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    "Le temps nous sépare de dieu." Léon Bloy

    Plus nous aimons, moins le temps paraît long. L'ennui touche ceux qui ne savent pas aimer, comme un frôlement d'aile de Satan.

  • Conte de Noël

    Noël est un peu la vitrine de la société occidentale. C'est la fête du calendrier catholique romain dont le mobile païen réel est le moins bien caché, depuis que la fête des rogations ou les diverses cérémonies pour faire tomber la pluie sur les plantations sont tombées en désuétude.

    Tel qui connaît mal l'histoire de l'Occident et le christianisme, mettons un brahmane hindou pour prendre le culte satanique opposé, ne doit pas s'attendre à trouver le christianisme et les chrétiens en Occident autrement que sous la forme discrète. Le dieu des chrétiens est un dieu "caché", disent certains, pour traduire qu'il est étranger à l'ordre naturel et aux lois qui en découlent. A ce dieu caché correspond un culte discret, mais néanmoins tenace, résistant au temps et au tourbillon d'opinions qui forme la science moderne.

    Le christianisme véritable perce de temps en temps le verglas de la culture occidentale officielle, sous la plume d'un poète, dont la peinture de l'Occident comme une bête monstrueuse et sinistre choquera ses contemporains, en même temps que cette peinture paraîtra, avec le temps, d'un réalisme extra-lucide. On pourrait citer quelques-uns de ces poètes par siècle. Ou bien ce sera un saint, qui ne pratiquera pas la charité pour le besoin de la paix sociale, mais au contraire comme un défi à la nature et le meilleur moyen d'échapper au destin. Comme la charité échappe aux outils d'analyse modernes, là encore ses contemporains seront étonnés par cette disposition du chrétien à n'exister que dans le vide juridique, là où il ne devrait y avoir en principe personne.

    Je me souviens que lorsque j'étais lycéen, on parlait pas mal d'une secte chrétienne, d'origine américaine, qui prétendait revenir aux origines du christianisme, celui des catacombes, ce qui est aussi une façon de mettre toute la culture occidentale entre parenthèses. Cette secte ou cette petite Eglise a depuis été rattrapée par des histoires de moeurs et elle a échoué dans sa volonté de revenir aux sources, parfaitement théorique. Je n'en ai jamais fait partie, car les bonnes femmes y étaient trop nombreuses, et que la première préoccupation d'une bonne femme est de s'adapter à son époque, et de gober tous ses préjugés comme des vérités éternelles. On le voit bien dans les évangiles, et donc le christianisme originel : les bonnes femmes sont beaucoup trop concentrées sur les questions sociales pour comprendre le Messie qui dénonce la vanité des affaires et des doctrines sociales.

    Le christianisme "primitif" est donc marqué par la dissidence et le caractère antisocial des évangiles et des apôtres, d'une part. D'autre part, ce christianisme dit "primitif" n'a jamais cessé d'être, à côté d'apparences et d'illusions trompeuses. En effet l'Eglise chrétienne, contrairement aux institutions humaines, n'est pas régie par le temps ou la mort. Aucun comportement social particulier ne permet de distinguer le chrétien, et ce n'est pas en revenant aux moeurs supposés plus purs des proches du Messie que l'on rejoint cette Eglise, sans lien avec la terre que la parole divine.

    Ce qu'il est difficile pour un brahmane hindou de comprendre, c'est la fonction de cette culture occidentale officielle, dite judéo-chrétienne, qui insulte la culture de vie païenne et diffuse sa nécrophilie dangereuse à travers toute la terre : à quoi sert ce masque, en quoi consiste la culture occidentale au sens large, qu'elle soit confessionnelle ou non, dont la signification est historique, et que les évangiles désignent comme l'antéchrist ?

    Pourquoi l'Occident, qui ne témoigne d'aucun respect pour Satan, l'ignore et le maltraite contrairement aux brahmanes, a-t-il néanmoins hérité des attributs de sa puissance sidérante, qui n'aurait pas dû échoir à des peuplades hyperboréennes lunatiques et impies ? Cela le brahmane ne peut pas le comprendre, car l'histoire est comme une blessure profonde et énigmatique dans le système solaire, invisible au brahmane.


  • No Future

    "La femme est l'avenir de l'homme !" : on croirait entendre ce crétin de Don Quichotte.

    Il est vrai que rien ne justifie tant la femme que le point de vue abstrait de l'avenir et des promesses de lendemains qui chantent, et c'est toujours en agitant une représentation de la femme, vulgaire ou sublime, qu'on lève des armées de militants ou de dévots.

    Aragon n'a pas tort, l'homme qui se projette dans l'avenir est l'égal d'une femme, c'est-à-dire mû par la peur. 

    Si vous trouvez un homme agité, et les fous le sont tous plus ou moins, vous pouvez le dire "hystérique", c'est-à-dire incapable de se reposer sur la force physique, la dénigrant comme les aliénés et les femmes dénigrent tout ce dont ils ne sont pas capables, et cherchent à faire de leur faiblesse une vertu.

    C'est ce qui est épuisant dans une discussion avec une femme, et dissuade beaucoup d'hommes sensés d'entretenir avec les femmes d'autres rapports que des rapports érotiques, c'est qu'une femme cherche toujours et ne retient d'une conversation que ce qui la justifie. C'est très difficile de faire valoir l'intérêt de la critique, comparée à la flatterie auprès d'une femme, y compris lorsque celle-ci a la réputation d'être moins légère que ses semblables. L'égalité, par exemple, séduit bien plus la femme que l'homme du peuple, en tant qu'elle a un usage commun de flatterie grisante. L'homme du peuple se montrera plus ou moins impatient à l'égard des bourgeois qui lui ont fait la promesse d'une égalité de traitement, mais il se contentera rarement de cette seule fleur républicaine, épinglée à la boutonnière ; à la fin, impatient, il finira par trancher la gorge qui lui a fait cette promesse, mais ne peut pas la tenir faute de pouvoir payer ses propres dettes.

    Les femmes se laissent plus facilement convaincre par des plaidoyers d'avocats, c'est-à-dire des propos faussés par la défense d'une cause particulière, pareillement à leur propre tournure d'esprit.

    Un régime totalitaire dont la magistrature serait entièrement composée de femmes pousserait sans doute le totalitarisme et l'exaltation de la condition humaine à son degré suprême d'absurdité, tant la femme est capable de se persuader que sa vision partiale du monde est une vision parfaite ou absolue.

