Lapinos - Page 152
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Dagen et le centaure
Au courrier, une coupure du Monde découpée pour moi par un vieux pote. Une bafouille de Philippe Dagen, le critique d’art de l’ex-quotidien de référence des Français* à propos d’une expo. Géricault qui s’est tenue à Lyon.
Compte tenu de ce que Baudelaire dit du caractère des Lyonnais, j’hésite toujours à me rendre à Lyon (« Lyon, ville de comptoirs, ville bigote et méticuleuse… »), mais j’avais quand même feuilleté le catalogue de cette expo., avide d'y découvrir quelque reproduction inédite.
J’ai trop d’admiration pour Géricault pour ne pas réagir à l’article de Dagen. D’abord au titre - Géricault, peintre expérimental -, qui tend à assimiler Géricault à tous les baltringues qui se disent “artistes expérimentaux” pour dissimuler leur absence d’expérience dans un domaine précis en dehors de l’escroquerie aux bourgeois. Dagen est trop sournois pour ne pas l’avoir fait exprès. Ou trop conditionné, peu importe, je me fous de Dagen en particulier. Je passe en vitesse sur la justification hâtive et journalistique de cet adjectif “expérimental” collé sur le blaze de Géricault, Dagen et les commissaires tirant argument du fait que Géricault a traité des sujets très variés, ce qu’on peut dire d’à peu près tous les peintres de son temps.
La seule chose que je partage avec Dagen, c’est l’intuition que Géricault aurait pu être LE peintre essentiel de son époque s’il n’était pas mort si jeune, dépasser Delacroix, Ingres, Chassériau… Pour le reste, pour tout ce qui est de la démonstration, ce n’est qu’une grossière réduction de la peinture au produit d’une époque sommairement décortiquée. Réduire Géricault à un intello (de gauche), il faut le faire !
Il est grand temps de nettoyer les écuries d’Augias de la critique ! Tant qu’on entendra que le son de cloche marxiste, il n’y aura pas de renaissance possible – hypocrites thuriféraires de l’art contemporain qui par derrière collectionnent les dessins anciens ! (Que ces gens soient dépourvus de scrupules en public ne les empêche pas d’avoir des intuitions en privé et de fourguer leur camelote "expérimentale" à des crétins pleins aux as.)
Comparons le peintre avec un assassin : comme on explique aujourd’hui le geste d’un assassin par les circonstances, le “contexte social”, on réduit la peinture à un produit historique. C’est probablement la plus sotte des manières de juger l’assassin comme le peintre, de les transformer en éponges. Ce qu’un gugusse comme Dagen ne supporte pas, en réalité, c’est que la peinture de Géricault soit en grande partie mystérieuse, énigmatique. Le mystère n'empêche pourtant pas la critique de faire honnêtement son travail.
Je crois que c’est ça qui fait une des différences essentielles entre un Baudelaire et un Dagen : chez Baudelaire, il y a toujours le respect du peintre.
*D’après un sondage récents, les Parisiens font désormais plus confiance aux quotidiens gratuits qu'au Monde. -
Trop vieux ?
De loin ces grappes d’adolescentes qui s’étreignent à qui mieux-mieux, rient, bondissent sur place en faisant voir leurs nombrils et leurs espérances de poitrine, tout à la joie des retrouvailles et des commérages partagés, c’est un spectacle plutôt réjouissant. De plus près, néanmoins, mes élans pédophiles se trouvent freinés par l’avalanche de grimaces, de tics de langage et les gestes incontrôlés de ces fillettes auto-affranchies.
Vous vous gratterez la moule en public avant la rentrée 2010, mesdemoiselles, c’est un vieux con qui vous le dit ! Sauf si d’ici-là des couilles vous ont poussé, conformément aux lois de l’Évolution !
Je constate dans l’escalator que la mode des strings s’accroche et je ne peux pas m’empêcher de prêter une oreille au semblant de conversation des deux spécimens qui me précèdent. « T’sais pas, on est allés au parc Astérix ET à Disneyland avec mes parents, c’était TROP bien !!! »
En vingt secondes, comme je les poursuis encore un peu dans la rue, la plus volubile des deux va le répéter quatre fois : “Trop génial”, “trop bien”, “trop top”, et même “trop” tout court…
La jeune génération ne se contente plus des trucs “très excitants” - les choses “super géniales” paraissent minables aussi désormais, faut que ça soit “trop” pour que ça soit “bath”. Moi, quand c’est “trop”, je dégueule. Ces pucelles, elles, se gargarisent avec le superflu. Vu l’énergie que les boutonneux du sexe d’à côté dégagent, on peut quand même craindre des lendemains (matin) qui déchantent.
Si je conclus qu’après le trop-plein il n’y a sans doute plus que du vide et que la société de consommation est un stade ultime, soit on va me dire que je cause comme Philippe Muray, ce qui ne me fera pas plaisir, soit que comme tous les vieux cons j’aimerais bien que le monde s’arrête en même temps que moi, réflexion pas beaucoup moins désagréable. Donc j’aime mieux la boucler. -
Houp-houp-houp !
Je confesse que je suis un peu jaloux de ces vieux briscards, Constantin Copronyme et Philippe Billé, de leur science des oiseaux. À leurs chants, ils savent reconnaître le pipit farlouse, le bruant-ortolan, le traquet pâtre, le geai des glands… C’est de la poésie pure, ça, ces noms exotiques, ces plumages, le vol papillonnant de la huppe fasciée (Et non pas la huppe fasciste, malgré sa livrée un peu ostentatoire, hypothétique emblème d’un parti réactionnaire caché dans un vallon de la Combraille).
J’ai toujours rêvé, me promenant de conserve avec une donzelle par les petits chemins de campagne, de la méduser avec ce truc de la science des oiseaux. « Pipipipipipipipi !! »… « Eeeh, t’as pas entendu ce trille ? Ça, c’est la sitelle torchepot de la ferme du Buisson qui fait son nid, ma caille ! » Il y a encore des gonzesses qu’on appâte à la poésie.
Vous me direz, pourquoi ne pas pallier l'ignorance avec un peu d’imagination, pourquoi ne pas inventer, tout simplement ? Pour peu que la donzelle soit de la ville ou banlieusarde - y’a d’ailleurs bézef de jolies filles dans la Combraille désormais -, elle y verra que du feu. « T’as entendu ce sifflement ma poule ? Hmm, c’est un écalard railleur si je ne m’abuse… Tends donc l’oreille un peu, il risque de remettre ça ! »
Avais-je des scrupules naguère à truffer mes dissertations de fausses citations pour piéger mon prof de philo ? Evidemment non. Mais je m’en voudrais de tricher avec la poésie des noms d’oiseau, c’est pas pareil.
