Hier soir, entre deux ouvrages scientifiques - c'est dingue comme le besoin d'un discours rationnel se fait sentir chez moi en ce moment -, j'allume la télé et appuie par inadvertance sur le bouton "Arte". Pas tout à fait par inadvertance en réalité, car je mène en ce moment une petite étude sociologique sur Arte, la chaîne du bien et du mal ; dans le cadre de cette étude, je calcule combien de fois, si l'on appuie cent fois sur le bouton Arte par inadvertance, combien de fois on tombe sur une émission mettant en scène des nazis, des vrais ou des faux. J'en suis à onze sur vingt-huit, pour le moment. Michel Polac a bien raison de dire que la télé fait régner un climat d'insécurité quasi-permanent dans ce pays.
Mais, hier soir, pas un nazi sur Arte ou presque, ils fêtent l'anniversaire, les dix ans de leur émission néo-culturelle TRACKS. Sous couvert de nouveauté, d'anticonformisme, d'art, de rockn'roll, d'humour, de tolérance, de recréation, d'underground, TRACKS est l'émission de télé la plus ringarde, la plus conformiste, la plus préfabriquée, la plus "marketing", la plus plate, la moins drôle, la moins populaire, la moins élitiste, la plus bobo, la plus prévisible, la plus chiante, la plus officielle des émissions que j'ai jamais vue.
Dans cette "autocélébration", ils n'ont rien trouvé de mieux, ces primates d'Arte, que d'enregistrer les félicitations du ministre Renaud Donnedieu de Vabres et de les diffuser… Donnedieu de Vabres ? Il n'y a jamais eu de ministre de la Culture plus ridicule que Donnedieu de Vabres, pas même Toubon ! Jack Lang, encore, il est capable d'endosser le rôle d'un mec cultivé devant les caméras avec un minimum de crédibilité, mais Donnedieu de Vabres, il est complètement… "out".
Lapinos - Page 144
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Cul-de-sac
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Petit bond en arrière
AVANT-PROPOS
Je souhaiterais dissiper le soupçon comme qui dirait qu'un antiphilosophe comme moi, "quelque part", ne serait rien d'autre qu'un philosophe qui se cache, voire s'ignore ! Qu'il me soit permis d'évoquer pour ça un souvenir, tant qu'il est encore frais.
Voici : j'étais jeune alors, plutôt oisif, j'étais étudiant et j'habitais une jolie ville de province en grande partie peuplée de gens qui me ressemblaient.
Un ensemble de matières aussi dissemblables que l'allemand et l'anglais figuraient au programme de mes études. Je me préparais ainsi un cervelle "baroque" ; en revanche, j'estimai à vue d'œil, dès la "rentrée", que la variété des types humains et féminins qui composaient ma classe était un peu réduite ; je résistai aussi longtemps que je pus aux avances d'une grande blonde aux yeux bleus, très musclée, prénommée Gwendoline, avec des tresses bien sûr, par pur respect humain de ma part ; qu'est-ce qu'on peut être con quand on a dix-sept ans !… mais c'est une autre histoire.
Mon esprit, disons "positif", et mon humour, plutôt épais, je dois l'admettre, me valaient d'écoper de sales notes en philosophie. Il faut dire aussi que l'exercice de la dissertation est un exercice assez schématique en soi, alors si vous l'appliquez à une matière aussi subtile que la philosophie, c'est à tomber la tête la première dans le néant ! Conçoit-on l'ennui que serait une dissertation de mathématiques !? Oui ? eh bien cette approximation permet à ceux qui n'ont jamais composé de dissertation de philosophie de s'en faire une idée assez exacte. Pour ceux qui ne seraient pas convaincus, même en mathématiques on ne se gêne pas pour faire des approximations.
CHAPITRE I
Dans une telle impasse, qu'auriez-vous fait, à ma place ? Moi, j'ai nié la philosophie en bloc ; face à un prof de philo, ça m'a paru la meilleure tactique. Dès l'introduction, j'écrivis que, les plus grands philosophes, dès qu'ils furent assez grands et vaccinés, s'empressèrent de se débarrasser du costume ridicule et démodé de philosophe, pour en revêtir un autre ; qui celui d'historien, d'économiste, de poète ou de prophète - tout sauf philosophe ! Ensuite, puisqu'il faut bien meubler, je racontai mes dernières vacances d'été, assaisonnées de galipettes un peu fictives, imitant J.-J. Rousseau - ou Voltaire, en tâchant de les présenter comme étant "universelles". C'était déjà un lieu commun dépassé à l'époque de voir en Voltaire un philosophe confortablement assis ; ses ennemis le dépeignaient plutôt comme un habile négrier, ses amis comme un poète, un artiste véritable ; on s'accordait seulement sur son intelligence ; si Voltaire revenait aujourd'hui, il présenterait plutôt le "Journal de 20 heures", un job dans ce genre, car "philosophe" ça n'a plus tout à fait le même cachet ; les philosophes sont sur des sièges éjectables. Ça serait le seul présentateur du JT à écrire lui-même le texte de son prompteur, sans fautes de français, et tout le monde attendrait avec impatience l'heure du JT.
En vain. Mon professeur lissa ses moustaches en me rendant ma copie ; elles avaient poussé de la même manière que Nitche à cacher sa bouche et attraper toutes les miettes au passage de chaque morceau, ce qui trahit un esprit peu pragmatique ; il hocha la tête en signe de réflexion, mais s'entêta à me prescrire la lecture de tout un tas de penseurs polonais, danois ou allemands, « o-bli-ga-toires ».
Ma bête noire, ma tête de Turc, je me rappelle que c'était Kant, Emmanuel Kant. Un esprit positif, au sens de réfractaire, voit vite à quel point la notoriété de Kant est largement usurpée, un signe des temps.
Dans une époque où les demi-savants font la loi, Kant peut passer pour un esprit fort, et encore, il y a beaucoup de conformisme dans l'attitude de ceux qui éprouvent de la commisération vis-à-vis des "raisons" de Kant. Devant des savants entiers, Kant passerait pour un demi-habile, au mieux, le genre qui admet sans trop se poser de questions que l'homme descend du singe - est-ce que vous me suivez ? En France, au XVIIIe siècle, à peu de distance de Molière, nul doute qu'on eût jeté des tomates à la figure de Kant ! Un gugusse qui prétend éliminer Dieu de ses calculs, sous prétexte qu'on ne peut pas prouver son existence, si ce gugusse ne croit pas en Dieu lui-même, qu'Il n'a pas de réalité assez concrète pour lui, passe encore, on peut l'admettre, aussi étrange et bestiale que cette incrédulité puisse paraître. Mais, car il y a un mais, si ce gugusse croit lui-même en Dieu, comme c'est le cas de Kant, son raisonnement ressemble à un gag, au petit film des frères Lumière, l'"Arroseur arrosé".
On est en devoir d'émettre un sérieux doute sur la santé mentale de Kant si l'on est véritablement athée ou véritablement chrétien ; il n'y a que des crétins pour se sentir "obligés" vis-à-vis de Kant - les crétins, une espèce que l'évolution sociale semble nettement favoriser en ce moment.
Je sentis que mon professeur n'était pas loin d'éprouver les mêmes sentiments, mais je ne les formulai pas assez poliment pour qu'il me donnât la moyenne.
CHAPITRE II
Donc, si je n'avais pas grignoté, ici ou là, dans le droit fiscal ou dans les déclinaisons allemandes, quelques notions utiles, je crois que je serais mort d'anémie intellectuelle avant la fin de l'année scolaire. Par chance, vers le mois d'avril, un événement se produisit qui allait changer le cours de mes études. Mon prof de philo, à mesure qu'il voyait que jamais je ne saurais jongler avec des concepts, des chiffres, des valeurs, des bilans, etc., me prédisait un avenir de plus en plus sombre, une absence de réussite sociale totale. C'est alors qu'ému par mon cas, il fit quelque chose que sa morale de professeur de philosophie réprouvait vivement : il m'autorisa à étudier le philosophe de MON choix et à le lui présenter dans un exposé AUSSI PEU didactique que possible. Par patriotisme, et vu que je suis Normand, j'élus d'emblée le plus grand philosophe normand, celui qu'on surnomme communément par chez moi le "viking", ou encore le "menhir" de la pensée", j'ai nommé le fort, le doux Alphonse Allais. Je n'eus ensuite pas beaucoup d'efforts à faire : Allais a tant de souffle, il est si saillant, si ponctué, voire croustillant, acide ou amer en fonction de l'horaire des marées, en un mot il a un tel don d'ubiquité, que mon professeur fut bouleversé à la lecture de mon compte-rendu synthétique. Je n'avais pas fait autre chose que recopier deux pages du "maître", en fait, afin de ne pas trahir sa pensée, désireux qu'elle parût au regard de mon professeur dans toute sa complexité.
De ce choc, il résulta un changement immédiat pour moi : mon professeur me dispensa pour le reste de l'année d'assister à son cours de philosophie. Ainsi j'eus le loisir de m'initier à la natation dans une piscine olympique, natation dont je suis toujours adepte, et qui me procure sagesse et humidité.
