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Lapinos - Page 142

  • Revue de presse (IV)

    « (…) C’est là tout le cocktail de Muray, un Léon Bloy qui aurait lu Guy Debord. »
    E. Phalippou (“La Quinzaine littéraire”, 1-15 juin)
    Extrait d’une rubrique intitulée “Le coin des anarchistes”. Si écrire des articles dans Le Figaro, dans La Quinzaine littéraire, ou dans Marianne, c’est être anarchiste, si fumer dans un espace non-fumeur, c’est être anarchiste, alors Muray fut anarchiste.
    L’hypothèse de Phalippou est assez stupide car on ne voit guère ce qui aurait pu intéresser l’écrivain catholique Bloy chez Guy Debord, petit penseur confus. Muray était plutôt au contraire “comme un Debord qui aurait lu Bloy”.


    ***

    « Le Monde a-t-il encore une équipe de correcteurs ? (…) Le 5 mars, c’est Dominique Dhombres, dans sa chronique de télévision, qui reproche à juste titre à l’émission "Thalassa" de Georges Pernoud (…) d’avoir “enfilé les perles” sur les gratte-ciel de New York et Frank Sinatra au lieu de nous parler de la mer. En fait de perles, Dominique Dhombres termine son article par celle-ci : "New York, la ville debout, comme disait Malraux…"
    (“Rivarol”, 7 avril 2006)
    Ce n’est pas parce qu’il est au Panthéon qu’il faut attribuer à Malraux la fameuse page de Voyage au bout de la nuit où Bardamu découvre New York ("Pour une surprise, c’en fut une… "). Si fameuse qu’un jury aussi conformiste que celui de la rue d’Ulm l’a proposée en 2004 à l’épreuve orale d’explication de texte. »
    Bien sûr que Le Monde a une équipe de correcteurs ! Mais ils sont trop occupés à rédiger un blogue ; et puis dans un cas comme ça, est-ce qu’un petit correcteur ose corriger un grand éditorialiste ?

    ***

    « Les présidents se suivent à France Télévisions, (…) “Envoyé spécial” reste. (…) Le titre du reportage (Avorter… à quel prix ?) donne dans l’interrogation. Et on se prend à rêver. À imaginer une volte-face des habituels propagandistes de la culture de mort. On pense à un aveu tardif du drame de l’avortement. Au terrible prix à payer, psychologique et moral. Non pas ! Le prix en question est celui pratiqué par certaines cliniques de Barcelone (haut lieu de l’avortement hors délai) auprès des Françaises qu’une mauvaise application de la loi Veil condamnerait à avorter ailleurs qu’en France. Déjà, en 1974, pour faire passer la loi Veil, on invoquait le mercantilisme, les mauvaises conditions des avortements clandestins, les accidents. Maintenant que la loi existe, on en dénonce la mauvaise application. Trente-trois ans après le vote de la loi, l’information s’avérerait insuffisante, les moyens seraient réduits, les médecins réticents… toutes choses restreignant l’exercice du “droit” à l’avortement et forçant les femmes à passer les Pyrénées. (…) "Lex injusta, lex nulla" (“Loi injuste, loi nulle”), dit l’adage latin. »
    B. de Givry (“Famille chrétienne”, 9-15 juin)
    Les vieux adages de droit romain impressionnent toujours le lecteur, mais il ne faut pas oublier que le pire revêt souvent l’apparence du droit dans nos sociétés modernes, justement, et que les barbares savent très bien manier les sophismes juridiques eux aussi.
    N'empêche, sans cet article signé B. de Givry dans "Famille chrétienne", j'aurais pu croire que j'avais Télérama ou La Vie entre les mains.

  • Clair comme de l'eau de boudin

    Pendant la campagne présidentielle, tous les canards les plus monomaniaques, Le Chasseur français, Philosophie Magazine, Jogging International, un à un ont recueilli solennellement les promesses des candidats, qui ont répondu aussi poliment que possible (mention spéciale aux photos de Philippe de Villiers en équipement de footballeur qui tente de faire un retourné acrobatique dans L’Équipe magazine et tient à préciser qu'il aurait pu être sélectionné dans une équipe de "pros" ; je sais maintenant pourquoi il y a quelques ouvriers et quelques bobos qui ont quand même voté pour lui).

    Dans la petite bafouille du secrétaire de Sarkozy adressée à Beaux-Arts magazine, un nom est cité : Anselm Kiefer. Bravo, ce mec a tout compris à l’art contemporain ! Dans un cocktail ou un dîner bobo, l’important c’est de citer le nom d’un artiste (“Name dropping”), Werner Büttner ou Dietmar Ganzverrückt, par exemple, sont mes “names” préférés ; que le type existe vraiment ou pas n’est pas fondamental, ce qui compte, en revanche, c’est que ce soit un nom allemand. Les noms français comme Raoul Duchemin ou même André Zweiglück sont complètement “out” en ce moment, et, avec un nom chinois, vous risquez de ne pas le prononcer comme la moyenne et de faire rire tous les jobards autour des petits fours (Il n’est pas interdit, surtout si on n’a pas été invité, de faire une razzia).

    *

    Anselm Kiefer existe vraiment, lui, c’est pas très difficile à vérifier, hélas.
    Le choix d’Anselm Kiefer est bon pour incarner l’art sarkozyste, d’ailleurs, car l’art de Kiefer est “rassembleur”.
    Je ne vais pas faire mon critique d’art contemporain, Jean Clair ou Catherine Millet font ce job mieux que moi, ils maîtrisent mieux le vocabulaire technique. Mais rien que quelques petits prolégomènes coruscants en passant, juste comme ça, sur Kiefer, on me le pardonnera facilement, j'espère :

    Donc "rassembleur" parce qu’on n’est pas dans la modélisation 3D de crottes de biquette anthropomorphiques, ni dans le “dripping” de règles de petites japonaises à peine nubiles sur écran plasma, qui pourraient choquer le bourgeois (pour les bourgeois, le plasma c’est sacré) ; et qu’on n’est pas non plus, au contraire, dans le post-impressionnisme ringard, une préoccupation de rendre la lumière qui s’accroche au bord des feuilles des rhododendrons fraîchement arrosés au crépuscule, qui ferait courir le risque de s’aliéner la jeune génération.
    Kiefer est à mi-chemin entre Corot, ce qu’il y a de plus caractéristique chez Corot, la représentation morne et plate, bien encadrée, paradoxale par conséquent, d’une nature exubérante, sans autre talent que la sincérité, à mi-chemin entre Corot et le “n’importe quoi” de Marcel Duchamp, ou son “tout pour se faire remarquer”, une chaise de jardin qui vous interpelle, en fibre de carbone et à laquelle il manque un pied, pour montrer qu’on a “évolué”, c'est important d'évoluer.
    Kiefer peut donc plaire, non seulement à Jean Clair, mais encore à tout le monde.

  • L'aveu

    Confier la responsabilité à Beigbeder de la campagne du Parti communiste en 2002, c’était déjà une manière d’admettre que le PC n’intéresse plus que les bobos.

    Mais le refus du parti, le "niet" de la camarade Marie-Georges, pour rembourser une partie des dettes de la dernière campagne d’affichage, de se séparer de la “Joconde de Marcel Duchamp”, dont il est propriétaire et qui a connu une forte “plus-value”, comme on sait, ces dernières années, alors là c’est carrément un aveu ! l’aveu que le PC se contrefiche bien de la cause du peuple, que c’est le cadet des soucis de messieurs les derniers députés et sénateurs communistes.
    Un urinoir, pour un ouvrier, ça sert à pisser dedans, et pas à autre chose, sauf à se laver les pieds à la rigueur. L’“art” de Duchamp, c’est une préoccupation de bobos - à la rigueur des bobos issus de milieux ouvriers et qui veulent se hisser jusqu’à l’art sans en avoir les moyens.

    *

    Lorsque le Parti communiste disparaîtra complètement, que les blagues sérieuses de Marcel Duchamp sentiront trop la naphtaline, même pour les académiciens du “Monde” ou du “Figaro”, qui est-ce qui le regrettera, le PC, à part Beigbeder, Jean-Pierre Elkabbach, Roger Hanin, quelques bobos - mais déjà la plupart se sont reportés sur Bayrou -, quelques vieilles carmélites lâchées dans la nature, ou encore quelques vieux “barons gaullistes”, en souvenir de la complicité et des accords électoraux avec le PC ?

