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Lapinos - Page 140

  • Encore une question

    On dit que telle ou telle femme a "du charme". Qu'est-ce que le charme ? Une laideur qui ne fait pas fuir, une laideur "rachetée".
    La beauté sans le charme, est-ce possible ? Il ne semble pas, sauf à parler de la beauté des photographes, des mathématiciens ou des chirurgiens esthétiques - formules magiques.

    Notre époque, qui caricature la Renaissance, surtout les critiques d'art kantiens ou heideggeriens, totalement ineptes, fait de Léonard de Vinci un théoricien de la beauté, alors que Léonard est tout sauf un professeur de beauté. Léonard est avide de beauté, en quête de beauté et de vérité, ce n'est pas la même chose ; il n'a pas trouvé la beauté, il la cherche. De la même façon, Ingres, observant qu'un des canons qui fait un bel homme, c'est d'avoir le cou large… ou lorsqu'il conseille à ses élèves de ne pas hésiter à exagérer la "santé" de ses modèles. Quand on pense qu'Ingres est pris de haut par notre époque de cinéphiles et de petites cervelles kantiennes qui se pâment devant les navets de Bergman ou d'Antonioni ! Il y a de quoi être sardonique !

    À part ça j'ai encore eu une hallucination, à la piscine cette fois…

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    (Toute ressemblance avec une blogueuse célèbre pour ses thèses complètement fumeuses est presque fortuite.)

  • Question sans réponse

    Pourquoi Sartre a-t-il tenté de régler son compte à Baudelaire ? Par pure méchanceté, comme le collégien qui, mû par l’instinct, tente de mutiler une statue en lui jetant une pierre à la figure ? Ou est-ce à cause de cette sentence de B., qui concerne Simone de Beauvoir : « Une petite sotte et une petite salope ; la plus grande imbécillité unie à la plus grande dépravation. Il y a dans la jeune fille toute l’abjection du voyou et du collégien. » ("Fusées")

  • Explication de texte

    Toujours à propos de Baudelaire, voici un exemple, tiré de Patrick Besson, de la façon dont certains auteurs contemporains lui font dire n'importe quoi. « Ce qu’il y a d’enivrant dans le mauvais goût, c’est le plaisir aristocratique de déplaire. » (dans "Fusées") : de cette tirade de Baudelaire, Patrick Besson déduit que le bon goût est "bourgeois". Il a dû lire Baudelaire par-dessus la jambe d'une petite pintade.
    (C’est souvent comme ça avec les Serbes, j'ai l'impression ; au début on les trouve amusants, mais au bout d'un moment ils finissent par vous agacer ; ils n'ont pas le sens du paradoxe comme les Français, mais l'esprit de contradiction.)

    Le contresens ou l'anachronisme est parfait : en effet l'idée que le bon goût est l'apanage des bourgeois est une idée on ne peut plus à la mode aujourd'hui… dans la bourgeoisie ; alors que Baudelaire dénonce justement le conformisme bourgeois et loue l'indépendance d'esprit aristocratique.

    Le plus dur, et ça l'histoire contemporaine nous le montre bien, c'est de distinguer le bon goût du mauvais goût, le diamant du strass, un amateur d'art de Bernard Arnault. Et ça Baudelaire savait le faire. Était-il plus bourgeois que Patrick Besson pour autant ? Rien n'est moins sûr.

  • Baudelaire ne ment pas

    La lettre de Baudelaire à sa mère, où il dit qu’il aimerait posséder une photographie d’elle, est grossièrement interprétée comme une contradiction par rapport au discours rageur de Baudelaire contre la photographie.
    De la même façon avec Ingres et Delacroix, la propagande a essayé d’adoucir leurs propos résolument hostiles aux premiers “artistes photographes”, arguant par exemple que ces deux peintres s’étaient eux-mêmes servis de photos.
    En ce qui concerne les anathèmes de Barbey d’Aurevilly, c’est plus simple, on en a fait un auteur entièrement aristocratique et ringard dans son ensemble. C’est tout juste si le cinéma ne lui a pas “rendu service” en l’adaptant.

    C’est après la confusion des genres que Baudelaire en a, cette confusion des genres que, il le voit bien, la démocratie favorise.
    Il n’a rien contre l’usage documentaire de la photographie, il faut être un idéologue borné comme Finkielkraut pour penser que la technique est mauvaise en elle-même. Baudelaire est un moraliste.
    Après, au plan documentaire, il faut voir ce qui est le mieux, une photo d’entomologiste ou un croquis d’entomologiste ? Ça se discute. La photo se détériore très vite. Un reportage de guerre illustré par des photos, ou un reportage de guerre illustré par des croquis ? Derrière la photo, il y a l’idée, naïve, que la photo ne ment pas. Il se trouve qu’une des photos de guerre les plus connues, de Robert Capa, d’un partisan communiste espagnol fauché par une balle pendant la guerre civile d’Espagne, est une photo “posée”. La technique photographique n’est pas plus “vraie” en elle-même que la technique graphique, tout dépend de l’honnêteté de celui qui met en œuvre la technique.

    Ce qui est paradoxal et amusant en même temps, dans l’exemple de Capa, c’est que c’est justement parce que la photographie n’est pas un art qu’il a été obligé de tricher. La photo est un résultat, on ne peut pas beaucoup agir sur un résultat, on peut juste essayer de l’anticiper, et rajouter quelques effets, mais l’art, ça n’est pas (peu) ça. Capa, donc, voyant qu’il ne parviendrait jamais à photographier un mort sur le vif, que l’instant était quasi insaisissable, a demandé à un soldat de prendre la pose. Pour ma part je crois qu’il y a plus de vérité dans un croquis tiré d’une observation attentive que dans une photographie.

