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nitche - Page 2

  • Aventures de l'Art

    "Nous avons l'Art, afin de ne pas périr de la Vérité." F. Nitche

    Est très honnêtement posé ici par l'antéchrist le problème de la menace que la vérité représente pour le monde, qui s'organise autour d'une vérité relative, constituée d'un mélange de raison et de foi.

    L'idéal moderne, en effet, parfaitement irrationnel car sacrifiant à la fois la raison païenne et la logique chrétienne aux intérêts méprisables d'une petite élite, l'idéal moderne s'efforce de faire paraître le mariage de l'art et de la vérité possible.

    La Vérité est au contraire le seul maître auquel un chrétien obéit, art et monde dussent-ils en périr. Non, le chrétien n'a pas part au monde moderne, pas plus que les juifs ne furent actionnaires de l'ancien, en dépit des racontars de Nitche et des papes romains.

    A l'éternel retour la beauté doit tout, la vérité rien, et c'est pourquoi Shakespeare n'hésite pas à flétrir les roses et l'éternel féminin.


  • L'Antéchrist Onfray

    - De F. Nitche à M. Onfray :

    L'emprise des élites intellectuelles staliniennes (Aragon, Sartre, Althusser, etc.) sur la culture française, depuis la fin de la guerre jusqu'à la chute du mur de Berlin, fut telle qu'elle entraîna la mise entre parenthèses de la philosophie ultra-conservatrice de Nitche. D'abord parce que Nitche réduit l'idéal moderne à un slogan religieux judéo-chrétien ; ensuite parce que la référence des intellectuels fachistes ou monarchistes à Nitche avant la guerre en faisait un philosophe diabolique au regard de la doctrine stalinienne populiste.

    - Précisons que la force et la durée de cette emprise, de nature cléricale, s'explique par le relais de l'Education nationale, véritable armée militante, modelant les consciences depuis le plus jeune âge, sans aucune autre légitimité pour ce faire que le droit qu'elle s'efforce de dénier à l'ancien régime de droit catholique.

    - Précisons en outre que cette longue période de censure de l'intelligentsia se double d'un accroissement des profits engrangés par une économie française de plus en plus capitalistique, au cours des "trente glorieuses". Le totalitarisme stalinien et le capitalisme convergent en effet sur le point de l'ultra-nationalisme (ultra-nationalisme européen/empire soviétique) et le point des méthodes dirigistes et centralisées.

    - Précisons encore, ce n'est pas anecdotique, que l'influence de Karl Marx et du marxisme a cessé de se faire sentir en France au cours de la même période ; c'est un marxisme statufié, et donc débile, qui a été institué à la place du marxisme par le parti communiste français. Au point que des journalistes "gauchistes" incompétents peuvent suggérer aujourd'hui dans la presse des solutions économiques dirigistes inspirées de Marx, disent-ils, quand bien même celui-ci dévalue le point de vue de la science économique au profit de la science historique, et définit en outre l'appareil d'Etat comme une privation de liberté de nature religieuse. Pas plus qu'il n'était envisageable de faire valoir le point de vue marxiste à l'école de guerre, il ne l'était au sein de l'Education nationale. L'intelligentsia n'a jamais craint de se compromettre avec les régimes les plus brutaux, pas plus hier qu'aujourd'hui - en revanche elle s'est toujours arrangée pour faire passer à la trappe ce qui la prive de raison d'être. 

    L'intelligentsia française 1950-1990 est donc parvenue à écarter deux penseurs majeurs du XIXe siècle, Nitche et Marx, bien que très différents, au profit de sa propre production d'ouvrages dogmatiques ou psycho-sociologiques serviles. On pourrait ajouter, si elle n'était pas en France une pensée résiduelle ou secondaire, l'abaissement de la pensée chrétienne au niveau de la démocratie-chrétienne. Rares sont en effet les Français à s'intéresser ou à défendre la philosophie casuistique de l'école de Francfort, tartinée par Benoît XVI dans ses dernières encycliques, tant celle-ci est intraduisible en français. Ahuri, ce prélat romain l'était au point de proposer des conférences au gratin de l'oligarchie française, sans paraître se douter qu'un tel comportement a le don de justifier l'antéchrist - ahuri ou cynique au point de se moquer des martyrs qui ont eu à subir les foudres du césarisme.

    - L'antichristianisme nitchéen de Michel Onfray s'insère dans un contexte de dissolution du monopole stalinien. Il lui permet de ressortir Nitche des tiroirs, toutefois à condition d'en donner une version présentable. Un peu comme Marine Le Pen doit abjurer les calembours provocateurs de son père, la dernière version du satanisme à la sauce Onfray s'efforce de respecter les dernières prescriptions de la moraline en vigueur que sont le philosémitisme, le féminisme, la souveraineté populaire, la démocratie, l'écologisme... bref toutes les prétendues "valeurs éthiques modernes" dont Nitche s'efforce de démontrer la dangereuse inconsistance.

    Outre la malversation scientifique d'un procédé qui consiste à "gauchiser" le moins gauchisable des philosophes, on ne peut s'empêcher de remarquer que l'antichristianisme de M. Onfray se situe à peu près au niveau de la doctrine sociale satanique d'un curé de campagne catholique, ou de celle d'un prêtre-ouvrier. Nitche demeure le pape de l'antichristianisme, et sa philosophie a au moins le mérite d'éclairer ses lecteurs sur le caractère ultra-conservateur de l'antichristianisme, tout comme le faste artistique des papes de la Renaissance avait le mérite d'indiquer l'antichristianisme à l'oeuvre au sein de l'Eglise romaine.

    Conservateur, Nitche l'est au point de louer les pharisiens pour avoir annihilé la loi de Moïse en se l'appropriant, et il vitupère l'apôtre Paul pour l'avoir au contraire rendue universelle.

    - M. Onfray contre Paul de Tarse

    Si Michel Onfray jouait franc-jeu, au lieu de remplir le baptistère athée de sa bave de saint curé laïc républicain, il mènerait plutôt ses disciples à des combats plus risqués que ceux qu'il mène contre le vaisseau fantôme catholique romain. Il s'en prendrait à des religions et des cultes dominants en Occident, et non à une culture chrétienne dont Nitche lui-même a cru pouvoir prononcer l'arrêt de mort par usure.

    Mais il ne le peut pas, largement parce qu'il est plus "moderne" que nitchéen, c'est-à-dire davantage déterminé par la moraline judéo-chrétienne que par la philosophie ultra-conservatrice de Nitche. L'antéchrist Charles Maurras, ce Nitche français du compromis avec l'Eglise romaine paganisée, ne berne pour ainsi dire que des catholiques qui ne demandent qu'à l'être et n'ont jamais fourré le nez dans les écritures saintes - qui se moquent littéralement du Messie. Mais pour le reste, pour ce qui est du culte païen, Maurras se paie moins la tête de ses clients que M. Onfray avec son "Nitche de gauche", adapté au militantisme efféminé le plus passif.

    Pour son attaque de Paul de Tarse (les clercs catholiques romains ont déjà fait les 3/4 du travail de sape), M. Onfray se contente de reprendre l'argumentaire psychologique de Nitche, en y ajoutant une légère touche personnelle. L'argumentaire de Nitche est simple : Paul de Tarse était cinglé et il a tout inventé. Nitche ne va pas jusqu'à nier l'existence de Jésus de Nazareth. Il affirme qu'il était un brave type, un illuminé, un anarchiste en somme que les pouvoirs publics ont bien fait d'exécuter, et que les pharisiens ont bien fait de dénoncer. Paul de Tarse a tout inventé, de la religion qui s'ensuit. La touche personnelle d'Onfray consiste à nier carrément l'existence du Messie, et à en faire une pure fiction. Pour ce qui est de l'approbation de l'arbitraire des pouvoirs publics, M. Onfray ne diffère de son maître-à-penser. Dure est la loi républicaine pour ceux à qui elle ne profite d'abord, mais c'est la loi. M. Onfray fait partie de ces amis du peuple "du côté du manche".

    L'histoire de l'Occident et des peuples hyperboréens selon Nitche part donc d'une formidable tromperie. A cette formidable erreur, l'Europe devrait aux papes catholiques romains de la Renaissance d'avoir presque mis un terme en étouffant l'évangile à l'aide de "culture chrétienne", moyen discret de réintroduire les cultes d'Apollon et de Dionysos. Ils y seraient pratiquement parvenus, si le "moine Luther" n'était pas venu tout flanquer en l'air.

    Bien sûr l'argument psychologique contre Paul est facilement réversible et peut être opposé à Nitche comme à Michel Onfray, ainsi que cela a déjà été fait. Ce d'autant plus que Nitche a fait l'aveu de sa maladie, et exprimé la fierté de l'avoir surmontée grâce au satanisme, justement assimilé à une doctrine artistique.

    Quant à la manière psychologique d'expliquer l'histoire, pratiquement comme un non-sens, on voit qu'elle oblige Nitche à sortir des gonds de l'art où la psychologie joue à plein, qu'il s'agisse de la culture de vie païenne ou de la culture de mort moderne (hégélienne). On voit bien que Nitche s'aventure sur un terrain, celui de l'histoire, où il est mal à l'aise, contrairement à l'art, et qui l'oblige à se contredire : le christianisme est une doctrine à l'usage d'esprits faibles et efféminés, cependant après des millénaires, cette mauvaise herbe continue de pousser entre les dalles de la civilisation.