    Le vote communiste, c'était aussi comme les indulgences de jadis, le moyen pour les bourgeois les plus cyniques de s'acheter une bonne conscience… à ceci près que le vote est un acte gratuit, bien sûr.

  • Mesure d'urgence

    Jamais pu regarder un film avec Serge Brialy en entier. Ni lu son “best-seller” ; je n'ai donc pas versé de larmes de crocodile sur son cadavre l'autre jour ; là n’est pas le problème, mais j’ai noté que Jacques Chirac, à l’occasion de ce décès médiatique, s’est fendu d’un communiqué officiel déplorant la perte d’un "homme immensément talentueux, d’une grande culture, assortie d’un humanisme sans faille…", bref le blabla habituel. Quand s’arrêtera-t-il donc, Chirac ? On le croyait démis de son organe présidentiel, profitant des avantages d'une retraite plus que méritée, mais visiblement il continue d’exercer un des pouvoirs du "domaine réservé" du président. Notre pays souffrirait-il d’un déficit de déclarations officielles lorsque meurt une star du "show-business" ?

    *

    De manière générale, le problème des présidents de la République à la retraite, eu égard à l’allongement de la durée de la vie, se trouve posé de façon plus itérative et prégnante, comme diraient Elkabbach ou Guillaume Durand pour paraître plus malins que Jean-Pierre Pernaud.
    On a déjà eu Giscard et son projet de constitution catastrophique, catastrophique pour les Européens convaincus comme moi, parce qu’il a contribué a donné un couleur juridique, philosophique et idéologique à l’Europe, alors qu'elle devrait être une épopée. Et maintenant, on a Chirac par surcroît, qui se sent investi d’une mission, lui aussi ! Et il se garde bien de dire laquelle, pour pouvoir débouler à l'improviste sur n'importe quel sujet, la mort de Brialy ou de Roger Hanin, le dernier saut de Nicolas Hulot sur la planète, un regain du "Front national" qu'on attendait plus dans une-grande-démocratie-comme-la-nôtre, nourrie au lait de la culture par Arte et divertie par TF1 ("On ne peut quand même pas être sérieux tout le temps."), etc., c'est pas les grands sujets qui manquent.

    À la place de Sarkozy, j’inscrirais vite fait dans la Constitution, puisqu'elle est faite pour ça, le droit - "opposable" évidemment -, des présidents de la République sortants à fermer leur gueule, sous peine de perdre leur véhicule de fonction et leur chauffeur ; sinon il n’a pas fini d’être emmerdé par les "initiatives" de Chirac ou de Giscard ; surtout qu’il va y avoir comme un regain de concurrence entre les deux ex.

  • Un reste de galanterie

    Je me suis laissé aller, hier, à commettre un acte de galanterie inhabituel de ma part, puisque j’ai charrié les provisions d’une voisine jusqu’au cinquième étage - et pas qu’un petit sac avec deux boîtes de LU, je vous prie de croire. Un coup à me faire virer du "Club des Misogynes" si je n’en étais pas le président et le seul membre vraiment actif.
    Il faut dire qu’elle est plutôt gironde, cette voisine ; des yeux verts, des cheveux rouges (faux), et un cul canon, bien qu’un peu tordu. Dans l'ensemble, je suis d'ailleurs plutôt gâté question voisines.
    J’ai été étonné que celle-ci ne m’invite pas ensuite à boire un verre, vu qu’elle est célibataire. Les codes ont changé. De mon temps, pas si ancien, une gonzesse qui acceptait qu’un type lui trimballe ses courses jusqu’au cinquième étage, c’était déjà une manière d’accord tacite. Elle savait qu'une jolie fille peut difficilement vivre seule sans faire de compromis, ne serait-ce qu'un petit baiser gentil.

    *

    Je regarde maintenant les gonzesses de moins de vingt-cinq ans comme des êtres venus d’une autre planète et je suis curieux de leurs mœurs nouvelles. Du coup, malgré ma volonté de ne pas tomber dans le panneau, je reste perméable à leur charme, un charme exotique en quelque sorte.
    J’en ai connu une, elle voulait bien que je la baisouille et que je la lèchouille d’un peu partout, mais pour le reste, que dalle !? Pas moyen de savoir exactement le motif ; pas eu le temps, vu que les léchouilles, moi, au-delà d’une semaine, ça me file des crampes. Je l’ai lâchée, ça n'a pas été une décision facile à prendre parce qu’elle me faisait penser à Marie-Antoinette, la reine, un genre plus rare que les imitations de Jackie Kennedy ou de Joan Baez.
    En outre, elle s’enduisait de crème tous les soirs de la tête au pied avant de se coucher ; c'est complètement idiot mais ça m'impressionnait beaucoup.
    Cette jeune génération de gonzesses, à quelques exceptions près, donne le sentiment d’être très très peu sexuelle, de préférer la télé ; on peut comprendre, après, l’agressivité de beaucoup de jeunes types dans la rue, dans le métro, le RER…

  • Revue de presse (III)

    « Dans la librairie "Le Paillon", rue Georges-Villa, à Nice, je trouve, outre un fac-similé de Doriot ou la vie d’un ouvrier français, de Pierre Drieu la Rochelle (8 €), La Croatie sentinelle de l’Occident de Christophe Dolbeau (Arctic, 24 €). Antiserbe notoire (…), Dolbeau collabore à Rivarol et Écrits de Paris. On lui doit aussi une monographie d’Ante Pavelic, le leader nazi croate, qui ne doit pas être piquée des vers.
    (…) Sur la période la plus sombre de l’Histoire croate - 1941-1945 -, Dolbeau reste mesuré. Il minimise la responsabilité d’Ante Pavelic dans l’arrestation et la déportation de 1700 juifs zagrébois. (…) Le massacre des Serbes de Croatie ? “Représailles aveugles que les opérations de tchetniki (popes en tête) entraînaient parfois.” Il sourit à la déclaration de guerre le 14 décembre 1941, de la Croatie aux États-Unis et à la Grande-Bretagne, tentant de la faire passer pour un trait humoristique, une blague de potache. »
    Patrick Besson (“Le Point”, 26 avril)
    La chronique est illustrée par une photo d’Ante Pavelic en compagnie d’Hitler. Didier dénonce… Patrick aussi !

    ***

    « Notre (sic) Palme d’or va à Quatre mois, trois semaines et deux jours du Roumain Cristian Mungiu. (…) si tout y manifeste l’horreur absolue du crime, tout tend à rendre souhaitable l’avortement légal. C’est d’ailleurs vraisemblablement la position du réalisateur. Le militant pro-vie (resic) peut aussi bien le ranger dans sa vidéothèque que son adversaire (…). »
    Edouard Hubert (“Famille chrétienne”, 2-8 juin)
    Tâchons de traduire les propos jésuites de ce critique de cinéma au service des familles chrétiennes : Christian Mungiou est favorable à la légalisation de l’avortement, ça on le savait déjà vu que tous les gros médias le répètent depuis une semaine, mais son film ne va pas spécialement dans ce sens, c’est ça ? Donc c’est un imbécile qui ne sait pas ce qu’il fait avec une caméra, et cet Édouard Hubert applaudit du cinéma d’imbécile.
    Quoi qu’il en soit on est assez loin du conseil d’objection de conscience donné par Benoît XVI en faisant de la publicité à un cinéaste favorable à l’avortement. Je sais bien qu'il ne faut pas trop en demander à un cinéphile…


    ***

    « - À part Le Plaisir, quels sont vos films préférés ?
    - David Lynch, j’ai adoré, et puis ça m’a passé. Pareil pour Lars Von Trier (…). Récemment, j’ai revisionné des Antonioni, j’ai été déçue. »
    Interviou de Christine Angot (“Première”, mai 2007).
    On ne peut pas dire que comme écrivain, Angot casse des briques, mais comme critique de cinoche, on a connu pire.