  • Trêve

    Tâchons de considérer Sarkozy deux minutes autrement que comme le symbole du capitalisme et de l'américanisme arrogant en costume deux pièces à rayures, ou encore comme l'espoir du quatrième âge et des Alsaciens d'une France un peu plus calme où les rues seront mieux balayées (Il ne faut pas demander à un Alsacien ou à un Allemand une vue politique à long terme, ils ont d'autres qualités, pas celle-là), bref prenons le président Sarkozy en tant qu'homme, pour une fois…

    Du point de vue humain, il m'inspire plutôt la pitié, je dois dire, Sarkozy. Ses petits bécots, ses petits mots doux à l'attention de Cécilia, sa volonté de lui trouver une occupation digne d'elle, etc. : il a suivi une préparation au mariage chrétien avec le cardinal Lustiger lui-même, ma parole ! Ça m'en a tout l'air et je suis inquiet pour lui. Car ces sermons qui ne mangent pas de pain sur la communication dans le couple et les nouveaux pères, ça va bien quand on est marié avec une brebis, mais la Cécilia a l'air d'une autre trempe que celle dont on fait les gentilles crémières ou les gentilles boulangères. À sa place, moi, je m'empresserais de l'engrosser derechef, Cécilia, afin de l'immobiliser au moins quelques mois, de la priver d'initiatives pendant un certain temps. Et puis ça serait excellent pour son image, pour la campagne de 2012 (il n'est pas trop tôt pour y songer), un petit Sarkozy ou une petite Sarkozy à promener devant les caméras. Je vois d'ici Jean-Pierre Elkabbach, sérieux comme un pape, au premier rang à l'église pour le baptême.

    Maintenant c'est sûr que si elle ne veut pas, j'imagine qu'elle ne doit pas être facile à serrer dans un coin, Cécilia ; l'Élysée, c'est grand, et elle doit courir plus vite que son mari. Mais il y a Claude Guéant… cet homme a l'air très dévoué.

  • Vous avez dit funèbre ?

    Dans le genre funèbre, j'allais oublier Mgr Lustiger. On a dit que c'était un homme d'action ; admettons, mais pour le reste, ses sermons - de deux pages dans Le Figaro, ou d'une plombe à la télé -, étaient parfaitement imbitables. C'était tout sauf un écrivain, un artiste. Aucune dynamique dans ce qu'il disait, il arrivait à condamner l'avortement et en même temps à ne pas vraiment le condamner, par exemple. Et puis si "lustig" veut dire "gai", en voilà un qui ne méritait pas son nom ! Il est vrai que les noms juifs, la plupart du temps, étaient des sobriquets ; on peut imaginer qu'il a été attribué à un ancêtre du cardinal particulièrement peu porté sur la gaudriole, par dérision.

    Un prêtre libanais a témoigné qu'il était très gentil. Il faut avoir le culot d'un Libanais pour oser dire ça ! Son tempérament irrascible, au contraire, était connu dans tout Paris. Ce n'est pas une critique de ma part, juste un constat. "Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" : au train où ça va, il sera bientôt considéré comme "fachiste" d'annoncer de la pluie ou de la grêle à la météo.

    *

    On a beaucoup glosé sur la réconciliation des catholiques et des Juifs, que Mgr Lustiger aurait permise : poudre aux yeux, évidemment. En ce qui concerne les préjugés antisémites, évidemment on ne les efface pas avec quelque discours théologiquement nébuleux sur la choa.
    La vérité, c'est que la pression médiatique interdit l'antisémitisme. Tant que cette pression durera, la fiction selon laquelle les rapports entre catholiques et Juifs sont bons, cette fiction durera ; après, eh bien après ça sera mieux ou pire. La campagne de Sarkozy a montré à quelle vitesse les discours officiels peuvent changer. Ce fut une leçon pour la gauche. Une bonne partie des journalistes, qui jusque là professaient des opinions de gauche, pensant que Sarkozy était le bon cheval, ont adapté leur discours au candidat Sarkozy. Et on peut penser que le jour où Sarkozy sera affaibli, les baveux tourneront leur veste une fois de plus.

    En ce qui concerne les raisonnements catholiques antisémites cette fois, les arguments de Léon Bloy ou de Simone Weil, par exemple, et leurs pendants anticatholiques, Mgr Lustiger ne les a pas approfondis. Autant dire que ses discours ont été des discours de circonstance. « Vanité des vanités… » : la théologie est parfois (souvent ?) d'une vanité extraordinaire.
    D'ailleurs Mgr Lustiger ayant des parents Polonais, c'est sur l'antisémitisme des Polonais qu'il était qualifié pour parler précisément, l'antisémitisme des parents de Jean-Paul II, par conséquent, pas sur l'antisémitisme de mes parents ou de mes grands-parents.

  • Pas d'éloge funèbre

    Antonioni et Bergman, deux représentants du cinéma chiant qui cassent leur pipe la même semaine : je suis gâté en ce moment ! Je m’offre un verre de bon pinard de Cahors pour fêter l’événement, en solitaire. En temps normal, j’aurais trouvé un ou deux potes pour lever leur verre avec moi, mais là ils se sont tous barrés en vacances, les lâches, les traîtres… je leur pardonne parce qu’ils sont mariés : ils doivent faire des concessions.

    *

    S’il y a bien quelque chose que je ne pardonne pas au cinéma, c’est d’être ennuyeux. Superficiel, passe encore, c’est dans sa nature, mais quand par-dessus le marché le cinéma est rébarbatif, ça devient une vraie torture.
    Si les démocrates s’efforcent de convaincre que l’art DOIT être philosophique et ennuyeux, c’est en réalité parce qu’ils ne savent pas faire autrement que philosophique et ennuyeux.
    Certes, l’art nazi est emmerdant, mais l’art démocratique l’est encore plus.

    *

    Je suis de ceux qui pensent que le cinéma atteint son apogée avec les frères Lumière, ou avec Buster Keaton si on veut. Déjà chez Chaplin, il commence à y avoir des longueurs. Idem pour la photographie, il y a Nadar et puis plus rien ; Nadar, avant de se recycler dans la photographie, était caricaturiste ; ça explique pourquoi, mieux qu’un autre, il arrive à faire passer la photo pour une production artistique. Cartier-Bresson aussi était artiste d’abord, mais d’un niveau très inférieur à Nadar ; autant dire que pour Cartier-Bresson, le recyclage était obligatoire ; et puis la morgue de Cartier-Bresson est insupportable, tandis que Nadar était un brave type.
    Après, dans le cinéma, il y a quelques rares types un peu malin qui parviennent à s’adosser à une technique littéraire ou à une œuvre littéraire et à faire une transposition - en général un pastiche - passable. Je ne pense pas ici à Godard, Godard n’abuse que les gogos avec son discours, ses films, eux, sont mortellement rasoirs et vains.

