Il est arrivé deux ou trois qu'on me confonde avec Alain Soral, d'"Egalité & Réconciliation". Bien qu'il est très sympathique, comme tout ce qui fait en temps de consensus publicitaire l'objet de poursuites médiatiques, je diffère de Soral sur quelques points.
- L'athéisme professé par celui-ci est le plus petit détail, car la foi ne compte pas aux yeux des chrétiens, dont je suis. Ce n'était qu'un truc de curé sous l'ancien régime pour se donner de l'importance. Dans la réalité, le Christ rapporte le comportement exemplaire d'un Samaritain, pour bien dire aux juifs qui auraient été trop marqués par le pharisaïsme : l'étiquette ne compte pas, mais seulement la charité.
- En revanche, je ne suis pas "républicain" comme Soral, car le républicanisme est un vecteur, non pas d'athéisme, mais d'antichristianisme. L'idéal républicain cherche en effet à faire croire, à n'importe quel prix, c'est-à-dire en mentant de façon éhontée, au "progrès social", promesse dont il n'est pas difficile de deviner qu'elle est faite pour asservir le plus grand nombre aux besoins de quelques-uns. Cette idéologie est la plus contraire au christianisme, dans lequel l'écoulement du temps n'a d'autre effet que le pourrissement ; au christianisme étranger à une libération d'ordre collectif ou social.
Le socialisme omet de dire que si chacun est libre, alors la société ne sert plus à rien ; ou plutôt : le seul socialisme conçu ainsi, dans le but de détruire la société, par conséquent profondément irréligieux, c'est celui de Marx et Engels. Or, c'est le plus antirépublicain, c'est-à-dire le moins élitiste et le plus dissuasif de croire dans le progrès juridique.
Outre Soral, je m'étonne d'ailleurs de "marxistes républicains" !? Mélenchon, Philippe Poutou, etc., alors que Marx a fait la démonstration que propriété publique et propriété privée sont indissociables, l'Etat appuyé sur les banques, et les banques sur l'Etat. L'illusion de croire l'argent public séparé de l'argent privé vient de la nécessité de faire gober, tâche qui incombe au clergé républicain, que le "progrès social" est autre chose que l'enrichissement, c'est-à-dire le pillage juridique organisé du reste du monde.
Mais surtout, Marx a fait la démonstration que la formule juridique républicaine moderne, y compris le national-socialisme allemand, ne fait que perpétuer la formule inaugurée par l'Eglise romaine, en l'adaptant aux nouvelles exigences de l'exploitation industrielle. Le culte juridique mis en place par l'Eglise romaine (bien plus antimessianique et efficace que le nitchéisme récent) dans l'ancien régime, répondait à l'exigence de l'enracinement du paysan dans la terre et dans son travail. Seul le droit a des racines, et non le christianisme. Les thèses raciales allemandes sont d'ailleurs exactement faites du même bois, mais destinées cette fois à des prolétaires athées.
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L'intérêt récent d'Alain Soral pour l'apocalypse, c'est-à-dire le récit mythologique chrétien de l'histoire du monde, en revanche, le rapproche. D'abord parce que j'argumente depuis plusieurs années que l'orientation de la science matérialiste marxiste est apocalyptique. Bien qu'il a eu des positions différentes à l'égard du christianisme, Marx ne s'est d'ailleurs jamais beaucoup éloigné de l'apocalypse, imitant une méthode typique des "Lumières françaises" qui consiste à opposer au clergé catholique ou protestant l'esprit et la lettre du Nouveau Testament. Je recommande chaudement cette méthode. Tout au plus l'athée qui la pratique risque-t-il de devenir chrétien.
Quelques précisions : - "matérialiste", contrairement à certaine légende dorée athée, ne signifie pas "athée". L'athéisme moderne participe d'un mouvement bien plus psychologique que matérialiste. Les savants matérialistes grecs sont nombreux. Aucun d'eux n'est athée. Le matérialisme est concentré autour de la question de savoir si la nature comporte le vide, ou si celui-ci est seulement une notion métrique.
- Le point le plus intéressant abordé par Soral est celui du lien entre la mythologie et la science matérialiste. L'imagination est-elle aussi propice à la science qu'elle l'est à l'art ? telle est la façon dont on peut poser la question. Et répondre que, jusqu'au XVIIIe siècle, l'art, la science et la théologie n'étaient pas disjoints, et la place de l'imagination incontestée. Le prétexte fallacieux d'élargissement des connaissances parfois invoqué pour expliquer la division de la science et de l'art en différentes branches, dissimule la vraie raison, technocratique, de cette évolution, de conserve avec la substitution d'une méthode spéculative, aujourd'hui répandue dans toutes les disciplines, à l'imagination.
Il faut se demander, par conséquent, au minimum, si l'effacement progressif de la mythologie et de l'imagination au cours des derniers siècles, loin d'être une marque de "progrès scientifique", ne serait pas la conséquence d'un totalitarisme avancé ?
- Ensuite, quand on se dirige comme Soral vers l'apocalypse chrétienne à partir de préjugés sociologiques et juridiques, il faut éviter de tomber dans un piège. Celui auquel je fais allusion précédemment, d'abord : l'église romaine étant la matrice de la sociologie républicaine, ayant introduit le poison de l'éthique bien avant la République, au moyen-âge, sous la forme du purgatoire, mieux vaut s'éviter un saut dans le temps inutile et croire la vieille sociologie meilleure que la nouvelle.
Il faut éviter en outre le mélange d'apocalypse et d'éthique, selon le propos ésotérique de Dante Alighieri, et plus encore de Chrétien de Troyes, auteur d'une légende démoniaque, dont Shakespeare a souligné l'indécence et le symbolisme magique. Cette mythologie subversive et maçonnique, au sens où elle tente d'adapter le christianisme à un système de castes, permet de faire le constat que le symbolisme alchimique ne date pas d'hier, mais qu'il a été vivace du temps des cathédrales gothiques.