    ***

    Un bon Cabu dans Charlie-Hebdo. Ils devraient virer les philosophes, les économistes et les éditorialistes, à Charlie, et ne garder que les (bons) dessinateurs, sinon ils vont finir complètement "bobos" :
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    *

    Et un dessin de Catherine, toujours dans Charlie-Hebdo :
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    ***

    « Mais que M. Besson, après avoir insulté successivement Sarkozy au service de Ségolène Royal, puis Ségolène Royal au service de Sarko, se retrouve secrétaire d’État aux petits pois en boîte dans le nouveau gouvernement, relève du mépris et de la provocation. »
    Jacques Julliard (“Le Nouvel Obs”, 24-30 mai)
    De toute l’espèce des éditorialistes chiants et autres médiateurs hypocrites, en voie de prolifération, s’il fallait en sauver un, c’est J. Julliard que je sauverais. Dans le même édito, Julliard s’étonne qu’on ait nommé un autre déserteur, Hervé Morin, à la tête des armées. Il a raison, ce qui compte en politique, au-delà des drapeaux idéologiques, socialiste, libéral, nationaliste, c’est le choix des hommes, et ce Besson-là, c’est pas un double profil qu’il a, mais une double face.

    *

    Mais le bon sens de Julliard ne suffit pas à compenser les tartines de lieux communs de Jean Daniel ou de François Reynaert, comique pas drôle à succès.
    Le plus intéressant dans le Nouvel Obs, comme dans “Libé” d’ailleurs, ce sont les petites annonces. “Si tu veux connaître un journal, lis ses petites annonces.” (proverbe marxiste).


    - « Détenu, 28a, invite visiteuse de prison jolie et sympa ; merci. Écrire au journal. »
    Les détenus abonnés au “Nouvel-Obs” sont bien élevés ; celui-ci n’a pas précisé “vieille peau s’abstenir”. Ça doit être le dernier moyen d’échapper à la routine pour les bobos, la visite de détenus.

    - « F. 65a auteure ch. H. askhénaze heureux ou sépharade cultivé pr converser et voyager. »
    Il n’y a guère que dans le Nouvel Obs qu’un tel humour raciste est possible. Humour éculé vu que cette vanne est dans tous les recueils de blagues juives.

    - « Kim 28a, sensuelle Eurasienne un peu soumise ch. Maître mais pas trop cruel. »
    …ou l’éloge du sado-masochisme conforme aux Droits de l'Homme.

  • Baudelaire s'éloigne

    À la limite, contre Céline, la position de Charles Dantzig, le chouchou des lectrices de Elle en 2006, qui juge que Céline écrit comme un chauffeur de taxi, ça vaut mieux que tous ces hypocrites qui font le distinguo subtil entre l’homme, auquel on doit refuser de serrer la main, et l’écrivain, dont la jactance fait passer Gide ou Camus pour de vieilles momies à côté.
    Ils veulent gagner sur tous les tableaux, tandis que Dantzig, lui, il n’aime pas les idées de Céline, alors il essaie de l’égratigner, c’est logique, quitte à se discréditer en tant que critique (sauf auprès des lectrices de Elle, bien sûr).
    Il fait ça pour tous les écrivains un tant soit peu politiquement incorrects, Dantzig, au passage, de Bloy à Céline en passant par Waugh, Aymé, Barbey - peut-être pour être sûr d’obtenir la voix de Jean d’Ormesson quand il se présentera à l’Académie, il a le profil.

    *

    Sinon j’ai écouté un type interviouvé par ce lèche-bottes de Frédéric Taddéi, un “agent littéraire”, un certain "Samuelson". Paraît que c’est l’agent de Houellebecq, en particulier ; comme si c’était pas assez moche que des types comme ça existent, il faut en plus qu’on les invite à causer à la radio, et de littérature en plus ! Donc Houellebecq prépare vraiment un film, financé par Lagardère ; Baudelaire s’éloigne de plus en plus, on dirait ; comme si les navets existentialistes de Catherine Breillat ou de BHL, ça ne suffisait pas…

  • Bande-annonce

    Maudits Soupirs pour une autre fois, présenté comme un inédit de Céline, ou plutôt comme le brouillon de Féérie pour une autre fois, m’est adressé par un pote ; ma concierge me le monte ce matin. Avec, sur la garde, la recommandation du pote de lire en priorité les pages 23 à 60, et celles concernant Marcel Aymé - dans ces premiers jets, Céline raconte ses copains de la Butte.
    Pp. 23-60 : j’aime ça, les gens qui n’ont pas de temps à perdre en littérature. On pourrait aussi bien lire Jean d’Ormesson ou Yann Moix, après tout, il faudrait autre chose pour se rendre malade, mais puisque Céline est là :

    « Ah ! Je vais m’endormir quand même… ça vient… Marcel ronfle… il geint, il ronfle… je ne sais plus… encore des courtes giclées de pluie… ça dure pas, c’est drôle… dans mon oreille qu’entend y a un bruit qui reste… pflac ! pflac ! pflac !… un petit tintement mat pflac… c’est comme une eau qui s’écrase, un robinet pas fermé, enfin dans le mou… sur du bois… pflac… c’est un bruit qu’est peut-être plus près… ça serait peut-être la fenêtre qui fuit… pflac pflac je devrais me lever aller voir… voilà ce que je pense… une impression comme un malaise… mais je ne suis pas bien vaillant je le sens, et puis comme ça dans la nuit… je connais pas la pièce après tout, l’hôpital ni rien… Elle aurait dû rester la blonde, rester avec nous… ça suffit pas de faire du café… Pfla Pfla… d’où ça sort ?… c’est un bruit que je reconnais pas, enfin ni d’à moi, ni de la nuit, ni de la campagne… c’est quelque chose qui coule dans la pièce… je devrais me lever… Marcel reronfle… c’est la force qui me manque, une chiffe là et tout abruti… en plus je bourdonne droite et gauche… Ah ! je suis coquet !… et puis je m’inquiète… je sais pas pourquoi au fond… La lumière doit être près de la porte, là près du loquet le bouton ? Enfin il me semble… faudrait que je tâtonne dans le noir…
    - Marcel ! Marcel ! eh dis donc !
    Faut qu’il se réveille merde alors… Y a peut-être un bouton de sonnette… Ça fuit quelque part en tout cas… Elle nous a embrassé la blonde, mais elle nous a pas indiqué comment la rappeler rien ni personne… on connaît rien sur les lieux, et dans le noir c’est terrible quand même… Je me soulève, je suis décidé, c’est l’effort… et yop ! un coup de rein, je suis comme en plomb, je peux plus me retourner sur moi-même tellement que je suis lourd… je me fais tomber une jambe par terre, je la pousse à deux mains… mon pied fait flac sur le parquet, ça y est c’est gluant, ça poisse. Je me pousse l’autre jambe hors du lit. Ah ! Je me raidis terriblement, je suis debout maintenant… C’est tout mouillé… j’aurais un vertige si je cédais mais je veux pas, je me raidis dur… je vais à la porte, je vais au bouton, je tâtonne le rebord à Marcel, je suis sûr qu’il est là…
    Pflac J’allume !… c’est rouge partout, c’est pas mes yeux, c’est du sang par terre partout… (…) »

    *

    Je préfère le Céline qui raconte son enfance à celui qui raconte sa guerre. Il épingle sa médaille d’ancien combattant dans la gueule des autres, les chacals, les vautours, les parasites, les Jean d’Ormesson, les Yann Moix d’alors. On préférerait l’ignorance, le mépris superbe. Mais Céline n’est pas Montherlant ; et ces Maudits Soupirs valent mieux que le papier sur lequel ils sont imprimés. Et ça se vendra. Et Gallimard le sait. Car Céline a beau être le “collabo”, le vendu aux nazis qu’on enseigne, « Du temps où nos ancêtres étaient malfaisants, il fut le plus malfaisant d’entre eux. » - dans une dissertation, un article, faire gaffe de bien dissocier l’homme du style, recopier une tirade sur le “génie malfaisant”, n’empêche, c’est une vache à lait. Gros tirage. Logiquement, le scandale devrait être encore plus grand. Mais non, au contraire, ça l’atténue, c’est comme si Céline payait sa caution. On taxe bien les putes.

  • Un zeste de tyrannie

    Mon caractère, comment dirais-je… mettons “tyrannique”, rend donc mes relations avec les “personnes du sexe” difficiles, pour ne pas dire impossibles, du moins durablement.
    Pour ce qui est de l’amitié virile je m’en tire mieux, bien que la plupart de mes potes soient mariés maintenant, alors ça n’est plus tout à fait comme avant.

