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Mon Journal de guerre - Page 18

  • L'Etoile de Hamlet

    Bernardo : La toute dernière nuit,

    Quand cette étoile tout là-haut à l'ouest du pôle

    Eut parcouru son trajet pour éclairer cette partie du ciel

    Où elle flamboie en ce moment, Marcellus et moi-même,

    Alors que la cloche frappait une heure... (Acte I, scène 1)

    L'arrière-plan cosmologique de "Hamlet" est manifeste dès la première scène du premier acte. Shakespeare (i.e. Francis Bacon) situe son épiphanie sur le chemin de vigie du château d'Elseneur au Danemark, symbole de l'Occident pourrissant (comme tous les personnages honnêtes de la pièce s'accordent à le reconnaître).

    Plusieurs fois de suite, Bernardo, Marcellus et Horatio vont voir apparaître un guerrier, revêtu des attributs de l'ancien Danemark, père du jeune héros (et mage) Hamlet assassiné par Claudius traîtreusement ; puis Hamlet rencontrera lui-même ce père qu'il croyait défunt, et dont on comprend qu'il figure désormais au ciel comme une étoile, "à l'ouest du pôle".

    De quelle étoile s'agit-il ? Plusieurs astronomes ont essayé de fournir une réponse, mais la plupart du temps sans tenir compte de la signification apocalyptique de la pièce. L'étoile de l'épiphanie de Hamlet est la nouvelle étoile très brillante aperçue à l'ouest de l'étoile polaire en novembre 1572 par l'astronome danois Tycho Brahé (dont le père possédait le château d'Elseneur).

    Cet événement est l'événement astronomique le plus important de l'histoire de l'Occident moderne. Il a part aux bouleversements ultérieurs de science en Occident. Non seulement Tycho (1546-1601), qui commenta l'apparition de l'étoile en détail, mais quelques autres savants en firent l'observation, dont John Dee (1527-1609), alchimiste, théologien, astrologue et conseiller de la puissante reine Elisabeth Ire. Rien d'étonnant à ce que les savants de la Renaissance, pour qui la vérité était d'ordre cosmologique, et non anthropologique comme aujourd'hui, aient accordé toute leur attention à ce phénomène astronomique extraordinaire.

    Aussi surprenant que cela puisse paraître aujourd'hui, l'astrologue John Dee, au cours de séances de spiritisme, tenta de dialoguer les anges afin de leur réclamer assistance (cf. "Liber Mysteriorum Primus", 1582-83). En effet, Dee était parvenu au stade où ses expériences chimiques, faute de résultats probants, le décevaient. Mais ces pratiques sont-elles si étonnantes, compte tenu de la foi persistante dans la psychanalyse ou la statistique comme dans des sciences véritables, plusieurs siècles plus tard ? De même certains rituels de loges maçonniques, encore en activité, peuvent sembler aussi ridicules que les séances de spiritisme de John Dee. Mais surtout, le changement de représentation du cosmos joue bien un rôle de charnière entre la fin du XVIe siècle et notre époque "ultime".

    Comme tout récit mythologique, qu'il s'agisse du conte de la Genèse ou bien des travaux d'Hercule, "Hamlet" a un sens caché. L'auteur a semé des indices à l'attention des personnes instruites, afin de les mener, par-delà l'apparence du drame, au sens tragique plus profond de la pièce.

    On reconnaît les grandes caractéristiques du projet apocalyptique de rénovation de la science de Francis Bacon (1561-1626) dans la trame de "Hamlet", ainsi que son mépris chrétien de la société. F. Bacon a placé son entreprise de rénovation de la science sous l'égide du prophète Daniel ("Novum Organum"). D'ailleurs le point de vue scientifique discrédite le point de vue social, selon Bacon comme selon Hamlet. La société peut s'accommoder de vérités relatives, mais non d'une vérité supérieure, explique en substance Bacon, plaçant ainsi le savant authentique dans une situation délicate, semblable à celle des prophètes qui sont une pierre d'achoppement pour les affaires des hommes (Hamlet revendique comme Bacon une "âme de prophète").

    Mais poursuivons sur le terrain de l'astronomie et de la cosmologie, en évoquant la cosmologie chrétienne mentionnée dans l'apocalypse de Jean, à laquelle on peut relier l'épiphanie prise par Shakespeare pour thème principal de sa pièce.

