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Lapinos - Page 157

  • Les habits neufs

    Maurice Mazo en peintre expérimenté entend faire connaître son opinion sur la production picturale de son époque. C’est vrai, dit-il en substance, et ce bon sens est d’une effronterie “hénaurme”, qui mieux qu’un peintre peut causer peinture ?

    Parce qu’ils ont le verbe haut, le caquet bloqué en position ouverte, les littérateurs et les journalistes de tous poils ne peuvent s’empêcher de déblatérer, y compris sur des sujets qu’ils ne possèdent que bien peu intimement.

    Mazo, lui, parle rouge, tranchant sur le bistre des critiques officiels, qui cachent dans les circonvolutions de leur prose obscure -plus c’est abscon plus c’est profond-, l’absence d’éclat de leurs lumières.

    Mais je laisse la parole au maître :

    «(…) Tous nos fabriquants d’arabesques irresponsables, de petits décors, courts bien qu’ambitieux, se refusant à représenter ce que, par leurs yeux, tout leur être pourrait voir, tous ces peintres fort à plaindre en somme, car ils se privent de la joie de communion avec le monde, et, joints à eux, leurs éxégètes myopes qu’ont engendré tous les milieux, des moines aux grands fonctionnaires des Beaux-arts, avec comme base, les stipendiés de toutes les grandes “galeries” d’Europe et d’Outre-Mer…, tous ces gens qui servent et chantent l’art non-figuratif n’ont pas compris cette vérité profonde et qui d’un coup anéantirait leur position, s’ils pouvaient la percevoir : il n’est de véritable “abstraction” plastique que dans la grande représentation.(…)

    «(…) Celui qui se prétend créateur, mais qui, impuissant à ajouter un mot nouveau au langage de libération de l’homme, à monter d’un degré vers l’esprit pur, refuse comme vaines les données du monde extérieur, fonde sur le mensonge et s’oppose au devenir humain.

    Ces stériles raillent ceux qui ont engendré hier, et nient d’avance celui qui a la force de créer, et créera demain. Haine horrible de tout ce qui est vie ! »


    Extrait d’une longue lettre à Malraux réfutant ses thèses, en date du 9 avril 1951.
    (In : “L’art face à sa destruction” Édition e/dite 2005)

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  • Misogynes de tous les pays…

    Ouf, je ne suis pas fâché de redevenir moi-même après cette semaine passée dans la peau de Frédéric Beigbeder. Je commençais à me sentir un peu à l’étroit. Et puis ces mèches dans les yeux, ces accroche-cœurs, ces frisottis dans le cou, ça donne un genre qui attire surtout les filles à pédés, c’est un petit peu gênant.

    J’ai profité du temps libre que mon activité (peu intense) de Beigbeder me laissait pour flâner de-ci de-là sur des blogues encore inconnus.

    J’ai découvert un nouveau philosophe de la misogynie, en lutte contre la désaltérité, qui tient blog ouvert sur http://atropcourberlechine.hautetfort.com. Son nom m’échappe, appelons-le donc “Monsieur XY”. Voici ce qu’il écrit dans un billet récent :

    « Les belles femmes, à la condition impérieuse que l'on se contente de les contempler de loin, permettent d'échapper un peu à la hideur d'une modernité qui ne flatte que ce qui est bas, putassier et sordide.
    Voir une jolie fille et imaginer qu'elle puisse avoir une intelligence, une profondeur, une douceur et une finesse à la mesure de sa beauté donne à la fois une idée de Dieu et la certitude de son inexistence [??].
    (…) Depuis que les femmes revendiquent hystériquement l'égalité avec les hommes et qu'à force de mimétisme elles ont fini par les dépasser en bassesse et en vulgarité (ce qui n’est pas peu dire), l'idée même d'une telle recherche est devenue grotesque.
    (…) La misogynie qui hier encore était un luxe est devenue un impératif de survie mentale. »


    Contrairement à Monsieur XY, l’intelligence, la profondeur et la finesse ne me paraissent guère indispensables à une femme, en sus de la beauté. Elles s'en dispensent d'ailleurs elles-mêmes très bien généralement. Il vaut mieux espérer pour elle que de bonnes fées leur aient donné bonté, obéissance et délicatesse. À mon humble avis.

    N'empêche que je suis d'accord avec la conclusion de Monsieur XY, “c’est un impératif de survie mentale”. Il suffit pour s'en convaincre de séjourner un peu aux Etats-Unis (pas à New York, qui rassemble l'élite intellectuelle, ça fausse l'observation) : les femmes y sont devenues des sortes d'androïdes dopés à la testostérone de synthèse assez terrifiants. Je sais que c’est un cliché de dire que les Nord-Américains nous précèdent d’une dizaine d’années dans la course à la barbarie, mais c'est un cliché assez net et bien cadré. Je plains sincèrement nos petits frères qui auront à choisir une femme dans une dizaine d’années.