Je suis juste bon à reconnaître les oiseaux marins, le pétrel fulmar, l’huîtrier-pie, le fou-de-bassan, mais ça n’a pas le même charme, je trouve, ces piafs sont trop voyants et leurs cris trop stridents.
Dans le même genre, il y a le truc des étoiles dans le ciel, que j’ai un peu oublié mais qu’un vieux trappeur avait commencé de m’apprendre. C’est bien pour frimer aussi. Ça me rappelle cette fille qui ressemblait à Ornella Mutti et qui dégoisait un peu moins stupidement qu’elle. Quand je la raccompagnais chez sa mère au crépuscule, elle se serrait contre moi, vu qu’elle n’était pas rassurée dans l’obscurité et qu’une hulotte dans le quartier en rajoutait dans les hulements de cinéma. Et je la prenais par le cou pour l’aider à voir le double v de Cassiopée ou le Baudet.
Je me demande quand même si elle s’en foutait pas un peu, de mon Baudet. La première fois que je l’ai serrée contre moi, elle m’a dit qu’elle aimait bien mon odeur. « Tu sens la forêt, Lapinos… » Ah, ah, je crois bien que c’est le meilleur dans les relations entre un homme et une femme, ces réflexions incongrues qu’elles lâchent de temps en temps et qui nous surprennent (J’imagine que nous devons nous aussi les surprendre involontairement)… Au vrai, je devais sentir la cigarette froide et je n'avais pas pu me laver pendant quinze jours (Depuis cette saillie flatteuse d’“Ornella”, je répugne d’ailleurs à prendre plus d’un bain par semaine.)
J’avais treize ans de plus qu’elle mais en déclarai seulement sept. J’abusais ainsi la fille mais la mère m’envoya un gendarme, le sien, pour faire un esclandre et la récupérer… Je me demande si je ne pourrais pas trouver une photo d’“Ornella” sur internet pour voir comment elle a vieilli ?
Merde, je serais pas en train de virer nostalgique, moi, à force de lire les blogues de ces deux vieux briscards !? -
Recopié
Pendant ma retraite chez les moines, j’ai eu le temps de recopier une page de Louis Veuillot dans la bibliothèque. Veuillot (1813-1883), c’était le directeur de L’Univers, l’ennemi juré de Victor Hugo, pour ceux qui ont quelques notions d’histoire du XIXe. Mais n’importe, c’est une page où Veuillot raconte comment il s’est marié.
J’ai un peu hésité avant de le recopier cette fois-ci sur mon blogue, vu que c’est un peu long, mais je trouve ce récit exemplaire. On est très loin des sermons actuels des psys et des curés sur la communication dans le couple. Tant mieux, car s’il y a bien un truc qui me dégoûte, c’est le “glamour catholique”, comme je le répète souvent à ma cousine Sophie qui fait bien sûr semblant de pas piger ce que je veux dire et qui écarquille les yeux.
« Je me suis marié à trente-deux ans, un peu par hasard, comme tout le monde. Deux abbés, dont l’un connaissait ma future et un peu moi, l’autre moi et un peu ma future, avaient arrangé cela avec les parents de Mathilde Murcier, très petits bourgeois de Versailles, fort simples chrétiens. Ils me dirent que ce mariage me convenait, je me laissais faire. Dans le fond, il me convenait fort, mais eux, ni moi, ni elle, n’en savaient rien. C’est l’ordinaire.
La jeune fille, âgée de vingt et un ans, n’était ni riche, ni laide, ni sotte, ni mal élevée. Rien de marquant. Elle avait de l’esprit, mais je n’en savais rien. On ne le sait jamais. Il était simplement visible qu’elle avait des habitudes de piété et une grande modestie. Mais qu’est-ce que cela devient ? Rien ne me fixait là-dessus. On lui donnait quarante mille francs ; j’avais six mille francs d’appointements et un millier de francs de dettes, ce n’était pas de quoi vivre. Son nom de Mathilde ne me plaisait pas. Je n’étais nullement pressé d’aucun côté. Néanmoins, je bâclai l’affaire pour en finir. J’avais alors dans la tête qu’il fallait se marier à trente-deux ans et toutes mes réflexions me démontraient qu’on se marie sans savoir ce qu’on fait, et que le plus sage était de s’en fier à la prière.
Au moment de conclure, il m’était venu, cependant, une inquiétude plus forte. La grand-mère, celle qui faisait la dot, vieille marchande enrichie, n’était décidément pas à mon gré. Elle était fière de son argent, commune, grognon ; elle trouvait que sa petite-fille se mésalliait, car enfin elle appartenait au commerce, et moi, je n’étais qu’un journaliste, profession non classée. Cela ne lui allait pas. Elle avait mille fois raison, mais je ne voulais pas qu’elle me le fît trop voir. Comme je ne manquais pas de faire aussi des réflexions assez brisantes, je pris l’occasion d’une parole un peu trop vive qui lui échappa de trop bon gré et je brisai.
M. Murcier vint chez moi le lendemain avec une figure triste et me dit que sa fille était désolée. Je lui dis qu’elle oublierait cela ; qu’elle n’avait pas eu le temps de me voir assez pour concevoir tant de chagrin, et qu’elle verrait bientôt qu’elle n’avait pas perdu grand-chose.
- Il ne s’agit pas de vous, me dit-il simplement ; c’est le linge.
- Comment, le linge ?
- Oui, le trousseau est acheté, marqué à votre nom. Les couturières de Versailles savent le mariage, tout le monde le sait : vous comprenez l’effet que produira la rupture ! Que dira-t-on ? Je fis un geste pour montrer que je n’y attachais point d’importance.
- Oui, reprit le bonhomme, cela vous importe peu à vous ; mais pour nous ce n’est pas la même chose, nous sommes désolés.
- Eh bien, lui dis-je, si Mademoiselle votre fille y tient, nous ferons le mariage. Il m’importe beaucoup qu’elle n’ait point à souffrir à cause de moi. Seulement, je suis forcé d’exiger qu’elle se marie sans dot.
- Je ne vous comprends pas, dit-il.
- C’est votre belle-mère, dis-je, qui fournit la dot, et je ne veux rien recevoir d’elle qu’elle ne m’ait fait des excuses. Pour Mlle Mathilde, cela ne la regarde point. Elle pleure, allons tout de suite la consoler, et marions-nous.
