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art

  • Mort de l'art

    La virtuosité est à la fois ce qui produit la plus forte impression sur le public, et le défaut qu'un artiste doit éviter ou corriger. Pour traduire cette idée de virtuosité, qualifions-là de "fausse vertu", ou bien de faiblesse déguisée en force ; ou encore disons que le virtuose n'a pas conscience des limites de son art.

    La musique dite "classique" est insupportable pour cette raison qu'elle est à 90% le fait de virtuoses, aussi stupides que ces sportifs qui tirent gloire d'avoir franchi la ligne d'arrivée avec un dixième de seconde d'avance sur leur poursuivant immédiat.

    Il n'y a rien d'étonnant à voir des petits génies de la musique ou de la peinture surgir, ici ou là, à peine sortis du berceau. Un régime totalitaire pourrait fort bien, si ce n'est déjà le cas, organiser l'élevage de petits génies en batterie.

    Mais l'art est mort, toute cette virtuosité en est le symptôme, et notre souci n'est pas de ressusciter l'art (entreprise vouée à l'échec à cause du Jugement dernier) ; néanmoins, ce qui est valable pour l'art est valable sur le plan moral - il y a une forme de virtuosité sur le plan moral qui peut être corrigée ; cette virtuosité coïncide souvent avec la souffrance physique ou morale. L'immoralité généralisée dans les sociétés modernes, avec les conséquences catastrophiques que l'on sait, tient justement à cette méconnaissance des limites de la morale. Espérant beaucoup trop de celle-ci (parce qu'on le leur fait espérer), les sociétés modernes n'obtiennent pas même les effets d'une loi morale raisonnable.

  • Génie

    Il convient dans les domaines de la science et de l'art d'accorder à l'originalité et au génie la même place que la société accorde à la folie.

    Revendiquer le "rationalisme scientifique" et accorder en même temps du crédit à la théorie de la relativité d'Einstein revient à placer le raisonnement du malade au-dessus de celui du médecin.

  • Emblème

    Léonard de Vinci est emblématique des temps modernes en ceci que l'on ignore si ce qu'il fait relève de l'art ou de la science.

    On peut donc prendre Léonard pour un grand sorcier, ou estimer qu'il ne parvînt à rien de grand au plan de l'art ou de la science, faute d'avoir choisi l'un ou l'autre.

  • Intolérance chrétienne

    Le Christ se montre le plus intolérant avec la bêtise humaine. Pour ma part je songe avec assez d'effroi à la bêtise qui fut la mienne lorsque j'avais une vingtaine d'années et que je poursuivais plusieurs lièvres à la fois sans m'en rendre compte : le bonheur, l'art, l'amour, l'art, la liberté, etc., égaré dans le labyrinthe de la culture moderne.

    Ainsi le Christ est parfaitement intolérant là où la politique, cette science humaine, par l'homme et pour l'homme, se montre, elle, tolérante. Non seulement la bêtise humaine ne nuit pas au gouvernement des hommes, mais les hommes intelligents sont plus difficile à gouverner. Au stade totalitaire, l'encouragement à la bêtise constitue même un mode de gouvernement inspiré du machiavélisme démagogique romain.

    Une querelle divisait les savants de la chrétienté, avant notre ère totalitaire (dont on peut dater le début au XVIIe siècle et l'avènement des mathématiques dites "modernes"), à propos de la Genèse et de "l'arbre de la connaissance". Le clergé catholique, artisan de la compromission avec le pouvoir politique et moral civil tenta d'associer la science au péché, quand bien même c'est la bêtise qui l'est, "science politique" y compris. Francis Bacon répond que "l'arbre de la connaissance du bien et du mal" n'est pas le symbole de la science, mais de l'éthique, de la philosophie naturelle. Le serpent dans l'arbre le confirme, symbolique lui aussi de la culture de vie.

    La philosophie naturelle satanique de "l'éternel retour" est un veto opposé à la science et à l'histoire. La nature indique un "bon sens" moral et politique ; la science en montre un autre.

     

  • Place du chrétien

    La mort de l'art est la rançon de la démocratie. Il n'y a que dans les "grandes démocraties modernes", régimes d'oppression sournoise, que l'expression de l'aliénation est justifiée comme l'art, ou encore l'expression du désir sexuel, de la peur, de l'angoisse.

    Il n'y a qu'en démocratie que l'on ne se pose pas la question : - si l'aliénation a sa part dans l'art, qu'en est-il du domaine de la science ? Est-ce que nous ne subissons pas les conséquences de l'aliénation de certains prétendus savants ? Pour être juste, certains esprits critiques se sont posé la question, tels que Simone Weil, Georges Bernanos, Hannah Arendt, Georges Orwell, de la fiabilité de la science moderne, mais aucun n'y a répondu comme Hamlet, de façon catégorique, en transperçant Polonius.

    La place du chrétien semble introuvable, puisque celui-ci ne se situe ni dans le camp, conservateur, de l'art, ni dans le camp de la démocratie, plus moderne ; ni dans la prison du passé, ni dans celle de l'avenir. Le chrétien voit dans l'art comme dans la démocratie, deux formes de satanisme, non pas opposées mais tributaires l'une de l'autre, opérant ensemble diversion. La première, l'art, plus pure, plus franchement hostile à l'idée de révélation chrétienne, posant le principe des limites de la nature vivante à l'aspiration chrétienne à connaître dieu et l'éternité. Le second antichristianisme, plus sournois, ne serait-ce que parce que portant le plus souvent l'étiquette "judéo-chrétienne", acharné à poser l'équation du temps et de l'éternité, à travers les trois discours de l'art, de la philosophie et de la science modernes.