    Tout ça me fait penser à Houellebecq*, bien sûr, dont Monsieur XY n’est que le disciple. Houellebecq va trouver refuge en Thaïlande où les filles savent encore ce qui fait plaisir aux hommes, des remerciements quand on leur offre une jolie robe qu’elles ne pourraient pas s’offrir, des cris d’amour réels ou au moins bien simulés pendant le coït.

    D’abord, j’ai raillé Houellebecq, son inconséquence, puisqu’il finit par rentrer au pays et tomber dans les griffes d’une jolie Bretonne, lâchant la proie pour l’ombre. Mais, en réalité, cette chute sonne juste, je m’en aperçois aujourd'hui. Car si les femmes, à quelques exceptions près, je le dis dans une tentative un peu gauche d'être galant, ont perdu toute leur dignité, nous les hommes sommes aussi abrutis. À peine capable d’en faire des mères, incapable de les soumettre par notre force de caractère…

    Et je suis tenté de lancer ce cri de ralliement : « Misogynes de tous les pays, unissons-nous ! »


    *Je n’évoque ici que “Plateforme”, les précédents romans de Houellebecq n’étant à mon avis que des brouillons assez indigestes.

  • La chute

    Frissons égotistes de Beigbeder parce que ses œuvres sont traduites all over the World, even in islamic countries like Turkey !!!

    Parce qu’il a fourgué son manuscrit à un éditeur, qui en a tiré 400000 ex. et l’a fait traduire dans trente-six langues, il s’imagine que des tas de gens ont lu son bouquin ?! Mmmmh, m’étonnerait que Beigbeder ait VRAIMENT bossé dans la pub. Il m’a l’air beaucoup trop naïf pour ça. Aujourd’hui, les livres sont conçus comme des accessoires, pour déborder intellectuellement du sac de plage, pas pour être lus.

    À la fin du Journal de Frédéric, sa copine le largue pour une autre fille et ça lui fout les boules. Ça manque un peu d’originalité, je trouve, c’est un peu soft. Moi je croyais que la chute serait que Françoise, en fin de compte, était un transsexuel (MtF, of course). J’étais pas si loin.

    S’ils s’étaient mariés et qu’ils avaient eu BEAUCOUP d’enfants ou, mieux, qu’elle était entrée chez les Petites Sœurs des pauvres, le public de Beigbeder, essentiellement féminin, en aurait été tout retourné sur la plage de Deauville où il se dore le nombril* ! Mais, s’il y a bien un truc que les publicitaires préfèrent éviter, c’est de décontenancer la ménagère de moins de cinquante ans…

    Ça me rappelle que j'ai un pote qui a réellement été largué par une fille qui a préféré entrer au couvent, finalement. Un truc comme ça me serait arrivé, franchement, je ne sais pas si j'aurais pu m'en remettre - contrairement à lui qui en tire une certaine fierté.

    *ou de Biarritz, ou de Collioure, ou de La Baule, etc.

  • L'homme nouveau

    Ce matin, en me levant, j’ai pris une décision. Plus de capotes. Aux chiottes le stérilet. Fini la pilule. Marre du SS (sexe sécurisé), à bas les CRS (coïts réduits au stupre) !!! Mai 68 n’était qu’une révolution bourgeoise (de plus)…

    Je veux prendre des risques, moi, en commençant par accorder ma confiance à la fille que je tringle, la baiser sans la baiser. Si c’est cette pouffiasse qui n’a pas confiance en moi, eh bien qu’elle prenne ses clips et ses tongues et qu’elle aille se faire troufignoner ailleurs, la goujate ! Ou si je crèche chez elle - c’est plus probable -, ben j’irai finir ma nuit à l’hôtel.

    L’étoffe d’un héros ? Faut quand même pas exagérer, vu que je me tape que des bourgeoises bien propres sur elles. Et puis dans ce pays, le moindre smicard peut s’abonner à Canal+ et payer les traites de sa Logan GTI, alors un mioche, combien ça coûte ? que dalle…

    Tel que je me connais, je vais relancer la mode des mecs qu’ont des couilles et qui les vident pour de bon. Je parie que d’ici un an, la cote du petit maquereau en costard-cravate avec le larfeuille bourré de biffetons et de capotes va dégringoler de 50 %…

  • Mon va-tout

    Je suis bien conscient que si je ne raconte pas au moins un de mes tête-à-queue® égoïstes avec Isabelle ou un de mes tête-à-tête romantiques avec Véronika, mon imitation de Beigbeder ne sera pas très crédible et je vais me faire siffler par mes lecteurs.
    Mais si je me fais pincer par Isabelle ou Véronika - ou les deux -, je vais passer un sale quart d’heure fois deux qui font une demi-heure, et la satisfaction d’avoir été Beigbeder pendant quelques jours ne compensera pas tout à fait. Car ce ne sont pas des filles faciles.

