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Lapinos - Page 36

  • Catholicisme intransigeant

    Dans le quotidien "La Croix" (11-12 janvier), un clerc catholique romain, Gaston Piétri, pose la question : "Où est la véritable intransigeance ?".

    Utilement celui-ci rappelle que Jésus-Christ n'est pas un modèle de composition, mais bien d'intransigeance. Il cite l'évangile : "Que votre oui soit oui." ; "Nul ne peut servir deux maîtres, Dieu et l'argent." ; "Tout arbre qui ne produit pas un bon fruit, on le coupe et on le jette au feu."

    Je précise que l'intransigeance du Messie est manifeste au cours de sa vie publique, non pas à l'égard de pécheurs que la société condamne : criminel, femme adultère, etc., mais à l'égard du clergé juif principalement. A ce clergé le Messie reproche de ne pas avoir saisi la portée universelle du judaïsme ou de la loi de Moïse, et d'en avoir restreint le bénéfice au seul peuple hébreu, méprisant ainsi l'esprit de la loi.

    Or le clergé catholique romain n'accomplit-il pas le même détournement de la parole divine dont les pharisiens se rendirent coupables il y a un peu plus de deux mille ans ? La doctrine catholique romaine est-elle véritablement "universelle", ou bien n'a-t-elle pas été réduite à une doctrine anthropologique, et par conséquent nécessairement relative ? L'intransigeance exige que l'on se pose cette question, d'autant plus que les derniers évêques de Rome, Joseph Ratzinger en particulier, affirment la nature anthropologique du message évangélique, ce qui est IMPOSSIBLE, notamment en raison de l'intransigeance de la parole divine à l'égard de l'ordre social humain.

    Joseph Ratzinger tente ici de justifier la vocation du clergé romain à décréter dans le domaine moral, ou comme on dit aujourd'hui, dans le domaine social. Derrière l'argument de l'anthropologie se dissimule en réalité le cléricalisme romain.

    Gaston Piétri ne pose pas de cette manière le problème de l'intransigeance chrétienne vis-à-vis de la vérité, c'est-à-dire de l'amour. Son but est de priver d'une base évangélique les catholiques réactionnaires qui manifestent leur désapprobation vis-à-vis de la politique et de la morale modernes. Il n'a pas tort, car il n'est pas difficile de montrer que ce type de réaction est fondé juridiquement contre l'histoire. Poussant le raisonnement juridique jusqu'au bout, l'antéchrist Nitche est amené à nier la résurrection du Messie, c'est-à-dire le triomphe de la vérité et de l'amour sur la logique juridique, essentiellement relativiste. Pour autant ce clerc romain n'a pas raison. L'évangile moderne ne cautionne pas plus l'attitude moderne qu'elle ne justifie le retour à un ordre ancien. D'ailleurs le flou juridique moderne est facteur d'une iniquité non moins terrible que l'ordre tyrannique ancien. Dans la mesure où l'éthique occidentale moderne assume un prétendu héritage judéo-chrétien (Hegel), à travers l'idéal démocratique égalitaire, notamment, et les droits de l'homme, elle expose les peuples opprimés par les nations occidentales à rejeter en bloc les évangiles et l'éthique hypocrite dont le "clergé laïc" occidental prétend qu'elle découle. Par conséquent, l'éthique moderne est un motif de scandale extraordinaire pour les chrétiens ; l'intransigeance doit les inciter à dénoncer cette subversion moderne, non pas au profit d'un ordre ancien somme toute à peine moins abstrait que la perspective moderne totalitaire, mais parce que le triomphe de l'Eglise, invisible, n'est pas fonction du temps.

    "Il n'y a pas de droits de la vérité à faire inscrire à tout prix dans les institutions. Il y a le droit des personnes à entendre un message dont les ondes de choc devraient aller loin dans le jeu social. A condition que les témoins du Message eux-mêmes respectent ce jeu social et ne s'installent pas en surplomb." : cette casuistique, typiquement moderne en l'occurrence, de Gaston Piétri, n'est pas fondée sur les évangiles ; c'est au contraire le refus de composer avec la nécessité sociale qui est le sens des paraboles et de l'amour chrétien. Où est-il écrit que le christianisme a pour but de féconder le "jeu social" ? Le Messie n'a de cesse de répéter que son royaume n'est pas de ce monde, et que le "jeu social" n'est qu'un jeu macabre, c'est-à-dire entérinant la mort comme un réalité éternelle. Gaston Piétri se fait ici l'apôtre d'une idéologie laïque moderne qui n'a rien de chrétien, mais qui ressemble beaucoup à un luthéranisme dévoyé, ayant renoncé à l'intransigeance de Luther, sans doute peu nostalgique du moyen-âge, mais réduit du fait de l'évolution à un conformisme social plus grand encore que celui du petit parti catholique réactionnaire nostalgique. La dialectique du conservatisme et de la modernité n'est d'ailleurs pas une dialectique chrétienne : c'est une dialectique culturelle, et il n'y a pas de culture chrétienne.

    Plus concrètement, on peut s'interroger sur le bénéfice de ces doctrines sociales chrétiennes ? En quoi n'ont-elles pas fait le jeu du capitalisme moderne, depuis le début, suivant l'argument de leurs détracteurs athées ou anticléricaux ? N'y a-t-il pas rien de plus désespérant pour les apôtres sincères de la justice sociale, persuadés du mérite des papes à faire entendre un tel discours abstrait, que l'échec systématique et catastrophique de ce type d'entreprise que le message évangélique ne cautionne pas ? N'est-ce pas ce type de désespéré qui, confronté à la désillusion, finit par être acculé à l'égoïsme ou à la vengeance ?

    Enfin, s'il n'est pas permis de servir l'argent comme un second maître, quel est le sens du consentement à un Etat, une personnalité morale temporelle, dont l'existence est entièrement dépendante d'une problématique économique aliénante, au point que les élites dirigeantes ne peuvent même plus prétendre à la responsabilité, et ne disposent plus, comme solution ultime, que de diviser pour se maintenir ? Traduit en acte dans le fachisme néo-païen ("Dieu, famille, patrie"), où dieu n'est autre que Satan, comme dans le communisme prolétarien, le discours de la justice sociale n'a rien fait qu'assurer le triomphe de la détermination humaine la plus basse, économique, dans les faits voire dans les consciences. Comme l'argument de la justice sociale est indissociable de cette prétendue "éthique judéo-chrétienne", les chrétiens fidèles à la parole divine sont amenés à voir dans la formule moderne sur laquelle l'Occident s'appuie la manifestation de l'antéchrist.

