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benoît xvi - Page 4

  • Filer la métaphore

    Jacques Attali qui se compare à Turgot, Nicolas et Carla qui passent leur nuit de noces à “La Lanterne” de Versailles : voilà un gouvernement qui manie les symboles avec une naïveté digne de Louis XVI.

    Un lieu commun veut que l’irresponsable Louis Capet ait eu le charisme d’un serrurier-horloger ; on peut dire de Nicolas Sarkozy qu’il a le charisme d’un VRP en horlogerie de luxe, lui ; pour Marie-Antoinette, je ne dirais pas “bling-bling” mais plutôt “frou-frou”.

    Karl Marx relève à juste titre que l’histoire se répète, et de manière PARODIQUE. Une confidence : lorsque j’entends les discours pleins de morgue du bouffon à bicorne Jacques Attali, j’ai besoin de me pincer pour me prouver que je suis bien là. Même besoin lorsque j’entends Dominique de Villepin causer littérature. « Mon Dieu, est-ce que cet energumène existe vraiment, ou bien c’est juste un cauchemar ? » On comprend mieux que le VRP Sarkozy n’ait fait qu’une bouchée de cet échalas, empêtré de littérature comme Don Quichotte de sa râpière et de ses romans de chevalerie.

    *

    Louis-Napoléon n’a pas conscience qu’il tient le premier rôle dans une parodie ; de même, dans le domaine des arts, pour prendre l’exemple de Proust et Picasso, ces deux fétiches bobos, l’intelligentsia bourgeoise n’a pas conscience du caractère de pastiche ultime de la littérature et de la peinture philosophiques de Proust et Picasso. Tel Jean Clair, sinistre gugusse directeur du Musée Picasso qui charrie les préjugés de Diderot sans l’habileté rhétorique, l’espièglerie de celui qu’il plagie.

    Vous croyez que Xavier Darcos se risquerait à donner une leçon d’histoire à cette clique d’imbéciles ? Quand je le vois, lui, c’est à Tartuffe que je pense, et qu’il y a des coups de pied dans le fondement de la démocratie-chrétienne qui se perdent. Décidément il est plus que temps que Benoît XVI jette sa philosophie aux orties pour distribuer des taloches à ces renégats. Si l’idée d’offrir Bernanos au pape vient de Darcos, quel foutage de gueule.

  • Table rase de la télé

    Quelques propos inquiets entendus ici ou là à la télé dans la bouche de petits pions, comme quoi on ne pourchasserait pas assez les néo-nazis, la peste brune terroriste-révisionniste qui sévit sur le ouaibe - surtout le ouaibe 2.0 ! -, propos complétés par la suggestion de prendre des mesures policières plus radicales vis-à-vis des fauteurs de troubles "underground", ces propos indiquent que certains journalistes ou littérateurs redoutent la concurrence qu'internet pourrait faire à leurs PME-PMI spécialisées dans l'aplanissement des consciences.

    Hélas, comment croire à une telle issue (favorable), alors que dans l'ensemble le ouaibe se contente de recopier les slogans diffusés dans les médias, quand il ne cultive pas la vulgarité promue en "prime time" par la télé, pour ceux qui trouvent la méthode Cauet ou Sarkozy un peu trop "light" ?


    En revanche, tout laisse penser comme Marx que les outils de l'économie capitaliste moderne, le marketing, la spéculation boursière, les tours de passe-passe comptables et monétaires, la division du travail à l'échelle mondiale, les gratte-ciel de béton, le travail des femmes, l'importation de travailleurs clandestins, et l'internet également, contiennent un principe autodestructeur à plus ou moins long terme, un principe qu'il faut désigner, non pas par un euphémisme délicat : le "rationalisme", comme Benoît XVI dit, mais par son vrai nom : la bêtise.

  • Le pape et le Père Noël

    Paraît que saint Nicolas Sarkozy a offert à Benoît XVI lors de son excursion au Vatican, ex-cité des papes reconvertie en parc d'attraction, une paire d'éditions originales de Bernanos. C'est pas avec ce genre d'étrennes qu'il risque de grever le budget de l'Etat, Sarkozy !
    La France contre les robots était un choix qui s'imposait pour un Allemand, mais Sarkozy a choisi d'autres titres, "au petit bonheur" semble-t-il.