    Aussi avant-hier ai-je décidé d’entamer une relation avec une commerçante du VIIe arrondissement. Par une lettre, glissée discrètement dans sa boîte, comme je le faisais lorsque j’avais quinze ans et que j’étais timide :

    Mademoiselle,

    Hier vous portiez une jupe beige fendue devant et j’ai marché derrière vous quelque cent cinquante mètres dans l’espoir d’apercevoir votre string à contre-jour. “Vanité des vanités, tout est vanité”, certes, cependant j’ai du mal à me remettre de cette poursuite émouvante (bien que vous ne soyez pas la seule femme élégante dans le quartier !).
    La glace de vos yeux m’a carrément figé les sens. Puis ils se sont mis à tourner à toute vitesse, de droite à gauche puis de gauche à droite. Vous voyez le genre.

    Que dois-je faire ? Me contenter de quelques pompes, trois fois le tour du Bois de Boulogne en courant pour vous oublier, ou franchir le seuil de votre boutique sous n’importe quel prétexte, jouer mon va-tout et me mettre à poil devant vous ?

    Je vous prie au moins d’agréer, Mademoiselle, l’expression de mon admiration sincère pour votre silhouette,


    Et j’ai signé : Frédéric Beigbeder (lapinos@hotmail.com/06.77.22.XX.XX).
    À ce jour je n’ai pas reçu de réponse, et je me demande si je n’aurais pas mieux fait de la jouer classique, de lui faire un clin d’œil dans la rue, comme d’habitude. L'originalité ne paie que très rarement avec une femme.

  • Renoncer ?

    Beigbeder est capable d’un peu d’esprit tous les jours, voilà pourquoi je ne serai jamais lui ; moi je claque tout en une seule journée, généralement le vendredi. Ou le mercredi.

    Hier soir j’ai bien cru que l’expérience allait tourner court. J’ai mesuré le fossé qui me séparait de mon modèle. J’ai comme lui une tête à claque, mais à part ça les discothèques, très peu pour moi car j’ai les tympans hyper sensibles, et l’équipe de France de foot, je m’en tamponne le coquillard, et je peux me vanter de n’avoir aucun pote aussi prévisible qu’Edouard Baer, et Dantec, j’en parle même pas… Quant à la célébrité, je n’ai jamais goûté à ce fruit trop sucré…

    Un lecteur assez sournois m’écrit en outre qu’il croit que j’ai dû me glisser dans la peau de Yann Moix plutôt que dans celle de Frédéric Beigbeder. Le doute et les relents sonores de la “fête de la Musique” (?) m’ont fait me retourner et me retourner longtemps dans mon pieu avant de trouver le sommeil. Si c’est pour m’écrire des idioties pareilles, autant vous abstenir.

  • La critique est facile

    La critique est un art difficile au point qu’il ne se trouve à ma connaissance dans ce pays plus aucun type assez sérieux pour l’exercer dignement et enrayer ainsi les épidémies galopantes d'éric-emmanuelschmitterie (très grave), de paulaustérisme (très chiant), de chloédelaumisme (très con), aso (and so one)…

    Un critique sérieux par exemple, ça serait un critique qui, dans le souci de faciliter la vie aux lecteurs amateurs, fournirait des conseils pratiques précis.
    Par exemple : dans “La Conscience de Zeno” (La Coscienza di Zeno), ne pas se laisser rebuter par le titre du chapitre intitulé : “Histoire d’une association commerciale” ; lire en priorité les passages suivants, les plus savoureux : pp. 30-33, 98-102, 195-197, 321-23, etc.
    Euh, le hic, c’est que j’ai acheté “Zeno” dans la collection “Livre de Poche”, truffée de fautes d’orthographe et qu’il vaut mieux donc éviter. Tout le boulot est à refaire. Un critique sérieux n’hésiterait pas à se remettre au travail. Moi j’ai un peu chaud.

    Au lieu de ça, il faut se farcir la critique homosexuelle d’Angelo Rinaldi ou de Dominique Fernandez -un bon bouquin est un bouquin de pédé-, ou la critique hétérosexuelle de Patrick Besson -un bon bouquin est un bouquin qui a des couilles.

