pas très maligne à côté.
    Picasso n'a aucune descendance artistique ou presque - qui s'intéresse encore à Lhote ou Friesz ? Mais il a une descendance philosophique. Dans le domaine de l'existentialisme, Heidegger ou même Sartre sont des avortons à côté de Picasso ! Parce qu'un petit schéma vaut mieux qu'un long discours…

  • À l'école de Madiran

    Marie Drücker, qui présente l'actualité tardivement sur France 3, faisait son devoir de journaliste il y a quelques jours en dénonçant à Serge Klarsfeld l'existence de blogues "négationnistes" (Ah bon, où ça ? Et suis-je moi même un "négationniste" si j'ose dire que de tels blogues n'existent pas ?).
    Mademoiselle Drücker suggérait ainsi à Serge Klarsfeld d'aller à la chasse aux nazis sur internet… Quand elle sera enfin purifiée de toute trace de nazisme, la France se portera mieux, semble penser cette petite dinde médiatique hors prompteur. S'il n'y a pas un fond de protestantisme hygiénique dans cette idée-là…

    Mais Klarsfeld, de l'air magnanime de celui qui a d'autres chats à fouetter, de répondre à la novice qu'on peut assimiler ce qui se dit sur les blogues à de la correspondance privée, et donc laisser pisser.
    Ce décret de Klarsfeld résume bien l'esprit de la censure démocratique. Ce qui caractérise les blogues, ce n'est pas leur caractère privé. Ne nous répercute-t-on pas les lapalissades de Loïc Le Meur à longueur de semaine dans tous les médias officiels ? Non, ce qui caractérise la plupart des blogues, c'est la confidentialité.
    Le critère de Klarsfeld, ce n'est pas le respect de la vie privée ni même opinions privées, ce qui compte c'est que ce qui se dit sur la plupart des blogues, "a fortiori" s'ils sont anticonformes, ne rencontre pas d'écho. Pour renforcer ce système, il conviendra de faire l'apologie du journaliste officiel, qui, lui, en professionnel, contrôle ses sources (Et Timisoara ?).
    Tandis que sous Louis XV, pour prendre un exemple sur lequel je me suis aussi documenté, le souci d'être efficace est déjà là, bien sûr, mais ce n'est pas le seul souci. Lorsque Louis XV fait arrêter Diderot à cause d'un petit conte érotico-philosophique, Diderot n'est pas très connu ; c'est aussi pour le principe qu'on lui met le grappin dessus. Il suffira ensuite à Diderot de faire ses plus plates excuses et de jurer de ne pas recommencer pour être libéré assez rapidement. L'affaire est presque un bon coup de pub pour le philosophe qui n'a pas souffert, loin s'en faut, de ses conditions de détention à Vincennes, accédant même à la bibliothèque du Gouverneur de la prison, et faisant le mur pour aller surveiller sa maîtresse au bal. Tout ça ne fait pas très sérieux, n'est-ce pas ? En démocratie, on est beaucoup plus efficace - sans être à l'abri de la gaffe d'un fonctionnaire zélé pour autant, nul n'est parfait. Tel David Irving qui lorsqu'il fut arrêté l'année dernière et jeté en prison en Autriche, était quasiment inconnu et a ainsi accédé à une petite notoriété qu'il n'aurait pas récoltée si on l'avait laissé circuler librement.

    La "déontologie journalistique", comme disent les démagogues qui parlent de morale en termes techniques comme s'ils parlaient de lavements, la déontologie devrait bientôt nous priver de l'air de chien de race battu que prend Marie Drücker pour égrener le chapelet des bonnes et des mauvaises nouvelles, entre deux débats truqués organisés par le cocker Taddéi. On a en effet découvert que la Drücker était la maîtresse de François Baroin, l'ex-jeune premier chiraquien, maire de Troyes, l'andouillette la plus triste qu'on ait jamais servi depuis longtemps en politique…
    Scandale médiatique ! Non que la République soit prude, certes pas, elle est tolérante, c'est leur affaire à Marie et François s'ils veulent coucher ensemble dans leur Sphère privée***, mais l'électeur, ont-ils seulement pensé à l'électeur dans leur élan ? C'est qu'il est si sensible, l'électeur, un rien le fait foncer comme un mouton affolé d'un extrême à l'autre du champ !
    Il y a bien des juristes, des messieurs en apparence très sérieux, donc, qui planchent sur une solution constitutionnelle pour éviter à l'électeur ces funestes écarts de conduite et pour l'aider à voter comme il faut. Le modèle américain séduit beaucoup. Mais tant qu'on n'a pas trouvé la recette miracle, il convient d'être prudent. Après ça, il y aura grande partouze filmée entre ministres et animateurs du JT, entre élus locaux et correspondants de la presse locale ! Il y aura du champagne, de l'andouillette et du caviar pour plaire à tout le monde ! Parole d'homme politique/journaliste !

