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religion - Page 3

  • Et mon cul ?

    "Le Tour de France est propre,

    Il est blanc comme neige,

    Pas la neige qu'on sniffe, mauvaises langues !

    Il est pur,

    Lavé de tout soupçon,

    Sportif, honnête, désintéressé, moderne, technologique, hygiénique, un exemple pour la jeunesse,

    Surtout les coureurs français ! Voyez plutôt leurs performances honnêtes...

    Fini la parenthèse des petites crapules,

    Italiennes, belges ou boches,

    Qui ont sali cette noble institution... Etc. etc."

     Et mon cul c'est du poulet bio, peut-être ? Le Tour de France, s'il n'a pas grand-chose à voir avec le sport, continue d'incarner l'esprit français, celui qui consiste à refuser d'admettre que le capitalisme et la tricherie, le capitalisme et le dopage, sont indissociables.

    Le crétinisme ambigu des Français continue de fasciner le reste du monde. Qui, en-dehors de la France, après l'Allemagne nationale-socialiste, a encore le projet candide de vouloir MORALISER LE CAPITALISME ?

    Quant à moi j'ai quand même un petit plaisir à chaque tour de France, et il m'est procuré par Jean-Marie Leblanc. Chaque année on tente de faire basculer cette tête de mule du côté de la lutte antidopage, dans le genre "les cyclistes dopés sont des vilains salauds qui appartiennent au passé et il n'y a désormais plus que des pucelles en danseuse au-dessus de leurs selles...". Et chaque année la mule renâcle, fait diversion, en tout cas persiste obstinément à joindre sa voix au coeur des vierges laïques effarouchées pour chanter un refrain qui oblige, pour préserver les intérêts de la boutique "Tour de France", à cracher sur les héros du passé gavés d'amphétamines à en crever, les esclaves Vindex de la "petite reine". Un dilemme cornélien dans une tête de païen madré.

     PS : les cas suspects détectés au début du Tour 2008 ont-ils été escamotés sur ordre de Roselyne Bachelot ? Il est vrai qu'on peut la soupçonner elle aussi de prendre des hormones mâles.

     

     

  • Marx et Satan

    Je me suis procuré sur un site de vente de bouquins d’occase en ligne un titre amusant : Karl Marx et Satan. L’opuscule date des années soixante-dix et il est rédigé par un pasteur yanki, Richard Wurmbrand, qui entend prouver que Marx n’est autre qu’un suppôt de Satan.

    J’y apprends que le premier ouvrage pondu par le jeune Marx s’intitule : Union du fidèle au Christ.

    La démonstration du pasteur est assez simple : étant donné que le communisme n’est pas le christianisme, et vu qu’on ne peut servir deux maîtres, Marx ne peut être inspiré que par Lucifer himself. Cqfd. Après tout pourquoi pas ? Moi-même je ne suis pas loin de penser que les démocrates-chrétiens, serviteurs de deux religions, la démocratie et le christianisme, adorateurs d’une part de l’Etat laïc, et d’autre part de Dieu, sont perfides si ce n’est bifides. L’épanouissement de nombreuses sectes satanistes aux Etats-Unis, modèle de théocratie laïque, la part de satanisme dans le folklore de ce pays, viennent compléter ma thèse.

    *

    La collection de preuves de l’éducation chrétienne de Marx et de son ami Engels ne trouble pas mon pasteur, au contraire, il en rajouterait même plutôt : un suppôt de Satan qui ne croit pas en Dieu, ça ne se fait pas. On n’est pas très loin ici des accusations de satanisme lancées parfois par les démocrates-chrétiens à l’encontre de Baudelaire.

    Je ne peux que tenir pour nulles et non avenues les preuves manifestement inspirées par le puritanisme de l’auteur : Marx avait les cheveux excessivement longs et il buvait beaucoup de vin.

    Je ne résiste pas au plaisir de citer ici un extrait d’un poème pie de Frédéric Engels :
    « Jésus-Christ, Seigneur, Fils Unique de Dieu,
    Daigne descendre de Ton trône des cieux
    Pour venir sauver mon âme.
    Descends avec toutes tes bénédictions,
    Toi, Lumière de la Sainteté du Père !
    Permets que je Te choisisse.
    Oh ! qu’elle est aimable, belle sans ombre de tristesse,
    La joie avec laquelle, ô Sauveur,
    Nous faisons monter vers toi notre louange. »


    Même Mauriac n’aurait jamais osé écrire un truc pareil ! Il avait trop de respect humain. Pas plus qu’on n’imagine Mauriac distribuer son pognon avec largesse à ses amis, comme Engels fit.