  • Too complicated

    Beigbeder cite volontier les œuvres de ses auteurs (décédés) favoris. Moi, je citerais bien Frédéric Beigbeder citant Valéry Larbaud citant Le Prince de Ligne et sa femme, dont la réplique (« Souvent »), lorsqu’il lui demande si elle lui a été fidèle en son absence, ne manque pas d’humour anglais… mais ça risque de s’avérer un peu compliqué pour le calcul des droits d’auteurs.

  • Ma semaine Beigbeder

    Cette semaine, pour me reposer un peu avant des vacances qui s’annoncent éreintantes (quel lapin dans la force de l’âge s’en plaindrait), j’ai décidé d’entrer dans la peau de Frédéric Beigbeder (Being Frederic Beigbeder), d’endosser son style léger de saison.

    Ça ne m’empêche pas d’assister à la messe ce matin – qui plus est dans un quartier complètement “out”.

  • Tombeau de mon grand-père

    Quand mes neveux, encore trop jeunes pour trembler devant la mort, et qui se moquaient même éperdument de son silence obstiné, tirant sur les manches du cadavre, tentant de tâter ses oreilles sur la pointe des pieds, se retirèrent volontiers, je ne fus pas fâché de me retrouver seul à seul avec mon grand-père. Car, même s’il me faut penser chaque jour à la mort, je n’ai pas beaucoup l’habitude des cadavres. Ma curiosité s'était éveillée, je voulais l’observer attentivement. Pour tirer une dernière leçon de ce grand-père tout enraidi ? Là-dessus, je ne nourrissais guère d’illusions, car ce grand-père ne m’a jamais donné qu’une seule règle - et encore ne l’ai-je pas bien assimilée -, c’est d’être aimable avec les dames et de les aborder toujours par-devant en usant des formules de politesse les plus désuètes.

    Car mon grand-père avait été ainsi pétri qu’il ployait sous le respect dû au sexe faible. Mais, de temps en temps, se révoltant contre ce fardeau inique, il déversait sur l’une de ses représentantes une tonne d’injures assez salées - pour l’époque.
    Ma grand-mère était une victime toute trouvée. Du reste, elle n’avait pas son pareil pour faire culbuter la bonne humeur fragile de son mari, à force de multiplier les chausse-trappes autour.
    Je n’en ai jamais vu, étant de la campagne normande, mais ma grand-mère était comme ces pétards qu’on fait exploser dans le ciel pour provoquer l’orage et la pluie au-dessus des récoltes (De là vient peut-être ma manie de donner systématiquement raison à un homme contre une femme dans une querelle, voire un viol, même si les apparences lui sont contraires).

    Dans ce funérarium à l’hygiène et à la blancheur proprement malsaines, mon grand-père faisait une figure inconnue à mes yeux. Il ne se ressemblait plus, son visage, émacié, avait perdu ces derniers temps toutes ses nuances, sa chair, ses replis. Son air de vieux sanglier ombrageux l’avait quitté, remplacé par un air de vieille chouette crevée. La courbure marquée de son nez faisait le bec.
    À vrai dire, cela faisait quelques mois que les progrès de la science offraient à sa famille le spectacle d’une lente mais sûre déchéance, et la bête ne faisait plus peur à personne depuis assez longtemps déjà. Trop longtemps.

    Ses quatre fils ont enlevé sur l’épaule, sans trop d’efforts, le corps allégé de leur père. Si le cercueil en chêne massif ne l’avait pas lesté un peu, ils auraient même pensé porter en terre un jeune garçon !
    Sa fille précédait le convoi, chargée d’une lourde croix en argent. Je désirai moi aussi quatre fils pour porter ma bière, car la scène me paraissait assez noble et antique. Elle évita de justesse de prendre une tournure rocambolesque lorsqu’une fourgonnette déboula à toute berzingue dans le virage au moment que mes oncles avaient choisi pour le franchissement.

    Elle parvint à piler net et à éviter le massacre des héritiers.

  • Mon anniversaire

    Je ne m’attendais pas, pour l’anniversaire de mon blogue, le 11 juin, à ce qu’une admiratrice, après m’avoir dévoilé son Mont de Vénus m’offre sa lune en cadeau. Tout de même… Où étiez vous, Ch., P., D. et S. ? Je vous ai accordé quelques jours de sursis, mais nous sommes le 13, et force est de constater que je suis obligé de bouffer le gâteau tout seul. Crème de marrons, glaçage au chocolat noir ; les seuls livres bobos (ou presque) que je lis sont des livres de recettes.

