Non seulement le clochard en bas de chez moi aime beaucoup Berlusconi, mais avant-hier il me dit, pensant peut-être me taquiner :
« - Moi mon préféré c’est Le Pen, Chirac c’est qu’un baltringue ! Même pas parti qu’on l’a déjà oublié ! » Il pouvait pas deviner, le malheureux… Je lui réponds du tac au tac, ravi de me découvrir ce point en commun avec lui, parce que je trouve que c’est un clochard qui a de la classe, une gueule même, il devrait faire du cinoche. D’ailleurs le boulot d’acteur de cinoche doit être à peu près le seul turbin compatible avec la vocation de clodo.
Bien sûr, je ne choisis pas mes clodos en fonction de leurs opinions ni de leur religion. C’est une pure coïcidence. Mais je dois reconnaître que j’ai le cul bordé de nouilles. Le précédent qui aimait bien causer avec moi, c’était un ex-Allemand de l’Est viscéralement anticommuniste. Le seul hic, c’est qu’il aimait le football et qu’on s’était mal compris au début. Il avait cru que moi aussi j’étais supporteur de foot (!?). Du coup, il me donnait tous les samedis les résultats détaillés de tous les clubs européens, pas moyen de le stopper. Il faut savoir que le supporteur de foot allemand n’a rien à voir avec le supporteur de foot français qui se contente lui en général de blablater avec opportunisme sur les “passements de jambe” et autres “roulettes” de son cher “Zizou” - cette blague. Non, le supporteur allemand, il connaît vraiment le foot. Hélas.
Du tac au tac, je réponds donc à mon clodo classieux : « Exactement comme moi, c’est aussi Le Pen mon préféré !! Il me fait bien marrer. Et puis c’est le plus cultivé. Et la politique, faut la fonder sur la culture, pas vrai, sur quoi d'autre sinon ? » Non, là je déconne, je me vois mal faire chier un clodo en train de faire la manche avec un discours d’instit' à la noix.
Pour Berlusconi, j’avais pas réussi à savoir vraiment pourquoi il l’appréciait autant. Là, j’ai insisté un peu.
« - Tu penses bien, je passe la journée à écouter la radio, alors je suis au courant de ce qui se passe dans ce foutu pays, j’ai le temps d’y réfléchir ! »
Réflexion faite, je me demande si mon clochard lepéniste est vraiment un cas si isolé que ça. Si ça se trouve, Le Pen cartonne chez les clochards. Plus j’y pense, même, moins l’hypothèse d’un clodo jospiniste ou même sarkozyste me paraît probable. Peut-être Ségolène en fait-elle rêver certains quand même aussi… Sauf que les clodos sont souvent très misogynes, j'ai remarqué. Beaucoup affirment qu'ils se sont retrouvés à picoler et à mendier dans la rue "à cause d’une femme". Mon clochard dit pas ça, lui, il se plaint pas d'être avec sa femme et ses valises dans la rue.
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À cause d'une femme
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Déception sentimentale
Deux heures dans la flotte à tenter de capter l’attention de deux gonzesses. Une brune et une blonde, grandes nageuses souples, bien en rythme. Impossible de les ignorer, difficile de les départager.
La brune a un regard plus suggestif et des formes plus féminines, je lui donne l’avantage au début. Mais la blonde a des hanches “médiévales” et un regard juvénile très attrayants aussi, tout compte fait.
Elles ont bien remarqué mes mimiques mais j’ai du mal à évaluer ce qu’elles pensent au fond. Elles décident de nager avec des palmes, ça accentue leur côté animal. Aujourd’hui que je suis devenu plus exigeant sur la beauté des femmes, que je me suis formé le goût en fréquentant les piscines et les musées, je ne sais pas si je pourrais être séduit par une qui ne sait pas nager.
Je me plais à penser que j’effarouche un peu ces deux dauphines. C’est plus excitant comme ça. Rien de plus déprimant que ces filles qui jouent les affranchies. D'autant qu'en général c'est pour cacher des complexes, elles n'ont rien dans la culotte devant l'obstacle.
Bien sûr, la brune et la blonde m’ont remarqué. Ce genre de filles est doté d’un détecteur de regards. Je m’amuse d’ailleurs parfois à jouer avec leur sonar dans la rue. Mettons que je sois à quarante mètres derrière une jolie fille par exemple, à cinq heures pour elle. J’envoie alors un regard brûlant sur sa nuque, ses reins ou le creux de ses genoux, un point sensible. Presque à coup sûr son sixième sens va l’avertir que je la mate, elle va ralentir, tourner la tête à gauche, à droite, pour tenter de discerner de qui vient le coup d’œil. En général elle va finir par trouver, quitte pour ça à chasser toutes ses préoccupations du moment - sauf si je m’amuse à la faire tourner en bourrique, à me décaler à sept heures pour la désorienter, ce genre de blague un peu puérile, j’en conviens. Ensuite elle va réagir. Si elle juge l’auteur du coup d’œil plutôt laid, la jolie fille le rangera dans la catégorie des “vicelards psychopathes”, et elle pressera le pas. Si elle le trouve au contraire bien proportionné, elle ralentira, cherchera à se mettre plus en valeur encore.
Lorsqu’une fille est en train de traverser un boulevard, ce petit jeu peut s’avérer dangereux, c’est la seule réserve que j’émets (Quoique rive gauche à Paris, parfois je ne me gêne pas pour essayer de faire écraser une de ces pimbêches qui vont lire Beigbeder ou Nothomb au Luxembourg). Depuis qu’ils ont fait une petite expo sur Jacques Perret, je vais plus souvent chez Gibert. Il m’arrive encore de choisir mes bouquins à la Fnac, mais je les achète chez Gibert (Je n’aime pas quand on me dit ça, mais c’est vrai que j’ai un côté “gauchiste”.)
