Lapinos - Page 154
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L'inconfort intellectuel
En passant devant la gare RER ce matin, je me félicitai d'avoir emporté avec moi mon bob kaki. Il me protégeait de ce petit crachin breton qui s'était mis à tomber vers huit heures, sans m'empêcher de lire dans le regard de tous ces banlieusards se bousculant pour regagner leur lieu de travail dans un arrondissement encore sûr au cœur de la capitale, la détresse en plus de l'habituelle apathie du lundi. Notamment dans le regard de cette banlieusarde blonde et qui portait des bas - à notre époque c'est devenu assez rare à la fraîche quand on n'exerce pas un métier qui l'exige pour le souligner.
La petite lueur triste qui flottait dans ses yeux pers disait assez qu'elle avait dû perdre sa voiture au cours de ce week-end agité. J'imagine que c'est un modèle qui lui donnait toute satisfaction et dans lequel elle s'offrait le petit plaisir grisant d'une pointe de vitesse à 160 km/h le dimanche lorsque les gendarmes étaient au repos, pour aller voir sa mère à Sens ou à Orléans.
J'aurais voulu la consoler, lui dire qu'elle n'était pas la seule, que des milliers d'honnêtes citoyens comme elle avaient perdu leur moyen de locomotion préféré dans les mêmes circonstances dramatiques, que tous ceux qui avaient négligé de prendre une assurance multirisque partageaient son désarroi…
Il ne paraît pas abusif de qualifier ces événements de "tragédie nationale". Car si la France d'en-bas est désemparée, que dire de tous ces responsables politiques pris au piège ? Ils pensaient que les subventions pour acheter des tables de ping-pong, des tables de mixage, etc. (tout ce sur quoi on peut tabler pour distraire un jeune adolescent d'origine maghrébine dans un contexte difficile), suffiraient à leur assurer un minimum de marge de manœuvres jusqu'aux prochaines échéances et qu'ensuite on aviserait… Leur avenir s'annonce beaucoup moins rose ou bleu désormais, selon l'étiquette, et la carrière de certains prend une tournure incertaine.
Même l'opposition est gênée pour tenir des discours de progrès, c'est dire ! On ne comprendrait pas qu'elle réclame que les CRS fassent usage de leurs matraques, seule solution pratique pour dissuader rapidement ces gamins de continuer à s'en prendre à un des droits fondamentaux de la République moderne : la propriété privée à crédit. Ce serait en effet, quelque part, collaborer avec les forces du mal que les CRS incarnent malgré eux depuis 1968.
Ayons aussi une pensée pour les journalistes, la situation d'inconfort intellectuel dans laquelle ils se retrouvent ! Ils annonçaient la grippe aviaire, et c'est la fièvre du samedi soir qui se propage dans tout le pays…
Et puis ils sont trop intelligents pour ne pas sentir le reproche qu'on pourrait leur faire d'exciter cette "jeunesse des banlieues" en lui tendant des micros et des caméras. Celles-ci furent conçues tout de même à l'origine pour qu'on fasse le pitre devant dans le but d'amuser la galerie (songez aux Frères Lumières).
Je n'ose même pas imaginer la situation de nos brillants éditorialistes, de Jacques Julliard en passant par Claude Imbert, François-Régis Hutin, Bertrand Poirot-Delpech, etc., etc. Tout ce gratin de signatures prestigieuses va être bien embêté pour résumer cette situation complexe à son lectorat et lui donner à penser le restant de la semaine au-delà du banal fait divers.
Ah, si le Général avait été là !! Lui au moins se serait précipité à Baden-Baden avec son État-major pour organiser la Résistance contre cette chienlit ! -
Ça sent la crème !
À l’heure où je vous parle, des jeunes gens photographient en gros plan, au zoom, comme si de rien n'était, des crèmes brûlées et des ampoules dans leurs appartements en ville, et ils se couchent le soir contents d'eux.
À part moi, qui songerait à les punir pour ça ? Comment voulez-vous que quelques adolescents excités qui s'amusent au gendarme et au voleur et font flamber tires et chignoles, sans distinction de couleur ni de marque, en comparaison, ça m'émeuve ? Et puis le feu, c'est très beau :
« Les beurs ont mis la flamme à la banlieue miteuse,
Écoutez chanter l'âme qui palpite en eux !
REFRAIN : Monte flamme légère, feu de ferraille si chaud si bon,
À Clichy ou à Montfermeil, monte encore et monte donc ! »
Malheureusement, on n'a pas appris à ces pauvres enfants à chanter, on a préféré leur raconter des petits contes moraux à se droguer toute la journée.