    À dire vrai, j’ai plus d’admirateurs que d’admiratrices. Néanmoins je ne vais pas bouder mon plaisir d’être encore ici, après un an. Comme je l’ai dit, au commencement, je cherchais peu ou prou à imiter Juldé, c’est lui qui m’avait filé des démangeaisons dans les doigts. À ceci près que je n’ai jamais envisagé une seconde, malgré une légère tendance à l’exhibitionnisme, de me mettre à nu comme mon modèle tente de le faire - de moins en moins il me semble, car n’est-ce pas un pari stupide quand on n’a pas une raison précise ? Ici je pense à Nabe, dont la raison est le terrorisme, un sain terrorisme qui consiste à vouloir dynamiter le bunker des idées reçues (pour dévaliser les quarantes voleurs).

    Je poursuivais aussi un but “professionnel”, presque atteint. Mais si on m’avait dit que ce petit jeu me projetterait au beau milieu d’une sorte de mini-comédie humaine virtuelle, me permettrait de nouer des relations, rarement concrétisées mais nonobstant sincères, j’aurais été fort étonné. Je croyais que je me lasserais très vite d’entendre ma voix résonner dans cette blogoxie peuplée de bobos, comme dans le vide.

    Isabelle me suggère de décrocher maintenant et de trouver une nouvelle distraction plus sérieuse, mais je suis rarement ses conseils.

  • Ex Cathedra

    L’archiprêtre de Notre-Dame a trouvé un peu raide de se faire chahuter par les fofolles d’Act-Up, venues célébrer dans sa cathédrale une parodie de mariage. Quasimodo plus là pour botter les tendres fesses des profanateurs.

    L’absurdité de vouloir marier deux tantes ! La profondeur insondable de la bêtise humaine m’effraie. Voilà où mène la dialectique. Votre argent n’a pas d’odeur, ni votre bulletin de vote non plus ; même, votre Gay Pride nous divertit !! Vous voulez de ce vieux truc ringard, le mariage ? Eh bien mais servez-vous !
    Je sais bien que tous les pédés ne sont pas dupes de cette farce. Qu’ils ne se roulent pas tous dans cette vaseline en poussant des cris aigus.

    Mais, Monsieur l’archiprêtre, l’Église n’a-t-elle pas sa part dans ce chantage au mariage, à la réflexion ? Ne récoltez-vous pas là ce que vous avez semé ?

    Le deuxième concile de Vatican, en effet, a été suivi de la rédaction d’un code de droit canonique qui brouille les cartes. Le code assignait auparavant au mariage quelques buts, classés par ordre d’importance, à commencer par la procréation, suivie de l’assistance mutuelle des époux ; enfin, le mariage était considéré comme un garde-fou contre la concupiscence.
    Le concile V2 a fait sauter le garde-fou, trop démodé, et considéré en quelque sorte que la procréation allait de soi. Ça va sans dire, mais ça allait mieux en le disant, apparemment.
    Entre la conception chrétienne du mariage et la conception hollywoodienne, il n’y a plus désormais que l’épaisseur d’un voile de tulle, et encore. Adieu la sainte famille et vive le couple sacro-saint ! Et certains pédés de se dire qu’après tout eux aussi ils forment une belle paire.
    Plus écœurant que l’individualisme, voici l’individualisme à deux.

    Ma conversation avec Sophie se prolonge tard dans la nuit. Elle m’a décoché son Concile de Latran dans les dents, je riposte par une citation de saint Paul (I Cor. VII, I), qui devrait quand même, par ricochet, la déstabiliser :
    «Celui qui n’a pas de femme pense aux choses de Dieu et aux moyens de plaire à Dieu ; mais celui qui est engagé par le mariage pense aux choses du monde et aux moyens de plaire à sa femme»
    Car forcément, si tous les hommes ne pensaient qu’aux moyens de plaire à Dieu, ma cousine à qui il tarde de convoler serait bien embêtée.

  • Aux abois

    Pour contenter ma chèvre et mon chou, je choisis dans les rayons, Svevo d’abord, et puis Saint-Augustin. Je m’en tire à bon compte, dix euros. Les dévédés remplacent les livres. Tout le monde sait qui est Robert de Niro, Italo Svevo, personne (moi-même je l’ignorais il y a un mois). C’est la démocratie qui veut ça, une culture accessible à tous. Bientôt, à la Fnac, ils donneront tous leurs bouquins pour faire de la place à ces putains de dévédés. Façon de parler, car ils les mettront au pilon, plutôt… Romantisme de l’autodafé. Nostalgie d’un temps où les livres se payaient au prix fort.

    Entre deux rayons, je reste en arrêt -mais retiens ma langue qui ne pend pas comme celle du loup (de Tex Avery)- derrière une fille mince. La ligne "épurée" de ses reins se perd dans un pantalon strict mais seyant. Cette ligne, mon imagination débordante me permet de la suivre sans trop de peine sous l’étoffe grise. Une ligne nerveuse, mais qui aurait assez de tendres creux pour me faire chavirer, je parie.