Je décide d’attendre mes deux naïades à la sortie de leur vestiaire. À Paris, dans certains quartiers où la proportion d’Arabes est relativement forte, les vestiaires ne sont pas mixtes. Merde, je me rends compte que ce sont deux gouines ! Elles s’engouffrent dans le métro en se tenant étroitement enlacées par le cou. J’avoue que suis trop timide pour draguer des gouines, deux d’un coup en plus. Dire que j’ai passé deux heures à miser sur deux gouines ! À moins que ça ne soit une nouvelle stratégie des jolies filles qui se baladent seules en métro la nuit pour écarter les gros lourdauds dans mon genre ? Avec les féministes, faut s’attendre à toutes les ruses. -
Illustration
Pour illustrer le propos de Baudelaire, il y avait l'autre jour réunis au musée Pompidou pour la télévision, sous la houlette de Guillaume Durand, érigé par le "service public" en parangon de culture démocratique, quelques-uns des représentants de l'art contemporain officiel. Administrateurs de musée, politiciens, industriels-mécènes, designer, etc.
Le petit-fils de Picasso était même de la partie, Olivier, au cas où la caution de ces beaux messieurs en costard-cravate paraîtrait insuffisante à quelque téléspectateur rétif. Le petit-fils du grand homme a manifestement hérité du talent le plus indiscutable de son grand-père, je veux parler de sa ruse.
Heureusement, Arlette Laguiller aussi était présente sur le plateau, instillant une fois de plus une note de franchise dans un débat cauteleux. Elle a fait part de son enthousiasme pour tous les peintres, pourvu qu'ils soient peu ou prou soviétiques. Ouverture d'esprit vis-à-vis des staliniens.
La seule remarque un peu sensée fut à mettre au crédit du Professeur Claude Allègre. Il tenait à souligner l'influence du progrès technique et scientifique dans l'évolution des beaux-arts. J'ai pensé : c'est toujours mieux que les beuglements d'admiration de Guillaume Durand devant des peintures sophistiquées - ah, ces peintres se démènent pour tâcher de recouvrer la spontanéité de l'enfance... On est en droit de se demander s'ils ont jamais été enfants.
Indubitablement il y a de la culture scientifique chez Claude Allègre, et il m'évoque un de ces esprits systématiques du XIXe siècle que Baudelaire se fait un devoir d'insulter quand ils s'échappent de leurs laboratoires pour donner des leçons en extrapolant leur savoir microscopique. Bien sûr, un tel esprit positiviste ne peut imaginer que l'influence de la technique ne soit forcément bénéfique. Pourtant, dès le XIXe siècle, Géricault et Prud'hon se sont fait piéger par le bitume. Ils se sont jetés sur ce nouveau matériau d'apprêt un peu sombre mais bon marché. Mal leur en a pris, leurs oeuvres sur bitume n'ont jamais séché. Sans le soin maniaque des conservateurs affectés à la surveillance de la Méduse, il y a longtemps qu'elle aurait complètement coulé.
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Nul n'est parfait
Baudelaire vitupère donc les "modernes professeurs-jurés d'esthétique". Il veut mettre, lui, dans sa contemplation des nouvelles oeuvres proposées à la curiosité du public parisien, le moins de doctrine et d'esprit systématique, bien au contraire, autant de "modestie" qu'il est possible. Et il lâche incidemment cette phrase modeste : "Il m'arrivera souvent d'apprécier un tableau uniquement par la somme d'idées ou de rêveries qu'il apportera dans mon esprit."
Nul n'est parfait, et tout le monde peut se tromper, surtout lorsqu'il veut exprimer des choses positives, bien au-delà des lieux communs circulaires, c'est le sens principal de cette déclaration de principe.
Baudelaire prend des risques à parler clair et il le sait. Il ne pouvait prévoir EXACTEMENT l'avènement d'un race d'ânes bâtés de philosophie, dépourvus d'idées, et surtout de rêveries, qui, singeant le dandysme baudelairien, tireraient de cette manière de contempler la peinture une doctrine systématique permettant de disserter en charabia sur N'IMPORTE QUEL support ou sujet, en vue de toucher un salaire à la fin du mois : "ANYTHING CAN BE A WORK OF ART. WHAT MAKES IT A WORK OF ART IS THAT SOMEONE THINKS OF IT AS A WORK OF ART."
Nul n'est parfait, ça n'empêche qu'on peut être parfaitement nul.
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L'indulgence de Baudelaire
En préambule à ses "contemplations" de morceaux de Delacroix, Ingres, Chassériau, Guys, Daumier, Decamps, Catlin, Vernet, Chenavard... pour s'en tenir à des "illuminations" de Baudelaire, celui-ci tient à dire tout le mal qu'il pense de "la science barbouillée d'encre" des philosophes et des professeurs, tout le mal que le verbiage critique fait à la peinture.
Baudelaire ne manque pas non plus d'égratigner au passage Diderot, son fameux prédécesseur, inaugurant le genre délicat, un siècle plus tôt, de la description des nouvelles peintures exposées au Salon de Paris pour L'Année littéraire, la revue de son "ami" Grimm : "Gribouillage" est le terme dont se servait un peu légèrement ce brave Diderot pour caractériser les eaux-fortes de Rembrandt".
Baudelaire aurait pu être plus cruel avec le philosophe, tant l'aveuglement de celui-ci est grand. Diderot n'hésite pas à transformer par ses conseils son ami Greuze en illustrateur, en graveur de mode républicaine, alors que les dessins de Greuze donnent la mesure d'un talent plus rare. L'"universalisme" de Diderot consiste souvent à porter des jugements péremptoires dans tous les domaines, y compris ceux qu'il a à peine explorés et dont il ignore tout. En celà il préfigure le journaliste moderne ou le citoyen du monde casanier.