  • Dans la Matrice

    Le psychanalyste Carl Jung souligne à juste titre que le rejet de la mythologie par le monde moderne est une cause de trouble mental. De fait l'art moderne le plus débile se distingue par l'ignorance de la mythologie, vis-à-vis de laquelle il se croit émancipé. L'opinion particulière acquiert ainsi une valeur supérieure au raisonnement plus général, et l'individualisme est de cette façon réduit au narcissisme, à savoir son contraire, sous prétexte de "libération" de l'individu.

    Ce que Carl Jung ne dit pas, ou pas assez, c'est l'extraordinaire moyen de domination que la culture de masse ou l'art moderne, vecteurs de folie, constituent pour les élites capitalistes occidentales. A travers l'art et les prétendus artistes modernes, qui ne sont en réalité que des kapos pour la plupart, en charge d'une mystification culturelle dont le message essentiel est l'éloge sournois de la faiblesse.

    Ce que Carl Jung occulte en outre, et que le point de vue chrétien extérieur à la culture ou à l'anthropologie permet de voir, c'est qu'il n'y a pas une seule mythologie, mais deux.

    C. Jung est conforme au plan universitaire typique du XIXe siècle pour réduire l'art et la mythologie à leur vocation anthropologique, et tenter ainsi d'étouffer la mythologie juive ou chrétienne, qui porte en elle la condamnation à mort de l'art et de l'anthropologie.

    Ne cessons pas de le répéter jusqu'à la fin du monde : Shakespeare représente un désaveu radical et définitif pour les élites occidentales, apparemment chrétiennes, mais en réalité fondée sur une rhétorique anthropologique impossible, que le nouveau testament qualifie de fornication, c'est-à-dire le pire crime contre l'esprit, et le seul déclencheur de la colère du Christ.

    Le rhéteur démocrate-chrétien n'a d'ailleurs aujourd'hui l'argument anthropologique ronflant à la bouche qu'en raison de l'incapacité de l'Occident à produire autre chose que l'art le plus débile. Ainsi le commentaire philosophique est complémentaire de la culture de masse totalitaire, de même qu'une gnose scientifique se développe autour des systèmes d'exploitation technique afin de dissimuler leur nullité en termes scientifiques.

    La conjonction de l'art le plus abstrait (la musique) et de la plus grande superstition est un trait de caractère de la démocratie ou du totalitarisme, en même temps que le discours démocrate-chrétien est le moins critique à l'égard de la condition humaine moderne. Un esprit païen comme Jung, entraîné à l'être par son éducation catholique romaine, peut comprendre que Satan préside à l'art, c'est-à-dire que toute forme d'art n'est que le produit dérivé du nombre 666, qui définit la seule anthropologie en principe efficiente.

    Carl Jung pose convenablement le diagnostic de folie collective ; il perçoit à quel point la culture moderne libère dangereusement l'instinct, c'est-à-dire en dehors d'une perspective véritablement rationnelle. Mais il pose ce diagnostic en médecin, attaché à une culture de vie païenne, malgré ou à cause de son éducation catholique romaine, faisant complètement fi de l'histoire, et interprétant celle-ci comme un mouvement erratique, selon le pli du raisonnement de l'homme d'élite, qui traduit automatiquement l'histoire comme la condamnation de sa caste et de son rang. Par conséquent, s'il a bien une idée ou un aperçu du mal qui ronge l'homme moderne, Jung s'avère incapable de remédier à la déraison collective - d'assigner un objectif à l'art qui ne soit, comme l'objectif moderne, une sorte d'euthanasie inconsciente de l'art. Tout simplement la mort de l'art est pour Jung, comme pour Nitche, impensable.

    Contrairement au dire de Nitche, la colère de Hamlet ou Shakespeare contre la culture occidentale chrétienne ne s'appuie pas sur la mythologie païenne ou athée. Cette dernière est la plus totalement dépourvue de sens historique (hormis la mythologie de Homère). Shakespeare repose sur la proscription évangélique absolue du mobile anthropologique ou, pour parler le langage moderne, de "l'oedipisme chrétien". Le personnage d'Ophélie traduit le mieux ce type de conscience, et Shakespeare montre sa proximité avec la démence, avec une acuité qui peut paraître d'une cruauté extraordinaire, mais qui l'est surtout pour ceux qui ont condamné Ophélie à cette démence masochiste si particulière à l'Occident moderne.

    Qui voudrait l'aliénation de ses propres enfants ? Shakespeare répond : voyez les élites occidentales modernes s'organiser sur cette base suicidaire, les pères donner leurs enfants en pâture à l'avenir afin de gagner du temps. Shakespeare ne s'étonne ni ne s'indigne, contrairement à Nitche ou Jung, à tous les esprits réactionnaires, de la décadence du monde occidental, c'est-à-dire du triomphe de la ruse et de la folie modernes sur la sagesse antique démoniaque. Exit MacBeth ; exit la vieille mythologie démoniaque et la musique des sphères ; si Hitler avait lu et compris Shakespeare, il aurait pu y lire des présages d'écrasement rapide par les puissances de l'axe moderne "judéo-chrétien".

    L'enlisement du monde dans l'erreur n'est que l'expression du jugement dernier, inéluctable. La réponse de Shakespeare à l'aliénation du monde moderne n'est pas une réponse morale comme Nitche ou Jung, l'art ou la psychanalyse, miroirs anciens que Shakespeare sait condamnés à voler en éclats sous la pression moderne ; c'est une réponse métaphysique. Pour Shakespeare, l'amour et la vérité ne sont pas des idées étrangères au monde et à la nature, comme les idéaux modernes peuvent l'être, absolument hypothétiques et religieux par conséquent, mais l'amour et la vérité précèdent tout ce qui naît et meurt, comme une force étrangère ou un corps étranger au monde et à la nature. L'amour et la vérité sont choses aussi incompréhensibles à l'homme que dieu peut l'être, et susceptibles d'autant de formules idolâtres que celui-ci.