    Visage fin et intelligent (une intelligence d’homme, hélas, on dirait). Son regard dit de façon muette que je suis repéré. Ma biche hésite entre fuir et s’offrir. S’offrir ou se prêter à mon jeu ? Là, c’est moi qui hésite… De dos, déjà, elle s’est sentie épiée, pourtant il n’y a pas de vent ; elle a frémi, imperceptiblement, mais je l’ai vue.

    «Je ne chasse pas, je suis chassé, Cousine». J’en profite ici pour répondre à ma cousine, que je n’oublie pas, elle me cause trop de soucis pour ça.
    Lors d’un dîner à six où le vin de Loire m’avait rendu Français, brillant-vermillon, je multipliai les saillies dans le creux de l’oreille de ma voisine, fort appétissante, sous le nez de ma cousine. Celle-ci en prit ombrage. Elle me retint après le café, je dus m’expliquer :

    « Tu te dis catholique romain, Cousin, mais ça ne t’empêche pas de papillonner la nuit, de gesticuler devant les phares de la première gonzesse venue, pourvu qu’elle soit bien carrossée ! Sais-tu au moins que celle-là est presque déjà mariée !?! »

    Ma cousine ne dit pas souvent “gonzesse”, ça m’a dégrisé un tantinet…
    Je suis donc pris au piège, Cousine, car à la plage où les filles vont peu vêtues, c’est le sculpteur qui s’éveille en moi -si, je sculpte un peu-, pétris ces chairs contemplées. Et en ville, où la pudeur oblige ces dames à se rhabiller, ma curiosité me pousse à soulever leurs nippes bien repassées. Et mon imagination débridée par tant de mauvaise littérature, Stendhal, Hugo et Mérimée, prescrite par de mauvais maîtres, m’aide à me glisser sous leurs jupes. Alain Souchon a dit ça mieux que moi dans une de ses chansons.

    Mais ma cousine n’aime guère Souchon, elle me coupe pour me rappeler que depuis le deuxième Concile de Latran, en 1139, le mariage est un sacrement. Et dans sacrement, il y a sacré. On ne plaisante pas avec le sacré. Même les pédés en réclament, du sacré, d’ailleurs, y’a pas de raison qu’on les en prive… Ça, c’est pas ma cousine qui le dit, c’est moi qui le rajoute, pour faire diversion.

    À ce stade, je reprendrais volontiers un verre de cet excellent Bourgueuil.

  • La mouette et le requin

    Quitte à être ridicule, autant bien se marrer. C’est la philosophie de notre Président. Après tout, il en est de pires.
    En flanquant Villepin et Sarko dans le même marigot presqu’à sec, Chirac nous fait miroiter un grand numéro de cirque. Ça va nous changer des raffarinades patelines.

    Et je le comprends, car que faire d’autre dans cette situation proprement ububuesque ? Le suicide ? La démission ? Ce serait d’un orgueil gaullien déplacé. Même si, à sa manière, moins directe mais plus radicale, Chirac vient de torpiller l’Europe politique, emboîtant ainsi le pas à Badinguet, son style est différent, et c’est important de conserver son style aujourd’hui, d’être soi-même. Surtout quand on a un tempérament à faire se pâmer tout un Cours Pigier et à vider une caisse de Corona bien fraîche sans roter.

    Non, laissons les démissions fracassantes aux vieilles badernes et aux instits aigris, amusons-nous un peu.

    La scène est éclairée en permanence. Les acteurs prêts à tous les rappels. La pièce a déjà commencé – Feydeau est au programme.

    Je résume le premier acte pour les benêts, encore absorbés dans la lecture de la Constitution européenne à la veille du référendum et qui n’ont pas suivi :

    Nicolas le Petit, ouvrant ses grandes oreilles, entend la rumeur de la victoire du Non, la charge de Villiers, Le Pen, Besançenot, Chevènement et Mélanchon, tous ces barbares après qui l’herbe ne repoussera pas. Courageux mais pas téméraire, il préfère se débiner, protéger ses avants, et refuse d’aller prêcher une dernière fois la bonne cause du "Oui" sur TF1. Prétexte : le coup de bambou ! Ça ne prend pas, bien sûr. La bonne humeur de Jacques et Bernadette a des limites et Villepin, Sancho Pança maigre, entre en action, délaissant un instant les poètes obscurs. Le linge sale de Cécilia et Nicolas est étendu sur la place publique. Vendetta.

    Mais au fait, où est passé Giscard ? Il se cache dans le placard ?