« Nous allâmes sans désemparer à la gare de Versailles ; si le train n’avait pas dû partir immédiatement, peut-être que la réflexion serait survenue et aurait encore brouillé nos affaires ; car tout cela était bien précipité. Nous arrivâmes. Mathilde et sa mère étaient à déjeuner, nous entrâmes sans crier gare. Elle avait vraiment l’air fort affligé. Mais ma présence disait tout et dissipait toute crainte des couturières. Mathilde ne dit rien, mais en me voyant, elle me jeta un regard si reconnaissant et si content que je ne l’ai pas encore oublié. En ce moment-là, je fus délivré de ma plus grande et plus constante préoccupation depuis qu’il était question de mariage ; je me sentis amoureux (…) Le mariage eut lieu peu de jour après. »
Louis Veuillot
Chaque fois que j’entends au milieu des décombres un de ces raseurs d’évêques ou d’éditorialistes catholiques se gargariser avec la “doctrine sociale de l’Église”, je pense à Veuillot, à sa verve et à son franc-parler d’homme du peuple. -
Bullshit
C’est dingue le nombre de types en ce moment que j'entends ici ou là clamer leur enthousiasme pour ce feuilleton yanki, 24h, avec le fils de Donald Sutherland dans le rôle principal. De Raphaël Juldé à Nicolas Sarkozy en passant pas Stéphane Bern… Je décide de lâcher les pinceaux et de regarder ça cinq minutes, l’autre soir, pour voir ce que ça a de si extra.
Résultat : encore et toujours du Spielberg ! Mettons “du Spielberg de bonne qualité”, si on veut de la nuance, mais c’est toujours la même chose, les gentils Yankis qui tirent sur les méchants Iraniens, après les gentils cow-boys qui tirent sur les vilains indiens. Bullshit!
Et même pas une gonzesse, ne serait-ce que baisable, dans ce feuilleton de propagande. Elles sont toutes sapées comme des secrétaires, et soit extrêmement vulgaires et adipeuses, soit hyperviriles et décharnées.
Si on suit l’histoire du ouestèrne, les Yankis devraient fabriquer dans quelques années des films qui se voudront moins manichéens, avec de gentils islamistes et des méchants GI qui balancent des bombes sur les populations civiles de tout là-haut dans le ciel sans prendre de risque, en faisant des milliers de morts. Il y aura un de ces bombardiers, piloté par une Yankie, qui tombera en panne d’essence dans le désert irakien. Elle sera alors capturée par la Résistance sunnite, et, bien sûr, au moment d’exécuter son otage, le petit-fils de Saddam Hussein, beau comme Omar Shérif, tombé amoureux de cette pauvre fille dont l’inculture lui aura inspiré un peu de pitié teintée d'érotisme, il la sauvera et lui donnera la première place dans son harem. Et ils se métisseront joyeusement dans les dunes. Et pourquoi pas des Eastern spaghetti aussi ?
Le procédé à la base de 24h est simplissime. Il est calculé sur la capacité de concentration moyenne d’un Yanki sur une fiction - environ quatre minutes. Donc, toutes les quatre minutes, on passe à une séquence différente, avec des personnages différents, y’a une horloge qui fait "tic-tac, tic-tac", pour bien souligner le suspense, des déflagrations, toujours pour maintenir cette foutue concentration du Yanki qu’a tendance à partir en eau de boudin, c’est vraiment la grosse cavalerie ce nanard.
À côté je trouve Desperate Housewifes (Mères au foyer désespérées), un autre feuilleton yanki à succès, beaucoup plus subtil. Avec toujours ce même problème que les gonzesses qui jouent là-dedans ont des gueules à te dégoûter définitivement du coït, quadras ravalées, secouées de tics, machoires carrées, regards ovins, avec des sapes de chez Monoprix. Mais au moins ce feuilleton que les Yankis prennent pour une satire donne une idée assez exacte de l'état de la société yankie. Les Français, eux, sont infoutus d'avoir le moindre regard critique sur eux-mêmes. -
En chanson
La chanson française, c’est pas trop mon truc, à deux ou trois exceptions près, Brutal Combat ou Chinaski, par exemple, inspiré par des thèmes bukowskiens.
Je préfère chanter moi-même sous la douche ou en faisant la vaisselle.
Mais quand j’entends que Renaud a écrit une nouvelle chanson sur les bobos, je tends l’oreille. Renaud est bien obligé d’admettre dans sa chanson, qu’il en fait partie lui aussi, des bobos. Pour un ex-chanteur engagé par le PC, ça la fout mal, mais bon, il a évolué avec son parti.
Étant donc lui-même un bobo (“Par certains côtés”, comme il dit, ah, ah), Renaud pouvait pas avoir la dent vraiment dure, il lui reste plus que les gencives, alors j’ai renforcé un peu les paroles de la chansonnette. Voici ma version "remaîtrisée" des Bobos de Renaud à chanter sous la douche.
Les Bobos
« On les appelle bourgeois-bohêmes, ou bien “bobos” pour les intimes.
Dans les chansons d’Vincent Delerm, on les retrouve à chaque rime.
Ils sont une nouvelle classe - pour être bien vu du populo -,
de bourges rusés qui planquent leurs liasses… Je vous trace en gros le tableau :
« L’côté artiste, c’est du pipeau. Leur vraie passion, c'est leur boulot,
Dans l’ciné, la pub, les journaux. Sont fiers d'payer beaucoup d'impôts.
Ref. : Quels fayots, ces bobos…
Quels fayots, ces bobos…
« Ils vivent dans les beaux quartiers, ou en banlieue mais dans un loft.
Ateliers d’artistes branchés, bien plus tendance que l’avenue Foch,
ont des enfants bien élevés, qu’ont lu le P’tit Prince à six ans,
qui vont dans des écoles privées, (Privées de "racaille", je me comprends.)
« Ils fument un joint de temps en temps, font leurs courses dans les marchés bios,
roulent en 4x4, mais l’plus souvent, préfèrent s’déplacer à vélo.
Ref. : Quels escrocs, ces bobos…
Quels escrocs, ces bobos…
« Ils lisent Houellebecq ou Philippe Djian, les Inrocks et Télérama,
leur livre de chevet c’est Cioran, près du catalogue Ikea.
Ils aiment les restaus japonais et le cinéma coréen,
passent leurs vacances à l’Ile de Ré. La Côte-d'Azur, franchement, ça craint !
Ils regardent surtout Arte, TF1 c’est pour les blaireaux,
sauf pour les matches des “Bleuets”, faut bien le jouer c’rôle de prolo…
Ref. : Quels salauds, ces bobos…
Quels salauds, ces bobos…
« Ils écoutent sur leur chaîne hi-fi, “France-info” toute la journée,
Alain Bashung, Françoise Hardy, et forcément Léo Ferré.
Ils aiment Desproges sans même savoir, que Desproges les détestait,
Bedos et Jean-Marie Bigard, même s’ils ont honte de l’avouer.
Ils aiment Strauss-Kahn ou Sarkozy, mais votent toujours écolo
Ils adorent le maire de Paris, Ardisson et son pote Marco.
Ref. : Quels escrocs, ces bobos…
Quels escrocs, ces bobos…
« Ils fréquentent beaucoup les musées, les galeries d'art, les vieux bistrots,
boivent de la manzana glacée en écoutant Manu chao.