CHUTE
Je n'ai pas de nouvelles depuis, de mon professeur de philosophie, vous savez ce que c'est, la vie désunit parfois ce qu'elle a unit mystérieusement, les desseins du Très-Haut sont impénétrables, etc. Je l'ai perdu de vue mais reste persuadé d'un truc, c'est que s'il vit encore aujourd'hui, s'il n'a pas sombré dans la folie, et cette moustache en forme de râteau était une signe avant-coureur, c'est que chaque semaine, au moins, il lit, deux pages d'Alphonse Allais. -
Les couilles de Charles, etc.
Qu'on comprenne bien, ce que je reproche à Benoît XVI et à son prédécesseur, sur la théorie de l'évolution, c'est de s'avancer un peu trop, d'apporter leur caution à une hypothèse encore trop peu étayée… Chaque nouvelle théorie pour expliquer la mutation des êtres vivants depuis Lamarck est battue en brèche par la suivante ! Et lorsqu'on cause de déterminisme "épigénétique", c'est vachement classieux, mais en s'avançant dans cette direction on n'a encore fait qu'enfiler ses chaussures de marche avant de commencer une longue randonnée…
La théorie de l'évolution n'en est encore qu'à ses premiers pas, elle marche encore à quatre ou cinq pattes et il faut faire la part de l'enthousiasme, bien naturel, des paléontologues, des zoologues, des sociologues-éthologues et autres spécialistes de la biologie moléculaire…
Le pape cède ainsi à ce qu'il faut bien appeler "le politiquement correct" scientifique. Étant donné mon expérience, je ne doute pas un seul instant qu'il puisse se trouver des athées d'assez mauvaise foi pour reprocher le cas un jour à l'Église son excès de conformisme dans ces circonstances…
Aux pharisiens évolutionnistes, il n'y a qu'une seule réponse à faire : « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à Darwin ce qui est à Darwin ! »
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La mauvaise foi des athées est si solide que si les chrétiens faisaient preuve de la même rage de conviction qu'eux, on peut penser qu'il s'en suivrait une chute brutale du cours de la haine dans le monde. Que ceux qui doutent de la profondeur de la mauvaise foi des athées entendent cette parabole jusqu'au bout ! (Les autres devront s'en contenter car je n'ai rien d'autre à raconter aujourd'hui.)
Cette parabole, c'est la parabole des couilles de singe de Charles Maurras…
En préliminaire, je tiens à préciser que je ne partage pas les idées de Maurras ; en effet, Maurras est contre les idées de la Révolution, beaucoup trop contre à mon humble avis, au point que ces idées révolutionnaires ont imprimé leur marque sur ses propres sentiments. Or, la science moderne révèle que la Révolution de 1789 ne fut pas tant la cristallisation de certaines idées qu'un conflit d'intérêts privés avant tout. Il y a donc un malentendu de la part de Maurras, qui accorde une importance exagérée à des idées rudimentaires.
Mais, pour l'approximatif Michel Onfray, grand manitou de l'athéisme, peu importe Maurras et ses idées ; Maurras n'est qu'une cible ; tout est bon pour faire parler de lui et accéder à une reconnaissance médiatique supérieure. Pour cela, il n'a pas hésité à répandre l'information saugrenue selon laquelle Charles Maurras s'était fait greffer des couilles de singe par un savant russe nommé Voronoff. C'est gros, mais auprès du public de l'université populaire d'Onfray, ou auprès des auditeurs de France-Culture, ça passe comme une lettre à la poste. Ce genre de singeries, ils en redemandent ! D'ailleurs, lorsqu'on sait l'hégémonie de Charles Maurras et de ses disciples sur la pensée en France aujourd'hui, le public d'Onfray ne pourra qu'applaudir le courage de ce croisé antifachiste.
Mais le plus important n'est pas là. Ce qui me paraît grave, c'est qu'un historien sérieux et honnête, Y. Chiron, ait jugé bon de réfuter point par point ce ragot selon lequel Maurras se serait fait greffer des couilles de singe… Où va-t-on si on prend au sérieux les philosophes de France-Culture ? Où va-t-on si le discours politique et religieux d'un gugusse comme Onfray oriente la recherche scientifique ? -
Intelligent design?
Pas plus tard qu'hier soir j'ai croisé Agnès Jaoui près de chez moi ; une semaine plus tôt c'était Fabrice Luchini : on ne se sent plus en sécurité nulle part !
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Toutes cette poudre au yeux, cette réclame, ce fétichisme, ce gaspillage, cette superstition, ces effets d'annonce, toute cette campagne présidentielle, je croyais que c'était ça qui me déterminait à me passionner en ce moment pour des sujets sérieux comme la poésie, les sciences - l'évolution des êtres vivants et des sociétés, par exemple ; et puis tout à coup une autre cause évidente m'a sauté aux yeux… le 11 avril 2007, la veille de consulter un ouvrage de référence sur la théorie de la sélection de parentèle d'Hamilton (quand on pense qu'il y a des crétins qui lisent Luc Ferry, BHL ou Finkielkraut…), j'ai emprunté à contresens la rue Darwin pour déboucher dans la rue Lamarck afin de me rendre chez un ami. Je m'en suis aperçu seulement en essayant ensuite de retrouver dans les pages jaunes de l'annuaire l'adresse de mon pote afin de le remercier de m'avoir prêté pour me remonter le moral un recueil d'excellentes nouvelles d'Alphonse Allais (quand on pense qu'il y a des crétins qui lisent Kant, Nitche ou Heidegger…).
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Le déterminisme de notre "Candide à la présidentielle", Nicolas Sarkozy, lui, s'apparente fort à la "méthode Coué" ; on pourrait parler aussi d'"autodétermination" ; Sarkozy en son for prie pour qu'il existe une recette pour être élu et pour n'avoir oublié aucun des ingrédients de la recette-miracle. Il doute peu en revanche d'être né pour finir à l'Élysée.
Oh, j'espère qu'il a songé à mettre un cierge à Notre-Dame ! Ça ne coûte rien… Vu son éducation, Ségolène, elle, l'a sûrement fait (on peut faire faire ça par un commissionnaire discret.)
« Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Nicolas, que ta philosophie ne peut en rêver ! »
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Ah, humain, je reste trop humain pour ne pas verser malgré tout dans la futilité et les ragots ! En feuilletant un bouquin d'Anne Wiazemski, j'apprends que Robert Bresson n'était qu'un vieux pervers libidineux ; ce n'est pas un vrai "scoop" vu qu'on ne saurait être un grand cinéaste à moins. -
Un singe au Vatican
Beaucoup de bruit autour de Charles Darwin ces derniers temps à l’intérieur de publications assez sérieuses pour demeurer "confidentielles". Les nombreux bouquins de Stephen J. Gould (1941-2002) - le chaînon manquant pouvait dormir peinard pendant qu'il les écrivait -, continuent de faire débat ; Claude Allègre trouve le temps, en plus de nous prévenir contre les gesticulations de ce grand chimpanzé de Nicolas Hulot, de donner des cours d’histoire et de dégraisser la théorie de Darwin des préjugés que l’Éducation nationale a laissé croître autour négligemment ; et il y a même le pape qui vient de délivrer quelques phrases-clefs sur l’évolutionnisme et la Genèse à l’attention des dernières bigotes qui le lisent - environ cinquante personnes en France, dont votre serviteur.
Et je viens de lire dans un mensuel plein d’ambition intitulé Reconquête un long entretien entre le Dr Xavier Dor et Cécile Montmirail - un patronyme plutôt "girond", mais c’est surtout le titre de l’article qui a capturé mon attention : Évolutionnistes contre créationnistes, la fausse opposition.
Cette opposition est exploitée par des journaux à scandale comme Le Monde ou Présent ; mais il est si vrai que cette querelle est complètement artificielle, fabriquée, que l'"évolutionniste" S. Gould, dont personne n’oserait nier les titres et les compétences en paléontologie et en zoologie, notamment, accorde du crédit au discours créationniste. Car la conviction que certains mettent parfois à croire au singe est inquiétante ; si on leur dit un jour que nous serions plutôt issus de la moule ou de l'oursin que du bonobo, ne se sentiront-ils pas d'un seul coup orphelins ?
Tous les discours raisonnables sont les bienvenus, et certains "créationnistes" sont raisonnables, dit en substance S. Gould ; ajoutons que Gould est très proche dans la démarche épistémologique de Benoît XVI ou de Claude Allègre ; lorsque Claude Allègre explique le danger que le consensus démocratique peut représenter pour le progrès, il se fait l’écho de Baudelaire (pas le Baudelaire au programme du baccalauréat, évidemment), esprit moderne et d’avant-garde s’il en est, honni pour ses jugements sociaux sévères et ses critères intellectuels cinglants.
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Quant au Dr X. Dor, dont il m’est arrivé d’éprouver la grande capacité d’écoute, d’être surpris qu’il ne s’irrite pas de mes boutades quelquefois impertinentes, je trouve son propos à la fois trop scientifique… et trop peu. Un peu "décalé", en fait.
Pour synthétiser l’opinion du Dr Dor, il reprend en gros à son compte l’idée développée par Bergson d'évolution consciente ; "la conscience est consubstantielle à la vie" dit l’humaniste Bergson, pour qui la plus petite pâquerette est dotée d’une conscience ; ça paraît idiot comme ça, mais ça ne l’est pas plus que les "animaux-machines" de Descartes, auquel Bergson s’oppose ouvertement ; c’est amusant de le signaler vu que Descartes est un parangon de la raison, dont on a un peu tendance à nous rebattre les oreilles en démocratie.