    Et pas mal de perles encore dans cette brochure où Darwin, Mai 68 et même Giscard-d’Estaing sont évoqués.
    Mais la meilleure, à mon sens, c’est le patronyme de l’auteur lui-même : Wurmbrand. Lorsqu’on porte un telle blaze, qui peut se traduire par “La marque du serpent”, on prend un pseudo pour écrire sur le satanisme de Marx.

  • Relecture

    D’une poubelle du métro, je sors La Voix, l’organe de liaison des communautés catholiques de Neuilly ; un vieux numéro remontant à la semaine sainte. “Il est plus difficile à un habitant de Neuilly d’entrer au Royaume des Cieux qu’à un chameau de passer par le chas d’une aiguille…”
    Je plaisante… En couverture, le programme : “De racines communes, deux branches sont nées.” et en-dessous, pour illustrer ce propos novateur, un arbre (un figuier ?) cerné par les deux lettres “C” pour christianisme et “J” pour judaïsme. Voilà une lecture des Évangiles propre à rassurer le bourgeois ! Déjà Flaubert s’inquiétait du caractère révolutionnaire de Jésus.

    J’imagine la tête des vieux clercs jansénistes que Simone Weil consultait lorsqu’elle leur suggérait qu’il fallait purger le christianisme de ses racines juives ! Y aura-t-il un jour de nouveau des gonzesses comme Simone Weil ? Je l’espère. Ça nous changerait de toutes ces grenouilles de bénitier laïques ou démocrates-chrétiennes.

    Force est de constater, primo, que l’amalgame entre le christianisme et le judaïsme passe par le luthéranisme ou le jansénisme, “l’augustinisme” en général. Le verbiage anthropologique et pseudo-scientifique de Freud ne vient-il pas en grande partie de saint Augustin ? Sainte Monique n’est-elle pas la parfaite “mère juive”, toujours soucieuse des intérêts de son fils, et rien que de son fils ?

    Deuxio, force est de constater que cet amalgame n’a pas débouché sur une meilleure entente entre juifs allemands et luthériens allemands, mais au contraire sur la concurrence la plus barbare entre eux.
    Simone Weil, plus voltairienne, plus française que Sartre, ne pouvait que conclure radicalement à l’opposé.

    Plutôt que d’écrire sur Bernanos, Bloy ou Claudel, on aimerait que les métèques à la solde du Figaro se mêlent de ce qui les regarde : informer des cours de la Bourse, du dernier navet cinématographique à regarder en couple ou en famille, ou de préparer la guerre contre l’Iran.

  • Football et laïcité

    On entend souvent des sociologues, des plus ou moins chercheurs au CNRS ou à l’EHESS, affirmer que le football est “révélateur de notre société”. Est-ce que ce genre de tautologie mérite vraiment d’être financée par une bourse d’étude ?
    Si l’on dit que la peinture de la Renaissance est révélatrice de la société de la Renaissance, ou que le théâtre grec en dit long sur la société grecque, on a tout dit et rien dit.
    Le plus stupide des supporteurs du PSG est capable de voir que le football n’est pas du sport, mais que c’est une activité régie par d’autres règles.

    *

    La question du football est liée indirectement à celle du mythe. Le mythe a pour but de compléter et de nourrir la logique. On ne peut pas dissocier la mythologie grecque de la philosophie grecque. Elles se complètent. Le mythe grec excède même la pensée rationnelle grecque d’Aristote. On peut dire en quelque sorte que la raison grecque vient du mythe et qu’elle y retourne. Aristote traduit en raisonnement l’<I>Iliade</I> et l’<I>Odyssée</I>, mais sans en résoudre complètement le mystère.
    Ce qui peut apparaître aujourd’hui comme un récit fantaisiste et incohérent, les “aventures d’Ulysse”, et des penseurs ineptes comme Nitche ou Freud ont contribué à répandre ce préjugé, est en fait la base d’une des civilisations les plus fécondes.

    De même la logique juive, le Talmud, vient du récit biblique et y renvoit. Le Nouveau Testament fonde aussi un imaginaire et une logique complètement différente.