    *

    Même comme spectacle, comme pur divertissement, le cinéma est très limité. L’autre jour, j’ai regardé quelques minutes de ce film, Casablanca, sur Arte, ce film qui passe pour un chef-d’œuvre immortel du “7e art”, comme ils disent. De l’eau de boudin… Une bluette jouée par des acteurs médiocres sur fond de propagande hollywoodienne, voilà ce que j’ai vu ; et qu’est-ce que ça traîne ! Dès les cinq premières minutes, on a tout pigé de la psychologie des personnages et de l’intriguette. Et l’actrice principale n’est pas mon genre. J’ai coupé court.

    Un autre exemple : La Passion de Mel Gibson. Je ne serais pas allé voir ce truc seul, mais une belle Américaine (du Sud, bien sûr), a insisté pour que je l’accompagne, en utilisant des arguments quasi-religieux. Ah, et puis le truc d’entendre des acteurs parler latin, vu que les acteurs de cinéma ont souvent du mal à parler leur langue maternelle correctement, je me suis dit que ça pourrait être drôle. Quel nanard ! La moitié de la salle poussait des cris en voyant le sang qui giclait dans tous les sens, y compris (surtout) l’Américaine, qui a même dû aller se remaquiller après aux toilettes. Cette débauche de jus de tomate ne m’a fait ni chaud ni froid. Une simple petite bagarre de rue dégage plus d’émotion que cette torture de cinoche. Pour suggérer la vérité ou la beauté, un acteur de théâtre dispose de beaucoup plus de moyens.

    Pourquoi, dans ce cas, ces longues queues devant les cinémas, dira-t-on, ou cette affluence devant les "bacs" de dévédés ? Dame, c’est que les gens vont où on leur dit d’aller, surtout en démocratie. Quant aux Américaines, mieux que les Françaises encore, elles savent pleurer sur commande.

  • Drieu et moi

    À la bibliothèque, je tombe sur le Journal de Drieu La Rochelle (1939-45). Sur la page de titre intérieure, un "résistant" a rajouté au stylo bille après “Journal” : “…D'UN TRAÎTRE !” - pour prouver que l’esprit de résistance n'est pas mort en France.
    Ça me décide à louer Drieu. J’avais reporté jusqu’ici cette lecture, estimant que j'avais trop de choses en commun avec cet écrivain, notamment le fait d'être et de me sentir “Français de souche”, comme lui. Disons que Drieu n’était pas une priorité, ma curiosité me pousse plutôt en effet vers des écrivains au tempérament sensiblement différent du mien comme Chardonne, Diderot, Waugh, Céline, Marx, Simone Weil…
    Ça ne fait rien, je m’amuserai avec le “Journal” de Drieu au jeu des sept différences.

    *


    L’avertissement de Pierre Nora confirme ce que je pensais de ce type, à savoir que ce n’est pas la moitié d’un hypocrite ! Il défend la liberté d’expression en justifiant le lynchage des historiens révisionnistes, il publie Drieu “pour qu’on puisse mieux le juger”, tout en le condamnant dès la préface. On peut penser : « Mais au moins il le publie… » ; je ne crois pas à cette ruse ; s’il y a ruse de la part de P. Nora, c’est pour mieux se mettre, lui, en avant, et prendre une pose “voltairienne”, ce qu’il n’est pas ; pas plus que Voltaire, d'ailleurs.
    Pauvre Drieu, il aurait été furieux qu’on lui impose un tel “préfacier”. Mais on ne se suicide qu’une fois.

    Le mot “couverture” prend ici tout son double sens puisque l'éditeur a choisi une photo qui montre Drieu en compagnie de Brasillach et de deux officiers allemands.

    PS : Je ferme momentanément ma “boîte à messages”, n’ayant pas ces jours-ci le temps de répondre un petit mot gentil à chacun, comme d’habitude, ou presque. Surcroît de travail : je prépare avec un pote un "calendrier réactionnaire" illustré pour 2008.

  • Paris libre

    L’abstinence, la chaleur orageuse, l’exode des bobos, remplacées par des Allemandes, des Tchèques, des Japonaises, tout ça fait que je suis victime d'hallucinations en ce moment. Plusieurs fois par jour.

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  • Coexistence pacifique ?

    J’aime la femme à la peau de serpent qui prestement se décale afin de se placer entièrement dans mon champ de vision. Profil parfait de haut en bas.
    Pas tout à fait un animal : elle sait jouir de sa propre beauté qui se reflète dans mes mirettes ; pas tout à fait un être pensant non plus : elle a obéi à un mouvement instinctif, plus fort qu’elle, plus fort que son planning de femme libérée. Nitche admire l’instinct. Le surhomme de Nitche est une femelle. Sa mère ?

    Les femmes idiotes vont aux hommes qui savent apprécier les femmes idiotes ;
    les femmes intelligentes vont aux hommes qui ont besoin de renfort ;
    les femmes masculines vont aux hommes qui aiment se faire marcher sur les pieds ;
    les femmes belles vont aux hommes qui savent louer leur beauté.
    Après, tout peut arriver : une idiote peut devenir intelligente, car de l’idiotie à l’intelligence féminine, il n’y a qu’un pas ; une belle femme peut perdre sa beauté, une femme masculine peut virer sa cuti - les femmes intelligentes, elles, réservent peu de surprises.
    Une femme idiote, belle et intelligente à la fois ? Fiction, poésie. "Le prince charmant n’existe pas", comme elles disent.