Le Dr Dor n'hésite donc pas de se dire catholique et "évolutionniste". Dans le détail, le premier de ses arguments à l’appui de ce credo, c’est l'"unité du monde vivant" - le fait que tous les êtres vivants ont un point commun, une signature commune, l'ADN. Je ne sais pas si X. Dor le fait exprès, mais cet argument est plutôt un argument "créationniste", car la ressemblance n’implique pas forcément l’évolution, le dynamisme. Dire, en présence d’êtres complexes et d’êtres plus simples qui ont des ressemblances, que les uns descendent des autres, c’est justement ce que les savants s’efforcent de démontrer à partir d’indices qui PARAISSENT significatifs, mais sans être parvenus encore à un taux d’indices suffisant. Il ne faut pas se hâter de conclure, surtout lorsque la réponse n’a pas un caractère urgent. Toute l’ambiguïté de la démarche scientifique, qui échappe au saucissonnage kantien, c’est que le chercheur fait simultanément un raisonnement intuitif complet, à cet égard l’imagination, le goût, l’éducation, le savoir historique sont utiles, et un raisonnement déductif, progressif et qui exige confirmation.
Ne sont-ce pas l'évidence et la hâte qui ont entraîné Lamarck à cette erreur que le cou des girafes avait poussé pour leur permettre d’atteindre les feuilles des arbres et de paître plus à leur aise ? Une déduction trop rapide que Darwin n’hésita pas à reprendre à son compte, tant le désir de Darwin d'arriver était grand. L’erreur n’est pas seulement humaine, elle est scientifique, mais il ne faut pas en abuser. Ce n’est pas un hasard si tous ces gobemouches des médias, ces journalistes arrogants et vaniteux, ont emboîté le pas à Nicolas Hulot, comme les gamins de Hamelin se ruèrent à la suite d’un joueur de pipeau, tandis que des têtes un peu plus froides, scientifiques, au contraire, se montrent réfractaires à glisser sur la peau de banane écologiste.
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D’ailleurs, si cela était prouvé, que tous les êtres vivants sont issus successivement d’une même "matrice", en quelque sorte, il faut bien voir qu’il serait alors beaucoup plus difficile de faire un classement chronologique que, par exemple, de classer rétrospectivement dans l'ordre les cinquantes tableaux miraculeusement retrouvés, de la main d’un même peintre décédé sans laisser de testament.
Xavier Dor comme Benoît XVI entendent démontrer que le créationnisme et l’évolutionnisme sont deux idées que l’on peut conjuguer fructueusement, ou, si l’on préfère, qui ne se nuisent pas l’une l’autre. C’est un discours d'apaisement. Le Dr Dor est pur, TROP pur ; ce n’est pas la première fois que je me fais cette réflexion à son sujet. En vérité, aucun des grands savants qui collectionnent les indices permettant de prouver un jour quelque chose n’est gêné en quoi que ce soit par le discours "créationniste". Ceux qui accusent les "créationnistes" de manipuler l’opinion ne sont pas de bonne foi. Il n’y a pas QU’UN SEUL discours de propagande, un seul mysticisme, celui des musulmans ou des sectes protestantes yankies - cqfd. Il y a d’autre part et d’abord la propagande de Darwin lui-même, son mysticisme, sa foi aveugle dans le singe. « La religion est l’un des plus grands fléaux du monde, comparable à la variole mais plus difficile à éradiquer. » : ce propos est de Richard Dawkins, un autre grand savant évolutionniste en pointe. Si ça ce n’est pas aussi un discours mystico-religieux, je ne sais pas ce que c’est…
Se pencher sur la genèse ne doit pas faire oublier la Chute. Il n’y a plus d’homme qui s’avance avec des intentions complètement pures depuis cet événement. On n’est pas forcé de croire à cette histoire, mais dès lors qu’on y consent, la présomption d’innocence est contrebalancée par la présomption de culpabilité, surtout vis-à-vis des innocents aux mains pleines, des vertueux citoyens, toujours prompts à dénoncer les ténèbres de l’islam ou du Moyen-âge. Mieux encore que de cette vague "raison" dont personne ne peut dire exactement en quoi elle consiste, c’est de méfiance que le chrétien doit s’armer contre la prétendue neutralité laïque, que je n'ai pour ma part jamais rencontrée hors de pompeux traités de droit ou dans la bouche de braves crétins qui en étaient eux-mêmes les victimes inconscientes.
Si les chrétiens persistent à tenir des discours de pandas naïfs, ils seront parqués dans des zoos et éliminés lentement mais sûrement par ceux qui les traquent. Je préfère être un chrétien méfiant, libre et sauvage ! -
Déchéance électorale
À mesure que l'échéance du 22 avril se rapproche, l'amertume grandit. Tous ces électeurs qui s'agitent, dans les talk-shows, les forums de discussion, les blogues, bien sûr, plus que jamais, ils font pitié comme ces petits papillons blancs qui se précipitent dans les phares d'une voiture : quel gâchis ! quelle sotte dévotion !
Je ne dis pas qu'il n'y a pas, malgré l'impressionnante lourdeur de toute cette propagande, l'instinct diffus, chez certains, que tout ce cirque, les petits bonds de Sarkozy dans le poste, les battements de cils de Ségolène, les rodomontades de Bayrou, n'est que de la poudre aux yeux, des illusions promues. C'est comme ça que je m'explique le succès du petit livre d'entretien d'Éric Besson, ce cacique du parti socialiste quasiment inconnu avant qu'il ne décide en pleine campagne, après avoir été déçu par Ségolène, de faire les yeux doux à Sarkozy et d'ouvrir les coulisses du petit théâtre de variétés de la campagne électorale du parti socialiste.
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Comment ne pas faire le rapprochement entre Éric Besson et Jean-Jacques Rousseau - ou Candide ? hors le style, bien entendu, quoi qu'en dise Philippe Tesson, qui n'a que l'apparente robustesse d'un critique du XIXe, c'est un pantomime bavard plutôt.
Car l'interviou de ce Besson-là, facile à lire, y compris entre les lignes, cache mal l'hypocrisie qui sous-tendent ses propos et la bêtise de ses idées politiques, alors que c'est justement les manœuvres de la campagne électorale qu'il dénonce et se pose en chevalier blanc de la démocratie.
Ainsi E. Besson fustige le bidonnage complet du "chiffrage" des promesses électorales des candidats par de pseudo-économistes, alors qu'il a été pour le PS un des principaux artisans de ce faux-semblant. Mieux que cela, il admet à demi-mot que l'idée même d'un chiffrage n'est pas sérieuse. Les promesses électorales ont perdu de leur crédit sous Chirac, il fallait leur en redonner un minimum ; la comptabilité, ça impressionne toujours les esprits faibles. Comme on comprend François Hollande d'avoir confié cette mission à un tel Jean-Jacques ! D'ailleurs Besson conteste à Bruno Rebelle, de "Greenpeace", conseiller de Ségolène, une quelconque compétence dans le domaine de l'écologie ; mais dans le même temps il fait semblant d'accorder du crédit à… Nicolas Hulot ! Il est évident que "Greenpeace" n'a jamais été le champion de l'écologie mais du marketing et que c'est pour ses compétences dans ce domaine que le faux Rebelle a été recruté.
Les véritables mobiles littéraires d'Éric Besson sont personnels. Sentimentalement, il a été déçu d'être snobé par son ami François Hollande et son mentor François Rebsamen, d'abord. Surtout, sa carrière a souffert du choix qu'il a fait de miser dans un premier temps sur le mauvais cheval, Lionel Jospin, au lieu de cette pouliche de compétition qu'est, il l'admet lui-même, Ségolène Royal ; Jean-Jacques était mû lui aussi par le dépit changé en haine contre son ex-ami Diderot (un gros gourmant, comme Hollande.)
J'ajoute que les métaphores "foutebolistiques" de Besson produisent sur moi un "effet navrant" supplémentaire. Les politiciens qui s'intéressent sincèrement au foot, Philippe Séguin, Lionel Jospin, Philippe de Villiers, Bernard Tapie, ce ne sont certes pas les plus brillants de nos édiles… -
Provocateur-né
Un de mes potes, génétiquement programmé pour être un provocateur, au milieu d’une conversation (sur Maurice Dantec - beaucoup trop vacharde pour être reproduite ici) lance que mes idées politiques ne sont pas finalement très différentes de celles de… José Bové !? Saligaud ! José Bové, ce mec poilu et décérébré qui donne des frissons aux pucelles démocrates-chrétiennes… c'est tout ce que je déteste ! Je sais que je ne devrais pas, mais j’éprouve le besoin de me justifier, Henri.
L'“antilibéralisme” de Bové est complètement idiot. Bové croit dur comme fer au libéralisme, comme Madelin ou Bernard Arnault, alors que le libéralisme ça n’existe pas, ni spectre ni bon génie de la lampe ; il n’y a MÊME PAS une doctrine libérale cohérente, juste quelques éclairages micro-économiques plus ou moins pertinents et n’importe quel macro-économiste, pas besoin d’avoir fait l’école des Chartes, n'importe quel économiste sait qu’il n’y a pas de système économique idéal. « Il est interdit d'interdire », dans le domaine de l'économie comme des mœurs, ce n'est qu'un slogan hypocrite et ringard.