Je crois qu'on trouve dans Gombrowicz une ébauche d'explication didactique au drame des jeunes qui photographient des crèmes brûlées, lisez-plutôt :
« J’avais pris le train à Cmielow et à Bodzechow, la gare suivante, monta un de mes oncles, un homme déjà âgé, propriétaire terrien de la région de Sandomierz. Il se rendait à Varsovie et s’assit à côté de moi dans un compartiment de première classe bondé, car à l’époque on voyageait comme on pouvait et personne ne prenait garde aux classes. Mon oncle était un excellent tireur et nous parlâmes de chasse, un sujet sur lequel je n’avais guère de notions. Subitement, mon oncle regarda autour de lui et dit, sans trop élever la voix mais distinctement :
- Sortez s’il-vous-plaît.
Nos compagnons de voyage le regardèrent d’un air surpris. Alors mon oncle mit la main dans sa poche, en ressortit un pistolet, l’arma et répéta, toujours sans hausser le ton :
- Sortez, s’il-vous-plaît.
Cette fois, le compartiment se vida en un clin d’œil. Un brouhaha s’éleva dans le couloir, on appela le conducteur, des femmes se mirent à pleurer. Mon oncle referma la porte du compartiment et dit avec un clin d’œil espiègle :
- Enfin un peu de place. Il y avait une telle cohue que je ne savais pas ce que je disais. Ça ne va pas trop bien…, mes nerfs…, je n’arrive plus à dormir, je vais justement à Varsovie pour que ça s’améliore, car si ça continue mon état ne peut qu’empirer…
Je compris : il était devenu fou. Il était devenu fou et il allait tirer si on le provoquait… J’étais inondé de sueur.
À mon avis les gens simples ont sur nous cette supériorité qu’ils vivent une vie naturelle. Ils ont des besoins élémentaires, qui font que leurs valeurs sont simples, vraies, honnêtes. Par exemple : un homme simple a faim, donc le pain sera pour lui une valeur.
Tandis que pour un homme riche le pain n’est plus une valeur puisqu’il en a à satiété. Nous vivons une vie trop facile, artificielle. Nous n’avons pas besoin de lutter pour survivre, et inventons donc des besoins artificiels. Ainsi les cigarettes peuvent-elles devenir une valeur - ou la généalogie, ou les lévriers… Cet artifice des besoins provoque l’artifice de la forme - c’est pour cela que nous sommes si extravagants et qu’il nous est difficile de trouver le ton juste…
(…) c’était grâce à un pistolet chargé que j’avais conçu cette dialectique des besoins et des valeurs - comme auraient dit les marxistes (…).
In : Souvenirs de Pologne, 1984. -
Je retourne ma veste
« - En ce moment ? Mmmh, eh bien je suis plongé dans les souvenirs de Witold Gombrowicz. » : à lâcher entre la passe-crassane bio et le salers fermier, pour frimer dans un dîner bobo.
« - En ce moment ? Mmmh, eh bien je suis plongé dans Ferdydurke… de Gombrowicz, Gombro quoi… », c'est encore mieux, si possible. Moi, je ne peux pas : la peur de m'enslaver dans des steppes brumeuses, sans doute. Je ne suis pas un lecteur-voyageur, tout au plus traversé-je la Manche aussi souvent que possible pour embrasser mes chers cousins anglais ("God bless them !"), mais la Pologne, hum, je doute que ma francitude puisse s'acclimater.
Donc je ne voyais pas de raison d'insister avec Gombro, avec ces Souvenirs de Pologne que j'avais repoussés dans l'enfer de ma bibliothèque. Et puis Constantin C. s'est mis à le citer sur son blogue, et comme je suis très influençable… Ah, il y avait aussi cette observation que j'avais tirée des Souvenirs pour la noter soigneusement dans mon calepin :
« (…) n’oubliez pas que l’artiste possède un sens inné de la hiérarchie, de la supériorité, du raffinement et que l’art consiste à opérer une ségrégation impitoyable des valeurs, à choisir toujours le meilleur, le supérieur, et à rejeter avec mépris ce qui est commun et vulgaire. »
Alors j'ai pris mon courage à deux mains et j'y suis retourné, prêt à tout, même à tomber sur un ours.
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Humour yanki
Un Yanki de gauche, donc un type qui trouverait le programme de Le Pen assez laxiste, interloqué par toutes ces images de rodéos, d'incendies de bagnoles, me demande :
- Mais vous n'avez donc pas assez de flics, en France ? (But what the Hell is this? You don't have Cops - enough I mean - in Paris?)
Je me marre.
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Futurisme antérieur
Miss Mouse (dans une robe très entreprenante de Chéruit) était assise sur une chaise, et les yeux lui sortaient de la tête.
Jamais, non, jamais elle n'arriverait à s'accoutumer à tant de surexcitation. Ce soir, elle avait amené avec elle une petite amie, une miss Brown - parce que c'était tellement plus drôle si on avait quelqu'un à qui parler. C'était vraiment palpitant de voir tout ce terne argent que son père avait amassé se métamorphoser ainsi en tant de scintillements, en tant de bruit, en tant de jeunes visages tannés d'ennui.