    Le satanisme de l'art s'oppose au judaïsme et au christianisme sous la forme d'une philosophie naturelle. Le satanisme de la démocratie s'oppose au christianisme sous la forme de l'artifice. Artifice de la démocratie, assez facilement discernable et auquel l'esprit français, moins spéculatif, a le don de s'opposer (même Tocqueville n'est pas assez sot pour avoir une foi aveugle dans la démocratie), mais aussi artifice de l'art, de la philosophie et de la science qui justifient la démocratie, tous trois sous l'empire de la notion d'infini, la plus artificielle qui soit.

    Pourquoi la démocratie est condamnée à échouer ? Parce qu'elle est une perspective exclusivement humaine, par conséquent essentiellement athée, dépourvue de but anthropologique véritable. L'art vise lui, la jouissance, et la démocratie détruit l'art au profit de concepts religieux athées. Si la démocratie selon Marx est moins absurde, c'est à cause du but scientifique que Marx lui assigne, par-delà le motif strictement anthropologique du bonheur. La démocratie selon Marx n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'accéder à la vérité. La démocratie selon Marx n'est pas un état de droit égalitaire - elle diffère en cela du principe démocratique totalitaire. Où le raisonnement démocratique de Marx est juste, c'est sur l'aspect de l'anti-élitisme, précisément le point où il a été trahi par la doctrine sociale léniniste. Marx observe justement, bibliquement, qu'une élite politique, quelles que soient les valeurs éthiques qu'elle défend, conservatrices ou modernes, poursuit nécessairement un but institutionnel et n'a pas intérêt à découvrir la vérité, à une vérité qui, si elle est métaphysique, a le don de dévaluer le plan institutionnel et social. Un homme de loi rationnel, désireux de consolider les lois humaines, est contraint de dire : il n'y a pas de vérité métaphysique, il n'y a que des vérités naturelles. Il est une manière, démocratique et moderne, de faire obstacle à la vérité, c'est de simuler un plan métaphysique dans le droit et les institutions, c'est-à-dire de promulguer des lois artificielles, pleines de promesses qui ne seront jamais tenues, des lois qui prétendent inclure l'amour et la liberté, mais ne visent en réalité qu'à les galvauder. 

     

  • Art et labyrinthe

    Nul hasard si Picasso s'identifie au minotaure, car l'art moderne ainsi que l'art antique a pour fonction d'égarer les jeunes gens, c'est-à-dire de les retenir dans les filets d'un culte anthropologique.

    Bien sûr, ainsi que Nitche en fait la remarque, l'art moderne est particulièrement féminin et macabre, contrairement à l'art antique plus érotique (au sens plein du terme). Le rejet juif ou chrétien de l'art, comme de toute forme d'anthropologie, au bénéfice de la science, permet aussi bien à un chrétien de discerner que le petit miroir magique de l'art moderne n'est qu'un gadget futile et dangereux.

    La démonstration du progrès de l'art, si elle peut revêtir l'apparence d'une démonstration chrétienne, est en réalité une démonstration platonicienne. La pesante et débile démonstration du progrès de l'art selon Hegel, adoptée par les régimes totalitaires, n'a de chrétien que le nom, pour la simple et bonne raison qu'il n'y a pas d'art ni de culture chrétienne possible - il n'y en a jamais eu et il n'y en aura jamais. L'exigence scientifique des chrétiens est trop forte pour s'attarder excessivement à l'art, qui dans l'antiquité comblait le besoin de vertu (non pas Homère, dont l'art reflète le rejet juif de l'anthropologie oedipienne ou égyptienne), tandis qu'il joue dans les temps modernes le rôle d'une religion inférieure, disciplinaire.

    Répétons-le pour les suppôts de Satan de bonne foi, qui attribuent au christianisme la décomposition de l'art et son effondrement au niveau de la culture de masse totalitaire et du cinéma : la rhétorique des élites occidentales, Eglise romaine en tête, est en rupture complète avec l'esprit et la lettre des évangiles. La subversion du clergé romain est particulièrement nette, puisqu'elle consiste à rétablir les droits de l'anthropologie au sein d'une religion qui les abolit, afin d'apocalypse.

    La rhétorique de la décadence de l'art ne rend donc pas compte de l'histoire de l'Occident moderne, bien qu'elle repose sur des preuves plus solides que la rhétorique technocratique du progrès de l'art et de la science occidentaux, qui débouche sur le néant ou la connerie "surréaliste", transposition du goût puéril pour les gadgets dans l'art, et par conséquent sommet de barbarie. La sagesse que procure la science historique est donc supérieure et d'une autre espèce que la vertu procurée par l'art.

     

  • Mort de l'Art

    Comparé au constat de la mort de dieu, celui de la mort de l'art est bien plus alarmant pour la société, car la plupart des représentations de dieu ne sont en réalité que des représentations artistiques où l'homme entre plus en compte que dieu lui-même.

    De toutes les théologies assorties d'une doctrine sociale, on peut dire qu'elles ne sont pas des théologies véritables mais des idolâtries. L'interdit juif ou chrétien de l'art peut se comprendre comme la prohibition d'une représentation artistique de dieu, dont l'utilité est exclusivement sur le plan social. De plus la politique s'organise nécessairement autour de l'idôlatrie, qu'il s'agisse de l'idolâtrie de dieu, ou celle plus moderne de l'Etat. Napoléon a déploré la mort de dieu et de son usage politique afin de méduser les foules, selon la vieille théorie mystique de la monarchie de droit divin ; mais, au stade du déploiement de l'Etat bourgeois, la foi en un dieu omnipotent s'avère superflue.