Ma plume n’est pas assez assassine pour ces gens que je n'aime pas trop,
Par certains côtés, j'imagine… que j'fais aussi partie du lot. »
Maintenant que Renaud est devenu un bobo, il faudrait peut-être qu’il arrête de chanter en imitant l’accent prolo, mais ça doit pas être facile après tant d'années de se débarrasser de ses vieilles manies… -
La fille de l'Est
À cette jeune Morave engageante, qui étudie la sociologie et les sciences-politiques, je demande son avis sur les Français. Peut-elle les caractériser ? Je n’ai pas fait, moi, d’études de sociologie, n’empêche que je suis assez curieux.
Sabrina-Maria me répond qu’elle trouve les Français “diplomates”. « Hein, diplomates ?! », ça m’interpelle, je m’attendais plutôt à ce qu’elle dise “arrogants” ou “radins”… D’autant plus que je viens juste de lui avouer mon préjugé défavorable vis-à-vis de ses compatriotes. De fait, je les ai trouvés peu amènes, les Tchèques, l’air blasé, sauf en discothèque où ils ont l’air cons, mais ça c’est partout pareil.
Je me rappelle aussi un pourboire catégoriquement refusé sur un ton offensé par un guide à la sortie d’un château des environs de Telc.
J’ajoute ensuite tout le mal que je pense de Kundera et de ses romans prétentieux pour gonzesses. Jamais vu de roman de Kundera entre les mains d’un mec dans le métro, quand Kundera était à la mode, il y a trois ou quatre ans.
Sabrina-Maria m’écoute sagement en opinant du chef… Si elle est du genre maso, j’ai peur de m’attacher à elle. Je pourrais lui proposer de lui servir de cobaye pour ses études de sociologie. Je me suis toujours considéré comme un Français prototypique.
Bon, mais attention, faut pas se laisser attendrir. D’ailleurs sous la douceur de Sabrina, je devine un tempérament de fer. Je replonge donc le nez dans ma chope de bière noire.
Et puis Sabrina m’entraîne au centre culturel tchèque, rue Bonaparte, où sont organisées des soirées, il paraît, mais nous trouvons porte close. Ouf, je sais pas si j’aurais pu rester platonique très longtemps au milieu d'un parterre de femmes tchèques ! Les femmes tchèques ont un visage plutôt large, certes un peu hiératique et inexpressif, mais quelle peau, et surtout quels bras, et quelles jambes ! -
Choux grass
La justice aurait voulu que les bonnes consciences de gauche fussent dessaisies du procès de Günther Grass. On ne peut pas être juge et partie, n'est-ce pas ? Mais le moyen de priver toutes ces bonnes consciences d'un procès politique de plus quand c'est leur passe-temps favori ?
Evidemment je plaisante. Si la morale manichéenne de gauche supporte mal les contradictions de l'Histoire, en principe, les actions de Voltaire dans la traite négrière, la francisque de Mitterrand, les succès au théâtre de Sartre pendant l'Occupation allemande, les promenades en limousine d'Aragon dans les rues de Moscou affamé, etc., ce genre d'anecdotes, qui sont autant d'accrocs dans la propagande, je ne suis pas dupe que dans la réalité le parti des forces du Bien forme un bloc solide : c'est pas les petits maçons qui manquent à la télé ou dans les journaux pour colmater les brèches. Ils n'en veulent pas à leur ami Günther d'avoir fait partie de la SS, au fond, ils lui en veulent pour l'avoir avoué alors qu'ils auraient pu l'aider à le dissimuler encore longtemps.
Dans le cas de Günther Grass, on a donc choisi l'option de l'effarement, de la surprise indignée. En réalité, personne n'ignore que dans l'Allemagne en guerre il était difficile d'échapper à la conscription. Je me rappelle qu'il y a dix ou quinze ans, la "découverte" que le maire socialiste de Dortmund avait été officier dans l'armée allemande avait provoqué un "scandale" du même genre. Le fait que des milliers de Juifs "aryanisés" en raison des états de service de leurs parents aient "servi" dans l'armée allemande est un fait également largement censuré (sauf par certaines publications consacrées à la mémoire juive).
L'autocritique, c'est fait pour les chiens, pour les dissidents cubains ou chinois. Ce qui m'amène au cas de Lionel Jospin. Quiconque souhaite la défaite électorale de tous les petits tartuffes sans style de gauche se gardera de dire du mal du camarade Lionel, parce qu'il est sans doute de tous les candidats possibles le plus maladroit. Mais moi j'avoue que les numéros de ce grand acteur tragi-comique me feront toujours rire. Qu'il ait fait partie d'une organisation secrète trotskiste, puis cherché à faire endosser ce péché à son frère pour préserver sa carrière, est sans doute une faute plus grave que celle de Günther Grass, les crimes de Troski étant alors connus de ses sectateurs, mais laissons ça. Parlons plutôt des contorsions présentes de Jospin. Je crois que c'est le mélange d'habileté et de maladresse qui fait sa drôlerie, avec par-dessus cette gueule elle aussi mi-triste mi-bouffonne, parfaitement "raccord".
Bien entendu, Jospin ne doit sa défaite de 2002 qu'à ses propres erreurs. Englué dans sa rhétorique, ses longs discours à la Fidel Castro, il n'a pas su empêcher les candidatures de Taubira, Mamère, Chevènement, qui lui ont fait perdre quelques précieux petits points ; s'est-il même abaissé à les dissuader ? L'incarnation des forces du Mal, Le Pen lui-même, a reconnu qu'il n'avait pas eu besoin de forcer son talent pour franchir le premier tour. Pour ne pas en perdre une miette, j'ai feuilleté le bouquin de la copine de Lionel, la docte Sylviane, publié après la défaite. J'ai beau avoir été au collège et au lycée pendant de longues années comme tout le monde, l'arrogance des professeurs de vertu de gauche ne laisse pas que de me sidérer.
Sylviane dit dans son bouquin ne rien comprendre à la défaite de son Lionel compte tenu de la haute valeur intellectuelle et morale du couple qu'elle formait avec lui, d'autant plus comparée à la médiocrité tous azimuts du couple d'en face formé par Jacques et Bernadette Chirac ! La gauche devrait bénéficier d'un droit surnaturel à remporter les élections. Que Strauss-Kahn soit obligé de se faire lifter, Fabius de se dénicher une "régulière" pour pouvoir se pavaner comme les autres dans Paris-Match, Ségolène de porter des tailleurs crèmes affriolants, franchement c'est dégueulasse quand on représente le parti du Bien...
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Démenti
À ce stade je crois nécessaire de préciser quelque chose à propos de cette chère Pimpeleu qui ramène sans cesse sa fraise sur mon blogue - depuis le début ou presque.