     

     

     

     

     

     

  • Titanic

    Aucun chrétien ne saurait se porter au secours de la civilisation, puisque la civilisation et le christianisme poursuivent deux buts strictement opposés, comme le Christ et Satan.

    Il y a de quoi être sarcastique à propos des "défenseurs chrétiens de la civilisation", brave bourgeois abonnés au "Figaro" ou à quelque gazette capitaliste similaire.

    L'effondrement de la civilisation et des nations sur elles-mêmes a d'ailleurs du point de vue chrétien sa logique. Le principe conservateur de la civilisation est battu en brèche par une idée de progrès, social ou juridique, abstraite et artificieuse ; celui-ci entraîne un relativisme moral toujours plus grand. Contrairement à ce que prétend la philosophe nazie Hannah Arendt, l'éthique moderne n'est pas vectrice d'une criminalité banale ; celle-ci est au contraire marquée par l'irresponsabilité extraordinaire des élites technocratiques modernes, à qui l'argument du progrès sert de blanc-seing.

    Autrement dit, l'éthique païenne est marquée par le principe de responsabilité, tandis que ce n'est pas le cas de l'éthique moderne.

    Du point de vue évangélique, spirituellement opposé à la détermination éthique ou psychologique, bien qu'il soit plus rationnel que l'art moderne ubuesque, l'art païen antique n'a pas le caractère universel. Il exclut l'amour, ce qui est préférable que d'en procurer l'illusion, au profit d'une philosophie naturelle qui exclut la révélation à l'homme de l'amour au profit du moindre malheur social.

    Exiger l'amour sur le plan social est la calamité dont le monde moderne souffre ; cette quête amoureuse jusqu'à l'abaissement des valeurs au plan sentimental paraît une invention typiquement chrétienne, alors que paradoxalement les évangiles et les apôtres sont les plus dissuasifs de voir dans le mariage de Roméo et Juliette autre chose qu'un mécanisme naturel de consommation.

    "Chrétien" ou "juif" est devenu synonyme de "capitaliste", ne serait-ce que parce que les nations qui exercent leur domination militaire sur le reste du monde sont des nations qui arborent des insignes chrétiens ou juif. Ce n'est autre que la manifestation de l'antéchrist dans l'histoire, selon sa description évangélique. Qu'il en soit conscient ou non, peu importe, un suppôt de Satan tel que Nitche n'est que l'auteur d'une charge destinée à faire diversion. Mais le satanisme ne peut se nourrir des seules valeurs politiques traditionnelles, ni de la formule égyptienne de la civilisation, la plus pure.

    Quelle que soit la furie du monde, les chrétiens fidèles à Dieu et qui ne propagent par intérêt des mensonges sur la religion chrétienne sont sous sa protection. Nul ne sait mieux qu'un chrétien quel dieu bénit les nations et la civilisation.

     

  • L'Odeur du Danemark

    "Jusqu'à ces derniers temps, les enfants prodigues disaient merde à leurs pères et passaient à la Gauche, avec armes et bagages ; le révolté, c'était classique, se changeait en militant. Mais si les pères sont à gauche ? Que faire ? Un jeune homme est venu me voir : il aimait ses parents mais, dit-il avec sévérité : "Ce sont des réactionnaires !" J'ai vieilli et les mots avec moi : dans ma tête, ils ont mon âge ; je m'égarai, je crus avoir affaire au rejeton d'une famille aisée, un peu bigote, libérale peut-être et votant pour Pinay. Il me désabusa : "Mon père est communiste depuis le congrès de Tours." Un autre, fils de socialiste, condamnait à la fois la SFIO et le PC : "Les uns trahissent, les autres s'encroûtent." Et quand les pères seraient conservateurs, quand ils soutiendraient Bidault ? Croit-on qu'elle puisse attirer les fils, la Gauche, ce grand cadavre à la renverse, où les vers se sont mis ? Elle pue, cette charogne ; les pouvoirs des militaires, la dictature et le fascisme naissent ou naîtront de sa décomposition. ; pour ne pas se détourner d'elle, il faut avoir le coeur bien accroché. Nous les grands-pères, elles nous a faits : nous avons vécu par elle ; c'est en elle et par elle que nous allons décéder. Mais nous n'avons plus rien à dire aux jeunes gens : cinquante ans de vie en cette province attardée qu'est devenue la France, c'est dégradant. Nous avons crié, protesté, signé, contresigné ; nous avons, selon nos habitudes de pensée, déclaré : "Il n'est pas admissible..." ou : "Le prolétariat n'admettra pas..." Et puis finalement nous sommes là : donc nous avons tout accepté. Communiquer à ces jeunes inconnus notre sagesse et les beaux fruits de notre expérience ? De démission en démission, nous n'avons appris qu'une chose : notre radicale impuissance."

    J.-P. Sartre (Situations)

    - Gauche-droite-gauche : le pas de l'oie.

     

  • Nabe contre Dieudonné

    ...et Finkielkraut contre Soral.

    C'est une belle affiche pour un pugilat télévisé, n'est-ce pas ? Qu'on ne dise pas que les responsables de programmation n'aiment pas ça, les débats animés. Or rien que le communiqué de presse de Nabe pour la parution de son bouquin a battu des records d'audience.

    Bien sûr ça poserait quelques problèmes protocolaires, A. Finkielkraut refuserait sans doute de se ranger du même côté de Nabe, à cause de l'odeur. Mais bon, on trouverait bien une solution protocolaire. Finkielkraut porterait une tenue de décontamination, ou Nabe ferait comme les papes sa contrition.

    C'est un peu vache de coller Finkielkraut dans le camp des "justes" : il est tellement nul ; Finkielkraut aime la rhétorique comme un perroquet éprouve le besoin de parler, ça ne veut pas dire qu'il y arrive.

    Mettons plutôt BHL ; mais BHL est trop malin pour se compromettre dans un pugilat avec le bas-clergé.