Soirées masquées, soirées "Cromagnon", soirées "Victoria", soirées "Grèce", soirées "Far West", soirées "Russie", soirées "Cirque", soirées où il fallait se déguiser en quelqu'un d'autre,
soirées presque nues dans Saint-John's Wood, soirées dans des appartements, dans des studios, dans des maisons, dans des hôtels, des bateaux et des boîtes de nuit, dans des moulins à vent et des piscines ; thés à la fac où on mangeait des petits pains, des meringues et du crabe en conserve, soirées à Oxford où on buvait du sherry brun et on fumait des cigarettes turques, lugubres bals de Londres, bals amusants en Écosse, ignobles bals de Paris,
Toute cette succession et cette répétition d'humanité agglomérée…
Ces corps vils…
La soirée se résumait maintenant à une douzaine de personnes, à ce coriace noyau de gaîté qui ne se brise jamais. Il était dans les trois heures du matin.
E. Waugh, Vile Bodies, 1930 - remixé par Didgé Lapinos.
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Par paire
Le premier est français, ou presque, et se déplace entre les rayons en biais comme un ours timide et maladroit. Impossible d’arriver d’où je suis à lire le titre du bouquin qu’il a pris pour son quatre-heures. La seule certitude, c’est que ce n’est pas le dernier Harry Potter. Et dire qu’on a voulu faire de moi un journaliste d’investigation dans une sorte de Voici intello ! (le projet a capoté)
« Vendredi 28 octobre, 16h00, Patrick Besson achète le dernier roman de X. à la Fnac Montparnasse, il est sapé comme un prof de philo existentialiste ; nulle belle intellectuelle ne l’interpelle - est-ce pour cela qu’il a l’air inquiet ? »
Le second a pour seuls points communs avec le premier, je crois, d'être un grand écrivain de plus d’un mètre quatre-vingt et de se trouver à la Fnac au même moment, en tournée de promotion. Une centaine de fans qui se poussent du coude sans faire de bruit pour le voir en vrai, mais pas de quoi envier Bret Easton Ellis, car ce sont surtout de jeunes mâles vaguement lettreux ; peu de jolies filles, à part celle à qui je cède finalement ma place. Peut-être même un peu de pitié pour cet écrivain (qui ressemble à un banquier) tant les questions de la journaliste du Monde sont ineptes.
Je prends la ligne 12 sans avoir rencontré Beigbeder et monte dans la même rame que Dick Chesney, le secrétaire d’État de George Bush… Pas le vrai, son sosie. C’est dingue le nombre de sosies qu’on peut croiser à Paris ! C'est-à-dire pas seulement des gens qui achètent les mêmes vêtements, les mêmes journaux, les mêmes livres, les mêmes yaourts, les mêmes maisons, les mêmes meubles, les mêmes téléphones, les mêmes i-pods, les mêmes sex-toys (sous l’influence de Bret), non, des gens qui ont au sens propre la même figure trait pour trait.
Ceux qui me connaissent un peu savent que ça a commencé avec Natasha Hentsridge (tombée enceinte depuis, mais pas de moi, hélas), puis ce fut George Bush dans la tribune du défilé du 14 juillet ; ensuite François d’Aubert, dans le métro - là j’ai cru de longues minutes que c’était le vrai, du moins le plus connu -, et maintenant Dick Chesnay !
Je mettrais les couilles de Michel Onfray à couper qu'il ne s’agit pas d’autosuggestion, au moins pour les trois derniers.
Au fait, comment fait-on pour différencier un clone d'un sosie ? -
Interlude
Un bruit de bottes chics martelant les trottoirs de Paris m’avait fait frissonner. C’était l’automne mélancolique et bientôt les frimas vasoconstricteurs de l’hiver feraient battre tous ces jolis cœurs au ralenti.
Quand un rayon de soleil inespéré m'a accordé un petit sursis. Je n’ai fait ni une, ni deux, j’ai laissé Diderot en plan dans sa prison de Vincennes, et foncé là où mon instinct me disait d’aller, chez H&M aux environs de midi.
Je ne pouvais mieux choisir mon heure…
Shopping chez H&M, Faubourg Saint-Honoré, au Bon Marché, à la Samaritaine, aux Galeries Lafayette,
Toute cette succession et cette répétition de féminité agglutinée…
Ces corps nubiles, ces corps vils…
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Abstinence
J’ai mal dormi. J’ai rêvé que Chirac révélait à la télévision l’existence de son frère jumeau caché ; qui s’empressait aussitôt d’ajouter qu’il serait candidat à la présidentielle 2007 ! Un vrai cauchemar dont je me serais bien passé.
Je ferais bien de regarder un peu moins la télé…
Devoir traiter mon pied d’athlète à sept heures du matin en me massant l’entrejambe avec de la pommade n'a fait qu’accroître ma mauvaise humeur.
Et je décide, pour m’éviter des maux de tête, de m’abstenir aujourd'hui de faire des mots d’esprit. -
Pauvre Anastasie !