Je tiens à démentir la rumeur qui commence à enfler comme quoi nous coucherions ensemble, elle et moi, étant donné la constance de notre duo, et puis elle gagne toujours les petits concours que j’organise, etc.
Non, en réalité je ne sais presque rien de Pim, j’ai juste remarqué concrètement qu’elle a un joli pied et une grande gueule de bobo, mais on ne peut pas fonder une relation profonde là-dessus.
Pim demeure donc presque entièrement virtuelle à mes yeux, et je le suis aussi pour elle (Plus généralement, je ne démords pas de mon principe de ne pas faire confiance au ouaibe pour nouer des contacts, sauf en cas d’urgence ou de complot politique. Parfois il arrive qu’une gonzesse vous présente de tels arguments que vos principes volent en éclats, mais c’est très rare.)
Non, aussi curieux que ça puisse paraître étant donné ses idées écologistes, je considère Pim en fait comme une sorte de conseiller spirituel - ou de “coach” comme on dit maintenant. Disons qu’elle m’aide à comprendre des choses sur moi-même. Ainsi, je lui confiais récemment "hors blogue" un petit problème, que je vivais mal le fait d’être régulièrement accaparé par un pote qui se comporte avec moi comme si j’étais sa moitié. Je parviens toujours à le dégoûter à la longue avec mes excentricités, bien sûr, mais il ne se passe pas longtemps avant qu’un autre pote ne lui succède dans ce rôle et ne s’attache à moi de trop près, me bigophonant en pleine nuit pour que je le rassure, me demandant son avis sur telle ou telle gonzesse ou sur la couleur de ses cravates, merde à la fin !
Il n’est pas question d’avances sexuelles de leur part, hélas, sinon je saurais comment régler le problème. (Depuis que l’homosexualité est devenue un credo, une véritable religion, je m’embarrasse plus comme avant avec ces fanatiques, je réplique avec une beigne ou un bon coup de bite brutal dans le cul qui dissuade, croyez-moi ou pas, de réclamer du rabiot.)
Pim a d’abord ironisé sur le fait que je réagirais pas de la même manière si des gonzesses me harcelaient comme ça. Â côté de la plaque, bien sûr, mais ça m’a bizarrement aidé à comprendre. Je me suis rappelé que mon pote yanki, la dernière fois, m’avait dit comme ça qu’il aimerait bien que je l’adopte ! C’était en rigolant, mais n’empêche, voilà l’explication ! Ils me prennent pour leur paternel, ces mecs ! Je crois que j’ai trouvé. J’ai un petit côté dans la vraie vie assez autoritaire, cassant, voire brutal. Ces grands garçons veulent retomber en enfance, sans doute sont-ils un peu masos, et ils se tournent vers moi parce que mon côté sadique les séduit… Je crois que je suis au moins sur la bonne piste…
Bon, peu importe, cette mise au point qui ne pouvait être commune sous peine d’attiser encore plus les soupçons m’a parue nécessaire, Pim, d’abord dans ton intérêt. Il est préférable qu’on sache clairement que tu es toujours disponible pour le grand amour, de préférence pas avec un guitariste si j’ai bien compris. -
À cause d'une femme
Non seulement le clochard en bas de chez moi aime beaucoup Berlusconi, mais avant-hier il me dit, pensant peut-être me taquiner :
« - Moi mon préféré c’est Le Pen, Chirac c’est qu’un baltringue ! Même pas parti qu’on l’a déjà oublié ! » Il pouvait pas deviner, le malheureux… Je lui réponds du tac au tac, ravi de me découvrir ce point en commun avec lui, parce que je trouve que c’est un clochard qui a de la classe, une gueule même, il devrait faire du cinoche. D’ailleurs le boulot d’acteur de cinoche doit être à peu près le seul turbin compatible avec la vocation de clodo.
Bien sûr, je ne choisis pas mes clodos en fonction de leurs opinions ni de leur religion. C’est une pure coïcidence. Mais je dois reconnaître que j’ai le cul bordé de nouilles. Le précédent qui aimait bien causer avec moi, c’était un ex-Allemand de l’Est viscéralement anticommuniste. Le seul hic, c’est qu’il aimait le football et qu’on s’était mal compris au début. Il avait cru que moi aussi j’étais supporteur de foot (!?). Du coup, il me donnait tous les samedis les résultats détaillés de tous les clubs européens, pas moyen de le stopper. Il faut savoir que le supporteur de foot allemand n’a rien à voir avec le supporteur de foot français qui se contente lui en général de blablater avec opportunisme sur les “passements de jambe” et autres “roulettes” de son cher “Zizou” - cette blague. Non, le supporteur allemand, il connaît vraiment le foot. Hélas.
Du tac au tac, je réponds donc à mon clodo classieux : « Exactement comme moi, c’est aussi Le Pen mon préféré !! Il me fait bien marrer. Et puis c’est le plus cultivé. Et la politique, faut la fonder sur la culture, pas vrai, sur quoi d'autre sinon ? » Non, là je déconne, je me vois mal faire chier un clodo en train de faire la manche avec un discours d’instit' à la noix.
Pour Berlusconi, j’avais pas réussi à savoir vraiment pourquoi il l’appréciait autant. Là, j’ai insisté un peu.
« - Tu penses bien, je passe la journée à écouter la radio, alors je suis au courant de ce qui se passe dans ce foutu pays, j’ai le temps d’y réfléchir ! »
Réflexion faite, je me demande si mon clochard lepéniste est vraiment un cas si isolé que ça. Si ça se trouve, Le Pen cartonne chez les clochards. Plus j’y pense, même, moins l’hypothèse d’un clodo jospiniste ou même sarkozyste me paraît probable. Peut-être Ségolène en fait-elle rêver certains quand même aussi… Sauf que les clodos sont souvent très misogynes, j'ai remarqué. Beaucoup affirment qu'ils se sont retrouvés à picoler et à mendier dans la rue "à cause d’une femme". Mon clochard dit pas ça, lui, il se plaint pas d'être avec sa femme et ses valises dans la rue. -
Déception sentimentale
Deux heures dans la flotte à tenter de capter l’attention de deux gonzesses. Une brune et une blonde, grandes nageuses souples, bien en rythme. Impossible de les ignorer, difficile de les départager.
La brune a un regard plus suggestif et des formes plus féminines, je lui donne l’avantage au début. Mais la blonde a des hanches “médiévales” et un regard juvénile très attrayants aussi, tout compte fait.
Elles ont bien remarqué mes mimiques mais j’ai du mal à évaluer ce qu’elles pensent au fond. Elles décident de nager avec des palmes, ça accentue leur côté animal. Aujourd’hui que je suis devenu plus exigeant sur la beauté des femmes, que je me suis formé le goût en fréquentant les piscines et les musées, je ne sais pas si je pourrais être séduit par une qui ne sait pas nager.