    « - Vous permettez ? Je voudrais vous dire deux choses : une chose agréable et une chose désagréable ; je commence par la chose agréable : vous possédez une beauté rare, comme on n’en rencontre qu’une fois par an aux États-Unis, une fois par mois en France, une fois par semaine en Allemagne, une fois par jour à Prague. Mais, quand on est belle comme vous l’êtes, on n’a pas le droit de se fringuer comme ça, avec un jean et un débardeur orange. »
    Voilà, je l’ai laissée un peu interloquée ; les femmes le sont pour pas grand-chose. Mon tort c’est de continuer à leur adresser la parole.

  • Austérité

    Dans mon régime austère, je m’autorise quand même à me beurrer la gueule une fois de temps en temps et à fumer du bon tabac quand quelqu’un m’en propose, ce qui est de plus en plus rare. Les régimes trop stricts, c’est pas bon, et puis le vin et le tabac “humanisent” un peu cette foutue société de consommation de bobos évolutionnistes de mes couilles gonflées à bloc.

    C’est du côté des femmes que je me sens le moins rassuré. Une vraie femme, il y en un peu moins en ce moment qui prennent ce chemin à l’âge de la puberté, une vraie femme sait déchiffrer dans le regard d’un homme, a fortiori d’un lapin comme moi, depuis combien de temps il n’a pas baisé. En fonction de cette information que vous lui livrez, malgré vous, elle adopte une stratégie différente.
    - Votre dernier coup de rein remonte à la veille ?… alors elle se montrera accommodante, jouera peu de ses appâts ; désarmée, elle insistera sur les sentiments, qui ne sont pas son premier réflexe, et elle se montrera “maternelle” pour mieux vous embobiner.
    - Au contraire, si vous vivez dans l'isolement le plus complet depuis des semaines, des mois, des années, poursuivant tel ou tel graal, là si une vraie femme veut vous mettre le grappin dessus, vous ne trouverez votre salut que dans la fuite ou dans le fameux "coup de saint Antoine" (les créationnistes comprendront).

    C'est pour ça que je ne suis pas rassuré et que je fréquente de plus en plus les piscines de la rive gauche, où on rencontre peu de vraies femmes. Il m'arrive aussi d'aller courir au Bois de Boulogne, pour chasser le stress.

  • Manque de sang-froid

    Pour ne pas ajouter à la servitude du monde contemporain d’autres dépendances, j’ai décidé il y a quelques mois d’arrêter de baiser, de fumer et de boire, pour voir l’effet. Peut-être était-ce après avoir lu une page de Baudelaire ? Je ne sais plus très bien, ça n’a pas été une décision franche, nette et signée, je n’en ai parlé à personne.

    Ça m’a demandé un effort moins grand que je ne pensais. Le contrecoup, c’est que je suis assailli, dès que je ferme l’œil pour prendre un peu de repos par des rêves de bacchanales pas ordinaires - pas exactement le genre boîte de nuit, musique techno et boule à facettes. Mais cela cesse dès que j’ouvre l’œil. Les rêves sont plus vrais que la réalité : c’est dingue, si je pouvais me payer les mêmes grands crus que je bois dans mes rêves, et les mêmes havanes, je crois que je me remettrais à boire et à fumer sur le champ !

    *

    Achtung, je ne me prends pas pour un samouraï pour autant, ni pour le “surhomme” de Nitche, cette tapette dégénérée.
    Je n’aurais sans doute pas pu être moine. Quand je me suis posé la question de choisir ou pas ce métier, j’étais adolescent, je me trouvai dans un monastère assez sévère, justement, chez le portier. La cloche a sonné. Le portier est allé ouvrir. Deux femmes presque entièrement nues sont entrées, vêtues seulement de shorts et de petits soutifs multicolores. Les murs pâles et la fraîcheur du cloître faisaient ressortir leur teint hâlé. La mère et la fille ; elles voulaient voir un moine pour de bon au moins une fois dans leur vie.
    Il y avait bien un écriteau sur le portail exigeant une tenue décente de la part des impétrants, mais ces deux blondes-là ne se jugeaient pas indécentes du tout, elles étaient presque innocentes. Le frère portier a fait preuve d’un sang-froid admirable. Il les a laissées mater un coup gentiment à l’intérieur de l’abbatiale, écouter un peu de grégorien, et puis il les a renvoyées à leur circuit touristique, sans se douter qu’il venait d’anéantir ma vocation religieuse.
    Je sais bien que ce qui me permet de “tenir”, c’est de savoir que je peux recommencer quand je veux. Je ne suis pas encore vraiment épris de ma liberté. Je ne m’attends pas à l’être au bout de quelques mois seulement. L’amour de la liberté est un truc surnaturel.

  • La bonne définition

    Parfois un pharisien, l’air d’un qui revient de loin et qui en a vu d’autres, pose cette question qu’il croit être un piège : « Mais au fait, qu’est-ce que la décadence ? »

    Ce ne sont pas les images qui manquent dans la littérature pour illustrer la décadence. Antoine Blondin suggère une plage ensoleillée, recouverte de corps de juilletistes ou d’aoûtiens en décomposition. Une route de montagne bouchée par des vacanciers qui se rendent aux sports d’hiver est tout aussi évocatrice. La décadence n’est pas saisonnière.
    Ou encore le couronnement par l’Académie française d’un roman écrit en langue barbare, l’“imprimatur” que des autorités religieuses ont pu lui décerner.
    Ou encore cette image d’un “adulte” qui lit Harry Potter dans le métro, tellement absorbé par ces histoires de collégiens et de sorciers qu’il rate sa correspondance.

    Avant qu’ils ne soient détruits, les orgueilleux gratte-ciel géométriques de Manhattan, comme l’a fait remarquer M.-E. Nabe, étaient un symbole de la décadence, de la décadence satisfaite d’elle-même.
    Nulle part ailleurs qu’aux États-Unis l’image de la décadence n’est plus frappante, car le spectacle de la nature, encore largement vierge, la fait ressortir par contraste. À côté d’une sierra profonde bordée de lacs immenses, un casino en béton où des ménagères s’empressent d’aller dépenser leurs salaires d’esclaves. À côté d’une forêt vertigineuse et silencieuse, un “mall”, un hypermarché où tous les indigènes font leur shopping, font la queue devant le cinéma, mangent des sandwichs, se regardent dans le blanc des yeux. Et les cours de la Bourse qui s’affichent sur des écrans géants lumineux en guise de destin.