Evelyn Waugh, tout en raillant les fonctionnaires chargés de son application, n’hésite pas à préconiser une censure intelligente. Que ce soit à propos de la peine de mort, du colonialisme, des journalistes, etc., Waugh n’est pas du genre à hésiter en général… On dirait qu’il est effrayé à l’idée qu’on puisse le confondre avec un de ces gras moutons de Panurge. Même si je ne suis pas Anglais, je peux comprendre ça.
Et puis Waugh est un auteur comique, il sait que l’humour c’est un peu comme une fiente de pigeon qui s’écrase sur un chapeau melon ou comme un pet qui éclate au beau milieu d’un café-philo bobo : imprévu, discordant, absurde, troublant…
La Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à la jeunesse, aujourd’hui, ne peut pas faire son travail sereinement. On se moque d’elle, dans un numéro spécial d’ Art Press consacré à la bédé que j’entrouvre en espérant y glaner quelques infos sur un artisan que j’admire, Christian Hincker dit "Blutch" (mais que dalle).
En effet, cette commission a rendu un avis de première interdiction de l’album de Riad Sattouf intitulé : Ma circoncision. Sattouf est Syrien, il raconte de manière drôle et réaliste son enfance syrienne, l’éducation qu’il reçut de son père et de ses maîtres.
Outre l’emploi de quelques mots crus tels que "bite", "couille", "ou fait chier", qui affligent la Commission mais qui n’aurait pu bien sûr à lui seul faire interdire cette œuvre, la Commission relève que « les Syriens sont présentés comme foncièrement antisémites, (…) que le but des enfants est de tuer des Israéliens, (…) et qu’on y montre des hommes pendus pour être suspectés d’être des espions au service d’Israël. »
Et Art Press de se moquer de cette brave commission qui n’a même pas saisi que l’auteur de ces propos racistes (antisyriens) était lui-même Syrien…
C’est pas très gentil. Moi je trouve qu’on ne peut pas en vouloir à cette commission de censure de s’être pris les pieds dans l’antiracisme. C’est un terrain vachement glissant.
Naguère utilisé par ce finaud de Mitterrand pour stigmatiser Le Pen et enfoncer un coin dans le parti adverse, avec le succès qu’on sait, l’antiracisme est devenue une arme à double tranchant que quiconque sur la terre peut utiliser du moment qu’il est un peu basané. C'est là que ça se complique, comme un sketch d’Elie et Dieudonné. Juifs et Palestiniens se mettent sur la gueule à tout propos. Certains Juifs tentent de promouvoir un super-racisme, et donc un super-antiracisme, mais cette tentative fait plutôt flop, etc., etc.
Un peu agacé par l'étalage de ces querelles de voisinage, par ces échanges de noms d’oiseaux dépourvus de la moindre poésie, mais néanmoins attentif aux détails, vous aurez compris que si les éditions Bréal-Jeunesse, dirigées par Johan Sfar, ont finalement passé outre cet avis de la Commission, c’est sans doute une coïncidence.
Sur Durandur encule tout le monde, je serais curieux de connaître l’avis de la Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à la jeunesse… -
Vicissitudes du sevrage
« Aujourd’hui, comme tout le monde, je m’efforce de renoncer au tabac. L’embout de pseudo-liège (“plain-tipped”) se révèle, paraît-il, d’une faible efficacité pour prévenir le cancer du fumeur. »
Constantin Copronyme
Comme il y a plusieurs types de fumeurs, le “fumeur jouisseur”, le “fumeur peine-à-jouir”, le “fumeur suiveur” et le “fumeur locomotive”, il est impératif d’adapter chaque méthode de sevrage à l’inconscient et au non-dit refoulé de la victime du tabac qui veut s’en sortir volontairement - ou à l’aide de béquilles psychoparapharmaceutiques (Je compte en dire plus ultérieurement dans un billet qui devrait bouleverser la lutte antitabac, mais avant de dépiauter le paquet et d’étaler toute ma typologie, je me permets de dispenser un petit conseil ou deux à mon ami Constantin qui en a besoin hic et nunc ; certes, il ne les a pas sollicités, mais Arnold Steiner, un cousin de Georges plus difficile d’accès encore, ne dit-il pas fort justement : « Les meilleurs conseils sont ceux qu’on n’a jamais demandés, ni même songé à demander. »
La principale difficulté qui vous guette, Cher Constantin, si vous êtes un “fumeur idéologique” comme moi, ce dont je ne doute pas un instant, c'est la consternation et l'envie impérieuse de refumer chaque fois que les lyriques appels à lutter contre le vilain tabac qui menace nos vies viendront agacer vos oreilles et vos nerfs à vif. Ah, le bel idéal démocratique que voilà ! Avec les manifestations contre le dernier pantin nommé rue de Grenelle, voilà de quoi galvaniser notre jeunesse qui promet. Formons des cortèges, déplions des banderoles, et chantons :
« Debout ! les condamnés de la terre !
Debout ! les forçats de la pipe !
La raison tonne en son cratère,
C’est l’éruption, l’aviaire grippe !
Du tabac faisons table rase,
Foule esclave, debout ! debout !