Que reste-t-il, dans ce cas, des invectives de Bové ? Si le libéralisme n'existe pas, qui sont les "libéraux" ? Un conglomérat de grands patrons qui se regroupe autour de quelques intérêts sonnants et trébuchants communs, qui arrosent les médias et les hommes politiques avec leur pognon et n'hésitent pas à se poignarder dans le dos lorsque c'est nécessaire ; je n’ai jamais entendu Bové dire ça clairement. Ça supposerait un jugement historique et moral dont il est incapable.
Il n’y a qu’à observer d'ailleurs l’anticléricalisme inné de Bové : il ferait presque croire à la théorie de l’hérédité des caractères acquis de Darwin, lorsqu’on le voit aboyer de rage dès qu’il aperçoit la bobine d’évêque antéconciliaire de Philippe de Villiers, alors que les “cléricaux” ont perdu pratiquement tout pouvoir d’influence en France depuis longtemps ! Encore une fois il met à côté de la plaque, cette enclume de Bové.
La vérité c’est que José Bové est une caricature. Il sert d’épouvantail à tous ces enculés de patron en costume-cravate qui collectionnent des œuvres d’art contemporain. Il est parfait pour faire peur au troupeau des démocrates-chrétiens, des centristes et autres bobos bêlants. Aucun risque qu'il fasse un score important comme Le Pen.
Le mariage de Bové avec une sainte-nitouche démocrate-chrétienne n’est donc pas si improbable lorsqu’on sait le nombre d’industriels que la bourgeoisie démocrate-chrétienne a engendré, dans la grande distribution ou dans le pneu, et comment elle protège ses roulements à billes avec soin.
De nos trois théoriciens fumeux : Madelin, Bové et Arnault, difficile de dire à vue de nez qui est le plus con, mais celui qui a certainemement le plus de pouvoir des trois, vu le pognon qu’il brasse, c’est B. Arnault. -
Un pionnier
Il serait un peu naïf, sous prétexte que Christine Angot ou Amélie Nothomb sont des écrivaines rabougries et ennuyeuses, de dénigrer l'"autofiction" en général. Car c'est presque toute la littérature moderne qui ressortit en fait au genre "autofictionnesque" ; sous le manteau du "roman", il n'y a guère que des autofictions cryptées ou parcellaires - même les romans sans chair de Robbe-Grillet en disent long sur ce cas de monomanie étrange -, autant s'abstenir complètement d'en lire, dans ce cas.
Après, la question de savoir si telle ou telle autofiction dépasse les bornes et verse dans l'obscénité gratuite ou pas, cette question-là est plus délicate. Chacun sera tenté de juger Rousseau, Balzac, Céline, Proust, Waugh, Mauriac, Bernanos, etc., en fonction de ses propres mœurs ou de son propre tempérament. On peut très bien imaginer que tel ou tel chrétien, surtout si c'est une chrétienne, se sente offusquée à la lecture de tel ou tel épisode des Confessions d'Augustin, un pionnier du genre, notamment un épisode d'avant qu'il ne se soit assagi.
Personnellement, j'aime que l'autofiction soit aussi dépourvue de grandes déclarations idéalistes que possible. Comme la tendance de chacun à "généraliser" est inscrite dans le génome humain, disons qu'il est préférable que la "philosophie" de l'auteur ne soit pas trop apparente, qu'elle soit "retenue". Ainsi, L.-F. Céline a deux ou trois idées bien arrêtées sur la vie et le monde qui l'entoure, mais il évite de nous assommer à chaque page du Voyage ou de Mort à crédit avec des sermons. C'est aussi ce qui fait qu'on lit plus volontiers les Confessions de saint Augustin qu'une encyclique de Benoît XVI ; même si saint Augustin ne peut s'empêcher de prononcer des sermons de temps en temps, on sent le chrétien palpiter encore à près de seize siècles de distance, tandis que Benoît XVI, ce n'est qu'un rappel à un ordre plus juste, une tentative de restaurer de vieilles règles. Du coup la portée n'est pas la même. La pilule passe moins bien lorsqu'elle n'est pas dissoute dans la potion.
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Ce qui est amusant, c'est que l'autofiction n'implique pas plus d'exactitude que le roman. L'exemple de Rousseau est significatif, lui qui s'aventure souvent dans des domaines, l'éducation, la politique, la musique, dont il n'a à peu près aucune expérience, et puis qui travestit allègrement la réalité de son existence, de son éducation, de ses amitiés ; il y a l'exemple de Chateaubriand aussi, qui peut passer pour un fieffé menteur, si on le confronte à une bonne biographie. C'est le jeu de compléter Bloy, Céline, Rousseau, par une bonne biographie, et de voir ce qu'il y a dans l'interstice (ou le grand écart).
Ce qui m'a poussé à lire le petit essai que L. Jerphagnon consacre à saint Augustin, c'est une interviou où il déclarait son antipathie pour sainte Monique, la mère d'Augustin. Je me montrai curieux de savoir pourquoi ? Alors même que saint Augustin fait l'éloge de sa mère, de sa soumission à son mari païen… Mais l'argument de Jerphagnon contre Monique n'est guère étoffé, c'est quasi un préjugé. Principalement il lui fait grief d'avoir chassé la maîtresse d'Augustin et son fils, afin de permettre à Augustin, dont la carrière venait de décoller, de faire un mariage plus brillant. Et puis il reproche à Monique d'être un peu trop "dévote". Qui plus est Jerpahgnon est de confession protestante, c'est étonnant lorsqu'on sait l'importance de la "carrière professionnelle" dans les milieux protestants, leur empressement à rejoindre les rangs de la laïcité et de la démocratie la plus bigote !
En outre, Jerphagnon essaie d'imiter le franc-parler d'Augustin, mais il consacre trop de temps à faire le catalogue de vieilles idées philosophiques gréco-latines qui, extraites de leur fondements historiques, n'ont pas beaucoup d'intérêt.
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Des exemples contemporains comme ceux de Modiano, Angot ou Beigbeder, montrent bien que le roman est un peu pris au piège dans "une grande démocratie comme la nôtre". Ce piège, on peut d'ailleurs dire qu'il n'entrave pas seulement le roman, mais toutes les formes de création, ce piège se présente comme un paradoxe : chacun d'entre nous ou presque est encouragé à devenir un artiste - transformé en génie par la grâce de quelque slogan le moindre patouilleur capable de justifier ses patouilles ou son bout de pellicule avec deux ou trois phrases habiles -, dans le même temps que la société de consommation prive les individus de toutes les conditions favorables à l'épanouissement de l'art, voire de l'artisanat. -
Repentance
Une repentance, au sens ancien, c'est-à-dire un mea culpa : dans ma hâte à vouloir exécuter Jean d'Ormesson, tantôt, je l'ai accusé à tort d'avoir fait une publicité abusive, dans Les 1001 livres qu'il faut avoir lus dans sa vie, à une jeune écrivaine indienne, Abha Dawesar, publiée par Héloïse (sic) d'Ormesson, sa fille. J'ai confondu la donzelle avec l'une de ses concurrentes, Jhumpa Lahiri. Elles n'ont pourtant pas toutes les deux exactement le même genre de physique (Jhumpa est un peu plus racée.)
J'avoue aussi ma méconnaissance de la littérature indienne dans son ensemble, tant que j'y suis, et que Kipling reste pour moi LE grand écrivain indien indépassé (Sur ce point V.S. Naipaul ou S. Rushdie, au moins, ne risquent pas de me contredire.)
Jean d'Ormesson est donc seulement coupable d'avoir apporté sa caution académique à une anthologie qui n'est pas assez large pour faire place à un seul livre de Psichari, Von Salomon, Loti, ou encore Villiers de l'Isle-Adam, mais en revanche assez laxiste pour accorder un chapitre à des œuvrettes signées Amélie Nothomb, Julian Barnes, Thomas Pynchon ou Patrick Modiano.
Oh, et puis pour être tout à fait franc, il y a pire que ce bouquin puisqu'il est en réalité presque entièrement rédigé par des profs britanniques et que les Français, de toute façon, ne lisent presque pas. Avec les Espagnols, nous sommes les plus mauvais élèves de la classe européenne dans ce domaine.
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M'étant rendu dans un grand centre commercial entièrement consacré au sport afin d'y acquérir un nouveau "moule-bite", comme on dit dans le langage des piscines, j'en ressors bredouille. Lorsque j'avais acheté le précédent dans la même boutique, on y trouvait en rayon environ trois-quarts d'articles de sport pour un quart d'articles de mode ; la proportion s'est inversée dans l'intervalle ! Les ethnologues qui s'attachent à définir l'identité française auront noté ces faits, je suppose, à la fois la médiocrité des Français dans le domaine de la lecture et dans celui du sport, médiocrité qui s'incarne si bien dans le journal L'Équipe.
