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claudel

  • De Shakespeare à Claudel

    Paul Claudel, c'est Polonius décidant de réécrire les tragédies de Shakespeare pour en faire des drames bourgeois.

    Quand Shakespeare dissout l'alchimie du langage, Claudel la ressuscite.

  • Claudel, pseudo-Shakespeare

    L'imitation de Shakespeare par Paul Claudel ("Tête d'Or") fait penser à l'imitation des Grecs par les Romains, qui s'approprièrent l'art grec mais ne le comprirent pas. Il n'y a rien d'homérique, en effet, chez les Romains, surtout pas Virgile.

    Conception fantasmatique d'une culture occidentale issue de la culture "gréco-latine" et biblique, dénoncée justement par Léopardi : "La civilisation moderne nous a menés à l'opposé de la civilisation antique et l'on ne peut comprendre comment deux choses opposées pourraient n'en faire qu'une seule, et se prétendre toutes deux civilisations. Il ne s'agit pas là de minces différences, mais de contradictions essentielles : ou les Anciens n'étaient pas civilisés, ou c'est nous qui ne le sommes pas."

    De ce fantasme ou de ce négationnisme de l'Histoire, Shakespeare est parfaitement conscient, tandis que Claudel au contraire l'entretient. Shakespeare répond à la question de Léopardi dans "Le Marchand de Venise", qui met à jour les tenant et aboutissant de la culture occidentale, sous le masque "humaniste".

    Il y a certainement un peu de Claudius dans Claudel, comme dans les crétins qui prétendent que ce félon serait le héros de la pièce ; mais il y a surtout du Polonius, car Polonius écoute Hamlet sans le comprendre, comme Claudel écoute Shakespeare en restant sourd. De surcroît Claudel est diplomate, comme Polonius. Et il n'y a apparemment d'espèce parmi les hommes que Hamlet, "fils du tonnerre", exècre plus que les diplomates.

    Quand Dante condamne illégitimement tel ou tel, Shakespeare condamne justement la fonction.

     

     

  • Mélancolique bourgeoisie

    De trop courir après des chimères qu'il ne rattrape jamais est ce qui rend le bourgeois mélancolique, et donne à son art le goût de la soupe pas assez salée qu'on sert dans les hôpitaux.

    Il arrive que le philosophe bourgeois connaisse, à l'article de la mort, une dernière érection et le désir de fabriquer enfin quelque chose, après avoir dépensé tout son intellect sur l'examen des causes premières et des fins dernières.

    Son mobile essoufflant lui a au moins appris une chose, c'est que la chimère qu'il poursuivait est, en fait, derrière lui. Cela explique la jalousie extrême des bourgeois à l'égard de leurs enfants, et leur violence à se débarrasser sur leurs épaules de fardeaux aussi inutiles que l'avenir, la réforme sociale ou le soin de la planète. Si Proust ne songe qu'à retremper son biscuit dans le giron de sa mère, c'est sûrement parce qu'il a toujours été à l'article de la mort, et pas assez sportif pour courir après une cause plus chimérique encore.

    Quel tableau d'histoire formidable nous propose Shakespeare dans "Troïlus et Cressida", peignant les valeureux guerriers troyens et achéens animés des mêmes intentions bourgeoises et médiocres que l'homme moderne, pratiquant déjà l'art de l'échangisme comme Claudel. Que Shakespeare emploie le même mot de "labeur" pour parler du travail de la terre et du coït, voilà qui était fait pour scandaliser le bourgeois à travers les âges, jusqu'à notre Claudel. La dramaturgie bourgeoise n'est pas dramatique au regard du tragédien - elle est ridicule et pompeuse comme le code civil, uniquement faite pour le blanchiment de l'argent.

    Il n'y a que deux voies pour échapper à la mélancolie des tièdes, rançon de leur habileté à s'adapter au monde - la voie de l'art selon Satan, ou bien celle de la vérité selon dieu.