Le monde va changer de base :
Nous ne sommes rien, soyons tout !
« C’est la lutte finale, etc. »
Le conseil est donc de se tenir soigneusement à l’écart de la radio, des journaux (sauf ceux qui ne vivent pas de la publicité), de la télé, des cinémas, mais aussi des débits de tabac où les slogans les plus crétins sont imprimés à l’encre noire sur les paquets de cigarettes, venant ainsi compléter l’abrutissante philosophie soixante-huitarde : « Il est interdit d’interdire… sauf ce qui n’a aucune importance. »
Si malgré tout vous parvenez à vous arrêter, Constantin, je vous souhaite de ne pas éprouver comme moi le sentiment désagréable d'avoir fait un effort pour vous agréger au troupeau de Panurge. Ce sentiment vous conduirait immédiatement à en rallumer une, je vous le garantis.
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Rappel utile
Je suis assez effaré qu’on puisse prendre Michel Onfray au sérieux… Ce Matthieu Baumier dont Le Stalker fait la publicité sur "Haut et Fort", par amitié sans doute, aurait dû se retenir de s’abaisser au niveau de ce sinistre bouffon, dont les pamphlets rédigés à la hâte dans un français approximatif n’ont qu’un but, permettre à leur auteur de se faire une place sur un plateau de télé.
C’est pourtant le b.a.-ba de la dialectique de Schopenhauer. Même moi je sais ça ! Il est parfaitement inutile de combattre des arguments imbéciles avec des arguments sérieux ; un adversaire de mauvaise foi quand on est de bonne foi.
Baumier court le risque de faire passer le Traité d'Athéologie d'Onfray pour autre chose que ce qu’il est, un ramassis d'insultes.
Le rôle de l’Église dans l’Holocauste et son devoir non rempli de repentance (2003) : c’est ce bouquin affligeant qui sert de “référence” à Michel Onfray. Franchement, on en rigolerait presque tellement ce titre à rallonge déborde de défoulement anticlérical primaire ! Amenez le prévenu Ratzinger devant le Tribunal pénal international, le réquisitoire est déjà prêt…
En dehors de quelques instits génétiquement programmés, quoi qu’il arrive, même si la Vierge leur apparaît en plein conseil de classe ils continueront à délibérer, et si on ajoute à ça un comique aussi subtil que Dieudonné mais moins à la mode, Guy Bedos, personne ne lit les bouquins d’Onfray de toute façon, tellement ça pue la contrefaçon à plein nez.
Le seul intérêt qu’on peut trouver à feuilleter son Traité d'Athéologie, c’est l’intérêt que j'y trouve en tout cas, c’est que ce genre de pamphlet permet de bien prendre la température de la haine qui échauffe les milieux anticléricaux. Onfray, c’est juste la première coulée de bile. -
Western et féminisme
L’abnégation des dames du temps jadis était certes remarquable ! Ainsi, lorsque Simone de Beauvoir s’enticha d’un cow-boy de Chicago, brûlant comme une saucisse happée sur le barbecue, elle troqua sans pudeur excessive sa garde-robe féministe et ses grands airs de baronne protestante contre une panoplie et un vocabulaire de midinette pour s’accorder à son nouveau boy-friend…
Idem pour Jane Fonda et son cow-boy de CNN plein aux as, enrichi par ses "films de guerre" : après l’avoir rencontré, Barbarella se mit à avoir des rêves de grand-mère au foyer.
Il me revient un cas contraire. La revue Europe consacra il y a peu un dossier à la Comtesse de Ségur, auquel Michel Tournier prêta sa plume un peu grinçante. Mais est-ce Tournier qui raconte l’étonnant prosélytisme de la mère de la Comtesse de Ségur, je ne me souviens plus.
Elle avait épousé le Gouverneur Théodore Rostopchine qui servit accessoirement de modèle à sa fille pour camper le sympathique Général Dourakine, comme on sait. Mais surtout, le Général Rostopchine bouta le feu à Moscou pour enrayer l’avance des troupes nazies… euh, je veux dire napoléoniennes, bien sûr, c'était en 1812.
Convertie par un des nombreux Jésuites expulsés de France, Catherine Rostopchine entreprit de faire passer la frontière entre l’orthodoxie et le catholicisme à ses filles, une à une, secrètement, avec une habileté quasiment diabolique. Au grand dam de son époux, qui adorait sa progéniture et pour qui abjurer la foi orthodoxe revenait à trahir la Sainte Russie. Il dut en piquer, des colères mémorables et pittoresques, le pauvre général. Son épouse n’en continua pas moins de le trahir avec constance.
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L'armée des cadavres
Peu après avoir enfin atteint l’âge de raison, vers vingt ans, j’ai cessé de fréquenter l’homme au caniche (Schopenhauer). Mais j’ai gardé le souvenir de quelques tours désopilants. Ses conseils dialectiques, par exemple.