    Reste les enfants. Je m’entends très bien avec les enfants. Ils s’accommodent très bien de la tyrannie, que dis-je, ils la réclament. Dans mon collège, les “châtiments corporels” étaient encore appliqués, et il régnait un climat tout à fait sain qu’on ne retrouve plus guère aujourd’hui où le libéralisme est partout, à gauche et à droite. Même, certains faisaient tout pour se faire rosser régulièrement ! Sans ça, ils auraient été désemparés. Je parle de garçons naturellement, les filles, elles, ne mouftaient pas. Je préfère d’ailleurs les petits garçons aux petites filles, chez qui la ruse, naissante, est perceptible, ce qui empêche un vrai rapport de confiance.

    Mais ça serait une erreur d’en déduire, constatant l’évolution des sociétés et des régimes politiques, que le despotisme convient mieux aux états primitifs et la démocratie aux civilisations plus avancées. Dans le fond, on sent bien que les Français d’aujourd’hui ne demanderaient pas mieux que de se faire botter le cul par un brave dictateur plutôt que d’entendre les salamalecs de Sarkozy et de Fillon, toute cette vaseline…

    *

    Aussi était-il logique que mon frangin me demande d’apprendre à lire à ses mômes*.
    Je n’ai pas pu m’empêcher de me livrer à de petites expériences, de tester différentes méthodes… On sait que, dans ce domaine aussi, en France, règne la philosophie ; deux philosophies, plus exactement : les partisans de la méthode dite "globale" et ceux de la méthode dite "syllabique" s'affrontent. Les philosophes des deux camps prétendent démontrer scientifiquement, “par a + b”, le bien-fondé de leurs techniques d’apprentissage. Je connais de ces philosophes femelles, en particulier, qui sont véritablement enragées de leur système ! Notamment, elles s’appuient sur le fonctionnement du cerveau - vaste blague, puisqu’on n’en sait à peu près rien… Ah, si, on sait vaguement que le cerveau des hommes n’est pas tout à fait organisé comme celui des femmes. Si tout ça était sérieux, le moins serait de proposer une méthode d’apprentissage de la lecture pour les filles et une méthode pour les garçons différentes.

    Le résultat de mon expérience, c’est que la variable la plus variable, ce n’est pas la méthode - ni le professeur, en l’occurence -, c’est celle dont évidemment aucun ministre ne parle, c’est l’aptitude du novice. Un novice doué avec une méthode rocambolesque et un prof idiot apprendra plus vite qu’un benoît avec moi.

    Au point où j’en suis de mes spéculations, je suis par conséquent fondé à dire que la philosophie est de sexe féminin.

    *Mon frangin estime que la lecture relève de la sphère privée et ne souhaite donc pas laisser à l’État le soin d’apprendre à lire à ses enfants.

  • Supplice cannois

    La "palme d'or" décernée à Cannes à un film roumain quelconque au motif substantiel, matraqué en chœur par la critique, qu'il fait l'apologie de l'avortement, c'est l'hommage de l'industrie du divertissement à l'industrie pharmaceutique et à ses prétendus "progrès".

    « Ceaucescu interdisait l'avortement. » : ce message subliminal, diffusé sur toutes les ondes et sur toutes les chaînes, n'est pas bien difficile à décoder : Ceaucescu interdisait l'avortement, le pape est le seul à l'interdire encore, donc le pape = Ceaucescu.
    Il est entendu que les veaux qui composent le troupeau démocratique sont des êtres libres et indépendants, mais mieux vaut leur indiquer le chemin quand même ; et le cinéma est l'outil idéal pour ça. De Nuremberg à Cannes en passant par Hollywood, le cinéma a toujours défendu des causes plus que douteuses.

    Les bobos doivent penser que, si l'avortement avait été libéralisé en Roumanie, ils seraient moins emmerdés aujourd'hui dans les rues de Paris par des mendiants roumains qui mettent leur hygiène en danger.

    On peut se poser la question : boycotter le cinéma pour reverser le prix de la séance à un mendiant, est-ce vraiment un sacrifice ?

  • Revue de presse (2)

    « Jean-Marie Colombani a été chassé mardi de la direction du "Monde-Vie catholique-Télérama" par un vote-sanction des rédacteurs de ces publications. Ils lui reprochent le déficit pharaonique de sa gestion financière et la perte d’indépendance de ces publications (…) il y a très peu de journaux (…) dont les actionnaires soient uniquement les journalistes fondateurs et leurs successeurs (…) comme ce devrait être le cas normal. »
    J. Madiran (“Présent”, 24 mai 2007)
    Madiran est trop gentil, bien que Colombani ait tenté de lui clouer le bec en lui réclamant devant les tribunaux des dommages-intérêts pharaoniques. Plus que cela, Colombani incarne le journaliste moderne, dépourvu de style, procédurier, mauvais gestionnaire, en cheville avec le ministère de l'Intérieur et s'acoquinant avec des politiciens (comme Michel Noir). On n'aura guère de difficulté à lui trouver un remplaçant…

    ***

    « (…) Le capitalisme est responsable de l’érosion des valeurs, mais il en a secrété l’antidote, le mariage d’amour directement lié à la naissance du salariat, moment essentiel du capitalisme.
    (…) Le bouleversement commence là : le mariage d’amour se prolonge dans un nouveau rapport aux enfants, contribue à la sacralisation de l’humain dans laquelle nous baignons aujourd’hui. Cette sacralisation est sans doute le seul cran d’arrêt face à la logique d’expansion de la consommation qui renforce, comme je l’ai dit, la logique de déconstruction des traditions.
    (…) Comme tous les croyants, sans doute, j’ai le sentiment qu’il y a du mystère en ce monde. Mais je ne souhaite pas aller au-delà de ce constat.
    L’expérience esthétique est sans doute la plus proche de l’expérience religieuse, car elle donne la conscience de quelque chose qui vous dépasse. »
    Luc Ferry, ex-ministre & philosophe kantien (“Le Monde des religions”, mai-juin 2007)
    Quand on voit Luc Ferry, sa bourgeoise et ses caniches de compétition, on ne peut s’empêcher d’être un peu sceptique sur cet “antidote au capitalisme” que serait le "mariage d’amour". Hélas, on note que l’Église elle-même développe cette idée un peu sotte.
    Le couple idéal dans le système capitaliste, étant donné son faible taux d’épargne et sa tendance à la surconsommation de gadgets inutiles, notamment, c’est le couple d’homosexuels sans enfants.
    La persistance du cabotinage kantien, malgré la nullité intrinsèque de cette philosophie sans point d’appui, s’explique parce qu’elle est la mieux adaptée au système en place.
    L’abus de mystère et d’“esthétique” (comme il dit) peut nuire à la santé de la société de consommation. On voit bien que Luc Ferry en est vaguement conscient, mais le peu d’intelligence qu’il a, il l’emploie à se fabriquer des œillères.
    Aux kantiens de tout poil, Claudel répond avec ironie : « Ce n’est tout de même pas ma faute si Dieu existe ! »


    ***

    Un dessin de Chard, dessinatrice de presse déjà condamnée pour propos incorrect dans notre grande-démocratie-qui-ne-connaît-pas-la-censure.
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    ***

    « De toutes les légendes, rumeurs, fantasmes qui nimbent la figure mystérieuse de François Pinault, l’anecdote selon laquelle il aurait été aperçu, s’infiltrant en bleu de travail, à la veille de l’ouverture, histoire de faire ses emplettes avant même le vernissage, réjouit l’âme. »
    T. Gandillot (“Challenges” + “Beaux-Arts Magazine”, mai 2007)
    Moi, François Pinault me paraît moitié moins “mystérieux” que Monsieur Bertin… Et puis les journalistes d’aujourd’hui ont-ils une âme ?

    *

    « Au début, fut Paul Sérurier (sic). Si Pinault acquiert, en 1972, pour la modique somme de 8000 F, “Cour de ferme en Bretagne”, ce n’est pas (…) parce qu’il est “du coin”, mais parce que tel était son goût. »
    (T. Gandillot, “Challenges” + “Beaux-Arts Magazine”, mai 2007)
    8000 balles pour un Sérusier en 1972, moi je trouve pas ça “donné” ; je mettrais pas ce prix-là dans un Van Gogh. À moins que le baveux Godillot ne fasse allusion à la “plus-value” de l'œuvre d'art, ou quelque chose comme ça ?

