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nitche - Page 3

  • Modernité

    Le truc de la modernité a le don de séduire d'abord les peuples arriérés. Je prends toujours l'exemple du Japon dans ce cas-là, tant cette nation a conservé le sens de l'honneur. Il semble qu'aucun apôtre français n'est jamais allé au Japon enseigner à ces butors que l'honneur est l'apanage des cocus. N'était le besoin des Japonaises de se reproduire, elles auraient transformé depuis longtemps les Japonais en eunuques serviables. Le soleil passe pour le dieu japonais, mais on dirait que c'est plutôt la lune rousse.

    La modernité est la pacotille que le colon offre au peuple qu'il colonise, l'alcool qui permet aux fermiers yankees d'exterminer les Indiens, l'opium des gentlemen britanniques pour endormir les Chinois. Le retard des Allemands et des Italiens sur le terrain de la modernité les a privés d'empire colonial.

    Nitche a théorisé la domination du sous-homme dans le monde moderne. Marx non plus n'est pas "moderne", car cela suppose d'être un ayant-droit de l'impérialisme.

  • L'art moderne

    Rechercher l'originalité, c'est rechercher la folie. C'est ce qu'on exige des artistes aujourd'hui, afin qu'ils remplissent un rôle social. Beaucoup sont assez cons pour se laisser faire.

    En général, ce sont les mêmes clowns qui affichent leur mépris pour l'art religieux. Observez les grimaces d'Einstein sur certains clichés : c'est le signe d'un esprit original défaillant. Si la psychiatrie était une science sérieuse, elle mettrait en garde contre le relativisme d'Einstein. C'est un moine qui m'a fait comprendre l'imbécillité d'Einstein quand j'avais dix-sept ans ; il n'était pas plus sérieux, mais sa maîtrise de la rhétorique et des syllogismes lui permettait de piger à quel petit jeu ce fameux Boche joue. Un prestidigateur le comprendra aussi : attirer l'attention sur un détail, et le tour est joué.

    L'artiste ou le savant moderne est un enfant de la balle, qu'il finit parfois par se tirer dans la caboche pour en finir. La décapitation des élites est finalement une question de santé publique. Lorsqu'une élite est massacrée par le peuple, elle ne fait que payer un ou deux siècles d'irresponsabilité d'un seul coup. C'est ce qui ne colle pas dans la doctrine de Nitche : il ne veut pas admettre, contrairement à Shakespeare ou Molière, que la décadence touche d'abord les élites. L'analogie est entre le peuple et la matière, et entre les élites et l'âme, et le chaos vient de l'âme. Ce n'est pas le problème des apôtres si les élites se sont emparé du christianisme et l'ont retaillé à leur cote, ouvrant ainsi le néant sous leurs pas. Quel besoin a Dante de s'appuyer sur la religion truquée de Virgile ?

    A part ça Nitche est le moins original qui soit. Il imite de bons imitateurs de la nature. C'est ce qui isole Nietzsche du monde moderne. Il n'est pas assez complexe. Ainsi Deleuze fait de Nitche une pelote compliquée à dénouer. Il trahit complètement l'esprit de son maître. On voit que pour Deleuze, la nature n'est pas assez humaine. Il manque à l'arbre, accrochée à la branche, la corde tissée avec des doigts d'homme pour pouvoir se pendre. Nitche aurait flanqué la paperasse de Deleuze au feu, comme Don Juan botte le cul de Sganarelle.

  • Surhomme à quatre pattes

    "Qu'il est petit, Nietzsche, depuis qu'en Allemagne tous les garçons de boutique sont devenus nitchéens."

    R.-M. Rilke

    Le mérite des garçons de boutique, c'est qu'ils n'écrivent ni thèses sur Nitche, ni romans nitchéens - ils ne font pas de films nitchéens.

  • Déphilosopher

    F. Nitche rétablit le primat de Satan sur la philosophie. Pratiquement l'effort des exégètes les plus récents de Nitche consiste à amputer cette notion, que seuls les penseurs fachistes ou nazis, dans un contexte de crise des valeurs modernes (fiduciaires, essentiellement), ont été capables d'assumer à peu près (Drieu La Rochelle, D'Annunzio, E. Pound, Heidegger, etc.).

    La clique "judéo-chrétienne" se montre en ce domaine la plus sournoise, adoptant deux tactiques convergentes, dont le but est de préserver les droits du philosophe à élucider les évangiles. La première tactique consiste à laïciser Nitche ou à le banaliser, ce qui revient à peu près à prendre le public pour un ramassis d'imbéciles. La seconde tactique, adoptée par l'évêque de Rome dans sa dernière encyclique ("Lumen fidei"), consiste à opposer à l'antichristianisme de Nitche les arguments idéologiques de Hegel, en occultant que le mysticisme juridique totalitaire de Hegel a été deux fois dénoncé comme une imposture - d'une part par Nitche lui-même, de l'autre par K. Marx.

    L'apostasie spéciale de J. Ratzinger consiste à occulter que l'hégélianisme n'est pas seulement une philosophie compatible avec les pires atrocités du point de vue de Nitche, mais également du point de vue chrétien, dès lors qu'il se rattache un minimum aux évangiles. A l'intercession de l'esprit et de la parole divine, Hegel substitue la notion, démoniaque, du providentialisme, garant de la plus grande passivité religieuse des masses populaires. S'il cède parfois à la démarche philosophique, Augustin d'Hippone n'aurait pu voir dans l'hégélianisme qu'une subversion équivalente à celle à laquelle l'empire romain procéda pour christianiser l'empire - il n'est besoin que de lire la "Cité de Dieu" pour s'en rendre compte. Que branlent les séminaristes catholiques en leurs séminaires ?

    Toute volonté humaine dépend de la puissance naturelle satanique, selon Nitche, qui dénie ainsi toute notion de la vérité aux religions animistes ou à la banale détermination psychologique moderne. L'amalgame sans fondement consiste de sa part à assimiler le christianisme à une religion animiste. A quoi l'animisme moderne se rattache-t-il, une fois le lien essentiel rompu avec Satan, proclame Nietzsche ? A cette détermination propre à l'homme qu'est la mort.

    Mais le judaïsme ou le christianisme ne disent pas le contraire. En effet, ils situent le début de la volonté comme pensée, nitchéenne ou satanique, à la chute d'Adam et Eve. La connaissance du bien et du mal, même la plus authentique ou objective des prêtres de Satan, implique la soumission de leur volonté à ce dernier, c'est-à-dire au destin selon la profession de foi de Nitche. On trouve là l'explication de l'interdit juif ou chrétien de l'art. Contre la mort, l'art ne peut rien. La résignation à la mort, attribuée au christianisme par Nitche, ne l'est pas. Elle indique une faiblesse et une soumission accrue aux effets du destin. L'anthropologie moderne rapproche l'homme de l'insecte, mais comment faire du christianisme et du judaïsme les sources de l'anthropologie moderne, quand elles sont, entre toutes les religions, les moins anthropologiques, puisqu'elles n'ouvrent pas droit à l'art ?