Michel Onfray aussi s’en est souvenu. Dans son Journal, Le Désir d’être un Volcan, éructant la bile, notre auteur de libelles à succès brûle les étapes, tous les petits "stratagèmes" de Schopenhauer un par un, pressé qu'il est d'arriver à l’“ultime stratagème”, l’attaque ad hominem - l’arme fatale de la dialectique.
« En plaçant son travail [Requiem pour une avant-garde] sous les auspices de l’Internationale situationniste (…), B. Duteurtre n’empêche pas qu’il se trouve servir la même cause qu’un certain Claude Autan-Lara, membre de l’Institut, ancien député du Front National au Parlement européen, accessoirement cinéaste. »
Le chapitre est intitulé Le révisionnisme esthétique. Ça, c'est l’arme fatale lourde - je veux parler de la shoah, bien sûr. Moi j'appelle ça du détournement de cadavres.
Schopenhauer tient à prévenir ses disciples contre les risques d’une attaque ad hominem : elle peut dégénérer en rixe, ou en procès en diffamation. Duteurtre n’a donc pas intérêt à répliquer à Onfray que ses méthodes sont celles de la Gestapo. En outre, l'époque où un homme pouvait philosopher innocemment en compagnie de son caniche est bien révolue, et en mettant de leur côté les flics et les magistrats, les nouveaux dialecticiens ont nettement perfectionné les recettes artisanales de Schopenhauer. -
Du grand style
Le style de certains, c’est d’avoir des choses à dire :
« Il y a dans les campagnes une autre tradition à laquelle j’associe ce vin de la Vallée du Rhône [le Crozes-Hermitage rouge], celle de la sanguette.
Après avoir tué une volaille, on en recueille le sang dans une assiette ou un plat en terre, au fond duquel on dispose une couche de persil et d’ail haché. Lorsque le sang a coagulé, on le fait rissoler des deux côtés pour faire une sorte de galette, puis on lui ajoute du sel, du poivre et des épices (…) »
La mort, le stylet, le sang frais, le feu, le plaisir, c’est presque du Shakespeare.
L’intarissable F. Weyergans, lui, n’a pas grand-chose à raconter en revanche, hors quelque virée en boîte de nuit escorté de sa femme et de sa… maman. De quel genre d’homme s’agit-il ? Disons que trois jours chez sa mère sont un sujet qu’il nous impose sans gêne particulière. C’est un auteur contemporain.
Inutile de parler du talent subtil de Weyergans, de ses contreprousteries de Narcisse rigolo. De louer la simplicité d’un auteur pourtant passé par Les Cahiers du Cinéma. Non, le devoir d’un critique aujourd’hui, c’est surtout de résister à la corruption, car sur le fond, si le métier sert encore à quelque chose, à supposer qu’il reste des lecteurs intelligents, l’affaire Potter m’en fait douter de plus en plus, sur le fond le boulot s’est considérablement simplifié.
Grosso modo, les nouveautés peuvent être classées en deux catégories didactiques : “Bitable”/“Imbitable”. On peut se permettre d'exagérer jusqu'à "Indubitablement imbitable" (C. Delaume, PPDA, etc., etc.), ou de nuancer jusqu’à “À demi bitable”. Ainsi le dernier Weyergans, même si ce n’est pas très pratique de réclamer un demi-livre de Weyergans à son libraire.
Je laisse à propos du dernier Dantec mon jugement en suspens, car je me doute que certains n’attendent que ce prétexte pour venir se défouler sur mon blogue en y tenant des propos confus. -
Ab uno disce omnes
Sarah,
Vous me reprochez de manquer de cœur, etc., mais je n’en serais pas moins, pour conclure, quelqu’un d’aimable à vos yeux - façon de parler puisque vous ne m’avez jamais vu. Et de soupirer après mes flatteries de naguère…
Vous avez déployé les ruses de votre sexe, j’ai fait la roue comme un paon. Vous paraissez croire que j’ai assez d’orgueil pour me croire unique ? J’en ai beaucoup, je dois le confesser, mais il ne faut pas en abuser.
N’y a-t-il pas un temps pour tout, chère amie ? Un temps pour l’amour et puis un temps pour s’attarder à l’écart de la ville, une cigarette aux lèvres, en se tenant par les épaules, et penser que ce serait un beau spectacle de la voir s’embraser tout-à-coup pour des héros qui en valent la peine… (Bien sûr je ne prétends pas vous obliger à penser.)
Si on m’avait dit en commençant ce blogue que je devrais en arriver à cette extrémité, à cet exercice d’auto-dénigrement pour vous dégoûter enfin… (qui justifie que je publie ce courriel, j’espère que vous le comprenez, sinon je l’efface aussitôt.)
Je croyais ma misogynie assez dissuasive mais certains la remettent en question et disent que c’est en réalité un piège à filles que je tends ainsi. Il est vrai que lorsqu’on dit : « Circulez, y’a rien à voir ! », on trouve toujours des excités pour avoir envie de zieuter un coup.
