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Lapinos - Page 150

  • Dégoûté

    Au début je crois pouvoir mettre à profit cette grippe pour approfondir un peu la philosophie et l'économie de Marx. Très vite, le pus accumulé dans quelque cavité de mon occiput provoque des douleurs, assez supportables, mais qui m'empêchent de me concentrer.

    Désespoir… À quoi bon vivre quand on ne peut même pas bouquiner ? Mes nerfs sont mis à rude épreuve. Combien de temps vais-je perdre à cause de cette stupide grippe ? J'essaie de becqueter pour pas trop maigrir mais je constate avec humeur que mes perceptions gustatives sont changées. C'est comme si je goûtais séparément les différentes saveurs qui composent chaque aliment, ce qui leur donne un goût étrange et désagréable. Je ne peux même plus boire mon vin de Fronton ! Quant au café, c'est vrai qu'il n'est pas de très bonne qualité, mais là il est devenu carrément infect… Je me rabats sur de la soupe de poissons pimentée brûlante qui passe.

    Dans la nuit de dimanche à lundi, avec un peu de fièvre, j'ai une crise de misogynie aiguë. Je me jure de ne plus jamais entretenir de commerce rapproché avec le sexe féminin à l'avenir. Tous nos malheurs ne viennent-ils pas des femmes ? Je repense à cette assertion de Le Pen qu'il y a déjà eu des femmes dans l'histoire de France à tenir les rênes et qu'elles s'en sont aussi bien sorti que des hommes… À qui pensait-il ? À Anne de Beaujeu ?

  • K.-O.

    Le virus de la grippe m’a fait passer en quelques heures de l’état de jeune homme athlétique qui s’efforce de garder la tête haute à l’état de vieillard tout juste ingambe qui masse ses articulations douloureuses.

    Il n’y pas d’autre remède que d’avaler des litres d’eau bouillante pour rôtir toutes ces bestioles ! Ah, si, la copulation, surtout si elle s’accompagne de sentiments, entraîne elle aussi une augmentation brutale et bénéfique de la température corporelle (penser à bien s’hydrater). Mais quelle femme accepterait en 2006 de contracter le virus de la grippe pour soulager un homme ?

    Je décide que ma fièvre ne doit pas m’empêcher de regarder Le Pen à la télé. Comme je boycotte Canal+, la chaîne des bobeaufs (du foot, du cul et du cinéma), les occasions sont rares d’assister à un match de boxe, mon sport favori.

    C’est Bayrou qui relève le gant cette fois-ci. Pas le temps de me demander combien de temps il va tenir avant d’aller au tapis qu’il est déjà au tapis. Il placera même pas un petit crochet du gauche de toute la soirée. Première leçon de boxe élémentaire : quand on peut l’éviter, on boxe pas dans une catégorie supérieure à la sienne. Le poids-coq Chirac au moins avait compris ça et refusé le combat.
    Au bout d’une demi-heure, le Béarnais n’a plus les idées très claires : un petit coup d’éponge d’Arlette Chabot serait pas de trop.

    Un match déséquilibré comme ça permet de mieux comprendre ce qui fait la force de Le Pen - Bayrou essaie un peu d’imiter ce ton "naturel", mais on ne se refait pas comme ça -, Le Pen n’est pas un homme d’idées, c’est un artiste. Il joue avec des images, des sentiments, il a des effets comiques. C’est pas avec ses quelques pauvres idées démocrates-chrétiennes que Bayrou pouvait marquer des points.

    Pour assurer la deuxième partie du spectacle rappliquent ensuite Patrick Devedjian et Arnaud Montebourg. La déconfiture de Bayrou met des paillettes de joie dans leurs yeux. Le premier, Devedjian, est trop fin juriste pour être vraiment intelligent. La prestation du deuxième larron, Montebourg, n’est pas mauvaise, il est assez fringant. Peut-être s’il veut séduire au-delà des bobos parisiens devra-t-il néanmoins prendre quelques leçons de diction pour gommer son ton gourmé de notaire UMP ?

    On peut toujours rêver d’un match entre Le Pen et Ségolène maintenant…

  • Pas comme au cinéma

    Quand je retrouve chez un auteur les mêmes préoccupations que j'ai, bien sûr, la coïncidence me fait sourire. Mais ce que j'attends vraiment d'un bouquin, c'est plutôt qu'il me botte les fesses. Combien de bouquins comme ça dans ma vie m'ont décillé, ont modifié le cours de ma trajectoire jusqu'ici ? Quinze ? Dix ? Peut-être moins. Quand je fais la liste mentalement, il y a de tout, des stars et des sans-grades, même une ou deux bande-dessinées…

    Une des premières fois, il s'agissait d'un récit de guerre. J'avais dix-sept balais, si je me souviens bien. Pourtant, au cinoche, je détestais les films de guerre. De Gaulle a dit que si les films d'amour sont plutôt mieux que la réalité (il parlait pour lui et Yvonne), les films de guerre sont toujours très en-dessous de la vérité (j'adhère volontiers à ce propos bien que n'ayant participé à aucune guerre, mais De Gaulle n'a pas beaucoup guerroyé pour dire ça non plus.) - ou alors faut être malin comme Schöndorfer et faire un film de guerre sans montrer la guerre.

    Le récit était poignant. L'auteur, Guy Sajer, écrit dans un style fruste, son histoire d'engagé volontaire à dix-huit ans dans la Wehrmacht. L'intérêt tient à sa manière précise et modeste de raconter des événements qui l'ont marqué définitivement. Au fait qu'il soit Français, aussi, de mère allemande, engagé avant le déclenchement des hostilités, sans préjugés politiques. Il voulait juste faire un métier au grand air… Quand la France entre en guerre, il doit avoir dix-neuf ans, il ne pige même pas qu'elle soit dans le cas adverse. Ses "Kameraden" ont pitié de lui.
    Il y a des scènes en Russie atroces, lorsque l'urine des mecs qui pisse gèle en quelques secondes et leur arrache les couilles. Lorsqu'à la fin, battus par les Russes, les troupes allemandes se débandent, qu'il faut gratter le sol pour bouffer, que la dysenterie les ronge et qu'ils se chient dessus, dans un décors dantesque, on tremble d'effroi.