  • Shakespeare athée

    Le "Shakespeare sauvage" de Voltaire a un sens, puisque Shakespeare est en effet le plus antisocial des tragédiens. Si Shakespeare n'a pas pris une ride, et que chacun de ses aphorismes continue de déchirer le voile social, c'est pour la raison soulignée par le christ Hamlet que la société est déterminée par un principe macabre. Chaque citoyen persuadé du bien-fondé de la société a le front marqué d'une croix par Shakespeare, c'est-à-dire du symbole de la bêtise et de la torture sociale.

    Le "Shakespeare païen" de Claudel est d'un illuminé incapable de reconnaître que l'art de l'architecte Gaudi est le plus démoniaque que l'on puisse faire.

    Le "Shakespeare athée" traduit la volonté d'universitaires ignares de faire de Shakespeare un auteur moderne, c'est-à-dire le plus éloigné de son propos apocalyptique, celui-là même qui soutenait déjà la tragédie antique. Cela ressemble beaucoup au mouvement de propagande débile et scandaleux du clergé catholique qui consista autrefois à "christianiser" les institutions païennes, poursuivant ainsi le mobile le plus éloigné du message évangélique.

    L'université moderne est la fille cachée de l'Eglise catholique romaine : c'est ce qui explique que les tragédies de Shakespeare persistent à demeurer énigmatiques à ses yeux, notamment l'élucidation la plus efficace par Shakespeare de la subversion du christianisme par les institutions ecclésiastiques.

    Même le comique de Shakespeare est incompréhensible pour l'universitaire moderne. Francis Bacon, alias Shakespeare, a en effet conscience de la plus grande rationalité des civilisations antiques, comparées à la civilisation occidentale moderne, dont la bêtise se traduit concrètement par l'impuissance à atteindre l'équilibre politique auquel le monde antique était parvenu. La géométrie de Platon ou Pythagore est un art plus grand que celui des Allemands Descartes ou Einstein, manifestement.

    Le monde moderne, en faisant de la science une divinité, a rabaissé la science au niveau des moyens techniques, dont le monde antique païen savait mieux faire l'économie ; elle l'a rabaissée au niveau de la "culture scientifique", dont la détermination religieuse saute aux yeux. Typique de l'imbécillité scientifique moderne, le pseudo-savant Karl Popper, quand il assigne à la science un but de recherche et non d'élucidation. C'est la plus funeste et la plus totalitaire orientation que l'on peut donner à la science. Elle légitime l'appropriation par les élites de la science et de l'art, tout en posant le principe de l'irresponsabilité des élites. Au procès insane de Nuremberg, ce sont les élites occidentales et la science polytechnique que l'on aurait dû attraire, non pas quelques badernes et fonctionnaires dont ce n'était pas le métier de penser. La bêtise humaine est toujours systématiquement acquittée par la justice humaine.

    Rabelais et Bacon affirment au contraire que la conscience peut venir seulement au savant, et donc la responsabilité, de ce qu'il poursuit un but d'élucidation, et non seulement la recherche de nouveaux moyens. L'usage moderne de la science est celui d'un garde-fou : mais comme celui-ci ne soigne pas la folie, se contentant de lui fournir des dérivatifs, c'est un barrage précaire. Instrumentaliser le peuple à l'aide de la science est pour les élites la garantie que le peuple se retournera un jour contre elles, dès lors que les dérivatifs feront défaut.

    Le comique de Shakespeare s'appuie sur l'absurdité et la pataphysique de la conscience moderne ; le comique de Shakespeare ne vise pas le divertissement, mais au contraire l'avertissement.

  • Illusion, Opium et Société

    L'illusion est le revers de la médaille sociale ; cette illusion est présente dès les actes sociaux les plus primitifs, comme le coït, jusqu'aux architectures les plus orgueilleuses.

    Le suppôt de Satan qui vient se recueillir dans une cathédrale gothique, celui-ci mérite d'être nommé mage dans son Eglise : il est bien mieux éclairé que le chef d'un petit groupe de rock satanique. Je sais de quoi je parle, j'ai longuement éprouvé l'athmosphère des cathédrales gothiques. L'art abstrait, pratiquement, comme le socialisme, répond au besoin de se recueillir des nouveaux adeptes, pas très bien informés de qui fait quoi dans la synagogue de Satan.