  • Les Sept Samouraïs

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    Il y a un dissident français que je respecte depuis longtemps, c'est Jean Madiran, que je me garderais de qualifier de "philosophe". Son combat pour la liberté de la presse force le respect. Je le range parmi les "Sept Samouraïs", même s'il est moins japonais que Nabe ou D. Venner.
    La vindicte de Colombani, le directeur du Monde, qui tenta en vain de le faire taire en réclamant des centaines de milliers de francs de dommages et intérêts devant les tribunaux, est un signe qui ne trompe pas. Il n'y a pas d'arrangement possible avec Madiran, pas comme avec Pierre Péan.

    Cela posé, je dois dire que la démonstration antimarxiste de Madiran ne me convainc pas. Madiran est maurrassien, ça veut dire qu'il a forcément un peu la tête dans les nuages - Maurras, c'est "trente ans d'inaction française", comme a dit un railleur.

    Le reproche que Madiran fait à la dialectique marxiste de nuire à la vérité, en lui substituant la notion de progrès, n'est pas justifié. Il ne faut pas confondre les marxistes imbéciles, dans le domaine de l'histoire de l'art ceux qui voient en Lautrec une préfiguration de Picasso, par exemple, ou en Géricault une préfiguration de l'artiste contemporain "expérimental", et Marx lui-même. Il ne faut pas confondre l'original et la caricature. D'ailleurs le "sens de l'histoire", c'est une notion plutôt hégélienne, et Marx se démarque nettement de Hegel.
    En quoi la dialectique marxiste est-elle un outil très différent de la dialectique grecque ? Thèse, antithèse, synthèse ; sauf que chez Marx la synthèse n'est pas définitive. Marx juge qu'on ne peut atteindre l'objectivité absolue par la pensée, mais il ne dit pas que la vérité n'existe pas. C'est au contraire un passionné de la vérité, un anticommuniste en somme.

    Il y a bien des cacouacs qui collent sur Baudelaire l'étiquette d'"antimoderne", d'autres sur Bloy ou Claudel celle d'écrivains "philosémites", d'autres encore qui font de Péguy un philosophe existentialiste, tout ça pour se faire mousser eux-mêmes… Faut-il rendre Baudelaire, Bloy, Claudel et Péguy, responsables de ces billevesées ?

    Madiran, il me semble, fait abstraction de l'intention des caricaturistes. Si Dagen, critique d'art officiel au Monde, s'efforce de faire de Géricault un peintre expérimental, c'est pour pomper un peu de sa force à Géricault et tenter de la réinjecter dans le bordel de l'art moderne dont il est un des tenanciers. Dagen n'est pas si con, il sait parfaitement que Géricault est avant tout un peintre expérimenté. Le dindon de ce discours, c'est le lecteur du Monde. Il y a bien au départ une intention de tromper son monde et le "sens de l'Histoire" n'est pas en cause ici.

  • Victimes non consentantes

    « Regarder la télé rend parano ! » dit Polac. Sur ce point je suis d’accord avec lui. De voir Jean-Philippe Domecq apparaître dans des émissions de propagande grand public, je trouvais ça louche, je pensais que d’une manière ou d’une autre, il n’était pas libre de s'exprimer. Le système ne va pas se saborder en offrant une tribune à un trouble-fête, logique…

    Mais comme j’avais tout pour m’intéresser à Domecq, étant donné que je fais partie comme lui des victimes non consentantes de l’art contemporain, la curiosité a fini par l’emporter et j’ai acheté son essai (Artistes sans art). Pour faire court, c’est un essai honnête, un discours sincère dans lequel je me retrouve.

    Je vois Domecq comme une sorte de samouraï désabusé qui pourfend la bêtise de l'art contemporain. Désabusé car il sent bien la résistance de cette bêtise, son épaisseur, la masse des intérêts à renverser.
    Sur sa stratégie, je m'interroge. Domecq vise-t-il vraiment un organe vital ? Au plan rhétorique, je dirais que le tort de Domecq est de s'abaisser à débattre avec des minables. Il ne faut pas croiser le sabre avec des estropiés, des bancals, des borgnes. Pour que le combat soit beau et que le vainqueur triomphe avec éclat, il faut affronter des sophistes qui ont un minimum d'envergure : André Lhote, Malraux, Apollinaire, Picasso. En ce qui concerne Catherine Millet, Jean Clair, Marc Jimenez, Soulages, Yves Michaud, et toute la bande des contemporains, ce ne sont que des pions.
    Les passages du bouquins de Domecq qui sont comme des "haïkus" vengeurs sont les meilleurs.