    Sans doute le fait d'avoir le même âge que le narrateur a dû jouer un peu dans ma fascination. Il y a même des scènes d'amour tristes, au cours d'une permission, je crois que ça se passe à Berlin, avec une jeune Berlinoise rencontrée comme ça, je ne sais plus exactement comment… Ça fait plus de dix ans que j'ai lu ce bouquin et je me rappelle encore qu'ils sont allongés dans l'herbe côte à côte, sur un monticule un peu à l'écart de la ville, une parenthèse dans cette guerre monstrueuse, quand un bombardement les oblige à aller se planquer tous les deux.

    C'est assez long, quatre-cent ou cinq-cent pages, je les ai lues d'une traite, en deux ou trois nuits. Après, j'ai su que ce qu'on m'apprenait au lycée n'avait pas grand-chose à voir avec ce qui s'était vraiment passé. Que les Allemands aussi avaient un âme, ce qui est assez logique quand on y pense.

    Ce bouquin, Le Soldat oublié, a eu un certain succès lorsqu'il est paru, vers 1965. Il y a même eu plusieurs éditions de poche ensuite, dont la mienne. Aujourd'hui, c'est un titre plus ou moins tabou, même si on doit pouvoir le commander à la Fnac. On peut presque tout commander à la Fnac.

  • La haine

    Avant que j'aie le temps de dire "ouf", je me prends le "direct" en pleine poire. J'avais un peu la tête ailleurs, je pensais encore à ce modèle charmant. J'avais bandé les vingt premières minutes, au moins, c'était la première fois que ça m'arrivait, d'être déconcentré à ce point…

    Je croise les deux types dans une rue déserte et, dix mètres plus loin, ils me hèlent, menaçants, et rappliquent en faisant semblant de me demander des explications comme quoi je les aurais regardés de travers et tout. Et "boum" ! Heureusement le plus costaud, à peu près le même gabarit que moi, a mis à côté de mon pif, dans la pommette. Je bronche pas, je lâche même pas mon carton à dessins. Je peux pas leur expliquer que je regarde tout le monde de travers, les gonzes comme les gonzesses, c'est un truc de dessinateur. Connaud, au lieu de ça je leur dis qu'ils sont pas très courageux de s'y mettre à deux contre un. J'esquisse pas un geste de réplique. Je suis pas rassuré. Ils ont l'air un peu avinés, des gueules patibulaires, et je les sens capables de me filer un coup de surin pour me faire passer le goût du code de la chevalerie. Surtout celui qui m'a pas frappé, un grand maigre. Ils se contentent de m'insulter, de me traiter de pédé.
    Un type sort de chez lui sur le trottoir d'en face, nous aperçoit, puis se rend compte qu'il a oublié un truc important dans son appartement, des clés ou quelque chose comme ça parce qu'il tâte ses poches, et il rentre chez lui.

    Les deux types finissent par décarrer. Putain, ces salopards m'ont couvert de honte ! Je ne vais plus pouvoir me regarder dans la glace pendant deux jours ! Je suis resté sans réaction.

    Tous les six mois environ, j'ai le même genre de problème avec des individus de type maghrébin ou antillais à chaque fois, rapport à mon regard de dessinateur, je pense ; parfois je m'en suis sorti mieux, parfois moins bien. Presque sûr qu'avec des bobos je me serais pas laissé marcher sur les pieds comme ça. Mais avec ces types qui souffrent de manque de respect, ils n'ont pas tenté de me faire les poches, je suis plus ou moins paralysé. J'ai pas été éduqué à cogner le premier. J'ai fait un peu de rugby, de boxe, mais ça n'a pas grand-chose à voir. Ce qui me manque c'est le déclic, la haine… Avec des bobos j'aurais la haine, naturellement…

  • La campagne de M. Hulot

    Un symptôme grave de décomposition morale… J'ai été choqué la semaine dernière que l'Académie française remette son prix du roman à un bouquin non seulement idiot mais en outre rédigé à la hâte dans un sabir condamnable au plan de la langue, le plan où, au moins, l'Académie avait le devoir de se situer ! Et pas question de pardonner aux immortels à demi-crounis de l'Académie sous prétexte qu'ils n'ont même pas lu la première page de ce machin !!

    Dans un tel contexte, je ne serais pas étonné qu'un pantin comme Nicolas Hulot recueille des centaines de milliers de suffrages aux prochaines présidentielles - s'il a les couilles de s'y présenter, ce que je ne crois pas… entre se jeter du haut de la Cordillère des Andes en parachute et se présenter aux présidentielles, c'est pas tout à fait la même dose de courage qu'il faut…

    Nicolas Hulot, autre motif de chagrin pour moi. On va me dire que je pourrais couper tout, la télé, la radio, le journal, si je veux éviter de souffrir. Et pourquoi pas m'exiler en Patagonie tant qu'on y est ?
    Pas seulement Nicolas Hulot, mais tous les écologistes. L'écologisme, c'est le degré zéro de la politique. On élimine des centaines de milliers de vies en Europe chaque année, avec des produits chimiques, au risque de provoquer des déséquilibres démographiques majeurs, dangereux par conséquent pour la planète, et ces stupides écolos essaient de nous émouvoir sur le sort des bébés phoques et des bébés pandas !!

    Quand je pense qu'il y a des crétins - confirmés et qui vont à la messe -, qui gobent cette idéologie écologiste idiote ! Je serais pas étonné au train où vont les choses que l'épiscopat français, dont la lâcheté politique depuis la fin de la guerre fera sans doute date dans l'Histoire, que l'épiscopat français, donc, érige bientôt le triage des ordures au rang de dogme inviolable de l'Église catholique. Non, je serais pas étonné.
    Le programme de Nicolas Hulot est certainement le seul programme que je lirai de toute la campagne, vu qu'il est très court et permet d'illustrer parfaitement la bêtise de l'idée même de programme électoral.

    - Premier point du programme de Hulot , « Un vice-premier ministre chargé du développement durable. » : pour ceux qui croyaient que l'écologie avait un rapport avec la fin du gaspillage, apparemment ils se sont gourés.