    Si l'homme était capable d'amour ou de science, autrement que par intermittence, dans ce cas il ne mourrait pas selon Shakespeare. Ainsi l'humanité est définitivement divisée selon Shakespeare, entre ceux qui, cherchant le bonheur font le malheur d'autrui, suivant la loi naturelle impitoyable, et démontrent ainsi que l'amour n'est qu'un vain mot ; et ceux qui, cherchant l'amour, sont dissuadés de le trouver dans l'homme ou dans le monde ici-bas, dont l'existence même est menacée par la vérité.

    Comment l'élitisme, qui fut le meilleur moyen de la vertu dans les temps antiques, incarne désormais l'irresponsabilité et la bêtise, le sacrifice du bien public au profit de chimères catastrophiques, cela qui parle au nom de l'antéchrist l'ignore, tandis que Shakespeare le sait.


  • Dialogue avec l'Antéchrist

    Avec les néo-païens, disciples plus ou moins courageux de Nitche, je suis bien d'accord : l'éthique judéo-chrétienne est une pure saloperie, la pire des drogues distribuées aux gosses pour les asservir.

    Mais sur la cause de ces discours merdiques, dont il faudrait s'oindre les yeux et la bouche, pourquoi l'Occident est-il aliéné mental ? - sur la cause de tout ça, les athées néo-païens ne savent pas grand chose, et la merde les engloutira eux aussi.

  • Art contre Vérité

    Le type qui vous parle "d'art chrétien" ignore certainement tout de la vérité chrétienne, et probablement beaucoup aussi de l'art.

    En principe libre, l'artiste chrétien n'appartient à aucune école, aucun mouvement, aucune tendance artistique, ne reçoit aucune commande, n'est ni moderne, ni attaché à une tradition, et il défie toutes les civilisations ensemble.

    Il s'agit avant tout pour l'artiste chrétien d'affronter Satan, qu'il se présente de face ou par la queue, sous la forme d'un soudard belliqueux ou d'un oncteux frère dominicain démocrate-chrétien.

  • Un pape marxiste ?

    Le reproche a été fait au pape François d'être marxiste par des idéologues libéraux américains, à la suite de discours condamnant les méthodes économiques libérales.

    Disons-le d'emblée, la critique marxiste serait dépourvue d'intérêt si elle consistait dans la remise en cause des méthodes économiques libérales, puisqu'un tel discours revient à pisser dans un violon et, en définitive, à conforter l'idéologie libérale comme la doctrine la plus pragmatique et rationnelle.

    Karl Marx n'envisage pas le libéralisme tel qu'il se définit lui-même, mais tel qu'il est du point de vue historique, comme une composante du totalitarisme. Sans l'appui de l'Etat et de ses pouvoirs régaliens extraordinaires, la constitution de monopoles industriels et bancaires n'aurait pas été possible. La concurrence et la compétition qui, selon les idéologues libéraux sont facteurs de liberté économique, conduisent au contraire selon Marx à la constitution de positions économiques dominantes inexpugnables. Le monopole sur l'arme nucléaire est un exemple de monopole où ce double aspect régalien et capitaliste est perceptible, puisqu'il permet largement aux nations capitalistes surendettées de "tenir en respect" leurs créanciers, sans quoi elles ne pourraient poursuivre leurs objectifs de croissance et s'effondreraient. L'explication marxiste des guerres mondiales est loin de l'explication stalinienne pittoresque d'un accès de folie fachiste. Même Hegel, pourtant si peu lucide sur la décadence scientifique de l'Occident, ne conçoit pas Napoléon comme un homme vraiment libre de ses actes, mais plutôt comme l'acteur principal d'un opéra qui en ignore le livret.

    Marx souligne en outre combien les valeurs judéo-chrétiennes s'accordent avec ce plan de développement capitaliste. Et, indéniablement, l'idée de modernité est indissociable des valeurs judéo-chrétiennes : les utopies modernes totalitaires portent la marque du judéo-christianisme, qu'elles soient athées ou non. Du point de vue païen antihistorique synthétisé par Nitche, l'éthique moderne est une culture de mort irrationnelle. Nitche oppose ainsi à l'éthique et l'économie modernes les exigences de l'art et de la culture de vie païenne. Ce que la doctrine de Nitche occulte, d'une manière vraisemblablement volontaire, c'est la subversion du message évangélique opérée par ces valeurs dites "judéo-chrétiennes". Autrement dit, le progrès social et l'équité sociale sont des objectifs chrétiens truqués et catastophiques selon Nitche ; en réalité, il n'en est rien, les évangiles sont purs de tout motif de justice sociale. Ils ne permettent pas plus de légitimer la tyrannie que la révolte populaire ou la démocratie, bien que la plupart de leurs traductions ont servi cette fin.

    La logique païenne de Nitche cède sous le poids de la nécessité de faire porter la responsabilité de la subversion ou de l'inversion des valeurs au peuple, aux faibles, aux ratés, contre la démonstration de Shakespeare que cette subversion répond essentiellement aux besoins des élites morales et politiques occidentales. Ainsi les personnages qui, dans le théâtre de Shakespeare, tentent l'impossible conciliation de l'esprit chrétien et de la volonté politique, ou bien l'incarnent par l'usage de symboles usurpés, sont-ils représentatifs de l'antichristianisme et de sa montée en puissance au cours de l'histoire moderne. Shakespeare a conscience que la rétractation du monde au catholicisme ou à l'universalisme n'est pas le satanisme le plus brutal et aristocratique, à la manière de Nitche, mais bien l'invention du providentialisme le plus abstrait et fragile, anthropologique afin de préserver intactes les visées de l'élite.

    Le totalitarisme s'impose donc, contre la critique rationaliste de Nitche, en dépit de son caractère ubuesque et de l'effritement de la responsabilité politique qu'il entraîne, au grand dam des partisans réactionnaires du "politique d'abord", parce qu'il est le mieux adapté. L'aliénation du monde est la réponse du monde à la révélation chrétienne.

    Où le marxisme rencontre le christianisme, c'est lorsqu'il définit l'Etat moderne comme un facteur d'aliénation et une idole dont l'analogie avec le veau d'or n'est imperceptible que pour quelques puritains socialistes.

    Voilà pourquoi le Messie n'est pas venu apporter la paix au monde ; parce que celui-ci ne peut la concevoir autrement que comme l'ordre, fondé sur l'illusion de l'éternel retour, quand le christianisme affirme que l'émancipation de l'ordre naturel est possible. Si l'équilibre du monde était possible, la décélération prônée par certains, alors Nitche aurait raison : le christianisme ne serait qu'une pure invention, et l'histoire un leurre.