    Maintenant je sais pourquoi Domecq, à la télé, on ne le laisse jamais finir ses phrases.

  • Deux marxistes à la mode

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    Comme j'ai déjà indiqué, Jacques Attali est plus proche d'Élisabeth Tessier que de Karl Marx, avec sa manière de lire l'avenir dans les lignes du Capital. Je m'arrête cependant sur une de ses observations ; Attali déplore que Marx ne fut pas enseigné dans l'Université pendant qu'il y étudiait. Sans chercher d'explication ; sans relever ce paradoxe que l'Université est pourtant depuis la Libération largement sous la coupe des communistes.
    À vrai dire, le paradoxe n'est peut-être pas si grand. L'esprit critique de Marx ne représente-t-il pas une menace pour le communisme français, fondé en grande partie sur des dogmes historiques ?

    Ensuite, cela a dû jouer aussi en sa défaveur, Marx n'emprunte pas qu'à Aristote, mais aussi aux économistes anglo-saxons, Thompson, A. Smith, Ricardo. La "question économique" n'est pas tellement du goût des Français. Au XVIIIe siècle, Voltaire et Diderot vont prendre leurs leçons de "libéralisme" en Angleterre. En France, on s'intéresse surtout à l'État, c'est la seule question noble, qu'on soit de gauche ou de droite ; parler d'économie, c'est parler d'argent, ça n'inspire guère de ce côté-ci de la Manche (À l'exception notable du protestant J.-B. Say).

    Bernard Stiegler a en commun avec Attali d'être un fervent démocrate. Et pour cause ! Si Attali a dirigé la banque européenne BERD, Stiegler, lui, fait partie de la direction du Musée Pompidou, le Temple de l'art capitaliste-fétichiste. Le fait d'avoir fait quelques années de prison après un "hold-up" le rend plus sympathique encore auprès des journalistes.

    Sur le fond, Stiegler est une sorte de Loïc Le Meur pour intellos, et sa théorie sur la télé qui exploite la libido des téléspectateurs et finit par la tuer est assez fumeuse. On ne retiendra que le titre sous lequel il la développe, La Télécratie, vu que c'est une assez bonne description de la réalité.

    Tout ça pour dire que c'est quand même amusant de voir Marx recyclé par des défenseurs du capitalisme.

  • Les mains sales

    Exceptionnellement j'achète Libé et je le planque sous mon blouson pour pas me faire voir avec. Je me moque du snobisme des bobos qui lisent ce canard minable, mais dans mon genre je suis pas mal snob aussi, je dois avouer.

    Parce que le numéro d'aujourd'hui est dédié aux nouvelles "tendances" dans la bédé, vu que c'est la foire aux albums à Angoulême en ce moment. C'est frappant la façon qu'ont les journalistes de Libé de causer comme des publicitaires ou des courtiers - des courtiers qui se prennent pour des philosophes situationnistes, évidemment. Parlant d'un dessinateur branché, Éric Loret n'hésite pas à écrire : « On admire le châtiment de son langage. »

    Reportage sur Lewis Trondheim* sous ce gros titre : Chef de crayon. Ils ont pas peur des lapsus à Libé ! Il faut dire qu'on voit pas bien qui pourrait remettre en cause leur philosophie… même si leur faillite économique est incontestable. Libé est un mauvais produit, l'almanac'h Vermot du bobo, mais il se trouvera toujours une banque, un supermarché ou un producteur de cinéma quelconque pour fourrer de la pub dedans. Par conséquent Libé est viable.
    Chef de crayon, on a beau avoir une indigestion de calembours, ça dit bien ce qu'il en est, c'est-à-dire exactement le contraire du sous-titre qui parle de "bédé indépendante". Indépendante de quoi ? Il est partout, Trondheim, avec son Lapinot débile. Si c'est pas lui c'est Sfar, dans Le Monde, qui dicte la mode, ce qu'il faut dessiner. Même Siné il a voulu le ramener au dessin publicitaire ! Ce sont les deux ayatollahs de la bédé, Trondheim et Sfar.
    D'ailleurs quelles sont les grandes tendance que Libé distingue ? La bande-dessinée homosexuelle, la bande-dessinée décadente, la bande-dessinée altermondialiste, les mangas japoniais - en somme la bande-dessinée pour les lecteurs de Libé. Vachement original et indépendant, comme on voit.