    On peut penser d'ailleurs que Benoît XVI connaît aussi bien la France et son histoire que Sarkozy. À l'heure actuelle les étrangers sont mieux placés que les Français eux-mêmes, soûlés de propagande et obnubilés par leur pouvoir d'achat, les pauvres… cons !
    Exporter sous le manteau un auteur comme Bernanos, ce n'est donc pas franchement une priorité. Les Français ont plus besoin des avertissements de Bernanos que Benoît XVI, d'ailleurs, faute de pouvoir faire mieux, répète en les édulcorant.

    *

    Sarkozy lui-même, ou un de ses conseillers, aura estimé sans doute que Bernanos est en littérature ce que le gaullisme a produit de mieux. En ce qui me concerne je trouve que Mauriac exprime mieux dans ses romans que Bernanos, comme "de l'intérieur", la noirceur et les ressorts de la bourgeoisie contemporaine. Bien qu'il n'y ait pas une distance énorme entre les deux, Mauriac c'est l'anti-Chardonne.
    En outre, pour être exact, Bernanos est un authentique "cocu du gaullisme" :
    « Il y a eu des collaborateurs mais la collaboration était un mensonge. Il y a eu des résistants, mais la résistance était un autre mensonge. Il y a eu la victoire, qu'on a tout de même pas osé appeler Victoire, par un reste de pudeur, mais libération. Et cette libération était aussi un mensonge, et le plus grand de tous… ! » : paroles amères et lucides, paroles de cocu !

  • Candidat !

    Une amie me fait cette remarque impertinente que j’aurais tendance à me prendre pour le pape. Ça vaut toujours mieux que de se prendre pour le président de la République !
    Elle réplique que je me prends AUSSI pour le président de la République !
    Tant que les femmes vivront plus longtemps que nous, elles auront le dernier mot.

    Du reste, je suis théoriquement éligible au trône de Pierre, qui n’est pas réservé à un cardinal ni même un ecclésiastique. La date du prochain scrutin et ses conditions sont entre les mains de Dieu, mais je ne vois pas ce qui pourrait m’empêcher de dévoiler les grandes lignes de mon programme à l’avance, pour ne pas être pris au dépourvu.

    *

    Parmi les mesures d’urgence que je prendrais, il y aurait l’interdiction faite au clergé de prononcer des sermons jansénistes ou existentialistes. Evidemment, parler en paraboles comme Jésus exige un sens de l’épopée et du conte qui n’est pas une vertu très répandue parmi les curés contemporains qui n’étudient pas Cervantès à l’école, hélas.
    Mais la littérature chrétienne regorge de passages magnifiques, de Bossuet, de Baudelaire, de Bloy - ou de Péguy, de Claudel, pour prendre des auteurs plus modernes ; on pourrait se contenter d’en lire des morceaux au lieu d’infliger à des assemblées démocrates-chrétiennes, c’est-à-dire déjà à moitié païennes, des dissertations complètes de philo. J’observe que dans ma paroisse, le mauvais penchant à philosopher n’a fait qu’augmenter depuis l’élection de Benoît XVI. Il n’est plus un curé, aussi petite et reculée soit son “secteur”, qui ne se prenne désormais pour saint Thomas d’Aquin.

    De façon pratique et vu le paganisme galopant en France, le clergé s’efforçant dans sa grande majorité de contredire les ordres du Vatican, le plus efficace serait de prendre un décret interdisant carrément aux prêtres de prêcher et d’abandonner ce petit jeu aux protestants.