    Comme les évangiles n'ont aucune solution pour rendre le monde plus juste, non seulement le pape et les actionnaires des doctrines chrétiennes sociales ne sont pas marxistes (la conception de la science selon Marx, comme étant "hors du monde" ou répondant peu à ses besoins, est très proche de la conception chrétienne de dieu), mais ils ne sont pas chrétiens. Si les institutions chrétiennes avaient le monopole du salut, elles ne seraient pas irrémédiablement divisées sur ses solutions - irrémédiablement, car l'apocalypse est à l'oeuvre et l'histoire ne repasse pas les plats.  

  • La Faute à Rousseau ?

    C'est le titre d'un blog publié par Hautetfort, monarchiste et spécialisé dans le procès de J.-J. Rousseau. Bien sûr seuls des plaisantins peuvent adresser à Rousseau des critiques "au nom du monarchisme". La spécialité des monarchistes français, outre quelque talent de critique littéraire, fut la magouille parlementaire et la formation d'individus particulièrement aptes à feindre la foi dans la démocratie, afin de mieux asseoir leur pouvoir despotique, à l'instar de Charles de Gaulle ou François Mitterrand.

    Plus ou moins dissimulée, on retrouve chez l'énergumène monarchiste la haine nitchéenne de l'histoire. 

    En effet, s'il y a quelque chose à reprocher à J.-J. Rousseau, c'est de mélanger les considérations politiques et sociales et le message évangélique. Plus nettement Augustin d'Hippone marqua son désintérêt de la civilisation et des questions civiles, fondé sur l'avertissement messianique que "le royaume de Dieu n'est pas de ce monde", et qu'on ne peut pas servir deux maîtres à la fois.

    Mais le "dérapage" de Rousseau, avant d'être caractéristique des doctrines sociales chrétiennes modernes, l'est bien sûr, de façon encore plus flagrante, dans les régimes tyranniques héréditaires qui atteignirent au XVIIe siècle la taille critique et un degré de mensonge insupportable, plaçant leurs propagandistes dans l'impossibilité de défendre rationnellement le camp des élites au nom du christianisme, impossibilité dans laquelle les philosophes des Lumières se sont engouffrés. Le dérapage de Rousseau est donc bien moindre que celui de la démocratie-chrétienne, dont l'hypocrisie est palpable ; tout laisse penser que Rousseau aurait réagi comme Marx et condamné l'imposture de la révolution bourgeoise et du mythe fondateur républicain.

    D'autre part, cette confusion des choses de la nature et des choses de l'esprit (chrétien) est le plus puissant facteur d'antichristianisme, puisqu'il permet presque de résumer la culture occidentale et d'expliquer qu'elle a basculé dans l'artifice le plus dangereux. De fait, cet artifice culturel est constitutif de l'inconscient collectif totalitaire. A ma connaissance, seul Shakespeare fait la preuve d'une conscience chrétienne entièrement libre des droits que la nature exerce sur l'âme de tout un chacun. Nombre de théologiens chrétiens qui croient penser contre-nature, en réalité pensent abstraitement comme Platon, et dieu n'est qu'une création de leur esprit.

    La faute de Rousseau porte donc surtout la marque du XVIIe siècle. On en trouve l'origine dans le calvinisme, qui comme le catholicisme romain se montre incapable d'interpréter correctement la signification historique du mythe de la Genèse. Calvin prend la Genèse au pied de la lettre, jetant ainsi la base d'une anthropologie chrétienne impossible au regard du nouveau testament et de saint Paul. Du point de vue juif ou chrétien, il est impossible de fonder l'universalisme sur la morale ou l'éthique. Le "Tu ne tueras pas" de Moïse, est inconditionnel et parfaitement immoral.

    Cette tendance à l'antichristianisme sous couvert du judéo-christianisme est si "lourde" que l'université s'est empressée, à partir de Nitche et bien qu'il exprime l'antichristianisme le plus ferme, de forger et d'enseigner un Nitche compatible avec le judéo-christianisme. La démocratie-chrétienne est vraiment la religion de Sganarelle : Satan et lui seul la tient en respect. Elle espère de lui des gages qui ne lui seront jamais versés. 

  • Le Christ anarchiste

    "L'anarchiste et le chrétien ont une seule et même origine."

    Frédéric Nitche

    Quelle raison peut-on avoir de croire que l'antéchrist dit vrai, et que les représentants officiels des Eglises chrétiennes mentent, lorsqu'ils prônent, tel Joseph Ratzinger récemment, la soumission à César ?

    S'il a trahi le Messie, Judas Iscariote n'avait pas moins bien compris le message évangélique que les autres apôtres. Le plus probable est que Judas Iscariote a trahi "en conscience", tout comme Nitche après lui.

    Le raisonnement et la tactique de Nitche sont les suivants : il n'y a rien en dehors de la raison naturelle, à laquelle le christianisme est indifférent (la morale naturelle païenne est satanique du point de vue chrétien). Le christianisme est donc totalement artificiel.

    Afin d'inciter les puissances hostiles au christianisme à l'éradiquer définitivement, Nitche invente une menace anarchiste plébéienne, alors que le refus chrétien de se soumettre à l'ordre naturel est un refus spirituel et individuel. L'ordre juridique satanique, du point de vue chrétien, est amené à s'écrouler de lui-même.


  • Folie mondaine

    Le personnage d'Ophélie, dans "Hamlet", est caractéristique de la folie mondaine, c'est-à-dire de la démence des castes dirigeantes modernes. Seul cet abruti de Stendhal peut croire Shakespeare un auteur romantique et moderne. En effet Shakespeare met la mythologie en avant, d'une manière bien plus conséquente que S. Freud ou C. Jung, tandis que l'art moderne s'éloigne peu à peu du mythe pour s'abaisser au niveau de ce que l'homme possède en propre : le goût de l'artifice.

    Shakespeare a deviné et montré subtilement que la notion de progrès moderne repose sur le fiasco scientifique. La nécessité pour l'élite aristocratique de se débarrasser du christianisme, prônée par Nitche explicitement (parce qu'il croit le christianisme moribond), est au temps de la Renaissance une subversion active au sein de l'Eglise chrétienne, dont Shakespeare ne se contente pas de témoigner, faute de quoi il ne serait "que" Boccace ou H. de Balzac : une subversion dont Shakespeare fait ressortir la dimension historique et mythologique, c'est-à-dire qu'elle est une clef indispensable pour accéder à la conscience la plus grande, non psychologique mais historique, de l'évolution du monde.