    La bédé était certainement beaucoup plus indépendante dans les années cinquante des idées à la mode et du fric des éditeurs. Il faut être un lecteur décérébré de Libé pour pas s'en rendre compte.

    *L'occasion de rectifier une erreur : Trondheim et Frantico sont bien une seule et même personne. Plutôt têtu, je persiste à croire que l'humour généralement inexistant de Trondheim subit une influence extérieure dans Frantico.

  • En marge

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    En marge de la dernière manif pour réclamer l'abolition de l'avortement en France, deux CRS écoutent le petit discours improvisé au micro par un des leaders du mouvement. Le CRS de droite, l'air soucieux, se tourne vers son voisin :
    « T'as vu ça, on dirait un discours d'Hitler ! »

    Plus en aval, une jeune militante m'aborde en me tendant une pétition, un genre d'appel aux évêques de France à se bouger le cul, si j'ai bien compris. Elle est mignonne, mais ça suffit pas. Peut-être il y a dix ans j'aurais signé son papelard, fermé les yeux sur le fait que c'est typiquement le genre de truc qui n'engage à rien, juste pour se donner bonne conscience. Il faut dire aussi qu'il y a des militantes à qui on ne peut rien refuser…
    Mais aujourd'hui, même les illusions que je pouvais avoir sur le courage des évêques en général et des évêques de France en particulier m'ont quitté. L'avenir ne dépend pas d'eux. S'ils bougent un jour, c'est parce que le vent aura tourné. Ça peut paraître un peu sévère et définitif comme jugement, mais je l'ai remâché au moins soixante dix-sept fois sept fois avant de l'écrire.

    D'ailleurs cette pirouette que la question de l'avortement est une question "religieuse" ou "spirituelle" avant tout, qui ne concerne que les seuls "croyants", est une mauvaise idée, une fausse idée. Tout le monde est concerné, ou bien ça revient à dire que seuls les catholiques ont le souci de l'avenir de leur pays et du bien commun. Ça serait une conception bien manichéenne de la société.

    Non, en réalité il y a des historiens, des démographes, pas spécialement catholiques mais plutôt "humanistes", pour reprendre ce vocable un peu hors d'usage, qui tirent la sonnette d'alarme et disent depuis plusieurs années déjà que le déséquilibre démographique menace notre société, et que deux-cent mille vies humaines en moins tous les ans, ça pèse bien sûr lourd dans la balance.
    Il y a aussi des biologistes, des médecins, qui ont la politesse de se cantonner au domaine de la biologie. Ils rappellent que la vie humaine déborde les apparences de la venue au monde et que le progrès scientifique permet de dater le début de la vie humaine en remontant à la conception.

    Ensuite le pouvoir politique établit en fonction du bien commun le niveau de respectabilité de telle ou telle vie humaine et peut décréter qu'untel est un métèque, un sous-homme, ou ne mérite pas d'être considéré comme une personne physique. Même si certains régimes font des drapeaux avec de beaux principes telle l'égalité, dans les faits cette égalité demeure à l'état de leitmotiv.
    Or, le pouvoir politique est faillible. La conséquence qu'on peut même tirer du discours des historiens et des démographes, c'est que le pouvoir actuel est défaillant sur le point crucial de l'équilibre démographique.

    Il est juste de citer ici une opinion politique libérale très en vogue, défendue notamment par Alain Juppé avant son exil. Je cite Alain Juppé parce que la réputation d'être le meilleur des hommes politiques lui a collé à l'occiput à une certaine époque.
    Alain Juppé estime "grosso modo" que le déficit démographique en Europe de l'Ouest sera compensé par un afflux de Chinois, d'Africains ou d'Indiens. On voit bien l'angle de réflexion d'Alain Juppé : il raisonne en termes de force de travail, il ne faut pas en demander trop à un politicien libéral descendant de Guizot.

    Je récapitule, donc : en dehors des libéraux dans la ligne politique étriquée d'Alain Juppé, le suicide collectif de la France et de l'Europe concerne évidemment tous ses habitants.

  • Petit traité d'art contemporain (2)

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    Dans le mince "traité objectif d'histoire de l'art contemporain" qui reste à écrire, celui qui s'y collera pour les générations futures ne devra pas omettre de mentionner la bande-dessinée francophone.

