Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

totalitaire

  • Orwell dérange toujours (2)

    Certains journalistes prétendent qu'il y a "des controverses à propos de l'interprétation de "1984" ; deux objections :

    - Il est évident que l'on ne doit pas tenir compte de la récupération d'Orwell par tel ou tel démagogue de gauche ou de droite ; ces citations opportunistes ne font qu'illustrer le propos d'Orwell sur les "faits alternatifs" ; idéologiquement, Trotski s'oppose à Goebbels ou Churchill, mais on tient là trois représentants des méthodes totalitaires d'oppression, sous des drapeaux différents. La dialectique gauche/droite est elle-même totalitaire, comme le mouvement des Gilets jaunes l'a montré en France en dévoilant le système.

    - La comparaison entre G. Orwell et A. Huxley, entre "1984" (1948) et "Brave New World" (1932) permet d'éviter la plupart des erreurs d'interprétation. Si Orwell était convaincu comme Huxley de l'impasse totalitaire dans laquelle les élites occidentales s'étaient fourvoyées, Huxley a écrit un roman d'anticipation (il anticipe de quelques années les méthodes de la médecine nazie, puis du régime soviétique et des Etats-Unis), au contraire d'Orwell qui fait la satire de la société de son temps, en proie à la Guerre froide, sans faire de science-fiction, mais en forçant le trait.

    Orwell ne décrit pas un pouvoir totalitaire hyper-puissant, comme Huxley, mais une sclérose de l'action politique, dont l'Etat oppressif actionné par quelques technocrates est la manifestation, un Etat que la nécessité du mensonge permanent affaiblit. Big Brother n'est pas effrayant en raison de sa puissance, mais en raison de son emprise sur l'âme humaine.

    A côté des quelques critiques que nous évoquions dans le chapitre précédent sur ce blog, le hors-série "Orwell dérange toujours" ("Le Monde", sous la direction de N. Truong) recense quelques hommages.

    Les éloges de Raymond Aron et Simon Leys se distinguent par leur rareté. Autant dire que "1984" était prédestiné à faire "flop" dans l'intelligentsia française. Il y a quelques (mauvaises) raisons à cela : la plus évidente est le culte de l'Etat qui sévit en France dans presque tous les milieux sociaux, à gauche comme à droite. Les moins fanatiques partisans de l'Etat sont capables de comprendre que "trop d'Etat tue l'Etat", mais ils sont une infime minorité incapable d'agir, dans un contexte totalitaire paradoxal (sponsorisé par quelques millionnaires pour tenter de réduire la voilure de l'Etat, E. Macron aura mené une politique de dépense publique extravagante).

    - Raymond Aron voyait dans "1984" une thèse sociologique plus large que la seule satire du stalinisme et de la ruse trotskiste complémentaire. Il est incontestable que le propos d'Orwell vise l'Occident en général, et non la Russie. Le régime soviétique représente une phase de modernisation de la Russie, selon la description de Lénine lui-même. L'extrême violence de la révolution russe s'explique en grande partie par cette modernisation à marche forcée.

    Cependant le qualificatif "sociologique" pose problème, car la sociologie est en France une "discipline" contrôlée par l'Etat - autrement dit universitaire. Tandis que G. Orwell est aussi indépendant qu'on peut l'être. Big Brother est parfaitement capable de rédiger et d'imprimer en quantité industrielle des ouvrages de sociologie rédigés par O'Brien. Quel sociologue du XXe siècle prête aux intellectuels, ainsi qu'Orwell le fait, un rôle essentiel dans l'élaboration du mensonge d'Etat ?

    Il va de soi, et R. Aron ne fait que le souligner : le totalitarisme n'est autre pour Orwell (contrairement à Huxley) que le produit de l'économie capitaliste. La classe laborieuse est soumise à l'Etat ; la "lutte des classes" a tourné court.

    - Pour le sinologue Simon Leys, "Orwell était un animal politique, un homme obsédé par la politique, et tous ceux qui l'ont connu n'ont pas manqué de souligner cet aspect central de sa personnalité."

    Bien que S. Leys commette ici un contresens sur l'expression "animal politique", empruntée à Aristote, sa description a le mérite de souligner que Orwell a pensé le XXe siècle comme un siècle fondamentalement antipolitique. La politique menée par les régimes totalitaires nazi, soviétiques et libéraux est une politique inadaptée à l'être humain, donc ce n'est pas une politique véritable. Ici on retombe sur la dénonciation de la médecine darwiniste protonazie par Huxley : ce n'est pas une véritable médecine, car elle revient à traiter l'homme comme si c'était une bête de somme.

    L'utopie politique est, d'après "1984", destructrice de la politique ; elle dissout l'action politique dans l'idéologie. Ce phénomène est encore plus nettement perceptible en 2023 qu'il n'était en 1950. Un "libéral" comme R. Aron serait obligé de reconnaître aujourd'hui que le libéralisme est un néofachisme, suivant ce pronostic d'Orwell : "Le fachisme ne renaîtra pas sous le nom du fachisme."