À quoi sommes-nous donc bons, alors ? Dans le domaine des performances sexuelles, on peut penser que les statistiques ne sont pas fiables et que la nouvelle hypocrisie sociale qui consiste à faire état de performances sexuelles hors du commun, si possible en utilisant un vocabulaire anglais pompé sur internet, cache en fait plutôt une certaine misère sexuelle, ainsi que l'a assez bien démontré Michel Houellebecq.
Que reste-t-il à part un premier prix de cuisine à se disputer avec nos voisins italiens ? -
Détours en France
Excursion en province. Deux ou trois fois l'an environ, je me sens obligé d'honorer mes "vieux" d'une visite de courtoisie. Je dis "vieux" par réflexe, car depuis un an ou deux j'ai l'impression de vieillir plus qu'eux. Du coup, ça les rajeunirait même à mes yeux.
Mon paternel, je m'entends assez bien avec lui, mais il ne tient pas en place : il y a sa nervosité naturelle, et la frustration sexuelle qui n'arrange rien, j'imagine. Comme il ne boit pas et ne fume pas, je lui suggèrerais bien de prendre une jeune maîtresse habile, comme on n'en rencontre guère que dans les bouquins de G. Matzneff, n'exigeant que des sentiments et un bijou de temps en temps : il se calmerait un peu ! Mais je n'ose pas ; je suis sûr qu'il est déjà arrivé à la même conclusion que moi depuis longtemps : les femmes sont un poids, la bagatelle a son revers… et Matzneff "brode" beaucoup trop.
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La mer est bleue, le ciel est bleu, les rochers dessinent des formes bizarres, tout ça est magnifique sous le soleil, certes, mais je ne m'attarde pas trop ; la province, c'est bon pour les peintres impressionnistes.
Léger désagrément au retour en pénétrant dans mon wagon lorsque je constate en me penchant sur mon "titre de transport" que je n'ai pas de place réservée et que je voyagerai assis "selon la disponibilité" des sièges. L'appât du gain est tel à la SNCF désormais qu'ils n'hésitent pas à vendre plus de places qu'ils n'en disposent, les salauds. Stoïque, je passe deux plombes à bouquiner debout dans la coursive, ce qui me vaut un regard admiratif de chacune des gonzesses, six en tout, qui défilent devant moi sur le chemin du bar. Mais aucune n'est vraiment jolie ou bien sapée.
Les contrôleurs ne me réclament pas mon billet. Est-ce parce que je lis quelques morceaux choisis d'Engels dans un bouquin à couverture rouge ? J'en suis presque sûr… Merde, on devrait pouvoir lire Engels ou Marx sans s'attirer forcément la sympathie des syndiqués en uniforme de la SNCF ! Engels, lui, parcourt la province française à pieds et en dit beaucoup de bien, surtout de la Bourgogne, dont il aime l'accent, où le bon vin coule à flots et les filles sont bien mises et peu farouches… C'était avant la révolution petite-bourgeoise et les TGV qui roulent à cinq cent soixante-dix kilomètres par heure et des brouettes. -
Largesse d'esprit
Jean d'Ormesson se "mouille" toujours autant ; il signe une anthologie illustrée : Les 1001 livres que vous devez avoir lus dans votre vie. Après tout pour qui est bien décidé à vivre aussi longtemps que Jean d'Ormesson, 1001 livres ça ne fait jamais qu'un peu plus d'un bouquin par mois environ, c'est raisonnable…
Aux côtés des classiques de toutes les époques et de toutes les langues - on retrouve même Waugh dans cette anthologie, aussi prisé des lecteurs britanniques que Mauriac l'est des lecteurs français, mais dont l'ironie politiquement incorrecte est assez malvenue de ce côté-ci de la Manche -, en cette brillante compagnie, donc, on est quelque peu surpris de voir figurer la jeune écrivaine contemporaine indienne Abha Dawesar, quasiment une inconnue… on est moins étonné lorsqu'on s'aperçoit que l'éditeur d'Abha Dawesar en France n'est autre que la propre fille de Jean d'Ormesson.
Rompu à l'art de déblatérer sur un plateau de télévision et d'y jouer le rôle du "charmant vieil homme" comme pas deux, d'Ormesson répondrait sûrement que c'est parce qu'Abha Dawesar fait partie des mille et un auteurs indispensables, justement, que sa fille a décidé de la publier, et non l'inverse. Je n'ai vu d'Ormesson perdre ses moyens à la télé qu'une seule fois, le jour où Laurent Ruquier à révélé en sa présence que le vénérable académicien se torchait avec du papier-cul imprimé de fleurs de lys bleues. Malgré toute son expérience, le charmant vieil homme ne s'attendait pas à cette attaque par-derrière ET en dessous de la ceinture. -
La mascotte anarchiste
La mascotte de Charlie-Hebdo, le petit père Siné, répétant en boucle à la télé qu'"un bon gendarme est un gendarme mort", qu'est-ce que c'est si c'est pas du "marketing" anar ? Faut dire que le soutien de Sarkozy et de tout le gratin de Saint-Germain-des-Prés, lors du vrai-faux scandale des caricatures de Mahomet, ça n'a pas dû leur faire que du bien à Charlie-Hebdo. Et avec ça Philippe Val qui se prend pour Bertrand Poireau-Delpech ou bien Jean Daniel, Cabu dessinateur officiel de la Ville de Paris… D'ici que le prochain président propose le transfert des cendres de Cavanna au Panthéon… Les lecteurs de Charlie vont finir par se douter de quelque-chose. Pas si cons que les lecteurs du Canard enchaîné, quand même !
(Plusieurs années de suite, j'ai eu un voisin instituteur communiste qui faisait la lecture à voix haute des titres du Canard à sa régulière tous les mercredis : « Écoute ça un peu, Claude : c'est un véritable scandaaaaale !!! ahaale… » Pas de doute, cet enfoiré jouissait dans son froc ; il lui fallait sa dose hebdomadaire de dénonciations pour vivre ; sans ça il se serait étiolé. Je parie tout ce qu'on veut que le standard du Canard enchaîné doit crouler sous les appels des délateurs, pire que le standard de la Gestapo pendant l'Occupation.)
Siné fait donc son sketche à la télé. Faut dire qu'il s'y connaît en promo, Siné, puisque c'est dans la réclame qu'il a débuté, comme Beigbeder, Dantec ou Ardisson. Mais il n'a réussi à choquer personne sur le plateau de "France 3", ni l'historien Michel Winock, ni le porte-plume Georges-Marc Benhamou, pas même Frédéric Taddéi ; si une jeune sociologue un peu moins conne que tous ces vieux schnocks n'avait pas traité Siné de fils à papa bourgeois, le consensus aurait été total.
D'être anarchiste, c'est pas ça qui a empêché Siné d'appeler les flics à la rescousse lorsque sa villa en Corse a été cambriolée, ni de voter Chirac en 2002. Si même les anarchistes n'ont plus aucun principe, où va-t-on ? -
Les vacances de M. Chirac
Publicité contre un kiosque pour une nouvelle gazette écolo intitulée Néo-Sapiens ; c’est du "marketing" élémentaire quand on s’adresse à des archéo-cons.
Une des manchettes annonce : « L’art de la douche : le plaisir de la douche avec un minimum d’eau. » Je comprends pas ce besoin que les bobos ont de prendre des douches régulièrement, qu’est-ce qu’ils font de si salissant ?
« Qui sera le prochain ministre du Développement durable ? » : sûrement pas moi, pourtant j’aurais des tas d’idées pour économiser le papier, l’encre et la salive, un nouveau genre de tri sélectif.
Dans une librairie, je découvre avec étonnement qu’une maison d’édition vient de publier rien moins que deux épais volumes des discours de Chirac ?! On me dit parfois que je suis pessimiste, mais pas au point de croire qu’il y a des gens qui peuvent lire de vieux discours de Chirac. -
Explorations
Depuis Mort à Crédit, il y a quelques mois, je n’ai pas lu un seul roman : la peur d’être déçu, de trouver tous les plats un peu fade en comparaison.
Dans la réédition en "poche" du Gilles de Drieu La Rochelle, je n’ai pas dépassé la préface. Contre le reproche qui lui est fait de trop se préoccuper de politique, Drieu se défend en mettant au défi de trouver un grand auteur qui se désintéresse de la chose politique.
Cet avis aussi - je le partage -, que la France est un pays de peintres, d’observateurs attentifs ; pas étonnant qu’elle attire autant les iconoclastes (Mais d’être d’accord avec Drieu ne me donne pas envie de lire un des ses romans pour autant.)
Je vois qu’on publie un volume du journal intime de Matzneff. J’ignore tout ou presque de la production de Matzneff, comme de celle de Drieu. Je lis quelques pages. La pédophilie ne m’intéresse pas, c’est une fiction juridique, comment peut-on fonder une littérature là-dessus ? Il faut être bien persuadé de la permanence des conventions humaines… C’est le désir sexuel pour les personnes âgées qui est plus rare et susciterait plutôt ma curiosité.
À plusieurs reprises Matzneff décrit ses rapports sexuels avec ses lycénnes chéries de cette façon à peu près : “Nous avons fait l’amour, c’était fantastique !” Une telle idéalisation du coït, ça fait un peu sourire, quand même. On dirait que Matzneff a quinze ans lorsqu’il écrit des choses pareilles. Est-ce qu’il le fait exprès ? Est-ce qu’il n’a pas peur tout d’un coup de se transformer en adulte ?