    Les politiciens ont de quoi être jaloux : leurs joutes verbales et leurs compétitions électorales n'intéressent plus que les journalistes, payés pour s'y intéresser. Le vaudeville avec des actrices ou des chanteuses est leur dernier atout pour faire de l'audimat.

    Mais ce débat n'aura pas lieu. Pas à la télé, qui est un sanctuaire. Il y a dans la nef des recoins obscurs où tel ou tel paria peut se faufiler grâce à un chanoine complaisant (F. Taddéi), et lapper ainsi quelques gouttes de la lumière glorieuse des saints...

    Mais pas question de débattre de l'existence de dieu au beau milieu de la nef, en plein sur le maître-autel. Le diable doit symboliquement rester à l'extérieur. Je dis "symboliquement", car il n'est aucune institution qui peut résister à Satan.

    Plus encore que par Soral & Dieudonné, c'est par les faux espoirs qu'elle entretient qu'une élite se fait désarçonner, c'est-à-dire par une puissance implacable et incontrôlable.

  • Mort de l'Art

    La mort de l'art est une catastrophe bien pire pour les grands de ce monde que la mort de dieu.

    Le peuple, lui, au contraire, est plus attaché à dieu qu'il ne l'est à l'art. L'iconoclasme populaire vise le catholicisme romain seulement dans la mesure où celui-ci, quand il était encore vivant, mélangeait art et spiritualité, trahissant l'esprit et la lettre des évangiles. Autrement dit le catholicisme romain avait transformé dieu en oeuvre d'art, c'est-à-dire en idole.

    Précisons, en idole "moderne", car l'idolâtrie moderne est issue de la doctrine catholique romaine - la philosophie de Hegel est la plus révélatrice de cet aspect de transmission de l'idolâtrie catholique romaine aux institutions modernes (à condition de lire Hegel dans des versions qui n'ont pas été expurgées par des universitaires staliniens ou républicains afin de gommer cet aspect confessionnel).

    La haine de Nitche à l'égard du peuple est un aspect de sa doctrine artistique ; non seulement l'art élève au-dessus du peuple, mais il est aussi souvent destiné à maintenir à distance le peuple, à creuser un fossé entre les élites et celui-ci. Ici se loge le secret de l'égalité, toujours promise et jamais accomplie, et qui n'est qu'une manière de tenir en haleine le peuple.

    L'art égalitaire ou démocratique n'existe pas. Shakespeare ne vise pas telle ou telle catégorie de personnes, suivant le temps et l'espace, comme la musique. Mais Shakespeare, contrairement à la musique, n'a aucune utilité sociale.

  • Avorter c'est tuer

    Avorter c'est tuer... légalement. J'ai pendant quelques années été un militant résolu contre la loi Veil et son application, avant de perdre peu à peu au fil de mes lectures scientifiques et chrétiennes toute conviction d'ordre moral ou politique.

    Mon anarchisme avait beau être assez primaire et révolté contre un Etat ploutocratique qui broie des nourrissons surnuméraires avant de les jeter à la poubelle, il ne m'a pas empêché de comprendre que, si je voulais lutter contre l'assassinat légal, je devais aussi manifester devant les casernes pour leur fermeture, car les médecins ne sont pas les seuls à qui l'Etat délivre un blanc-seing afin d'ôter la vie si nécessaire.

    Or manifester devant les casernes n'est pas plus efficace que manifester devant les hôpitaux. Les bidasses n'ont d'ailleurs pas beaucoup plus de jugeotte que les femmes enceintes. C'est un peu le même élan qui fait la femme enceinte et l'homme soldat. Les militants ne valent pas mieux, puisque leur combat se situe à un niveau intellectuel plus propice à une mort moins brutale. La mort du militant n'est même pas toujours consécutive à la mort de ses idées.

     

    Néanmoins j'ai pas mal appris sur l'anarchie et son état, après Trente Glorieuses de France qui s'empiffre. "L'avenir de nos enfants" : laissez-moi rire ! De voir des "anarchistes", par exemple, du côté de la police, de l'Etat et de la loi Veil, par exemple, ça ouvre les yeux sur les méthodes étatiques de lavage de cerveau.

    Du côté des "pro" comme des "anti", dans l'ensemble, il n'y a que des tocards ou des ratés, comme dit Nitche. Du côté des "anti", il n'y a personne ou quasiment, et il n'y aura jamais personne tant que cette cause comportera un "risque social". Jamais je n'ai vu un évêque, par exemple, s'associer physiquement à une telle cause ; pourtant le diable sait que les évêques sont capables de s'associer aux causes sociales les plus sordides ou stupides. Du côté des "pro", on a l'Etat et toute la moraline féministe derrière. Ne militent donc que ceux qui sont persuadés que le militantisme fait avancer les "questions sociales".

    De surcroît, j'avais le sentiment que les militants "pro", comme les militants "anti", étaient manipulés. Autrement dit, pour militer démocratiquement, il faut croire dans la démocratie, et ma culture française sceptique ne m'a pas préparé à une telle foi débordante dans ce qui n'est pas mais sera peut-être demain. Toutes ces manifs, c'est du cinoche, et on le sent bien. Comme le cinoche, ça ne mène nulle part.

    Plus tard j'ai découvert combien les laboratoires pharmaceutiques sont intéressés à la cause féministe et la cause politique. C'est dingue comme de grands professeurs de médecine gynécologique, qui testent de nouvelles molécules, ont le désir de venir en aide aux femmes chevillé au corps. Mieux vaut s'assurer que celui qui prêche le progrès social n'est pas sous l'emprise d'une drogue quelconque.

    A trop regarder la société et les mouvements sociaux de près, on finirait par croire que l'amour n'est qu'une pure distraction inventée par un artiste aveugle. La société peut bien aller en enfer si elle veut - c'est le sens du courant.

     

  • Table rase

    "Table rase" est l'expression marxiste la plus évangélique, probablement directement inspirée des sources bibliques de K. Marx et de sa volonté de s'affranchir du préjugé hégélien dominant son époque.