    Ce que Nitche met à jour n'est pas le christianisme, mais la négation de la révélation et de l'eschatologie par certains clercs au profit de l'éthique. Ce n'est pas un phénomène de subversion propre au monde moderne. Dans le livre de Daniel, on peut voir que les prêtres babyloniens avaient inventé une même ruse et détourné la religion païenne à leur profit. Beaucoup plus récemment, c'est ce que la psychanalyse fait, bien que Freud l'oppose au judaïsme comme une science véritable, accusant Moïse d'inventer de toutes pièces la religion juive au profit de quelques brigands, poussant ainsi la négation de l'histoire plus loin encore que Nitche. L'athéisme de Freud, qui ne va pas jusqu'à honorer Satan comme Nitche, permet l'usage de la psychanalyse à des fins éthiques. L'inconvénient du credo satanique de Nitche est qu'il constitue une incitation bien trop puissante à devenir soi-même par soi-même, c'est-à-dire sans intermédiaire clérical. Le satanisme jette une lumière beaucoup plus crue sur les méthodes de l'esclavagisme bourgeois moderne.

  • Déphilosopher

    Pour le besoin d'un petit bouquin sur le satanisme, je relis Nitche (eh oui, on a le droit de prendre Nitche au sérieux). Le principal mérite de Nitche, c'est que ce n'est pas un intellectuel, mais un artiste.

    L'intellectualisme part d'un complexe d'infériorité, physique le plus souvent, que l'intellectuel compense par la rhétorique. On voit le cas d'hommes du peuple, plus vigoureux, qui veulent se donner des airs raffinés en apprenant l'art de la rhétorique : les conséquences en sont le plus souvent dramatiques. On m'a rapporté le cas d'un type, entré aux Beaux-arts, fruste, presque brutal, venu d'un bled paumé de la campagne française. Son art était par conséquent beaucoup plus naturel et plus puissant que celui de ses condisciples parisiens, bercés avec Proust, Flaubert, Tintin et Milou, depuis l'enfance. Seulement pas moyen pour ce type fruste de devenir moderne, c'est-à-dire subtil, pour plaire aux dames et aux professeurs, assez choqués par le style direct du type. Du coup le brave gars, ça l'a tué, il n'a pas tardé à se suicider. Dans son milieu, mieux valait ne pas être artiste, et à Paris il lui fallait être moderne -l'impasse.

    La production intellectuelle conserve la marque du complexe. Tandis que l'artiste, lui, selon la méthode de Nitche, tente de surmonter la faiblesse. Dans le monde moderne, les derniers artistes sont comme des lions, domptés par des intellectuels malingres, plus rusés. Aujourd'hui on conseillerait à un type bâti comme Michel-Ange de passer un CAP de tailleur de pierre.

    Satan n'aime pas beaucoup les intellectuels. La force des intellectuels tient dans le parasitisme. Sacré problème que la mort de l'art, du point de vue de Satan. Quand chacun devient sa propre idole, suivant le culte identitaire masochiste, il y a péril en la demeure de Satan.

  • Bacon, Shakespeare & Nitche

    "Je ne suis qu'un homme. Mais j'ai déjà vécu plusieurs vies à travers d'autres hommes, et de toutes leurs expériences, les pires comme les meilleures, j'ai su tirer des leçons. Parmi les habitants de l'Inde j'étais Bouddha, en Grèce Dionysos - je me suis incarné dans Alexandre et César, ainsi que le poète Shakespeare, lord Bacon."

    F. Nitche (lettre à Cosima Wagner)

    Nitche fait subir à l'histoire et à Shakespeare-Bacon le même traitement qu'il inflige à l'univers. Il n'en garde que ce qui le conforte.

    Shakespeare est un historien trop prophétique pour confondre le moine-théologien du moyen-âge et son bagage philosophique platonicien avec l'apôtre Paul.

    Plutôt que de se réincarner, Nitche aurait mieux fait, pour ne pas mourir bête, de lire ce que dit Bacon de ce sacré Dionysos. A savoir, fait historique, que c'est tout juste si Dionysos figure au panthéon des Grecs. Il semble que Dionysos fut trop humain pour ça.

    Il semble que Nitche-Dionysos n'a pas lu "Jules César" non plus, ni d'autres pièces de Shakespeare les plus dissuasives pour la nation anglaise d'imiter le modèle romain, dont les chrétiens savent qu'il est le plus satanique. Tout l'effort de Shakespeare est de montrer que la culture chrétienne médiévale n'a rien de chrétien. 

    Bien sûr Shakespeare n'est pas plus "moderne" que Nitche, mais en principe il n'y a que les imbéciles et les spéculateurs qui le sont.

  • Dialogue avec l'Antéchrist

    L'Antéchrist maudit le monde moderne au nom de Satan. Les apôtres maudissent le monde tout court au nom de la parole de Dieu.

    Les allégations de Nitche qui tendent à attribuer au judaïsme et au christianisme l'anthropologie moderne ne reposent sur rien. L'anthropologue n'est qu'un actionnaire du monde, caché derrière de grandes phrases, dont aucune n'a une signification chrétienne.

    L'idée que le monde moderne trimphera de Satan n'est pas chrétienne non plus. Il faut chercher le sens de l'histoire ailleurs que dans les sornettes psychologisantes de Nitche.

  • Retour de Nitche

    Je lisais il y a quelques jours sur un blog l'appel d'un type à un "Mai 68 de droite". C'est l'expression d'une volonté typiquement nitchéenne, qui pourrait bien se propager à tout ce que la France compte de forces vives.

    Sur le plan politique, cette réaction nitchéenne est le résultat de l'échec sans doute définitif du projet hégélien de nation européenne. Les Français y ont toujours été hostiles, en raison de son arrière-plan de philosophie germanique, dont ils ont assez naturellement l'instinct qu'il est débile.

    Un intellectuel kantien, tel que Luc Ferry, ne peut compter que sur la fortune pour se maintenir en France, tant l'esprit français contredit la tradition monastique véhiculée par Kant. Le Français typique n'aime pas les choses complexes, il préfère les choses décomplexées, et les syllogismes philosophiques ne lui inspirent aucun respect, contrairement au Boche hermaphrodite ou sa sous-espèce made in USA perpétuellement en quête d'objets de dévotion, si féministe pour cette raison.