    Nitche a conscience que ce qui fait la fragilité de l'art moderne est lié à la confusion entre le mobile scientifique et le mobile artistique. On peut ajouter à cela que la technique et son essor sont sans liés à cette confusion, car d'un ouvrage technique on ne peut clairement dire s'il relève de l'art ou de la science. La confusion de l'artiste moderne s'explique par le fait qu'il ne peut pas dire dans quel sens il exerce son art, ni la signification du "progrès" dont la société le fait le représentant de commerce. Il n'y a sans doute pas seulement chez un artiste comme Dali de l'ironie à ironiser sur sa vénalité, mais aussi un doute profond quant à la nature de son activité de thanatopracteur de la civilisation, à laquelle Freud n'a lui-même rien compris. L'ironie, c'est-à-dire le doute, reste le meilleur dans l'art de Dali, nonobstant sa mission de thuriféraire de la modernité.

    Nitche a su reconnaître dans la culture moderne une culture macabre - en cela c'est une culture féminine (les cultures décadentes le sont toutes).

    Le décret que Nitche prononce, non seulement à l'encontre du dieu des juifs et des chrétiens, mais aussi à l'encontre de la science métaphysique, est tout ce qu'il y a de plus logique, car l'art consacre le lien de l'homme avec la nature (c'est en cela qu'il peut être dit "satanique"), tandis que le christianisme, d'une part, comme la science, introduisent la critique du lien de subordination de l'homme à la nature. Seul le savant chrétien Francis Bacon Verulam (déchristianisé avec soin en France par la censure républicaine) a véritablement pris la mesure de cet enjeu, et qu'il n'y a pas de science véritable qui ne se donne pour but de triompher de la nature. Comme elle se contente d'opposer à la nature l'architecture, la musique ou les modèles mathématiques, c'est-à-dire l'artifice, en une sorte de tour de prestidigitation qui consiste à poser le primat du temps sur la matière, la science technocratique expose l'humanité à la catastrophe du retour de la nature au galop, épisode que les siècles passés illustrent déjà tragiquement.

     

  • Art et Vérité

    Ou bien on place l'Art au-dessus de la vérité, comme fait Nietzsche, ou bien on place la Vérité au-dessus de l'art comme font les juifs et les chrétiens, ce qui est la raison de l'interdit juif ou chrétien de l'art.

    L'interdit de l'art n'est pas pour des raisons morales - la loi juive n'est pas une loi éthique, et ne peut fonder à cet égard aucun "état de droit", mais au contraire l'interdit de l'art s'explique par le caractère essentiellement moral de l'art, de sorte que l'on peut dire qu'un artiste accompli est un homme ou une femme de grande vertu, possédant une force de caractère exceptionnelle - un "surhomme" selon le terme employé par l'apôtre de Zarathoustra. On pourrait dire que le judaïsme authentique des prophètes introduit dans l'humanité l'aspiration à une science supérieure à l'art, c'est-à-dire à la philosophie du nombre 666, qui est un "nombre d'homme", c'est-à-dire une "philosophie naturelle" selon le terme des hommes de loi.

    En parcourant les évangiles, on s'apercevra que le Christ Jésus reproche aux pharisiens, non pas de se comporter de manière immorale, mais d'occulter le sens spirituel de la loi juive, d'ordre surnaturel et non éthique. Quelle est la raison des prescriptions morales inventées par Moïse selon le Christ Jésus ? Non pas la loi elle-même, mais la nécessité pour Moïse de s'adapter à l'imbécillité du peuple élu.

    Selon l'accusation de Nietzsche, le Christ Jésus tient des propos parfaitement immoraux, dans la mesure où il est impossible de déduire des évangiles la moindre règle de vie heureuse. De fait l'amour chrétien implique une telle transgression de l'ordre social qu'il implique la considération par les chrétiens de la société ou du monde comme l'équivalent de l'enfer ou du néant, contrairement aux religions païennes à visée éthique dans lesquelles l'enfer est une notion plus abstraite, "post-mortem", ou pour parler le langage moderne, un "espace-temps". Si la démocratie est une notion religieuse, humainement impossible, c'est en raison de la probabilité de son avènement dans un lieu idéal et dans un temps idéal ; elle répond aux mêmes besoins qui furent comblés par le désir d'échapper à l'enfer au moyen-âge.

    Cette peinture de la société comme l'enfer par Jérôme Bosch, ou bien encore la représentation par le graveur A. Dürer des instruments de l'art disposés aux pieds de Lucifer, ou bien encore le théâtre de Shakespeare, ne doivent donc pas être pris comme des oeuvres d'art au sens où l'entend Nietzsche, c'est-à-dire d'une philosophie naturelle authentique, source de vertu. L'apparence de l'art ou du théâtre n'est de la part de Shakespeare qu'une façon de porter un masque, mais le but de Shakespeare n'est pas vertueux, il vise la révélation de la vérité. Shakespeare n'est ni antique au sens où Nietzsche s'efforce de l'être, ni "moderne" dans la mesure où il bat en brèche les fétiches et la rhétorique moderne.