    Pour les chrétiens, et Paul notamment, l'antéchrist joue bien un rôle dans l'histoire, mais il ne coïncide pas exactement avec celui que Nitche s'est attribué. Il est probable que tel sera cheval, ou fou, roi ou reine dans la partie que joue Satan, sans qu'aucun n'ait une vision d'ensemble de sa stratégie, pas même les brahmanes de l'Inde les plus réputés.

     

     

     

  • Dans la Matrice

    L'apparente complexité du monde moderne -artistique, scientifique, morale, politique...-dissimule en réalité des comportements humains bestiaux. Je m'explique : les loups tuent sans états d'âme, tandis que l'homme, lui, en a. Il n'aime pas voir la réalité de son crime en face, mais préfère lui donner une apparence légale, le recouvrir de grandes théories, dont l'apparente complexité est pour les esprits crédules la preuve qu'elles sont savantes.

    Prenons l'exemple de la théorie évolutionniste-transformiste, c'est-à-dire non pas de la division constatable de certaines espèces vivantes en sous-espèce, mais d'un progrès biologique dont l'aboutissement serait l'homme ; bien que le transformisme réduise la liberté humaine à une abstraction, contribuant ainsi à l'anéantissement de la liberté, comme l'art abstrait est un programme totalitaire de destruction de l'art, on peut constater à quel point l'évolutionnisme arrange tout le monde, et pas seulement les nazis. Il arrange tout le monde, car les systèmes d'exploitation ne sont pas compatibles avec la liberté ; sur le plan de l'organisation pratique du monde moderne, pas de liberté.

    Un chrétien ne contestera pas les démonstrations de Nitche ou Baudelaire que la démocratie est le système le plus pervers d'aliénation et de censure : d'abord parce que les paraboles chrétiennes illustrent toutes une liberté à rebours du procédé humain de justification éthique, dont les élites conservent le contrôle, sans quoi elles seraient désarçonnées; ensuite parce que la démocratie a un aspect net de subversion du christianisme, c'est-à-dire de transposition sociale impossible du message évangélique. Prévenu contre l'avènement de la synagogue de Satan, le chrétien verra dans la démocratie une manifestation de l'antéchrist - somme toute la démocratie n'est qu'un perfectionnement de la monarchie chrétienne de droit divin, constitution à laquelle les élites bourgeoises n'ont fait qu'ajouter le supplément de ruse nécessaire. On pourrait dire que les caractéristiques de la vieille franc-maçonnerie égyptienne sont trop faciles à détecter chez un "homme d'Etat" comme Richelieu. A moins d'être un imbécile, il n'est pas difficile de deviner quelle puissance cette face de hyène sert réellement.

    Le complexe d'Oedipe, qui est la clef de la conscience du sujet de droit civil, subsiste au stade démocratique : cela suffit à prouver que le système démocratique n'est que le produit dérivé de la tyrannie égyptienne ; quelle nation le démontre mieux que les Etats-Unis, dont les citoyens sont divisés entre une majorité qui estime que l'inversion des valeurs égyptiennes est une bonne chose, et une minorité qui estime que cette inversion est néfaste ?

    De même que l'évolutionnisme, la pseudo-science psychanalytique est aussi peu propice à convaincre un esprit français qu'elle est faite pour convaincre une femme allemande. On ne peut manquer de constater que l'hystérie règne principalement dans les nations occidentales qui ont le plus de foi dans les capacités de la psychanalyse de lutter contre l'aliénation. Or la France a connu précédemment à Freud des siècles de "médecine de l'âme", exercée par des clercs catholiques romains, jointe à un système psychologique pour réduire l'homme à la captivité - le purgatoire ; le freudisme apparaîtra donc à un Français comme la répétition de la vieille tactique pharisienne de manipulation. "A bas la calotte !", pensera le Français, confronté à la psychologie ou la sociologie ; si beaucoup de Français ignorent que Molière prononce "A bas la calotte !" au nom du christianisme, c'est en raison du lavage de cerveau opéré par la pédagogie républicaine, qui s'emploie à faire l'homme singe dès le plus jeune âge ; parvenu à l'âge adulte, le macaque humain, toujours agrippé virtuellement à sa mère et à son père (l'Etat), tantôt célébrera l'institutionnalisation de la sodomie comme un progrès civilisationnel (sic), tantôt s'en indignera, oubliant le meilleur réflexe humain, celui de rire d'une telle évolution des moeurs.

    Cette réaction ironique, dont Nitche fait une vertu satanique, amène à observer avec plus de sang-froid à quel point le système démocratique, appuyé concrètement sur la soumission au déterminisme biologique, suggère sur le plan abstrait une idée de la liberté entièrement dénuée de fondement. La liberté démocratique n'est qu'une opération de diversion.

    Chrétiens, nous devons traiter les élites démocrates-chrétiennes de la manière dont Hamlet traite Polonius, sans aucune pitié. Elles n'en ont pas pour leurs propres enfants, qu'elles vendent au premier démon qui passe en échange de la fortune. Les belles promesses démocratiques ne font que refléter le rêve de fortune des élites.

  • La Guerre des Sexes

    L'idée que la guerre entre les sexes peut être abolie est une idée de curés catholiques romains afin de s'attribuer le beau rôle de pacificateurs. Une de ces idées dont Nitche a raison de dire qu'elles ont été causes d'immenses catastrophes psychologiques et humaines. Une de ces idées auxquelles les évangiles ne fournissent aucun encouragement. La culture chrétienne opère un renversement parfait de l'esprit évangélique ; c'est ce que Nitche n'a pas compris : la démolition pierre par pierre par Shakespeare de la culture chrétienne n'obéit pas à un mobile athée, mais bel et bien catholique ou "universaliste". 

    Dès le début, cette idéologie féministe cléricale a donné lieu à une contre-littérature (de la part de Machiavel, notamment, mais pas seulement) ; cette littérature cléricale ne relève pas exactement de "l'amour courtois", qui s'avère pratiquement pur au départ (Xe-XIIe siècle) de tout prétexte chrétien, même bidon. La littérature cléricale féministe consiste à exalter l'esprit de sacrifice féminin et à en faire une vertu chrétienne et sociale éminente.

    La guerre des sexes, comme toutes les guerres, n'est jamais aussi violente que lorsque les deux forces en présence sont à égalité. En outre, il est bien sûr vain d'opposer sur le terrain sexuel, comme sur le terrain culturel, la guerre à la paix. Tout esprit pacifiste un peu sérieux refusera de se fonder sur la culture, sachant parfaitement qu'il ne peut s'émanciper de la violence guerrière - une culture qui prétend pouvoir s'affranchir de la violence, c'est celle-là la plus néfaste et dangereuse.

    Une fois constaté que la culture "judéo-chrétienne" est la plus néfaste de tous les temps, on n'a pas encore compris le sens de l'histoire ; mais ce constat est un préalable indispensable. La modernité pue comme le Danemark selon Shakespeare.

    La culture féministe moderne est donc l'héritière du féminisme catholique romain. Ce dernier fut plus actif dans la péninsule italienne qu'en France. D'abord parce que les Italiens entretiennent avec leur mère des rapports amoureux incestueux qui fait d'eux des sortes de "catholiques romains innés" ; ensuite parce que le lien est fréquent dans la littérature française anarchiste entre le cléricalisme et les femmes. Invariablement à travers les siècles, les femmes se rangent toujours derrière le point de vue clérical dominant.

    Ce n'est pas un hasard si Simone de Beauvoir a importé en France la philosophie de Hegel la plus religieuse, à partir de laquelle on peut définir le culte moderne le plus fanatique.

    Quant à la conception abstraite de la femme défendue par Simone de Beauvoir, seul un esprit judéo-chrétien moderne ne verra qu'elle est potentiellement suicidaire et qu'elle renouvelle les délires insanes de ces aristocrates espagnoles que l'on enfermait dans des couvents.

  • Nietzsche et la modernité

    On sait que Nitche est l'adversaire le plus radical de la modernité ; au nom de l'art, et, ce qui est plus intéressant dans mesure où la culture de masse lucrative et le cinéma font peu illusion, au nom de la science rationaliste, à laquelle l'appareil d'Etat et ses fonctionnaires continuent de fournir une caution plus sérieuse.

    Au contact de Nitche, la culture laïque moderne volerait en éclats. C'est le rôle de Michel Onfray, par exemple, de fournir une présentation de Nitche moralement correcte à l'attention des milieux populaires, méthode où l'élitisme culturel républicain est reconnaissable. Nitche méprise ouvertement le peuple, et le seul profit que celui-ci pourrait tirer de la lecture de la doctrine de Nitche est sa dénonciation de la démocratie comme une ruse sinistre et probablement catastrophique, ce qui a été confirmé maintes fois depuis le décès de cet antichrist. On ne peut plus prôner l'antichrist Maurras depuis que celui-ci s'est compromis avec une bande de politiciens mafieux, alors on prône Nitche. Ce dernier a oublié de mentionner l'extraordinaire capacité de censure du monde moderne, contrairement à G. Orwell.