    - Deuxième point : « Instaurer une taxe carbone en croissance régulière. » : moi, quand j'entends Claude Allègre ou Emmanuel Leroy-Ladurie dire qu'il n'est pas prouvé que ce soit l'activité humaine qui soit la cause principale du réchauffement de la planète, j'ai plus tendance à les croire que des zazous de la télé comme Noël Mamère ou Nicolas Hulot.

    - Troisième point : « Réorienter les subventions agricoles vers une agriculture de qualité. » : Par principe les subventions sont toujours versées à une agriculture de qualité, ce n'est que par exception que les syndicats d'agriculteurs les détournent au profit de leurs militants ; mais je ne veux pas dire plus de mal de ce troisième point, car pour une fois que quelqu'un ose attaquer franchement les Bretons, je m'en voudrais de faire la fine bouche.

    - Quatrième point : « Systématiser les procédures de démocratie participative. » : ça, c'est bouquet ! C'est justement le système démocratique qui s'accommode le mieux de cet esprit consumériste, qui pousse les bons citoyens à acheter des gadgets à gogo, et en augmentant le niveau de démocratie on inciterait les gens à ne pas flanquer l'argent par les fenêtres !?

    - Cinquième point : « Mettre en place une grande politique d'éducation et de sensibilisation. » : au début je me suis dit : « Chouette, même si c'est en cinquième position seulement, il s'attaque enfin à un principe de gauche très néfaste, le refus de réformer un tant soit peu un système éducatif qui forme des sous-intellectuels inaptes à faire quoi que ce soit d'utile depuis quarante ans, tout ça pour un coût faramineux, un des principaux gaspillage français ! » Mon enthousiasme est vite retombé quand je me suis rendu compte que Hulot ne propose en fait qu'une énième campagne de pub.

    Il s'appelle pas Hulot pour rien celui-là !

  • Devoir de violence

    Il y a un devoir toujours plus pressant, c'est le devoir de faire violence aux démocrates-chrétiens - la violence de Bloy, celle de Céline, de Waugh, de Bernanos, de Nabe…

    Les démocrates-chrétiens c’est des moutons, un gigantesque troupeau de brebis bêlantes. Contre des moutons qui vont paître là où le dernier type armé d'un bâton leur intime l’orde, et se laissent tondre docilement, il n'y a que des chiens de bergers hargneux !

    Dans l'"affaire Littell", les démocrates-chrétiens une fois encore se distinguent par leur complaisance. J'en veux pour preuve l'hebdomadaire Famille chrétienne, cette revue soi-disant “papiste”, parfois disponible à la sortie de l'église sur un présentoir, et qui en dit plus long sur le curé qu’un long sermon. Famille chrétienne s'est fait une spécialité de commenter le programme télé de la semaine, en particulier de signaler à ses lecteurs dans les films et feuilletons chaque séquence érotique ou violente et de mieux leur conseiller ainsi de se rabattre sur toutes les niaiseries qui passent, d’Amélie Poulain au dernier navet de Spielberg en passant par les Enfants du marais, en guise de pain spirituel quotidien.

    Eh bien Famille chrétienne a cru bon de publier un reportage commandé à un journaliste du Figaro, Étienne de Montéty, quatre pleines pages avec photos (!) sur Les Bienveillantes de Littell, afin de dire tout le bien qu’il faut penser de cette compilation de contrevérités historiques et de maladresses stylistiques, cette pornographie de gare :
    « Un jour, je trouvai un arbre couché de travers, renversé par une tempête, avec une branche cassée sur le haut du tronc, et avec un canif je raccourcis encore cette branche, en ôtai l'écorce et en polis le bois, arrondissant soigneusement le bout. Puis, la trempant copieusement de salive, je me plaçai à califourchon sur le tronc et, m'appuyant sur mes mains, enfonçai lentement cette branche en moi, jusqu'au bout. Cela me donnait un plaisir immense, et tout le temps, les yeux clos, ma verge oubliée, j'imaginai ma sœur faisant la même chose, etc. »

    Difficile de faire plus ridicule que cette tempête, cette bave copieuse et cet “immense plaisir”… Mais si Famille chrétienne, Le Figaro et même l’Académie française disent que c’est bien, alors ça doit sûrement l’être, ma bonne dame… « Bêê !!! bêêê !!! bêêêê !!! »

  • Énigme littéraire

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    Il y a quelques lecteurs de mon blogue qui me pressaient de relancer un petit jeu-concours. J'ai cédé à leurs instances, j'ai donc concocté une énigme à la portée de tout le monde - ou presque, en attendant peut-être un rébus littéraire un peu plus compliqué, si vous êtes sages.

  • Comprenne qui peut !

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    « Eh bien ! moi, répliqua don Quichotte, je trouve, à mon compte, que l’insensé et l’enchanté c’est vous-même, puisque vous n’avez pas craint de proférer tant de blasphèmes contre une chose tellement reçue dans le monde, tellement admise pour véritable, que celui qui la nie, comme le fait Votre Grâce, mériterait la même peine que vous infligez aux livres dont la lecture vous ennuie et vous fâche.
    En effet, vouloir faire accroire à personne qu’Amadis n’a pas été de ce monde, pas plus que tous les autres chevaliers d’aventure dont les histoires sont remplies toutes combles, c’est vouloir persuader que le soleil n’éclaire pas, que la gelée ne refroidit pas, que la terre ne nous porte pas.

    (…) Comment, les livres qui sont imprimés avec la licence des rois et l’approbation des examinateurs, ces livres qui, à la satisfaction générale, sont lus et vantés des grands et des petits, des riches et des pauvres, des lettrés et des ignorants, des vilains et des gentilshommes, enfin de toutes espèces de gens, de quelque état et de quelque condition que ce soit ; ces livres, dis-je, seraient pur mensonge, tandis qu’ils ont si bien le cachet de la vérité qu’on y désigne le père, la mère, le pays, les parents, l’âge, le lieu et les exploits point pour point et jour par jour que firent tels ou tels chevaliers ? Allons donc, taisez-vous, seigneur ; ne dites pas un si grand blasphème, et croyez-moi, car je vous donne à cet égard le meilleur conseil que puisse suivre un homme d’esprit. (…) »

    L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche (Chapitres XLIX et L)

  • L'accord imparfait

    Si on voit à peu près en quoi consiste le génie de l'écrivain, de nombreux livres savants ont exploré cette question, en quoi consiste le génie du lecteur ? Qu'est-ce qu'un lecteur "raté" ? Est-ce seulement celui qui passe à côté du sujet et des personnages ?