Continuons à laisser mon physique de côté, si vous voulez bien, Sarah, et venons-en directement au fond des choses : je ne suis pas riche, j’ai laissé la plupart des filles sur lesquelles je me suis penché insatisfaites, je ne fais pas trop de fautes d’orthographe - mais si j’avais de l'étoffe, franchement, croyez-vous que je serais en train d’écrire un blogue ? Je déteste les bobos mais je n’ai pas toujours le courage de leur démolir la gueule, je ne cuisine pas si bien que je le dis, surtout les desserts, je suis de moins en moins jeune, j’ai failli devenir alcoolique et rien ne dit que ce danger soit complètement écarté (à l’instant où je vous parle, j'ai envie d'une coupe de Dom Pérignon alors que l'heure de l'apéritif est encore éloignée)…
Que dire encore ? Je sens assez fort des pieds, je ne me lave pas tous les jours, surtout les cheveux, j’ai horreur des toubibs et des hopitaux, plus encore que des flics et des commissariats (…) -
La conspiration HP
Fnac Montparnasse, 13h00. Je monte la garde devant la tour d'Harry Potter, bien décidé à repérer quel genre d'individu peut bien se risquer en plein jour à acquérir cette somme ésotérique - au moins du point de vue syntaxique.
Trois quart d'heure que je poireaute et toujours rien… Mes nerfs sont mis à rude épreuve par cette invite inlassablement répétée au micro :
« Gaulois, Gauloises, à l'occasion de la sortie du dernier album des aventures d'Astérix, vous êtes invités à venir déguster un verre de potion magique au rayon bandes-dessinées. » Peux pas abandonner mon poste, mais le nain de jardin à moustaches ne perd rien pour attendre, m'occuperai de lui une autre fois…
« Pour elle, faire l'amour sans risque, c'était comme faire la guerre sans tuer » : Je m'avise que ce roman de Jardin, Pascal, le père, mérite peut-être la publicité que lui fait indirectement la bluette pornographique de l'autre Jardin, le petit, quand je vois un type bizarre s'amener. Mes regards torves ne paraissent guère l'effaroucher en vérité car l'escogriffe vient s'appuyer contre la tour d'Harry Potter même, à quelques centimètres de moi. Palsambleu, je sens sur mon front son haleine fétide ! Il l'entretient en mâchonnant des gélules sucrées qu'il extirpe toutes les dix secondes environ d'un petit sachet Haribo crissant. Il tourne les pages. Je ne l'aurais même pas cru capable d'un geste aussi tendre.
Ah, oui, ce qui est bizarre, ce n'est pas qu'à trente ans passés il porte une casquette de baise-bôle vissée sur le crâne, non, c'est qu'il en ait une deuxième pendue à son falzard. Curieux. Peut-être un signe de reconnaissance entre sorciers ?
Soudain, il repose sa brique de papier, fait un pas de côté, pioche une courte nouvelle de Tolstoï… Un véritable tour de passe-passe vient de se produire sous mes yeux… non, c'était une manœuvre, car le voilà qui bat maintenant en retraite les mains vides. Je pense qu'il a fini par me trouver louche, avec mon mauvais œil de jeteur de sorts.
Quelque chose d'impalpable me retient de crier victoire, d'ailleurs, cinq minutes plus tard, mon quart d'alphabète revient à la charge, retâte un peu du Potter, avant de se décider à l'emporter, Alea jacta est !
Une jeune Asiatique vint à son tour feuilleter un exemplaire du dernier Harry Potter, mais elle repartit aussitôt après en avoir pompé toute la substantifique moelle. Bah, si elle s'était laissé tenter, je ne lui en aurais pas voulu à cette fille : il paraît qu'on mérite un peu d'indulgence quand on vient d'aussi loin.
Mais de blond enfançon au regard innocent, point ne me fut donné d'en détourner pendant mon tour de garde. J'étais prêt, pourtant ; bien volontiers je l'aurais pris sous mon aile de phénix pour l'initier aux facéties d'Oscar Wilde, à Jack London ou à Stevenson - ou à Paul-Jacques Bonzon, pour n'être pas accusé de snobisme.
Par quel sortilège les aventures de cet apprenti prestidigitateur en blazer se vendent-elles par millions ? On ne sera pas étonné, je pense, de me voir avancer l'hypothèse du complot. -
Sans rire
Dans la presse, à propos d'une création à Beaubourg du mouvement de la non-danse (création inspirée de quelques lignes des Sorcières de Salem), ce commentaire inspiré d'un baveux :
« L'ensemble est assez statique mais d'une perversité réjouissante. »
Le même canard se fait un devoir de m'informer que quatre projets sont en concurrence pour occuper l'Île Seguin (et les dimanches des bobos), puisque finalement Pinault Le Munificent renonce à y exposer ses trésors :
- Premier projet : deux ou trois collections privées étrangères d'art contemporain ;
- Deuxième projet (soumis par Sarkozy) : le plus beau jardin du monde, avec des sculptures ;
- Troisième projet : une annexe du Centre Pompidou [le Centre Chirac ?] ;
- Quatrième projet (soumis par Villepin Le Galouzeau) : un centre européen de création artistique et une école d'architecture.