    La haine vis-à-vis de Shakespeare vient toujours systématiquement du clergé de Satan. Qu'elle soit haine-haine (Joseph de Maistre) ; envie spontanée de vomir ; bêtise de paysan (Claudel) ; culte rendu à Satan (le Grand Siècle) ; tentative d'enfouissement (l'université).

    Shakespeare ne se contente pas de mettre le feu à l'art décadent, comme Hitler, mais c'est toute la culture qu'il saccage et fait cramer, avec cette absence typiquement chrétienne de respect pour l'homme et ses objets de culte. Le clergé est entièrement dépossédé de ses biens. Le visionnaire, c'est Shakespeare et non Dante.

  • Poème en prose

    Curés et poètes -et toi Claudel aussi, qui sait, espèce de Ponce-Pilate !- vous êtes des tournesols et finirez comme eux : huile de friture ou de moteur.

    Vous avez joué votre âme aux dés, mis le soleil au centre de vos réflexions : nul n'a cure de vos sacrés coeurs fumeux hors le vautour. On ne peut défier Satan aux jeux pythiques sans se consummer.

  • Saint Marx

    C'est précisément parce qu'il est "sans foi ni loi" que Karl Marx est le plus grand théologien chrétien depuis Shakespeare. La question de la loi est une question juive et la question de la foi se pose quand la loi est appliquée hypocritement. Même pour Léon Bloy ou Claudel, qui louchent pourtant un peu vers le moyen âge (obsession matrimoniale de Claudel), la question de la foi n'est pas moderne.

    En quelque sorte il n'y a pas de pensée historique sérieuse qui se préoccupe des questions de foi. La question de la foi est une question d'autruche.

  • Par quel miracle ?

    J'en crois à peine mes yeux... Ils sont tous là, derrière le pape. Sarkozy, bien sûr, mais aussi Giscard-d'Estaing, Simone Veil, Bayrou, jusqu'à Jean-Pierre Elkabbach, touché par la grâce... tous ces noms synonymes d'infanticide, de vulgarité, de polytechnique, de reniement laïc, de missiles Lagardère braqués sur des populations civiles.

    Et dire que Benoît XVI prétend connaître et apprécier la culture française ! Apparemment il n'a jamais entendu parler de Paul Lafargue, apôtre de la Charité contre les prélats démocrates-chrétiens :

    "La seule religion qui puisse répondre aux nécessités du moment est la religion du Capital (...). Le Capital est le Dieu réel, présent partout, il se manifeste sous toutes les formes, il est or éclatant et poudrette puante, troupeau de moutons et cargaison de café, stock de Bibles saintes et ballots de revues pornographiques, machines gigantesques et grosses de capotes anglaises.

    Le Capital est le Dieu que tout le monde connaît, voit touche, sent, goûte ; il existe pour tous nos sens, Il est le seul Dieu qui n'a pas encore rencontré d'athée (...)" In : Le Congrès de Londres.

    Autant que le pape le sache, la culture française, celle de Péguy et de Claudel, celle de Paul Lafargue et de Bernanos, la culture française EMMERDE la métaphysique allemande ; la culture française vomit Kant et Hegel, Kierkegaard et Schopenhauer, Heidegger et Nitche, Adorno et Walter Benjamin, Horkheimer et Lévinas ; elle vomit l'"Ecole de Francfort", dont la seule chose à retenir c'est qu'elle est à deux pas de la "Bourse de Francfort".

    Il est écrit à propos de la Charité : "A celui qui a, on donnera, mais à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il SEMBLE avoir." (Mt 25,29)

     

  • L'honneur bafoué de Georges Bernanos

    La meilleure façon de bafouer l'honneur de Georges Bernanos ? Il suffisait de le transformer en hypocrite penseur démocrate-chrétien gaulliste sur le modèle de François Mauriac.