Ce n’est pas là-dedans non plus que je ferai mon miel ; probablement faut-il être soi-même lycéenne pour goûter cette littérature pleinement et je ne me sens pas l’âme d’une lycéenne aujourd’hui… Je prends donc finalement la résolution d’achever la petite biographie de saint Augustin par Lucien Jerphagnon. -
Rêve d'avenir
Si les prévisions climatiques de ce savant hambourgeois au nom barbare, Detlef Quadfasel, sont avérées, et qu'on se retrouve d'ici quelques années en France - dans notre douce France -, à se geler les miches dans un climat sibérien, la démocratie n'y résistera pas ! La chute brutale des températures aura naturellement pour effet de nous obliger à nous concentrer sur l'essentiel : manger, boire, dormir, se réchauffer et prier. Par conséquent, plus de débats existentialistes, de campagnes électorales dispendieuses, de grandes devises bien astiquées, de cinéma d'art et d'essai, voire même plus de blogues… bref tout ce qui fait le charme d'une démocratie, tous ces phénomènes de société iront trouver refuge ailleurs, hors d'Europe, dans des contrées moins hostiles…
Les marchands de gadgets, les bobos, suivront probablement leurs idées et iront demander l'asile en Afrique noire ou en Amérique du Sud, à la recherche d'un climat tempéré. Les civilisations primitives, qui ne manquent pas d'humour, feront probablement de toutes ces ex-féministes leurs esclaves sexuelles et rejeteront les hommes à la mer ; mais peu importe, cela ne nous regarde pas… En Europe, on sera enfin débarrassé du superflu, des parasites, de Bernard Arnault et de Nicolas Hulot. Une vie plus rude nous redonnera vite le goût des valeurs morales et des choses réelles !
Ah, je ne dis pas qu'il n'y aura pas d'inconvénients… Plonger son regard sous les jupes des filles ou dans leurs décolletés, un jour clément comme aujourd'hui, ce genre de chose ne sera plus possible… Mais, dame, il faut bien consentir à certains sacrifices, parfois. -
Aigreurs d'estomac
En relisant l'extrait de Petitmangin sur mon blogue pour ôter quelques coquilles, je suis encore sous le charme de ce paysage grec. L'analogie avec le paysage français vient spontanément à l'esprit. N'était-ce pas le but de Petitmangin ? Pour le reste, les "projets" de Sarkozy ou de Madame Royal paraissent assez éloignés du tableau de cet helléniste recouvert de poussière.
J'allume ensuite la radio : Bernard Arnault interviouvé par Jean-Pierre Elkabbach - de quoi me donner des aigreurs d'estomac pour la journée !
Elkabbach, c'est toute l'arrogance du journaliste moderne parvenu ; un nouveau "type" balzacien. L'arrogance combinée à une bonne et loyale servilité vis-à-vis de l'oligarchie en place, récompensée par la direction d'une chaîne publique de propagande démocratique - sans téléspectateurs, sans intérêt, bref sans rien que de généreux appointements pour son directeur.
Bernard Arnault ne vaut guère mieux. Logiquement, ce bon apôtre du "libéralisme" devrait fustiger Elkabbach pour ses liens ambigus avec le pouvoir politique et le gaspillage d'argent public que représente la chaîne parlementaire… Eh bien non, Bernard Arnault est venu dénoncer à la radio le "marxisme" des Français qui empêche la France de faire des bénéfices comme elle devrait. Désormais, les directeurs d'hypermarchés n'hésitent plus à afficher leur prétention à tracer la politique du pays. Ce Savonarole du taux de profit est tellement caricatural qu'on en rirait si ce n'était pas inquiétant. Le sens politique de ce bouffon triste est à peu près aussi sûr que ses goûts artistiques. Mais dans notre civilisation ô combien raffinée, la voix des milliardaires est d'or.
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Qu'en est-il, d'abord, du "business" de Bernard Arnault ? Il est à craindre que le philistin Bernard Arnault ne soit en train de subvertir sur une grande échelle un des métiers les plus accomplis qui soit, celui d'artisan, et non de soutenir l'artisanat comme il le prétend. En effet, on peut avoir des soupçons sur des produits qui sont soutenus par un tel matraquage publicitaire, je pense par exemple aux fameux sacs Vuitton. La véritable qualité n'a pas besoin de beaucoup de publicité, le bouche-à-oreille est suffisant.
En fait, Arnault vend l'IMAGE d'un produit français artisanal de qualité, mais en réalité ces sacs sont d'une qualité assez médiocre. Ce n'est pas l'artisanat qu'Arnault soutient, mais la canaille des publicitaires, prête à tout, au mensonge, au maquereautage, à l'exaltation de valeurs hypocrites, pour fourguer n'importe quelle camelote. L'entreprise d'Arnault est fondée sur le bluff, toute l'astuce est d'abuser de la confiance de clients qui ne regardent pas à la dépense et de leur vendre des marchandises à un coût exorbitant qui ne correspond pas à leur véritable valeur (c'est-à-dire que ces clients pourraient trouver des marchandises de bien meilleure qualité et plus élégant pour un coût inférieur.)
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Ensuite, sur l'économie, Bernard Arnault a des idées de collégien. Il est bien mal venu pour critiquer Marx qui a consacré trente ans de sa vie à la micro et à la macro-économie. L'analyse de Bernard Arnault : "Les États-Unis ont le meilleur taux de croissance, donc c'est l'exemple des États-Unis qu'il faut suivre pour que la France s'enrichisse et que le nombre des chômeurs diminue.", ça relève de l'idéologie la plus pure. De façon plus réaliste, c'est surtout parce que les États-Unis disposent depuis quelques lustres d'une position politique prééminente que leur croissance est forte. Ils sont en mesure dans bien des secteurs d'imposer, non pas de proposer, l'achat de leurs produits. Un autre exemple : dans le domaine des technologies de communication, si l'internet s'est imposé alors qu'il avait été devancé par la technologie française du minitel, c'est en grande partie pour des raisons politiques aussi ; le combat du minitel était quasiment perdu d'avance.
La solidité du dollar met aussi en confiance depuis longtemps les investisseurs étrangers, et cette solidité repose essentiellement sur des critères politiques. Évidemment, il y a d'autres raisons politiques, démographiques, qu'un économiste sérieux pourrait recenser et articuler. Tout ça pour dire que la réalité économique est très éloignée du leitmotiv de Bernard Arnault. Pour résumer, on pourrait qualifier au contraire l'économie des États-Unis "d'économie la moins libérale du monde".
Qu'Arnault lise l'abbé Galiani ! Il a plus de deux siècles de retard dans le domaine de la compréhension des phénomènes économiques. Déjà Diderot, fasciné par les schémas anglo-saxons libéraux, avait admis de bon cœur que ses vues empruntées à certains économistes anglais avaient le mérite de la simplicité, voire de la poésie, mais qu'elles étaient un peu courtes et ne résistaient pas à l'analyse historique.
Il est frappant de voir à quel point le libéralisme se réfère à des théoriciens dépassés, de Malthus à Smith en passant par Kant, Rousseau, Darwin, la science a relégué tout ça depuis longtemps !
Deux possibilités : ou Arnault est un imbécile, ou c'est un hypocrite. Une preuve supplémentaire ? On l'entend pester contre le marxisme dans la société française, mais il n'a pas un mot de protestation, ni lui ni aucun de ses confrères, lorsque le chef de l'État va jouer les représentants en Chine communiste du "business" français. Le marxisme est probablement pour Arnault une sorte de mauvais génie qui empêche le "business" de marcher à plein régime. Ce grand duc de l'économie française n'est même pas "immoral", il est proprement "amoral". -
Trêve pascale
Je me suis un peu calmé contre Benoît XVI. Son voyage diplomatique en Turquie n'y est pas pour rien ; à l'idéologie allemande a succédé le pragmatisme allemand, de mon point de vue. Il faut laisser la question turque aux Allemands, ils sont mieux placés que les Français, à cheval sur leurs principes républicains, pour traiter avec les Turcs.
Plus calmement, donc, ce qui me gêne dans l'appel de Benoît XVI à plus de rationalité, c'est son flou qui entoure son exorde. Le retour à la pensée grecque, fort bien, mais de quels Grecs Benoît XVI parle-t-il ? de Thucydide ou d'Homère ? de Platon ou d'Aristote ? de Sophocle ou d'Aristophane ? de Protagoras ou de Socrate ? Vu que les Grecs ont tout dit et presque tout inventé…
En farfouillant aux Puces de Saint-Ouen à la recherche de la perle rare, j'ai exhumé ce petit trésor de l'Éducation nationale française d'avant la réforme libérale : Une Histoire sommaire de la littérature grecque de H. Petitmangin. Comme il en dit plus long qu'une encyclique sur l'"esprit grec", je recopie, pour préciser utilement le "néo-classicisme" du pape :
Origine du peuple grec - On ne peut affirmer que bien peu de chose sur l'origine des Grecs.
La légende - Les Grecs, les Athéniens surtout, croyaient leur race "autochtone", née dans le pays même. Pour expliquer la parenté des ses diverses branches, ils les disaient issues des fils d'Hellen, leur ancêtre commun.