Je me plais à penser que j’effarouche un peu ces deux dauphines. C’est plus excitant comme ça. Rien de plus déprimant que ces filles qui jouent les affranchies. D'autant qu'en général c'est pour cacher des complexes, elles n'ont rien dans la culotte devant l'obstacle.
Bien sûr, la brune et la blonde m’ont remarqué. Ce genre de filles est doté d’un détecteur de regards. Je m’amuse d’ailleurs parfois à jouer avec leur sonar dans la rue. Mettons que je sois à quarante mètres derrière une jolie fille par exemple, à cinq heures pour elle. J’envoie alors un regard brûlant sur sa nuque, ses reins ou le creux de ses genoux, un point sensible. Presque à coup sûr son sixième sens va l’avertir que je la mate, elle va ralentir, tourner la tête à gauche, à droite, pour tenter de discerner de qui vient le coup d’œil. En général elle va finir par trouver, quitte pour ça à chasser toutes ses préoccupations du moment - sauf si je m’amuse à la faire tourner en bourrique, à me décaler à sept heures pour la désorienter, ce genre de blague un peu puérile, j’en conviens. Ensuite elle va réagir. Si elle juge l’auteur du coup d’œil plutôt laid, la jolie fille le rangera dans la catégorie des “vicelards psychopathes”, et elle pressera le pas. Si elle le trouve au contraire bien proportionné, elle ralentira, cherchera à se mettre plus en valeur encore.
Lorsqu’une fille est en train de traverser un boulevard, ce petit jeu peut s’avérer dangereux, c’est la seule réserve que j’émets (Quoique rive gauche à Paris, parfois je ne me gêne pas pour essayer de faire écraser une de ces pimbêches qui vont lire Beigbeder ou Nothomb au Luxembourg). Depuis qu’ils ont fait une petite expo sur Jacques Perret, je vais plus souvent chez Gibert. Il m’arrive encore de choisir mes bouquins à la Fnac, mais je les achète chez Gibert (Je n’aime pas quand on me dit ça, mais c’est vrai que j’ai un côté “gauchiste”.)
Je décide d’attendre mes deux naïades à la sortie de leur vestiaire. À Paris, dans certains quartiers où la proportion d’Arabes est relativement forte, les vestiaires ne sont pas mixtes. Merde, je me rends compte que ce sont deux gouines ! Elles s’engouffrent dans le métro en se tenant étroitement enlacées par le cou. J’avoue que suis trop timide pour draguer des gouines, deux d’un coup en plus. Dire que j’ai passé deux heures à miser sur deux gouines ! À moins que ça ne soit une nouvelle stratégie des jolies filles qui se baladent seules en métro la nuit pour écarter les gros lourdauds dans mon genre ? Avec les féministes, faut s’attendre à toutes les ruses. -
Illustration
Pour illustrer le propos de Baudelaire, il y avait l'autre jour réunis au musée Pompidou pour la télévision, sous la houlette de Guillaume Durand, érigé par le "service public" en parangon de culture démocratique, quelques-uns des représentants de l'art contemporain officiel. Administrateurs de musée, politiciens, industriels-mécènes, designer, etc.
Le petit-fils de Picasso était même de la partie, Olivier, au cas où la caution de ces beaux messieurs en costard-cravate paraîtrait insuffisante à quelque téléspectateur rétif. Le petit-fils du grand homme a manifestement hérité du talent le plus indiscutable de son grand-père, je veux parler de sa ruse.
Heureusement, Arlette Laguiller aussi était présente sur le plateau, instillant une fois de plus une note de franchise dans un débat cauteleux. Elle a fait part de son enthousiasme pour tous les peintres, pourvu qu'ils soient peu ou prou soviétiques. Ouverture d'esprit vis-à-vis des staliniens.
La seule remarque un peu sensée fut à mettre au crédit du Professeur Claude Allègre. Il tenait à souligner l'influence du progrès technique et scientifique dans l'évolution des beaux-arts. J'ai pensé : c'est toujours mieux que les beuglements d'admiration de Guillaume Durand devant des peintures sophistiquées - ah, ces peintres se démènent pour tâcher de recouvrer la spontanéité de l'enfance... On est en droit de se demander s'ils ont jamais été enfants.
Indubitablement il y a de la culture scientifique chez Claude Allègre, et il m'évoque un de ces esprits systématiques du XIXe siècle que Baudelaire se fait un devoir d'insulter quand ils s'échappent de leurs laboratoires pour donner des leçons en extrapolant leur savoir microscopique. Bien sûr, un tel esprit positiviste ne peut imaginer que l'influence de la technique ne soit forcément bénéfique. Pourtant, dès le XIXe siècle, Géricault et Prud'hon se sont fait piéger par le bitume. Ils se sont jetés sur ce nouveau matériau d'apprêt un peu sombre mais bon marché. Mal leur en a pris, leurs oeuvres sur bitume n'ont jamais séché. Sans le soin maniaque des conservateurs affectés à la surveillance de la Méduse, il y a longtemps qu'elle aurait complètement coulé.
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Nul n'est parfait
Baudelaire vitupère donc les "modernes professeurs-jurés d'esthétique". Il veut mettre, lui, dans sa contemplation des nouvelles oeuvres proposées à la curiosité du public parisien, le moins de doctrine et d'esprit systématique, bien au contraire, autant de "modestie" qu'il est possible. Et il lâche incidemment cette phrase modeste : "Il m'arrivera souvent d'apprécier un tableau uniquement par la somme d'idées ou de rêveries qu'il apportera dans mon esprit."
Nul n'est parfait, et tout le monde peut se tromper, surtout lorsqu'il veut exprimer des choses positives, bien au-delà des lieux communs circulaires, c'est le sens principal de cette déclaration de principe.
Baudelaire prend des risques à parler clair et il le sait. Il ne pouvait prévoir EXACTEMENT l'avènement d'un race d'ânes bâtés de philosophie, dépourvus d'idées, et surtout de rêveries, qui, singeant le dandysme baudelairien, tireraient de cette manière de contempler la peinture une doctrine systématique permettant de disserter en charabia sur N'IMPORTE QUEL support ou sujet, en vue de toucher un salaire à la fin du mois : "ANYTHING CAN BE A WORK OF ART. WHAT MAKES IT A WORK OF ART IS THAT SOMEONE THINKS OF IT AS A WORK OF ART."
Nul n'est parfait, ça n'empêche qu'on peut être parfaitement nul.
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L'indulgence de Baudelaire
En préambule à ses "contemplations" de morceaux de Delacroix, Ingres, Chassériau, Guys, Daumier, Decamps, Catlin, Vernet, Chenavard... pour s'en tenir à des "illuminations" de Baudelaire, celui-ci tient à dire tout le mal qu'il pense de "la science barbouillée d'encre" des philosophes et des professeurs, tout le mal que le verbiage critique fait à la peinture.