    Mais aux États-Unis, fondés sur les débris de vieilles civilisations et de grandes déclarations hypocrites qui ont abouti très vite à une guerre civile sanglante, au nom de l’abolition de l’esclavage, dans le but pour les États du Nord de s’approprier les richesses et la main d’œuvre du Sud coûte que coûte, aux États-Unis la décadence, le mélange intime de pornographie et de puritanisme viscéral, d’hygiénisme, le vice blanchi par l’argent, ce tour est assez “logique”, était prévisible, sauf pour les “libéraux” imbéciles.

    La décadence en France est bien plus “scandaleuse”. Donc, lorsqu’on me demande ma définition de la décadence, je réponds de préférence par cette phénoménologie marxiste : « Il suffit d’écouter Bernard Arnault parler d’art. »
    Et comme je ne suis pas plus contre le clan Sarkozy qu’un autre clan, j’ajoute que le discours d’Arnault et celui de Pinault sont parfaitement interchangeables ; je défie quiconque de distinguer les deux styles.

  • À la baisse

    Je le redis, je tiens Michel Houellebecq, non pas tant pour un grand écrivain que pour un grand acteur, bien supérieur à Michel Serrault, qui en faisait des tonnes, à vous dégoûter du théâtre.
    Un grand acteur “moral”. Car le talent de Houellebecq consiste à faire bien voir, en quelques minutes seulement, par comparaison, en quoi consistent les autres acteurs de la télé, BHL, Sollers, Karl Zéro, etc., ou ceux qui l’ont interviouvé, Laure Adler, Thierry Ardisson* : des seconds rôles minables. On pourrait dire aussi des figurants, des “utilités” ; à quoi servent-ils ? Mais, pardi, à combler le silence qu’il y aurait à la télé s’ils n’étaient pas là pour boucher les blancs ; comme la cassette (ou le dévédé) qui transforme votre poste en aquarium, en clapier ou en boule à facettes.

    *

    En revanche, plus je lis Baudelaire et moins je vois le rapport qu’il peut y avoir entre Baudelaire et Houellebecq, bien que celui-ci se dise ému par la poésie de Baudelaire. Je me pose la question : Houellebecq a-t-il vraiment lu Baudelaire ?
    À moins de le lire comme une parodie, ce qu’il n’est pas, le discours existentialiste de Houellebecq, fait d’un mélange de supersitions évolutionnistes, de dégoût de l’Histoire, de repli sur soi, est assez éloigné de Baudelaire. Jusqu’à la misogynie de Houellebecq qui me paraît étrangère à celle de Baudelaire, très réfléchie. Toutes les niaiseries qu’on peut lire dans Biba ou entendre dans la bouche des prêtres conciliaires qui préparent les fiancés au mariage, toutes les niaiseries sur la “communication dans le couple”, Baudelaire les anéantit en quelques sentences cinglantes.
    Schopenhauer et ses caniches, oui, je les retrouve chez Houellebecq, mais Baudelaire, où est-il ?


    *J’ai longtemps fait preuve de faiblesse vis-à-vis d’Ardisson, comme de Beigbeder, en raison de leur cynisme, qui me paraissait moins brutal à tout prendre que la franche épaisseur de Guillaume Durand ou de Finkielkraut, mais depuis que j’ai entendu la productrice d’Ardisson à la radio, Catherine Barma, toute en arrogance, en sottise et en cupidité, j’ai dû revoir mon jugement à la baisse sur Ardisson.

  • Baudelaire contre Harry Potter

    Les gothiques sont sympathiques ! Je ne devrais pas dire ça, vu que mon échantillon n’est pas très représentatif, et puis que, ces derniers temps, les gothiques ont foutu le feu à deux ou trois chapelles en Bretagne et les ont réduites en cendres… Mais n’empêche, je les trouve sympas, surtout les gonzesses, elles n’attachent pas comme les autres bobos un prix excessif à leur petite vertu, elles ne font pas tout un fromage de leur indépendance, elles ne prétendent pas avoir des idées, elles ne font pas de plans. Normal, puisqu’elles sont “antisociales”.
    En principe, je ne suis pas anarchiste, mais dans ces circonstances, l’oppression que fait subir la société capitaliste bobo à tout ceux qui ont un minimum le sens de la liberté, je me sens un peu “gothique” moi aussi. À condition qu’on ne me demande pas d’écouter de la musique de “gothiques”.

    *

    Dans cette histoire des chapelles bretonnes, la société se place du point du vue du patrimoine et crie au scandale. Les incendiaires adorateurs de Satan, aussi minables soient-ils, se placent sans doute à un point de vue sprirituel supérieur.

    Ah oui, ce qu’on peut regretter chez les gothiques, c’est qu’ils se contentent d’un Baudelaire “officiel”, d’un Baudelaire de programme du baccalauréat.

    « Pour que la loi du progrès existe, il faut que chacun veuille la créer ; c’est-à-dire que quand tous les individus s’appliqueront à progresser, alors, et seulement alors, l’humanité sera en progrès.
    Cette hypothèse peut servir à expliquer l’identité de deux idées contradictoires, liberté et fatalité. - Non seulement il y aura, dans le cas de progrès, identité entre la liberté et la fatalité, mais cette identité a toujours existé. Cette identité c’est l’histoire, histoire des nations et des individus. » (“Mon cœur mis à nu”)

  • Créationnisme (11)

    Ce n'est pas seulement Pascal Sevran que le Niger devrait attaquer en justice en raison de ses préjugés évolutionnistes néo-colonialistes, mais tout le paysage audiovisuel français.

    L'évolutionnisme est en effet un des dogmes les mieux partagés par les journalistes qui font désormais la pluie et le beau temps en matière de préjugés et d'idée reçues. Malthus, méprisé des contemporains de Flaubert, bientôt les capitalistes lui attribueront un boulevard.