    Dans ce qu’il faut bien, objectivement, considérer comme une religion, la laïcité, même si la foi de chaque laïc, subjectivement, est plus ou moins profonde, les “Droits de l’homme” occupent la place du mythe. Ils sont à la fois la source des règles juridiques morales et politiques laïques, et en même temps son horizon indépassable. Autrement dit les “Droits de l’homme” et le droit public international fixé par l’ONU sortent du droit commun.

    *

    La spécificité du mythe laïc par rapport au mythe grec, juif, musulman ou chrétien apparaît clairement, même s’il est sans doute possible d’établir des analogies entre la logique juive, musulmane ou chrétienne et la logique laïque (La religion laïque n’est pas une religion “vétéro-testamentaire” pour rien.) : le mythe laïc n’est pas imagé ; il n’est pas, ou très peu, narratif. De là la difficulté du clergé laïc à inventer des cérémonies religieuses originales. Le régime national-socialiste s’y est bien employé avec une conviction particulière, mais les grand-messes nazies et le bric-à-brac de la symbolique mi-viking mi-hindoue ont laissé une impression de pacotille, tout comme la ferveur militaire de l’Empire napoléonien dont les défilés du 14 Juillet, avec leur pompe ostentatoire, sont le reliquat.
    Même Hegel, bien que théoricien de l’Etat et du progrès laïc, goûtait assez peu l’art de son époque.

    Il n’est donc surprenant que la religion laïque, bridée dans son imagination, s’invente des modes de pensée ou des cérémonies plus concrètes, ne serait-ce que pour satisfaire le goût populaire qui ne jouit guère de l’art laïc du musée Pompidou, même si le populo singe parfois le bobo.
    L’emprunt par Darwin à Lamarck de sa théorie imaginative, renforcée d’extrapolations algébriques, remplit à peu près le même office : permettre aux fidèles laïcs de se projeter au-delà de leurs principes théoriques. Si cette projection a pu séduire aussi bien le IIIe Reich nazi que les Yankis ou l’Europe laïque contemporaine, malgré la découverte récente d’indices infirmant la science téléologique de Darwin, l’hostilité de l’imaginaire juif, musulman ou chrétien, à cette transcendance-là, est tout ce qu’il y a de plus logique.
    Il n’est pas d’exemple dans l’histoire d’une superposition de plusieurs mythes qui n’ait abouti à la soumission de l’un à l’autre, non à la somme ou à la division géométrique de ces mythes.

    Profitons-en pour signaler la déficience profonde de la pensée laïque de Maurras, derrière le style "cicéronien", puisqu’un énergumène tel que Régis Debray, cahin-caha vient de ressusciter Maurras. Cette thèse laïque ignore absolument cette réalité que la religion laïque est d’ores et déjà issue d’un amalgame d’exégèses bibliques marquées par l’autosuggestion. Maurras et Debray veulent rajouter du christianisme à un pastis déjà coupé au christianisme. Ce n’est pas le “retour vers le futur” mais le “grand bond en avant vers le passé”. Il est étonnant que Debray n'ait pas songé, plutôt qu'à la démocratie-chrétienne, à une religion plus jeune comme l'islam pour son Etat laïc. Quitte à faire une cure, autant qu'elle soit de rajeunissement.
    Il convient donc pour faire la lumière de classer Maurras et Régis Debray, avec Freud, Nitche et Darwin, dans la catégorie des “penseurs métèques”.

  • Le choix des mots

    L'idée de Besancenot d'un grand parti anticapitaliste part d'un bon sentiment. La propagande a de plus en plus de mal à dissimuler que la richesse matérielle de l'Occident et des Etats-Unis repose sur un déséquilibre économique à l'échelle mondiale. Pour l'instant, le reste du monde, le couteau sous la gorge, accepte ce "rackett"... mais demain ?

    Même Chirac avait pigé ça ! Peut-être inspiré par ce que les Etats-Unis ont fait du Japon : un "no man's land".

     Mais ce qui manque visiblement à ce projet anticapitaliste, ce sont des idées marxistes. Che Guevara ne suffit pas. La dénomination même de parti "anticapitaliste" est trop lâche. Derrière l'économie, il y a des hommes ; c'est tout le subterfuge des libéraux et de leurs acolytes démocrates-chrétiens qui tiennent l'encensoir que de dissimuler cette réalité derrière la spéculation, les statistiques et le droit.

    "Antilibéral" serait plus franc, voire "antilaïc", "antitotalitaire". Il est impossible de dissocier le libéralisme de la laïcité et du capitalisme. Ce serait mépriser la vérité historique. Et c'est précisément ce que nous reprochons aux libéraux de tous poils : d'être des menteurs.