Baudelaire ne manque pas non plus d'égratigner au passage Diderot, son fameux prédécesseur, inaugurant le genre délicat, un siècle plus tôt, de la description des nouvelles peintures exposées au Salon de Paris pour L'Année littéraire, la revue de son "ami" Grimm : "Gribouillage" est le terme dont se servait un peu légèrement ce brave Diderot pour caractériser les eaux-fortes de Rembrandt".
Baudelaire aurait pu être plus cruel avec le philosophe, tant l'aveuglement de celui-ci est grand. Diderot n'hésite pas à transformer par ses conseils son ami Greuze en illustrateur, en graveur de mode républicaine, alors que les dessins de Greuze donnent la mesure d'un talent plus rare. L'"universalisme" de Diderot consiste souvent à porter des jugements péremptoires dans tous les domaines, y compris ceux qu'il a à peine explorés et dont il ignore tout. En celà il préfigure le journaliste moderne ou le citoyen du monde casanier.
Je touve donc somme toute Baudelaire assez indulgent avec Diderot. Sa réserve s'explique peut-être par le fait qu'il entrevoit l'avènement d'une race de critiques incommensurablement plus mesquins que Diderot. En effet que lorsque Diderot laisse enfin parler son coeur, il est capable d'appréciations sensibles. Y compris dans le domaine artistique, lorsqu'il fait part de son enthousiasme pour les marines de Joseph Vernet, en dehors des schémas de pensée moraux du philosophe.
Moi-même, j'ai un peu de sympathie pour ce brave Diderot, parce qu'il n'est pas entièrement philosophe. Il a parfois des élans de sincérité qui sont touchants.
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Engouement
L'engouement actuel des ados pour Baudelaire a peut-être quelque chose de providentiel ? Je suis encore trop jeune pour faire la sortie des lycées, mais on m'a parlé de cette nouvelle tendance, et j'ai pu la vérifier auprès d'une ou deux pucelles enthousiastes.
Pourvu que les ados sachent encore lire !
"Il est encore une erreur fort à la mode, de laquelle je veux me garder comme de l'enfer", dit en effet le Baudelaire qui ne figure pas dans les programmes scolaires : "Je veux parler de l'idée du progrès. Ce fanal obscur, invention du philosophisme actuel, breveté sans garantie de la Nature ou de la Divinité, cette lanterne moderne jette des ténèbres sur tous les objets de la connaissance ; la liberté s'évanouit, le châtiment disparaît.
Qui veut y voir clair dans l'histoire doit avant tout éteindre ce fanal perfide. Cette idée grotesque, qui a fleuri sur le terrain pourri de la fatuité moderne, a déchargé chacun de son devoir, délivré toute âme de sa responsabilité, dégagé la volonté de tous les liens que lui imposait l'amour du beau : et les races amoindries, si cette navrante folie dure longtemps, s'endormiront sur l'oreiller de la fatalité dans le sommeil radoteur de la décrépitude.
Cette infatuation est le diagnostic d'une décadence déjà trop visible."
Supplique géniale du poète qui n'a pas pu constater comme nous le fiasco sanglant des divers projets "humanistes", projets qui n'ont concouru qu'à la ruine de tout ce que l'homme avait de précieux, à commencer par l'Art. Des ruines encore fumantes. Emporté par son élan, la bêtise humaniste n'en finit pas de faire des ravages sur son passage.
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Beaucoup de sang-froid
A en croire BHL (Bernard-Henri Lévy), dont je parcours exceptionnellement le bloc-notes dans le kiosque d'une gare pour me tenir un peu informé de ce qui se passe au Liban, il y aurait en France un puissant lobby médiatique pro-palestinien, pro-arabe, qui passerait son temps à calomnier Israël. Je pense qu'il fait allusion à Siné, dans Charlie-Hebdo, presque gâteux, mais dont le pouvoir de nuisance reste intact. En effet, les présentateurs des grands journaux télévisés sont très influencés par les critiques de Siné. Leur manière partiale de présenter les faits, accablante pour l'armée israélienne, vient de là. On a vu trop peu d'images de femmes-soldates israéliennes pleurant leur(s) camarade(s) mort(e)(s) au combat !
Accablé depuis Pharaon par les persécutions, le peuple hébreu mériterait de vivre enfin en paix. Au lieu de ça, il est obligé de déployer toute son armée pour désarmer des fous de la roquette qui ne songent qu'à canarder le peuple martyr. Et il est obligé de déployer toute sa ruse pour que son grand-frère yanki, ce gros lourdaud, se décide enfin à renverser Saddam Hussein... comme si la moustache de Saddam ne devenait pas inquiétante pour le genre humain tout entier !
Lorsqu'on est reporter de guerre comme BHL, on est bien obligé de fréquenter des journalistes, mais ça empêche pas de les rappeler à l'ordre lorsqu'ils dépassent les bornes, qu'ils flanquent la déontologie aux orties.
Bien qu'il soit assez fâché de tout ce débordement de bons sentiments imbéciles en faveur des enfants libanais massacrés, BHL, magnanime, permet quand même qu'on discute de la stratégie, de la tactique militaire israélienne. Ouf. J'aurais été frustré, devant mon bock, en présence de mes potes, de devoir me contenter de parler de la pluie et du beau temps. Je ne sais pas grand-chose mais j'ai toujours une théorie en réserve pour distraire mes potes.
Cette théorie, c'est qu'à chaque fois qu'on extrait un macchabée des ruines d'un immeuble démoli par une bombe israélienne, c'est cent vocations de kamikaze qui naissent dans le monde arabe, vu que les gens qui n'ont pas l'agrégation de philo. ont parfois tendance à tenir des raisonnements un peu simplistes. Voilà, hem, si je peux me permettre, la tactique d'Israël ne me convainc donc pas tout à fait.
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Je pleure déjà
Veillé devant ce reportage sur l'avortement diffusé sur une chaîne publique... Retour brutal à la "civilisation".
Quand je parle d'une reprise des hostilités, c'est pas pour l'appeler de mes voeux, mais parce que la propagande ne me laisse aucun répit. Bien sûr, il y a encore de rares pacifistes à officier, comme Franck Ferrand sur Europe 1 ou ce pianiste brillant, Jean-François Zygel, qui propose une nouvelle émission musicale sur France 2, captivante, même pour moi qui préfère le silence... mais jusqu'à quand tolèrera-t-on qu'un Ferrand ou un Zygel se permette de faire ressortir ainsi par contraste la féroce ignorance de ses confrères ?
Le reportage sur l'avortement était précédé d'un film de propagande en faveur du divorce, L'Amour au soleil (B. Botzolakis). A la fin, un couple âgé organise une boum pour l'anniversaire de la petite-fille, et ils en profitent pour annoncer leur divorce programmé. Enlacés. Ils se roulent même une pelle pour bien montrer que c'est par amour qu'ils divorcent, contrairement au préjugé qu'on pourrait avoir. Je me tape sur la cuisse. Je suis sensible au comique de propagande.