    Le projet national-socialiste européen échoue d'apparaître trop clairement ce qu'il a toujours été : un calcul mercantile - en quelque sorte on pourrait dire que tous ceux qui possèdent une volonté artistique, s'y opposent comme l'art s'oppose à la maladie ou la vieillesse ; mais il échoue plus encore d'être un régime carthaginois inefficace. C'est ce qui coupe la plèbe la plus empoisonnée par les vapeurs toxiques de la modernité des injonctions de l'élite. L'électeur du FN, si l'on considère dans cette espèce la plus grande espérance de bonheur déçue, n'est pas CONTRE la modernité - simplement, elle n'y a pas droit : la masturbation ou le football, le hachisch, le western, prennent plus de valeur que la célébration mystique du pangermanisme européen.

    Bien sûr Nitche n'est pas "de droite", sans quoi il serait "hémiplégique" selon son expression, et ne pourrait pas se relever des obstacles sans une membrure complète ; mais la moraline, elle, a pris l'étiquette de gauche, au lieu de l'étiquette gaulliste qui lui fut attachée au cours des "Trente glorieuses".

    Le plan social, dont la culture totalitaire proscrit le dépassement sous peine de condamnation éthique (ni art satanique, ni vérité chrétienne), perpétue la guerre des sexes sous une forme mystique, dont ni le réactionnaire viril nitchéen, qui fournit la semence, ni la femelle moderne, qui prête l'utérus, n'ont conscience. Malgré lui, Nitche qui veut être un aigle dans le ciel, est pris dans les filets de la culture moderne afin d'en faire un épervier pour la chasse. Hitler a joué le rôle du cheminot qui remet le train de la modernité sur les rails. Trucage scientifique, auquel Karl Marx n'aurait pas prêté la première phalange, sachant trop l'atavisme criminel de l'homme moderne, l'historien moderne doit s'efforcer de dissimuler le rôle positif de Staline et Hitler dans la marche forcée du monde moderne vers l'avenir.

  • La Modernité

    La modernité n'est pas dans la négation de Jésus-Christ, comme l'affirme Léon Bloy. La modernité n'est pas non plus dans la négation de Satan, comme le prétend F. Nitche.

    La modernité consiste dans la double négation de Jésus-Christ ET de Satan. La modernité consacre le point de vue anthropologique. L'homme moderne trouve sa plus grande justification dans la mort. Elle constitue l'événement le plus rationnel d'une vie ubuesque.

  • Bloy ou Nitche

    Avec le même tempérament et la même fougue polémique, Léon Bloy et Frédéric Nitche ont combattu la modernité, l'un au nom de Jésus-Christ, l'autre au nom de Satan. Avec une moue de dédain, l'anthropologue moderne les déclare "impossibles".

    En somme la modernité n'est qu'une question de probabilité.

  • De Nitche à Mussolini

    Epargnons à Nitche la comparaison avec la mystique hitlérienne, puisque celui-ci se voulait "latin", non pas Français, puisque le Français a tendance à considérer que l'horizon du latin ne dépasse pas l'ourlet de la jupe de sa mère. Si l'on exclut de la littérature italienne tout ce qui n'a pas une connotation pédérastique, il ne reste plus grand-chose.

    De même le Français se défendra toujours d'avoir du style, surtout si la flatterie vient d'une femme, celle-ci n'étant qu'un compliment indirect touchant son organe viril. Les intellectuels déploient des efforts de rhétorique pour parvenir au même résultat que l'homme naturel. Je dissuade les artistes en herbe, quand ils sont robustes, de vouloir faire moderne et d'adopter le style le plus démonstratif.

    Bien sûr le motif le plus net pour le Français de se défier du Latin, c'est qu'il a été mené à la boucherie et au vain sacrifice par un Italien. Napoléon, mais pas seulement. L'immonde Corse ajoute d'ailleurs à Hitler une dimension sadique au crime politique. Les Allemands ont une manière beaucoup plus féminine, beaucoup plus organisée, de tuer : il leur faut un plan et des justifications éthiques, un peu comme pour l'avortement de masse. L'Allemand est effectivement plus moderne. Le déclin de la figure de l'homme politique s'est opéré de l'Italien, dont le droit de faire couler le sang du peuple repose pratiquement sur le bon plaisir aristocratique, vers l'Allemand, qui s'appuie sur de bonnes intentions, où on retrouve la marque de la moraline judéo-chrétienne. Ce mouvement marque un recul de la responsabilité politique. Il est bon que les guerriers décorent leurs maisons des crânes de leurs victimes. On peut facilement s'accorder avec Nitche sur le fait que le nihilisme moderne abaisse l'homme au niveau de l'insecte, en lui ôtant le plus complètement l'aptitude à choisir.

    Ce que le Français apprécie dans l'art de Shakespeare, c'est qu'il est le plus dépourvu de style. Il est voué ainsi à demeurer une énigme aux yeux des psychologues. La preuve de l'aspiration théologique réelle de Shakespeare est dans son oeuvre de désacralisation de l'art occidental. Si la nécessité persiste pour les élites intellectuelles de liquider Shakespeare d'une manière ou d'une autre, en collant sur son front les étiquettes les plus improbables, c'est pour la raison que Shakespeare met un terme définitif à la foi dans la civilisation occidentale. Shakespeare fonde l'art moderne contre lui. La quête de la beauté platonicienne n'est plus permise à l'artiste après Shakespeare. Comprenez : ce moyen naturel de faire obstacle à l'histoire n'est plus permis.

    C'est tout l'enjeu historique que Nitche n'a pas saisi. Il s'est retrouvé, comme le fachisme, pris entre deux feux contraires. Le nihilisme occidental décadent, d'une part, dont la faiblesse morale est compensée par des moyens de propagande extraordinaires, et de l'autre le progrès de l'histoire selon l'esprit de dieu, la force quasiment invisible qui anime Shakespeare, mais n'en contraint pas moins la culture occidentale à cette posture macabre, à se déterminer en creux et non plus selon la culture de vie, que le christianisme ne vise pas à détruire, contrairement au dire de Nitche, mais à laquelle il ôte toute prétention spirituelle, ainsi que scientifique.

    Nitche a un point commun avec la modernité qu'il déteste, et ce point est exactement le même que celui qui permet de rattacher la réaction fachiste aux régimes qu'elle prétendait vouloir renverser. Ce point consiste à poser pour vraie la prétention de l'Eglise romaine à témoigner du message évangélique. Nitche ignore (sans doute délibérément) ce que Shakespeare ne cesse de mettre en avant : à savoir que l'anthropologie médiévale n'a aucun appui évangélique.

  • Léopardi contre Nitche

    Sans doute parce qu'il est Italien, Giacomo Leopardi est parfois indûment rapproché de Nitche. Cette seule citation de Leopardi, "Le suicide prouve Dieu", où dieu n'est pas une divinité païenne quelconque, suffit à les séparer nettement. Pas plus qu'il n'est satanique, Leopardi n'est adepte de la culture de mort imputée par Nitche au christianisme et à Jésus-Christ lui-même.