    Le quidam moderne est monté dans un train qui fonce à grande vitesse vers une destination inconnue. Shakespeare révèle le sens de ce mouvement et de la féminisation des esprits avec laquelle ce mouvement s'accorde.

    Le plus énigmatique aux yeux des élites occidentales modernes est sans doute la détermination d'Hamlet, car Shakespeare a conçu là un personnage christique, représentatif de son propre esprit, et qui désavoue l'Occident chrétien d'une manière presque aussi radicale que le Messie désavoua le monde judéo-romain. Les apôtres affirment la résurrection du Messie, Shakespeare nous incite fortement à croire dans la sienne, et l'accomplissement des prophéties chrétiennes.

    Si Shakespeare est en même temps un tragédien aussi peu "confessionnel" que possible, selon la seule et unique logique laïque apostolique possible, individualiste et anticléricale, c'est parce qu'il devine et montre que le problème posé par la science aux élites coïncide exactement avec l'intolérance de ces élites à l'égard de la révélation chrétienne, qui a pour effet d'ôter à celles-ci leur seule légitimité, d'origine naturelle. Il n'y a plus depuis la résurrection du Messie, que des philosophies naturelles truquées, et notamment truquées par des clercs et des hommes d'Eglise, dont Polonius-Copernic est emblématique. La science se heurte comme la révélation chrétienne aux philosophies naturelles les plus antiques et rationnelles, résumées par Nitche dans la formule de l'éternel retour.

    La science désavoue elle aussi la puissance et la tyrannie. Marx est l'héritier direct de Shakespeare quand il montre qu'il n'est pas d'ordre ou de doctrine sociale possible selon la vérité.

    De cela Shakespeare est parfaitement conscient, et sur ce point on reconnaît Francis Bacon Verulam et sa défense de la liberté individuelle contre le Léviathan moderne. Il n'y a que deux choix dans le monde moderne, celui de nier la résurrection du Messie au profit de la philosophie naturelle, à la manière de Nitche, c'est-à-dire de brandir l'étendard de Satan ; ou au contraire de faire la guerre à la suite de l'Esprit et grâce à la parole divine comme Shakespeare. La "modernité", et les masses qui épousent cette détermination, la plus inconsciente, non loin de "l'éthique judéo-chrétienne", service rendu par la tartufferie à la barbarie humaine, peuvent se définir au contraire comme la renonciation à la liberté et l'aspiration à l'esclavage, dans l'espoir de plus hypothétique territoire : le purgatoire.

  • Fin du monde

    "Le monde ne fait que rêver, il approche de sa fin." : François Rabelais annonce la fin du monde en des termes que Karl Marx répète plusieurs siècles après, à la fin d'une vie passée à tenter d'inculquer au peuple la méfiance des idéaux, rêves et promesses des élites.

    Le chrétien a plusieurs raisons de pronostiquer la fin du monde. D'abord elle est pour lui promesse de vérité. Les saints ont les yeux décillés de toutes les raisons sociales, pourrait-on dire, qui empêchent de voir dieu : toutes ces choses qui sont sacrées aux yeux des païens, mais non de dieu : "Satan, famille, patrie, etc." Qui sont sacrées parce qu'elles agissent comme un garde-fou.

    La fin du monde paraît à beaucoup une hypothèse farfelue, bien que les effets catastrophiques de l'enlisement dans le rêve soient de plus en plus palpables - mais les élites n'ont pas d'autre moyen de gouverner les masses qu'en les médusant, c'est-à-dire en les tenant en respect, non plus d'une morale, mais d'un but moral, c'est-à-dire d'un rêve.

    On constate aussi l'attachement grandissant des élites aux valeurs mondaines, à mesure que le monde va de plus en plus mal. Le goût des gadgets technologiques, par exemple, assimilés au progrès scientifique, est un indice que les élites ont perdu le sens des responsabilités.

    L'attachement au monde est presque un réflexe narcissique pour ceux qui ont été élevé dans son culte, et il faut se défier des politiciens qui prétendent oeuvrer pour les générations futures. Ils s'écoutent parler, et l'altruisme est, quand on ignore tout de l'avenir, de fermer sa gueule au lieu de faire miroiter l'avenir.

  • Shakespeare contre Nietzsche

    Nitche s'abuse et il abuse son lecteur quand il dit Shakespeare de la même chapelle que lui. Je fais d'ailleurs le constat que la scolastique française, quand elle a été influencée par Nitche, en dépit du cordon sanitaire stalinien (J.-P. Sartre), en a toujours presque systématiquement répété les erreurs, et écarté les jugements plus sérieux.

    Pas très sérieux, par exemple, le jugement de Nitche sur la tragédie grecque, mais néanmoins colporté par la plupart des conservateurs de musée. La médiocrité des critiques et historiens d'art français, sur le modèle de Diderot, vient de ce qu'ils se prennent eux-mêmes pour des artistes, bien qu'ils le soient rarement d'une manière aussi convaincante que Diderot ou Baudelaire.

    Beaucoup plus intéressants, en revanche, les arguments de Nitche contre l'art et la philosophie modernes. Ils permettent de distinguer, par exemple, que le masque du communisme, de l'athéisme et du progrès, dissimule en réalité un prêcheur judéo-chrétien, J.-P. Sartre, adapté à la réalité de l'Etat providentiel et son culte. Sans doute un artiste français sera capable de flairer assez facilement en Sartre et Beauvoir le type du curé et de sa bonne, mais tout le monde n'a pas le loisir de s'adonner à l'art.

    Bien sûr Nitche n'a rien d'un anarchiste, contrairement à ce que certains gugusses colportent, mais sa façon de dévaluer l'ordre moral nouveau au profit de l'ancien fournit quelques arguments à la dissidence théorique de quelques adeptes de la décroissance. Si la gauche et la droite libérales françaises ne sont que tenon et mortaise d'une même politique, il n'y a entre l'extrême-droite et l'extrême-gauche qu'une feuille de papier à cigarette idéologique.