    *

    Deuxième mesure d’urgence, vu que refaire de la politique est essentiel et urgent pour l’Eglise catholique, et qu’on ne peut pas faire de politique sans hommes, j’ordonnerais une conscription générale pour remplir de nouveau les séminaires. Tous les catholiques de sexe masculin de vingt à cinquante ans seraient mobilisés, détournés pour leur plus grand profit et celui de la société de la “vie de couple”. On serait d’ailleurs surpris de constater que les hommes de trente à cinquante ans sacrifient, si ce n’est la sexualité, du moins cette merveilleuse “vie de couple”, sans trop de regrets.
    Seuls les pères de familles vraiement nombreuses seraient acquittés, ainsi que ceux qui s’acquitteraient d’une taxe qui financeraient les études et le logement des séminaristes les plus déshérités

    *

    Un dernier point d’actualité. Recevrais-je au Vatican si j’étais élu pape Nicolas Sarkozy et sa bande de potes, Jean-Marie Bigard, Alain Delon ou Bernard Arnault ? Bien sûr, mais à condition qu’ils soient vêtus comme les bourgeois de Calais et non en costumes rayés de maquereaux ripoublicains. Dans ces conditions il n’y a aucune raison d’interdire à Zachée de pénétrer dans la ville sainte.

  • Deux dissidents allemands

    Le rapprochement s’impose entre Benoît XVI et Karl Marx. Peu ou prou ils sont nés dans le même berceau politique. Ils ont décidé tous les deux de sacrifier leur existence à un dessein supérieur, renoncé à une vie facile. Intérêt commun pour la philosophie, religieuse, politique. Deux hommes libres isolés au milieu les esclaves.

    Comme Benoît XVI, Marx prône la raison, c’est-à-dire l’Occident. Or, raison et foi sont indissociables. C’est une évidence pour Benoît XVI, ça l'est également pour Marx : celui-ci était trop bien éduqué pour ignorer le rapport étroit qu’il y a entre la foi et la raison. J’ose dire qu’il le sait même mieux que Benoît XVI, car il y a moins d’angélisme chez Marx, qui eût de meilleurs maîtres que Joseph Ratzinger !
    Le matérialisme politique que Marx apporte à la pensée de Hegel et qui lui confère toute sa force n’exclut pas la spiritualité authentique, à ne pas confondre avec l'idéalisme de pacotille que les libéraux introduisent dans le moindre discours, de l'inauguration de la piscine municipale au énième meeting de gynécologie bio, il n'est jusqu'aux pornocrates aujourd'hui qui ne justifient leur maquereautage par le combat en faveur de la liberté, des droits de l'homme et de la femme !

    Dialectiquement, Marx a été forcé de mettre l’accent sur le matérialisme afin de combattre les "néo-hégéliens", comme un général est contraint de dégarnir son aile gauche lorsqu’il est attaqué par la droite.
    Mais, de la pensée de Hegel, infectée d’angélisme kantien, ou de celle de Marx, durcie dans les forges d’Ephaïstos, c’est la pensée de Marx qui est la plus spirituelle. L’histoire l’a prouvé.
    Aristote est le penseur grec le plus universel ; Marx le penseur européen le plus universel. Le catholicisme ne peut ignorer ces deux outils et continuer de se vautrer plus longtemps dans l’existentialisme, le maurrassisme ou le rousseauisme.
    Bien que Benoît XVI s'exprime de façon ambiguë, certains indices laissent penser qu’il n’ignore pas complètement cet enjeu.

    *

    La pensée catholique authentique, incarnée en dernier ressort par Léon Bloy, dernier chef du vieux “parti des pauvres”, est renouvelée par le communisme de Marx, chef du jeune “parti des pauvres”. Il y a là comme un passage de témoin. Marx reconstruit sur les ruines d'une Eglise exsangue, qu'il méprise de s'être laissée envahir par la médiocrité bourgeoises.
    Les recoupements entre Marx et Bloy sont très nombreux. Il n’y a pas d’adversaires plus farouches de la pensée bourgeoise triomphante. Tous les dogmes, toutes les “valeurs actuelles”, Bloy comme Marx les ont mises à nu et en ont percé le cynisme têtu, sous la surface hypocrite.
    L’argument de la pensée bourgeoise pour tenter d’étouffer Marx est le même que pour Bloy : il consiste à retourner l’insulte à l’envoyeur, à traiter Marx et Bloy de bourgeois, c’est-à-dire de pourceaux, d’hypocrites. Bardèche, un des rares bourgeois à peu près honnête, reste assez imperméable au catholicisme de Bloy, mais admet : “Oui, Bloy était vraiment pauvre, il avait l’angoisse du paiement de son terme.”