L'histoire - Il semble qu'en réalité le peuple grec provienne de la fusion de plusieurs races : les antiques Pélasges, qui occupèrent la Grèce continentale à l'âge de la pierre ; les Egéo-crétois, répandus en Crète et dans les Cyclades à l'âge du bronze : les Achéens, qui arrivèrent par le Nord vers le XVe siècle avant J.-C. et qui furent suivis au XIIe par un peuple de même origine, les Doriens. Quoi qu'il en soit, les Grecs étaient certainement de race aryenne et apparentés aux Italiotes, comme le prouvent surtout des analogies de religion et de langue.
Les pays grecs - Ce qui caractérise le pays occupé par les Grecs, même à ne considérer que la Grèce continentale, c'est la variété.
On y trouve des montagnes, rocheuses ou verdoyantes, souvent couronnées de neige ; des vallées pittoresques et riantes ; des plaines d'étendue modérée, mais fertiles ; la mer découpe dans les terres des golfes profonds ; cette mer est parsemée d'îles nombreuses qui encourageaient la navigation.
Le climat varie aussi d'une région à l'autre ; mais nulle part il ne paralyse l'activité ou l'énergie. Un ciel pur découpe partout des horizons nets qui semblent prédisposer l'esprit à la clarté.
La race grecque - Ces conditions développèrent harmonieusement chez les Grecs le physique et le moral.
Au physique la race grecque est élégante, souple et robuste. Ces qualités sont encore accrues par la frugalité qu'impose la médiocre fertilité de l'ensemble du pays et par la pratique constante de la gymnastique.
Au moral, la race grecque est caractérisée d'une part par l'énergie individuelle : c'est un peuple de bergers, de cultivateurs et de marins ; d'autre part, par la variété des aptitudes : en effet, la raison, l'imagination, la sensibilité se développent parallèlement dans le plus heureux équilibre. Grâce à cette variété et à cette harmonie des facultés, le Grec, sans jamais perdre de vue le réel et le pratique, aimera à le dépasser par la curiosité désintéressée pour aller jusqu'à l'art et jusqu'à la science. Quelques défauts menaçaient cependant le tempérament des Grecs. Leur finesse pouvait dégénérer en subtilité et leur souplesse en frivolité. Mais ces défauts ne seront sensibles qu'à certaines époques et dans certaines œuvres.
Les idées morales et religieuses - Le progrès des idées morales et politiques se constatera dans les œuvres littéraires ; faisons seulement les remarques suivantes :
- La morale des Grecs reste caractérisée par le sens de la mesure. cette morale n'a rien d'austère ; on pourrait bien plutôt lui reprocher des complaisances excessives pour les faiblesses de la nature humaine. Son originalité lui vient aussi de son union avec le sens de l'art. Les Grecs aiment à fondre le beau et le bien dans un idéal unique.
- Au point de vue politique, le morcellement du pays en régions différentes a gêné chez eux l'éclosion de l'idée d'une patrie unique. Aussi l'histoire grecque a surtout à raconter des luttes entre les diverses cités. Ce fut un avantage pour la variété de l'art qui revêtit des caractères différents chez les Ioniens, plus souples et plus légers, et chez les Doriens, plus graves et plus austères.
La religion grecque
- La religion grecque était anthropomorphique, c'est-à-dire qu'elle tendait à représenter les dieux avec la forme et la mentalité humaines. Une telle conception religieuse était favorable aux arts, puisque la nature divine apparaissait comme une forme humaine idéalisée.
- Le naturisme : les dieux grecs personnifiaient ordinairement des forces de la nature ; aussi la littérature grecque ne s'enferme pas dans la psychologie humaine, elle s'intéresse aux spectacles de la nature extérieure.
- La mythologie : elle constituait une source très riche d'inspiration artistique. Ce vaste cycle de traditions qui fondait ensemble les croyances religieuses et les légendes de la préhistoire n'avait rien de rigide ni d'absolu. Le sculpteur, le peintre et le philosophe pouvaient s'en inspirer en toute liberté, aussi bien que le poète.
- Les inconvénients : mais cette religion trop humaine manquait d'élévation morale. Elle fermait les sources les plus profondes de l'inspiration : le problème de la destinée ne se pose jamais pour les écrivains grecs païens avec cette acuité profonde et cette profondeur qui donnent un caractère si sublime à la littérature issue du christianisme.
La famille et l'éducation
- La famille grecque fut longtemps caractérisée par l'effacement du rôle de la femme, qui restait le plus souvent enfermée dans le gynécée. Cela a pu priver la littérature d'une certaine délicatesse, surtout dans l'expression des sentiments tendres.
- En revanche, l'éducation de l'enfant était très favorable à la culture littéraire. La musique et la gymnastique donnaient de bonne heure au jeune grec le sens de la mesure, de la justesse et de l'harmonie. Il apprenait par cœur de longs passages des poètes, d'Homère surtout, ce qui constituait pour lui une formation à la fois intellectuelle et morale. Cette éducation se continuait par des conversations avec des personnes âgées.
Aussi jamais peuple n'eut, dans son ensemble, un goût plus sûr. -
Clause de conscience
La "clause de conscience" est un des nombreux privilèges accordés aux journalistes. Elle s'ajoute à leur quasi-irresponsabilité pénale et civile, un abattement fiscal de 30 %, l'accès gratuit à pas mal de spectacles ou de musées.
La "clause de conscience" a deux avantages : le premier, c'est des allocs-chômage en cas de démission ; le deuxième avantage, c'est que cette clause implique que les journalistes ont une conscience, alors qu'on se rend bien compte si on ouvre un peu les yeux que la plupart d'entre eux en sont complètement dépourvus et que le niveau moral moyen de cette profession est un des plus bas qui soit.
Si, au cours de cette campagne électorale, la crise morale et politique que nous traversons n'est pas évoquée publiquement, au profit de futilités comme l'adoption par des couples homosexuels, l'augmentation du SMIC ou la définition de l'"identité nationale", ce n'est pas avant tout la faute des hommes politiques, mais bien celle des journalistes et de ceux qui les écoutent.
Que font les journalistes ? Ils orchestrent l'affrontement idéologique entre les Français, leurs fournissent des boucs émissaires, publient des sondages. Les bobos peuvent bien faire la fine bouche quand on parle de sondages, il est évident que les sondages sont un rouage essentiel du système démocratique français, un facteur de légitimation important de l'oligarchie au pouvoir.
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Un long reportage récemment diffusé par le service public sur la crise du logement en France m'a paru caractéristique du rôle de propagande néfaste joué par les journalistes. La démocratie n'a rien à envier au communisme ou au nazisme quand il s'agit de manipuler les masses.
Pour "dénoncer" la crise du logement et son ampleur, le reportage se concentre autour de l'exemple d'un couple de petits fonctionnaires parents de deux jeunes enfants et vivant dans un appartement de 58 m2 dans le XIXe arrondissement de Paris. Revenus : 3000 euros net par mois. Cette famille rêve de vivre dans 70 m2 ; ils ne veulent pas s'éloigner trop de Paris. Ils ne trouvent rien correspondant à leur souhait à moins de 1900 euros par mois. Et le reporter de crier au scandale et de faire crier au scandale ce couple de "mal-logés". La France est probablement le seul pays au monde où une telle situation peut être présentée comme étant scandaleuse à des téléspectateurs mal réveillés.
Les autres témoignages à l'appui de cette démonstration sont brefs et plus que douteux, tel ce garçon de café qui vit sous une tente, malgré des revenus qui excèdent 1000 euros par mois, et qui dit qu'il a dû quitter l'hôtel qui lui coûtait trop cher (40 euros/jour), et qu'il s'est retrouvé "à la rue", "sans même un sac de couchage !". Qu'est-ce qu'il faut pas dire pour émouvoir dans les chaumières… Il n'avait pas les moyens de s'acheter un sac de couchage, peut-être ?
On nous montre aussi des familles africaines qui vivent à six ou sept dans vingt ou trente mètres carrés et attendent un logement social de la Ville de Paris. Quel Africain s'attend à vivre autrement que dans la promiscuité lorsqu'il franchit la Méditerranée pour venir travailler en France ? D'ailleurs ces gens ont la dignité de ne pas se plaindre. Ah, si, ils se plaignent que les SDF du Canal St-Martin, grâce à une poignée de bobos médiatiques, leur soient passés devant alors qu'ils faisaient la queue, eux, depuis sept ou huit ans.
Le témoignage d'un agent immobilier appelé en renfort pour pester contre l'injustice sociale ne manque pas de sel non plus : les agents immobiliers sont bien entendu les premiers à bénéficier de la hausse excessive des prix de l'immobilier !
Le but visé par les "reporters" du service public était de se faire passer pour des chevaliers blancs, de se donner bonne conscience à peu de frais en criant "haro sur le proprio". Ce faisant, les médias ne font qu'aggraver les difficultés de ceux qui n'ont pas de carte de presse et ont plus de mal à se loger. Face à la pression de lois sociales dictées bien souvent par les médias, les propriétaires s'adaptent ; ils se sont déjà adaptés en faisant de plus en plus appel à des agents mercenaires qui se chargent de la louer pour leur compte et appliquent des règles encore plus strictes qu'avant. Ou bien les propriétaires liquident leurs biens immobiliers, investissent dans des garages, louent à des sociétés.