    Le libéralisme n'est pas une recette économique, c'est une superstition religieuse, et c'est en tant que telle qu'elle doit être combattue. C'est parce que le parti communiste est devenu un parti comme les autres, un parti de vieillards fétichistes, qu'il a crevé. A l'inverse Le Pen doit son succès dans les milieux ouvriers au fait qu'il a à plusieurs reprises su trouer le rideau de velours de la propagande libérale, faire tomber les masques.

    Le choix des mots, simple pinaillage sans intérêt ? Pas si sûr. Besancenot ou qui que ce soit mènera le combat antilibéral avec sincérité, s'il veut éviter d'être manipulé par Sarkozy ou le PS, dont la ruse consiste à jouer les moins pauvres contre les plus pauvres en agitant la promesse d'une poignée de dollars en prime, devra commencer par piétiner la propagande et les fétiches laïcs. Le combat doit se faire au nom de la vérité et non du relativisme libéral.

    C'est là que réside la principale différence entre Karl Marx et Hegel, Hegel le grand penseur du nazisme, le régime laïc le plus altruiste de l'histoire, le moins anarchique, mais qui, n'en déplaise à la bourgeoisie libérale, aux industriels démocrates-chrétiens, aux laïcards nostalgiques, ne reviendra pas. Le combat de Hegel est placé sous le signe du mythe et des fétiches. Celui de Marx est placé sous les auspices de la Vérité. Elle seule rend libre. Tout le reste n'est que tactique (Jauger Besancenot et son parti anticapitaliste ne prendra pas longtemps.)

     

  • L'essence de la laïcité

    Pour les candides qui se font encore des illusions sur la prétendue “neutralité laïque”, cette affaire de mariage musulman annulé, qui a mobilisé comme un seul homme le rouleau compresseur médiatique, est une véritable "leçon de chose".

    Car que s’est-il passé, derrière l’écran de fumée des syllogismes juridiques et de la propaganda télévisée ? C’est pourtant simple, des lobbys laïcs, relayés par des médias laïcs, ont annulé une jurisprudence laïque, au mépris de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice, grand principe constitutionnel laïc.
    Si on peut dire, l’empiètement des lobbys et des médias sur le pouvoir judiciaire ou législatif est tellement peu laïc que la Constitution n'a même pas songé à parer ce danger ; c’est pourtant ce qui vient de se passer, les médias ont ordonné à la Garde des Sceaux de changer la jurisprudence, au vu et au su de tout le clergé laïc, avec son approbation.
    (A ma connaissance, seule la presse étrangère, britannique, a relevé ce fait évident.)

    *

    Par-delà même ces deux négations, c’est la théorie laïque (algébrique) du cantonnement de la religion dans la sphère privée qui vient d’être bafouée ouvertement.
    L’avocat du couple musulman, Me Labbée, avait bien pris soin d'emprunter les fourches caudines du droit laïc. Il ne s’agit pas ici d’un père de famille musulman ou catholique "intégriste" qui ramène de force à son domicile sa fille émancipée légalement. La forme laïque et ses circonvolutions a été scrupuleusement respectée.

    Le caractère fourchu de cette théorie algébrique qui met en parallèle les sphères privée et laïque a surgi. Encore une fois c’est un cas d’école. La fiction de la sphère privée a été démantelée pour pouvoir s’attaquer à la religion musulmane qui s’y était réfugiée.
    Le sophisme, présenté comme une vérité universelle, utilisé communément par les laïcs pour traquer les religions dans la Cité et les en expulser, en affirmant que la virginité n’est pas un motif subjectif, que les seuls motifs subjectifs valables sont des motifs laïcs, les lobbys laïcs ont fait voler en éclat. Ils l'ont écarté pour mieux s’en prendre à l’islam, dans la vie privée, trahissant ainsi le véritable mobile laïc.

    La négation de la jurisprudence d’un tribunal laïc, la négation du principe de séparation des pouvoirs, la négation de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, tous ces reniements accumulés ne signifient qu’une seule chose : le superfanatisme de la religion laïque spéculée.