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  • Psdt ch. lapin blanc p. tour passe-passe

    Jacques Chirac restera sans doute dans l’Histoire comme le pire chef d’État de l’après-guerre en Europe. Et les Français comme la populace la plus vaniteuse et la plus stupide. Mais moi, ça ne suffit pas à me consoler, cette banqueroute du gaullisme.

    Comme si la barque n’était pas déjà chargée à plein bord de démagogie, de syndicalisme et de chauvinisme, il a fallu rajouter ce vote négatif, cet esprit de contradiction imbécile, ce refus de coopérer avec l’Allemagne qui laisse l’Europe à la merci des Américains. Déjà les gaullistes et leurs alliés communistes, en 1954, avaient fait capoter la communauté de défense.
    Il a fallu solder l’Indochine, puis l’Algérie – sanglante braderie –, c’est au tour de l’hexagone maintenant.

    Le “grand frère” américain se frotte les mains. On le comprend, ce n’est pas demain la veille qu’on l’empêchera de faire la pluie et le beau temps, jusque sur notre territoire européen, ne parlons même pas du reste du monde devant qui nous venons d’étaler notre incurable impuissance.

    Et dire qu’il se trouve des naïfs pour croire aux vertus civilisatrices de la Pax Americana…

  • Brest-Paris

    Il ne me reste qu’une centaine de pages à lire. Nous sommes en 1936. L’abbé Mugnier quasi aveugle. Continue quand même à bouffer à tous les râteliers. Je vais l’achever dans le train du retour. Je lis lentement, mais quand même, quatre heures de voyage, ça devrait suffire. Dans chaque gare, je m’attends à ce que la place vacante à ma droite, côté fenêtre, soit prise ; à devoir ranger mon bazar. Je préfèrerais prise par une vieille dame digne, une atmosphère sereine pour pouvoir lire. Une jeune femme en robe de soie glissante qui la réajuste sur ses cuisses à chaque rare soubresaut du TGV pour ne pas essuyer mes regards humides serait une catastrophe… pour ma lecture.

    En gare de Je ne sais plus où car j’ai perdu le fil du voyage, un jeune type brun s’installe à côté de moi. Après tout, je n’y avais pas pensé, mais pourquoi pas un homme ? Très brun, plutôt grand, timide et aimable. L’air doux. Le genre “homosexuel qui s’ignore”. Mugnier l’entend dire de Mauriac dans le salon de Je ne sais plus qui, la poétesse Noailles, peut-être : « Mauriac est un homosexuel qui s’ignore ».
    Je corne les pages intéressantes. L’abbé Mugnier définit Proust : « Une abeille qui butine les fleurs héraldiques ». Et moi, si je définissais l’abbé Mugnier ? Après réflexion : une pie impie. Attirée par tout ce qui brille aux frondaisons des lettres. Parfois, c’est de l’or. Souvent même.

    En gare du Mans, observant que mon voisin adresse quelques mots à sa voisine de derrière, par-dessus le dossier, puis se rassoit, moi je me lève et me tourne vers eux : « N'avais pas vu que vous étiez ensemble… Nous pourrions intervertir nos… » À leur hésitation, je me rends compte qu’ils se connaissent à peine, en fait. Tant pis, il se glisse quand même à côté d’elle, comme pour me faire plaisir. Mais il me semble que ça lui fait aussi un peu plaisir. Ravi de les avoir poussés l’un vers l’autre. Et curieux de connaître la suite, comment il va s’en sortir. Tendons l’oreille.

    Ça ne part pas très bien. Il est plus beau qu’elle, mais manifestement ça ne suffit pas, elle le trouve trop fruste, je le devine à son timbre. Elle ne peut s’empêcher de ricaner lorsqu’il émet une banalité. M’énerve un peu. C’est le genre femme des années 80, alors qu’on est en 2005, indépendante et les cheveux pas trop long. Déçue par les hommes, tentée par un vibromasseur Calor. Maquillage trop voyant, volontaire mais sans grâce. Je suis sans pitié, je crains qu’elle ne me casse mon coup.
    Lui se débrouille bien, je trouve. Je l'envie : naturel, pas de frime. Raconte des petites anecdotes naïves, touchantes. Elle finit par s’attendrir. À un moment, il balance même le montant de son salaire, l’air de rien, 2500 euros : c’est plus qu’elle, il vient de marquer dix points et elle lui parle maintenant d’une voix douce, presque féminine.

  • Je me rends heureux

    La côte n’est plus si sauvage. Et pour être vraiment seul, il ne faut pas hésiter à plonger dans l’eau glaciale. D’un seul coup, c’est mieux. Palpitations délicieuses au moment de la pénétration, sans trop faire d’écume. À quelques mouvements affolés succède une cadence sereine. Je voudrais encore plus d’harmonie mais la mer ondule et je suis balotté.
    Je suis de mieux en mieux dans cette intimité froide. Gaffe tout de même à pas trop m’attendrir car la température de l’eau n’excède pas 12°C. Il m’est déjà arrivé de ressortir bleu et de m’affaler sur le sable : plus de jambes !