    La culture moderne n'est pas compliquée. Il faut comprendre que la complexité est sa vocation, ce qui ne revient pas du tout au même. Tandis que Nietzsche attribue à la complexité de la culture moderne la cause de la débilité du message chrétien, son aspect culturel de rhétorique creuse, qui s'enfle comme la grenouille désireuse d'égaler en taille le boeuf, les chrétiens authentiques, sachant qu'il n'y a pas de culture ou de civilisation chrétienne possible, voient dans le mouvement brownien de la culture moderne une autre cause que l'apôtre Paul décrit dans ses épîtres comme l'activité de plus en plus intense de l'Antéchrist dans le monde. Où l'on peut reconnaître dans Shakespeare un prophète chrétien, c'est qu'il ne donne pas à la tyrannie, comme un béotien pourrait s'attendre, une apparence païenne - il lui donne une apparence chrétienne - conformément aux avertissements évangéliques.

    C'est donc un axe essentiel de la subversion du christianisme que de faire croire à la possibilité d'un art et d'une culture chrétienne. Pendant des siècles, l'Eglise romaine n'a pas cessé d'affirmer ce mélange possible, au point que certains antichrists, dont Nietzsche mais aussi le Français C. Maurras, lui ont rendu hommage, pour la raison qu'ils ont vu dans Rome et ses papes l'instrument le plus efficace de la dissolution du message évangélique dans l'art. C'est si vrai que si l'Italie et la France sont aujourd'hui des pays moins modernes que les autres nations, plus païens et plus sataniques, c'est très largement le fait d'une culture à l'influence de l'Eglise catholique qu'elles le doivent.

    Ce qui m'amène à un point de détail, que certains catholiques romains ont du mal à entendre, précisément parce qu'il s'inscrivent dans la continuité d'une culture et non d'une foi. Ce point de détail est celui de la modernité. Beaucoup de catholiques romains ne comprennent pas en effet la nécessité pour leurs évêques de s'adapter au discours moderne. Sur un plan strictement culturel, ils ont raison, car l'art est essentiellement un principe conservateur, et celui qui le pratique autrement n'est que, plus ou moins consciemment, un pervers masochiste. Mais sur le plan institutionnel, ils ignorent absolument le passé et la fonction politique de l'Eglise catholique en Occident. C'est l'incorporation de la philosophie moderniste dans la doctrine de l'Eglise romaine qui permet à celle-ci de rester "en phase avec le monde". Il n'y a pas d'apologie du catholicisme romain plus mensongère au regard de l'histoire que celle du britannique G.K. Chesterton lorsque celui-ci affirme que l'adhésion à l'Eglise romaine est le meilleur moyen de se tenir à l'écart du monde. L'Eglise romaine est tout au contraire la principale cause d'inflation du discours anthropologique, et même de l'athéisme moderne dans la mesure où on peut traduire cet athéisme comme la foi dans l'accomplissement d'un plan anthropologique irrationnel (tel que la démocratie, par exemple).

    Ce dernier propos peut paraître quelque peu contradictoire avec le précédent, ou j'affirme que les Français et les Italiens sont les plus catholiques et les plus païens en même temps. Il faut comprendre que ces Français et ces Italiens catholiques sont les plus ignorants, et que ce qu'ils ignorent en particulier, c'est que l'Eglise romaine ne fut jamais aussi puissante que lorsqu'elle incarna, non pas le conservatisme mais bel et bien la modernité, c'est-à-dire non pas le progrès mais sa démonstration, son affirmation incessante en quoi consiste essentiellement l'art moderne au point d'étouffer les fonctions primordiales de l'art.

    Je l'ai déjà dit, et je le répète, Bernard-Henry Lévy est le prêcheur catholique romain le plus accompli du moment. Son récent ouvrage "Les Aventures de la liberté" illustre parfaitement l'opération subversive de justification de l'art que le clergé romain dut accomplir, en dépit de la prohibition métaphysique de l'art. Il n'est pas permis aux juifs d'être des artistes - c'est faux dit BHL, on interprète mal cette interdiction, ou elle n'existe pas. Pourtant il y a tout lieu de penser que le mythe de Frankenstein, c'est-à-dire d'une créature qui se retourne contre son démiurge, ainsi que la rhétorique peut se retourner contre le rhéteur et l'étouffer, ce mythe est un écho de la spiritualité juive, étant donné sa coïncidence avec le mythe de la tour de Babel.

    Plus subtilement, BHL évoque la réticence de Platon vis-à-vis de l'art. Il faut préciser que la réticence de Platon n'a rien à voir avec l'interdit chrétien de l'art, mais que Platon juge les ouvrages d'art inférieurs ou impurs comparés à la philosophie plus abstraite. C'est la raison pour laquelle Nietzsche s'en prend à Socrate et Platon, ou encore Euripide, comme à des philosophes et des artistes décadents, méconnaissant la vertu de l'art. Platon a en effet tendance à considérer les oeuvres d'art comme un ingénieur considère les produits de l'ingénierie, c'est-à-dire comme bien inférieurs aux principes de l'ingénierie elle-même. C'est au contraire des bornes qu'il oppose à une abstraction excessive que l'art antique tire sa vertu selon Nietzsche. BHL ne le dit pas, mais l'éthique de Platon permet de décoder l'art moderne. La démonstration du progrès de l'art par Hegel, et de la signification historique de ce progrès, n'est qu'un effort pour rendre compte de l'histoire à partir des spéculations éthiques de Platon. L'art moderne tient pratiquement tout entier dans l'autosuggestion platonicienne que les capacités de conceptualisation de l'être humain en font un être supérieur à la nature elle-même, moins limité qu'elle n'est.