    Le profit qu'il y a à s'affranchir de toute forme de culture, à rejeter le culte identitaire anthropologique, qui n'est autre que la formule totalitaire de la culture, est en termes de conscience. Si le Christ n'est d'aucune culture, que rien ne le rattache à la terre, ce n'est pas parce qu'il est mort ou abstrait, suicidé ou victime, c'est parce qu'il est catholique, c'est-à-dire divin et universel. Les catholiques romains défient le ciel en inventant une culture catholique.

    Au contraire le gain de l'identité et de la culture est en terme de sécurité : il n'y a rien d'étonnant à ce que les personnes les plus faibles physiquement et spirituellement, se soumettent aux aléas de la culture moderne (la plus labyrinthique) ; la culture de masse est d'ailleurs un puissant motif d'incitation au culte identitaire.

    L'érudit néo-païen Carl Jung note le dégoût de l'homme pour l'inconscience, c'est-à-dire sa pétition de principe en faveur de la liberté ; en pleine possession de ses moyens, il est en effet pénible à l'homme de concevoir que son existence n'est que la réponse plus ou moins active à des stimuli du type de ceux auxquels l'animal obéit. Aussi confus soient les savants évolutionnistes, ils s'efforcent de trouver des explications à l'originalité de la conscience humaine, au regard de la conscience animale. Les personnes religieuses sont les moins aptes à qualifier cette différence, en raison du mouvement collectif que supposent les religions "horizontales" ou la culture.

    En même temps que ce dégoût de l'inconscience, C. Jung relève qu'il est une limitation à la conscience dont l'homme s'accommode facilement, et qui correspond à peu près à l'état heureux. On peut comprendre par-là le mépris des hommes de science vis-à-vis de la religion épicurienne, non pas spécialement athée, mais essentiellement orientée vers la quête du bonheur. On pourrait dire que l'homme moyen ou vertueux se contente d'une conscience moyenne, et qu'il se doute inconsciemment du risque que comporte la vérité.

    Quoi qu'il en soit, le plan politique ne peut englober celui de la vérité ou de la liberté, car le plan politique ne peut faire mieux qu'atteindre des objectifs moyens. Tout parti politique qui feint d'associer à ses moyens le but d'atteindre la liberté doit être regardé comme l'antéchrist en action - à commencer par la démocratie-chrétienne et les démocrates-chrétiens contre qui, tôt ou tard, la colère des apôtres finira par se déchaîner.

    Comme la culture moderne est inférieure en termes de moyens à la religion épicurienne, cette culture moderne définit l'état de l'homme moderne au niveau de la sous-humanité ou d'un esclavage extraordinaire, touchant aussi bien les maîtres du monde que leurs esclaves. Sur ce point le chrétien ne peut qu'approuver Nitche. En revanche, il n'est pas véridique que cette culture de mort soit absurde. Elle a bien un sens que Nitche ignore.

     

  • Conspirationniste chrétien

    Le christianisme est une religion conspirationniste. Le conspirationnisme chrétien est même la clef de nombreuses oeuvres d'art occidentales, demeurant énigmatiques pour les conservateurs d'art ou les muséographes modernes. Sans doute le cas le plus récent et le plus célèbre est-il celui de l'art luthérien, accusant la religion catholique romaine de servir Satan ; mais ce cas n'est pas isolé.

    La conspiration du monde contre la vérité définit le cadre général du complot. L'apôtre Paul précise les modalités de la conspiration dans ses lettres, dans la notion d'antéchrist. Un aspect, notamment, est souligné, à savoir la montée en puissance de l'antéchrist. Le Messie n'hésite pas lui-même à mettre ses apôtres en garde contre les faux prophètes qui prêchent en son nom. Un autre signalement de la conspiration est le fameux "complot de pharisiens et de veuves" fustigé par le Messie - le caractère clérical de la conspiration mondaine est ici souligné. 

    - Le combat de Nitche contre le Christ et ses apôtres est remarquable à plusieurs titres ; d'abord parce qu'il émane d'un suppôt de Satan "triomphant", c'est-à-dire qui estime le christianisme moribond. Il corrobore ainsi involontairement l'aspect de montée en puissance de la bête de la terre, dont les chrétiens sont avertis par leurs écritures saintes et leurs prophètes. Il ne faut pas s'attendre à la fin du monde, dit Paul de Tarse, avant que la domination de l'antéchrist sur le monde ne se soit manifestée.

    Secundo, la doctrine néo-païenne de Nitche, d'une pureté satanique bien plus grande que la culture nazie, notamment en ce qui concerne l'aspect majeur de la philosophie naturelle, cette doctrine nitchéenne draine dans son sillage une cohorte de doctrinaires et de philosophes tellement hétéroclite qu'elle fait paraître la culture occidentale moderne pour un véritable cloaque, dépourvu d'axe critique. Nitche n'est sans doute pas le seul maître trahi par ses disciples, mais dans son cas on dirait une plaisanterie, puisqu'il y a des nitchéens chrétiens, des nitchéens "de gauche", et même des nitchéens libéraux.

    La culture moderne, souvent présentée comme ayant un mobile scientifique reléguant les vieilles religions du passé au rang de la superstition, s'avère bien plutôt d'une opacité croissante. Or la culture n'est autre que la religion du citoyen lambda. Cette opacité s'accompagne d'une culture de masse et d'un viol des consciences perceptible bien au-delà des seuls apôtres.

    - On ne peut manquer de remarquer que l'éthique judéo-chrétienne la plus récente, défendue par l'intelligentsia occidentale, bien qu'elle soit entièrement dépourvue de lien avec l'apocalypse ou l'eschatologie chrétienne, est elle-même "conspirationniste". Elle prend en effet sa source dans le complot nazi, enseigné tel quel.

    - Bien entendu les historiens savent que la politique est essentiellement un complot, c'est-à-dire une coalition d'individus ou de partis dont les intérêts et les forces convergent suffisamment pour exercer le pouvoir. Ce n'est pas le complot politique qui est caractéristique de l'Occident, mais l'instabilité des complots successifs.

    - Shakespeare illustre, à l'opposé de Nitche qui tente de réduire le christianisme et le judaïsme à des mouvements psychologiques erratiques, l'adaptation des élites et de la politique moderne à l'irruption dans le monde de l'histoire conspirationniste chrétienne. Il n'est plus possible à l'ordre politique, naturellement pyramidal, de se contenter de refléter le système solaire suivant les antiques philosophies naturelles. L'imposture de la philosophie naturelle moderne, éclatée en diverses branches et excessivement spéculative, vient de là : de la nécessité, outre le droit naturel païen, d'endiguer la vérité chrétienne inconciliable avec la société.