    *


    Ici j’en profite pour faire observer une chose à mes frères musulmans respectueux de la loi divine, et qui refusent de se prosterner devant des idoles laïques comme le football ou le cinéma. Une chose qu’ils ne sont peut-être pas les mieux placés pour observer : le fanatisme laïc, décrit par Marx comme un opium surpuissant, emprunte les voies du droit et de l’algèbre ; ce n’est pas un hasard si la réalité objective est subvertie par ces moyens. Car il n’y a pas de hasard, pas plus qu’il n’y a de fatalité.
    Le paganisme laïc, pas plus que l’hérésie démocrate-chrétienne qui le sert, n’étaient inscrits dans les gènes de la France. Les musulmans ne doivent donc pas s’interdire de comprendre l’esprit de l’Occident pour mieux éviter le piège mortel dans lequel celui-ci est tombé.

  • Ligne de fracture

    Contemporain de Zola déjà, Léon Bloy, même s’il ne fut pas “dreyfusard” comme Péguy, dégoûté par la mise en scène médiatique, Léon Bloy a démontré qu’entre les libéraux laïcs (alors antisémites) et “les Juifs”, c’était un problème de concurrence, de jalousie, une jalousie qui préfigure celle du peuple allemand d’entre les deux guerres, exploitée par Hitler, non pas une question d’idéal.
    La métaphysique du peuple allemand (Heidegger), cette idéologie est parallèle à la métaphysique du peuple juif. C’est ce que Bernanos a voulu dire par : « Hitler a déshonoré l’antisémitisme. »
    Le judaïsme, qui était d’abord une religion, est devenu avant tout un nationalisme.

    *

    La volonté actuelle des démocrates-chrétiens (Sébastien Lapaque dans Le Figaro) ou de la revue Les Temps modernes, de déshonorer à son tour Bernanos ou Simone Weil, au mépris de l’histoire, est parfaitement logique. Elle vise à dissimuler la continuité des principes laïcs totalitaires, de la France de Drumont aux Temps modernes, en passant par le régime nazi.
    La gnose d’Heidegger, de Popper, d’Adorno, etc., inspirée du saucissonnage saucissonnage kantien, s’avère être l’outil idéal de mystification.
    Au passage, Les Temps modernes déshonorent d’ailleurs aussi Sartre, qui aurait certainement récusé cette propagande capitaliste, bien qu’il ait lui même mêlé à son engagement marxiste une bonne dose de fausse mystique existentialiste.
    L’idéologie laïque assigne désormais à Sartre le rôle que l’idéologie démocrate-chrétienne assigne à Chateaubriand ou à Mauriac, et qu’elle voudrait assigner à Bernanos, un rôle de fétiche, de gourou.

    La véritable ligne de fracture idéologique se situe entre le protestantisme, la religion laïque dans ses différentes versions, le judaïsme et l’islam d’une part, et le catholicisme, la religion orthodoxe et le communisme d’autre part.

  • Croisade moderne

    Le comble de la bêtise haineuse dirigée contre les musulmans a été atteint par Robert Redeker à la Une du Figaro. Rien d’étonnant lorsqu’on sait que cette pelure est actionnée en sous-main par un marchand d’armes pro-américain qui, en tant que marchand d’armes, est tout sauf intéressé à la paix.
    Il paraît que les avions Dassault sont même si mal fichus qu’il faudrait au moins un guerre nucléaire mondiale pour décider la clientèle potentielle à en acheter.

    *

    Mais Redeker n’est qu’un pion, un petit hussard laïc sans raisonnement. Plus sophistiqués sont les arguments du professeur Alain Besançon pour tenter de diminuer l’islam aux yeux du public chrétien de France ; ces arguments ont été publiés récemment dans la revue démocrate-chrétienne libérale Commentaire (Les rares démocrates-chrétiens dotés d’une cervelle lisent cette revue, tandis que les autres se contentent du Figaro ou du Monde comme pain quotidien.)

    Besançon part d’une typologie élaborée par le concile de Vatican II dans le cadre de sa doctrine œcuménique.
    De manière spécieuse, cette typologie fait de la religion juive la religion la plus proche du catholicisme. Ça n’a pas beaucoup de sens. Il suffit de lire les Actes des apôtres pour se rendre compte de la très vive opposition d’une partie des Juifs au christianisme, allant jusqu’à la lapidation de saint Paul (s’adressant aux Juifs : « Prenez donc garde qu’il ne vous arrive ce qui est dit dans les Prophètes : Voyez, contempteurs, soyez étonné et disparaissez, parce que je vais faire en vos jours une œuvre, une œuvre que vous ne croirez pas si on vous la raconte. » Actes XIII, 41.)
    Le Concile de Vatican II a pris la responsabilité d’occulter cette opposition entre Juifs et chrétiens et la mise en garde de Paul (soulignée contre vents et torrents de boue par L. Bloy), mais la gnose du concile est rien moins que discutable.
    L’Ancien Testament est bien sûr la matrice du christianisme, mais pour que le judaïsme et le christianisme soient des religions “sœurs”, il faudrait que les Israélites eux-mêmes reconnaissent l’Ancien Testament comme la matrice du Nouveau, et cela ne se peut sans que les Juifs deviennent chrétiens.