    Il est une espèce de lecteurs qui lit pour se distraire : il y a une littérature pour ça.
    Il est aussi une espèce de lecteurs qui pense qu'un livre commence à la page un et se termine à la page cent-cinquante - ou mille si c'est un traité -, ceux-là commencent mal leur lecture, comme une corvée qu'il faut achever.

    Le génie du lecteur consiste au moins à s'élever au niveau de l'écrivain qui refuse de s'abaisser. Chardonne évaluait le nombre de ces lecteurs géniaux à quelques centaines seulement. Qui a lu Lettres à Roger Nimier de nos jours ? Pourtant il ne fait pas mille pages.

    Schopenhauer, esprit qui s'efforce d'être pratique, dit drôlement : « Pour lire de bons livres, la condition préalable est de ne pas perdre son temps à en lire de mauvais, car la vie est courte. »

    À ce propos il existe un truc. Le truc de l'accord imparfait. Je fais exprès d'employer une métaphore musicale. Pour moi c'est un peu comme un pianiste qui se met au piano et plaque une succession d'accords si imparfaits que vous savez que jamais ce type que vous avez en face de vous ne pourra interpréter correctement le moindre morceau, fût-ce du Satie.

    Je reprends un vieil exemple, le Goncourt 2004, Laurent Gaudé, lorsqu'il écrit : « C’était bien lui. Elle l’observait comme on fixe le destin dans les yeux. Elle lui appartenait déjà. Il n’y avait pas à lutter. Elle lui appartenait. Puisque après quinze ans il était revenu et avait frappé à la porte, peu importe ce qu’il lui demanderait, elle donnerait. Elle consentirait, là, sur le pas de sa porte, elle consentirait à tout. »

    Mais des exemples comme ça, on en trouve aussi plein dans Jean-Christophe Grangé, Jean-Christophe Rufin, pour citer des cas choquants d'écrivains qui se vendent pas mal.

    Évidemment, on en trouve aussi plein dans Johnatan Littell, lisez plutôt :

    « Le jour venu, toujours nu, je chaussai des souliers pour ne pas salir mes pieds [belle intro sur l'usage commun des souliers] et allai explorer cette grande maison froide et obscure [brrrr]. Elle se déployait [comme un boa ?] autour de mon corps électrisé, à la peau blanche et hérissée par le froid [il confond avec les poils], aussi sensible sur toute sa surface que ma verge raidie [la mienne est plus sensible juste avant] ou mon anus qui picotait [comme si le trou du cul n'avait pas déjà été assez exploité comme ça]. C'était une invitation aux pires débordements [vu que Littell dégage autant d'énergie qu'une endive, on a un peu de mal à croire à ses débordements] aux jeux les plus insanes [sic] et les plus transgressifs [resic], et puisque le corps tendre et chaud que je désirais se refusait à moi, alors je me servais de sa maison comme je me servais de lui, je faisais l'amour à sa maison [toujours pas convaincus ?] »

    Ça rappelle un peu le style de Véronique Olmi (La pluie ne change rien au désir, 2004), avec un peu moins de condensation peut-être.
    Je suis sûr qu'il y a encore plein d'exemples comme ça, et comme la vie est courte, j'offre un bon bouquin à celui qui me recopiera un passage encore plus tarte que le mien dans Les Bienveillantes !

  • L'esprit de Nuremberg

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    L'anticélinisme primaire du jury Goncourt est confirmé.

    Le réconfort des mal-pensants, c'est que les bien-pensants vont devoir subir le supplice des neuf-cent pages de la somme théologique de Johnatan Littell, hé, hé.

  • Évolutionnisme

    À force d'entendre Benoît XVI redire sa foi d'un autre âge dans le progrès scientifique, on ne peut s'empêcher de répéter la seule évolution qui soit historiquement prouvée : la loi du plus rusé a transformé le chrétien en chrétien-démocrate, puis le chrétien-démocrate est devenu un démocrate-chrétien. Enfin, le stade ultime, c'est l'avènement du démocrate, comme on voit dans l'illustration ci-dessous :

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    Et il n'est pas interdit de se lancer à la suite de Darwin dans des extrapolations un peu risquées… Après le démocrate, dont on a pu constater la supériorité, qui toujours pille, massacre, bombarde et pend habilement AU NOM DE LA LIBERTÉ, qui fait coïncider la Vérité avec "ce-que-les-caméras-montrent", c'est aujourd'hui comme si une nouvelle espèce de démocrate était en train de naître… Une espèce de démocrate dégénérescent, sincère et non plus cynique. Il pense vraiment que la démocratie fait le bonheur du monde et qu'elle est en voie de libérer l'homme de ses chaînes, si ce n'est déjà fait dans certains recoins privilégiés du monde comme San Francisco ou Amsterdam.
    Ne croise-t-on pas de plus en plus de ces spécimens avec qui tout "dialogue" est devenu impossible car ils sont inaptes à discerner ce qui est réel de ce qui fait partie de la propagande, dépourvus d'esprit critique ? Et sans le faire exprès.

    Ce démocrate nouveau est plus faible. Il est entièrement idéologique. Il est comme une avant-garde coupée de ses arrières, même si les deux espèces cohabitent encore. Qu'adviendra-t-il de tous ces robots quand leurs programmateurs auront disparu ? Le vent pourrait tourner.

  • Une page d'Histoire

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    Déphilosopher, y'a pas de méthode plus efficace pour déphilosopher que de se plonger dans l'Histoire, la vraie. Et je recopie cette page, comme pour mieux m’en imprégner :

    « Au XIIe siècle, prêtres et guerriers attendaient de la dame qu’après avoir été fille docile, épouse clémente, mère féconde, elle apportât dans sa vieillesse, par la ferveur de sa piété et par la rigueur de ses renoncements, quelque relent de sainteté dans la maison qui l’avait accueillie.