    Si le propos de Nitche permet de le comprendre, c'est en raison de son effort pour ramener la culture à une plus grande simplicité, interprétant à juste titre la complexité apparente de la culture moderne comme un labyrinthe de fausses valeurs judéo-chrétiennes, les plus propices à entraîner la perte de l'humanité. Puisque la "théorie du genre" est à la mode, disons que Nitche est le plus farouche adversaire de cette détermination ultra-moderne, qui traduit l'influence délétère de l'idéalisme judéo-chrétien. Nitche pense en effet que la foi moderne dans l'autodétermination est une pure inconscience.

    L'effort de simplification de Nitche, grâce auquel il fait valoir la beauté de sa prose contre l'exaltation de la laideur par les artistes modernes, comme le propre de l'homme, le fait croire proche de Shakespeare, mais ce n'est pas le cas. Ils sont plutôt dos-à-dos, comme deux duellistes qui s'apprêtent à s'affronter, et dont on ne peut dire lequel l'emportera.

    Vive attaque contre l'idée de progrès chrétien de la part de Nitche, donc, qui trouva dans la littérature française de nombreux échos, avant que l'Etat ne verrouille l'accès à la littérature. Raisonnement implacable et imparable de Nitche, qui projette ici en enfer tous les technocrates après lui, lorsqu'il démontre l'irresponsabilité d'une élite ou d'une aristocratie qui prétend mener le peuple vers le progrès, c'est-à-dire vers un mot, qui n'a que la consistance d'un mot. Le progrès est la négation même de l'aristocratie. La politique le vérifie depuis le XVIIe siècle et le ravalement de l'aristocrate au rang de lèche-cul de l'Etat. Notre monde le prouve plus encore, où l'élitisme consiste à savoir mieux manipuler autrui que son voisin de promotion.

    Du point de vue aristocratique pur défendu par Nitche, le progrès n'est donc qu'un fantasme, propice à s'installer dans un esprit chrétien, faible et efféminé, en un mot raté.

    La position de Shakespeare n'est pas la même. Le progrès que Shakespeare dénonce comme une illusion est le progrès moral ou social, celui-là même que les élites occidentales ont inventé de toutes pièces. Mais Shakespeare n'est pas installé sur le mensonge, qui provoque un certain cafouillage dans le raisonnement de Nitche, selon lequel l'idée du progrès social serait issue des évangiles ou des apôtres, puisqu'on n'y trouve aucun plan de cette sorte.

    Shakespeare est donc conscient comme Nitche que le progrès est la monture la plus dangereuse qu'un homme d'élite puisse enfourcher, qui tôt ou tard le mettra à bas. Mais pour Shakespeare, contrairement à Nitche, ce mouvement est inéluctable et il a un sens, non pas chrétien comme le prétendent Nitche et Hegel ensemble, l'un pour le fustiger, l'autre pour s'en féliciter, mais antichrétien, de sorte que s'oppose au christianisme et au progrès, bien plus efficacement que l'appel à la raison naturelle de Nitche, sa volonté de restaurer la morale dans ses droits, l'apparence du progrès chrétien, exhibant les signes de la foi chrétienne, mais réduisant le plus efficacement les apôtres au silence.

    Le tableau de l'antichristianisme brossé par Shakespeare, et qui coïncide presque avec l'évolution politique de l'Occident, diffère donc nettement de l'athéisme exalté par Nitche comme le moyen de rétablir la paix dans le monde.


     


  • Sociopathie du Français

    La sociopathie est le propre de l'homme, me disais-je hier en remontant en zigzaguant un boulevard parisien encombré de chalands fiévreux à l'approche de Noël. L'argent fait des petits, c'est ça qui rend la femme moderne aussi stérile, promenant son conjoint soupirant de bazar en bazar, en gage de fidélité.

    D'autres époques ont eu à affronter la violence des moeurs, nous avons à affronter le confort, qui ôte la vie avant de l'avoir vécue, la sienne et celle de ceux qui doivent supporter notre dépense.

    Suppôts de Satan, ne soyez pas amers au spectacle de cette déconfiture de la beauté et de tous ces démocrates-crétins qui sniffent la mort. Il reste Jésus-Christ, le plus extérieur au monde et indifférent à son destin, marchant sur les eaux, ce qui fait rire les futurs noyés.

  • Mandela, piège à nègres

    Le décès du leader politique sud-africain Nelson Mandela est l'occasion d'un déferlement de bigoterie religieuse dans la presse capitaliste. Ce dernier adjectif s'impose, car le rôle dévolu à Nelson Mandela, comme Barack Obama, est avant tout de "blanchir" le pouvoir occidental en lui prêtant une intention fraternelle, ou celle de s'amender - bonnes intentions dont l'enfer de l'ordre mondial est pavé.

    Les nègres ne servent pas seulement à faire les sales boulots dont les blancs ne veulent pas, désormais ils servent aussi de paratonnerre au néo-colonialisme.

    Décriée le plus souvent dans les médias, l'éthique judéo-chrétienne continue de servir de modèle à une stratégie de tartuffes. Les partis noirs radicaux ont d'ailleurs été parmi les premiers à prendre leur distance avec Barack Obama et à distinguer non seulement l'arnaque, mais ses dangers.

    D'une manière générale, cette façon de coloniser l'Afrique sans le dire ne fait qu'accroître l'irresponsabilité politique.

    Je décerne la palme du panégyrique le plus crétin au philosophe kantien Luc Ferry, ô combien typique de la tartufferie judéo-chrétienne laïcisée ; ce dernier se félicite du progrès accompli en matière d'antiracisme ainsi : - Nos grands-parents, dit-il, pouvaient tenir autrefois des propos qui relèveraient aujourd'hui des tribunaux... sans d'ailleurs aucune méchanceté.

    L'absurdité du propos de Luc Ferry tient à ce qu'il applique la théorie de la relativité aux valeurs morales (d'une certaine façon, il n'a pas tort, car la théorie d'Einstein n'a de sens que sur le plan moral et non physique).

    Nos aïeux étaient racistes, mais pas méchants. Conclusion logique, sans doute peu kantienne : l'antiracisme est sans effet contre la haine. De fait, les manifestations de haine ne sont pas rares de la part de certains militants antiracistes. D'une certaine façon, l'invention d'un nouveau péché permet de braver l'ancienne précaution morale.