    Ce n'est pas seulement le christianisme qui est moribond, comme le remarque Nitche pour s'en réjouir : l'antichristianisme a lui-même été édulcoré par les disciples de Nitche, suivant la même méthode subversive anthropologique, qui consiste à faire passer pour scientifique ou rationnel un discours essentiellement d'ordre religieux. Un chrétien ne doit surtout pas laisser se développer le discours anthropologique au nom du christianisme: c'est la méthode d'infiltration de base du pharisaïsme: la clef du cléricalisme catholique afin de détruire la vérité universelle. On peut d'ailleurs faire du purgatoire la matrice juridique de la modernité, ce qui permet de démentir l'amalgame de Nitche. Le purgatoire résulte en effet de la double négation de dieu et de Satan, caractéristique de la modernité ; intellectuels néo-païens et démocrates-chrétiens en sont d'ailleurs à peu près au même degré d'abrutissement : la merde cinématographique, du point de vue de l'art païen, est sans doute l'eau de boudin la plus fade. Très peu de cinéastes ont conscience du plan de Satan. L'anthropologie est la doctrine d'Ubu.

    Nitche ment pour le compte de Zarathoustra lorsqu'il prétend qu'un chrétien ne peut pas discerner l'action de l'anthropologue dans le cannibalisme moderne, parce que le christianisme est la racine de ce cléricalisme qui ne dit pas son nom.

    La preuve qu'il ment, c'est que Shakespeare a tranché la gorge de l'anthropologie chrétienne avant lui : celle-ci ne continue plus de se mouvoir que comme les canards après qu'on leur a coupé la tête. Et Shakespeare n'a pas agi "au nom de Satan", mais de l'apocalypse chrétienne.


  • Le Capital

    Le Capital est-il puissance ou impuissance ?

    On peut donner une définition nitchéenne de l'économie moderne, comme un démantèlement de l'art, de telle façon qu'il ne restera plus pierre sur pierre.

    Ou bien on peut donner une définition marxiste de l'économie moderne, comme une ultime tentative pharaonique de mettre fin à l'histoire.

    Quoi qu'il en soit, Satan est aussi difficile à reconnaître dans le monde moderne que la vertu dans un bordel. Pourtant, il est bien là.


  • Hegel = SS

    Je replonge un peu pour le besoin de mon "Dialogue avec l'Antéchrist" dans l'entreprise de démolition de l'hégélianisme par Karl Marx, parallèle à celle de Nitche (non pas comme Nitche, au nom de la culture et de l'élite, mais au nom de l'histoire et du peuple).

    L'introduction de l'hégélianisme en France après la 2nde guerre par ses "nouvelles élites", à lui seul suffit à les condamner dans les termes catégoriques de Bernanos. Cette introduction revient en effet à substituer, disons à la variété des idées françaises, la philosophie pangermaniste de Hegel et faire perdurer l'uniformité allemande au-delà de l'Occupation. On comprend ici pourquoi certains passages de Bernanos ou Simone Weil restent confinés à l'enfer des bibliothèques. Et ce sont les élites démocrates-chrétiennes qui, en ce qui concerne Bernanos et S. Weil, effectuent le travail de censure, comme les élites staliniennes ont effectué le travail de translation du marxisme en hégélianisme.

    Le dégât de l'hégélianisme est comparable à une régression de la pensée au moyen-âge : il en est en effet de la "Phénoménologie de l'esprit" comme des sommes théologiques médiévales : personne ne la lit, mais tout le monde se prosterne devant ce Reich de syllogismes. Il est vrai que le curé Sartre en a donné dans "Les Mots" une version sublimée pour les écolières, exprimant dans un français correct ce que Hegel exprime dans un allemand de cuisine. De la même manière il faut reconnaître une plus grande efficacité au curé d'Ars qu'à Maître Eckart ou Thomas d'Aquin.

    Je reviens à Marx et sa dénonciation du subterfuge du droit moderne, sur ce point très proche de Nitche, c'est-à-dire faisant valoir la nature de la règle de droit contre l'abstraction juridique, comme un mathématicien pourrait faire valoir la règle mathématique contre les syllogismes d'Einstein.

    «Constatons avant tout le fait que les «droits de l'homme», distincts des «droits du citoyen», ne sont rien d'autre que les droits du membre de la société bourgeoise, c'est-à-dire de l'homme égoïste.» (Marx, La Question Juive)

    J'avais oublié que la dénonciation des droits de l'homme comme une imposture de la bourgeoisie libérale figurait dans "La Question Juive", où Marx se démarque complètement de Nitche, puisque Marx fait valoir dans cet ouvrage secondaire qu'il ne faut pas confondre Juif et adorateur du veau d'or ; tandis que Nitche lance de temps à autres des compliments aux banquiers juifs ou à la race juive.

    Puisqu'il est question de droit et de loi, soulignons que la critique de Marx est conforme aux prophètes juifs en général, et à Moïse en particulier. La transcendance de la loi que Hegel s'est efforcée de fabriquer, si elle a le don de remettre les clefs de la loi entre les mains d'un nouveau clergé -ici Hegel joue le rôle de la "trappe" des prêtres babyloniens dans le livre du prophète Daniel-, ce deus ex-machina plus totalitaire encore que le culte brahmanique emprunté à Nitche par les nazis, est bien sûr irrecevable pour un Juif fidèle à la loi de Moïse, qui n'a pas le caractère anthropologique des "droits de l'homme". Hegel se défend d'être subjectif, mais sa démonstration revient à démontrer que la démocratie n'est pas une utopie subjective. Pour le chrétien qui ne reconnaît pas d'autre loi que l'amour, c'est-à-dire le perfectionnement de la loi de Moïse dans la matière ou l'esprit le moins subjectif et le plus contraire à la règle juridique, il verra dans le procédé hégélien une extraordinaire sournoiserie en comparaison de la loi égyptienne ou romaine ; il ne s'agit plus en effet seulement d'ignorer l'amour, mais de l'empêcher en le reléguant dans les mots.

    On voit à quel point les idéologies modernes naissent de l'arbitraire humain, c'est-à-dire d'un désir de mort parfaitement identifié par Nitche. En effet, cette idéologie hégélienne, Shakespeare en a parfaitement discerné le mécanisme près de deux siècles avant qu'elle ne germe et pousse sous la forme de la très volumineuse somme de Hegel. On peut constater en effet que pas un des éléments de cette conjuration ne manque dans "Hamlet". Ni la trahison de Luther par Hegel, bien plus subtile que celle de Nitche ; ni le mariage incestueux de l'Eglise et de la loi, à quoi Hegel ne fait qu'apporter un perfectionnement tactique, essentiellement sous la forme du flou juridique (Hobbes, lui, est un traître positif, aussi peu hypocrite qu'un jurisconsulte chrétien peut l'être) ; ni le préalable essentiel de la réduction de la cosmologie à une mécanique céleste ; ni le retour provisoire de l'Aryen Fortinbras au sein d'un complot occidental, dont son faible degré d'initiation le condamne comme Nitche à jouer le second rôle d'inséminateur culturel ; et on pourrait continuer ainsi morceau par morceau, jusqu'au moindre détail : Ophélie comme la pétasse existentialiste kirkegaardienne à son papa. Sans oublier la transposition du prophète Daniel dans le personnage de Hamlet, qui explique que les banquiers juifs ou démocrates-chrétiens ne reconnaissent pas Hamlet, et estiment qu'il s'agit-là d'un personnage énigmatique et peu policé.

     

  • Eloge de la faiblesse

    A l'éloge de la faiblesse dans le domaine éthique, correspond l'éloge de la laideur dans le domaine esthétique. Pour bien comprendre qu'il ne s'agit pas là seulement d'une affaire de goût, il faut comprendre la beauté comme l'équilibre, et la laideur comme le mouvement.

    Nitche a le tort de croire, ou bien il feint de croire, que l'éloge de la faiblesse est une invention judéo-chrétienne, prédestinée à faire tâche d'huile dans les masses populaires, suivant un mécanisme psychologique qu'il détaille, séduisant mais biaisé ; la vérité est bien plutôt de l'état de faiblesse de Nitche lui-même, gravement malade, et qui s'est soigné par le rejet de la morale et de la culture protestantes bourgeoises qui lui avaient été inculquées par ses parents. On retrouve d'ailleurs là la structure psychologique du fachisme, à qui il faut s'empresser d'ajouter que les cartels industriels et bancaires ont donné toute sa puissance de destruction effective, selon un stratagème qui survit aujourd'hui sous des formes différentes, au sein d'un processus de guerre ou de révolution permanent, que seuls des esprits frappés de léthargie ne reconnaissent pas.

    Le simple trouffion, pas plus n'a conscience de la guerre, tant qu'il n'a pas reçu un éclat d'obus en pleine figure ; et il y a aussi des maréchaux d'empire qui ne connaissent pas les clefs de la partition qu'ils jouent.

    L'éloge de la faiblesse et de la laideur : remontez un peu les canaux qui conduisent à cet éloge, ou bien tirez sur les fils merdeux qui y mènent - ils ne vous mèneront pas au christianisme ; ils ne vous mèneront pas aux prophètes juifs non plus ; ils vous mèneront aux ayants-droits des victimes.