    Le soixantième anniversaire de la mort de l'écrivain catholique est prétexte dans Le Figaro, Famille chrétienne ou Valeurs actuelles, à de petites notules niaises et consensuelles ne ménageant pas les "Bernanos éternel" par-ci, "Bernanos prophète des temps modernes" par-là, et patati et patata. Pour le fond les abonnés de ces gazettes sont aimablement renvoyés aux volumes de la Pléiade ou aux propres délayages de ces embaumeurs de première classe.

    Tant qu'à faire j'aime encore mieux, poursuivant le même but, l'exégèse délirante que Les Temps modernes ont donnée du célèbre "Hitler a déshonoré l'antisémitisme" de Bernanos. Interprétation des Temps modernes (sic), comme tout droit sorti d'un conte d'Alphonse Allais, de Villiers de l'Isle-Adam ou du Meilleur des mondes d'Huxley qui vise à faire de Bernanos un écrivain philosémite comme tout le monde : quia absurda est.

    La déception de Bernanos fut en vérité à la mesure de sa naïveté, lorsqu'il revint d'exil pour servir de caution à un régime gaulliste à peine sorti des règlements de compte sordides et des procès politiques qui n'en finissent pas. Il ne suffit pas que les ex-soixantuitards à bout de souffle chantent tout compte fait les louanges de De Gaulle, il faudrait de surcroît que des écrivains comme Brasillach, Céline, Drieu ou Aragon, du séjour des morts, joignent leurs voix à ce concert de faux-culs ! Néron n'en demandait pas tant.

    Aussi naïf fut-il, Bernanos ne mit pas longtemps à découvrir les véritables mobiles de la clique gaulliste. Même lucidité chez Simone Weil dont les critiques sont à peu près impubliables aujourd'hui tant elles écornent le mythe gaullien.

    "Il y a eu des collaborateurs mais la collaboration était un mensonge. Il y a eu des résistants mais la résistance était un autre mensonge. Il y a eu la victoire, qu'on a tout de même pas osé appeler Victoire, par un reste de pudeur, mais Libération.

    Et cette libération était aussi un mensonge, et le plus grand de tous...!" G. Bernanos

    *

    La franchise, le ton radical de Bernanos est son plus grand mérite, car pour ce qui est de l'anticipation, La France contre les robots, n'importe quel authentique lecteur ne peut manquer d'y voir une adaptation française de la critique marxiste du capitalisme. Sans qu'il fut nécessaire à Bernanos pour écrire son pamphlet d'avoir lu Marx. E. Waugh ne l'avait pas lu non plus ; il n'est pas certain qu'Ezra Pound s'y soit intéressé de très près. On sait que ce fut le cas de Céline, mais assez tardivement. Pourtant le lien de cœur entre ces écrivains est évident.

     Qu'un baveux du Figaro comme Sébastien Lapaque, employé par conséquent d'un fabriquant d'armes de destruction massives qu'on est occupé en ce moment à fourbir, que ce genre de pion puisse se prévaloir de La France contre les Robots, voilà qui illustre bien le principe démocrate-chrétien à la perfection. Lorsqu'on a une bille à servir de cible à un pamphlet comme Sébastien Lapaque, on ferait mieux de planquer ses bajoues dans une compagnie d'assurance, derrière le guichet d'une banque, où elles peuvent jouer leur rôle rassurant, plutôt que de s'en servir pour pipeauter de cantilènes gaullistes les vieillards paranoïaques qui lisent Le Figaro entre deux madeleines trempées dans la tisane.

  • Pourquoi Marx ?