    Le mot de Leopardi fait référence à la science naturelle antique, celle d'Aristote notamment, qui voit dans l'homme l'animal le plus complexe, au milieu des autres espèces possédant le souffle vital - un microcosme. De sorte que la sagesse des anciens se préoccupe non seulement de l'aspiration physique, vitale, de l'homme, mais aussi de son aspiration métaphysique contradictoire. Homère a ainsi raconté les aventures de deux super-héros opposés. Achille, courant au-devant de son destin, illustrant l'élan physique ou la culture de vie, nécessairement macabre, et Ulysse d'autre part, plus prudent et illustrant l'aspiration métaphysique et les obstacles tragiques auxquels la sagesse se heurte, mais dont Ulysse finit par triompher. Louant la tragédie grecque, on voit que Nitche en élude les données fondamentales, pour la rapprocher du dieu aryen Dionysos, sans doute afin de l'amputer de la partie métaphysique et conforter sa thèse d'une antiquité grecque baignant dans la culture de vie jusqu'au "décadent" Platon.

    On remarque d'ailleurs dans le récit mythologique de la Genèse attribué à Moïse, la même dialectique que chez Homère - d'une part un arbre de vie, où niche le serpent, symbolique de la science physique, et d'autre part l'arbre du salut, symbolique de la sagesse divine ou de ce qu'Aristote nomme "métaphysique".

    Bien que Leopardi soit l'auteur d'une pensée plus forte et plus cohérente que celle de Nitche, il est moins célébré publiquement que celui-ci. L'explication en est sans doute que Leopardi est moins moderne que Nitche. Bien que la morale aristocratique de Nitche ne s'accorde pas avec le darwinisme, comme le nazisme s'accorda avec lui pour cause de populisme ou de socialisme, la culture de vie nitchéenne ne remet pas en cause le conditionnement physique de l'homme postulé par la science moderne.

    Nitche n'est sans doute pas nihiliste, comme les vils curés modernes qu'il blâme pour s'être acoquinés avec la plèbe et l'empoisonner avec de vains idéaux, mais il est misanthrope, ce qui revient à peu près au même.

  • Société civile

    ... quand tu nous tiens par les bourses.

    L'hypocrisie et le double langage de la société civile française se traduit par le fait de clouer au pilori des écrivains néo-païens tels que Drieu La Rochelle, Brasillach, Maurras ou Dominique Venner, tout en permettant l'éloge de la doctrine réactionnaire de Frédéric Nitche, son étude pieuse dans l'université.

    On a bien une idée de la veulerie indécrottable de l'homme à travers l'idée de société civile, puisque l'éloge de Nitche traverse tous les "courants de pensée" de cette société civile, dans lesquels le prêtre de Zarathoustra lui-même n'aurait vu, en fait de "courants", que des petits marigots boueux. Champion de la veulerie à la française : le parti démocrate-chrétien et sa farine anthropologique - le parti de Sganarelle.

    Il n'y a guère aujourd'hui que le musulman fier de l'être et qui défie les autorités, à ressembler à Nitche.

    Il y a bien une différence entre les fachistes français cloués au pilori et le prêtre de Dionysos. Tandis que les premiers insultent les juifs et la "race juive" improbable, sans se mêler des prophètes et des juifs fidèles à Moïse, le second réserve sa vindicte à ces mêmes prophètes. Le "juif moderne" délègue en quelque sorte à Nitche le soin d'insulter Moïse, manquant d'audace pour le faire lui-même.

    Le destin de la doctrine de Nitche en France ne s'accomplit pas dans la restauration de l'esprit aristocratique de "l'hyperboréen", tourné en dérision par Shakespeare : il s'accomplit dans le catéchisme du lécheur de bottes de l'homme moderne. Car voici à quoi sert le nitchéisme, c'est-à-dire le satanisme d'ancien-régime - dans tous les domaines où il est requis encore un peu d'ardeur virile, à savoir le bombardement des populations étrangères, la saillie des dernières bonnes femmes consentantes, la vitupération de Jésus-Christ et des apôtres, la conduite et le pilotage des machines, la rébellion inutile sauf pour cautionner la police municipale, l'auto-crucifixion de l'artiste - la culture de vie est faite pour servir de bréviaire aux larbins de la culture de mort. Voilà le secret de la tolérance vis-à-vis de la doctrine réctionnaire de Nitche, pourvu qu'elle n'empiète pas trop sur les droits de la moraline. La culture de mort moderne est bien trop nihiliste pour se féconder elle-même. Le curé nihiliste se rit des cultures identitaires les plus transgressives ; la seule chose qu'il redoute, c'est l'individualisme.

    Si l'on veut bien prendre un peu de recul sur l'histoire récente, se détacher du catéchisme moralisateur que les institutions républicaines ont mis à la place, on verra que c'est le même rôle joué par Napoléon, Hitler ou Staline, que celui joué par Nitche, de féconder la culture moderne et redonner à son néant un but et un sens. L'existentialisme dans sa version sartrienne ou proustienne, comme dirait Marx est un pur onanisme. L'activité principale du philosophe moderne est de tirer les marrons du feu, et de se repaître de tout ce qui, bon ou mauvais, n'a pas été produit par lui, mais que sa ruse lui a permis de s'approprier.

    C'est aussi, plus inconsciemment encore, l'usage de la matière dans les pures hypothèses rhétoriques de la science moderne, de fournir aux syllogismes une apparence de rationalité. Elle réapparaît seulement au stade de la mise en oeuvre. L'idée d'univers infini est une pataphysique improbable, dont la seule preuve repose sur l'efficacité du chimiste, non à produire de l'énergie, mais à permettre son usage civil et militaire. L'extrême danger de la science physique moderne, d'ailleurs entre-aperçu par Nitche, est l'onction éthique accordée à cette science. Le technicien a entre les mains un outil et un usage, auxquels des professeurs d'éthiques imbéciles et irresponsables prêtent le sens mystique le plus débile.

  • Marx contre Nitche

    Ces deux contempteurs de la culture de mort moderne que sont Marx et Nitche ont en commun, méprisant l'éthique libérale et républicaine de leur temps, de se situer "par-delà bien et mal".

    Le rejet de la moraline par Nitche est au profit de l'accomplissement aristocratique de soi. Il vise à débarrasser la morale décadente de son idéal humain nihiliste et décadent, pour renouer avec la seule vraie source de la morale qu'est la nature. La culture de vie néo-païenne de Nitche demeure fondée, dans la mesure où l'éthique judéo-chrétienne moderne ne l'est pas, et continue de s'appuyer comme la dernière encyclique de l'évêque de Rome l'atteste ("lumen fidei") sur la pure rhétorique anthropologique. Feignant de répondre à la mise en cause par Nitche d'une foi complètement truquée, le pape François reprend une casuistique catholique romaine globalement inchangée depuis le moyen-âge. Il se montre incapable d'établir le caractère universel de l'éthique qu'il prône, et qu'elle n'est pas selon l'accusation de Nitche, le relativisme le plus débile de tous les temps.