    Pas d'éloge de la faiblesse dans le christianisme, ce qui reviendrait à dire que la crucifixion est une invention chrétienne. Il me semble que le piège s'élabore dans la tête de Satan au moment où les tortionnaires du Messie jouent sa tunique aux dés, car, dès lors, la règle du jeu va un peu changer, et le brouillard tomber sur la bataille, ou ce que Nitche appelle "la modernité".

    Aux yeux du Christ, "l'homme du peuple", "l'anarchiste", le "raté", pas plus que le juif qui a compris l'ignominie accomplie par ses prêtres, n'est plus faible que l'homme d'élite. Il est au contraire plus fort, car il ne se bat pas avec les mains liées, ni la conscience enchaînée. Il possède moins, par conséquent il est moins possédé. En ce sens, c'est un extraordinaire pied de nez au destin que l'oeuvre de Shakespeare, derrière la figure du prince hyperboréen du Danemark. Plût au destin de permettre à Nitche d'endosser une autre armure que celle de Shakespeare.



  • Maître Nietzsche

    Nitche, comme Don Juan, n'a pas de disciples ; il n'a que des valets, dont l'effort est pour étouffer le scandale des paroles de leur maître.

    Nitche voudrait bien être l'amant du monde, mais à condition qu'il ne soit pas aussi vieux.

    Nitche est trop moral pour des banquiers démocrates-chrétiens. Mais il pourrait faire un tabac dans la mafia sicilienne.

  • Démocratie et darwinisme

    L'esprit français est, selon moi, le moins propice à accepter la science évolutionniste comme une science. Pourquoi ? Parce que l'esprit français est le plus apte à discerner le caractère religieux du mobile démocratique, appuyé sur l'intellect le plus subjectif.

    La démocratie n'a même pas une consistance républicaine, puisque le régime républicain est un régime élitiste - elle n'a qu'une consistance publicitaire. La démocratie n'est pas non plus populaire, puisqu'elle consiste dans la transposition sur le plan éthique de l'idée de monarchie de droit divin sur le plan politique. Le culte solaire en quoi consiste la philosophie naturelle tyrannique, est réduit dans la démocratie à un culte dématérialisé sous la forme de la vitesse de la lumière. "L'Etat, c'est moi." : le mot de Louis XIV est mal traduit comme l'étalage d'un pouvoir tyrannique sans partage. Plus justement il constitue l'acte de décès du culte solaire direct en Occident, dont le roi soleil s'est fait l'artisan le plus actif. Car après Louis XIV, le souverain, y compris sous la forme la moins désincarnée et largement symbolique de la magistrature suprême, n'est plus ou moins que le produit d'un calcul statistique. Le sursis dont a bénéficié Louis XV a probablement les mêmes causes que celui dont l'oligarchie bourgeoise parisienne bénéficie aujourd'hui. On peut filer la métaphore de Shakespeare selon laquelle les rois ne sont que les acteurs d'une tragédie dont ils ignorent le déroulement connu du seul metteur en scène (Satan), et dire que les états modernes sont le jouet d'une cinématographie, c'est-à-dire d'une pièce de théâtre dont le metteur en scène est mort. Le cinéma le moins débile - et qu'on me pince dès qu'on verra un film dans cette catégorie - est condamné à faire valoir l'ironie, non pas celle du destin mais de la statistique, à savoir que le cinéma est un art entièrement préfabriqué, qui en dehors du motif ironique qui a le don de le remettre en cause, ne consiste que dans la plus vaine recherche du temps perdu. Du point de vue vitaliste artistique, le cinéma est une nécromancie. Il est bien des artistes, comme Dali, à qui la mort procure une vague érection, mais ce motif de jouissance clitoridien est plus dans la mentalité d'une nonne espagnole que dans la mentalité française. Le cinéma français compte deux grands génies en la personne de Diderot ("Jacques le fataliste"), et surtout Alphonse Allais, le plus populaire et pur de cet élitisme, qui a tendance à raidir la mise en scène de Diderot.

    Qu'on me pardonne cette longue digression ; elle était afin de mieux faire valoir le point de vue anti-évolutionniste créationniste de Nitche, qui n'est pas chrétien puisqu'il est satanique, appuyé sur une science physique matérialiste. Tandis que la science évolutionniste jette un pont entre la science et la technocratie totalitaire moderne, la science physique matérialiste jette un pont entre la science et l'art. Ce qui fait soupçonner à Nitche que le darwinisme auquel il a affaire, plus rigoureux et rationaliste que celui auquel nous sommes confrontés aujourd'hui, n'est que la transposition sur le plan scientifique du préjugé de progrès social socialiste, c'est pour la raison que le mécanisme de l'évolution proposé par Darwin comme une hypothèse, est incompatible avec l'idée de Nitche selon laquelle l'accomplissement de l'homme n'est possible que selon le destin. En conséquence, du point de vue de la physique matérialiste, qui refuse à la statistique le statut de science, ce sont les espèces vivantes les plus douée de conscience qui sont les moins susceptibles de muter. La conscience supérieure attribuée par Nitche à l'homme, ne va pas sans le constat que l'homme est, de toutes les espèces la moins bien adaptée à la nature, quoique le sexe féminin soit doté d'un meilleur instinct naturel que le sexe masculin. La physique matérialiste ne situe pas l'homme au bout de la chaîne linéaire des espèces animales, mais généalogiquement au centre. Le transformisme est donc impossible selon le rationalisme matérialiste, dans lequel les espèces mutantes sont les plus éloignées de l'homme, dans lequel les mutations sociales humaines ne fournissent en rien la preuve d'un quelconque progrès de la conscience humaine, et dans laquelle, surtout, le mouvement hasardeux est le plus relatif, interdisant absolument le raisonnement scientifique qui ne peut lui accorder que le statut de marge d'erreur la plus insondable. Nitche témoigne d'un rationalisme qui part de l'ordonnancement naturel pour aller vers l'insondable. Pratiquement la démarche inverse rend toute forme de politique, d'art ou de science impossible. La science évolutionniste n'envisage pas ou peu que les mutations naturelles puissent être le résultat de bouleversements géologiques violents.

    La philosophie naturelle de Nitche lui permet de fonder d'ailleurs une morale naturelle objective, qui seule permet une hiérarchie sociale responsable ; de l'évolutionnisme on ne peut déduire qu'une morale relative et un principe de compétition illimité. Dans la doctrine de Nitche, la liberté est niée au profit de la responsabilité politique et de l'art ; dans le totalitarisme, la liberté est affirmée au profit de l'irresponsabilité politique et du commerce.

    L'artiste un tant soit peu conscient de ce qu'il fait, c'est-à-dire résolu à ne pas faire du moderne préfabriqué, comprendra d'ailleurs aisément le raisonnement anti-évolutionniste de Nitche. En effet l'activité artistique ne consiste pas dans la production d'objets plus consensuels ou mieux adaptés que ceux de la concurrence. C'est le jugement ou la conscience personnelle qui doit être, selon Nitche, sélective, afin d'échapper au conditionnement collectif le plus temporel. Si l'art ne permet pas, selon Nitche, d'échapper au temps, du moins est-il fait pour en desserrer le plus possible l'étau, et permettre ainsi la jouissance. Ainsi seulement l'art peut-il rayonner selon Nitche. L'animal, lui, ne tue, ne se bat, n'aime, ne construit que pour son profit personnel, celui de son espèce ou de sa progéniture ; le mâle dominant ne se retire du jeu social que lorsqu'il est frappé d'impuissance, tandis que c'est au contraire la puissance de l'artiste qui lui permet de s'extraire du mouvement social. Or la science évolutionniste réduit tous les actes à des comportements impersonnels ou identitaires. Ce que Nitche conçoit comme le plus indispensable à l'humanité, à savoir l'art, serait le plus nuisible aux autres espèces vivantes si elles en étaient capables. Ou bien on attribue à l'homme une conscience sans fondement dans la matière, suivant un raisonnement impossible à démontrer scientifiquement, ou bien la conscience de l'espèce humaine trouve comme celle des autres espèces vivantes son support dans la matière, et dans ce cas la science évolutionniste n'explique pas comment la matière peut susciter deux consciences aussi opposées que le combat de l'artiste contre lui-même, et la compétition sociale des animaux et des végétaux entre eux.

    L'erreur propre de Nitche est théologique ; aussi bien en ce qui concerne la théologie antique, d'ailleurs, qu'il résume à la théologie et à la cosmogonie brahmaniques, qu'en ce qui concerne la théologie chrétienne. Celle-ci n'est en aucun cas et ne peut pas être le postulat anthropologique de la liberté, n'en déplaise aux imbéciles philosophes-théologiens de l'école de Francfort. Nitche est fondé à qualifier une telle philosophie de totalitaire ; seulement aucune ligne des prophètes juifs ou chrétiens ne permet de déduire une telle philosophie.