    La “Renaissance” de Benoît XVI et la “Révolution” de Marx ne sont qu’un seul et même dessein. La seule différence, c’est que la révolution marxiste est plus claire que la renaissance romaine, à peine audible sous les ratiocinages démocrates-chrétiens.
    Est-ce dû aux circonstances ? Est-ce que Benoît XVI est plus isolé encore que ne l’était Marx ? C’est possible. Car l'étau s'est resserré depuis Marx. Les actions de la bêtise ont grimpé en flèche ; c'est la valeur la plus sûre actuellement.

    *

    Les concessions faites par Benoît XVI aux valeurs bourgeoises sont ici en question. Ainsi, les exhortations de Benoît XVI sont traduites en France par des démocrates-chrétiens bourgeois. Et que nous servent ces collabos ? Des sermons jansénistes-existentialistes ! « Mes bien chers frères, gardez-vous d’agir, comme de bons bourgeois que vous êtes ! À la rigueur priez, priez la Grâce pour qu'elle travaille à votre place… »
    La Grâce cotée en Bourse, la Grâce esclave de l’humanité, le jansénisme est parvenu à terme.

    Ce n’est pas raisonnable de la part de Benoît XVI de ménager ainsi les valeurs actuelles et la bourgeoisie. Ces valeurs, cette bourgeoisie, à plus ou moins longue échéance, c’est la banqueroute qui l'attend. Ça serait de la folie que d’entraîner Rome dans cette faillite.

  • Nazis d'aujourd'hui

    Il faut l’aveuglement d’un philosophe pour ne pas voir que si Jean-Jacques Rousseau, Diderot, Voltaire, n’ont pas sombré dans l’oubli, c’est à leur poésie qu’ils le doivent et non à leurs idées, qui ne résistent pas à la critique scientifique, et ne sont pas très originales.
    Un philosophe comme Philippe Val, ou comme BHL, sans la poésie de Rousseau ou de Voltaire, ça n’est rien, rien qu’un prurit idéologique.

    Au fond racisme et antiracisme ne sont que les deux versants d’une même idée, qui pue le XIXe siècle évolutionniste à plein nez. Quand je vois BHL à la télé, c’est plus fort que moi, je pense aussitôt à un nazi, Goebbels par exemple. Le débraillé soigneusement entretenu de BHL dissimule mal l’arrogance du personnage, fondée sur des dogmes à faire sourire un historien.

    Il est bien sûr inutile de chercher une vraie cohérence dans la propagande nazie ou dans la propagande démocratique de BHL. La seule cohérence de ces propagandes, c’est qu’elles remplissent leur usage religieux, cependant, il n’est pas bien difficile de voir que l’idéologie de BHL comme celle des nazis emprunte à la fois aux Grecs - Nitche côté nazi et les “Lumières”, Goethe, côté BHL -, et au bas Moyen-âge - Heidegger côté nazi et Lévinas côté BHL.
    Dans leur rejet du marxisme et du christianisme, les nazis et BHL se rejoignent aussi.
    On objectera que dans mon schéma on retrouve les Grecs partout puisqu’ils sont aussi à la racine du christianisme et du marxisme. Mais ce ne sont pas exactement les mêmes Grecs. Encore une fois, entrer dans les détails n’a pas d’intérêt, une thèse sur le sujet serait vaine, c’est juste histoire de voir qu’il n’y a pas de réelle opposition de principes entre BHL et les nazis. Derrière le rideau de fumée des idées, il y a des capitalistes plus ou moins cyniques.
    Un historien ne peut s’empêcher de noter ici que le socialisme théorique de BHL, les nazis l’ont réalisé entre 1933 et 1940. Les banlieues françaises, elles, ne ressemblent pas franchement à la cité socialiste idéale.