    Bien sûr, le premier réflexe lorsqu'on évoque l'art moderne capitaliste, c'est de penser au cinématographe qui coïncide avec l'épisode de croissance industrielle accéléré que l'Occident vient de subir. C'est aller un peu vite en besogne… La création artistique déborde parfois le principe un peu romantique de la solitude et du silence absolus sans lesquels la concentration des forces spirituelles de l'individu n'est pas possible, certes, il ne faut pas être trop "puriste"… mais on ne peut pas prétendre produire quelque chose de vraiment cohérent dans le brouhaha d'un plateau de tournage, le vrombissement sourd des moteurs et des machines et le jacassement aigü des starlettes… sans compter l'impératif de profit…
    L'expression de "Septième art" est donc abusive, pour ne pas dire publicitaire. Le cinéma a très tôt été empêché de s'élever au-dessus d'un niveau qu'on peut qualifier, en faisant preuve de tolérance, d'"infra-littéraire".
    Que reste-t-il des ballets muets filmés, et même des "belles américaines" d'antan, lorsque le capitalisme prenait son élan et n'occupait pas encore tous les recoins de liberté ?

    La bande-dessinée mérite plus d'égards. On se situe-là plutôt au niveau de la "para-littérature", un cran au-dessus, grâce à des conditions de production et d'exploitation beaucoup moins lourdes. Même si la bande-dessinée a perdu elle aussi petit à petit beaucoup de son esprit d'indépendance.
    Sinon le métier des dessinateurs de bande-dessinée est très inférieur à celui des peintres baroques, ça tombe sous le sens, mais il faut s'empresser d'ajouter que ça n'en est pas moins un vrai métier quand même, ce qui n'est déjà pas si mal quand l'amateurisme fait la loi un peu partout.

    Comme le cinéma, la bédé cède souvent à l'adaptation de "classiques" de la littérature, faute d'esprit d'aventure aujourd'hui. Je me rappelle avoir été initié à Homère dans mon enfance par une bédé qui mettait habilement en images la guerre de Troie et m'avait fourni ainsi quelques points de repères précis. Et un auteur nord-américain a entrepris récemment de raconter toute l'Odyssée, en tentant de combler les incohérences du récit.

    Le destin de la bande-dessinée est de toucher les enfants (de 7 à 17 ans) vu que c'est un mode d'expression bâtard dont la puissance suggestive est par conséquent limitée. Il emprunte beaucoup à la narration et un peu au dessin. Les tentatives de produire de la bande-dessinée pour adulte se sont d'ailleurs peu ou prou soldées par des échecs, en dehors de l'humour et de la caricature.
    L'autobiographie en bédé, un genre très couru en ce moment car il plaît beaucoup aux bobos, est consternante lorsqu'elle est le fait d'auteurs qui se prennent au sérieux et se piquent de philosophie.
    (Au plan artistique, le marché des adolescents attardés n'a quoi qu'il en soit pas beaucoup d'intérêt puisque c'est justement le créneau où l'influence de l'économie capitaliste est la plus nette.)

    Pour illustrer mon propos sur le destin et la bâtardise de la bédé, je cite cet exemple récent d'adaptation d'un roman de Brautigan, Le Monstre des Hawklines, par un dénommé Nicolas Dumontheuil.
    Il est typique en effet de l'erreur qui consiste pour un artiste à ignorer, par vanité le plus souvent, le cadre de sa discipline (Sur le même thème on parlera dans un autre chapitre du cas de Picasso).
    Du trait de Dumontheuil, rien à dire, il a du métier, mais le choix de Brautigan est inepte. Les enfants ne peuvent pas s'intéresser à Brautigan ! Certains adultes non plus au demeurant, les ficelles de Brautigan sont un peu trop grosses.
    Adapter Brautigan c'est peut-être l'assurance d'une bonne critique dans Libération, le quotidien des snobs en faillite, mais ça revient pour Dumontheuil à priver son ouvrage de jeunes lecteurs sincères et concernés.
    Vu le niveau intellectuel des metteurs en scène français, on peut comprendre qu'ils souhaitent se lancer dans l'adaptation du Voyage au bout de la nuit, dès que le tabou sera écarté, pour essayer de faire du pognon sur le dos de Bardamu, mais de la part d'un artisan qui fabrique de la bande-dessinée, c'est un manque d'imagination un peu décevant.
    Dumontheuil, à l'instar de son confrère Daniel Casanave, aurait mieux fait d'adapter Shakespeare pour inciter "nos chères têtes blondes" à faire l'effort supplémentaire de lire son théâtre… Avec Shakespeare, il n'y a pas de risque de se planter.

  • Petit traité d'art contemporain

    François Pinault a acheté 5 % de Vinci. Si ça ça prouve pas qu'il a bon goût.