    À propos de la convergence du catholicisme avec la doctrine marxiste, trois remarques supplémentaires :

    - Il ne vient à personne l’idée de dénoncer la collusion de la pensée chrétienne avec Platon, Aristote, Nitche, Maurras, Kant, etc., a priori. Le pape cite lui-même Kant comme un visionnaire, dont Péguy a au contraire souligné l’ineptie.
    Des maisons d’édition se revendiquant clairement catholiques publient même des biographies de Nitche où l’auteur n’hésite pas à étaler sa sympathie pour l’inventeur de la morale du super-héros. Michel Onfray, nitchéen médiatique, spécialisé dans l’anticléricalisme, n’en a pas moins reçu dans sa Normandie natale une éducation démocrate-chrétienne exemplaire, avant d’être initié aux arcanes de la philosophie par Lucien Jerphagnon. Bien sûr, s’agissant de la repentance de l’Eglise catholique, Onfray préfère la position de l’Inquisiteur à celle de l’accusé ; ça peut se comprendre de la part d’un super-héros comme lui, “best-seller” édifiant (il prend sur la couverture de ses bouquins une pose de super-héros laïc qui n’a peur de rien et surtout pas du ridicule.)

    *

    S’il fallait décerner la palme du paganisme à l’un de ces auteurs, Platon ou Nitche l’emporteraient évidemment sur l’auteur du Capital, loin, très loin de l’”éternel retour” ou de la mythologie de Platon. Alors pourquoi Marx ? Est-ce un hasard ?

    - Secundo, cette convergence entre le communisme et le catholicisme est d’abord contestée par des catholiques qui ignorent à peu près tout du marxisme. Benoît XVI a-t-il connaissance du rejet du césarisme par Marx ?
    Ou contestée par des marxistes qui ignorent à peu près tout de la doctrine catholique. Ce versant-là est plus intéressant, dans la mesure où Marx lui-même, s’il avait une bonne connaissance de l’Ancien et du nouveau Testament, voit la religion chrétienne à travers le prisme de Feuerbach, c’est-à-dire de la théologie protestante, même si Marx rejette en définitive la démonstration générale de Feuerbach, après un examen approfondi. Feuerbarch fonde d’ailleurs la morale laïque bien plus sérieusement que Nitche ou les divers existentialistes.

    - Enfin, il convient de remarquer que le communisme a été perverti par la même hérésie que le catholicisme au cours du XXe siècle, à savoir la religion laïque. Ce sont les principes laïcs, admis par une large majorité de communistes en Europe de l’Ouest qui ont ôté au communisme son caractère révolutionnaire et scientifique. Exactement comme l’intrusion de principes laïcs dans la doctrine catholique, malgré le syllabus de Pie IX et le combat d’écrivains comme Bloy, Péguy, Claudel, Chesterton, Waugh… a eu pour effet de transformer le christianisme en césarisme. Les démocrates-chrétiens continuent d’aller à la messe, de faire des retraites de Saint-Ignace, d’analyser les textes sacrés, mais pour le reste, beaucoup, en purs esprits s’en lavent les mains, quand ils n’apportent pas carrément leur soutien à l’Etat laïc, affirmant contre la lettre et l’esprit que le devoir d’un chrétien est en toutes circonstances… de payer l’impôt à César.

    *

    De la même façon que la religion laïque est fondée sur sa propre négation désormais, à savoir l’affirmation de sa “neutralité” (de l’usage du kantisme dans le fanatisme…), la religion démocrate-chrétienne est fondée sur sa propre négation elle aussi : le passage de l’Evangile de Matthieu où Jésus, en présence des Pharisiens, recommande de ne pas rendre un culte à César - d’une façon qui semble inaccessible à l’entendement de ces pharisiens, entre parenthèses.
    Le manifeste du Parti communiste en particulier, et Marx en général qui démystifie l’Etat, est plus conforme que la religion démocrate-chrétienne à l’évangile de Matthieu.
    On pourrait rétorquer que Marx, s’il s’oppose à la religion de l’Etat, critère qui permet de distinguer un régime totalitaire d’une dictature, fonde une religion de l’homme pour l’homme. Ça serait inexact ; Marx fonde une religion de l’“humanité”. L’histoire récente montre que cette religion de l’“humanité” s’oppose à la religion libérale des “Droits de l’homme”. En niant Dieu, serait-ce en passant par l’angélisme philosophique de Kant ou le “pari de Pascal” (Péguy a fait le lien entre les deux sophistes), on finit par nier l’homme. En réaffirmant l’humanisme, Marx peut-il nier Dieu ? Le fait est qu’il ne le nie pas. Ce que Marx nie, c’est l’aptitude de la religion à mettre en valeur la Vérité.
    Même si la volonté de restaurer l’esprit scientifique et artistique dans l’Eglise sous-tend en partie le récent concile de Vatican II, le moins qu’on puisse dire c’est que cette volonté a échoué ; le style gnostique des actes du concile le prouve. Cet échec est le même que celui de Mai 68. Cet échec a un nom : victoire du libéralisme, ou de l'angélisme.