Je touve donc somme toute Baudelaire assez indulgent avec Diderot. Sa réserve s'explique peut-être par le fait qu'il entrevoit l'avènement d'une race de critiques incommensurablement plus mesquins que Diderot. En effet que lorsque Diderot laisse enfin parler son coeur, il est capable d'appréciations sensibles. Y compris dans le domaine artistique, lorsqu'il fait part de son enthousiasme pour les marines de Joseph Vernet, en dehors des schémas de pensée moraux du philosophe.
Moi-même, j'ai un peu de sympathie pour ce brave Diderot, parce qu'il n'est pas entièrement philosophe. Il a parfois des élans de sincérité qui sont touchants.
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Engouement
L'engouement actuel des ados pour Baudelaire a peut-être quelque chose de providentiel ? Je suis encore trop jeune pour faire la sortie des lycées, mais on m'a parlé de cette nouvelle tendance, et j'ai pu la vérifier auprès d'une ou deux pucelles enthousiastes.
Pourvu que les ados sachent encore lire !
"Il est encore une erreur fort à la mode, de laquelle je veux me garder comme de l'enfer", dit en effet le Baudelaire qui ne figure pas dans les programmes scolaires : "Je veux parler de l'idée du progrès. Ce fanal obscur, invention du philosophisme actuel, breveté sans garantie de la Nature ou de la Divinité, cette lanterne moderne jette des ténèbres sur tous les objets de la connaissance ; la liberté s'évanouit, le châtiment disparaît.
Qui veut y voir clair dans l'histoire doit avant tout éteindre ce fanal perfide. Cette idée grotesque, qui a fleuri sur le terrain pourri de la fatuité moderne, a déchargé chacun de son devoir, délivré toute âme de sa responsabilité, dégagé la volonté de tous les liens que lui imposait l'amour du beau : et les races amoindries, si cette navrante folie dure longtemps, s'endormiront sur l'oreiller de la fatalité dans le sommeil radoteur de la décrépitude.
Cette infatuation est le diagnostic d'une décadence déjà trop visible."
Supplique géniale du poète qui n'a pas pu constater comme nous le fiasco sanglant des divers projets "humanistes", projets qui n'ont concouru qu'à la ruine de tout ce que l'homme avait de précieux, à commencer par l'Art. Des ruines encore fumantes. Emporté par son élan, la bêtise humaniste n'en finit pas de faire des ravages sur son passage.
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Beaucoup de sang-froid
A en croire BHL (Bernard-Henri Lévy), dont je parcours exceptionnellement le bloc-notes dans le kiosque d'une gare pour me tenir un peu informé de ce qui se passe au Liban, il y aurait en France un puissant lobby médiatique pro-palestinien, pro-arabe, qui passerait son temps à calomnier Israël. Je pense qu'il fait allusion à Siné, dans Charlie-Hebdo, presque gâteux, mais dont le pouvoir de nuisance reste intact. En effet, les présentateurs des grands journaux télévisés sont très influencés par les critiques de Siné. Leur manière partiale de présenter les faits, accablante pour l'armée israélienne, vient de là. On a vu trop peu d'images de femmes-soldates israéliennes pleurant leur(s) camarade(s) mort(e)(s) au combat !
Accablé depuis Pharaon par les persécutions, le peuple hébreu mériterait de vivre enfin en paix. Au lieu de ça, il est obligé de déployer toute son armée pour désarmer des fous de la roquette qui ne songent qu'à canarder le peuple martyr. Et il est obligé de déployer toute sa ruse pour que son grand-frère yanki, ce gros lourdaud, se décide enfin à renverser Saddam Hussein... comme si la moustache de Saddam ne devenait pas inquiétante pour le genre humain tout entier !
Lorsqu'on est reporter de guerre comme BHL, on est bien obligé de fréquenter des journalistes, mais ça empêche pas de les rappeler à l'ordre lorsqu'ils dépassent les bornes, qu'ils flanquent la déontologie aux orties.
Bien qu'il soit assez fâché de tout ce débordement de bons sentiments imbéciles en faveur des enfants libanais massacrés, BHL, magnanime, permet quand même qu'on discute de la stratégie, de la tactique militaire israélienne. Ouf. J'aurais été frustré, devant mon bock, en présence de mes potes, de devoir me contenter de parler de la pluie et du beau temps. Je ne sais pas grand-chose mais j'ai toujours une théorie en réserve pour distraire mes potes.
Cette théorie, c'est qu'à chaque fois qu'on extrait un macchabée des ruines d'un immeuble démoli par une bombe israélienne, c'est cent vocations de kamikaze qui naissent dans le monde arabe, vu que les gens qui n'ont pas l'agrégation de philo. ont parfois tendance à tenir des raisonnements un peu simplistes. Voilà, hem, si je peux me permettre, la tactique d'Israël ne me convainc donc pas tout à fait.
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Je pleure déjà
Veillé devant ce reportage sur l'avortement diffusé sur une chaîne publique... Retour brutal à la "civilisation".
Quand je parle d'une reprise des hostilités, c'est pas pour l'appeler de mes voeux, mais parce que la propagande ne me laisse aucun répit. Bien sûr, il y a encore de rares pacifistes à officier, comme Franck Ferrand sur Europe 1 ou ce pianiste brillant, Jean-François Zygel, qui propose une nouvelle émission musicale sur France 2, captivante, même pour moi qui préfère le silence... mais jusqu'à quand tolèrera-t-on qu'un Ferrand ou un Zygel se permette de faire ressortir ainsi par contraste la féroce ignorance de ses confrères ?
Le reportage sur l'avortement était précédé d'un film de propagande en faveur du divorce, L'Amour au soleil (B. Botzolakis). A la fin, un couple âgé organise une boum pour l'anniversaire de la petite-fille, et ils en profitent pour annoncer leur divorce programmé. Enlacés. Ils se roulent même une pelle pour bien montrer que c'est par amour qu'ils divorcent, contrairement au préjugé qu'on pourrait avoir. Je me tape sur la cuisse. Je suis sensible au comique de propagande.