    Racisme et antiracisme, versants d’une même idéologie, donc, avec pour but deux objectifs, dont il est difficile de savoir lequel est le plus niais : la pureté de la race ou le métissage absolu.

    *

    Plus intéressantes car plus humaines, la doctrine de la lutte des classes et celle de la hiérarchie des classes sont aussi les deux versants d’une même idée. Toutes les deux soulignent l’importance des classes sociales, bien sûr, même si dans le marxisme il y a une volonté de dépasser l’affrontement des classes que l’économie capitaliste porte jusqu’à son point de tension et de haine ultime.
    Le dandy réactionnaire, Baudelaire ou Barbey d’Aurevilly, hait le bourgeois capitaliste et Zola, le journaliste à sa solde, dans la mesure où ce bourgeois est un aristocrate qui refuse d’assumer ses responsabilités, de remplir son rôle social.
    Quoi de plus logique que le vif intérêt que Marx porte à la littérature de Balzac ? Dommage qu’il n’ait pas eu accès à celle de Barbey, plus dense encore, difficile à comprendre pour un démocrate, mais pas pour un marxiste. Très logique aussi le mépris de Marx pour Chateaubriand. Chateaubriand qui se détériore en Tocqueville, qui se détériore lui-même en BHL.
    Même si ce n'est pas de façon explicite, Marx nous parle de la décadence de l’aristocratie.

    *

    Dans le triomphe des idées de BHL, malgré leur faiblesse, on voit la preuve de la justesse de la raison marxiste. Pour un catholique contemporain, c’est-à-dire un catholique appelé à la dissidence, Marx est un nouvel Aristote. Et pour Platon il y a Baudelaire, Barbey ou Evelyn Waugh. Claudel aussi est un grand docteur de l’Église.
    Voilà pour saint Paul. On aimerait voir Benoît XVI jouer son rôle politique, de dalle.
    La question de la dissidence des chrétiens, soulevée par le pape, est liée au rôle politique du pape, qui doit être, au moins, subversif. La décadence de la liturgie est secondaire, ce n’est qu’un symptôme.

  • Un peu d'exotisme

    Le motu proprio, la décision personnelle du pape d’accorder à ses ouailles qui le désirent la liberté d’assister de nouveau à la messe en latin est… un non-événement.
    Il n’y a pas besoin d’avoir l’oreille de Mozart pour reconnaître la beauté spéciale du grégorien ; on se souvient que Brassens lui-même déplore qu’on célèbre dorénavant la messe sur des airs pas très solennels (Depuis Georges Brassens, l’image de la solennité s’est dégradée, c’est vrai, on imagine un discours du président de la République un 14 juillet, quelque chose dans ce goût-là forcément, alors que la solennité peut-être plus profonde que ça.)

    Que ce non-événement fasse couler beaucoup d’encre, chez les détracteurs comme chez les partisans du motu proprio, en revanche, il n’y a là rien de surprenant, dans un pays et à une époque où on a jamais autant aimé se gargariser de mots, où l’idéologie règne, à côté des lois fondamentales du capitalisme.
    Pour les lecteurs du Monde, l’expression de motu proprio a presque une saveur exotique et on peut compter sur les rédacteurs du quotidien pour exploiter le filon à fond.
    Que le concile de Vatican II ait provoqué une sorte de "Babel liturgique" au sein de l’Église d’Occident, quiconque s’est trouvé dans la cacophonie d’une cérémonie internationale modernisante ne peut le nier. Le pape a dû être le premier à s’en apercevoir (Il est allemand, en outre, et les Allemands supportent mal la cacophonie.)