Le reportage sur l'avortement était moins drôle - l'avortement du temps où il était illégal, histoire de démontrer qu'on a basculé depuis grâce à mesdames Veil et Neiertz dans un monde meilleur, plus hygiénique. Des femmes qui avaient avorté dans les années cinquante, soixante, soixante-dix, témoignaient. C'est toujours risqué les témoignages, même filmés. Ils auraient dû se contenter de faire parler des femmes qui avaient déjà eu plusieurs enfants. On pouvait comprendre plus facilement les motivations sociales, économiques, de ces femmes. Même si leur mépris pour les avorteurs ou les avorteuses qui s'enrichissaient en faisant un "sale boulot" n'est pas très logique. Elles croient peut-être que les obstétriciens font ça désormais par philantrophie, pour pas un rond ?
Les témoignages de celles qui avaient avorté de leur premier enfant, qui déclaraient que la perspective d'un accouchement les avaient remplies d'horreur, carrément, m'ont laissé perplexe. Le truc frappant c'est qu'aucune ne parle du père, pas même un prénom, elles ne disent jamais "nous", même pas une accusation, un reproche, exactement comme si elles avaient attrapé une maladie se propageant dans l'air. Pas un mot sur leurs rapports sexuels non plus. Pas de contexte. C'est tout juste si l'une d'elle évoquait un vague "plaisir très cher payé".
Là où ça vire quand même au cauchemar, c'est quand l'une, devenue militante active, après avoir elle-même avorté en Angleterre, raconte benoîtement comment elle se faisait un devoir d'assister un chirurgien et de laver dans une passoire les restes expulsés après le curetage, pour montrer à la patiente ce qui ne ressemble en fait qu'à de petits lambeaux de peau, pour la rassurer au cas où elle aurait des problèmes de conscience. Ouais, là, j'ai eu envie de pleurer. Peut-être même que j'ai pleuré, je me rappelle plus. Décidément, je suis beaucoup trop sensible, une vraie fillette.
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Le sexe des moines
A peine trois jours que je suis de retour à Paris et déjà je ne peux m'empêcher d'aborder un sujet trivial : la sexualité des moines.
J'aime bien l'ombre douce des monastères, mais je ne suis pas dupe, je sais que j'ai un tempérament trop... disons belliqueux, pour m'accommoder de vivre en communauté.
L'aptitude aussi des moines à se passer complètement des femmes ne peut que fasciner un misogyne comme moi, imparfait. Bien sûr, il y a parmi ces moines un certain nombre de pédés qui doivent sublimer leur goût sexuel en amitié virile, mais ce n'est pas le cas de tous, évidemment, j'ai pu entrevoir des personnalités plus rabelaisiennes.
Je m'en veux un peu, je le répète, de me poser une question aussi saugrenue sous une voûte romane. Je crois y échapper en me réfugiant dans la lecture au pied d'un chêne-liège. Craignant de ne ne trouver dans la bibliothèque des moines que des ouvrages trop compliqués pour moi, j'ai emporté quelques bouquins persos, les Ecrits sur l'art de Baudelaire, comme je veux réfuter sa distinction par trop arbitraire entre "coloristes" et "dessinateurs", Une Guerre au couteau de J.-P. Angelleli, et Le Siècle de 1914, un essai de D. Venner, le fameux historien-poète-guerrier-autodidacte.
Mais dans l'ébauche de portrait de Delacroix que trace Baudelaire, ce petit extrait me ramène à mes sottes réflexions - quasi-anachroniques :
"Sans doute il [Delacroix] avait beaucoup aimé la femme aux heures agitées de sa jeunesse. Qui n'a pas trop sacrifié à cette idole redoutable ? Et qui ne sait que ce sont justement ceux qui l'ont la mieux servie qui s'en plaignent le plus ? Mais longtemps déjà avant sa fin, il avait exclu la femme de sa vie. Musulman, il ne l'eût peut-être pas chassée de sa mosquée, mais il se fût étonné de l'y voir entrer, ne comprenant pas bien quelle sorte de conversation elle peut tenir avec Allah.
En cette question, comme en beaucoup d'autres, l'idée orientale prenait en lui vivement et despotiquement le dessus. Il considérait la femme comme un objet d'art, délicieux et propre à exciter l'esprit, mais un objet d'art désobéissant et troublant, si on lui livre le seuil du coeur, et dévorant gloutonnement le temps et les forces."
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Reprise des hostilités
J'ai un peu craqué, j'avoue. J'ai fui, je me suis retiré quelques jours en Combrailles, auprès d'un monastère bénédictin. Les psaumes en latin, le silence, l'anonymat, tout ça est réconfortant. Et pas un seul bobo à l'horizon ! La détente complète, quoi.
Paris, c’est très joli, il y a tout ce qui faut, la peinture classique du Louvre, de jolies femmes, de bons restaurants, des librairies, mais je finissais par me sentir un peu assiégé, tout de même.
J’ai pu communier à la “nostalgie du Moyen-âge” des moines, c’est-à-dire l’aversion pour les gadgets et une certaine lenteur indispensable pour accomplir de belles choses. Sauf au réfectoire. Ils bouffent trop vite. C’est mauvais pour la digestion quand on est pas habitué. Très nette cette nostalgie chez certains, surtout le frère Guillaume, venu de l’Arizona, habitué à l’inconfort de la campagne mais pas à l’architecture romane. Pétrifié d'admiration, il est.
Avec ça un peu de “lapining” pour me défouler, ce sport dont je suis adepte depuis ma prime enfance, qui consiste à gambader joyeusement dans les fourrés, par-dessus les clôtures et les rochers, à dévaler les pentes - certains préfèrent l'expression plus martiale d'“azimut brutal”.
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Étuvé
L'aversion instinctive des artisans et des artistes vis-à-vis de la modernité tient au fait qu'elle est très peu fiable et elle complique beaucoup l'existence.
Je veux parler de ces murs en briques ou en béton qui protègent pas de la chaleur : faut installer la climatisation qui tombe en rade une fois sur deux et les centrales nucléaires ne suffisent pas à fournir toute l'énergie que ces stupides machines pompent - on est forcés d'acheter de l'électricité à l'étranger !
La modernité, c'est bon pour les jean-foutres, les gens pas très sérieux, le genre qui se promène avec un i-pod dans l'oreille, ou pour les philosophes encore, qui s'accommodent de tout, qui bouffent à tous les râteliers pourvu qu'on les laisse jouer avec leurs mots-croisés.
La modernité elle s'use très vite aussi, et ça c'est une note d'espoir… Putain, en attendant, qu'est-ce qu'il fait laid !