Le reportage sur l'avortement était moins drôle - l'avortement du temps où il était illégal, histoire de démontrer qu'on a basculé depuis grâce à mesdames Veil et Neiertz dans un monde meilleur, plus hygiénique. Des femmes qui avaient avorté dans les années cinquante, soixante, soixante-dix, témoignaient. C'est toujours risqué les témoignages, même filmés. Ils auraient dû se contenter de faire parler des femmes qui avaient déjà eu plusieurs enfants. On pouvait comprendre plus facilement les motivations sociales, économiques, de ces femmes. Même si leur mépris pour les avorteurs ou les avorteuses qui s'enrichissaient en faisant un "sale boulot" n'est pas très logique. Elles croient peut-être que les obstétriciens font ça désormais par philantrophie, pour pas un rond ?
Les témoignages de celles qui avaient avorté de leur premier enfant, qui déclaraient que la perspective d'un accouchement les avaient remplies d'horreur, carrément, m'ont laissé perplexe. Le truc frappant c'est qu'aucune ne parle du père, pas même un prénom, elles ne disent jamais "nous", même pas une accusation, un reproche, exactement comme si elles avaient attrapé une maladie se propageant dans l'air. Pas un mot sur leurs rapports sexuels non plus. Pas de contexte. C'est tout juste si l'une d'elle évoquait un vague "plaisir très cher payé".
Là où ça vire quand même au cauchemar, c'est quand l'une, devenue militante active, après avoir elle-même avorté en Angleterre, raconte benoîtement comment elle se faisait un devoir d'assister un chirurgien et de laver dans une passoire les restes expulsés après le curetage, pour montrer à la patiente ce qui ne ressemble en fait qu'à de petits lambeaux de peau, pour la rassurer au cas où elle aurait des problèmes de conscience. Ouais, là, j'ai eu envie de pleurer. Peut-être même que j'ai pleuré, je me rappelle plus. Décidément, je suis beaucoup trop sensible, une vraie fillette.
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Le sexe des moines
A peine trois jours que je suis de retour à Paris et déjà je ne peux m'empêcher d'aborder un sujet trivial : la sexualité des moines.
J'aime bien l'ombre douce des monastères, mais je ne suis pas dupe, je sais que j'ai un tempérament trop... disons belliqueux, pour m'accommoder de vivre en communauté.
L'aptitude aussi des moines à se passer complètement des femmes ne peut que fasciner un misogyne comme moi, imparfait. Bien sûr, il y a parmi ces moines un certain nombre de pédés qui doivent sublimer leur goût sexuel en amitié virile, mais ce n'est pas le cas de tous, évidemment, j'ai pu entrevoir des personnalités plus rabelaisiennes.
Je m'en veux un peu, je le répète, de me poser une question aussi saugrenue sous une voûte romane. Je crois y échapper en me réfugiant dans la lecture au pied d'un chêne-liège. Craignant de ne ne trouver dans la bibliothèque des moines que des ouvrages trop compliqués pour moi, j'ai emporté quelques bouquins persos, les Ecrits sur l'art de Baudelaire, comme je veux réfuter sa distinction par trop arbitraire entre "coloristes" et "dessinateurs", Une Guerre au couteau de J.-P. Angelleli, et Le Siècle de 1914, un essai de D. Venner, le fameux historien-poète-guerrier-autodidacte.
Mais dans l'ébauche de portrait de Delacroix que trace Baudelaire, ce petit extrait me ramène à mes sottes réflexions - quasi-anachroniques :
"Sans doute il [Delacroix] avait beaucoup aimé la femme aux heures agitées de sa jeunesse. Qui n'a pas trop sacrifié à cette idole redoutable ? Et qui ne sait que ce sont justement ceux qui l'ont la mieux servie qui s'en plaignent le plus ? Mais longtemps déjà avant sa fin, il avait exclu la femme de sa vie. Musulman, il ne l'eût peut-être pas chassée de sa mosquée, mais il se fût étonné de l'y voir entrer, ne comprenant pas bien quelle sorte de conversation elle peut tenir avec Allah.
En cette question, comme en beaucoup d'autres, l'idée orientale prenait en lui vivement et despotiquement le dessus. Il considérait la femme comme un objet d'art, délicieux et propre à exciter l'esprit, mais un objet d'art désobéissant et troublant, si on lui livre le seuil du coeur, et dévorant gloutonnement le temps et les forces."
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Reprise des hostilités
J'ai un peu craqué, j'avoue. J'ai fui, je me suis retiré quelques jours en Combrailles, auprès d'un monastère bénédictin. Les psaumes en latin, le silence, l'anonymat, tout ça est réconfortant. Et pas un seul bobo à l'horizon ! La détente complète, quoi.
Paris, c’est très joli, il y a tout ce qui faut, la peinture classique du Louvre, de jolies femmes, de bons restaurants, des librairies, mais je finissais par me sentir un peu assiégé, tout de même.
J’ai pu communier à la “nostalgie du Moyen-âge” des moines, c’est-à-dire l’aversion pour les gadgets et une certaine lenteur indispensable pour accomplir de belles choses. Sauf au réfectoire. Ils bouffent trop vite. C’est mauvais pour la digestion quand on est pas habitué. Très nette cette nostalgie chez certains, surtout le frère Guillaume, venu de l’Arizona, habitué à l’inconfort de la campagne mais pas à l’architecture romane. Pétrifié d'admiration, il est.
Avec ça un peu de “lapining” pour me défouler, ce sport dont je suis adepte depuis ma prime enfance, qui consiste à gambader joyeusement dans les fourrés, par-dessus les clôtures et les rochers, à dévaler les pentes - certains préfèrent l'expression plus martiale d'“azimut brutal”.
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Étuvé
L'aversion instinctive des artisans et des artistes vis-à-vis de la modernité tient au fait qu'elle est très peu fiable et elle complique beaucoup l'existence.