     

  • Contre Nabe

    D'abord, une précision : contrairement à Soral, Dieudonné ou Nabe, j'écris sous couvert d'anonymat. C'est une façon de procéder parfois stigmatisée pour sa lâcheté. Lorsque l'accusation vient du chef de l'Etat lui-même, plus entouré de gardes du corps qu'aucun souverain d'ancien régime ne fut, et entretenant des services de renseignement intérieurs coûteux - cette accusation prête à sourire. Le président de la République s'en est pris ainsi dernièrement à ceux qui, sur internet, menacent l'orchestration de l'opinion publique par quelques éditorialistes.

    Si les gangsters procédaient à visage découvert et envoyaient leurs portraits à la police, on se moquerait d'eux ; il en va de même pour la police de la pensée et ses opposants.

    Je déplore depuis longtemps l'attitude de M.-E. Nabe qui consiste à accepter les invitations à se produire à la télévision ; elles ont pour but de démontrer que la télévision est garante de la liberté d'expression, et que la dissidence n'a pas lieu d'être. Telles ces gazettes impertinentes, dont l'impertinence se limite à l'exhibition sexuelle carnavalesque, ou la dénonciation de tribunaux d'inquisition qui ne siègent pas en France.

    M.-E. Nabe s'attaque donc à Dieudonné et Soral, leur reprochant d'attiser le conspirationnisme ou le complotisme. C'est plutôt étonnant de la part d'un qui se dit chrétien, dans la mesure où l'aspiration à la vérité, par-delà les limites tyranniques ou légales assignées à cette aspiration, est typiquement chrétienne ou juive. Autrement dit, la loi n'explique rien pour un chrétien -elle ne débrouille pas la condition humaine-, par conséquent l'aspiration à la connaissance, contre sa nécessaire limitation par des raisons politiques, est une impulsion chrétienne. Aucun politicien, s'il a deux grammes d'honnêteté (et par conséquent ne procède sous des couleurs chrétiennes), ne prônera la transparence la plus complète, sachant qu'elle aurait pour effet la dissolution de l'ordre politique.

    A cause de ce mélange impossible de politique et de christianisme, l'Occident est une civilisation maudite. Maudite par qui ? Maudite par le conspirationniste Shakespeare.

    D'ailleurs M.-E. Nabe se dit lui-même le suiveur de L.-F. Céline ; or il a été donné à Céline, à cause de la guerre et comme ses victimes juives ultérieures, d'apercevoir l'Occident tel qu'il est, sans ses habits de lumière humaniste.

    Donc le complot n'est pas seulement dans la bouche de Soral et Dieudonné, il est partout, et ce depuis des millénaires.

    Et ceux qui corroborent le plus la thèse du complot avancée par Soral et Dieudonné, ce sont ceux qui les empêchent de se défendre dans la presse et la télévision, et produisent des tirs d'artilleries médiatiques propres à ébranler les convictions les mieux ancrées dans la garantie de la liberté par l'Etat républicain et les représentants de la force publique. Aussi stalinienne soient la France et ses intellectuels, la méthode du procès en l'absence des principaux accusés risque d'apparaître vite comme suspecte à tous les actionnaires minoritaires du régime.

  • Histoire et totalitarisme

    Du point de vue historique, modernité et totalitarisme sont synonymes. Je veux dire par là, si l'on considère Shakespeare et Karl Marx comme les historiens les plus lucides des temps modernes.

    Le point de vue moderne est un point de vue intellectuel ; il n'est assumé que par une catégorie d'hommes qui se définissent eux-mêmes comme des "intellectuels", en se gardant d'ailleurs de préciser ce qu'ils entendent par "l'intelligence". Le paysan rend un culte à la nature ; l'intellectuel, lui, rend un culte à ses parents, ce qui constitue une religion de plus courte vue.

    Certainement Marx, et moins encore Shakespeare, ne sont des intellectuels : ils s'efforcent en effet de réduire au maximum le degré d'abstraction de la pensée, non de s'abriter derrière des mots ou des idées.

    George Orwell souligne utilement la stupidité excessive des intellectuels en comparaison des gens ordinaires, et la tolérance desdits intellectuels vis-à-vis du totalitarisme. Cela suppose que la privation de liberté due au totalitarisme, les intellectuels ne la sentent pas ou ne l'éprouvent pas. De quoi le totalitarisme prive-t-il surtout ? De science.

    J.-P. Sartre a voulu marquer "l'engagement" comme un progrès de la philosophie moderne sur l'ancienne ; mais cet engagement marque en réalité un progrès de l'intellectualisme.

    Orwell est athée, plus que Marx dont le propos est émaillé de références bibliques, et il est certain que Orwell associe l'intellectualisme à la morale judéo-chrétienne. Il n'a pas tort, dans la mesure où transformer un message évangélique anarchiste en doctrine sociale requiert des trésors de rhétorique. La conversion tardive de Sartre au "judéo-christianisme" n'est qu'un retour au bercail ; en réalité l'intellectualisme moderne est issu de la scolastique médiévale.

    Un autre point de vue critique sur la modernité, c'est celui de l'art, dont on peut prendre Nitche pour le représentant, sans se fier à son propos historique, qui pose en principe que l'histoire n'est qu'une illusion psychologique. Aux yeux du païen ou de l'antéchrist Nitche, la modernité n'est pas un totalitarisme, mais il la qualifie de "culture de mort". Il n'a d'ailleurs pas tort d'associer la méfiance de la modernité au peuple français, et d'en faire ainsi le peuple le plus réactionnaire d'Europe.

    Pour l'historien Shakespeare, le totalitarisme a une signification historique ; pour Karl Marx, il exige une explication autre que celle mise à la disposition des intellectuels et des élites dirigeantes par Hegel. Pour un négationniste du sens de l'histoire païen comme Nitche, la culture de mort est liée à la foi chrétienne absurde dans l'histoire et la fin du monde.