    *

    « (…) Acteur majeur du marché de l’art, ses choix influent dorénavant sur la cote des artistes. Et Pinault peut enfin s’offrir ce qu’il considère comme le luxe suprême : s’affranchir de la tyrannie du goût. »
    (T. Gandillot, “Challenges” + “Beaux-Arts Magazine”, mai 2007)
    On a bien compris que Pinault, pseudo prince de Venise en costard sinistre, s’accommode sans peine de la dictature du mauvais goût et qu’il n’a pas de mal à imposer le respect à la valetaille de la "critique" d’art contemporain, des frac, des fiac et du fnac, des galeristes, bref à toutes ces petites mains qui brassent du climat.

    ***

    « Le 4 août 2089, pour le troisième centenaire de l’abolition des privilèges, le ministre d’État chargé de l’abolition des privilèges, le ministre d’État chargé de l’égalité absolue entre les citoyens français promulgua la loi n° 99044-980, à laquelle la population accola tout aussitôt le bizarre surnom de “Lois des laids”.
    Ce texte allait bien au-delà de la directive de la commission mondiale, qui siégeait à Maripasula (Guyane), depuis 2081, depuis que New York avait vu la base de ses gratte-ciel plonger, année après année, dans plus de vingt mètres d’eau, par suite de la montée inexorable des océans.
    La loi française ne se contentait pas de poser le principe de la non-discrimination des laids dans les emplois privés et publics (…). Elle créait surtout un préjudice, ouvrant droit à indemnisation, s’il pouvait être rapporté, par exemple, qu’une discrimination esthétique avait pu de son seul fait être “le facteur empêchant de l’aboutissement d’une relation amoureuse ou affective”, et elle établissait une contravention de première classe à l’encontre de toute “belle personne” qui, sans motif valable, se serait refusée à embrassser un laid qui lui en aurait adressé poliment la demande.
    Jean-Paul Desprat (“Franco Maria Ricci”, dix-huit)
    On doit à Franco Maria Ricci, beaucoup plus crédible dans le rôle du prince italien que François Pinault, et à sa revue éponyme, d’avoir fait découvrir à ceux qui savent que l’art a un prix de magistraux fresquistes italiens méconnus tels que Fasolo ou Felice Giani.
    On peut regretter que, depuis le départ à la retraite de FMR, sa revue s’ouvre trop souvent à des trissotins tel Daniel Arasse.

  • Antisémitisme autorisé

    De cet article inquisitorial de Francis Kaplan sur Simone Weil, j’ai gardé le meilleur pour la fin.
    Kaplan s’interroge sur les raisons qui ont pu conduire Simone Weil à se déclarer “antisémite” et à développer des arguments à caractère “antisémite” alors qu’elle-même était d’origine juive. Il part du fait, déjà connu, que Simone Weil a découvert assez tardivement qu’elle était juive, à onze ans, alors qu’elle s’était sentie jusque-là profondément française. Il ne se satisfait pas de la thèse de certains de ses co-accusateurs selon laquelle Simone Weil aurait souffert d’une forme de “haine de soi”, et en élabore une, plus sophistiquée encore : “la haine de soi n’étant pas soi” (sans rire). Ce coup de bluff est peut-être susceptible d’épater les lecteurs des Temps modernes, mais à nous ces Temps modernes paraissent d’un coup bien archaïques en ressortant ces vieilles théories freudiennes éculées, tout juste bonnes à servir de toile de fond à un film de Fritz Lang autrefois, ou à un roman de Weyergans aujourd’hui…

    *

    Il faut dire que la logique de Kaplan est assez simple. Considérant que l’antisémitisme est forcément une “tare morale”, concluant sur son propre réquisitoire que Simone Weil est bien “antisémite”, il est nécessaire d’en déduire que Simone Weil est forcément dingo, au moins partiellement, d’où le coup de bluff freudien (qui coïncide assez mal avec le fait que, Kaplan l’admet lui-même, malgré son jeune âge, Simone Weil était un penseur à la vue perçante.)
    Il est certain que Simone Weil s’est sentie embarrassée par cette “identité juive” sortie du passé, mais c’est d’abord en tant que philosophe et théologienne. Et la “question juive” n’obsède pas seulement Simone Weil, mais tout son siècle, si ce n’est le précédent, Juifs et non-Juifs confondus, à une époque où ils mélangent et partagent leurs idées, y compris diamétralement opposées, beaucoup plus aisément qu’aujourd’hui.
    La question juive obséda Léon Bloy à un moment de sa vie, par exemple, un demi-siècle auparavant, de la même manière, peut-on dire, à ceci près que les déductions de Bloy sont souvent à l’opposé de celles de Simone Weil ; Bloy n’est pourtant pas Juif, lui*.

    (À cet égard il faut dire que si, de la part de Bloy, c’était un mouvement intellectuel assez original et spontané de se tourner vers l’Ancien Testament et les Juifs, aujourd’hui, les catholiques qui, depuis quelques années, se déclarent “philosémites”, ne font que sacrifier à la mode et adopter une posture avantageuse. Les braves démocrates-crétins que voilà ! Confondre Léon Bloy avec Jean-Claude Guillebaud… Il faut le faire !)
    *


    J’ai fait durer trop longtemps le suspens, je crois. À la fin de son procès, Simone Weil est… acquittée ! Compte tenu du réquisitoire préliminaire, le public est un peu étonné. Oui, Simone Weil est acquittée, étant donné l’“esprit de sacrifice” qui fut le sien et parce que son antisémitisme était “abstrait”, qu’elle n’en voulait à aucun Juif en particulier. Comme si Hitler en avait voulu à tel ou tel Juif en particulier ?!
    Une telle sentence jette le trouble dans l’esprit du non-Juif, du “goy” que je suis - je ne dis pas ça pour me vanter mais pour être précis. D’abord parce que Simone Weil observe que la notion de “peuple élu” prédispose au racisme et au nationalisme. Ici encore, on pourrait la rapprocher d’Hitler, pour qui le sionisme, dans la mesure où il est une source de conflit moins grande, est envisagé comme une solution ; ensuite parce que ce revirement inattendu de Kaplan, ces circonstances atténuantes de dernière minute, le rendent suspect d’un préjugé racial ou idéologique quelconque en faveur de Simone Weil. Brasillach, par exemple, dans les mêmes circonstances, aurait-il bénéficié d’un non-lieu du juge Kaplan ? Il est permis d’en douter.

    Alors que ce qu’il faut défendre, non pas hypocritement comme Voltaire, mais sincèrement, c’est le droit de Brasillach ET de Simone Weil à s’exprimer et à être défendus.

    *Quant à Claudel, dans d’autres circonstances que Bloy, dans sa correspondance privée, en fonction de ses interlocuteurs, il est tantôt outrageusement “philosémite”, c’est-à-dire à la limite de l’hérésie, tantôt nettement “antisémite”, ce qui permet d’entrevoir que la question de l’antisémitisme est une question nettement moins simplette que les législateurs et les philosophes-censeurs modernes le font croire.

  • Procès de Simone Weil

    Après un “Sartre antisémite”, Francis Kaplan consacre plus de vingt pages dans Les Temps Modernes, la revue de Claude Lanzmann et de Robert Redeker, à l’antisémitisme de la philosophe marxiste chrétienne Simone Weil.
    « Simone Weil est non seulement antisémite, mais un des théoriciens de l’antisémitisme les plus acharnés que je connaisse par la multiplicité de ses angles d’attaque, par la multiplicité de ses arguments, par la multiplicité des faits qu’elle a inventé à l’appui de ses arguments, par l’importance obsessionnelle que l’antisémitisme revêt dans sa pensée. Aussi, sur le plan pratique, veut-elle revenir à la situation des Juifs avant la Révolution, c’est-à-dire conditionner leur émancipation à leur conversion (…) ».

    Bref, selon F. Kaplan, Simone Weil relègue Adolf Hitler et Ben Laden au rang de grossiers antisémites ; Mlle Weil serait, en quelque sorte, une antisémite raffinée. Comme l'exposé de Kaplan est assez confus et contradictoire, il est difficile de démêler si c’est pire ou moins grave à ses yeux d’être un antisémite raffiné qu'un antisémite mal dégrossi.
    On pourrait imaginer ensuite un “Voltaire antisémite”, un “Shakespeare antisémite”, un “Balzac antisémite”… Pourquoi pas toute une collection sur le modèle de “Que sais-je ?”. Sauf que l’antisémitisme de Simone Weil a ceci de particulièrement sensationnel, évidemment, que Simone Weil, comme Marx ou Jésus, deux autres suspects célèbres, Simone Weil est elle-même d'origine Juive ; c’est là tout le sel.