  • Signes sinistres des temps

    simone weil,totalitaire

    "La politique m'apparaît comme une sinistre rigolade." Simone Weil.

    La politique au stade totalitaire où nous sommes rendus a en effet une dimension "bouffonne" proche de la physique quantique (dont S. Weil a dénoncé par ailleurs l'ineptie). Cette dimension bouffonne n'enlève rien à la férocité du totalitarisme nazi, communiste ou démocrate-chrétien.

    Et ce n'est pas faute d'avoir essayé, car Simone Weil s'est jetée à peu près dans toutes les impasses idéologiques, progressistes comme réactionnaires, avant de faire ce constat.

    Au stade totalitaire, l'homme politique est un démagogue qui manipule les foules, mais qui n'a lui-même que peu de prise sur les domaines où il prétend régner. Qu'est-ce que Hitler en comparaison de la puissance technologique de l'Allemagne et son besoin d'expansion ? Lorsque Lénine compare a posteriori son gouvernement à celui de Louis XIV, également meurtrier et absolutiste, n'est-ce pas une façon de mesurer sa faible marge d'action ?

    La foi chrétienne rend particulièrement lucide sur les oeuvres humaines, politiques ou artistiques : leur inachèvement, leur imperfection, leur conditionnement par le péché...

    La foi chrétienne rend aussi particulièrement attentif et hostile à cette tentative de vider la foi de son sens, qui se nomme "démocratie-chrétienne" et ne fait que prolonger la doctrine satanique du salut par les oeuvres. L'apostasie sort du sein de l'Eglise comme le pharisaïsme est sorti du clergé juif.

  • Information

    Dans les régimes totalitaires, la vérité prend le nom "d'information". Parce que la société ne court aucun risque d'être démasquée quand les citoyens se contentent de s'informer.

    Néanmoins la société du cinéma est condamnée pour la raison qu'indique H. Arendt que, s'il est possible d'étouffer la vérité, en revanche il n'est pas possible de mettre autre chose à la place. La conscience peut-être brouillée, mais non abolie.

     

  • Soumission

    Le bonheur consiste principalement dans la maîtrise de ses émotions. Dans les régimes totalitaires, le citoyen est soumis à celles-ci, ce qui explique largement le développement d'une économie irrationnelle, ne visant pas d'abord la satisfaction des besoins ; les gosses sont encouragés par divers moyens pernicieux à cultiver leurs émotions - les épidémies de drogue et de suicide sont des dommages collatéraux de ce qu'on ose nommer "Education nationale", vaste entreprise de dévirilisation.

    Le terme de "matrice" est judicieux pour indiquer la nature de l'oppression moderne, car de fait une mère tiendra ses enfants sous sa dépendance en leur enseignant à se soumettre à leurs émotions.

    Le terrorisme vise naturellement le talon d'Achille de la société occidentale totalitaire, prédestinée à imploser sous l'effet d'une peur excessive.

  • Les Mots

    Les mots sont la principale arme de destruction massive. Il suffit de songer à toute la rhétorique nécessaire pour justifier l'arme atomique comme un progrès scientifique, afin de dissiper la méfiance des peuples (souverains).

    Nulle surprise à ce qu'un des évêques du culte totalitaire communiste ait choisi d'intituler un de ses ouvrages : "Les Mots" ;  il aurait aussi bien pu l'intituler : "La Musique", car la musique est essentiellement propagande, et Hitler un chef d'orchestre d'exception.

  • Culture de Mort

    Le destin de la culture de vie, comme celle-ci est dépourvue de transcendance véritable et maquille en abstraction mathématique cette altération de la conscience, c'est d'évoluer en culture de mort.

    L'Eglise romaine est bel et bien la matrice de l'idéologie totalitaire moderne. Sur le message évangélique qui en est pur, elle a greffé au moyen âge un discours anthropologique. En lieu et place du salut, elle a mis la souveraineté de l'homme, aussi bien ridicule du point de vue du droit naturel païen que de l'aspiration chrétienne vers la liberté, c'est-à-dire vers dieu.

    Le millénarisme totalitaire, qu'il soit hégélien, nazi, socialiste, démocratique, ou bien encore indexé à la plus cynique idéologie évolutionniste, n'est qu'une reformulation de la commercialisation médiévale de l'au-delà par le clergé médiéval. De même la psychanalyse ne fait que pasticher la négation du péché originel par le clergé catholique romain. Il est impossible pour un homme de chair et de sang de parler au nom de l'Esprit, à moins qu'il ne le fasse conformément à la parole. Or on ne voit nulle part le Messie condamner moralement quiconque, pas plus qu'on ne le voit assigner à quiconque un devoir moral.

    L'implication politique de soi-disant chrétiens est une preuve de la trahison de l'Esprit par les institutions chrétiennes. Car l'avenir du monde est ce qu'il y a de plus vain dans le monde, puisque c'est l'esprit du monde... qui n'en a pas. Les démocrates-chrétiens sont des singes, puisqu'ils sont les mieux adaptés à cet esprit du monde, le plus cauteleux et qui repose entièrement sur la caution des banques.