    La réalité du temps de nos aïeux proches dans le temps est celle d'un colonialisme extrêmement brutal (200.000 pour rétablir l'ordre républicain en Algérie), au nom des valeurs républicaines. Bien sûr, la cause de ce colonialisme n'a rien à voir avec les préjugés racistes ; la meilleure preuve en est que les valeurs républicaines se sont imposées dans les provinces françaises avec une brutalité aussi grande.

    Maintenant, disons d'où vient le préjugé raciste, historiquement. Il a bien sûr une cause juridique. Le relever permet de comprendre que ce type de préjugé n'est pas spécialement le fait des classes populaires : il fut inculqué aux classes populaires par leurs élites, afin de les associer à la défense de tel ou tel type de propriété ou de territoire. Si l'on peut entendre certains Israéliens tenir des propos extrêmement racistes, cela n'a rien à voir avec le judaïsme, mais avec le mysticisme patriotique dans lequel l'Etat israélien est englué, et par lequel il se consolide. De même l'encerclement par les Prussiens donna l'idée aux élites françaises d'inculquer au populo la haine du Boche.

    Traduit par des autorités morales dont l'autorité est la plus dépourvue de légitimité, le péché nouveau de "racisme" est interprété comme "la peur de l'autre". C'est parfaitement faux, historiquement : le préjugé raciste traduit essentiellement la peur de l'autre, "en tant qu'il représente une menace pour la propriété".

    Le racisme n'est qu'un préjugé ; par conséquent, en tant que tel il est superficiel et peut-être remplacé par n'importe quel autre - le sentiment de supériorité du tenant des valeurs laïques, par exemple, à l'égard des mahométans, des chrétiens ou des juifs.

    L'humanisme qui repose sur l'antiracisme est donc le plus frelaté.

    La tactique des idéologues libéraux, dont Luc Ferry fait partie, consiste à noyer le poisson, c'est-à-dire à occulter le fait social de la violence des riches, pointé par Jean-Jacques Rousseau, et d'autre part une erreur dont J.-J. Rousseau n'est pas exempt, bien qu'il n'a pas été témoin du développement de la violence des banquiers et des industriels capitalistes qui fonde les nations post-modernes, à savoir qu'il n'y a pas de remède social à la violence sociale ; c'est à quoi tient le mensonge particulier de l'éthique judéo-chrétienne, d'ailleurs : prétendre qu'il existe un remède social au fait de la haine sociale, alors que les évangiles disent tout le contraire.



  • Europa über alles ?

    L'ex-trublion de Mai 68 Daniel Cohn-Bendit, en fin de carrière politique et reconverti dans le commentaire journalistique, commentait ce matin les remous politiques qui agitent l'Ukraine, dont la population incline du côté de la Russie de Poutine, ou bien du côté du Pacte Atlantique.

    Inutile de dire que Daniel Cohn-Bendit est un fervent défenseur du Pacte Atlantique, à l'instar des élites parisiennes, et suivant un mouvement amorcé depuis la chute du Mur de Berlin. Comme tous les diplomates, les diplomates français jouent un double jeu, étant donné que la puissance de la Russie de Poutine et ses richesses énergétiques sont loin d'être négligeables.

    La ruse diplomatique à elle seule suffit à dissuader de croire dans le motif d'un ordre mondial pacifié.

    Daniel Cohn-Bendit, pour faire la promotion de l'Europe en cette période difficile où une partie de la population ukrainienne est à peu près la seule à exprimer le désir de ralliement à l'Europe, n'a pas hésité à qualifier celle-ci de zone de liberté et de bien-être. On aurait cru une vieille pub des années 80. En fait de bien-être, le marché européen obéit aux contraintes de l'économie capitaliste, régime fondé sur la compétition et la frustration, c'est-à-dire les mobiles probablement les moins pacifistes qu'une population peut avoir, comme la culture de masse permettant aux élites de contrôler les classes moyennes et populaires l'indique. La liberté et le bien-être vanté par Daniel Cohn-Bendit est entièrement publicitaire, et l'humanisme de cet énergumène ne dépasse pas ce niveau.

    L'Europe comme solution de paix est sans doute l'élément de propagande des élites dirigeantes européennes le plus cynique. Non seulement l'idéal européen n'a jamais permis de calmer les haines territoriales entre voisins européens, mais le motif d'une Europe unie et pacifiée se retrouve derrière chacune des guerres qui ont mis les nations européennes, puis le monde, à feu et à sang, depuis le XIXe siècle.



  • Contre Soral

    Je suis d'autant plus gêné de m'exprimer contre Alain Soral qu'il est de nouveau la cible d'un imbécile en la personne du violoniste Alexis Galpérine, petit-fils de Léon Bloy. La Licra, institution certifiée conforme à la République française néo-colonialiste, a demandé et obtenu (!) en référé la censure d'une partie du "Salut par les Juifs" de Léon Bloy. Et ne voilà-t-il pas que ce violoniste, sous le principal prétexte d'une consanguinité avec l'auteur du "Salut", au lieu de fustiger la Licra ou le juge des référés de Bobigny, préfère accuser Soral dans "Le Figaro" (28 nov.) de déshonorer son aïeul et sa famille en publiant Bloy.

    Il ne semble pas venir à l'esprit de ce Galpérine que le catholique Léon Bloy se distingue nettement du cochon démocrate-chrétien abonné au "Figaro", son veau, ses vaches, et ses couvées, ni que les lois et la justice du jour, en dépit qu'elles paraissent exprimer le respect des noirs, des juifs, et de toutes sortes de gens supposés inaptes à se défendre par eux-mêmes, sont d'abord les lois et la justice d'un Etat ploutocratique. Du riche, l'opprimé peut s'attendre à la même protection que l'agneau peut s'attendre du loup. 

    Malgré le soutien d'Emile Zola au capitaine Dreyfus, Bloy ne vit en Emile Zola qu'un hypocrite parvenu, prompt à tirer de la défense du populo des revenus pour s'acheter une villa cossue. En démocratie, comme partout ailleurs, les pauvres mangent les miettes qui tombent de la table des riches, et parmi ces miettes il y a des mots doux, dont l'antiracisme, qu'aucun esprit juste ne prendra au sérieux tant qu'il n'aura pas été mis fin au détournement des richesses de pays tiers par l'Occident, à quoi l'excédent de puissance des nations occidentales tient principalement - le racket à l'échelle internationale.