    Ce qui fait le danger extrême de l'intellectualisme et des intellectuels, c'est que leur puissance est excessivement grande, comparable à l'impact de la culture de masse, dont ils sont les principaux actionnaires et promoteurs, et l'uniformisation ou l'égalisation des consciences qu'elle entraîne à l'échelle mondiale, en même temps que la fragilité de ce pouvoir, parfaitement abstrait et le plus relatif, derrière l'apparence d'une cohésion sociale.

  • Fatalités

    L'antienne libertaire conserve son charme, bien que l'homme moderne fasse montre d'une soumission de plus en plus évidente et inquiétante à l'ordre établi ; "inquiétante" si on a le souci de l'humanité ou de la société, plus que de dieu, qui indique, lui, à ses fidèles, de ne jamais avoir peur, en aucune circonstance, même la plus terrible, par l'intermédiaire du Christ Jésus.

    Un chrétien ne combat la fatalité que là où il peut la vaincre ; c'est pourquoi il n'est pas d'exemple d'authentiques chrétiens impliqués dans la politique, en raison des avertissements du Messie de ne pas s'avancer sur ce terrain miné par la fatalité.

    L'antienne libertaire conserve surtout son charme auprès des femmes et des intellectuels, dans la mesure où ceux-ci sont mieux adaptés au monde moderne. La virilité est d'ailleurs souvent stigmatisée comme étant une tare au regard des idéaux modernes, tandis que la suspicion de la culture moderne est pratiquement toujours liée à une forme ou une autre de misogynie. La culture française est particulièrement résistante à l'idée de progrès social, c'est-à-dire moral ou religieux.

    A l'idéal artistique viril et antique, acceptant la fatalité, s'oppose donc un idéal libertaire féminin qui prétend repousser les limites que la fatalité assigne à l'humanité. C'est, ainsi, la fameuse devise de Simone de Beauvoir : "On ne naît pas femme, on le devient." Il n'est pas difficile de reconnaître ici une version, laïcisée, du catéchisme chrétien, où l'anthropologie a pris toute la place, et la confiance en l'homme remplacé la confiance en dieu. C'est aussi l'objectif le plus abstrait, à l'arrière-plan de la culture moderne, bien que ces deux tendances de la culture occidentale ne sont pas toujours représentées de façon aussi nette qu'elles sont par Simone de Beauvoir d'une part, et Nitche de l'autre, tenant d'un pur conservatisme aux antipodes de l'idéal moderne hégélien de celle-ci.

    La liberté, au stade moderne, subsiste donc sur la plan social à l'état de concept pur, parfaitement abstrait et défendu par les autorités religieuses avec des moyens similaires à ceux employés naguère par l'Eglise pour défendre ses dogmes, où la propagande et la culture de masse jouent un rôle indispensable. Cet objectif énoncé en termes de liberté a donc un but et effet coercitif inconciliable avec la liberté, pratiquement aussi absurde que le slogan "il est interdit d'interdire", où le relativisme en matière de liberté éclate, de façon absurde ou comique, suivant que l'on prend le slogan au sérieux ou comme l'expression de l'appétit de plaisir de l'élite libérale judéo-chrétienne.

    Le christianisme, extérieur au mouvement culturel, n'y est représenté que sous l'apparence subversive de l'éthique "judéo-chrétienne" ; subversive et extrêmement dangereuse, comme toutes les illusions et le point brillant de l'Avenir vers lequel se dirigent le léviathan moderne.

  • Liberté...

    quand tu nous tiens.

    Transposée en paroles ou gravée par l'homme dans le marbre, la liberté n'est pas seulement une théorie éloignée de nous, c'est aussi la conception la plus truquée de la liberté, qui fait de celle-ci un motif d'aliénation.

    Le mot "liberté" ne devrait pas figurer dans les dictionnaires, puisque la rhétorique et les intellectuels ne sont pour rien dans la liberté.

    Un esprit réactionnaire, tel Nitche ou Montherlant, est moins dangereux pour l'homme par son signalement que l'art exclut la liberté que ne sont les rhéteurs sournois qui conduisent les sociétés à leur perte en leur faisant miroiter la liberté.

  • Affaire Dieudonné

    L'argent met tout le monde d'accord. Quand il y en a moins, les gens sont moins d'accord.

    La révolution française est une crise fiscale d'abord, puis seulement une crise morale. Sans argent, il est plus difficile à une élite d'endormir les consciences.

    Même "athée" ou "laïque", l'éthique des nations occidentales demeure bizarrement "judéo-chrétienne", aussi éloigné soit le message évangélique de prôner une morale utile aux nations.

    On reconnaît le caractère "judéo-chrétien" de l'éthique contemporaine à plusieurs éléments, dont en l'occurrence, dans l'affaire de l'humoriste Dieudonné, l'utilisation des victimes juives de la shoah à des fins d'intimidation morale, décalque de l'utilisation du christ Jésus sur la croix, élément central de la morale puritaine chrétienne (subversif du sens de la parole divine), prêtant un sens salutaire à la souffrance, qu'elle n'a pas en réalité dans le christianisme, religion la moins sacrificielle de tous les temps.

    On est donc en présence d'une éthique occidentale, dont la formule est "judéo-chrétienne", bien qu'elle s'impose aussi aux athées, voire aux nations sous domination occidentale - néanmoins cette éthique n'a rien d'évangélique, c'est une pure invention équivalente du purgatoire.

    En outre, le principe de la liberté d'expression, qui plus est défendue par l'Etat, aurait bien fait rire les philosophes païens, qui l'auraient sans doute trouvée une ruse un peu grossière. Là encore on reconnaît une stigmate "judéo-chrétienne", et l'éthique judéo-chrétienne est un élément du totalitarisme, c'est-à-dire d'une tyrannie qui repose largement sur la complexité et des apparences trompeuses. "L'inconscient" est, pratiquement, une tare moderne (d'ailleurs au cours de son enquête à vocation scientifique, Carl Jung fait une découvert qui le déstabilise un peu, et qui a trait au rapport étroit entre l'alchimie médiévale et la psychanalyse moderne).

    Le journaliste catholique Léon Bloy (accusé récemment lui aussi d'antisémitisme à travers un de ses ouvrages réédité par Alain Soral) affirmait qu'un journaliste chrétien doit s'efforcer autant que possible de mettre chaque sujet d'actualité en relation avec l'apocalypse, ou s'abstenir d'écrire.