    *


    La réalité - politique -, quelle est-elle ? Les églises, les séminaires sont presque vides. Quel que soit le rite liturgique qui l'emporte, il n’y aura bientôt plus personne pour le célébrer.
    Les évêques les plus conciliaires, les plus démocrates-chrétiens, ont déjà laisssé entendre qu’ils feront en sorte de ne pas appliquer la mesure du pape ; ils savent qu’il y a assez de forces médiatiques, en France, pour appuyer leur rebellion.
    Ils entendent ainsi, disent-ils, défendre leurs prérogatives, leur pouvoir d’évêque, contre la montée du fachisme liturgique. Comme si ce pouvoir des évêques n’était pas déjà presque totalement mouché…
    Si d’aventure un évêque se montre réticent à ratifier un des dogmes de la nouvelle religion d’État capitaliste et laïque, il se fait immédiatement rappeler à l’ordre par les médias et peut ainsi mesurer l’étendue de ses prérogatives.
    Il n’y a que les démocrates-chrétiens pour oser prétendre le contraire, car dans le fond, qu’est-ce qu’un démocrate-chrétien si ce n’est quelqu’un qui aime les évêques tels qu’ils sont actuellement, à savoir impuissants ; quelqu’un qui se satisfait de la société civile telle qu’elle est, et qui a plus confiance dans Sarkozy pour procéder à quelques ajustements, à quelques économies, que dans le pape lui-même. Dans une perspective démocrate-chrétienne, un pape philosophe, c’est l’idéal.

    *

    Un dernier argument en faveur de ce motu proprio que j’ai pu lire, c’est qu’il indique le caractère “bienveillant” de Benoît XVI à l’égard de TOUS les fidèles, aussi peu appréciés des médias soient-ils.
    On se console comme on peut, mais, à propos de “bienveillance”, on se souvient que les papes qui protégèrent Michel-Ange, d’Alexandre VI à Pie IV, en passant par Jules II et Clément VII (pas moins de dix papes en tout !) n’étaient pas spécialement “bienveillants” ; il paraît même au contraire que Jules II avait un caractère sacrément despotique (Jésus a décidé de bâtir sur Pierre et pas sur Jean). Ces papes n’en avaient pas moins un sens aigü de leur mission apostolique et la volonté farouche de conserver les moyens de la mettre en œuvre. Combien d’âmes d’artistes ont-elles été aspirées vers la voûte de la Sixtine ?

  • Le mystère Benoît XVI

    Le mystère Benoît XVI s'épaissit encore… Un premier petit mystère entoure son élection : le candidat Joseph Ratzinger s'est en effet comporté en campagne comme s'il ne tenait pas à être élu pape. Il a tenu devant ses confrères un discours très "conservateur", au risque de déplaire à beaucoup d'électeurs…
    Bien sûr, on peut discuter mon interprétation et avancer que Ratzinger était tellement sûr d'être choisi qu'il a pu ainsi se permettre de délimiter franchement les contours de son action future…

    Dans l'Église, la controverse, la "disputatio" est permise, c'est même une vieille tradition. Tant qu'on ne remet pas en cause la légitimité du pouvoir en place… Les démocrates-chrétiens n'admettent pas ça en général ; sans doute parce qu'ils raisonnent en démocrates, ils ne conçoivent que la propagande pour tel ou tel parti.

    L'autre point mystérieux, c'est le voyage du pape en Turquie. On ne peut pas vraiment y voir la volonté d'effacer la "gaffe de Ratisbonne", l'exploitation faite par les médias d'une diatribe assez anodine d'un empereur byzantin contre l'islam, reprise dans la conférence du pape. En effet, le voyage du pape en Turquie était prévu avant.

    Alors qu'est-ce que le pape va chercher en Turquie ? S'il tombe sous les balles d'un tueur turc, comme son prédécesseur, cela compromettra le processus d'addition de la Turquie à l'Europe, bien évidemment. Au contraire, si le voyage se passe bien, que les apparences d'un dialogue respecteux, comme on dit, sont respectées entre Benoît XVI et le Premier ministre Erdogan, alors ce voyage contribuera à rendre cette politique d'addition de la Turquie moins difficile. Bref, c'est vraiment coton de deviner quelle est la politique du pape, à supposer qu'il en ait une.

    Ah, oui, il faut rappeler que l'assassin nationaliste turc de Jean-Paul II, Mehmet Ali Agça, était manipulé par les services secrets soviétiques, pour éviter que ça puisse servir d'argument aux laïcards et aux démocrates-chrétiens qui dissimulent leur combat pour leur petite religion derrière le combat contre l'islam.