Je veux parler de ces murs en briques ou en béton qui protègent pas de la chaleur : faut installer la climatisation qui tombe en rade une fois sur deux et les centrales nucléaires ne suffisent pas à fournir toute l'énergie que ces stupides machines pompent - on est forcés d'acheter de l'électricité à l'étranger !
La modernité, c'est bon pour les jean-foutres, les gens pas très sérieux, le genre qui se promène avec un i-pod dans l'oreille, ou pour les philosophes encore, qui s'accommodent de tout, qui bouffent à tous les râteliers pourvu qu'on les laisse jouer avec leurs mots-croisés.
La modernité elle s'use très vite aussi, et ça c'est une note d'espoir… Putain, en attendant, qu'est-ce qu'il fait laid ! -
La France en noir et blanc
Petite séance de cinoche hier soir chez moi. Je regarde Le Chagrin et la Pitié de Marcel Ophüls qu'on m'a offert - et vivement recommandé, sachant mes réticences vis-à-vis du cinéma.
Mon alibi c'est qu'il faisait un peu trop chaud pour bosser dans mon appart', surtout après avoir enfourné quatre cannellonis dans mon four hyperpuissant. Quel couillon !
Je regarde ces images d'archive avec intérêt quand même, je dois admettre. On apprend en effet dans Le Chagrin que Mendès-France a beaucoup plus d'humour que Laurent Fabius, mais pas seulement.
On n'en fait plus beaucoup des documentaires comme ça. Ophüls se contente en effet d'aiguiller le spectateur vers ses idées préconçues sur l'antisémitisme viscéral des Français et l'utilité de l'éradiquer en tournant des films, mais il le laisse quand même libre de tirer ses propres conclusions. Tandis qu'aujourd'hui on a basculé dans la manipulation grossière, les bobos applaudissent les tripatouillages de Karl Zéro ou de Michaël Moore (ou de Spielberg, pour les gosses) comme si c'était de véritables "œuvres", on ne se soucie même plus de paraître "objectif". Les cervelles sont préparées, on n'a plus qu'à y déposer les petits principes manichéens qu'on veut et à refermer la boîte.
Avec Ophüls, je me sens encore libre de préférer le personnage de l'ancien capitaine de la wehrmacht qui ne regrette rien, par exemple.
Qu'il regrette rien, jusque-là c'est facile à comprendre : son boulot c'était d'être soldat, et après tout c'est un boulot plus honnête que journaliste ou politicien. Non, là où il m'épate vraiment, mon capitaine, c'est qu'il a le culot de pas céder de terrain face au journaliste qui voudrait bien que le méchant perdant se mette à genoux et balbutie une ppetite repentance toute faite. Allez, ça mange pas de pain et ça donne toujours au gars devant son écran un sentiment superficiel de justice et puis que tout est bien qui finit bien… Niet ! Le type est pas Boche pour rien : la wehrmacht meurt mais ne se rend pas.
Ophüls essaie bien de le rendre caricatural, ce capitaine allemand, et c'est pas trop difficile vu la germanophobie du public français en général, mais il se défend, le bougre, il est tenace, il s'accroche à ses médailles et à sa bravoure. Il regrette que d'avoir perdu la guerre en définitive, et c'est logique. Il trouve pas la civilisation yankie ni la civilisation soviétique qui l'ont vaincu particulièrement édifiantes (Je rappelle que le reportage d'Ophüls date de 1969, depuis quelques voix se sont élevées pour contredire la version en vogue en France à la fin des années soixante selon laquelle l'Union soviétique était en passe de devenir un pays de cocagne laïc.)
L'impression que laisse cette séance est une impression de dégoût, très nette. Dégoût des Français bien plus que des Boches. Même les Résistants sont pas reluisants. Cet ex-colonel fantoche de la Résistance qui emmène l'équipe d'Ophüls sur les lieux de ses exploits passés, dans sa grosse Mercedes, a beau avoir une gouaille paysanne sympathique, en fait d'exploit il se souvient que de la tentative désespérée de trois gamins de son équipe d'échapper aux soldats Allemands. Ceux-ci ont déboulé à l'improviste dans le village tenu par le "colonel", en son absence, pendant qu'il était en vadrouille dans la cambrousse avec son "état-major". Un véritable officier se vanterait pas d'avoir perdu trois "hommes" aussi bêtement.
Il semblerait que l'exaltation du martyre juif puisse pas se faire sans que la France soit traînée dans la boue. -
Dans Paris libéré
Fortes chaleurs. Mais dans Paris enfin libéré des bobos, je respire beaucoup mieux. Je me prends à espérer qu'un tsounami les emporte, eux et leurs gadgets… Si Paris pouvait rester à jamais une ville peuplée de touristes allemandes !
Je ne désespère plus de dénicher la rousse idéale qui posera pour moi, ma "Lizzie". L'idée m'est en effet venue de la remplacer par un nègre. J'en ai repéré un l'autre jour, planté à quelques mètres de sa bagnole d'où sortaient quelques notes d'un rap quelconque, qui ferait l'affaire. Fier comme Artaban, il exhibait son torse nu au soleil sur le trottoir et cette occupation, écouter du rap à poil, n'avait pas l'air de l'ennuyer.
Vu qu'il a l'air assez désœuvré, donc, je vais aller le trouver pour lui proposer de poser pour moi. Je pense pouvoir le convaincre avec une offre assortie de quelques compliments sincères sur son anatomie exceptionnelle - il ne ressemble pas à un de ces singes qui ressortent les muscles déformés des salles de musculation, vous voyez le genre ?
Naturellement, je connais les préjugés que peuvent avoir certains nègres vis-à-vis des pédés, et je n'ai pas l'intention d'aborder ce type sans lui annoncer franchement la couleur, que je n'ai jamais eu envie de me faire enculer ni d'enculer personne et que c'est pas lui, malgré son physique avantageux, qui me fera changer d'opinion.