  • Crever la bulle

    Je feuillette un petit ouvrage théorique sur le jansénisme. Contresens complet de l’auteur qui prétend que le jansénisme s’éteint au XIXe siècle alors qu’il triomphe pour la première fois sur le parti adverse. La France cesse d’être catholique peu à peu dès lors, jusqu’à en arriver à ce pays de démocrates-crétins sarkozystes aujourd’hui, qui lisent Proust, Heidegger ou Nitche et osent par-dessus le marché se dire “Français”, ces foutus bâtards apatrides ! Tariq Ramadan est plus Français qu’eux qui préfère Voltaire. Et Nabe-Zanini est un des derniers Français, alors qu’il est Italien !

    *

    C’est un tel triomphe des idées jansénistes au XIXe siècle qu’il n’est plus besoin de parti janséniste pour les défendre. Lorsqu’on étudie l’essence du jansénisme, ou l’essence du christianisme, ou l’essence de la religion laïque, on n’a qu’une vue partielle de ces phénomènes religieux.
    Qui oserait prétendre qu’en se rangeant du côté d’Horkheimer, d’Adorno, de l’idéalisme allemand, et même de saint Augustin, Benoît XVI va à contrecourant des idées mondaines ? Les derniers séminaristes en France étudient Kant et Heidegger, Pascal, non pas Joseph de Maistre ou Francis Bacon, Claudel.

    Lucien Jerphagnon raconte qu’en inaugurant son cours sur saint Augustin dans les années soixante, dans une faculté fréquentée par de nombreux “marxistes”, il s’attendait à des réactions hostiles. Jerphagnon a raison, un marxiste a en théorie autant de raisons de s’opposer à saint Augustin qu’un catholique orthodoxe au jansénisme ou au calvinisme (Tandis que Marx, en revanche, n’hésite pas à rendre un hommage discret à un théologien comme Duns Scot - attaqué par Benoît XVI au contraire -, ou à inviter Lamennais, traducteur de L’Imitation de Jésus-Christ, à collaborer aux Annales franco-allemandes.)
    Il n’y eût pas de réaction marxiste au cours de Jerphagnon. Y a-t-il eu jamais réellement des communistes en France ? Très peu, des communistes “instinctifs” comme Picasso ; ou des communistes “pascaliens” comme Mitterrand ou Drieu La Rochelle, c’est-à-dire des mutants.
    La totale indécision de la France en 1940, signalée par Drieu, s’explique en partie de cette façon. Un côté penche pour les Russes, l’autre pour l’Allemagne.
    On en est resté là d’une certaine façon. La faille entre les deux plaques tectoniques idéologiques traverse la France, ce qui explique son “immobilisme” ou sa “résistance”, suivant le côté où on se place. La faille traverse parfois le Français lui-même. Cette faille on la retrouve chez Drieu et Mitterrand, Français “exemplaires”.
    Aujourd’hui il y a Nabe, d’une part (plus anti-américain que les communistes ou que Le Pen), et BHL à l’opposé (dont la furia pro-américaine ne va pas, hélas, jusqu’à le pousser à émigrer à New York), mais la grande majorité des Français est partagée.