    Pas plus tard qu'hier, c'est un gugusse, bombardé spécialiste scientifique à Europe 1 (joujou d'Elkabbach, capitaliste pluridéficitaire), qui parle dans sa chronique de notre "proche cousin le singe" d'une voix de ravi de la crèche. Qu'est-ce que ça signifie, "proche cousin" ? Proche par la ressemblance ? Proche moralement ? Proche dans le temps ? Plus proche que le lynx ou le poisson-lune dans le tronc généalogique des évolutionnistes ? On serait dans une émission religieuse, je comprendrais, mais la chronique est censée être scientifique et un scientifique ne pas prendre forcément ses désirs pour des réalités.

    Le gugusse en question poursuit en détaillant la théorie inepte d'un évolutionniste de Tel Aviv selon laquelle les larmes humaines, provoquées par l'émotion, un de nos "privilèges" par rapport au singe, les larmes ne seraient en fait que le résultat d'une mutation, une adaptation de l'homme à son environnement. Pour expliquer que les larmes constituent un atout dans la compétition entre les individus au sein de l'espèce, l'argument invoqué est tellement foireux et incohérent qu'il m'est impossible de le retranscrire ici de façon cartésienne.

    En dehors d'un historien, Franck Ferrand, tous les journalistes d'Europe 1, à commencer par le directeur, donnent l'impression d'avoir fait leur éducation dans "Pif-Gadget". Chaque fois que j'écoute Franck Ferrand parler sur Europe 1, j'ai l'impression d'entendre le représentant d'une espèce en voie d'extinction.

  • Créationnisme (9)

    Les créationnistes sont bien placés pour savoir que la loi naturelle de sélection des espèces de Darwin, "empruntée" à Malthus, est fausse, infirmée par l'observation des faits par les naturalistes.

    Le "struggle for life", la loi du plus fort, ne permet pas de comprendre l'évolution. Dans l'échantillon infini offert à la curiosité du chercheur, on a trouvé des exemples contraires, d'individus apparemment plus faibles qui survivaient. Ensuite c'est comme si on avait essayé d'harmoniser les faits avec la théorie affaiblie, on a imaginé que ces individus faibles renforçaient l'espèce, le groupe auquel ils appartenaient. Aujourd'hui cette explication ne satisfait plus les scientifiques.

    Le combat de l'art contre la production industrielle, des créationnistes qui pensent de travers contre les évolutionnistes rigides, du dévédé contre le livre, du catholicisme dissident contre le capitalisme, tous ces combats font penser à celui de David contre Goliath : la chute n'est peut-être pas aussi prévisible qu'on pouvait penser d'abord.

  • Le dopage, c'est le capitalisme

    Le dopage est caractéristique des mœurs capitalistes. Le condamner est caractéristique aussi de l’hypocrisie capitaliste… à la française.
    La coexistence de principes de civilisation complètement immoraux et d’un discours extrêmement moralisateur, ce décalage produit des situations mi-bouffonnes, mi-absurdes, comme le mariage homosexuel de Bègles, l’art contemporain, le féminisme, l’avortement industriel, l’écologie, les sites pornographiques qui affichent un label cynique “Nous luttons contre la pédophilie”, etc.
    Ce décalage étrange, cette absurdité qui choque d’abord les âmes sensibles, n’est pas la cause de la décadence, une folie étrange, ce n’est pas “la fin de l’histoire”, ce n’est que le symptôme d’une économie fondamentalement viciée, le résultat d’un engrenage fatal.
    Le matérialisme marxiste permet de voir la force de cet engrenage économique et social. Contre cet engrenage, les sermons sur la “loi naturelle” ne peuvent rien. L’intelligence même, c’est-à-dire la meilleure compréhension de la réalité possible, loin des discours philosophiques, ne peut suffire. Mais le matérialisme permet de prendre la mesure de la force de cette réalité, de mieux saisir le sens de l’esclavage actuel.
    La “dissidence”, qu’on peut compter sur les démocrates-chrétiens pour transformer en simple discours philosophique, n’est cependant plus du domaine du discours, mais de l’action, ne serait-ce que de l’action passive : cette dissidence a besoin d’être éclairée.
    Le sentiment d'impuissance qu'éprouve la poignée de dissidents qui manifeste tous les ans contre l'avortement, contre toute la société, ce sentiment d'impuissance n'est pas infondé. Mais il n'est pas plus justifié de penser que le capitalisme et la démocratie dureront mille ans, ou ce genre de slogan publicitaire.

    *

    Pour revenir au sport capitaliste, que fait-on en France ? On condamne hypocritement des champions cyclistes étrangers relativement obscurs, tandis que Zidane, demi-Dieu de l’Olympe, peut raconter naïvement et en toute quiétude dans des intervious comment il se dope sur les conseils de Johnny Halliday.
    Des crétins de philosophes, le genre à être invités sur les plateaux de télé, ont même pu voir en Zidane un “artiste”, invoquer la “beauté du geste”… Outre que Zidane faisait partie des footballeurs les plus lourdingues, que c’était visblement un des moins “aériens”, ce qui prouve l’esprit moutonnier de ces philosophes, c’est se nourrir d’illusions sur la liberté de Zidane. Plutôt qu’un demi-dieu de l’Olympe, Zidane était un esclave du sport capitaliste, largement dépassé par les “enjeux financiers” - comme disent les capitalistes dans leur langage administratif.

    Aux États-Unis, on a choisi depuis longtemps d’autoriser le dopage, afin de laver le sport du soupçon de tricherie. Le cycliste Armstrong n’avait certainement pas l’impression d’être un tricheur. Il devait se dire que les Français étaient des communistes un peu tarés.
    On peut le comprendre. Les organisateurs du Tour de France n’ont pas les moyens de s’opposer à la mondialisation, en l’occurrence au pouvoir de l’Union cycliste internationale, qui lui impose des coureurs manifestement dopés.
    En outre, le discours moralisateur contre le dopage est tenu principalement par des médias qui sont responsables pour partie de ce dopage, des médias qui ont rendu l’épreuve encore plus inhumaine. Le Tour est organisé en fonction des horaires de diffusion de l’épreuve à la télévision et des recettes publicitaires qui constituent l’essentiel des bénéfices. La seule façon de sortir de cette impasse serait d’organiser un Tour de France où les compétiteurs et leurs équipes auraient d’abord une ambition sportive. Dans un monde capitaliste, c’est inconcevable.