C'est que si je veux l'amener à se foutre à poil devant moi pour une poignée d'euros, j'ai intérêt à me montrer plus diplomate que d'habitude. Il y en a qui ont des reflets bleus, celui-là en a des rouges. -
Une muse sinon rien
Par cette chaleur, je m’efforce de porter un regard intéressé sur les jolies femmes, ça m’aide à garder mon sang-froid. Suffit que je me pose la question de savoir si telle ou telle aurait l’aptitude pour poser pour une Vierge, une Marie-Madeleine, ou un morceau plus profane, pour que mon enthousiasme retombe un peu. Assez pour pas dire ou faire une connerie.
Celle-ci, en bermuda moulant, alors que je me serais enflammé pas plus tard que l’hiver dernier pour ses yeux, je l’inspecte de la tête aux pieds et je finis par lui trouver une disgrâce, une démarche pataude, des gestes brusques, un truc rédhibitoire. Et comme la rousse idéale, à la fois élancée et charnue, à la peau d’albâtre, ne croise pas souvent ma route…
La petite anecdote qui suit me paraît propre à expliquer à quoi tient la hargne féroce des féministes à l’encontre des derniers misogynes, alors même que les hommes sont réduits désormais à échanger entre eux discrètement quelques vannes vaseuses sur la cupidité ou la jalousie des femmes, voire à noyer ce qui leur reste de virilité dans l’alcool.
Je matais deux jeunes Anglaises dernièrement à la piscine, justement d’un regard froid. Concentré, j’en oubliais tout le reste, j’inclinais la tête, hochais les épaules, croquais ces filles en mon for intérieur - je les soupesais comme on soupèse des modèles dûment rétribués, quand la plus effrontée des deux fonce vers moi, l’air agressif, s’arrête à deux brasses et me somme de lui fournir une explication sur mes regards appuyés en fronçant les sourcils et en encensant pour m’impressionner. J’ai eu qu’une phrase à dire pour désarmorcer le courroux de la miss : « But it’s just because you are pretty! », et la voilà qui se met à glousser et à se rengorger. Et sa copine qui s’y met à son tour, rassurée sur mes intentions purement esthétiques.
Voilà pourquoi les chiennes de garde sont aux abois. Elles savent bien qu’un petit compliment ou un clin d’œil peuvent suffir à démolir tout le féminisme d’une gonzesse. Une femme c’est pas fiable idéologiquement, surtout quand elle est pas laide. Conséquence que je tire : les pires féministes sont des hommes (et parmi eux un certain nombre de prêtres). -
Malgré la canicule
L’empressement de Chirac à se couvrir de la gloire de Zidane à Berlin, puis à se couvrir de l’innocence de Dreyfus à Paris… toute ces déplacements de notre Président, joyeux vieillard ingambe malgré la canicule, me font douter qu’il se résigne à partir à la retraite.
Il ne rêve que de faire mordre la poussière au premier de la classe, le petit Nicolas Sarkozy, quitte à léguer son sceptre à Ségolène, pour être galant jusqu’au bout. Cette analyse politique me séduit.
À propos de l’innocence de Dreyfus, le vicomte de V., qui a un peu de sang juif, me fait remarquer à la terrasse d’un café que si cette innocence est à peu près établie en ce qui concerne les faits dont il était principalement accusé, cela ne signifie pas son innocence complète. La justice des hommes a peut-être été trop prompte à peindre en blanc ce qu’elle avait peint en noir la veille ? Les maîtresses de Dreyfus, son goût pour les jeux d’argent ne le rendaient-ils pas facilement corruptible ?
Je trouve que mon ami le vicomte de V. abuse de sa position ! Sous prétexte qu’il a une grand-mère juive, il peut énoncer à haute voix ses opinions, et moi je suis à la merci du premier délateur venu au cas où je franchirais la ligne rouge ? Quelle injustice ! Je lui pardonne parce qu’il est peut-être le dernier Français juif à avoir de l’humour.
Pour moi, je préfère m’en tenir à la présomption d’innocence de Dreyfus. Pas le temps pour me faire une opinion particulière en me plongeant dans les milliers de pages des opportunes biographies qui lui sont consacrées.
Pourquoi autant de pages, bon sang, est-il si difficile que ça à discupler, Dreyfus ? -
L'anti-journal d'Elkkabach
• Petite noblesse : le vicomte de Villiers, heureux qu'on lui tende enfin un micro sur "Europe 1" pour s'exprimer sur sa vision du foot. Il songe à rebaptiser son club de supporteurs "Mouvement pour le foot".
• Démocratie : vingt millions de téléspectateurs qui veulent forcer les quarante millions restants à se réjouir devant leur poste.
• Ferveur : l'indice de ferveur est actuellement de cinq morts en France. On est encore loin du score obtenu à La Mecque.
• Catch : il paraît qu'il y a seulement une poignée de supporteurs de catch à croire encore que les matchs de catch ne sont pas truqués. Plus naïf, tu meurs… ou tu cries « Allez Zizou ! »
• Italiens : peuple d'Europe du Sud à peine sorti du fascisme ; Berlusconi a encore quelques-uns de ses hommes dans l'équipe nationale : No pasaran ! -
Didier, Pierre, Sébastien, etc.
• Didier s’est marié alors que Delphine était déjà enceinte. Elle voulait pas qu’il l’épouse sous l’emprise du devoir, de son point de vue à elle c’était une mauvaise idée. Mais Didier avait le sens du devoir trop aiguisé, il a passé outre cette objection.
La première fois que Didier a voulu échapper un peu à la promiscuité de la vie moderne qu’il menait dans le XVIIe arrondissement de Paris avec sa femme et son fils - escapade avec une jeune préposée de passage -, sa femme en a profité à son retour pour grimper sur un perchoir de moralité en soulevant sa robe à fleurs, et, de là-haut, elle lui a tenu un discours nettement condescendant, comme si c’était un gosse qui se branlait trop souvent après le couvre-feu, et elle sa mère ! Didier n’a pas supporté longtemps ce ton : il a dû se résoudre à trahir son devoir et à demander le divorce.