    Certains, à commencer par moi, se hâtent de me traiter d’obsédé sexuel ; ils se trompent. Une fois calme et sec, entre deux mamelons sablonneux, j’ai tiré le “Journal” de l’Abbé Mugnier de mon sac et je me suis sagement plongé dedans pendant deux heures. M’interrompant juste pour suivre la trace d’un avion ou le sillage d’un bateau. Je compte trois fois plus d’avions que de bateaux.

    Trop longtemps j’avais remis cette lecture au lendemain. L’enthousiasme de Ghislain de Diesbach pour le “fol abbé” ne s’était pas communiqué à mon bocage intellectuel. Sa charge contre Bloy m’avait parue inique et même grossière. Question de tempérament ?

  • À la Frêche

    Je suis cerné par des imbéciles qui croient que la République et la laïcité adoucissent les mœurs. Beaucoup de ces imbéciles se disent catholiques. Quand je leur ai montré la carte de vœux de Chevènement, alors ministre des Armées, représentant Napoléon en train de sodomiser Jeanne d’Arc, ils ont hoché la tête en signe de gêne extrême (Je suis prêt à sodomiser Chevènement avec de la limaille de fer pour faire rendre gorge à ce bon apôtre de la laïcité si l’occasion s’en présente, et j’en ai une plus grosse et vigoureuse que celle de Napoléon, qu’il se le tienne pour dit (comme chacun sait, les dictateurs sont des frustrés sexuels à petites bites).

    Le “Midi-Libre” a rapporté la réaction de Georges Frêche, le “héraut ventripotent” (et mugissant) de l’Occitanie laïque à l’élection de Benoît XVI : « J’espère qu’il sera meilleur que l’autre abruti ! ». Puis, pour en remettre une couche, à propos du bombardement de Dresde par les Alliés : « C’est dommage, ils en ont loupé un ! ».

    Sa culture anémiée de professeur de droit public ne permet pas de plus fines boutades à Frêche. Lui, c’est carrément les deux pieds joints au cul que je lui foutrai quand je le croiserai Place de la Comédie.

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  • Paradoxes (2)

    Dieu a fait l’homme à son image, particulièrement les Français, si paradoxaux. C’est un peu la thèse de Jean Guitton, me semble-t-il, du moins ce que j’en ai compris.
    Je le lisais vers la fin de mon adolescence. Les œuvres de l’extrême maturité surtout, où la malice chrétienne de Guitton s’exprime plus librement. Il faut douter pour croire. Ce sens du paradoxe dans un monde de brutes cartésiennes me plaisait. Même si, on n’est plus à un paradoxe prêt, Guitton n’est pas si loin de Descartes.

    C’était avant que je découvre Bloy, et que de buveur de petite bière je devienne buveur de vin, en quelque sorte.

    Avec Bloy, fini les jeux de l’Esprit, mais je garde quand même un bon souvenir de Guitton, qui ne craignit pas d’avouer sa couardise quand il fut à l'abri. Ainsi, il attendit d’être centenaire pour avouer que c’était Le Pen qui l’avait sauvé d’un lynchage par des étudiants staliniens, après la Libération. Guitton s'était compromis aux yeux du monde une première fois, par inadvertance, et il ne tenait pas à rechuter en parlant de Le Pen.

  • Paradoxes

    Il se rengorge en racontant ses derniers combats de rue, toute la force qu’il met dans ses directs, ses manchettes et ses crocs-en-jambe ; en fait, il ne ferait pas de mal à une mouche et détale dès qu’il flaire un danger.

    Elle raconte qu’ elle aime se faire raboter dans toutes les positions, dix fois de suite. Mais elle ne ratera pas son train de 7h16 pour si peu.

    Il ne croit pas beaucoup en Dieu, mais très fort en lui.

    Elle n’est pas raciste, ni homophobe ! Mais ne fréquente aucun pédé noir.

    Il dit, « Je suis agnostique », et allume quand même des cierges au Sacré-Cœur à tout hasard.

    Elle dit : « Va, je ne te hais point », bien qu’elle n’aime pas Corneille.

    « Un coup comme moi, ça ne s’oublie pas », lance-t-il à la cantonade, alors qu’il vit seul avec son chat depuis trois ans.

    Il dit : « Je n’ai aucun tabou ! », mais on ne l’a jamais vu s’aventurer hors de ses préjugés.

    Elle n’a peur de rien, sauf d’être imprudente.