    Il y a de la part de l'évêque de Rome, pour mieux faire comprendre le défaut de son esprit, pratiquement un procédé d'écriture automatique ou robotique, qui présente une analogie avec le rituel de l'eucharistie, véritable procédé artistique de création de dieu par l'homme en la personne du prêtre, dans lequel on discerne la méthodologie propre à l'art moderne haï par Nitche, jusque dans sa formulation athée.

    La critique de Marx dirigée contre la culture moderne nihiliste, n'est pas principalement de substituer à la détermination vitale une détermination macabre, et d'incliner ainsi l'artiste moderne, plus encore que ses contemporains, à la folie et à l'autoflagellation, jusqu'à faire de lui un sous-homme, prédestiné à la domination et à l'exploitation par des sophistes habiles. C'est au nom de la science "consciente", selon le propos des humanistes de la Renaissance, que Marx entreprend la déconstruction complète de l'éthique moderne et de ses solutions légales pratiques, baptisées "laïques" postérieurement par le régime de droit le plus sanglant de tous les temps (et le plus religieux selon Marx). De sorte que Marx n'adopte pas un point de vue personnel ou identitaire, mais un point de vue individualiste, faisant de la connaissance et de la science, de la quête de la vérité et non d'une vie meilleure, l'aspiration humaine essentielle. Le relativisme anthropologique, dans lequel il n'est pas difficile de discerner le cynisme et la mise en coupe réglée du monde par des élites dont la seule légitimité est à prétendre supérieur le point de vue le plus subjectif qui est le leur, ce relativisme anthropologique empêche la science en focalisant celle-ci sur des détails. Il permet à l'ignorance de se substituer peu à peu à la science, donnant ainsi libre cours à la barbarie.

    Marx n'est pas réactionnaire ; il ne cherche pas comme Nitche, les nazis ou les soviétiques, à prévenir la culture des effets de la contre-culture ou des conséquences funestes de l'anthropologie moderne par un retour à la culture de vie païenne et des valeurs antiques aristocratiques. Sauf l'aspect du masochisme, typiquement moderne et dont l'efficacité afin d'asservir les masses psychologiquement est le b.a.-ba de la ruse totalitaire, le "monde antique" relève en grande partie du fantasme de la part de Nitche, et plus encore l'attribution aux prophètes juifs de la décadence du monde antique. C'est un fait constant de la part des réactionnaires d'opposer à la science-fiction et au futurisme moderne un "espace-temps" heureux, pratiquement à la manière dont les vieillards, afin de convoquer un restant de vitalité, et pour se protéger contre l'avenir qui sourit aux jeunes gens, se tournent vers quelque jeune femme qui daignera trouver à leur bien-pensance rusée un reste de charme, ou bien encore se retournent sur leur jeunesse avec complaisance.

    Il y a beaucoup de psychologie chez Nitche, comme dans tous les peuples latins, et très peu chez Marx, plus proche de l'esprit français ou anglais. Pratiquement, on pourrait dire que le goût des Français et des Anglais pour l'humour, qui implique assez de légèreté pour pouvoir s'élever au-dessus de soi, les incline à considérer tous les arts sous le signe de la psyché et de l'érotisme comme des arts thérapeutiques exclusivement destinés à entretenir le moral des femmes ou des soldats. Tout simplement parce que l'homme et l'humanité sont assez ennuyeux en eux-mêmes, pour ne pas se coltiner par-dessus le marché tout l'art bourgeois et la justification de l'homme par l'homme, c'est-à-dire tous les efforts que celui-ci fait pour s'embaumer lui-même de son vivant.

     

  • Le Christ anarchiste

    "On peut établir une équation parfaite entre le chrétien et l'anarchiste : leur but, leur instinct, ne tend qu'à la destruction. Il suffit de parcourir l'histoire pour trouver la preuve de ce principe : il y apparaît avec une terrible clarté. (...)" F. Nitche

    - Qu'est-ce que l'anarchiste chrétien cherche à détruire, d'abord par amour de soi, afin de permettre l'amour d'autrui ? Ce que l'anarchiste chrétien cherche à détruire, c'est tout ce qui dans l'esprit humain fait obstacle à la vérité, y compris la culture de vie satanique. L'anarchiste chrétien peut même se passer de Nitche pour détruire tout ce qui, sous l'apparence de l'Eglise chrétienne ou de la moraline catholique, n'est que la plus basse anthropologie. Il le peut grâce à l'esprit de dieu, qui l'a charitablement prévenu contre la synagogue de Satan, c'est-à-dire de l'intensité accrue de la subversion du christianisme à l'intérieur même de l'Eglise, dont la multiplicité des schismes témoignent, comme les lézardes dans la civilisation témoignent du sable sur laquelle elle repose. Nostalgiques et futuristes de la grande cause humaine s'entre-égorgeront en son nom. Ils le font déjà. Le seul mérite de Nitche est de se battre pour l'ordre à l'arme blanche, comme le guerrier taliban, et non avec les armes modernes. De choisir sa mort plutôt que de la subir. 

    - Parcourir l'histoire pour y trouver des preuves : comme tous les Allemands, Nitche confond l'histoire avec l'archéologie. Sa manière psychologique d'aborder l'histoire est du niveau des sociologues qu'il exècre, incapables de comprendre qu'en matière de doctrine sociale, tout n'est que recyclage. La méthodologie de la culture de mort est indiquée dans l'évangile, dont Nitche se refuse à accepter le sens : il s'agit pour les assassins juifs et romains de crucifier la vérité en dernier recours, comme la solution ultime pour protéger le monde, leur monde. Comme seuls ils en sont capables. A mesure que l'esprit de vérité progresse, le monde ne peut faire autrement que s'en défendre en s'appuyant sur un mensonge toujours plus grand. Shakespeare, en écrivant ses tragédies, a bien conscience que les forces qui concourent à étouffer la vérité sont, dans le monde moderne, bien plus puissantes que celles qui visaient au même but dans l'antiquité, où on ne discerne pratiquement aucune trace d'anthropologie, sauf sous la forme modeste des petites recettes d'Epicure pour souffrir le moins possible. Nitche lui-même est beaucoup trop sincère pour que le public ait le droit de le lire tel quel.