    Trêve de plaisanterie. Peut-on vraiment prendre F. Kaplan au sérieux ? Dans le sens où il observe les choses par le petit bout de la lorgnette, “antisémite ou pas ?”, qu’il dénonce l’arbitraire de Simone Weil, sans s’interroger une seconde sur le sien, qu’il fait appel à la psychanalyse pour fournir des explications rationnelles, si la méthode de Kaplan n'est pas rigoureuse, du moins est-elle caractéristique de la méthode intellectuelle contemporaine.

    Voici le genre de pièces versées au dossier par l’accusation :
    - « Tout est souillé de péché dans Israël. », ou :
    - « Mais quand la nation juive a été détruite par Nabuchodonosor, les Juifs, complètement désorientés et mélangés à toutes sortes de nations, ont reçu cette sagesse sous forme d’influence étrangères, et l’ont fait entrer dans le cadre de leur religion autant que c’était possible. De là viennent, dans l’Ancien Testament, le livre de Job (…), la plupart des psaumes, le Cantique des Cantiques, les livres sapientiaux (…) ce qu’on nomme “le second Isaïe”, certains des petits prophètes, le livre de Daniel et celui de Tobie. Tout le reste de l’Ancien Testament est un tissu d’horreurs. » ; ou encore, parlant du judaïsme d’avant l’exil :
    « [Il] est indigestible, parce qu’il y manque une vérité essentielle, qui est au centre du christianisme et que les Grecs connaissaient bien, à savoir la possibilité du malheur innocent. » ; et, de manière plus politique :
    - Les Juifs sont « non assimilables, non assimilateurs ».

    Ces propos sont tirés de la correspondance de Simone Weil, c’est important de le souligner, car l’article de Kaplan a tendance à occulter l'aspect dialectique et à présenter ces idées comme définitives. La philosophe, faite théologienne en l'occurrence, ne propose pas une synthèse mais dialogue avec ses correspondants ; Kaplan, non seulement la juge par contumace, mais il se base sur des extraits de ses “brouillons”. Il a beau jeu, ici où là, souvent de façon subjective (comme lorsqu’il décrète que Jonas est un personnage biblique certainement imaginaire, ou que S. Weil ne peut extrapoler et faire de Cham un précurseur des chrétiens), il a beau jeu de relever les erreurs de Simone Weil et de poser au grand exégète biblique bien rencardé.
    Kaplan fait semblant d’ignorer que Simone Weil, globalement, n’est pas très éloignée de la théologie catholique classique, pour qui Jésus, annoncé par les prophètes, en butte aux autorités religieuses juives, donne à l’Ancien Testament une nouvelle dimension d’amour universel, qualifiant le peuple juif de peuple “à la nuque raide”, ce qui n’est pas très poli de sa part non plus.
    Pour les chrétiens, le choix du peuple juif n’est pas définitif et Dieu n’est pas la propriété du peuple juif, pas plus que les chrétiens ne sont propriétaires de Dieu - ils ne sont que ses témoins.

    L’exposé de la doctrine catholique par Kaplan est d’ailleurs caricatural :
    « Si on se place au point de vue du catholicisme tel qu’il était à son époque (…) tout ce qui est dans la Bible est de Dieu, doit donc être vrai absolument, et en particulier vrai moralement. S’il y a dans la Bible des passages moralement choquants, la Bible ne peut être de Dieu et la religion juive, qui se fonde sur elle, ne peut être une religion valable et doit donc être condamnée. »
    C’est un postulat de dire que la doctrine catholique a évolué depuis Simone Weil. De nouvelles spéculations sur les rapports entre la religion juive et la religion catholique ont été émises depuis Simone Weil, par le cardinal Lustiger par exemple, certes, mais la supériorité du point de vue de Mgr Lustiger sur celui de Simone Weil est rien moins que discutable. De la part du cardinal Lustiger il y a une volonté d’apaiser les esprits, au risque de les embrouiller, tandis que chez Simone Weil, ça serait plutôt une volonté d’éveiller les esprits, au risque de les choquer.

    C’est sans doute là qu’est la véritable opposition entre Kaplan et Weil. D’un côté un esprit autosatisfait qui juge par contumace son prochain à l’aune des tabous contemporains, de l’autre un esprit jeune, curieux, qui n’a pas peur de se tromper ni de bousculer les idées reçues. D’un côté un esprit archaïque, de l’autre un esprit moderne. Il est significatif que notre époque réserve une place de choix aux platitudes de Lévinas, d’Heidegger, ou encore de sa disciple Jeanne Arendt, mais maintienne Simone Weil dans l’ombre où ne l’en sorte que pour vouer ses lettres au bûcher.

  • Encore des Soviets

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  • Tout va vraiment bien (?)

    J’allais oublier un détail du cursus d’Allais, qui serait resté accessoire si on n’avait basculé posthumement à Allais dans l’ère du calembour pris au pied de la lettre et des blagues pas drôles.

    Allais, un jour qu’il était à court d’idée pour sa chronique, inventa l’art contemporain. Il peignit Première communion de jeunes filles chlorotiques par un temps de neige, une simple feuille de papier blanc, en 1883 ; il serait injuste de dire que Malévitch est enfoncé par rapport à Allais, puisque ce n’était alors qu’un polisson de cinq ans ; et Klein ? Yves Klein n’était même pas nain lorsque le génie d’Allais s’épanouissait ; et Soulages ? Soulages exagère, qui s’obstine à peindre pour Bernadette Chirac ou Georges Frêche - en 2007 ! - des mineurs nègres broyant du noir au fond d’un puits.


    Naturellement, la nouvelle espèce de cul-bénis, qui a kidnappé le pouvoir et qui s’est fait une spécialité de changer l’esprit en philosophie, n’apprécie guère Allais. En effet, ces bêtes-là ont assez d’instinct pour sentir que l’humour d’Allais est comme une épée de Damoclès, une menace qui plane sur la bêtise officielle.
    Le petit extrait recopié ci-dessous est tiré d’une hagiographie d’Yves Klein, le schtroumpf de l’art contemporain, hagiographie qui n’est pas bien sûr destinée a priori aux amis d’Alphonse ni à ceux que l’art contemporain emmerde concomittament, mais je suis sûr qu’il sauront le goûter, au second degré ; l’humour est trop rare aujourd’hui pour qu’on puisse se permettre, y compris lorsqu’il est involontaire, de le gaspiller.

    « Cette planche de l’Album Primo-Avrilesque publiée par Alphonse Allais en 1897 : “Stupeur de jeunes recrues apercevant ton azur, Ô Méditerranée”, doit une part de sa célébrité aux monochromes d’Yves Klein, et surtout au succès de son bleu IKB [La goujaterie et l’anachronisme sont deux traits qui permettent de reconnaître le style contemporain].
    D’ailleurs, depuis que l’on se demande si Klein connaissait l’Album primo-avrilesque, cette amusette [sic] a été l’objet de trois rééditions.
    Une focalisation sur les ressemblances entre les planches d’Allais et celles de Klein masque l’essentiel : leurs différences considérables. Allais reste tributaire de la peinture du XIXe siècle, engoncée dans de lourds cadres dorés et, surtout, toujours figurative [Quand on a le focus dans l’anus, pas facile de se figurer grand-chose d’autre qu’un monochrome], tandis que les aplats colorés de Klein [“monocolorés”, plutôt, faut assumer son jargon !], nus, sans cadres, ignorent délibérément toute déreprésentation. »


    Quoi qu’on fasse, même le pire, quoi quoi dise, même rien, ne pas oublier de signer : Deny Riout.

  • Saisir l'occasion

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    D’après la jaquette de Comme disait Alphonse Allais, une occasion saisie chez Gibert, l’écrivain Patrice Delbourg est “bien connu des auditeurs de “France-Culture”. Ça m’écorche un peu la gueule de l’admettre, vu que “France-Culture” symbolise à mes yeux le moisissement d’une culture française en pleine période de paraphrase, mais l’hommage rendu par P. Delbourg à A. Allais a le mérite de nous emmener hors des sentiers battus ; pour une fois qu’on s’échappe du boulevard Zola, de l’avenue Alexandre Dumas, de l’impasse Lévinas, de la perspective Aragon, du quai Voltaire, du square des surréalistes staliniens, de l’autoroute Nitche, du rond-point des philosophes existentialistes, pour emprunter l’Allais transversale pavée de blagues d’Alphonse, philosophe de la seule espèce supportable, celle des philosophes qui ne se prennent pas au sérieux… On respire l'air frais !