    L'art et l'éthique modernes ne sont donc pas animés par une morale chrétienne sous-jacente, comme le prétendent Nietzsche et Hegel, mais par une philosophie platonicienne-chrétienne inepte. L'effet de la philosophie de Platon est de postuler un plan métaphysique inconsistant, puisqu'il coïncide le plan humain. Nietzsche a beau jeu, face à Platon, de discerner en lui le premier auteur de science-fiction. Est-il possible de fonder une anthropologie chrétienne à l'aide de Platon ? Seul un philosophe platonicien peut se risquer à cette démonstration, qui renverse l'esprit et la lettre des évangiles, puisqu'elle a pour conséquence de nier que le christianisme ou le judaïsme sont des religions révélées. Le néo-platonisme chrétien confine également au grotesque dans la comparaison entre Socrate et Jésus. Le procès de Jésus est un assassinat dont la raison politique échappe au procureur romain lui-même.

    Mais on comprend bien tout l'intérêt de la philosophie de Platon, en quoi elle permet d'élaborer la formule d'une culture subversive, en prenant ses distances avec un art trop évidemment satanique et qui serait un véritable trait d'union entre l'homme et la nature ; sur un tel canevas philosophique, la "culture chrétienne" aurait été pratiquement impossible à distinguer d'une culture païenne. Si la culture chrétienne platonicienne n'est pas seulement dénoncée comme une rhétorique arbitraire, du point de vue satanique de Nietzsche, mais qu'elle est aussi subversive du point de vue chrétien, c'est qu'elle a pour conséquence, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, de permettre au clergé de façonner une image de dieu ou un projet divin, qui soit entièrement arbitraire, c'est-à-dire qu'une élite de prêtres ou de philosophes peuvent entièrement modifier à leur gré.

  • L'Art et l'Eglise

    L'Eglise catholique romaine représente la branche officielle du christianisme la plus sociale ; c'est ce qui explique que l'art moderne le plus débile porte sa marque, en filigrane. Le besoin d'un pâtissier contemporain d'apposer sur son travail l'étiquette de l'art (et demain de la science), tentant d'effacer ainsi tout ce que la gastronomie a de trivial, est un besoin que le clergé catholique a inoculé aux peuples de l'Occident (bien sûr, une fois purgé de la critique de Luther, le clergé protestant a suivi le mouvement).

    L'homme qui, de ce fait, se situe au niveau de dieu, ou bien, ce qui revient au même, à qui l'existence semble d'un grand prix, a un tempérament "bipolaire" où l'immodestie et l'arrogance alternent avec des périodes de doute puéril. "Je suis athée, mais si j'étais croyant j'irais certainement au paradis, vu ma conduite assez irréprochable.", dit un célèbre journalisme parisien, sur le ton totalement dépourvu d'humour d'un gosse à qui sa mère ne cesse de répéter qu'il est le meilleur.

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    Sur le thème de l'art et de la vérité, la difficile conciliation de ces deux mobiles ou buts, Bernard-Henry Lévy a pondu l'année dernière un ouvrage abondamment illustré d'oeuvres anciennes et récentes, censées être représentatives de l'art occidental. Le thème de l'art et de la vérité englobe nécessairement le christianisme, le judaïsme, la philosophie païenne recyclée de Platon, voire l'antichristianisme, étant donné le recul apparent des Eglises chrétiennes officielles au cours des derniers siècles.

    Cet ouvrage globalisant ou de synthèse n'a pas de fondement scientifique sérieux. C'est entièrement une démonstration philosophique réfutable, à peu près dans les mêmes termes utilisés par Marx pour réfuter la thèse hégélienne du sens de l'histoire.

    Suivant une logique athée, BHL s'efforce de nier la réalité et le sens de l'interdit juif de l'art, ce qui revient à essayer de transformer la religion juive en ce qu'elle n'est pas et ne peut pas être, à savoir une religion "anthropologique".

    Il est donc fascinant de constater que BHL répète le travail subversif opéré par les clercs catholiques du moyen-âge, et qui consiste, contre la lettre et l'esprit évangéliques à faire du christianisme une religion anthropologique. Nul mieux que Shakespeare n'a illustré le caractère tragique de cette méthode, qui consiste à inventer une morale chrétienne (aujourd'hui une "éthique judéo-chrétienne"), alors même que le Messie des chrétiens n'a jamais donné la moindre leçon de morale à quiconque, mais qu'il inaugure un temps nouveau, bref et apocalyptique. Le Messie ne présente pas la pauvreté comme un avantage d'ordre moral sur la richesse, mais comme un avantage spirituel.

    Le christianisme est incompatible avec une doctrine sociale quelconque, et donc une position sociale quelconque, pour la simple et bonne raison qu'il se figure la société comme l'enfer, c'est-à-dire comme la conséquence du péché. S'il est proposé à l'homme un remède à ses errements, en aucune façon le christianisme ne propose de tirer la société de l'état de médiocrité dans laquelle elle se trouve, c'est-à-dire de l'état le plus souhaitable du point de vue de la civilisation ou de l'art.

    On pourrait dire que la métaphysique chrétienne s'oppose à l'art, le faisant apparaître comme beaucoup plus trivial ou limité qu'il n'est, mais surtout, ce qui est plus grave pour les élites dirigeantes, le christianisme détourne de la fonction sociale de l'art. Parce qu'elle est l'art le plus social, la musique est du point de vue chrétien l'art le plus nul, une sorte de berceuse pour les enfants.