    Par conséquent, où la destruction s'accompagne d'un but social, comme c'est le cas de l'ouvrage technocratique sanglant du stalinisme, de l'hitlérisme, et surtout du libéralisme qui a déclenché les deux premiers, il n'y a pas de volonté chrétienne. L'anarchiste chrétien ne détruit jamais pour reconstruire. Il n'a pas besoin, sachant que les cathédrales gothiques sont édifiées en l'honneur de Satan, de les démanteler, puisque son esprit lui permet de voir à travers les choses périssables.

    - A propos d'instinct de destruction, Nitche n'est pas à une contradiction près, puisqu'il passe une partie de son temps à dénier tout instinct au christianisme. Il doit vouloir dire que les chrétiens sont des parasites. Mais dans ce cas il faut être un naturaliste particulièrement rêveur pour oublier que les plus grosses bêtes finissent souvent entre les mandibules de petites bestioles, suivant la loi de nature. Sans ces insectes, pas de métempsycose.

  • Dans la Matrice

    La médicalisation à outrance de l'Occident moderne, pour un bénéfice en termes de santé publique discutable et établi seulement à l'aide de statistiques truquées, est un angle sous lequel reconnaître la nature religieuse de l'inconscient collectif moderne, maquillé en rationalisme scientifique.

    Molière fait bien plus que railler l'incompétence de la médecine de son temps. Celui qui dresserait aujourd'hui un bilan équitable de la médecine, lui imputant comme il serait juste l'incroyable dépendance des jeunes générations aux produits stupéfiants dans la population américaine sous assistance médicale et psychiatrique, celui qui dresserait ce bilan serait bien loin de la hauteur de vue du fraternel Molière. Ce que Molière met en cause, c'est l'accointance de l'oppression politique avec la foi dans le pouvoir magique de la médecine, c'est-à-dire toute la part de progrès médical indémontrée.

    On sourit du pauvre boche Nitche, qui se croit français en dépit de sa foi dans la thérapeutique ; à cause du résultat de cette thérapeutique sur lui-même. Sa fureur de vivre lui a grillé le cerveau. Un peu de gymnastique physique antique lui aurait été plus profitable que toutes ses attaques cérébrales. L'atroce destin de Nietzsche est de se soumettre à un régime suicidaire qu'il attribue au christianisme. La société est nécessairement une culture de mort dit la Genèse de Moïse, contre laquelle celle-ci ne peut lutter que par le moyen relatif et limité de la culture et de l'éthique.

    La clef de voûte de l'inconscient collectif occidental, dont Nitche n'a pas tort pour le coup de signaler l'excédent de religiosité et de déficit scientifique, en comparaison de la détermination moins nihiliste et plus scientifique de l'antiquité, cette clef de voûte consiste dans l'affirmation du déterminisme biologique. C'est l'erreur de Nitche à propos de l'antiquité, que ni Marx ni Léopardi n'ont commise : celle d'insulter Moïse (tous les juifs traîtres au judaïsme applaudissent Nitche pour cette raison qu'il conforte leur reniement de la foi juive), et de le prendre pour un artiste abstrait. Tandis que Marx et Léopardi savent que le monde antique avait surmonté le problème du déterminisme et des paradoxes aliénant qu'il entraîne. Nitche est le plus abominable laudateur d'une "race juive", qui n'a jamais existé que dans sa cervelle malade. Nitche n'aime les juifs qu'en tant qu'ils ont assassinés Jésus-Christ. Les juifs fidèles (Spinoza), Nitche les couvre d'injures.

    La conscience religieuse totalitaire repose sur ce déterminisme biologique. Il est pour le cyclope le moyen d'empêcher toute lumière de pénétrer dans la caverne et aux systèmes d'exploitation technocratiques et leurs actionnaires de perpétrer le viol des consciences individuelles.

    La preuve est ici rapportée que les puissantes nations judéo-chrétiennes ne le sont pas. Mais bien "hyperboréennes", selon les incantations de Nitche ou Hitler. La vérité est qu'elles ne peuvent pas se passer de la culture de mort judéo-chrétienne et de son régime de frustration masochiste. Non seulement la culture de mort assure la soumission du citoyen occidental à ses institutions politiques, mais en outre elle permet de sidérer les polulations sous la férule des nations occidentales en suscitant le schisme religieux en leur sein, comme le néo-paganisme nitchéen ne le permettrait pas, en raison de l'affirmation qui en découle que les peuples opprimés sont faits pour l'être.

    La conscience juive, et plus encore la conscience chrétienne sont en effet activées contre l'instinct de vie et de mort. Nulle ingéniérie sacramentelle ne peut l'y réintroduire sans s'opposer à l'esprit de dieu, rappelle Luther.

    L'idéologie totalitaire que les universités occidentales protègent comme un tabernacle est celle du déterminisme biologique. Le système juridique prédateur de l'Occident en dépend. Aussi Freud, Jung, Darwin, Nitche, Einstein, tous ces rationalistes absurdes, créateurs d'univers parallèles improbables, ont-ils le statut de brahmanes intouchables. Et ceux qui se risquent à les remettre en cause publiquement, même de façon anecdotique, s'exposent aux foudres de l'inquisition et à la censure.

    Le rôle de l'évêque de Rome n'est pas de rédiger des encycliques (Lumen fidei) où il développe une conception hégélienne purement rhétorique de la lumière divine, prétendûment dirigée contre la lumière et le feu procréateurs du soleil de Satan. En cette glose, le pape François se montre seulement fidèle à lui-même et à l'enseignement philosophique débile des séminaires catholiques romains, dont il est issu. Le soleil ne peut que se moquer des lunettes fumées de la rhétorique kantienne, qui ne doit pas moins au soleil que l'ombre lui doit.

    C'est sa démission qui devrait préoccuper le pape, et non sa mission verbeuse. Le Messie a-t-il occupé une fonction ? Non, il a commandé la démission de tous les soi-disant fonctionnaires de dieu. Plus haute la position dans l'ordre humain, plus dure sera la chute écrit le prophète Shakespeare.

    Et pour la vraie lumière, il faut la chercher ailleurs que dans les ténèbres de l'anthropologie. Rien ne dit qu'elle ne filtre pas déjà à travers le système solaire, et que toutes les étoiles obéissent aux ordres du soleil.

  • Dialogue avec l'Antéchrist

    La fortune critique de Nitche est étonnante. Le "pape François" le cite curieusement dans sa récente encyclique ("Lumen fidei").

    L'incohérence de la pensée de Nitche sur de nombreux points, en particulier sur le point de son incapacité à démêler clairement ce qui relève de l'évangile et ce qui relève de la tradition chrétienne, cette incohérence s'explique du fait que cette pensée est un volontarisme, et que comme toute volonté ou vitalité, elle a des hauts et des bas. En quelque sorte, Nitche n'écrit que pour lui-même. Et on peut le dire de tout artiste moderne "nitchéen".