    Le mérite du bouquin de Delbourg, paru discrètement en 2005 à l’occasion des cent ans de la mort de l’écrivain normand, est d’autant plus grand qu’il recopie de larges extraits d’Allais. Il se présente sous la forme d’un dictionnaire à entrées diverses et variées, de “A” comme “absinthe” à “Z” comme “zutiste” en passant par “K” comme “kamikaze”.

    *

    Où on s’aperçoit qu’Allais est le contrepoint de notre époque : aussi scientifique, familier des recherches du chimiste-poète Charles Cros, que notre époque est superstitieuse, aussi drôle que notre époque est philosophique, aussi divers que notre époque est uniforme, aussi sceptique que notre époque est crédule, aussi normand que notre époque est américaine - sa tombe au cimetière de Saint-Ouen a même été bombardée par l’aviation yankie - les salauds !

    Même l’athéisme et l’anticléricalisme d’Allais sont démodés. Allais est bien loin d’être un de ces bigots du Néant, bardés de principes et qui ne cessent de claironner leur foi dans le Vide et le Non-être, que les croyants les gênent dans leur pratique, bref, la litanie habituelle.
    Allais, il ne fait qu’exploiter la vieille parcelle de paganisme normand, il n’a pas de visées expantionnistes. Il est anticlérical comme Rabelais ou Molière ou Aymé, il se contente de remplir son devoir d’humoriste en égratignant les autorités, toutes les autorités, rien que les autorités ; et comme l’Église n’en a déjà plus beaucoup, d’autorité, du temps d’Allais, il n’est guère mordant.

    Nul doute qu’au passage Choiseul le père de Céline lisait les chroniques d’Allais et qu’il n’était pas assez rosse pour priver son fils Ferdinand de journaux. On peut imaginer que Céline a été influencé par ce style direct ou qu’Allais l’a aidé à sentir tout le parfum de son siècle, si caractéristique.

    En conclusion, lisez Allais, il ne vous en coûtera pas beaucoup plus cher qu’une place de cinéma et vous éviterez la migraine qui s’ensuit si le film vous était recommandé par “France-Culture”.

  • Tout va bien !

    - « La critique est unanime pour dire que, cette année, il n'y a aucun mauvais film en compétition à Cannes. Ils sont tous bons. » Bruno Kratz, "critique" de cinéma sur "Europe 1".

    - « Le vrai totalitarisme, c'est d'être gouverné par des cons. » Lapinos, blogueur.

  • Revue de presse

    (Suite et fin de la revue de presse pluraliste effectuée en collaboration avec mon pote Henri.)

    « La vision touristique de Montmartre nous a habitués à l’image d’une bohème insouciante et jouisseuse, au détriment du réel apport artistique et de pensée qu'on lui doit.
    Le génocide de 1915 a relégué dans l’ombre les massacres hamidiens - du nom du sultan Abdul Hamid II, de 1894-7896 (300.000 morts) et de 1909 (30.000 morts).
    La journaliste Séverine, féministe et dissciple de Vallès, fut la première à alerter l’opinion publique avec l’article Massacres en Arménie paru le 3 février 1895 dans La Libre Parole (devise : "La France aux Français" ; directeur : Edouard Drumont). (…) La contribution de Léon Bloy à l’arménophilie reste un article publié dans l’Assiette au beurre, journal avec lequel Bloy se sentait peu d’affinités, l’anticléricalisme du journal étant virulent, mais la virulence du ton constituait en elle-même une affinité. (…) En voici la fin : "Quand Abdul Hamid crèvera, ce qui ne saurait tarder, on verra s’affliger les Hanotaux et toute la servile crapule des diplomaties (…)." »
    (Samuel dans “Présent littéraire”, 12 mai 2007)
    Bloy dans l’Assiette au Beurre, c’est un peu comme si Michel Onfray écrivait dans Présent, Madiran dans Charlie-Hebdo, Marc-Édouard Nabe dans Le Monde, Alain Soral dans Tribune Juive, BHL dans Rivarol… L'évolution vers le sectarisme de la République française est une "tendance lourde". Surtout ne pas se fier à l’air de béni-oui-oui d'Alain Minc ou de Jean d’Ormesson.

    ***

    « Dans Les Démons, Heïmito von Döderer écrit : Devient révolutionnaire celui qui n’est pas parvenu à se supporter ; en revanche, ce sont alors les autres qui ont à le supporter. »
    (Ghislain de Diesbach dans "Rivarol", 27 avril)
    Bien que Rivarol ne soit pas spécialement un canard destiné aux vieilles dames, comme Le Figaro, Ghislain de Diesbach préfère la paix à la révolution ; déjà dans sa biographie de l’abbé Mugnier il s’attaquait injustement à Léon Bloy, sans doute beaucoup trop agité et “hétérosexuel” à son goût.

    ***

    Encore un Cabu épatant dans Le Canard enchaîné. De ce point de vue la victoire de Sarkozy est une bonne nouvelle ; on préfère largement un Cabu dans l'opposition à un Cabu soutien du pouvoir "socialiste" de Lionel Jospin, de Ségolène Royal ou de Bertrand Delanoë.
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    ***

    « C’est cette année-là, à la suite d’un accident d’ailleurs, une toile ratée, que je suis passé du noir à ce que j’appelle l’“outre-noir”.
    Recouvrant entièrement mes toiles de noir, j’ai fait naître la lumière (…) »
    (Pierre Soulages, "Beaux-arts magazine", mai 2007)
    De manière moins accidentelle, c’est en découvrant l’œuvre de Pierre Soulage que j’ai songé à développer le concept d’outre-connerie. Chirac passe et Soulages resterait ? Ça serait vraiment trop injuste !

    *

    « (…) Villepin, arrivant rue de Varenne en 2005, réclama à Beaubourg un Soulages. »
    ("Présent", 17 mai)
    On aurait pu penser qu'un admirateur de la sanglante épopée napoléonienne comme Villepin aurait réclamé au Louvre pour son bureau un tableau de David ou de Gros plutôt qu'une croûte de Soulages ; mais l'art pompidolien, les goûts de l'énarchie sont plus proches de l'anecdote que de l'épopée.

  • Nostalgie

    Maintenant que les journalistes ne font plus que noircir les pages entre deux encarts publicitaires - ou LA page -, en faisant attention à ne froisser aucun des "annonceurs" (véritables) du canard qui les emploie, on a du mal à imaginer quelle fut la variété et la richesse, la qualité aussi, de la presse au XIXe et jusqu'au milieu du XXe.
    Il serait sans doute excessif de dire que le type de l'éditorialiste chiant et moralisateur est un phénomène nouveau, mais comment ne pas observer que ce type-là s'est multiplié comme les mouches sur un morceau avarié. Poireau-Delpech, Philippe Val, Jean-Marie Colombani, Claude Imbert, Jean Daniel, BHL : rien que ceux-là, je serais curieux de savoir combien de décrochements de mâchoires ils ont à leur actif ? Et combien de lecteurs ont raté leur station de métro, victimes d'un assoupissement intempestif, ayant décidé en montant à "Victor Hugo" ou "La Muette" de lire la "tribune" de Jean d'Ormesson, juste comme ça, pour se raccourcir le trajet ?

    Les derniers des Mohicans, à faire encore preuve d'alacrité et de curiosité, Cabu, François Brigneau, Patrick Besson, par exemple, doivent se sentir bien isolés.
    On a du mal à imaginer en lisant la critique littéraire de Frédéric Beigbeder dans Lire ce que furent les critiques littéraires de Nimier dans La Parisienne ou de Blondin dans Rivarol. Et Beigbeder n'est pas le pire !

    L'Action française fut une de ces étoiles qui brilla au firmament de la presse d'opinion libre. Une des spécialités de L'Action française, c'était la revue de presse, la meilleure de toutes ! (Assurée entre autre par François Leger - l'auteur d'Une jeunesse réactionnaire).
    On peut peut-être encore, tout de même, une fois par semaine, tenter d'en faire une, de revue de presse ?