    Il y a là sans doute de quoi faire bien rire un athée comme Dieudonné ; cependant, l'apocalypse, on la retrouve dans l'actualité, sous la forme d'éléments de justification du pacte entre la nation israélienne et la nation américaine auprès d'une quantité de citoyens américains non négligeables.

    Un juif authentique - non un médecin juif -, connaît d'ailleurs mieux que Dieudonné l'arbre de la connaissance du bien et du mal, qui se cache dedans, et ce qu'il signifie.

  • Jihad chrétien

    "Je ne suis pas venu apporter la paix au monde, mais le glaive." Jésus-Christ

    Cette parole d'amour guerrier, incompréhensible du point de vue mondain, mobilise l'antéchrist contre lui.

    Il ne s'agit pas ici de terrorisme, c'est-à-dire de la méthode en usage au sein des nations, afin d'inciter au respect de l'ordre public et persuader l'opinion que l'Etat est le meilleur garant de la paix.

    Il ne s'agit pas de terrorisme, mais de science et de la révélation que les civilisations sont cimentées par la peur, d'où découlent les comportements bestiaux et la haine entre les hommes, qui permet à Satan de régner sur eux.

    La fin du monde ne se fera pas sans livrer bataille, dit le Messie, ni briser la chaîne de l'ordre humain, qui relie le monde à Satan. La paix, que l'homme est plus prompt à théoriser qu'à accomplir, n'est que le repos du guerrier aux yeux des chrétiens, où celui-ci puise de nouvelles forces pour retourner à la guerre, afin d'étancher sa soif de sang.

    La meilleure preuve est que les antichrists les plus "évidents" - Napoléon, Nitche, Hitler... - mettent systématiquement en avant, comme le but ultime de leur entreprise, la paix, européenne, voire mondiale, prenant ainsi le contre-pied de la guerre sainte chrétien. C'est notablement sur la scène internationale, où la diplomatie requiert les plus grands et machiavéliques mensonges, que le motif de paix est le plus fréquemment mis en avant.

    - Cette parole du Messie est encore mal comprise à cause de l'incompréhension par le plus grand nombre de la signification de l'amour chrétien, qui du point de vue évangélique est une force extérieure au monde, impossible à décrire dans le langage humain. En raison de la trahison de nombreux clercs platoniciens, le béotien se figure l'amour chrétien comme un idéal et non une force divine, théorie que les savants rationalistes n'ont pas de peine à réduire à une vaine spéculation, et l'amour n'existe plus ainsi que comme une faiblesse ou un défaut de l'âme humaine.

    Aussitôt après cette annonce du défi du Christ lancé à l'ordre humain, celui-là s'empresse de dénoncer la conception humaine de l'amour, telle que celle qui règne au sein de la famille, proche du rapport donnant-donnant que les anciens païens entretenaient avec leurs dieux, puisque le lien familial est primitivement fondé sur l'intérêt.

    Si l'amour de Dieu désoriente tant l'homme, en comparaison du pacte avec Satan, c'est parce que Dieu ne demande rien en échange de son amour. L'homme a tellement l'habitude du commerce qu'il a du mal à imaginer quelque chose en dehors.

  • Dionysos en boîte

    En somme la société ne désire qu'une seule chose, elle est toute tendue vers elle, et cette chose c'est jouir, ou bien souffrir le moins possible. Pour les femmes, en dehors de quelques amazones, cet idéal de bonheur est associé à l'idée de paix, plus conforme à leur physiologie. Pour les hommes la guerre est tout aussi jouissive, en dehors de quelques intellectuels qui préfèrent dominer par la ruse.

    Chez les femmes et les intellectuels, la notion de jouissance est d'ailleurs souvent relativement floue. J'ai fréquenté ainsi une musulmane qui refusait d'admettre qu'elle jouissait, de quoi que ce soit ; car, pour elle, jouir signifiait "être occidental", et par conséquent faire partie de cette masse de putains et de maquereaux qui lui inspiraient un immense dégoût. Elle avait donc une notion très conceptuelle de la jouissance.

    Pourtant, c'est souvent aux yeux des meilleurs jouisseurs que la société, d'où vient la justification religieuse de la jouissance, n'a que peu de valeur. Comme ces oeuvres de fiction écrite pour le divertissement et la jouissance du lecteur, qui perdent tout leur intérêt dès lors qu'on en connaît la fin.

    C'est ce qui fait que les personnes qui souffrent accordent parfois à la vie un prix plus grand que ceux qui jouissent et qui, d'une certaine façon, ont fait le tour de la question sociale - à qui la vie apparaît comme la musique, un peu répétitive et limitée dans son propos. 

    L'éloge de la souffrance n'a pas, contrairement à ce que prétend Nitche, de caractère chrétien. Simplement comme le christianisme est indifférent à la société, comme il affirme qu'elle est dépourvue de la moindre valeur spirituelle, il est muet sur le sujet du bonheur, vers quoi tendent toutes les doctrines sociales, et qu'elles procurent inégalement. Contrairement à beaucoup de religions païennes, dont la plus banale est sans doute l'épicurisme, forte de l'attente sociale du monde, les apôtres chrétiens ne proposent pas de recettes pour être heureux.

    Comme il n'existe pas de société sans esclaves, il n'en fallait pas plus pour que certains esprits cyniques ou débiles se glissent dans cette lacune apparente du christianisme afin de s'en servir comme d'une contrainte et d'un moyen pour justifier l'esclavage et l'enchaînement au monde.

    Comment le Messie, qui est venu délivrer l'homme de sa nature, non pas parfaite mais chancelante, pourrait-il accabler celui qu'il désire sauver du fardeau d'une souffrance supplémentaire ?

  • Voeux pieux

    Ne croyez pas que je suis venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.

    J.-C.

    Ce sont les voeux de bonheur qui sont pieux, et le christianisme qui est impie. C'est pour tenter de sauver le monde que le zélé Judas a vendu Jésus-Christ. Il s'est aperçu ensuite que le monde n'en valait pas la peine.

  • 666

    "Le temps nous sépare de dieu." Léon Bloy

    Plus nous aimons, moins le temps paraît long. L'ennui touche ceux qui ne savent pas aimer, comme un frôlement d'aile de Satan.