    Le paradoxe français, nous sommes le seul pays au monde à lutter un minimum effectivement contre le dopage, le paradoxe français tient au fait que cette vieille idée aristocratique qu’en sport l’“essentiel c’est de participer”, cette vieille idée réactionnaire, bien qu’elle ait été vidée de son sens, n’est pas encore complètement morte. On n’efface pas en quelques dizaines d’années de démocratie et de capitalisme des siècles de culture aristocratique.
    Elle tient aussi au fait que la France est le seul pays occidental en mesure de tenir encore un discours concurrent du discours libéral yanki. L’Allemagne est décentralisée, et elle s’émancipe à peine de la tutelle yankie. Quant au Royaume-Uni, même si la famille royale, forcément, traditionnellement a un net penchant “européen”, les gouvernements libéraux de droite et de gauche mènent une politique constante de double-jeu. Leur intérêt capitaliste est de se ranger aux côtés des États-Unis, afin d’en tirer un maximum de bénéfices au plan de la croissance, et simultanément de ne pas se couper complètement de leurs voisins européens qui, pour l’instant, se montrent incapables d’imposer un choix au Royaume-Uni. On a fait de Tony Blair un dirigeant qui avait “choisi” d’engager les forces britanniques dans le piège irakien ; c’était lui faire beaucoup d’honneur, Blair n’était qu’un exécutant aux ordres de la City.

  • Revue de presse (X)

    Interviou de Mgr Fellay dans le quotidien Présent (21 juillet) :
    - Vous n’allez pas réagir à la publication du Motu proprio de Benoît XVI [autorisant la messe en latin] ?
    - Si ! En remerciant, et en reconnaissant la beauté du geste. Voilà ! Que voulez-vous de plus ?
    Je tenais Mgr Fellay, après avoir lu certains de ses libelles contre Vatican II pour un théologien, un philosophe, bref un idéologue patenté. Je dois dire qu’en l’occurrence, il fait preuve de bon sens politique. Le motu proprio est en effet un non-événement, surtout pour le chef d’une petite armée de prêtres qui disent DÉJÀ la messe en latin.
    Mgr Fellay vient donc juste de remporter une petite victoire, symbolique, sur les détracteurs de Mgr Lefebvre. Pourquoi irait-il après cette victoire se soumettre à des adversaires, qui, en France, l’attendent non pas comme le fils prodigue, ce qui dans leur mentalité serait logique, mais qui l’attendent, lui et ses soldats, comme des parias, des fachistes en soutane ?
    Ça serait bien bête de réagir sentimentalement au motu proprio de la part d’un chef qui a la responsabilité d’un groupe.

    *

    À la fin de l’interviou, Mgr Fellay ne peut s’empêcher, l’homme est ainsi fait, sans doute, de retomber dans un propos idéologique :

    « Nous savons que la ligne actuelle est issue de la philosophie allemande, elle voudrait déboucher sur une synthèse au sens hégélien du terme. C’est la question à laquelle aboutit le pape actuel, une conclusion qui est franchement explosive pour l’intelligence (…). »
    Il est vrai que la philosophie allemande, très en vogue actuellement, est une des philosophies les plus vaines que l’Occident ait produite, qui ramène à ce que le Moyen-âge a produit de moins lumineux. Mais Hegel est certainement un des représentants les moins bêtes de la philosophie allemande. Comme parangon de crétinisme, il eût fallu plutôt citer Kant ou Nitche.
    D’ailleurs l’accusation va mal à Benoît XVI, car celui-ci fait au contraire des efforts pour s’extraire de la philosophie allemande (Toujours enseignée dans les séminaires français, néanmoins, à ma connaissance.) et se tourner vers la pensée dynamique grecque.
    Pour ce qui est de la dialectique elle-même : le problème n’est pas de synthétiser ce que les deux courants liturgiques ont de meilleur, comme le cardinal Ratzinger avait tenté de le faire dans un ouvrage sur la liturgie, le problème n’est pas cette synthèse en elle-même, mais le fait qu’elle est actuellement impraticable.

    *

    Cette affaire illustre à quel point un regard marxiste plus lucide est indispensable lorsqu’on veut avoir un regard critique. Dans le cas de Mgr Fellay, comme dans le cas de la majorité des évêques de France qui lui sont hostiles, ce sont des raisons théologiques qui sont mises en avant pour refuser la réunification, que Benoît XVI, semble-t-il, assez naïvement, voudrait leur imposer (En politique il ne faut jamais imposer ce qu’on n’a pas les moyens, loin de là, d’imposer.) Or, derrière ces raisons théologiques, on voit nettement se profiler des raisons matérielles, des questions de pouvoir.
    Marx a raison de redonner dans sa dialectique la primauté à la réalité par rapport à l’idée qu’on s’en fait.
    Cette dialectique est à rapprocher des paroles de Jésus-Christ selon lesquelles il est venu sur terre pour les pécheurs ; aussi de ses paroles selon lesquelles l’esprit est fort mais la chair est faible. En s’adressant à ses fidèles comme s’ils étaient de purs esprits, ce qu’a fait l’Église protestante, elle les a livrés au monde, presque tous. Qu’ont fait les prêtres conciliaires ? À peu près la même chose. Or, qu’est-ce que le “monde” pour un catholique révolutionnaire et baudelairien ? Le domaine de prédilection du diable.