    C’était le don ultime qu’elle offrait à cet homme qui l’avait toute jeune déflorée, qui s’était adouci dans ses bras, dont la piété s’était réchauffée à la sienne et qui avait à maintes reprises déposé en son sein le germe des garçons qui, plus tard, dans le veuvage, la soutiendraient et qu’elle aiderait par ses conseils à se mieux conduire.

    Dominée certes. Cependant dotée d’une singulière puissance par ces hommes qui la craignaient et qui se rassuraient en clamant très haut leur supériorité native, qui la jugeaient toutefois capable de guérir les corps, de sauver les âmes, et qui s’en remettaient aux femmes pour que leur dépouille charnelle après leur dernier soupir fût convenablement apprêtée et leur mémoire fidèlement conservée dans les siècles des siècles. »


    (Georges Duby, In : Les Dames du XIIe siècle)

    C’est beau, bandant presque, on dirait du Pound. Mais où sont les dames du temps jadis, et les preux chevaliers bardés de métal et de cuir ?

  • Contre Ratzinger

    Pourquoi ne pas s'acharner un peu sur le cadavre de la philosophie - cadavre exquis puisque chacun ajoute son petit schéma ?
    Le credo athée est à la base de beaucoup de spéculations philosophiques. L'argument classique des athées selon lequel Dieu n'est qu'une invention pour réconforter les âmes inquiètes a son équivalent chez les chrétiens (Nitche a voulu faire le malin en posant le principe athée à l'envers, mais il n'a fait que se rendre encore plus ridicule.)
    Certains chrétiens plutôt puritains prétendent donc que les athées, eux, se débarrassent de Dieu pour mieux jouir peinards. Il est assez évident lorsqu'on confronte à la réalité ces deux arguments qu'ils sont d'abord faits pour conforter ceux qui les avancent.
    Vouloir prouver l'existence de Dieu est puéril. C'est une manière de se rassurer. Il y a la même angoisse chez celui qui essaie de prouver que Dieu n'existe pas. Dans le fond, il est animé par le doute. Cet exercice devant le miroir va le décevoir. Car il ne mène ni à la preuve de Dieu, ni à la preuve qu'il n'existe pas, ni même à la preuve que l'homme existe !… c'est dire l'inutilité de la conscience de la conscience.

    Au bout du compte, le résultat c'est que l'angoisse de ces pauvres penseurs n'a fait que s'accroître.
    Les philosophes ne font qu'imiter l'attitude craintive de certains théologiens.
    C'est Diderot qui a une manière de trahir sa philosophie que je trouve délicieuse. Lorsqu'il dit que, s'il s'est trompé et que Dieu existe - malgré toutes les fables de Lucrèce dont il raffole -, il pense que Dieu lui pardonnera en vertu de sa… sincérité. C'est quand-même plus drôle que les faux-fuyants existentialistes !

    Je dis exprès "philosophie". Ce mot a été fabriqué pour faire croire aux béotiens que le contraire du "philosophe" c'est le "fou", le "cinglé", le "fanatique", etc. Franchement, quand on voit Finkielkraut, Jacques Attali ou Jean d'Ormesson élucubrer leurs théorèmes en postillonnant, on se demande bien qui est fou ou gâteux…

    Non, le contraire du philosophe, c'est plutôt l'homme d'action. Lui ne se pose pas TOUTES les questions, mais seulement les questions utiles. C'est même l'aptitude de la pensée active à trier les questions pour ne retenir que les bonnes qui fait d'elle une pensée active et audacieuse. Le vrai philosophe ne se trompe jamais mais il n'avance pas.

    Hélas, aujourd'hui, ce sont les théologiens qui tentent d'imiter les philosophes et ça n'est pas très fructueux non plus. Je songe ici au théologien allemand Joseph Ratzinger, bien sûr, plus connu dorénavant sous le nom de Benoît XVI. Pour simplifier le problème, qui n'est qu'un problème de vocabulaire et de définitions et ne mérite donc pas qu'on s'y attarde outre mesure, les philosophes ont érigé la raison en principe fondamental afin d'évincer les pouvoirs religieux. « Puisqu'on ne peut pas démontrer Dieu par un raisonnement, eh bien faisons de la raison le critère essentiel ! »
    Benoît XVI ne devrait pas répondre à ça. On ne doit pas accepter de jouer aux échecs, ce jeu de fous, lorsqu'on ne sait faire que des réussites. La raison, ça n'existe pas. Point à la ligne.
    « Mais, le peuple chrétien réclame des encycliques et des conférences ! », j'entends dire parfois, bizarrement. Qu'à cela ne tienne, il y a deux encycliques de Jean-Paul II, loin d'être démodées et qui tiennent dans la poche. La première, c'est « France, souviens-toi des promesses de ton baptême ! ». Et la deuxième, un peu plus énigmatique : « N'ayez pas peur ! ». Question blabla, ça devrait suffire.

  • Déphilosopher (2)

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    On peut se demander d’où vient qu’avec aussi peu de personnalité les philosophes ont quand même réussi à quitter le “no man’s land” qu’ils n’auraient jamais dû quitter ? Pourquoi ils ont autant de disciples dans nos grandes démocraties ?

    À la télé, au musée, dans les journaux, au bistrot, au boulot, partout, pas moyen d’y échapper ! Dans le métro ? C’est vrai que les gens sont trop pressés pour philosopher, dans le métro. À cet égard, le métro est préférable au taxi. À condition de pas lire les pubs sur les murs… À croire que les publicitaires sont tous des types qui ont raté leurs études de philo. Pour une pub rigolote, combien de pubs consternantes, de jeux de mots vaseux ?

    Je crois qu’il faut remonter pour piger au malentendu qui entoure la philosophie. La philosophie apparaît très savante et très compliquée aux jeunes esprits. C’est pour eux comme de la littérature pour les “grandes personnes”. Il n’en est rien, évidemment. La philosophie est très simple. Il suffit d’avoir la clef. Derrière la porte, c'est à peu près comme un gros castel néogothique, de grandes salles vides et froides…
    Ou, si on préfère, l’image du jeu de construction. Les philosophies s’emboîtent les unes dans les autres. La phénoménologie dans la critique de la raison pure, l’existentialisme dans la phénoménologie, pour former des constructions audacieuses, toujours au ras du sol, bien sûr. De là aussi le goût des enfants pour la philo. Entre le gamin qui lit Kant et celui qui lit Harry Potter, il n'y a pas une différence énorme. Juste une question de snobisme.