    -


    « Tout de suite il fut mon maître : Lucien Jerphagnon. Si je suis devenu ce que je suis, aux antipodes de ce qu'il est en tout ou presque, c'est à lui que je le dois. Car il fut mon maître, comme on l'était sur l'agora ou le forum romain et comme plus tard Nietzsche dit qu'on doit l'être : en apprenant à ce qu'on se déprenne de lui. (…) »
    Michel Onfray ("Nouvel Obs." 5 avril)
    Aux "antipodes", c'est vite dit, car pour ce qui est de l'anticléricalisme, même si celui du maître est plus subtil que celui de l'élève - comment pourrait-il en être autrement ? -, on ne peut pas dire que Jerphagnon brille par son amour de l'Église.

    ***

    « Les gens se trompent sur mon compte. Ils me prennent pour un type bien, un poète, un ange. Ils voudraient que je sois le fils de Rimbaud ou de je ne sais qui, et ils découvrent, en m’approchant, que je suis un clampin. Un mec commun, plutôt égoïste, un banlieusard qui s’éclate devant "Terminator" et fait des vannes de petit con. Alors forcément, ils sont déçus. (…) Je n’ai jamais rien lu de ma vie, à peine un bouquin par an. Du milieu super cultivé dans lequel je suis né, je n’en avais rien à foutre quand j’étais gamin. (…) Mon sens artistique, il m’est venu plus tard, des femmes que j’ai fréquentées (…)
    Mano Solo (interviouvé par Gérard Miller dans "La Vie", mai 2007)
    Le moins qu’on puisse dire, c’est que le fils de Cabu ne se la pète pas ; ça change de tous ces chanteurs bobos dans le genre de Delerm ou Bénabar qui se donnent des airs d’avoir lu tout Proust la veille au soir pour débiter quelques slogans éculés.

    ***

    Un bon Cabu, tiré du "Canard enchaîné" :
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    « François Bayrou, seul candidat à la présidence de la République, avec Philippe de Villiers, à s’afficher catholique pratiquant (…), a toujours été fluctuant : à dix-sept ans, en mai 1968, il faisait partie du comité d’action de son lycée ; à 19-20 ans il passa par l'"Arche" de Lanza del Vasto puis par les "Silencieux de l’Église" de Pierre Debray (pseudo de Sadi Couhé, 1922-99) ; à 21 ans il consacra son mémoire de maîtrise de lettres au "Mystère de la Charité de Jeanne d’Arc de Péguy".
    Le mouvement de Pierre Debray n’était pas destiné à résister silencieusement (…) aux dérives post-conciliaires, mais au contraire à donner une voix à ceux qui avaient subi silencieusement, mais contre leur gré, les réformes (…) »
    (Bulletin de l’Entente catholique, mai-juin 2007)
    De là à qualifier Bayrou de "catho-traître", il y a un pas que la charité chrétienne n'interdit pas de franchir…

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    « Au mois de septembre 1932, fut passé à Metz, entre le représentant du Saint-Siège (le cardinal Tisserant) et celui du Patriarcat de Moscou (Mgr Nicodème) un accord en vertu duquel le Saint-Siège s’engageait à ce que le Concile qui allait s’ouvrir ne pertât “aucune attaque directe contre le régime communiste”, en échange de quoi le Patriarcat acceptait d’envoyer au Concile des obervateurs invités.
    Le fait fut révélé en janvier 1963 par l’hebdomadaire du Parti communiste "France Nouvelle", et confirmé peu après par l’évêque de Metz, au cours d’une conférence de presse. Puis, personne n’y a jamais fait la moindre allusion, et il tomba dans un profond oubli.
    (…) M. Madiran fait valoir que, si les connivences et le silence à l’égard du communisme furent, parmi les catholiques, bien antérieurs à l’accord de Metz, celui-ci les a consolidés et comme authentifiés, en leur donnant force de loi. Ce faisant, l’Église apporta au communisme la force d’appoint dont il avait le plus besoin pour s’étendre et se fortifier, en empêchant ses adversaires de le combattre. (…) »
    (Bulletin des Lettres, février 2007)
    Les dernières élections ont montré un glissement de l’électorat catholique et protestant vers la droite, Le Pen, Villiers et Sarkozy, alors que cet électorat était auparavant réparti à peu près équitablement entre la gauche et la droite. Serait-ce une conséquence de la chute de la pratique religieuse et des vocations ?
    Sinon on attend que Michel Onfray, toujours prompt à dénoncer les accointances de l’Église avec des régimes assassins, dénonce ce pacte passé par l'Église catholique avec le régime communiste officiellement athée.


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    « Alors que dans l’Ancien régime les gains de production étaient finalement épongés rapidement par la croissance de la population, le nouveau mode de production industriel, pour employer la terminologie marxiste, comporte au contraire un développement cumulatif de la production et de la technique qui permet de briser la malédiction malthusienne et d’assurer à l’humanité ce rythme de changement extraordinaire qu’elle n’avait jamais connu et qui caractérise notre époque. »
    (François Furet, “Commentaires”, printemps 2007)
    Contrairement à ce qui s’est dit récemment, les analyses pénétrantes de Furet doivent beaucoup plus à Marx qu’à Tocqueville, un philosophe certainement moins obtus que BHL, mais qui a néanmoins longtemps été abusé par les aspects séduisants de la démocratie étatsunienne, avant de pressentir les inconvénients de l'égalitarisme. D'ailleurs il est assez cocasse de voir BHL marcher sur les traces de Tocqueville, lorsqu'on sait que ce "libéral" fut partisan d'une répression féroce en Algérie.

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    « En effet, c’est en Angleterre que se font et surtout que se diffusent toutes les inventions fondamentales de l’industrie moderne (…). Rien de semblable en France, qui ne progresse dans ce domaine, sauf exceptions, que par des emprunts d’ailleurs tardifs à l’Angleterre. Ce qui, par parenthèse, montre qu’il n’y a pas de liens automatique entre science et technique car la France du XVIIIe siècle est un pays extrêmement brillant sur le plan de l’innovation scientifique et, au contraire, elle est relativement archaïque sur le plan technique (…) Or, c’est ce qui se produit en Angleterre dans la deuxième moitié du XVIIIe ; on y voit naître un pays de bricoleurs passionnés de gadgets. »
    (François Furet, "Commentaires", printemps 2007)
    Les "bricoleurs passionnés" de Furet font bien sûr penser au personnage de Courtial des Pereire dans Mort à crédit, à la satire que Céline fait de la société industrielle et démocratique. Une pierre dans le jardin de la vieille gauche tendance Zola ou de la nouvelle droite tendance Jacques Attali ou Alain Minc qui croit fermement qu'en dehors du gadget il n'y a point de salut.

  • Tête de Turc ?

    On a beaucoup dit aussi à la télé et dans la presse, comme s'il était difficile de lui trouver une autre qualité, que Chirac était un type secret, très secret - plus secret que Mitterrand !
    Et si ce secret ne faisait que dissimuler une grande transparence, dans le fond, une grande banalité ? Dans ce cas on ne pourrait que féliciter chaudement Chirac de sa pudeur.

    Il ressort du Dernier secret de Chirac, publié dans une grande démocratie qui ne connaît pas la censure après la passation de pouvoir du président et de son clan par mesure de prudence, afin de ne pas provoquer d'agitation populaire, il ressort que le secret de Chirac est en effet assez banal. Ce secret-là, Jospin, Hubert Védrine, le chanteur Renaud, etc., le partagent en effet. On apprend que le père de Jacques Chirac, François, fut un proche collaborateur de l'avionneur Henri Potez, dont les activités ne cessèrent pas pendant l'Occupation. Encore une fois, rien que de très banal, mais sur le cévé d'un politicien, mieux vaut effacer ce genre de détail. Il n'y a qu'à voir avec quelle spontanéité les anciens résistants, de Le Pen à Dumas en passant pas Chaban-Delmas, racontent leurs "faits d'armes" à la télé. On peut expliquer comme ça la propension de Chirac à donner de grandes leçons d'histoire à la France, ce que Sarkozy, en fils d'immigré bien élevé, s'abstient de faire.

    Le mystère selon lequel Chirac ne serait pas le fils de sa mère est en partie levé seulement dans ce bouquin. Une histoire à la Maupassant…

    Et le fils caché de Chirac, vont demander les provinciaux, est-ce vrai qu'il en a un ? Ah, ça, vous n'avez qu'à habiter Paris et vous le saurez… Tant qu'il est encore temps, vous pouvez toujours essayer de réserver une table dans les meilleurs restaus de la capitale en vous faisant passer pour le fils de Jacques Chirac, histoire de tester les réactions…