Quiconque connaît un tant soit peu Paris voit bien que petit à petit le Paris populaire se vide, les immigrés, les ouvriers, les employés en sont chassés par la racaille des journalistes, des publicitaires ou des techniciens du cinéma. Au lieu de s'en prendre aux propriétaires, on aimerait que ces valeureux journalistes, toujours prêts à dégainer leur déontologie, s'en prennent plutôt aux grand capital qui finance leurs activités. -
Les 12 travaux de Lapinos
Le comble, c’est de manquer de clarté lorsqu’on entend dénoncer l’obscurantisme. Le reproche m’a été fait d’être illogique, par exemple, lorsque je mets Kant et les "existentialistes" dans le même panier avant de les balancer à la mer lestés de plomb. Je me suis senti comme l’arroseur arrosé…
J’insiste pour faire de Kant le premier “grand nul” de la philosophie moderne, symboliquement. Nulle fonction ET nul style. À l’aide de la raison pure, on peut démontrer que l’homme n’existe pas - belle phénoménologie en vérité ! Cela rappelle les théologiens les plus pervers du Moyen-âge.
Kierkegaard, Heidegger, tous les "existentialistes officiels" n’ont fait que bâtir au-dessus de ces fondations le château de cartes spéculatif et relever à leur tour le défi lancé à la réalité par Kant.
Quant à la morale tirée de la raison pratique, concrètement, si je peux dire, c’est celle du bobo, du journaliste. Or ce discours éthique inconsistant, on nous le sert en entrée, en plat de résistance, et au dessert ! Il faudrait dire “merci” en prime ?
Bien sûr, c’est pas cette philosophie dans le vent qui a enfanté le système démocratico-capitaliste, c’est au contraire l’état de désagrégation sociale où l’économie capitaliste nous a fait tomber qui est particulièrement propice à la prolifération de la mauvaise herbe. Les sophistes grecs entendaient mettre la rhétorique à leur service. Nos sophistes, eux, de gauche comme de droite, Onfray ou Finkielkraut, même au plan de la rhétorique, ne valent pas tripette. À vaincre sans contradicteurs, ils triomphent sans gloire. Il y a toujours eu, même dans l’Union soviétique, des volontaires pour tenir le rôle, pas forcément très gratifiant, de “penseurs officiels” du régime. Plus belle la vie ! ou Onfray, c'est la même idéologie. Finkielkraut, lui, sa philosophie, est plutôt dans cet insupportable navet : Amélie Poulain.
Ce n’est pas seulement la fragilité et la médiocrité des principes économiques libéraux, l'essayiste Jacques Généreux “oublie” que les propagandes socialiste, féministe, athée, démocrate-chrétienne, patronale ou syndicale (les syndicalistes français ne font que réclamer une meilleure répartition des richesses au sein du système capitaliste, quand Marx combat l'oppression sociale), tendent à discréditer, censurer, diffamer, saboter toute pensée qui contient des ferments de "solidarité", toute pensée qui va à l'encontre de l'atomisation du monde occidental - que cette pensée soit catholique, musulmane, marxiste ou royaliste…
C’est parce que la nature a horreur du vide que les petits systèmes de pensée individuels font florès. -
Totems et tabous
Je le dis franchement aux fidèles de la religion laïque qui passeraient par là, l'art sacré républicain provoque parfois une réaction de dégoût esthétique chez les catholiques. Tous ces fétiches, toutes ces devises, cette statuaire grandiloquente, ces superstitions, ces monuments… à force donnent un haut-le-corps, d'autant plus en période électorale où on nous rebat les oreilles du matin au soir de sermons laïcs, de cérémonies républicaines, de sondages d'opinion. En Union soviétique, au moins, aux confins de l'empire, on pouvait échapper à la propagande. Chez nous, il n'y a guère qu'au beau milieu des monts pelés du Larzac ou des landes dépeuplées du Finistère intérieur qu'on peut se recueillir et prier un autre Dieu. Et encore risque-t-on d'y tomber sur un militant de José Bové !
J'admets avoir été bien reçu chez des militants de José Bové, un jour où il faisait froid et que je grelottais, je n'avais pas mangé depuis deux jours, ils m'ont ouvert la porte de leur logis, ils m'ont servi une omelette au lard et aux champignons inoubliable, ils m'ont fait faire le tour de leur plantation de cannabis et m'ont enseigné l'art d'élever cette plante capricieuse… mais qu'est-ce qu'ils ont pu me casser les couilles avec leur prêchi-prêcha égalitaire, et Untel s'en met trop dans les fouilles, et blablabla, la barbe.
Pour que les athées comprennent que leur art n'est pas aussi "universel" qu'ils ont l'habitude de l'estimer, ils doivent faire cette comparaison avec la production catholique dite "sulpicienne", l'effet que peuvent leur faire ces statues "kitsch", fabriquées en série, ou cette peinture trop "léchée", imitée d'Ingres, mais dépourvue de tout ce qui fait le talent d'Ingres, une féminité à la fois lourde et sensuelle.
Certes, les laïcs peuvent revendiquer David, mais David est surtout un bon portraitiste. C'est-à-dire qu'à l'exception notable de son "Marat", où la foi du martyr républicain est magistralement rendue, l'art religieux de David n'est pas très vivant. De fait on ne peut mettre sur le même plan les "Noces" de Vélazquez et le "Couronnement de Napoléon" qu'à condition d'avoir une connaissance… approximative (j'ai failli dire "démocratique") de l'art pictural. À tout prendre, "Le Radeau de la Méduse" est un morceau d'art sacré bien supérieur. Le désespoir fou de ces condamnés au néant des abysses, qui tendent les bras vers l'horizon presque vide… à côté de ce morceau d'anthologie, "L'Être et le Néant" de Sartre, quelle piètre expression !
J'ose le dire, s'il n'y avait pas David, je placerais l'art démocratique à peu près au même niveau que l'art nazi.
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Alors, au milieu de tout ça, le panthéisme de Nicolas Hulot est assez divertissant. On a beau se sentir éloigné des civilisations primitives, le panthéisme n'est jamais très loin. Même si la société capitaliste s'interpose largement entre l'homme et la nature, évidemment cet écran est artificiel, la société, aussi "high-tech" soit elle, ne fait pas le poids face aux forces de la nature, et l'homme ne peut tout à fait en perdre la conscience.
L'angoisse existentielle, que la surabondance de biens de consommation ne parvient pas complètement à étouffer, pousse de façon cyclique les citoyens vers le panthéisme. Il ne s'agit pas en cette circonstance du panthéisme de Rousseau, beaucoup plus poétique, ni de celui de Diderot, beaucoup plus grec, non, c'est un panthéisme qui a des causes essentiellement psychologiques.
Ce qui permet de parler de "poussée de fièvre religieuse panthéiste", c'est que si Nicolas Hulot est certainement au courant de la théorie climatique et des indices du Hambougeois Detlef Quadfasel, par exemple, la plupart de ses ouailles n'en ont même pas entendu parler. Ils font entièrement confiance à un animateur de télé, quelques présentateurs vedettes, voire d'"éminents" éditorialistes, comme le fruste dévôt fait confiance au prêtre qui lui parle de la vie éternelle. C'est la foi du charbonnier. J'ai fait cette expérience de demander à un disciple de Nicolas Hulot de m'expliquer comment le réchauffement dû à l'effet de serre pouvait provoquer pardoxalement un refroidissement de l'Europe jusqu'à atteindre une température sibérienne, et il m'a regardé avec l'air d'un catéchumène à qui on se mettrait à causer transsubstantation. Alors que c'est à la portée de tout le monde, la théorie de Quadfasel, en gros.
Ce n'est pas un hasard non plus si le discours de Hulot est complètement infecté de malthusianisme, et qu'il est par conséquent complètement "régressif", ce n'est pas seulement parce que Hulot n'est qu'un vulgaire animateur télé.
Même s'ils ne représentent plus qu'une part infime de l'opinion publique, les catholiques ont une réaction face à cette ferveur parfaitement logique. Évidemment leur foi en Dieu, dominant les forces de la nature, les protège contre la peur de l'apocalypse. Et puis les chrétiens sont habitués à une morale qui réprouve le gaspillage, il suffit de se rappeler Jésus, qui après que les pains sont distribués à la foule, insiste pour que l'excédent soit soigneusement réservé.
Le discours démocratique de Nicolas Hulot, qui évite autant que possible la morale, c'est le "tri sélectif" (ça sonne un peu nazi comme expression), nos oreilles ne sont pas faites pour ce langage.
Et puis il y a une tradition scientifique encore vivace qui permet aux catholiques de voir que les harangues de Hulot sont tout ce qu'il y a de plus confus, au moins, au plan des sciences humaines et des sciences de la nature - et même des sciences politiques. Il apparaît clairement aux catholiques, je ne parle pas évidemment des imbéciles démocrates-chrétiens, compromis jusqu'au cou, que pour prendre des décisions impopulaires, rapidement, comme le réclame Nicolas Hulot, nul régime n'est moins bien adapté que le régime démago-capitaliste.