    Comme si les moqueries paternelles n’étaient pas suffisantes pour me vacciner, j’ai eu Nietszche comme prof de philo. La même coupe de cheveux, les mêmes moustaches, les mêmes sourcils broussailleux ! Une imitation presque parfaite… Sauf que lorqu’il sautait dans son petit coupé sport décapotable à la fin du cours pour épater les gonzesses, ça donnait une image un peu incongrue du superhomme nitchéen (1) à ses élèves !

    « Qu’est-ce qu’il resterait de la philosophie si on la traduisait en langage normal ? » a dit un poète-philosophe mineur du XXe siècle pour minorer. J'aime bien les bons mots moi aussi, mais le résultat de toutes ces années d'insouciance à l'égard de la manie de philosopher, c'est que la jeune génération paie les pots cassés. On est envahi par la philosophie, jusqu’aux greniers du Vatican !
    Si ça continue comme ça, je suis condamné à brève échéance à passer mon temps sous l'eau, à la piscine, où les philosophes, enfin, se taisent…


    (1) Je crains que ce patronyme barbare ne finisse par me rendre dyslexique, aussi l'écrirai-je désormais Nitche, à la manière française.

  • Déphilosopher (1)

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    Je ne cache pas que dans ma famille on s’est toujours moqué des philosophes et de la philosophie. On s’en moquait surtout à cause de sa faiblesse rhétorique : Céline, Shakespeare, La Fontaine, Voltaire, Chateaubriand, quelle fougue à côté !

    Surtout ne pas se laisser enfermer dans les définitions. Ainsi, Voltaire : philosophe ou pas philosophe ? Le seul apport de Voltaire à la philosophie, c’est d’avoir fait du métier de philosophe une profession honorable. Voltaire fut pour le règne de Louis XV ce que Zidane fut pour le règne de Chirac, une star un peu trop bustifiée… Mais à part ça ? « Il faut cultiver notre jardin ! » ? C’est une boutade de notable.

    Ce qui compte plutôt, c’est d’avoir de la personnalité. On reconnaît ainsi facilement les vrais philosophes à ce qu’ils n’ont pas - ou très peu - de personnalité. Ils ne disent rien de positif, ils spéculent. La meilleure position pour spéculer, pour faire des paris sur l’existence de Dieu ou de soi-même, c’est d’être à la fois aveugle, sourd, manchot, bouché ET dubitatif. L’histoire a retenu le nom d’Emmanuel Kant (1724-1804) comme celui du philosophe qui s’est approché le plus près de cet idéal. Martin Heidegger (1889-1976) n’est pas mal dans le genre non plus. Schopenhauer et Nietszche, eux, en revanche, ne sont que des bâtards : à un moment où un autre, ils ont écrit quelque chose, quelque chose de pas forcément vérifiable ni vérifié, mais quelque chose d’audacieux, beaucoup trop pour qu’on puisse dire qu’ils n’ont absolument aucun style.

    Les vieilles nations comme l’Angleterre, la France, n’engendrent pas de véritables philosophes. Ce n’est pas un hasard. Les philosophes viennent toujours d’un no man’s land.
    Pas plus qu’ils n’ont de style, les vrais philosophes n’ont d’humour, d’ailleurs. L’humour, cette spécialité anglaise qui fascine Bergson. L’humour est lié à l’absurde. Comment le voir quand on patauge en plein dedans ?

  • La fin du gaullisme

    Le chef de l'État en représentant de commerce, c'est la fin du gaullisme. Je ne veux pas dire par là que Jacques Chirac n'a aucune chance de remporter une troisième fois les élections, il faudrait sous-estimer les caprices de la foule pour le croire, à six mois des élections ; non, je veux dire que les tribulations d'un Chirac en Chine, c'est l'aboutissement d'une aventure politique, le gaullisme.

    Chirac, c'est le pilote d'une écurie de F1. La compétition électorale, ça coûte un max de pognon, faut bien faire plaisir à ses sponsors de temps en temps, comme on dit dans le milieu. Pour ça, on n'hésite pas à se foutre à poil. Car, là, le roi est vraiment nu. Aujourd'hui, Chirac embrasse les représentants du régime le plus meurtrier de toute l'histoire de l'humanité, et fiers de l'être ; demain, il inaugurera en compagnie de Simone Veil devant un auditoire de vieux barbons repus un monument, une plaque, pour qu'on se souvienne bien à quel point les nazis étaient méchants. Un journaliste à la solde de la République, Patrick Rotman, par exemple, saluera le courage du président, et les gogos applaudiront.

    Les Français sont courageux, ils n'hésitent pas à défier bravement les cadavres de l'armée allemande.

    Petits clins d'œil entendus des gros industriels : « Mais la Chine, c'est le Pérou ! l'Eldorado !! » Qu'est-ce que ça veut dire, que les taux de profit doivent déterminer la politique étrangère ? La soif de l'or rend fou…
    Tous les entrepreneurs français installés en Chine le disent pourtant : ils perdent de l'argent. Ils restent dans l'espoir d'en gagner un jour, mais pour le moment, ils investissent à perte.
    Tous les démographes le disent, le taux de fécondité catastrophique de la Chine viendra briser à moyen terme l'élan économique chinois. Si la Chine ne change pas radicalement de philosophie et de mode de vie, elle ne s'éveillera jamais, contrairement au slogan.

    Les esprits étriqués qu'on nomme "juristes", ou "avocats", ou "constitutionnalistes", experts en bidouillages de mots, disent parfois que De Gaulle ne voulait pas d'un régime fondé sur les partis. C'est une blague, son coup d'État était une petite révolution partisane, justement. Sa légitimité, il l'a forgée contre "la France d'avant", d'accord avec le parti communiste. "La France d'avant", ça ne veut rien dire, mais la propagande se moque bien du sens des mots. On en est encore aujourd'hui à remplacer l'Histoire par la propagande, à se planquer derrière un rideau de fumée. Le "devoir de mémoire" consiste à calomnier le passé.