  • Les Grecs ont toujours raison

    « Dans l’ensemble, la situation où nous sommes est assez semblable à celle de voyageurs tout à fait ignorants qui se trouveraient dans une automobile lancée à toute vitesse et sans conducteur à travers un pays accidenté. Quand se produira la cassure après laquelle il pourra être question de chercher à construire quelque chose de nouveau ? C’est peut-être une affaire de quelques dizaines d’années, peut-être aussi de siècles. Aucune donnée ne permet de déterminer un délai probable. Il semble cependant que les ressources matérielles de notre civilisation ne risquent pas d’être épuisées avant un temps assez long, même en tenant compte de guerres, et d’autre part, comme la centralisation, en abolissant toute initiative individuelle et toute vie locale, détruit par son existence même tout ce qui pourrait servir de base à une organisation différente, on peut supposer que le système actuel subsistera jusqu’à l’extrême limite des possibilités. »

    Quoi, après avoir réduit l’idéologie démocratique à un doux rêve de crétins par un raisonnement magistral, Simone Weil battrait-elle en retraite pour finir ?!
    Pas exactement. Ayant montré comment les gouvernements eux-mêmes, malgré leurs fanfaronnades, subissent l’oppression et sont emportés par le courant capitaliste, que leur énergie se consume entièrement dans la conquête du pouvoir et dans les efforts pour s’y maintenir tant bien que mal, Simone Weil veut se garder de toute illusion, contrairement à Marx, jusqu’au bout.

    *

    Deux exemples historiques me viennent à l’esprit qui montrent la justesse de l’analyse de Simone Weil (1934) sur l’impuissance quasi-complète des dirigeants.
    L’exemple de l’Europe est frappant. L’Europe politique, tous les dirigeants européens, je veux parler de ceux de l’Allemagne, la France, l’Italie, la souhaitent sincèrement depuis la fin du deuxième conflit mondial et la victoire des Russes et des Yankis ; cette idée s’impose à eux comme une évidence pour parer à la menace soviétique, russe aujourd’hui, et mieux résister à la guerre économique et culturelle que nous livrent les États-Unis. Eh bien, en un demi-siècle, cette ambition est restée lettre morte. Il y a bien eu la monnaie unique européenne, mais celle-ci a quasiment autant d’inconvénients que d’avantages. Pour l’heure, elle est source de conflits entre la France et l’Allemagne. Si on regarde les choses dans le détail, on constate que la réunification européenne se heurte au capitalisme et à la démocratie, plus encore qu’aux efforts des États-Unis et de leur allié britannique pour empêcher la réunification.

    Le deuxième exemple, je le tire de la pochade brillante de François Brigneau sur Mussolini. Brigneau explique bien comment, preuves diplomatiques à l’appui, Mussolini est le seul dirigeant de premier plan à tenter dans les négociations d’empêcher que la deuxième guerre mondiale n’éclate. Hitler, pourtant sensible aux arguments de Mussolini, ancien combattant comme lui, ainsi que les dirigeants britanniques et français, sont comme poussés à la guerre par une force inexorable. Mussolini, après l’échec de ses efforts et avoir tergiversé jusqu’au bout, incertain sur l’issue du conflit et l’intérêt de l’Italie, choisit son camp.

    Simone Weil n’est pas la seule à avoir prédit le déclenchement du conflit mondial, avec anxiété ou effroi, d’autres écrivains comme Montherlant ou Céline ne se faisaient pas plus d’illusion sur le pacifisme des démocraties. Mais, Simone Weil l’a mieux exposé qu’eux, cette force inexorable c’est le capitalisme né de la révolution industrielle. L’hypocrisie démocratique est d’autant plus épaisse, le discours moralisant d’autant plus continuel, que l’économie capitaliste se développe en dehors de toute morale. Le kantisme, le freudisme, l’évolutionnisme, l’existentialisme, le droit de l’hommisme, le féminisme, la théologie du concile Vatican II, toutes ces pensées nulles sont mises en avant. Ce n’est pas un hasard.
    Si on nous impose tous ces philosophes lourdingues, Finkielkraut est pour moi l’exemple le plus frappant, ces philosophes incapables d’une pensée originale - qu’on compare ne serait-ce que Bergson à Finkielkraut et on aura le vertige ! - ce n’est pas un hasard.
    Dans le domaine de l’art, idem, ce sont des théoriciens de l’art contemporain d’une sottise exemplaire qui tiennent le haut du pavé. Alors qu’on est en l’occurrence dans un domaine où des progrès indéniables ont été accomplis. Je pourrais citer dix noms d’historiens d’art sérieux, capables de parler de peinture ; au lieu de ça, qu’entend-on, à la télévision, dans la presse, qu’est-ce qui se vend en librairie ? Des pignolades de guignols. Ce n’est pas un hasard non plus.
    *


    La lucidité de Simone Weil n’est pas du nihilisme. D’abord parce qu’elle le dit bien, le système du gaspillage économique trouve ses limites dans la nature ; tôt ou tard il faut payer sa dette. Il trouve aussi ses limites dans la guerre économique industrielle qui se joue autour des ressources en matières premières. Lorsque les États-Unis auront fini de délocaliser leurs industries, leurs forces de production, leur puissance ne sera plus que théorique. Ils dépendront du bon vouloir de leurs fournisseurs. Or, autant la capacité défensive des États-Unis paraît grande, autant leur capacité offensive s’est montrée faible.
    Refuser de voir le risque du chaos à venir n’est certainement pas la meilleure façon de l’éviter ni d’être un homme qui exerce sa liberté de pensée. Comme dit Simone Weil, l’effort d’analyse critique permet à celui qui l’entreprend d’échapper à la contagion de la folie et du vertige collectif, en renouant le pacte originel de l’esprit avec l’univers.

    Est-ce tout ? On peut ajouter une critique catholique à cette conclusion. En effet, pour Simone Weil, il n’est pas certain que cet effort d’analyse critique profite aux générations à venir, les protège contre les mêmes erreurs. Il y a quand même l’Église catholique. Même si elle paraît complètement “dans le siècle” et se contente de critiques marginales, elle a toujours été le lieu où l’on pense à contre-courant, une sorte de parenthèse. Qui sait si la dissidence, qui commence ici ou là à être évoquée ne sera pas mise en pratique ? L’Église catholique est la seule internationale qui a survécu aux aléas de l’histoire. Sur certains continents elle est loin d’être marginalisée ou absorbée comme en Europe.
    On peut penser qu’en 1934 Simone Weil était encore un peu trop exclusivement “grecque” et qu’elle n’avait pas encore été touchée par la grâce, une force supplémentaire.