Si je peux me permettre, en dépit de mon indécrottable ringardise, je préfère le projet de Sarkozy, mais sans sculptures (ou éventuellement des non-sculptures plates sur lesquelles on pourrait s'installer confortablement pour pique-niquer ou jouer au ping-pong).
- Dernière minute - À l'attention de la fille pas très bien peignée qui lisait les mémoires d'Ernst Jünger dans le métro ce matin avec un sac en bandoulière bricolé à partir d'une ceinture de sécurité de Renault 5, je voudrais dire ceci : Mademoiselle, malgré ces trois détails un peu navrants, vous n'êtes pas moins charmante… -
Demi-tranche de vie
La scène est à la Fnac Montparnasse, cette fois, au rayon “Développement personnel”. Une femme dans mon dos parle fort à son portable :
- Jipé ?
- …
- Ouais, ça y est, j’te téléphone pasque j’ai eu les résultats de l’analyse…
- …
- Ouais ben j’ai une hépatite B… (Je me retourne pour observer si un mouvement de foule se produit dans le rayon, mais il n’y a presque personne ; était-ce l’effet recherché ? Non, cette femme corpulente d’une trentaine d’années se comporte comme si elle était seule au monde avec son portable).
- Ben ouais, ils m’ont dit que c’est emmerdant.
- …
- Ah non ! J’avais jamais rien eu jusqu’ici, moi, je sais pas d’où ça vient, ce truc, Jipé…
- …
- Comment ça s’attrape une hépatite B ? Ben ouais ils me l’ont dit : par le sang, la salive, ou par RELATION SEXUELLE, Jean-Paul…
- …
- ………
- …
- Je vais devoir passer quelques jours à l’hôpital, ouais, dès demain je vais à l’hôpital, ils faut qu'ils me soignent ça. -
Tranche de vie
La scène est à la Fnac des Halles ; deux “jeunes” d’une vingtaine d’années dont l’accoutrement imite péniblement celui d'une petite frappe de Los Angeles passent nonchalamment devant un rayon de livres lorsque l’un d’eux, le plus costaud des deux, aperçoit le Da Vinci Code sur un étal…
- Ziva, t’as vu là c’est le Da Vinci Code !
- Ouaip.
- Wow, dis-moi pas que tu l’as lu !?
- Ouais, ouais, j’lai lu.
- Sans déconner, t’es ouf ?
- Oh, mec, si j’te dis que j’lai lu !!
- Paraît qu'y a des révélations là-dedans -de la bombe- c'est vrai ?
- Ouais, ouais, c’est vrai… des révélations… des trucs zarbis… Mais aussi plein de grosses conneries !
- Ah ouais ?
- Ouais.
- …Et alors, comment tu faisais pour savoir quand c’était les révélations et quand c'était les grosses conneries ?? -
Table rase
« Après les apologies furieuses du seizième et du dix-septième siècle, les pamphlets purulents du dix-huitième et les romans humanitaires du dix-neuvième [et les slogans absurdes du vingtième siècle], l'Histoire, cette chose simple et lumineuse, « ce clair miroir où Dieu regarde extérieurement ses desseins », selon la belle expression de Donoso Cortès, la pauvre Histoire est devenue tellement obscure qu'il faut presque du génie pour y pénétrer.
« Les philosophes de la liberté de conscience, si profondément corrupteurs, nous ont fait moins de mal que les soi-disant historiens modernes. Que dis-je ? Les philosophes n'auraient jamais pu mentir avec avantage si les historiens n'avaient enrichi l'indigence de leurs doctrines du scandale de leurs calomnies.
« (…) Ce domaine sacré de l'Histoire que nous avions le devoir de respecter et de défendre comme un patrimoine, comme la sueur et le sang de nos pères, nous l'avons livré à tous les exploiteurs des émotions les plus vulgaires et à tous les bouffons de partis. Il est temps de réparer cette faute de laquelle Dieu finirait par nous demander un compte plus terrible qu'on ne croit. »
L. Bloy, in : Nouveaux propos d'un entrepreneur de démolition
Exactement. L'Histoire est une chose beaucoup trop sérieuse pour la laisser aux philosophes, aux soi-disant "penseurs de la modernité", aux cinéastes, etc.
Bloy n'est pas lui-même historien, mais il aime l'Histoire, qui déjà n'est plus qu'une ruine dévastée, nous dit-il ; mais encore peut-il s'attacher à quelques belles colonnes, et L'Univers tire à vingt mille exemplaires.
Bloy démolit à mains nues les faux plafonds cachant le ciel, il essuie les plâtres, mais le spectacle des bulldozers de la propagande faisant table rase de la cathédrale lui sera épargné, ces engins nivelleurs manœuvrés par les bouffons du parti communiste et du parti gaulliste.