Quel est donc le bilan de Chirac en définitive ? Quel est l'aspect positif de son mandat ? A-t-il fait autre chose que prolonger la gestion de bon père de famille bourgeois de Giscard et Mitterrand* ? Même si les hagiographes, tel Pierre Péan, se précipitent pour dessiner un portrait honorable de l’Ex, vu que l'hagiographie est un genre tès prisé, il vaut mieux surseoir à statuer sur l'ex-chef de l'État. Du moins c'est ce qu'un historien ferait. Après, on ne peut pas empêcher les philosophes et les journalistes de dégoiser, hélas…
Sous l'angle précis de l’art, considéré comme un épiphénomène significatif, un début d’analyse de l’action de Chirac est néanmoins possible. Je ne veux pas parler des arts primitifs d’Afrique, d’Océanie et des États-Unis : compte tenu de l’académisme de l'éducation que Chirac a reçue, pour ne pas dire autre chose, ce n'est pas tellement étonnant qu’il se soit engoué pour un art plus sauvage.
Ni de la collection de gadgets modernes de son ami François Pinault, dont Chirac n’est pas directement responsable, l’acquisition du château de Bity trahissant un goût personnel plus solide.
Non, je veux parler plutôt du vernis nouveau que Chirac a fait passer sur tout un tas de poètes mineurs français. Les journalistes n’ont pas assez parlé de cette passion de Chirac pour la poésie. Non seulement Chirac est le fils putatif de Georges Pompidou, auteur d’une anthologie de la poésie qu’on réédite encore (!?), mais il y aussi cet “abracadabrantesque” emprunté à Rimbaud, un mineur majeur, et puis le choix pour le moins arbitraire d’un ministre, Villepin, lui aussi dévôt, pas seulement de René Char, mais de toute une brochette de poètes les plus obscurs qui soient ; c’est pas ça qui manque, les poètes obscurs… même Alain Juppé, qui ne fait pourtant pas dans la poésie lorsqu’il demande son reste à Sarkozy, même Juppé dans sa brève jeunesse composa des alexandrins. Il n’y a guère que Raffarin qui soit prosaïque de la tête aux pieds.
Les observateurs attentifs auront peut-être remarqué d'ailleurs qu’on n'a jamais autant cité Paul Valéry que sous Jacques Chirac. Dans le domaine de la littérature, le régime chiraquien a fait sienne la devise démocratique selon laquelle il vaut mieux lire un auteur mineur que rien du tout (on déplore en effet que la plupart des grands auteurs modernes français soient antisémites, ou détestent la démocratie, ou soient misogynes, voire les trois à la fois !)
Une petite injustice cependant, la publicité faite par Jacques Chirac à Georges Fourest, un grand poète catholique qui ne méritait pas ça.
*Je définis Sarkozy : « Un bon père de famille recomposée qui croit avoir découvert une martingale. »