    Etant donné que pas un seul promoteur du darwinisme ne peut s'empêcher de le promouvoir séparément d'incantations lyriques en faveur de la démocratie, on est fondé à en attendre la preuve dans les progrès futurs de la démocratie ou du socialisme, c'est-à-dire dans le sens inverse des ravages que ces politiques-fictions ont fait subir jusqu'ici à l'humanité. La remarque historique s'impose qu'aucune philosophie naturelle ne constitue une science à part entière. Il n'y a dans la correspondance de la morale et de la politique d'une part, et de la science physique d'autre part, qu'un simple renvoi d'ascenseur. Le rationalisme scientifique, aussi sérieux soit-il à l'exemple de Nitche, ne ferme pas la porte à la métaphysique parce qu'elle n'est pas scientifique, mais bien parce qu'elle l'est trop. 


     



  • Nitche et le nazisme

    L'étude approfondie de la doctrine de Nitche permet de mettre à jour la nature hybride ou contradictoire de l'idéologie nazie. C'est une des raisons pour lesquelles cette étude approfondie n'a jamais été faite. L'étude scolastique de Heidegger est ainsi marquée par un effort de réhabilitation personnelle. L'idéologie nazie emprunte à Nitche son motif artistique satanique le plus noble, et à l'hégélianisme sa détermination militaire et militante la plus abstraite et la plus superficielle, en même temps qu'elle est la plus efficace. L'autodafé de la culture dégénérée est l'acte le plus nitchéen, qui correspond parfaitement à la volonté de Nitche de mettre un terme à la culture moderne la plus abstraite (sauf la musique ?) ; tandis que la tentative eugéniste d'amélioration de la race humaine suppose un préjugé socialiste hégélien. Nitche, en tant que suppôt de Satan autoproclamé, botte même le cul des Allemands, dans lesquels ils ne voit pas des "aryens" mais des sous-hommes.

    Dans ce pays le moins doté d'une "conscience nationale" qu'est la France, et le mieux prédisposé à discerner dans le socialisme un nouveau cléricalisme et une nouvelle casuistique, la fortune critique de philosophes tels que Heidegger, Sartre ou Althusser est assez stupéfiante ; elle tient à l'appui d'organes nationalistes liés à l'appareil d'Etat, ainsi qu'à la détermination capitaliste essentielle du nationalisme, qui dans la formule européenne ne cherche même plus à se dissimuler. La persistance de l'idéal nationaliste pangermaniste, à elle seule suffit à ôter l'étiquette de l'humanisme, et même des "Lumières françaises", aux élites libérales intellectuelles qui s'en disent les héritières.

    Il y a deux moments de la politique où le nationalisme trouve et sa cohérence, et où le peuple se trouve dans la dépendance la plus complète de la volonté exclusive de ses élites ; le premier, c'est la mobilisation guerrière contre un ennemi qui menace la propriété des élites ou s'oppose à l'extension de celle-ci, jusqu'à ce que les guerriers baissent le drapeau et que la société retourne à des occupations plus féminines ; le second moment est celui de la compétition économique, où l'aspiration nationaliste est permanente et mieux adaptée à la liquidation de la propriété foncière. Le capitalisme ne fait qu'accroître la terreur des élites d'être dépossédées de leurs biens, dont dépend la mécanique du terrorisme moderne. A cet égard, la culture de mort hégélienne ne s'impose pas comme le croit Nitche en raison de l'aptitude du peuple à gober la moraline judéo-chrétienne, mais comme la courroie de transmission au peuple du tempérament hypocondriaque d'une élite de propriétaires captieux. Il était par conséquent naïf de la part de Nitche de croire dans le soutien du grand capital afin d'éradiquer le christianisme, et insultant vis-à-vis des Juifs de les dépeindre comme étant tous, racialement associés afin de poursuivre le mobile de Shylock. On retrouve encore derrière ce personnage, non pas l'antisémitisme de Shakespeare, mais son extraordinaire prescience de l'abomination de la formule éthique moderne, et de l'usage de l'Ancien testament par les élites chrétiennes modernes afin de fermer la porte à l'histoire. C'est, dans le "Marchand de Venise", l'anthropologie "judéo-chrétienne" qui est décrite comme une anthropophagie abominable. Contrairement à Nitche, Shakespeare est parfaitement conscient de ce que la loi de Moïse n'ouvre droit ni à l'anthropologie, ni à l'éthique. Si d'ailleurs Nitche avait bien voulu pousser son examen un peu plus loin, tant de Shakespeare que de la théologie chrétienne, il aurait pu constater qu'aucun théologien un tant soit peu sérieux ne fournit de caution à la morale "judéo-chrétienne". Un théologien chrétien la comprendra pour ce qu'elle est : un instrument de négationnisme de l'histoire et des prophètes, en même temps qu'une manière sournoise pour le clergé chrétien de ne pas tenir compte du Messie et de saint Paul. Cette morale "judéo-chrétienne" est la première cause de l'antisémitisme assassin, car c'est bien sûr poser l'équation du Juif et de Shylock, à la manière de Nitche et non de Shakespeare, qui revient à l'exposer à la vindicte populaire.

    Certes, Nitche, n'est pas humaniste non plus, mais il a le mérite de la franchise de ne pas se faire passer pour tel, ce qui constitue le comble de l'immoralité des élites modernes. Son combat, Nitche le mène à visage découvert, sous le patronage de Satan, et non comme Polonius, préfiguration shakespearienne de l'intellectuel moderne, caché derrière une tenture.

    Cette inculpation des élites modernes comme les élites les plus immorales et les plus irresponsables, arc-boutées sur l'éthique la plus virtuelle et la plus fallacieuse, n'est pas l'apanage de Nitche. On a pu voir les artistes catholiques Léon Bloy ou Bernanos, ou encore Simone Weil, mener le même combat. Mais Nitche est le seul à comprendre que ce combat ne peut être mené qu'au nom de la foi et de la raison sataniques, c'est-à-dire que Satan est le seul dieu qui peut être compris en termes de "valeurs" objectives.

    Shakespeare est le seul à donner un sens eschatologique chrétien à cette dépréciation des valeurs et à traduire le mouvement occidental comme un champ de bataille à l'heure du crépuscule.

  • Einstein et le relativisme

    F. Nitche combat le relativisme moral des élites modernes "judéo-chrétiennes". Il nie d'ailleurs que ce relativisme soit un individualisme véritable, et il en fait une des causes principales du populisme et de ses conséquences ravageuses pour l'Occident.

    Le point de vue d'Einstein est relativiste, dans la première proposition, puis absolu dans la deuxième. Exactement comme les valeurs éthiques modernes satisfont d'abord le point de vue des élites dirigeantes, avant de s'imposer ensuite à tout le monde.

    Le cas n'est pas rare dans l'histoire de discours apparemment scientifiques, uniquement destinés à conforter le point de vue éthique dominant, c'est-à-dire à permettre la mise en correspondance de la science et du droit.

    Le matérialisme dans le domaine de la science physique est, selon Nitche, le meilleur garant contre un tel relativisme et des propositions éthiques, scientifiques et artistiques, entièrement fictives ou hypothétiques, dont la solution finale ne peut être que catastrophique. Mais, s'il est beaucoup plus restrictif que celui de la science-fiction moderne, le point de vue matérialiste de Nitche n'en est pas moins lui-même relatif. La théorie du chaos, qui préside selon Nitche au destin du cosmos, laisse transparaître le préjugé de Nitche sur l'organisation du cosmos, pratiquement comme si le préjugé était le mode de raisonnement principal de l'homme d'élite, et que la science physique fournissait la meilleure caution à l'élitisme. On peut dire que la manière dont Nitche met la métaphysique hors-jeu et lui refuse tout caractère visionnaire est pratiquement un réflexe de caste. C'est un brahmane peut-être plus rigoureux que tous les brahmanes que l'Inde a jamais engendrés, défendant le système solaire (666) contre le double danger de la métaphysique et du mouvement moderne d'aliénation mentale. Il y a tout lieu de prendre l'inspiration satanique de Nitche au sérieux.

    Certains se demandent parfois pourquoi l'art moderne est détaché de toute cosmologie véritable, et paraît ainsi sonner aussi creux que le vase de Pandore. C'est tout simplement parce que les élites modernes occupent la place que la nature occupait dans l'art jusqu'à la Renaissance. C'est la caractéristique du totalitarisme moderne d'inventer la nature sous la forme d'une science-fiction.



  • Paul, le Pape et l'Antéchrist

    Dans la dernière encyclique rédigée à quatre mains par les deux derniers évêques de Rome ("Lumen fidei"), le reproche de F. Nitche adressé à la foi chrétienne de nuire à la science est évoqué. Le pape-philosophe s'en sert pour développer un nouvel argumentaire purement rhétorique sur la foi et la raison. Un argumentaire sans fondement chrétien, car le christianisme N'EST PAS une doctrine philosophique.

    Il était une manière simple de renvoyer Nitche à ses chères études sataniques ; en effet, chez Nitche, suivant une conception romaine ou égyptienne de la science, et non spécifiquement grecque comme il le croit, art et science sont confondus. Le reproche précis fait au christianisme, en tant que cadre intellectuel principal de l'Occident moderne, est d'entraîner une perte de conscience de la réalité. Le "réalisme" de Nitche n'est pas celui de Marx, encore moins celui de Shakespeare ou Aristote. L'art, pour ces derniers, ne fonde qu'un semi-réalisme. 