    Il ne fait aucun doute que la principale cause de la fortune critique de Nietzsche, en quoi son satanisme antimoderne est adoubé par les parangons de la moraline post-moderne de gauche ou de droite, est la mise en valeur par Nietzsche de l'instinct bestial. Voilà qui est propre à satisfaire le goût de la chair humaine, aussi bien du Shylock démocrate-chrétien que de l'athée rationaliste blasé, revenu de tout sauf des rentes de son capital.

    Le problème qui nous occupe est celui de la récupération de Nitche par des chiens démocrates-chrétiens. Les francs suppôts de Satan ne me tiendront pas rancune de dire de Nitche qu'il est satanique, ainsi qu'il l'écrit noir sur blanc. Il est un passage où Nitche écrit que les chrétiens, du fait de leur dieu, n'aiment pas la science ; j'aimerais leur prouver le contraire, en mettant Nitche et Hitler dans le même panier, celui des suppôts de Satan de 2nde classe. 

    "(...) cela impliquerait, en effet, un jugement net sur Jésus lui-même ; or, à cet égard, les jugements de Nietzsche demeurant ambigus malgré une sympathie évidente (entretenue, de plus, par une identification inconsciente qui éclatera à l'occasion de la crise de folie, où Nietzsche signera ses billets du nom, très révélateur, du "crucifié").

    Jean Granier, Nietzsche, PUF.

    Donc dans les presses universitaires de France, on peut écrire que l'antéchrist a de la sympathie pour Jésus-Christ. Et c'est de la science.

    "Ce saint anarchiste, qui appelait le bas peuple, les réprouvés et les "pécheurs", bref les tchandala à l'intérieur du judaïsme, à se soulever contre l'ordre établi - et ce, s'il faut en croire l'Evangile, dans un langage qui, aujourd'hui encore, vous conduirait tout droit en Sibérie - c'était un criminel politique -, dans la mesure où le crime politique était possible dans une société apolitique jusqu'à l'absurde.

    C'est cela qui le mena à la Croix : à preuve, l'inscription sur la Croix. Il est mort pour sa propre faute. Aussi souvent que l'on ait pu affirmer le contraire, rien n'indique qu'il soit mort pour les fautes des autres." (F. Nietzsche ; in : L'Antéchrist)

    Donc, en substance, Jésus de Nazareth était un agitateur politique qui, à ce titre, méritait la mort. Ce faux-cul de Claudel a tenté la théorie non moins probable de la sympathie de Ponce-Pilate pour Jésus-Christ. Le motif du diplomate Claudel (la bassesse humaine est résumée dans le terme de "diplomatie") est clair : il s'agit d'atténuer le machiavélisme du procurateur romain. Nietzsche exprime qu'il n'aurait pas éprouvé le besoin de "s'en laver les mains", mais qu'il se les serait salies volontiers. Pour ce qui est de la sympathie, ledit Granier met sans doute sous ce terme ce qu'il entend lui-même par là.

    Nietzsche reprend à son compte le soupçon que font peser les juifs sur le Christ. Les évangiles ne sont pas anarchistes au sens de Ravachol, Lénine ou Ben Laden. Ni les apôtres, ni Paul ne font d'effort pour instaurer un régime communiste ou une démocratie pour ceux que Nitche qualifie avec mépris de "ratés de la vie". Le nihilisme ou la culture de mort démocratique n'ont rien de chrétien.

    Le délire de persécution signalé n'a rien à voir avec la crucifixion ; pas même dans les termes où Nietzsche la conçoit. Plus probablement Nietzsche souffrait comme les misanthropes du manque de reconnaissance sociale. Et la nature ou la vie, qui est la cause la plus évidente de persécution, n'est pas forcément tendre, y compris avec ceux qui chantent ses louanges. 

     

  • Satan et les intellectuels

    - Comme un paragraphe d'un bouquin de Gilles Deleuze ne me paraît pas clair, je demande à une jeune femme de me l'expliquer. Elle ne se fait pas prier pour me dénouer ces lacets. Il faut être Allemand ou bien une femme pour comprendre Deleuze dès la première lecture.

    - Comment se fait-il, me demande-t-elle, que les intellectuels fassent preuve d'aussi peu de simplicité ? - Parce que la simplicité est, en art, ce qu'il y a de plus difficile. D'une manière ou d'une autre, c'est-à-dire aussi bien du point de vue de l'ordre satanique que de l'esprit du dieu supérieur à Satan, la simplicité s'impose. L'infériorité de l'art roman satanique, comparé à la pureté naturelle des lignes égyptiennes, indique un excès d'intellectualisme.

    - Pour une raison où se mélangent le satanisme et le christianisme de façon quasiment inextricable, l'unique bénéfice d'être Français vient de là, de ce que la pensée française constitue un pôle de résistance aux intellectuels et à l'intellectualisme.

    - L'erreur de Nitche est double : elle consiste d'abord à croire que le christianisme est une des causes de la modernité qu'il abhorre, alors que c'est la philosophie chrétienne qui fut l'instrument de la mise en conformité du christianisme avec l'anthropologie bourgeoise criminelle.

    D'ailleurs Nitche ne voit pas que la ruse féminine s'impose désormais sur la puissance virile dans le gouvernement des hommes, et que la contrainte des élites ne s'exerce plus directement sur la volonté de l'homme du peuple, mais sur sa conscience. Nitche a la nostalgie d'une époque définitivement révolue où les élites étaient responsables. Le plus clair de son temps, l'intellectuel le passe désormais à occulter aux yeux de la populace son inutilité. Le travail de Deleuze consiste à moderniser Nitche.

     

  • Etat est mort !

    La décomposition des organes de l'Etat à laquelle on assiste est dans le prolongement de la mort de dieu, déplorée par Napoléon ou Nitche.

    L'Etat providentiel ne pouvait en effet se passer du préalable d'un dieu providentiel, distribuant fortune et  biens "au hasard", c'est-à-dire selon une méthode dont un esprit scientifique et qui cherche à élucider l'enchevêtrement des causes naturelles, ne peut prendre comme le fruit du savoir, mais comme celui de l'ignorance ; une ignorance consolidée par les mathématiques modernes des allemands Descartes ou Einstein.

    Clairvoyant, Bernanos l'est quand il fustige le hasard comme "le dieu des imbéciles": effectivement, si le dieu des chrétiens est "inexploitable", il ne se refuse pas à être connu de l'homme selon l'apôtre Paul ; mais Bernanos manque de discernement en oubliant de mentionner l'important effort du clergé romain pour ramener dieu à une force providentielle fondamentalement inique. Dont l'iniquité a passé dans l'Etat, et que l'idéal démocratique ne fait qu'agraver en la dissimulant.