     

  • Démolisseur d'art

    Un commentateur de ce blog prétend ne pas comprendre l'hostilité du christianisme à l'art et à la culture. Disons, premièrement, que l'art et la culture sont devenus désormais des "mots-valises", c'est-à-dire que la plupart des gens, y compris parfois lorsqu'ils exercent une activité artistique, n'ont pas de notion précise de ce que sont l'art ou la culture.

    Ce climat d'inconscience généralisée, qui tend à présenter l'imbécillité ou la folie comme une plus-value artistique, en particulier quand il présente la liberté et le hasard comme deux notions proches, suffit pour caractériser l'art moderne de décadent. L'utopie totalitaire démocratique se reflète donc dans l'art le plus relativiste, qui traduit la contamination de la population tout entière par le goût bourgeois. Relativement la merde est appréciable, et l'homme peut s'avérer assez original pour la trouver délicieuse ; du reste, comme tout le monde chie, la merde est universelle. Voilà à peu près où en sont 

    Un chrétien en revanche sait qu'il n'y a pas de culture pacifique - il n'y en a jamais eu, et il n'y en aura jamais ; aucune culture n'est exempte de l'aspect de mobilisation du peuple au service des élites qui le dirigent. Par le vocable de "culture chrétienne", on entend donc forcément l'antichristianisme à l'oeuvre sous les couleurs de l'apostolat chrétien. En ce sens, des "artistes" comme Jérôme Bosch, Boccace, Shakespeare, ne le sont pas, puisque leur oeuvre est une entreprise de démolition de l'art chrétien dominant. On peut mieux comprendre la notion d'antéchrist telle que l'apôtre Paul et l'apocalypse chrétienne la présentent, en étudiant le fait subversif de la "culture catholique" : c'est pourquoi le propos de Shakespeare est bien apocalyptique et non artistique.

    La prohibition de l'art chrétienne paraît donc superficiellement rejoindre le point de vue conservateur et réactionnaire de Nitche, qui condamne l'art moderne comme une culture de mort décadente. C'est ce qui explique que Nitche et certains de ses disciples ont pu croire Shakespeare un athée proche de la nostalgie réactionnaire et de l'apologie du surhomme. En réalité, et sur ce point Nitche est faux, le chrétien n'a aucune raison d'adhérer à l'art anthropologique décadent, d'abord parce que le christianisme n'a rien d'anthropologique. L'art moderne, dont la fonction est à peu près de démontrer le progrès social et l'évolution, sans aucunement rapporter la preuve d'une moindre bestialité des politiques et des moeurs modernes, est étranger au christianisme, dont la vocation sociale est inexistante.

    Les doctrines sociales de l'Eglise romaine sont des blanc-seings accordés à la bourgeoisie industrielle esclavagiste, et rien d'autre.

    Pour autant, le christianisme ne s'accorde pas avec la culture de vie et l'art réactionnaires, essentiellement païens, que Nitche a souhaité restaurer contre la cinématographie bourgeoise macabre, et toutes les théories relativistes d'espace-temps.

    La mort de l'art n'a rien d'effrayant pour un chrétien, qui l'espère pour lui-même au profit de la vérité et du discernement de dieu. La spiritualité ou la mystique de l'art moderne n'est autre qu'une spiritualité chrétienne galvaudée - ce détournement est perceptible en raison du caractère animiste de l'art moderne, alors que le christianisme est étranger à la théorie sociale de l'âme. Seul l'individu peut voir dieu face à face. C'est ce qui explique que le christianisme dévalue à ce point la famille au profit de l'individu. A l'individualisme, l'art moderne oppose l'aliénation et le relativisme, l'artiste qui ne sait pas si ce qu'il fait est de l'art, mais répond néanmoins à la commande lucrative de quelque chanoine démocrate-chrétien.

     

  • Mort de l'Art

    La mort de l'art est une catastrophe bien pire pour les grands de ce monde que la mort de dieu.

    Le peuple, lui, au contraire, est plus attaché à dieu qu'il ne l'est à l'art. L'iconoclasme populaire vise le catholicisme romain seulement dans la mesure où celui-ci, quand il était encore vivant, mélangeait art et spiritualité, trahissant l'esprit et la lettre des évangiles. Autrement dit le catholicisme romain avait transformé dieu en oeuvre d'art, c'est-à-dire en idole.

    Précisons, en idole "moderne", car l'idolâtrie moderne est issue de la doctrine catholique romaine - la philosophie de Hegel est la plus révélatrice de cet aspect de transmission de l'idolâtrie catholique romaine aux institutions modernes (à condition de lire Hegel dans des versions qui n'ont pas été expurgées par des universitaires staliniens ou républicains afin de gommer cet aspect confessionnel).

    La haine de Nitche à l'égard du peuple est un aspect de sa doctrine artistique ; non seulement l'art élève au-dessus du peuple, mais il est aussi souvent destiné à maintenir à distance le peuple, à creuser un fossé entre les élites et celui-ci. Ici se loge le secret de l'égalité, toujours promise et jamais accomplie, et qui n'est qu'une manière de tenir en haleine le peuple.

    L'art égalitaire ou démocratique n'existe pas. Shakespeare ne vise pas telle ou telle catégorie de personnes, suivant le temps et l'espace, comme la musique. Mais Shakespeare, contrairement à la musique, n'a aucune utilité sociale.

  • Art contre Vérité

    Le type qui vous parle "d'art chrétien" ignore certainement tout de la vérité chrétienne, et probablement beaucoup aussi de l'art.

    En principe libre, l'artiste chrétien n'appartient à aucune école, aucun mouvement, aucune tendance artistique, ne reçoit aucune commande, n'est ni moderne, ni attaché à une tradition, et il défie toutes les civilisations ensemble.