  • Conte de Noël

    Noël est un peu la vitrine de la société occidentale. C'est la fête du calendrier catholique romain dont le mobile païen réel est le moins bien caché, depuis que la fête des rogations ou les diverses cérémonies pour faire tomber la pluie sur les plantations sont tombées en désuétude.

    Tel qui connaît mal l'histoire de l'Occident et le christianisme, mettons un brahmane hindou pour prendre le culte satanique opposé, ne doit pas s'attendre à trouver le christianisme et les chrétiens en Occident autrement que sous la forme discrète. Le dieu des chrétiens est un dieu "caché", disent certains, pour traduire qu'il est étranger à l'ordre naturel et aux lois qui en découlent. A ce dieu caché correspond un culte discret, mais néanmoins tenace, résistant au temps et au tourbillon d'opinions qui forme la science moderne.

    Le christianisme véritable perce de temps en temps le verglas de la culture occidentale officielle, sous la plume d'un poète, dont la peinture de l'Occident comme une bête monstrueuse et sinistre choquera ses contemporains, en même temps que cette peinture paraîtra, avec le temps, d'un réalisme extra-lucide. On pourrait citer quelques-uns de ces poètes par siècle. Ou bien ce sera un saint, qui ne pratiquera pas la charité pour le besoin de la paix sociale, mais au contraire comme un défi à la nature et le meilleur moyen d'échapper au destin. Comme la charité échappe aux outils d'analyse modernes, là encore ses contemporains seront étonnés par cette disposition du chrétien à n'exister que dans le vide juridique, là où il ne devrait y avoir en principe personne.

    Je me souviens que lorsque j'étais lycéen, on parlait pas mal d'une secte chrétienne, d'origine américaine, qui prétendait revenir aux origines du christianisme, celui des catacombes, ce qui est aussi une façon de mettre toute la culture occidentale entre parenthèses. Cette secte ou cette petite Eglise a depuis été rattrapée par des histoires de moeurs et elle a échoué dans sa volonté de revenir aux sources, parfaitement théorique. Je n'en ai jamais fait partie, car les bonnes femmes y étaient trop nombreuses, et que la première préoccupation d'une bonne femme est de s'adapter à son époque, et de gober tous ses préjugés comme des vérités éternelles. On le voit bien dans les évangiles, et donc le christianisme originel : les bonnes femmes sont beaucoup trop concentrées sur les questions sociales pour comprendre le Messie qui dénonce la vanité des affaires et des doctrines sociales.

    Le christianisme "primitif" est donc marqué par la dissidence et le caractère antisocial des évangiles et des apôtres, d'une part. D'autre part, ce christianisme dit "primitif" n'a jamais cessé d'être, à côté d'apparences et d'illusions trompeuses. En effet l'Eglise chrétienne, contrairement aux institutions humaines, n'est pas régie par le temps ou la mort. Aucun comportement social particulier ne permet de distinguer le chrétien, et ce n'est pas en revenant aux moeurs supposés plus purs des proches du Messie que l'on rejoint cette Eglise, sans lien avec la terre que la parole divine.

    Ce qu'il est difficile pour un brahmane hindou de comprendre, c'est la fonction de cette culture occidentale officielle, dite judéo-chrétienne, qui insulte la culture de vie païenne et diffuse sa nécrophilie dangereuse à travers toute la terre : à quoi sert ce masque, en quoi consiste la culture occidentale au sens large, qu'elle soit confessionnelle ou non, dont la signification est historique, et que les évangiles désignent comme l'antéchrist ?

    Pourquoi l'Occident, qui ne témoigne d'aucun respect pour Satan, l'ignore et le maltraite contrairement aux brahmanes, a-t-il néanmoins hérité des attributs de sa puissance sidérante, qui n'aurait pas dû échoir à des peuplades hyperboréennes lunatiques et impies ? Cela le brahmane ne peut pas le comprendre, car l'histoire est comme une blessure profonde et énigmatique dans le système solaire, invisible au brahmane.


  • No Future

    "La femme est l'avenir de l'homme !" : on croirait entendre ce crétin de Don Quichotte.

    Il est vrai que rien ne justifie tant la femme que le point de vue abstrait de l'avenir et des promesses de lendemains qui chantent, et c'est toujours en agitant une représentation de la femme, vulgaire ou sublime, qu'on lève des armées de militants ou de dévots.

    Aragon n'a pas tort, l'homme qui se projette dans l'avenir est l'égal d'une femme, c'est-à-dire mû par la peur. 

    Si vous trouvez un homme agité, et les fous le sont tous plus ou moins, vous pouvez le dire "hystérique", c'est-à-dire incapable de se reposer sur la force physique, la dénigrant comme les aliénés et les femmes dénigrent tout ce dont ils ne sont pas capables, et cherchent à faire de leur faiblesse une vertu.

    C'est ce qui est épuisant dans une discussion avec une femme, et dissuade beaucoup d'hommes sensés d'entretenir avec les femmes d'autres rapports que des rapports érotiques, c'est qu'une femme cherche toujours et ne retient d'une conversation que ce qui la justifie. C'est très difficile de faire valoir l'intérêt de la critique, comparée à la flatterie auprès d'une femme, y compris lorsque celle-ci a la réputation d'être moins légère que ses semblables. L'égalité, par exemple, séduit bien plus la femme que l'homme du peuple, en tant qu'elle a un usage commun de flatterie grisante. L'homme du peuple se montrera plus ou moins impatient à l'égard des bourgeois qui lui ont fait la promesse d'une égalité de traitement, mais il se contentera rarement de cette seule fleur républicaine, épinglée à la boutonnière ; à la fin, impatient, il finira par trancher la gorge qui lui a fait cette promesse, mais ne peut pas la tenir faute de pouvoir payer ses propres dettes.

    Les femmes se laissent plus facilement convaincre par des plaidoyers d'avocats, c'est-à-dire des propos faussés par la défense d'une cause particulière, pareillement à leur propre tournure d'esprit.

    Un régime totalitaire dont la magistrature serait entièrement composée de femmes pousserait sans doute le totalitarisme et l'exaltation de la condition humaine à son degré suprême d'absurdité, tant la femme est capable de se persuader que sa vision partiale du monde est une vision parfaite ou absolue.