    Nitche proclame nettement que l'art est supérieur à la science. Cette conception est romaine ou égyptienne, mais on peut également la dire "totalitaire", car c'est cette conception qui permet le mieux à l'élite politique de conserver la haute main sur l'art et la science. Le pape aurait pu répondre simplement : contrairement au préjugé élitiste de Nitche en faveur de l'art, le christianisme ne se préoccupe pas d'art, ni par conséquent de psychologie, seule la science consciente peut amener le chrétien à voir la vérité face à face.

    Hélas, du point de vue scolastique et philosophique du pape, cette réponse était impossible à faire, car le reproche adressé au judéo-christianisme d'être le ferment de la décadence artistique moderne est bel et bien fondé. L'origine de l'existentialisme et de l'art existentialiste moderne, réduits par K. Marx au niveau de l'onanisme, voire traduisant une tendance nécrophile (S. Dali), est bien dans les spéculations philosophiques médiévales, à peu près équivalentes sur le plan scientifique du sabir de la psychanalyse moderne, dont on voit qu'elle fait la plus forte impression dans les peuples ou les groupes sociaux les plus aliénés mentalement.

    Les philosophes des Lumières furent à la fois moins cohérents que Nitche, et en même temps plus pragmatiques, n'hésitant pas à confronter la doctrine chrétienne officielle avec ses propres fondements scripturaires afin de souligner l'inconséquence de la doctrine officielle.

    Mais l'encyclique évite de se pencher sur des aspects beaucoup plus vertigineux de l'attaque violente de Nitche contre la morale judéo-chrétienne, que Nitche n'hésite pas à accuser de crime contre l'humanité. C'est un avocat de Satan sauveur du monde, contre les judéo-chrétiens qui complotent son anéantissement, auquel le pape à affaire. Pratiquement, c'est du retour de Judas Iscariote parmi les apôtres dont il s'agit. Sans doute Nitche n'est pas le premier à renier le Messie, mais aucun ne l'a fait avec autant de conviction religieuse, sauf peut-être certains personnages des pièces de Molière, Shakespeare ou Marlowe.

    Il faut barboter dans la mauvaise bière philosophique allemande jusqu'au cou pour ne pas se rendre compte de la valeur de Nitche et de sa profondeur morale.

    - Le point où l'antéchrist et l'évêque de Rome sont "à égalité" est important, c'est celui de l'histoire, que le pape, de son trône, ne peut pas voir, exposant ses ouailles à être les cocus de l'histoire, ainsi que le sont toujours, à travers les âges, les âmes militaires ou militantes, qui essuient ainsi les plâtres de politiques menées par des chefs cyniques ou imbéciles. Quant à Nietzsche, sa conception physique de l'histoire, fondée sur la culture de vie païenne, et comprenant la culture de mort comme la décadence, cette conception le conduit à ignorer la vision historique de l'antéchrist selon l'apôtre Paul. Nitche, à l'instar de Judas, est disposé à affronter le destin et la mort - mais il n'est pas disposé à accepter la défaite de Satan prédite par les prophètes.

    Je renvoie ici à un petit opuscule anonyme (1838), disponible via google, qui traite de l'élucidation de l'antéchrist par l'apôtre Paul. Il est difficile de dire si elle est directement inspirée par Nitche, mais je constate un redoublement de la haine de l'apôtre des gentils, soigneusement organisé, y compris et surtout par des milieux dissimulés derrière le masque judéo-chrétien ; cette haine n'est d'ailleurs pas sans rappeler la pourriture maurrassienne, par sa manière pédérastique d'abuser de jeunes esprits en détournant du christianisme par des méthodes qui ne valent guère mieux que les trente deniers offerts par le sanhédrin à l'Iscariote. La clef de cette haine est facile à comprendre : les épîtres de Paul sont les plus dissuasives de forger un "judéo-christianisme" et, par exemple, de fabriquer une théocratie d'Etat comme celle en vigueur aujourd'hui aux Etats-Unis. Si le pape s'occupait de prolonger l'exégèse de Paul au lieu de vaticiner dans les déserts de la philosophie, il serait logiquement entraîné à excommunier tous les dirigeants des cartels industriels bancaires occidentaux "démocrate-chrétiens", au lieu de distribuer des sourires et des poignées de mains claudéliennes aux quatre coins de la terre.

  • Exit la démocratie

    Le pouvoir réel ne consiste pas dans l'exercice du droit, dit Nitche. Celui-ci condamne l'idéal égalitaire moderne, non pas au nom de la justice et de l'équité comme K. Marx, mais au nom de la raison juridique. Si le droit n'enregistre pas un rapport de forces, ce n'est plus le droit mais une ruse.

    De la même manière, les mathématiques permettent de formuler des lois de force physique, à partir de postulats dépourvus de consistance physique, mais les lois mathématiques ne sont pas en elles-mêmes une force ou une puissance.

    On peut dire des modèles mathématiques de l'univers, comme du modèle juridique démocratique moderne, qu'ils sont purement virtuels. Ils sont probables, mais on ne peut pas en faire l'expérience. Ils sont du domaine de la science-fiction, mais non du domaine de la science. Du modèle juridique "Etats-Unis", porteur de l'idée de démocratie, on peut dire qu'il se définit comme une pure fiction juridique ; l'unité réelle des Etats-Unis est dans le mouvement, c'est-à-dire dans la croissance économique. L'entretien d'une telle fiction implique le négationnisme le plus rigoureux possible de l'histoire, tel qu'il fut pratiqué pendant longtemps par l'Eglise catholique romaine, afin de préserver la cohérence de l'institution et de son appareil judiciaire. Si Shakespeare est sans doute "universel", et donc catholique au sens étymologique du terme, le seul fait de son matérialisme historique est dissuasif de le croire attaché à l'Eglise romaine. 

    De même la Ve République française est une pure fiction juridique, et ses fonctionnaires délivrent un enseignement de l'histoire au niveau de l'instruction civique. Sans doute ce n'est pas entièrement nouveau. Pour manigancer une monarchie chrétienne de droit divin, il fut nécessaire de substituer à l'Etre divin chrétien un principe providentiel païen. Mais, aussi totalitaire et centralisé soit le régime de Louis XIV, il était beaucoup plus perméable à la critique, ne disposant pas pour le besoin de sa propagande d'un réseau aussi serré. D'une certaine manière, la Ve République dispose d'un pouvoir de censure équivalent de celui d'une nation en temps de guerre.

    La pensée matérialiste relègue la géométrie algébrique à un niveau subalterne, car elle promeut le raisonnement hypothétique ou spéculatif, c'est-à-dire le raisonnement le plus religieux, en lieu et place de l'expérience scientifique. L'activité technique, comme la religion, se nourrit d'un maximum d'hypothèses de travail afin de stimuler l'inventivité (ce qui, en soi, constitue une mauvaise méthode), au contraire de l'esprit scientifique qui se défie de l'invention. La science n'est pas, comme la musique, une récréation. Les peuples ingénieux, tels les Allemands, adorent la musique. L'esprit français, plus scientifique, a moins de temps à perdre avec la musique, qu'un verre de vin remplace d'ailleurs efficacement, et dont le bénéfice cardiaque est plus sûr. L'importation du goût barbare pour la musique en France n'a fait qu'accroître les ravages de l'alcoolisme et de la drogue dans les milieux populaires. Nitche serait sans doute plus français s'il avait écrit sur les mérites comparés du blanc et du rouge, plutôt que sur les mérites comparés de Wagner et de Bach. En quelque sorte il aurait mieux fait de laisser Dionysos à la cave, comme les Grecs. Un Français se demandera toujours, comme il se demande pour les femmes : où est l'humour là-dedans ? La suggestion de l'infini par la musique est très utile pour inciter les petits enfants à prendre la vie au sérieux - et donc à faire leurs devoirs.

    Les mathématiciens des XVIe et XVIIe siècles, jointes à leurs hypothèses scientifiques, émettent un grand nombre d'hypothèses religieuses coïncidentes ou opposées à partir de lectures de la Bible.

    De même le matérialisme historique ne concède aux constitutions juridiques que la propriété de refléter brillamment leurs époques, excluant qu'on puisse déduire de cette draperie le sens de l'histoire. Marx anéantit la prétention de Hegel à indiquer le sens de l'histoire, c'est-à-dire à relier les différents stades ou étapes de l'histoire occidentale entre eux, autrement que par un raisonnement purement spéculatif. Si Hegel théorise paradoxalement aussi bien le progrès de l'histoire que sa fin, c'est par la méthode qui consiste à réduire l'histoire à un mouvement cyclique ou sinusoïdal.

    Comme on peut dire la démonstration mathématique pure de toute matière, et le moins métaphorique des langages, l'homme est absent de la théorie hégélienne de l'histoire, qui consacre le point de vue élitiste, sous la forme d'une cinématographie de l'histoire, c'est-à-dire du moyen le plus propre à maintenir la conscience en-deçà d'un certain niveau par le brio et la séduction de la démonstration. On peut dire l'hégélianisme et le cinéma ensemble berceuses de l'esprit humain infantile. Hitler et Staline eux-mêmes ne méritent pas d'être condamnés autant que Hegel, n'ayant pas contribué aussi directement à accroître la bêtise humaine. La barbarie de Hitler et Staline est "banale", comme dit A. Arendt, seulement décuplée par les moyens techniques à leur disposition. Le maléfice de Hegel, lui, n'est pas banal, permettant le blanchiment de la barbarie technocratique "a posteriori".