  • Gare à ta jaguar !

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    Un jour je me rappelle, c'était il y a vingt ans, ils sont venus chez moi, j'étais petit, je portais encore des culottes courtes. Dès que ma mère a eu le dos tourné, ils se sont servi dans le frigo sans rien demander ; et quand mon père est sorti pour s'acheter du tabac ou un journal, ils ont fouillé dans les tiroirs de son bureau, on ne sait jamais.
    Ma mère était colère, elle voulait leur dire deux mots. Mon père a dit que non, ça pouvait être pire, on savait pas de quoi ces fumiers étaient capables. Je crois que ma haine contre les journalistes date de ce jour-là.

    J'ai besoin d'allumer la télé pour l'entretenir, cette haine. Je fais autre chose en même temps, comme bouquiner ou pioncer, mais je peux pas me passer de l'allumer une ou deux fois par semaine, au moins.
    Les domestiques, les garçons de ferme, les ouvriers, les sans-grade – le populo, il pouvait voir les aristos, eux, les toucher ; les journalistes, sortis de la télé, on dirait qu'ils se planquent… Depuis le temps que je rêve d'en pousser un dans la Seine, eh bien que dalle, je croise des acteurs, des starlettes, mais aucun journaliste ! Ah, si, j'ai déjà croisé Nagui dans le 18e et Stéphane Bern dans le 9e, mais, comment dire… ils sont désarmants ces deux-là !

    Hier soir, débat sur la contre-culture et l'"underground", des sous-intellos qui se pignolent en rond pendant une heure sur la définition d'"underground". Tiens, Finkielkraut n'est pas là !? Au milieu du bavardage chiantissime, le présentateur exhibe un "résistant", un type qui résiste, donc, mais sur internet. C'est "underground", internet, il paraît. Ah, ah, quel gag ! Ils pouvaient pas choisir plus miteux comme résistant. Un vrai paumé, tout juste s'il arrive à jacter rapport à un cancer du fumeur. Il dit quand même quelques mots contre l'industrie du tabac. Et pour défendre la couche d'ozone. Me fait pitié, ce bougre, comme un de ces lions tout pelés qu'on montre dans les cirques. D'ailleurs le présentateur, Frédéric Taddéi, il lui manque que la petite moustache pour ressembler à un dompteur de chez Bouglione.

    Tu parles d'un résistant ! Les médias utilisent aussi des "collabeurs", comme dit si bien Nabe : Djamel Debbouze, Eric et Ramzy, Lilian Thuram, tous ces "beurs" et ces "blacks" bien propres et aux comptes en banque bien garnis que les médias exhibent pour prouver qu'ils aiment la banlieue, son football, ses graffitis, son verlan, sa musique, ses poètes. En réalité, la banlieue, les médias l'exploitent, pour faire des 20 heures tonitruants, des docus qui pètent, des feuilletons métissés. Les "collabeurs" le savent très bien mais ils se taisent vus qu'ils sont mouillés jusqu'au cou.

    Peut-être que Joey Starr, lui, il est plus sincère ? Je pense à Sarkozy, automatiquement. C'est "chaud" pour Sarkozy en ce moment, hein ? Il suffit que les feus de joie reprennent pour que, d'un coup, le ministre de l'Intérieur brille par son inefficacité aux yeux de tous les Français, comme une twingo qui flambe dans la nuit, filmée par les caméras de France 2 ou de TF1.
    Ça, c'est si Joey Starr et ses potes veulent que Sarko perde les élections. S'ils veulent le faire gagner, il faut qu'ils foutent le feu dans le centre de Paname ! aux bagnoles des bobos !! Les bobos, le jour où on touchera à leurs meubles, à leurs fringues, à leurs i-pods, ils se précipiteront pour aller voter Adolf Hitler s'il le faut. J'ai aucun doute là-dessus.

    Pourquoi Joey Starr voudrait faire gagner Sarko, vous allez me dire ? Eh bien je le sens pourtant hésitant. Il a appris que les immigrés, la gauche les baise depuis trente ans avec ses pin's et ses slogans démagos, elle leur dit ce qu'ils veulent entendre, comme on parle à des enfants gâtés. Sarkozy et Ségolène, donc, pour lui, c'est bonnet blanc et blanc bonnet, il arrive pas à se décider. Ça doit être dur pour les nerfs de Sarko.

    Moi, je suis dans le même camp que Joey Starr, les types sincères se font tellement rares ! Bien sûr, on est différents. Ainsi, Joey, lui, quand il était petit, il était communiste comme ses parents. Georges Marchais, il le voyait comme une sorte de Che Guevara français. Tandis que moi, je ne croyais pas à tous ces bobards-là, je me moquais bien de Che Guevara, j'avais pas la permission de regarder la télé.

  • Elle est belle l'Humanité !

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    Il y a une autre chanson de Renaud qui est intéressante au plan sociologique, c’est Elle est facho.
    Sur les mœurs typiques d’une “facho”, Renaud est un peu confus, puisque, pêle-mêle, son personnage revient de la Fête de l’Huma, en a marre des posters de Che Guevara, aime la CIA, porte un imper, a peur d’être tondue, aime sa blanche peau (Renaud aurait préféré être noir, lui), lit National-Hebdo, vote Sarko, bref “est con comme un veau [ça c'est pour la rime]”.

    Mais on ne peut pas en vouloir à Renaud de ces quelques petites erreurs puisque, lui, sa spécialité c’est les bobos ; les fachos il les fréquente pas, logique.
    D’ailleurs quand il fait des erreurs, il s’excuse, Renaud. ll s’est excusé pour Sarko. Il y avait des bobos qui avaient mal compris. Que des fachos votent pour lui ne veut pas dire que Sarko soit facho, ça n’a rien à voir.