    Je me limite à dire pour cette fois que le "Salut par les Juifs" fut écrit dans un contexte d'abandon du judaïsme par de très nombreux juifs parvenus, au profit de l'idéologie dominante, dans un souci d'intégration à la République ; un contexte très différent de celui où nous sommes, de "fierté juive retrouvée", manifestation d'un patriotisme dépourvu de lien avec la religion de Moïse. 

    Les jugements de la Licra et du juge de Bobigny relèvent donc du relativisme absolu, c'est-à-dire de l'arbitraire que l'on peut craindre en général de la part d'un tribunal d'inquisition. Les conventions morales d'aujourd'hui, Bloy ne pouvait s'y plier par avance. Si le geste de Soral permet de mettre en lumière le caractère ubuesque de la justice moderne, c'est tant mieux.

    Si le propos de Bloy est condamnable, il ne peut l'être qu'au regard des évangiles, dont la conformité est impossible avec la justice humaine (c'est précisément la raison du caractère particulièrement inique des tribunaux ecclésiastiques d'inquisition, et de toute justice rendue au nom de prétendues "valeurs judéo-chrétiennes"). Il est une image de la justice des hommes rendue au nom de Dieu dans les évangiles, c'est celle du sanhédrin condamnant le prophète Jésus-Christ à mort. Le jugement du procurateur de Judée Ponce-Pilate eût peut-être été équitable, si les tribunaux religieux ne lui avaient pas forcé la main. De là vient que les chrétiens sont portés à prêter à la collusion de l'ordre moral et du pouvoir politique une sinistre signification.

    Probablement l'étrange répétition de ce phénomène dans l'histoire, à savoir la prétention de l'Eglise catholique romaine, puis de l'Occident en général, à dire le droit au nom de Dieu, et donc à inventer de toutes pièces cet ordre divin, ce phénomène n'est pas sans rapport avec le bouquin de Léon Bloy, ni avec Alain Soral lui-même.

    L'ambiguïté d'Alain Soral est la même que celle de Léon Bloy ; ce sont tous les deux des anticléricaux-cléricaux, des dissidents face à un ordre moral dominant hypocrite, qui en appellent à un ordre plus juste. A cet égard, il ne fait aucun doute que Bloy aurait préféré être cité par Soral plutôt que par les actionnaires démocrates-chrétiens du "Figaro", immonde torchon du point de vue catholique. Bloy était du reste assez bien informé du christianisme, pour savoir que la filiation naturelle invoquée par A. Galpérine, est le dernier argument qu'un chrétien peut invoquer.

    C'est l'invocation de cet ordre plus juste qui, de la part de Bloy ou Soral, est contestable et doit être contestée du point de vue chrétien. Le Messie a dissuadé ses fidèles apôtres d'attendre une quelconque récompense dans l'ordre temporel, sur le plan moral ou politique. La doctrine des derniers évêques de Rome est, à cet égard, parfaitement diabolique au regard de la parole divine, en particulier celle de Karol Wojtyla quand il affirme l'importance du temps dans le salut de l'homme. C'est bien sûr en faveur du monde que joue le temps, ce qui explique que le Messie explique à ses apôtres que l'avènement de l'Eglise est pour bientôt.

    On note d'après son Journal que Léon Bloy s'intéresse de près à l'histoire, mais il ne remarque pas ou peu le rôle actif de l'Eglise catholique afin d'étouffer l'histoire au profit d'une théorie impossible de la culture chrétienne et du droit chrétien, c'est-à-dire de l'idée d'un christianisme civilisateur, la plus éloignée du "salut par les juifs" et des épîtres de saint Paul, qui ne cesse de répéter l'accomplissement par le Messie de la promesse contenue dans la loi de Moïse. L'apôtre Paul est beaucoup moins "romain" que les catholiques romains, et c'est ce qui explique la haine de Nitche vis-à-vis de Paul. Celui qui parle au nom de Satan a conscience du danger que représente le catholicisme véritable pour l'ordre providentiel satanique.

    La culture catholique médiévale idéale de Bloy, Soral ou J. Ratzinger est un mirage, dont les tragédies de Shakespeare dissipent entièrement l'illusion. L'entreprise de démolition par Sheakespeare de la culture occidentale judéo-chrétienne ne fait pas de lui un athée. Ce que vise Shakespeare-Bacon, ce n'est pas le christianisme, mais son dévoiement sous la forme de la "culture" ou de l'art prétendument chrétien, qui contient les germes d'un totalitarisme et d'un mal qui, contrairement au propos de la philosophe nazie Hannah Arendt, n'a rien de "banal". La banalité du mal n'est concevable que du point de vue néo-païen technocratique, c'est-à-dire celui dont est issu la violence moderne et la culture de masse. L'exceptionnelle régression de l'Occident dans la guerre civile n'a rien de banal, si l'on se place du point de vue de l'histoire, et non celui de la morale moderne relativiste d'Hannah Arendt.

    - Outre l'étrangeté de la doctrine d'Alain Soral, au regard du message évangélique (ésotérisme que l'on peut soupçonner d'être intentionnel, comme celui de Dante Alighieri), tandis qu'elle résulte chez Léon Bloy de l'influence néfaste de la doctrine maçonnique de J. de Maistre, il y a dans son propos touchant la politique internationale une affirmation qui laisse sceptique. Le pacte entre l'Etat d'Israël et la superpuissance technocratique américaine n'est-il pas d'abord un danger pour les juifs ? C'est la peur qui incite essentiellement à se fier aux institutions d'une nation plutôt qu'à Dieu, à désirer la sécurité plutôt que la liberté. Or la peur est mauvaise conseillère. L'enrichissement fut le facteur principal de la banalisation et de l'intégration des juifs aux valeurs prussiennes de la Mitteleuropa - non seulement l'argent ne les a pas protégés, mais la sagesse juive fait au contraire valoir que l'argent peut être une plaie (cf. Ecclésiaste).

    (C'est même une plaisanterie de faire interdire Drumont, alors que les très racistes Kant ou Montesquieu sont au programme des études universitaires. Montesquieu justifie l'esclavage des nègres par la nécessité de pouvoir se procurer du sucre moins cher ! Et il faut s'empresser d'ajouter que cet aveu est beaucoup plus honnête de la part de Montesquieu que les opérations militaires afin de se procurer du pétrole ou de l'uranium au meilleur prix, au nom des droits de l'homme.)