    L'enseignement de l'histoire de la révolution française de 1789, mais aussi celle de la révolution soviétique de 1917, est dispensé en France selon l'idéologie hégélienne, en dépit de la critique matérialiste marxiste. L'idéologie hégélienne est si élitiste qu'elle permet d'ailleurs, selon les nations occidentales, des adaptations aux goûts particuliers de ces différentes élites. Même Lénine n'est pas aussi mensonger que la doctrine officielle de l'Education nationale française. Les universitaires communistes dans l'après-guerre ont joué aux Français le même tour pendable que les jésuites auparavant, substituant l'hégélianisme à la critique marxiste afin de pouvoir attribuer à la caste des intellectuels un rôle éminent dans la marche de l'histoire.

    *

    Pour revenir à l'introduction de ce développement, derrière la critique du droit moderne par Nitche ou Marx se profile la critique du "droit chrétien". Tout comme Nitche, Marx est parfaitement conscient de l'altération dangereuse que la "civilisation chrétienne" a fait subir au droit, et par conséquent qu'il est impossible d'envisager le monde moderne occidental séparément du ressort de la morale judéo-chrétienne.

    L'Eglise romaine n'est plus qu'une ruine, certes, mais l'art entreposé dans les musées continue de déterminer l'art moderne apparemment le plus scindé de la morale catholique, que l'on considère cet art sur le plan féminin le plus passif de l'existentialisme (Sartre), ou bien sur le plan de l'art viril le plus actif (Picasso).

    Mais Marx n'opère pas, contrairement à Nitche, le lien impossible entre la "civilisation chrétienne" d'une part, et les évangiles et le Messie d'autre part. Nitche tente d'établir que la culture de mort judéo-chrétienne se propage par le peuple et les mouvements populaires révolutionnaires ; Marx rapporte au contraire la preuve que le poison est versé dans l'oreille du peuple par ses élites dirigeantes. Les évangiles n'ouvrent pas droit à une morale du faible ou au féminisme, à toutes les manifestations compassionnelles hypocrites, ainsi que Nitche le leur reproche. En revanche ils réduisent la perspective politique infinie, c'est-à-dire la ligne d'horizon que l'homme d'élite se fixe, à une peau de chagrin. La sentence du Christ Jésus visant Judas Iscariote : "Il eût mieux valu qu'il ne fut pas né." - pratiquement s'applique à l'homme d'élite du point de vue chrétien. Les aristocrates sont contraints de faire un choix entre leur caste, ses intérêts, et dieu, un choix qu'ils n'avaient jamais été contraints de faire auparavant. Nitche a le courage de faire le choix de Satan que peu d'hommes d'élites occidentaux ont eu le courage de faire. Ce sont les tentatives de conciliation de l'éthique et du christianisme, aristocratiques, puis bourgeoises, qui rendent la civilisation occidentale aussi absurde et dangereuse. Mais le peuple, contrairement à l'élite, perçoit ses droits le plus souvent sous la forme d'illusions millénariste ou de miettes.

    On peut ajouter le nom de Nitche à la liste des philosophes qui ont perçu dans l'utopie millénariste démocratique-libérale une menace terrible ; à la suite de Marx, Baudelaire, Balzac, pratiquement tous les penseurs qui, au XIXe siècle, ont fait l'effort pour penser, au lieu d'entériner comme Hegel, et de faire pousser sur les charniers des fleurs d'éthique.

    Auparavant, Shakespeare a fait voir le caractère radicalement sinistre de la tentative d'associer le christianisme à la marche aveugle de l'Occident.

  • Nietzsche antisémite

    Si L.-F. Céline est généralement inculpé pour ses propos antisémites, Frédéric Nitche en est lui, disculpé - récemment par ces fabricants de moraline à l'usage des gogos que sont M. Onfray et P.A. Taguieff.

    - Rassurez-vous, disent-ils à leurs ouailles, le porte-parole de Satan apprécie les Juifs à leur juste valeur.

    Bien qu'assez foutraque, la doctrine de Céline est, il est vrai, plus menaçante pour le veau d'or.

    En deux mots, pourquoi Hitler s'en prend aux Juifs, tandis que Nitche réserve ses diatribes au judaïsme et aux prophètes juifs ? Le nazisme est un mouvement révolutionnaire, tandis que la doctrine de Nitche ne l'est pas. Comme tout mouvement révolutionnaire, il est populiste, et requiert de désigner à la vindicte populaire une minorité intérieure, et un ennemi extérieur. Nitche escompte qu'il éradiquera le christianisme, qu'il juge moribond, à l'aide de sa doctrine, mettant ainsi en place une "paix mondiale" (sic).

    "(...) Comme il s'agit d'un coup destiné à anéantir le christianisme, il tombe sous le sens que la seule puissance internationale qui ait d'instinct intérêt à l'anéantissement du christianisme - ce sont les Juifs. Il y a là une hostilité instinctive, rien d'"imaginé" comme chez le premier "libre penseur" ou socialiste venu - je n'ai que faire de libres penseurs. En conséquence, il faut que nous nous assurions de toutes les forces de cette race en Europe et en Amérique -, et, de plus, un tel mouvement a besoin de l'appui du grand capital. C'est là le seul terrain naturellement préparé pour la plus grande guerre de l'histoire, et la plus décisive : quant au reste des partisans, ils n'entreront en ligne de compte qu'après, une fois ce coup porté. Cette nouvelle puissance qui se formera pourrait en un clin d'oeil devenir la première puissance mondiale (...)"

    F. Nitche

    Du point de vue chrétien, ce ne sont pas les Juifs les pires ennemis du christianisme, mais le monde et les doctrines sociales censées le pacifier. La "synagogue de Satan", ennemie du christianisme, ne désigne pas une institution juive, mais une institution ecclésiastique. Le "fils de perdition" dit saint Paul, s'élèvera au-dessus de tout ce qu'on appelle dieu, ou qu'on adore, jusqu'à s'asseoir comme un dieu dans le temple de dieu, voulant passer pour un dieu. Et la fin des temps n'adviendra avant que le fils de perdition ne soit advenu.

  • Amor fati

    "Amor fati" ou l'amour du destin. Cette devise résume tous les blasons de toutes les aristocraties du monde, et pourrait être peinte en lettres d'or sur chacun d'eux. L'aristocrate chrétien est frappé d'une aliénation mentale particulière, qui le pousse à se mettre au service des causes les plus absurdes. Shakespeare a bien vu ça (Richard II).

    L'antichristianisme est une voie pour Nietzsche, "aristocrate de sang pur polonais" (sic), afin d'éviter de sombrer dans la folie.

    Dans la version élitiste de l'histoire selon Nitche, il est nécessaire que le Messie ne soit pas ressuscité. D'où il invente cette idée de vengeance des apôtres, dirigée contre les princes de ce monde, qui ont assassiné le Messie. Shakespeare tient compte en revanche pour écrire son histoire de la révélation.

    Nietzsche invente une histoire de l'art et de la Renaissance, reprise par les conservateurs de musée, notamment français, les plus incompétents. Invention de Shakespeare baroque ou pré-romantique. L'art baroque est plus païen que l'art de la Renaissance. La contre-réforme soi-disant catholique convoque tous les effets fascinants de l'art, afin de contrer Luther. Elle mène tout droit au Grand Siècle satanique. Inconséquence de Nietzsche, qui ne reconnaît pas dans l'art baroque et la musique une tentative plus sournoise, mais similaire à la sienne, de reléguer le christianisme dans le décors. Au moins on ne trouve pas chez Nietzsche cette plaisanterie de "l'invention de la perspective par la Renaissance". Nietzsche est conscient que le perspectivisme est le contraire du réalisme. Il réclame pour la politique la perspective minimum. Les grandes perspectives sont celles des peuples masochistes.

    Encore une erreur de Nitche, l'art "dionysiaque" ; il ne voit pas que c'est l'art le plus décadent. Les Romains sont dionysiaques, remettent la psyché au goût du jour. Les Grecs sont beaucoup plus matérialistes.

  • Hinterwelter

    "Baudelaire n'est pas seulement un décadent, mais aussi un idéaliste, un platonicien chrétien, ce qui le rapproche dangereusement des hinterwelter (amateur d'arrière-mondes)" F. Nitche

    "Platonicien chrétien" : une fois n'est pas coutume, l'accusation de Nitche vise précisément un courant de penseurs chrétiens, qui a tenté d'interpréter les évangiles à la lumière de Platon, lui-même pythagoricien. C'est donc le syncrétisme médiéval à quoi Nitche aurait dû limiter ses attaques, comme Shakespeare-Bacon l'a fait au nom du christianisme et de la pureté de la parole divine.

    Les idéologies modernes totalitaires, qu'elles soient nazie, soviétique ou démocratique sont toutes teintées de ce platonisme chrétien, dans lequel Hegel n'a fait qu'introduire une théorie de l'histoire truquée, destinée à donner le beau rôle aux élites occidentales.