• Quant à Pierre, pas loin d’être aussi critique que moi à l’égard de l’Église, qui envoie de jeunes innocents au massacre matrimonial en se contentant de leur bourrer le trousseau avec quelques slogans pseudo-évangéliques, quelques trucs et astuces psychologiques, il voulait juste pas qu’on puisse l’accuser d’avoir trahi son camp. Il avait la fleur au fusil, mais c’était juste pour la photo. Je suis sensible à l’argument du patriotisme religieux, mais il semble que le divorce de Pierre en cours ne lui donne pas entièrement raison. « À moins que je parvienne à convertir mon divorce en annulation de mariage !… Mais autrefois il suffisait de graisser la patte de l’official, aujourd’hui il faut le séduire, le draguer. C’est dégueulasse… » J’ai rien répondu pour une fois, je me suis contenté de hocher la tête et de remplir son verre.
• Sébastien est un cas un peu à part. Un gars spontané, peintre impressionniste. La théologie moderne, il s’en tamponne le coquillard. Pas assez sensuelle. Ce qui l’a rapproché de l’autel où son union a été célébrée, par un vendredi très froid de novembre, la nef était entièrement blanche, fraîchement ravalée, l’impression de pureté bien rendue, Séverine la mariée que je découvrais pour la première fois, elle, était d’une finesse de bouche et de jambes remarquable, je crois pouvoir dire que c’est la peinture, les grands maîtres, les caravagesques surtout.
Les grands sermons n’avaient pas beaucoup d’effet sur mon pote, mais un tableau de trois mètres sur deux, il se sentait tout minable à côté. L’humilité lui nouait la gorge, le mettait à genoux.
Séverine était violoniste, elle, aussi le jeune vicaire a-t-il beaucoup abusé de métaphores artistiques dans son homélie romantique. Sébastien et Séverine ont conjointement demandé le divorce au bout de six mois. Pas le genre à se contenter de métaphores ?
• Erwan, lui, s’est marié par intérêt avec une aristo toulousaine - petite noblesse -, assez riche pour subvenir à ses caprices. Moi, les foucades de mon pote Erwan m’ont toujours pas mal diverti, mais il n’y a jamais eu de contrat entre nous qui m’oblige à supporter ad vitam aeternam ses coups de fil en pleine nuit pour tenter de m’enrôler dans telle ou telle guérilla sud-américaine ou africaine. Le jour où j’en aurai ma claque de ses coups d’État, où il voudra déclencher une grande offensive informatique contre la Maison Blanche, je pourrai toujours dire stop, raccrocher et brûler tous les documents.
Claire, elle, a pris la poudre d’escampette, un train en pleine nuit, pour rentrer chez ses parents. Elle est revenue un peu plus tard récupérer ses deux mômes.
• Pour pas qu’on dise que c’est Lapinos qui porte la poisse, je me sens obligé de citer aussi le cas de mon pote Ludovic, qui n’a pas divorcé du tout. Bien sûr, je lui en veux un peu, à Ludovic, d’ailleurs, parce qu’avec son physique à la Alain Delon (en plus viril), ses onze enfants, il entretient un peu artificiellement le mythe de Tristan et Iseut, du Prince charmant (avec une grosse bite), il me donne tort.
Mais Ludovic s’est marié très jeune parce qu’il avait très envie de baiser. On voit bien ce que son cas a d’exceptionnel.
Je ne parle même pas de quelques autres couples que je fréquente plus ou moins, qui sont encore mariés, eux aussi. Parce que dès le départ ils ont montré un pragmatisme, un sens de la préservation de leurs intérêts très solide, ou bien on pouvait deviner une quasi-absence de besoins sexuels. Des mariages tout juste valides, en somme.
On note que dans mon petit conciliabule de crise, je tiens à éviter autant que possible le style administratif ecclésiastique dont je suis pas un spécialiste, et à examiner le problème sous l’angle de la politique. Je sais bien qu’Aristote a moins la cote aujourd’hui que les paragnostiques ou les fumistes complets, mais je préfère m’en tenir au constat que l’homme est un animal politique et ne pas multiplier les références inutiles.
Ma manière de présenter les quelques cas vivants ci-dessus peut manquer au goût de certains de neutralité. C’est que je ne crois pas beaucoup à la pensée neutre, je suis plutôt adepte de la théorie des pics et des saillies. La neutralité est un concept bio-physique. Il ne faut jamais faire confiance à la bio-physique pour régler un problème grave. -
Mes divorces
Je suis passé très vite de l’âge où tous mes potes se mariaient les uns après les autres, faisant fi de mes conseils amicaux de prudence, à l’âge où ils sont contraints désormais d’entamer de douloureuses procédures de divorce.
Compte tenu de la crise de la féminité*, pas sûr que j’atteindrai l’étape suivante un jour, l’âge où ils se remarieront ! À vrai dire, je prie même pour que ça leur serve de leçon, que ce soit “la der des der”. Parce que moi, un homme aux prises avec des avocats et des magistrats, ça m’émeut comme l’hallali (Les femmes sont faites pour s’entendre avec la gent judiciaire, bavarde, procédurière, irrationnelle, en robe, mais les hommes se perdent facilement dans les arcanes de la Justice, eux.)
Qu’est-ce qui a donc poussé mes potes à se jeter dans la gueule du loup, à se marier, au fait, je tâche de me rappeler aujourd'hui ? Il faudrait que j'examine leurs raisons spéciales, à Didier, Erwan, Pierre et Sébastien…
Mais avant ça, je tiens à mettre les points sur les “i”, à préciser que mes potes ne sont pas des lopettes, qu’ils ont pas hésité à embrasser la logique maritale : après avoir rempli toutes les formalités civiles et religieuses, promis au maire, à leurs parents, à Dieu, etc., zou, ils n’ont pas hésité à faire à leurs femmes autant de gosses qu’elles voulaient. Ils n’ont pas pris prétexte du trou dans la couche d’ozone ou de je ne sais quelle transformation hypothétique de la planète en pomme-de-terre radio-active pour se branler confortablement à l’intérieur de leurs gonzesses en attendant la fin du monde.