    Rien d’étonnant à ce que Besançon confirme Vatican II sur ce point. En revanche, il infirme le rapprochement opéré par Vatican II entre le catholicisme et l’islam, musulmans et catholiques ayant au moins Abraham, Jésus et Marie en partage.
    Pour Besançon l’opposition est plus radicale entre l’islam et le catholicisme où “les attitudes physiques de l’adoration” ont presque disparu.
    Une remarque significative des idées d’Alain Besançon : « Pour l’islam (…) Dieu est évident. Son existence se constate dans l’ordre du monde sans qu’il soit besoin d’un raisonnement supplémentaire. Il est aussi évident que le soleil dans le ciel bleu. »
    Drôle de prise de position ! Besançon n’a pas l’air de savoir que pour saint Augustin comme pour Duns Scot, Roger Bacon, Francis Bacon, Léonard, Newton, Baudelaire, Bloy, Claudel, pour citer quelques catholiques éminents, Dieu est aussi évident que le soleil dans le ciel bleu ; ainsi que pour beaucoup d’autres encore moins éminents.
    On comprend mieux l’idéologie de Besançon avec cette autre définition. « Dans l’esprit du christianisme, on ne connaît le vrai Dieu que si l’on entre dans les voies par lesquelles il s’est fait connaître. » En effet, si cette phrase ne veut rien dire de très précis, on y reconnaît la mentalité protestante ou démocrate-chrétienne pour qui Dieu est une sorte de quête spirituelle, une sorte d’approfondissement de la foi en Dieu (qui n’est pas évidente au départ).

    Par conséquent on voit que si le parti de Besançon est moins brutal, celui-ci passe par les mêmes raccourcis peu orthodoxes que son corréligionnaire Redeker.

    *

    Mais le plus intéressant est ailleurs. La seule remarque vraiment réaliste de Besançon, c’est que l’indifférence en matière de religion est aujourd’hui en Europe un fait majeur, que les musulmans, les juifs et les chrétiens pratiquants ne représentent qu’un très faible pourcentage de la population. Pour une fois Besançon est à peu près objectif.
    Mais une autre évidence corrélative que Besançon se garde de relever, c’est que la prétendue “indifférence religieuse” n’en est pas une. Il n’est que de voir le fanatisme des autorités laïques à combattre toutes les religions qui ne relèvent pas des autorités laïques, pour comprendre cette ferveur laïque. On pourrait citer cinquante grands-prêtres de cette religion, occupant de hautes responsabilités, et leurs dogmes laïcs, sans peine.
    Et c’est ça qui est intéressant. Pourquoi les démocrates-chrétiens comme Besançon, qui prétendent à un peu de subtilité, refusent-ils de reconnaître le caractère religieux manifeste du régime laïc ? Si réel que certains athéologiens comme Feuerbach le démontrent positivement, et que d’autres comme Diderot ou Nitche, l’incarnent ? (Feuerbach est le Thomas d’Aquin de la religion laïque, et Nitche son Augustin.)
    La réponse est simple. Tous les savants sophismes de Besançon ne servent qu’à masquer cette réalité religieuse laïque, car il n’est pas bien difficile ensuite de comprendre que si le républicanisme est une religion, la démocratie-chrétienne n’est qu’une secte à l’intérieur de cette religion.
    Un exemple frappant d’adaptation de la morale démocrate-chrétienne à la morale laïque, c’est le consensus quasi-général des évêques de France sur l’avortement. Ou encore cette injonction du cardinal Barbarin (le bien nommé), faisant du fait de voter un devoir chrétien, et par conséquent du fait de ne pas voter un péché.

    Aux démocrates-chrétiens laïcards comme Redeker ou Besançon, à Mgr Barbarin, musulmans comme chrétiens orthodoxes peuvent opposer le passage des Psaumes juifs où il est dit que “les dieux des nations sont des démons” puisque ceux-ci sont férus d’Ancien Testament.