    L'amalgame pratiqué par Nitche le plus souvent entre le "platonisme chrétien" et le christianisme authentique lui permet d'établir un lien entre le populisme ou l'anarchie, et le message évangélique, suivant la vieille tactique des historiens romains en quête de boucs émissaires. Mais, comme le montre Shakespeare-Bacon, le platonisme chrétien est une ruse des élites. Le syncrétisme est opéré par des moines catholiques pour le compte de potentats, badigeonnant le tout d'un prétexte compassionnel totalement étranger à l'esprit du christianisme.

    On retrouve la même ruse que celle, moderne, qui consiste à faire passer le populisme démocratique pour un mouvement populaire, en effaçant soigneusement des tablettes, par exemple, le profit du suffrage universel pour l'empereur Napoléon III, aussi crédible dans le rôle du chef d'Etat chrétien que Ponce Pilate.

    Depuis le moyen-âge, les universités occidentales ont persévéré dans leur rôle de blanchiment systématique des valeurs occidentales.


  • De Maurras à Brague

    La "voie romaine" trouve son équivalent aux Etats-Unis dans l'"autoroute 66".

    A côté de la tentative burlesque de Michel Onfray d'adapter Nietzsche aux valeurs de gauche, alors que celui-ci aurait vu dans l'alternative gauche-droite une sorte de pas de l'oie de trouffion débile de la modernité, s'est développée une tentative d'adapter Nietzsche au christianisme ; elle comporte cette difficulté majeure de faire du chantre du satanisme et de la culture de vie un penseur "chrétien".

    Essentiellement, le trucage de Michel Onfray et des catholiques romains revient au même. Dans le premier cas, il s'agit de faire passer les valeurs républicaines pour des valeurs populaires, alors même que le régime républicain moderne a mis en miettes la culture populaire pour la remplacer par une culture de masse totalitaire. Jamais régime n'aura fait subir au peuple de plus grandes avanies, ni n'aura inculqué un mensonge aussi grossier que celui de la "souveraineté populaire" et de l'égalité.

    Pour faire passer une telle couleuvre, il est nécessaire de censurer à la fois Nietzsche et Karl Marx. Les valeurs républicaines modernes trouvent appui sur la rhétorique de quelques fonctionnaires assermentés, mais non sur des penseurs indépendants.

    La tentative sous le masque chrétien, elle, consiste à adapter le christianisme aux valeurs élitistes. Pour opérer ce tour de passe-passe, Charles Maurras va s'appuyer sur l'imbécillité extraordinaire du public catholique romain, que Nietzsche a théorisée d'une manière assez précise, bien qu'il n'en identifie pas la cause exacte. On trouve d'ailleurs à l'intérieur de l'Eglise romaine, quelques cas isolés de rebelles à l'imbécillité catholique romaine, tels Léon Bloy ou Bernanos, mais qui n'en reconnaissent pas la cause non plus, moins encore que Nietzsche.

    L'antichrist Charles Maurras, sorte de résurgence de Richelieu au niveau du journalisme, ne se contente pas de faire du christianisme le complice servile et commode des crimes des nations occidentales, il échaffaude par ailleurs une idéologie qui vise à faire passer l'empire romain pour une civilisation saine et équilibrée. Même la philosophie allemande n'est pas restée figée à un niveau critique aussi bas. Pour admettre que l'empire romain est une civilisation équilibrée, il faut admettre que le totalitarisme est un humanisme, ou bien la culture des Etats-Unis autre chose qu'une métastase. Quand on nie absolument l'histoire comme Maurras, on ne peut qu'en être le cocu, une sorte de voyageur dans le temps dépourvu de lien avec la pensée française.

    Ce cocufiage et l'infâmie de Maurras ont conduit à lui coller l'étiquette de chef de file d'un groupe folklorique vaguement indécent. Le besoin d'un discours subversif de l'histoire a cependant subsisté. L'évêque de Rome ne peut pas tout faire. Il est déjà assez occupé à combattre la mafia à l'intérieur de son parti, ainsi qu'à rédiger des encycliques suggérant que la lumière créatrice n'est pas celle de Satan : il a besoin de faussaires en histoire pour l'assister dans l'entreprise qui consiste à démontrer que le christianisme est compatible avec les visées de l'élite.

    Rémi Brague a pris le relais de Maurras il y a quelques années, avec un bouquin visant à démontrer que Rome est la matrice de l'Europe, c'est-à-dire du rêve nationaliste partagé par une série de bouchers sanguinaires fameux et un conglomérat de banquiers cyniques, et qui a choisi pour le symboliser une nymphe violée par un taureau, sans doute pour signifier la barbarie ultime de ce nationalisme.

    Ce que Brague et les braguets veulent éviter, ce n'est pas tant qu'on les rapproche de Satan, auxquels ils ne croient pas et qui leur semble pure abstraction en comparaison des missiles à longue portée du pacte atlantique. Ils ne veulent pas qu'on fasse le rapprochement avec Maurras, car ce dernier n'est pas assez bcbg.

    Malgré sa compromission avec le culte solaire de Louis XIV, qui oblige à le prendre "avec des pincettes", car ce genre de compromission sert à Nietzsche pour faire la démonstration d'un christianisme entièrement animé par des faux-jetons, le théologien catholique Bossuet signale quand même que, sur la piste de Satan et du nombre de la bête (666), tous les chemins mènent à Rome.

  • Eloge de la faiblesse

    Contrairement à l'affirmation de Nitche, il n'y a pas d'éloge de la faiblesse dans le christianisme, faute de quoi le dieu des chrétiens serait effectivement un calcul irrationnel, comme la démocratie.

    Nitche lit les évangiles sans jamais se départir de son élitisme. Effectivement, dans l'ordre naturel et le droit qui en découle, l'homme d'élite est plus puissant. Aussi démocratique soit le monde moderne officiellement, le culte de la personnalité n'a pas fléchi d'un iota. Mais le christianisme ne tient aucun compte de l'ordre naturel et du droit qui en découle. Du point de vue de l'élite et de ce qui la justifie, nécessairement le Christ ne peut qu'être un homme faible ou suicidaire, entêté à mourir plutôt qu'à vivre pleinement.

    Ici, Nitche a sans doute tort de mettre dans le même sac les Romains et les Juifs, et de les féliciter pour leur assassinat dans les règles, au bénéfice de l'ordre public. En effet, si les Juifs avaient pris le Messie pour un homme faible et suicidaire, on peut penser qu'ils n'auraient pas réclamé son exécution.

    La faiblesse est représentée dans les évangiles par le jeune homme riche, qui au contraire occupe la position la plus enviée sur le plan de l'espèce. C'est-à-dire par l'attachement à la nature et au monde qui la reflète avec plus ou moins d'intelligence. Le jeune homme riche ne peut pas briser le cercle de ses usages. Le pauvre, que Nitche appelle faible, est plus près de la porte étroite de sortie du monde, en quelque sorte. C'est pourquoi Molière nous montre l'antéchrist Don Juan s'efforcer de retenir le pauvre à l'intérieur du cercle.

    L'effort surhumain accompli par Nitche est pour sortir d'un monde moderne sur le point de s'écrouler. Mais le chrétien n'a que faire de l'écroulement du monde - là encore, contrairement à ce que prétend Nitche, il n'en est pas actionnaire.

  • Surhomme et évolution

    "... Car il ne faut pas sous-estimer le chrétien : le chrétien, faux jusqu'à l'innocence, surpasse le singe, et de loin - eu égard au chrétien, une fameuse théorie des origines de l'humanité devient pure amabilité..." F. Nitche

    En vertu de sa théorie du sous-homme chrétien, hypocrite et efféminé, et de sa théorie du surhomme nitchéen, le porte-parole de Satan ne gobe pas la théorie de l'évolution. Le surhomme nitchéen agit bien en vertu de la nature, mais d'une manière consciente, dont seul l'homme se montre parfois capable, lorsqu'il est capable de prendre du recul par rapport à la société.

    Le transformisme est un préjugé socialiste. On trouve en outre chez Nitche la même observation scientifique que chez Alphonse Allais : les hommes les mieux adaptés à la société moderne sont les escrocs.

    Il conviendrait d'ailleurs de dire que les anti-évolutionnistes, sous l'étiquette du "créationnisme" ne sont pas "chrétiens" mais "nitchéens" : ils conçoivent dieu comme un démiurge. Sur le plan de la science physique, Nitche se réfère en partie à Aristote. C'est la métaphysique, c'est-à-dire l'indication dans la Genèse qu'il y a une forme de connaissance supérieure au savoir éthique et à la vertu sataniques qui empêche les juifs et les chrétiens de croire dans le darwinisme. La philosophie de Nitche n'est pas totalitaire comme les philosophies milléranistes à l'arrière-plan de l'évolutionnisme, qui se servent de la biologie afin d'ouvrir le plan de l'avenir à l'infini.

    Plus généralement il faut dire que l'histoire de la science moderne est une grossière propagande, exactement comme l'est l'histoire de l'art moderne. L'ouvrage de fonctionnaires payés pour démontrer le progrès social.