    *

    L’hérésie du parti communiste français, c’est d’avoir rapproché Marx de l’athéologie de Feuerbach. Contre la vérité, cette vérité que dès les premières lignes des thèses sur Feuerbach (Ad Feuerbach), Marx et Engels caractérisent l’hérésie de ce théologien allemand nénamoins CRUCIAL, et condamnent son matérialisme.
    Feuerbach est d’ailleurs “Ionien”, il le dit lui-même ; ce qui le rapproche de saint Augustin. Tandis que je mets quiconque au défi de démontrer que Marx et Engels sont des penseurs “néo-païens”.

    Le parti communiste français, en réalité, n’a fait que répéter cette erreur de l’Eglise catholique qui consiste à s’approprier Dieu, la Vérité, alors que pour Marx la Vérité est transcendante, objective, comme Dieu l’est pour un catholique, et non pas immanente. Pour un démocrate-chrétien comme pour un laïc athée, Dieu et la vérité sont “intérieurs”. Aussi sont-ils comme des bouddhas, remplis de certitudes indigestes.
    La vérité, le démocrate-chrétien s’asseoit dessus.

  • Créationnisme (10)

    Pas de Bloy, en dehors d’une anthologie qui non seulement “tronque” les textes, mais encore ne présente pas les meilleurs - une anthologie de Jésuites ? Bloy ne se déguste pas par petits tronçons de phrases comme les grands moralistes français, La Bruyère ou La Rochefoucauld.
    L’Âme de Napoléon, cité notamment dans cette anthologie, ça n’a pas très bien vieilli. Si un Allemand aujourd’hui osait écrire un bouquin sur “l’âme d’Hitler”, dans un sens positif, ce n’est pas maudit qu’il serait, mais carrément jeté en taule !
    À la décharge de Bloy, il ignorait le détail et le volume des exactions atroces commises par les troupes françaises d’invasion et d’occupation dans les populations civiles européennes. Plus encore qu’Hitler ou que les révolutionnaires français, Napoléon a saigné son propre pays, irrémédiablement.
    Après Napoléon, c’en est fini de la France en tant que puissance politique, même si l’empire colonial a pu donner l’illusion du contraire. Lorsqu’on est Espagnol, on peut en vouloir à Napoléon en tant que chef de guerre criminel ; lorsqu’on est Français, c’est à Napoléon assassin de la France qu’on peut en vouloir. Avec Louis XVI, c’est un des personnages politiques les plus détestables de notre histoire moderne - pour un catholique français, s’entend.

    *

    Je me rabats sur Claudel, dont la beauté - trop formelle ? - ne m’a pas encore touché jusque maintenant. J’acquiers pour trois fois rien un numéro spécial de la NRF de septembre 1955, en hommage à Claudel, décédé cette année-là.

    Ce numéro de la NRF, c’est un gag ! En fait d’hommage, c’est à qui des thuriféraires convoqués par Paulhan flinguera Claudel le mieux, à coups d’encensoir. Ça confirme la méfiance de Drieu, et les insultes de Céline : ce Paulhan est un sournois, un grand sournois. Cette méthode des tueurs à gages est imparable.
    Le plus doué de cette bande d’assassins post-mortem, c’est incontestablement Francis Ponge :
    « Et voici mon Claudel comme et où je l’entends :
    Comme et où je l’entends c’est entre
    clame et claudique
    Mais comme clame et claudique un de ces gros dolmens branlants.
    Non tout à fait pierre-qui-vire : pierre branlante. »


    Il n’y a pas très longtemps j’ai lu un petit livre neuf mais néanmoins instructif de Michel Mohrt, témoignage sur ses années de collaboration à la NRF. Il y souligne l’influence néfaste de Paulhan sur la littérature française, son goût pour le gadget littéraire, pompeusement baptisé “surréalisme”.
    Au vu de ces strophes calamiteuses en “à la gloire de Claudel” (sic), moi je jette le Ponge avant de l’avoir lu ! Saligaud, va !