    Il s'agit avant tout pour l'artiste chrétien d'affronter Satan, qu'il se présente de face ou par la queue, sous la forme d'un soudard belliqueux ou d'un oncteux frère dominicain démocrate-chrétien.

  • Art et vérité

    De nouveau dans une lettre adressée à son amie d'enfance Simone Saintu (en 1916), L.-F. Céline signale que l'homme est enclin à prendre pour la réalité et proclamer tel ce qui n'est qu'illusion. Les hommes réagissent différemment face à la catharsis qui pourrait leur faire perdre leurs illusions, ajoute Céline, évoquant le cas des artistes et le sien.

    Si la question de la catharsis chrétienne n'est pas abordée par Céline directement, celle de la vérité l'est. Cela revient au même. L'hiatus entre la vérité et l'art existe bien, d'où la prohibition juive de l'art, ou l'entreprise de démolition de la culture occidentale par le tragédien chrétien W. Shakespeare. Le christianisme ôte les illusions, notamment l'illusion païenne ou sociale de "l'au-delà" ; c'est ce qui explique la subversion courante du christianisme. Bien qu'athée, Céline avait compris et le loue pour cette raison, que le christianisme est peu propice au socialisme, moyen pour les élites rusées d'entraîner avec elles le peuple vers le néant. Car les élites sont nécessairement orientées vers le néant, et tout ce qui, en matière de philosophie naturelle, conforte l'hypothèse du néant (comme l'improbable "boson de Higgs").

    Céline est du reste plus juif que de nombreux juifs qui ne se méfient pas de l'art, comme M. Proust ou J.-P. Sartre.

    Céline cite quelques vers d'Alfred de Musset dans sa lettre :

    "Quand j'ai connu la Vérité

    J'ai cru que c'était une amie

    Quand je l'ai comprise et sentie

    J'en étais déjà dégoûté -

    Et pourtant elle est éternelle

    Et ceux qui se sont passés d'elle

    Ici-bas ont tout ignoré -"

    Et Céline ajoute ceci : "Les hommes célèbres n'ont point jugé bon de poursuivre ce dangereux sentier qui fait perdre les illusions nécessaires aux enfantements - artistiques. Les cancres dans mon genre n'ont rien à y perdre, c'est pourquoi je ne saurais vous conseiller ma méthode - à vous qui êtes vierge d'abord, ce que je ne suis plus depuis presque autant que vous l'êtes, qui êtes femmes, ce que je regrette de ne point être, et qui êtes artiste surtout, ce que je ne serai jamais..."

    Il y aurait quelques commentaires à faire sur le féminisme de Céline, et celui des hommes en général, qu'on ne peut guère qualifier autrement que de "galanterie". 

  • Aventures de l'Art

    "Nous avons l'Art, afin de ne pas périr de la Vérité." F. Nitche

    Est très honnêtement posé ici par l'antéchrist le problème de la menace que la vérité représente pour le monde, qui s'organise autour d'une vérité relative, constituée d'un mélange de raison et de foi.

    L'idéal moderne, en effet, parfaitement irrationnel car sacrifiant à la fois la raison païenne et la logique chrétienne aux intérêts méprisables d'une petite élite, l'idéal moderne s'efforce de faire paraître le mariage de l'art et de la vérité possible.

    La Vérité est au contraire le seul maître auquel un chrétien obéit, art et monde dussent-ils en périr. Non, le chrétien n'a pas part au monde moderne, pas plus que les juifs ne furent actionnaires de l'ancien, en dépit des racontars de Nitche et des papes romains.

    A l'éternel retour la beauté doit tout, la vérité rien, et c'est pourquoi Shakespeare n'hésite pas à flétrir les roses et l'éternel féminin.


  • Nietzsche et la modernité

    On sait que Nitche est l'adversaire le plus radical de la modernité ; au nom de l'art, et, ce qui est plus intéressant dans mesure où la culture de masse lucrative et le cinéma font peu illusion, au nom de la science rationaliste, à laquelle l'appareil d'Etat et ses fonctionnaires continuent de fournir une caution plus sérieuse.

    Au contact de Nitche, la culture laïque moderne volerait en éclats. C'est le rôle de Michel Onfray, par exemple, de fournir une présentation de Nitche moralement correcte à l'attention des milieux populaires, méthode où l'élitisme culturel républicain est reconnaissable. Nitche méprise ouvertement le peuple, et le seul profit que celui-ci pourrait tirer de la lecture de la doctrine de Nitche est sa dénonciation de la démocratie comme une ruse sinistre et probablement catastrophique, ce qui a été confirmé maintes fois depuis le décès de cet antichrist. On ne peut plus prôner l'antichrist Maurras depuis que celui-ci s'est compromis avec une bande de politiciens mafieux, alors on prône Nitche. Ce dernier a oublié de mentionner l'extraordinaire capacité de censure du monde moderne, contrairement à G. Orwell.

    Ce n'est pas seulement le christianisme qui est moribond, comme le remarque Nitche pour s'en réjouir : l'antichristianisme a lui-même été édulcoré par les disciples de Nitche, suivant la même méthode subversive anthropologique, qui consiste à faire passer pour scientifique ou rationnel un discours essentiellement d'ordre religieux. Un chrétien ne doit surtout pas laisser se développer le discours anthropologique au nom du christianisme: c'est la méthode d'infiltration de base du pharisaïsme: la clef du cléricalisme catholique afin de détruire la vérité universelle. On peut d'ailleurs faire du purgatoire la matrice juridique de la modernité, ce qui permet de démentir l'amalgame de Nitche. Le purgatoire résulte en effet de la double négation de dieu et de Satan, caractéristique de la modernité ; intellectuels néo-païens et démocrates-chrétiens en sont d'ailleurs à peu près au même degré d'abrutissement : la merde cinématographique, du point de vue de l'art païen, est sans doute l'eau de boudin la plus fade. Très peu de cinéastes ont conscience du plan de Satan. L'anthropologie est la doctrine d'Ubu.