    La suite est plus révélatrice :

    « J'lui souhaite qu'un jour si elle a un môme, y s'retrouve à dix-huit balais,
    Plein d'éducation et d'diplômes, d'idées rebelles, d'humanité.
    Et qu'il lui dise, “Tes vieux discours manquent singulièrement d'amour.”
    Qu’il rajoute à la triste dame : “Reste donc le nez dans ta merde.
    J'suis amoureux d'une musulmane, j'vote écolo et j'fume de l'herbe”.
    Espérons qu'ça lui fera la peau, à la Facho. »


    Il a dû vouloir dire “Espérons qu’ça lui fera LES PIEDS, à la Facho”
    Ou alors c’est comme ça qu’on cause à force d’avoir le monopole du cœur à la place du cœur ?

    On peut aussi faire un peu de psychologie : l’agressivité de Renaud Séchan, pourtant au faîte de sa carrière, qui a réussi sa reconversion, à passer des prolos aux bobos, s’explique sans doute par le sevrage et sa nouvelle gonzesse. Bien sûr, il y a de quoi être à cran. Mais aussi le paternel de Renaud était collabo, comme Arletty ou bien Pierre Fresnay, sans plus. Il a oublié d'interrompre sa carrière sous l'Occupation. C’est le genre de truc, soit tu le vis bien au niveau œdipien, ça change pas fondamentalement la gratitude que tu dois à tes parents, soit tu te sens obligé d’en faire des tonnes pour faire oublier cette TACHE IMMONDE.

  • Revu et révisé

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    Bien sûr, Hélène de Fougerolle ne peut donner qu'une vague idée de la distinction de la marquise de Pompadour, que les tableaux de Boucher ont gardée, et Vincent Perez une vague idée de la stature de Louis XV…
    Néanmoins, le feuilleton diffusé récemment par une chaîne publique sur le règne de la marquise de Pompadour, je ne sais plus laquelle, je les confonds toutes (ces putains de la République !), ce feuilleton n'était pas délibérément, bêtement iconoclaste, comme le sont souvent les reconstitutions historiques. Les cinéastes étasuniens battent des records de "mauvaise foi sincère" dans ce domaine-là.

    Il ne fallait pas trop en demander non plus, passez-moi l'expression, et le "parti dévôt" ne pouvait être décemment représenté à la télévision que comme un parti d'imbéciles méchants et coincés du cul. Quitte à en rajouter avec une tentative d'empoisonnement commanditée par le Dauphin lui-même. Mais la Reine, Marie Leczinska, jouée par Charlotte de Turkheim, sans doute pour bien montrer le vieillissement accéléré dû à dix grossesses en dix ans, la Reine était plausible.

    De même l'arrestation de Diderot est un peu montée en épingle afin de bien nous enseigner de quels genre de maîtres nous tenons nos lumières. Heureusement, j'ai appris grâce à l'historien Raymond Trousson que Diderot n'était pas si bravache qu'on le voit dans le film. Il écrivait au Comte d'Argenson, excellent ministre du parti dévôt, justement, en charge de la police, après avoir été arrêté : « Un honnête homme qui a eu le malheur d'encourir la disgrâce du ministère implore votre clémence (…) Il se meurt de douleurs de corps et de peines d'esprit. Il se jette à vos pieds et vous demande la liberté. Il est désespéré des fautes qu'il a faites et bien résolu de n'en jamais commettre d'autres… ».

    Ah, j'allais oublier la prestation très crédible de Jean-François Derek dans le rôle de Voltaire !

  • Philosopher

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    J'ai compris que j'étais assez influençable le jour où je me suis rendu compte que l'habitude qu'ont certaines femmes de toujours vous approuver mais de n'en faire nonobstant qu'à leur tête était en fait la marque d'un extrême entêtement.
    Ça ne les dérange pas d'approuver ce qui de toute façon n'aura aucune conséquence sur leur manière d'agir. Ce qui justifie parfois d'employer la manière forte avec elles, soit dit en passant, comme avec les enfants.

    Ce que certains de mes (rares) amis appellent mon "esprit de contradiction", un peu plus d'"esprit d'observation" leur permettrait de comprendre que c'est la marque d'un esprit perméable. Ils perdent moins leur temps à discuter avec moi qu'avec leurs femmes.

    Vous voulez une preuve ? Il a suffi que je feuillette ce bouquin inepte du Professeur Frankfurt de Princeton sur l'art de raconter des conneries pour me mettre à déblatérer à mon tour en vain comme lui sur le premier sujet qui est passé à ma portée. On pourrait aussi définir la philosophie moderne à l'aide de Frankfurt comme "l'art de se poser les mauvaises questions". En effet, ce qui serait intéressant, c'est de savoir POURQUOI les Britanniques possèdent l'art de raconter des conneries sans que ça soit désagréable, bien au contraire, tandis que dès qu'un Allemand comme Frankfurt l'ouvre, on a envie de le supplier de la boucler. Je m'en veux un peu de dire du mal des Allemands tellement c'est facile dans ce pays, tout juste si la loi ne nous y encourage pas !

    Pour compléter mon raisonnement, il faut dire que c'est la raison pour laquelle j'apporte un soin tout particulier au choix de mes lectures, entre autre. Tant qu'à être influencé, autant l'être par des écrivains de caractère et pas par de minables penseurs comme Finkielkraut ou Michel Onfray, pour m'en prendre cette fois à un Anglais.

    Dans le fond, je me demande si tout ce baratin n'est pas une excuse. En fait j'ai cédé récemment sur un de mes principes les plus fermes parce qu'un vieux pote a beaucoup insisté, je me suis laissé influencer. Je suis allé au cinoche voir Tournage dans un jardin anglais, l'adaptation de Tristram Shandy. Dans un vieux cinoche de quartier subventionné, par-dessus le marché. Je n'en suis pas fier, ça non. Mais au moins que mon erreur profite à d'autres : sachez que le film de Michaël Winterbottom est démonstratif, redondant, beaucoup moins suggestif que le livre de Sterne (Je n'en ai lu qu'une dizaine de pages, mais ces dix pages étaient plus suggestives que le film tout entier), et, surtout, les actrices ne sont pas franchement mémorables. En somme, Tournage dans un jardin anglais a à peu près tous les défauts qu'on trouve au cinéma depuis les années cinquante, environ.