    *

    Parmi les quelques textes inédits de Claudel publiés à la fin de la revue, je trouve un beau credo créationniste de Claudel, qu’on opposera à tous les credos évolutionnistes lourdingues qu’on peut entendre un peu partout dans les médias* :

    « 1/ Je ne crois qu’aux choses et aux êtres concrets : Dieu, la Vierge, les Anges, un homme, un chien, un arbre… et je refuse toute existence autre que la logique à ces idoles qu’on appelle la divinité, l’espace, le temps, l’élan vital, etc.
    Il ne faut pas réaliser les abstraits et leur attribuer un pouvoir quelconque.
    2/ Je suis absolument étranger à l’idée du devenir dans la nature. Je crois que les formes ont une importance typique, sacrée, inaltérable, inépuisable. Je crois que ce que Dieu a fait n’est pas imparfait, mais fini, et qu’il a eu raison de trouver ses œuvres
    bonnes et très bonnes. Logiquement, l’idée d’un devenir, c’es-à-dire d’un être qui peut sauter en dehors de sa forme, me semble un véritable monstre et le dernier degré de l’absurdité. Il faut la déchéance intellectuelle du XIXe siècle pour avoir accepté une telle ineptie. (…) »

    Venu du terroir champenois, Claudel est un grand esprit intuitif et désintéressé, le genre d’esprit dont la science manque cruellement désormais.

    *À transmettre à l’évolutionniste X. Dor, nonobstant courageux militant pro-vie français, véritable écologiste comme Claudel.

  • L'invitation

    L’été dernier, il avait fait très chaud et cela m’avait beaucoup gêné dans mon travail. Au bout de quelques minutes, je ruisselais de sueur et mes membres devenaient de plomb. Aussi ai-je prié cette année pour avoir le temps le plus froid possible.

    *

    Depuis trois semaines, je résiste à l’invitation d’un pote à venir me reposer auprès de lui dans la montagne. Ce matin, je cède à la tentation et je pars prendre un train Gare de Lyon avec un mince bagage.
    Il faut dire que mon pote s’est montré particulièrement persuasif ces derniers jours : « On ne saurait concevoir lieu de villégiature moins démocratique, en dehors de quelques troupeaux de moutons qui paissent çà et là, rien ne rappelle la bêtise de nos contemporains, (…) l’endroit est quasi-désertique et la Nature a conservé la plupart de ses droits, les sources sont pures. » ;
    ou encore : « Fin août, les bobos sont déjà las de l’Ile de Ré, du Lubéron, de la Corse, de la Baule ou de la Côte basque, et ils rentrent tous à Paris ; c’est la fin de l’exode : il est préférable pour ton équilibre mental que tu n’assistes pas à ce reflux écœurant, qui ne manquera pas de se prolonger par une débauche de “shopping” indécent, cris hystériques des femelles bobos faisant leurs courses en compagnie de leurs “partenaires” efféminés. »

    Enfin, et c’est ce qui m’a décidé : « Non loin de mon home est une institution jésuite en pleine décadence, les derniers membres de cette société spéciale ont un pied dans la tombe. Nul doute que Xavier de Jassu doit se retourner dans la sienne en voyant ce petit tas de vieux démocrates-chrétiens échanger des sophismes à l’ombre des conifères en fleur, dans l’air parfumé. (…) Mais, car il y a un mais, ces vieux barbons marmottants, vêtus de grisaille, tous les ans bradent leur bibliothèque, ayant perdu toute notion de la valeur des livres prophétiques, plus enclins à lire La Vie, Pèlerin magazine, Le Monde des religions ou Famille chrétienne, toute cette presse avec laquelle je ne me torcherais même pas le cul (…). Dans cette braderie, on peut tomber sur des pépites, des éditions originales non coupées de Péguy ou de Claudel pour un ou deux euros ! Imagine, si tu tombes sur le brûlot antisémite et paradoxal de Bloy, Lapinos - Salus ex judaeis est -, NON COUPÉ !… Quelle tête feras-tu ? »

    Enfer et damnation ! Mon sang ne fait qu’un tour et je me rue vers cet Eldorado. Vingt-cinq minutes porte à porte entre mon terrier et ma place dans le Tégévé !
    En espérant que l’air des montagnes me fera le même effet qu’à mon pote, car je me suis senti un peu émoussé, dernièrement.