Non, mes potes se sont mariés comme les pious-pious de 1914 montaient au front, la fleur au fusil, le sourire aux lèvres ! Et moi j’aimerais être leur général Pétain, quelque chose comme ça, mobiliser toute mon astuce pour éviter la débâcle totale, pendant que le Haut Commandement tire des plans sur la comète.
*Bien sûr, je balaie d’un revers l’argument qu’inévitablement quelque bonne femme qui se targue d’être un peu cartésienne ne manquera pas de m’opposer, pour tenter de me déstabiliser, que la crise de la féminité se double d’une crise de la virilité. Mais de quoi et à qui croit-elle causer, cette féministe ? On ne peut pas être plus convaincu que moi que le commandement revient à l’homme. Et, par conséquent, si tout est parti en quenouille, a dégénéré jusqu'au "mariage gay", c'est forcément à l’homme qu'il faut l'imputer, il n'a pas su tenir son rang (l'homme en général, parce qu'en particulier il y a des cas de résistance héroïque notoires).
Je ne m’inquiète pas de chercher des coupables mais de trouver une solution ou des remèdes. Dans cette perspective le redressement de la femme par l’homme me paraît être la seule voie- clouer le bec aux hystériques un préalable sine qua non. -
Sous-humanité
L’animateur d’Europe 1, Pierre-Louis Basset, voulant balayer définitivement le soupçon qui pèse sur l’internationale des supporteurs de foot d’être qu’un ramassis d’oblitérés, balance à ses compères sur le plateau, starlettes, politiciens et autres baveux qui tentent de s’approprier une parcelle de la gloire de l’Équipe de France, de sa voix gouailleuse :
« Faut pas croire que le foot ça intéresse pas les intellos. Y’a même des écrivains qui aiment le foot, par exemple Philippe Claudel et Philippe Delerm ! »
Ben je suis pas un spécialiste de la culture bobo, mais quand même, ça doit pas être difficile de trouver des arguments plus sérieux que Philippe Claudel et Philippe Delerm, si ? -
Contre Barthes
Archibald Haddock et Roland Barthes, hors leurs patronymes fumeux, ont ceci en commun : ils n’ont de cesse que de voler la vedette au personnage principal, sans complexe. Mais, d’aventure en aventure, la vraie nature du capitaine Haddock, qui passe d’abord pour un parasite aux yeux du public, reprend le dessus, et c’est celle d’un hobereau portant la culotte de cheval et le monocle avec élégance. En fouillant dans sa généalogie, on s’apercevra qu’Haddock est un authentique descendant de croisé wallon.
Certains spécialistes estiment même que si Tintin est un jeune autodidacte qui suscite la sympathie de tous, c’est entendu, Haddock a quand même plus d’étoffe, de vocabulaire ; ils n’hésitent donc pas à conclure que c’est lui le véritable héros. Je me sens assez proche de cette école de pensée.
Quoi qu’il en soit, Haddock me casse moins les couilles que Barthes, ce corneux coin-coin avec son bric-à-brac de concepts et ses plans ontologiques à la mords-moi-le-nœud. Au moins, les trouvailles d’Haddock sont réutilisables. Je dirais même plus, en cette période troublée où l’on est cerné de plus en plus près par les abrutis, où les clanculs par le monde triomphent, il ne faut pas hésiter à apprendre (par cœur !) quelques bordées d’injures bien salées à toutes fins utiles. J’ai une préférence pour l’assaisonnement suivant à partir de divers auteurs : « Analphabète diplômé ! Bachi-bouzouk ! Catachrèse ! Crétin des Pyrénées ! Enculoman sans horizon ! Demi-lopes ! Touristes ! Citoyens ! ».
N. Sadoul et B. Peeters, enthousiastes tintinophiles patentés (ceci n’est pas une insulte), attribuent plus de deux cents jurons à Haddock. On ne prête qu’aux riches, mais “Cornichon”, “Saltimbanque”, voire “Brontosaure”, ont dû servir lorsqu’Archibald était encore dans ses langes et tétait son biberon de lait additionné d'une larme de whisky.
J’ai refait le calcul. En fait, Haddock ne peut pas revendiquer la paternité de plus d’une centaine de jurons. C'est déjà pas mal, et le peintre Ensor, d’Ostende, ne lui arrive pas à la cheville, même si j’ai quand même relevé : “Démolisseur à suçoirs”, “Manifestant stérilisé”, “Édile en mal de bronze”, “Casse-rétine” et “Architecte”.
Qu’importe au fond la diversité des espèces, chère aux écolos, cette bande d’anthropophages à la graisse de panda, ce qui compte, c’est la variété des jurons.
Je vous garantis que le jour où plus aucun juron intelligent ne sera prononcé, le chaos sera proche.
Il me semble que tout réac qui se respecte, qui tient à se démarquer des petits Barthes de carnaval, doit sans arrêt réinventer des jurons pour entretenir le stock de munitions. Aussi en ai-je moi-même fabriqué deux bonnes demi-douzaines avec le pressentiment de devoir les utiliser bientôt (“Narcisse tatoué”, “Hexagone des Bermudes”, “Photographe”, “Incendiaire en pyjama”, “Uhlan rose”, “Inspecteur des hergés”, “Particule élémentaire”, “Sinistre clone”, “Rappeur blanc”, “Bobo des Abbesses”, “Énarchiste”, “Four Micro-onde”, “Antiraciste diplômé”, “Bonobo à la graisse d’humain”, “Nycthémère”). N'hésitez-pas à me faire partager les vôtres.