    Le hasard est la limite traditionnellement assignée par le clergé ou les élites à la science, comme une frontière au-delà de laquelle le clergé perd sa fonction de direction de conscience. Le hasard est aussi le dieu des cinéastes, c'est-à-dire des artisans de l'architecture la plus superflue, où la culture se confond avec le voeu pieu. 

    En même temps qu'elles la déplorent, les élites font fi de leur importante contribution à cette ruine pour chercher des boucs émissaires et fuir leur responsabilité : juifs, chrétiens, anarchistes, etc. La volonté humaine la plus faible cherche à éliminer tout ce qui la contredit, pour tenter de se raffermir.

    La décomposition de l'Etat et de sa matrice romaine doit laisser le chrétien impassible, ainsi que Hamlet dans le Danemark. Sachant que l'Etat, comme n'importe quel corps physique, est prédestiné à s'étioler et à pourrir. L'Etat et ses actionnaires ne connaissent d'ailleurs pas d'autre remède ultime que la guerre ou la conquête pour prévenir le pourrissement de leurs organes, car l'Etat n'est, comme la nature qu'il imite, qu'un buveur de sang. La sueur des plus désintéressés ou des plus fous dans les périodes dites "de paix", le sang quand la sueur ne suffit plus.

    L'homme, dit le Messie, n'est victime que de lui-même et de sa propre bêtise, et la mort sacrée seulement parce qu'il s'y plie à l'avance tout au long de son existence.

  • Exit Darwin

    "Pourquoi la conception néo-darwinienne de la nature est presque certainement fausse." Thomas Nagel

    Le sous-titre de ce bouquin récemment paru aux Etats-Unis donne lieu dans la presse française à des commentaires consternants de... bêtise. Ainsi le webzine Actualitté ; l'antagonisme n'est pas entre "athées", comme T. Nagel, et "croyants". L'antagonisme est entre les tenants d'un déterminisme biologique absolu, et ceux qui estiment que celui-ci n'est que relatif. J'ai beau partager le point de vue anti-évolutionniste de Nagel, je suis le dernier à nier que le coït (nature) obéit à une impulsion biologique, ainsi que les sentiments superficiels (culture), dont l'espèce humaine recouvre la mécanique sexuelle, afin d'en atténuer la cruauté. Non seulement le christianisme ne nie pas le déterminisme social, mais il affirme qu'il ne peut y avoir de progrès sur ce terrain. Un reste de christianisme fait sans doute dire à Nitche (qui n'est pas athée mais païen), que le mouvement culturel accompagne la décadence ou la régression. La culture libérale ou démocratique lui donne raison, tant le constat de l'infantilisme des sociétés libérales est facile à faire (quoi que Nitche soit sans solution pour enrayer le phénomène culturel qui fait de lui un déclassé, ou un spécimen en voie de disparition).

    Pour autant la société n'est pas tout. Elle ne l'est que dans les esprits totalitaires ou, selon Rabelais, grégaires, pour qui il n'est pas de salut en dehors de la famille, de l'Etat, de la nation, de la race, du couple, ou du langage, qui est en quelque sorte le "racialisme épuré" des élites intellectuelles.

    Des tas de croyants sont d'ailleurs "évolutionnistes", par conviction ou parce qu'ils se tiennent dans l'ignorance des questions scientifiques. Au plus haut niveau de l'Eglise romaine, c'est-à-dire de la curie ou de l'évêque de Rome, la mode fait loi, puisque l'incroyable préjugé y est répandu que la science et la foi sont deux choses distinctes. Peu importe que la plupart des savants modernes du XVIIe siècle soient des hommes d'Eglise, ou des philosophes préoccupés de questions théologiques. Prenons Descartes, par exemple, dont se gobergent la plupart des élites républicaines aujourd'hui. Descartes est sans doute moins préoccupé par la théologie que Galilée, Mersenne, Newton, Leibnitz, etc., mais cependant parfaitement conscient des implications de la religion sur la science, et de la science sur la religion. "Je ne veux pas examiner la question du temps dans le phénomène mécanique de gravitation, écrit Descartes, parce qu'elle est trop liée à celle de dieu." Descartes ouvre droit à la partition technocratique de la science, d'une manière beaucoup plus hasardeuse que F. Bacon, mais pas sur le mode totalitaire de la censure des questions métaphysiques.

    Les bouddhistes sont aussi généralement "évolutionnistes". Mais le bouddhisme est, pratiquement, comme la philosophie morale allemande, une religion de la résignation au déterminisme biologique. Autrement dit, à l'opposé du christianisme, le bouddhisme est une religion anthropologique, de l'homme, par l'homme, pour l'homme.

    La "culture de vie" bouddhiste ou évolutionniste ne nie pas positivement la liberté, l'amour ou la vérité, ce à quoi le raisonnement biologique déterministe devrait l'entraîner, mais elle les pose comme de simples hypothèses, d'ordre juridique ou génétique. Techniquement, ou bien la liberté est repoussée dans un au-delà fictif, ou bien elle n'a d'existence que relative, entre les hommes, en fonction de leur situation les uns par rapport aux autres. Les personnes les mieux adaptées à la société -"les escrocs", dit un philosophe français athée anti-évolutionniste- sont donc les plus libres. Raisonnement bestial, puisqu'il se mord la queue. Il place certains hommes dans la condition abominable de concevoir l'animal comme un être plus libre de ses mouvements qu'il ne le sont.

    Que l'on soit croyant ou pas, il y a de très bonnes raisons de soupçonner le raisonnement évolutionniste d'être adapté au totalitarisme. A cause de son usage par les élites capitalistes et nazies, il n'est pas rare que des athées soient hostiles au "darwinisme social", c'est-à-dire à des solutions morales inspirées de l'évolutionnisme. Il est vrai que leur hostilité va rarement jusqu'à soupçonner la mécanique transformiste d'être défaillante à expliquer comment l'individu peut parfois aller à contre-courant de la culture de vie, des statistiques ou de la vie domestique - ou l'art de l'érotisme. Si l'homme descend du singe ou de l'amibe, il ne devrait pas pouvoir produire autre chose que des objets d'art érotiques. Il ne devrait pas pouvoir prononcer, comme Léopardi, que "le suicide prouve dieu", c'est-à-dire la capacité de se soustraire volontairement au déterminisme naturel, ou au fol espoir que la vie sociale a un autre sens que d'échapper le plus longtemps possible à la mort, en se couvrant les yeux des écailles de la culture ou de la religion. En dehors de servir à se rassurer, on ne voit pas bien l'usage de la culture ou de l'éthique pour un athée ?

    Quelle est la place de l'oeuvre de Shakespeare, celle de Karl Marx, entièrement soutenues par l'énergie du désespoir, c'est-à-dire le contraire de la fureur de vivre des imbéciles et des lâches, qui ne se connaissent pas et ne veulent pas se connaître en dehors des images sociales flatteuses ?