    Nitche ment pour le compte de Zarathoustra lorsqu'il prétend qu'un chrétien ne peut pas discerner l'action de l'anthropologue dans le cannibalisme moderne, parce que le christianisme est la racine de ce cléricalisme qui ne dit pas son nom.

    La preuve qu'il ment, c'est que Shakespeare a tranché la gorge de l'anthropologie chrétienne avant lui : celle-ci ne continue plus de se mouvoir que comme les canards après qu'on leur a coupé la tête. Et Shakespeare n'a pas agi "au nom de Satan", mais de l'apocalypse chrétienne.


  • Dieu est mort

    Si dieu est mort, alors l'art l'est fatalement aussi ; il ne subsiste plus qu'à l'état de quadrature du cercle, aussi vaine qu'ennuyeuse, qui a le don d'épater le bourgeois et lui seul.

    Entendez par dieu "Satan", le dieu des artistes - Dionysos pour les gastronomes, Apollon pour les architectes musclés.

    Amen.

  • L'Art moderne

    La rhétorique est une manière de compenser la beauté quand on ne l'a pas ou qu'on l'a perdue.

    Les belles femmes sont mutiques car elles n'ont rien à démontrer. Telles quelles, elles sont parfaites aux yeux du monde, et Kant ne leur est d'aucun usage.

    Voilà pourquoi une beauté qui ne s'intéresse pas aux choses surnaturelles, mais seulement aux usages et aux discours du monde, court à sa perte.

    Et tout ce qui est valable pour la femme, l'est aussi pour la civilisation.

  • Art et Vérité

    Tout art dont le but n'est pas eschatologique, du point de vue chrétien représente une forme d'occultisme. Ainsi de la philosophie de Platon, introduite par les érudits musulmans et les clercs catholiques romains au moyen-âge, et qui ne fait que manier des concepts abstraits, sans prise avec la réalité.

    Si Shakespeare-Bacon est aussi combatif contre l'esprit spéculatif des élites, c'est parce qu'il est conscient que seule l'eschatologie chrétienne peut s'opposer efficacement à l'énoncé d'une vérité relative à la nécessité pour les castes supérieures de se maintenir en selle.

    L'interdit juif ou chrétien de l'art vise donc en tout premier lieu ce que les saintes écritures nomment fornication, et qui n'est pas l'acte de chair proprement dit, ou la satisfaction de l'instinct, mais l'attribution d'un caractère sacramentel à cet acte. Il revient à la négation du péché originel.

    Ainsi le clergé institutionnel, asservi au besoin d'énoncer la morale publique, n'a de cesse d'étouffer le message apocalyptique du Nouveau Testament, qui peint en noir la justice des hommes.

    Musique et philosophie sont du goût des élites ; ces arts occultes pèsent lourd dans les charniers de l'Occident.



  • Art et apocalypse

    Juifs et chrétiens sont dissuadés par les prophètes de pratiquer un art qui ne soit pas apocalyptique, c'est-à-dire qui ne contribue pas à la révélation de dieu, et à couper l'homme de ses racines, par où les faibles se sentent renforcés.

    C'est donc l'art par où l'homme se justifie et se renforce contre les éléments, c'est-à-dire l'anthropologie ou la religion des élites, représentée par un veau d'or dans la Bible. La philosophie occidentale, dénoncée par Rabelais ou Francis Bacon, est largement un effort pour renforcer l'anthropologie et la menace que le message eschatologique fait peser sur elle. L'anthropologie occidentale peut paraître une folie aux peuples païens, et de fait elle l'est. Sa débilité n'a d'égal que son arrogance. Mais cette débilité extrême s'explique par la nécessité d'un mensonge extraordinaire. Le mépris de Jésus-Christ des institutions humaines est bien trop grand et explicite pour que les élites actionnaires du monde ne s'efforcent de censurer les évangiles.

    Parlez d'apocalypse à l'intérieur d'une cathédrale gothique, vous y entendrez craquer les articulations de Satan. Ces nefs monstrueuses sont notamment destinées à proclamer le triomphe de la philosophie platonicienne sur l'apocalypse chrétienne.

    Récemment, la religion de l'art hégélienne ou nazie est bien plus rassurante que dieu, donc elle fait le consensus dans les élites occidentales, y compris en France malgré son apparence de pur syllogisme germanique ou monastique. Cette religion présente un aspect polytechnique majeur. Sur le plan de la raison pratique, elle consiste banalement à tirer parti de la nature, suivant une recette où les Egyptiens se montrèrent bien plus économes et efficaces que les polytchniciens hyperboréens. Sur le plan de la foi ou de la raison pure, elle consiste dans une mystique ubuesque.

  • L'Occident sucre les fraises

    Le but de l’art occidental est d’empêcher l’apocalypse. Ainsi ne peut-il simplement exalter la vie et la beauté, l'imitation de la nature, comme les civilisations antiques.

    Mais l’art occidental ne peut que retarder l’apocalypse. Fortinbras, ton heure vient.