  • Contre Ratzinger

    Pourquoi ne pas s'acharner un peu sur le cadavre de la philosophie - cadavre exquis puisque chacun ajoute son petit schéma ?
    Le credo athée est à la base de beaucoup de spéculations philosophiques. L'argument classique des athées selon lequel Dieu n'est qu'une invention pour réconforter les âmes inquiètes a son équivalent chez les chrétiens (Nitche a voulu faire le malin en posant le principe athée à l'envers, mais il n'a fait que se rendre encore plus ridicule.)
    Certains chrétiens plutôt puritains prétendent donc que les athées, eux, se débarrassent de Dieu pour mieux jouir peinards. Il est assez évident lorsqu'on confronte à la réalité ces deux arguments qu'ils sont d'abord faits pour conforter ceux qui les avancent.
    Vouloir prouver l'existence de Dieu est puéril. C'est une manière de se rassurer. Il y a la même angoisse chez celui qui essaie de prouver que Dieu n'existe pas. Dans le fond, il est animé par le doute. Cet exercice devant le miroir va le décevoir. Car il ne mène ni à la preuve de Dieu, ni à la preuve qu'il n'existe pas, ni même à la preuve que l'homme existe !… c'est dire l'inutilité de la conscience de la conscience.

    Au bout du compte, le résultat c'est que l'angoisse de ces pauvres penseurs n'a fait que s'accroître.
    Les philosophes ne font qu'imiter l'attitude craintive de certains théologiens.
    C'est Diderot qui a une manière de trahir sa philosophie que je trouve délicieuse. Lorsqu'il dit que, s'il s'est trompé et que Dieu existe - malgré toutes les fables de Lucrèce dont il raffole -, il pense que Dieu lui pardonnera en vertu de sa… sincérité. C'est quand-même plus drôle que les faux-fuyants existentialistes !

    Je dis exprès "philosophie". Ce mot a été fabriqué pour faire croire aux béotiens que le contraire du "philosophe" c'est le "fou", le "cinglé", le "fanatique", etc. Franchement, quand on voit Finkielkraut, Jacques Attali ou Jean d'Ormesson élucubrer leurs théorèmes en postillonnant, on se demande bien qui est fou ou gâteux…

    Non, le contraire du philosophe, c'est plutôt l'homme d'action. Lui ne se pose pas TOUTES les questions, mais seulement les questions utiles. C'est même l'aptitude de la pensée active à trier les questions pour ne retenir que les bonnes qui fait d'elle une pensée active et audacieuse. Le vrai philosophe ne se trompe jamais mais il n'avance pas.

    Hélas, aujourd'hui, ce sont les théologiens qui tentent d'imiter les philosophes et ça n'est pas très fructueux non plus. Je songe ici au théologien allemand Joseph Ratzinger, bien sûr, plus connu dorénavant sous le nom de Benoît XVI. Pour simplifier le problème, qui n'est qu'un problème de vocabulaire et de définitions et ne mérite donc pas qu'on s'y attarde outre mesure, les philosophes ont érigé la raison en principe fondamental afin d'évincer les pouvoirs religieux. « Puisqu'on ne peut pas démontrer Dieu par un raisonnement, eh bien faisons de la raison le critère essentiel ! »
    Benoît XVI ne devrait pas répondre à ça. On ne doit pas accepter de jouer aux échecs, ce jeu de fous, lorsqu'on ne sait faire que des réussites. La raison, ça n'existe pas. Point à la ligne.
    « Mais, le peuple chrétien réclame des encycliques et des conférences ! », j'entends dire parfois, bizarrement. Qu'à cela ne tienne, il y a deux encycliques de Jean-Paul II, loin d'être démodées et qui tiennent dans la poche. La première, c'est « France, souviens-toi des promesses de ton baptême ! ». Et la deuxième, un peu plus énigmatique : « N'ayez pas peur ! ». Question blabla, ça devrait suffire.