    "Un autre signe parut encore dans le ciel : tout à coup on vit un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes, sept diadèmes ; de sa queue, il entraînait le tiers des étoiles du ciel, et il les jeta sur la terre." (Apocalypse, XII,3)

    La grande constellation "circumpolaire" du dragon, qui se dresse contre l'épouse de Jésus-Christ (l'Eglise des saints), et l'affrontera jusqu'à perdre sa place dans les cieux, est le serpent ancien appelé diable et Satan. Cette constellation observable de l'hémisphère nord est proche de Cassiopée, autre constellation où l'étoile très brillante observée en 1572 apparut. La vision divine précise : "Michel et ses anges combattaient contre le dragon". Ange ou démon, Hamlet tranche en faveur de l'ange, dont l'apparence de guerrier s'explique ainsi.

    Le "Christ de la fin des temps" revêt lui aussi, comme l'archange Michel, l'apparence d'un guerrier, assumant le combat spirituel contre les rois et les nations alliées avec la bête : "Puis je vis le ciel ouvert, et il parut un cheval blanc ; celui qui le montait s'appelle Fidèle et Véritable ; il juge et combat avec justice. (...) De sa bouche sortait un glaive à deux tranchants, pour en frapper les nations (...)" (Ap. XIX, 11-16)

    Fait non négligeable quand on sait que F. Bacon avait pris pour emblème de son combat le casque d'Athéna, l'affrontement décrit dans la mythologie chrétienne réitère celui qui opposa la déesse vierge de la sagesse Athéna au dragon dans la tragédie grecque (Ladon, gardien du Jardin des Hespérides, situé en Occident).

    Rien de moins anodin pour un astronome, par conséquent, que la position dans le ciel de la nouvelle étoile de Tycho. Le discrédit de la mythologie dans la culture moderne est lui aussi sans aucun doute lié à la conception héliocentrique copernicienne. De sorte que la philosophie, la spiritualité si particulière incarnée par Hamlet, Shakespeare la sait condamnée pour un laps de temps - cela explique la mort du héros à la fin de la pièce.

    Par un autre indice, Shakespeare nous ramène à la région du ciel où se joue le dernier acte de l'histoire. A l'acte III, scène 2, un dialogue entre Polonius et Hamlet interpelle le connaisseur de symboles mythologiques :

    - Hamlet : Voyez-vous ce nuage [cloud] là-haut, qui a presque la forme d'un chameau ?

    - Polonius : Par la messe, c'est vrai, tout à fait pareil à un chameau.

    - Hamlet : Je crois bien qu'il ressemble à une belette [weasel].

    - Polonius : Il a le dos d'une belette.

    - Hamlet : Ou à une baleine [whale].

    - Polonius : Beaucoup à une baleine.

    En effet, Cassiopée est une constellation de la voie lactée (qui ressemble à une masse nuageuse), englobant la constellation dite du "chameau" dans la mythologie arabe (Al Sanam al Nakah/Beta Cassiopeia). En outre, Cassiopée, est reconnaissable à sa forme de M, ou bien de W si on la regarde dans l'autre sens. Baleine et belette commencent en anglais par un W, et un sens péjoratif est attaché à ces deux animaux. La baleine a le sens de léviathan ou de nation ; quant à la belette, elle est symbole de ruse ; la prostituée de l'apocalypse n'est pas loin (ni la "Dark Lady" des "Sonnets").

    On relève en outre trois détails à propos de Polonius. Outre la loi de son intérêt, ce conseiller très spécial ne suit aucune doctrine constante. Il ne saisit pas l'allusion à la voie lactée. Il croit dans la messe, sur laquelle il jure, en cela représentant typique du monachisme médiéval (sur lequel Shakespeare jette le discrédit tout au long de son oeuvre). Toute l'alchimie de l'art moderne "post-apocalyptique" se retrouve d'ailleurs concentré dans la mystagogie de la messe romaine, au pouvoir hallucinogène. 

    (A SUIVRE)

  • Napoléon = Hitler

    L'apologie de Napoléon est l'apologie licite de Hitler. Or, si le brigandage est illicite, les plus grands massacres perpétrés par le genre humain contre lui-même ont revêtu les formes légales.

    On trouve ici l'explication de la menace que l'histoire et Shakespeare représentent pour les élites et leurs opérations de blanchiment.

  • Génie

    Il convient dans les domaines de la science et de l'art d'accorder à l'originalité et au génie la même place que la société accorde à la folie.

    Revendiquer le "rationalisme scientifique" et accorder en même temps du crédit à la théorie de la relativité d'Einstein revient à placer le raisonnement du malade au-dessus de celui du médecin.

  • Modernité

    Le monde moderne est aussi prévisible qu'une femme, c'est-à-dire qu'il est mû par le même déterminisme. Face aux idées modernes, l'homme a peur de s'ennuyer et de devenir mélancolique.

  • Exit Darwin

    Thomas Lepeltier (historien des sciences à Oxford) n'est pas "créationniste", mais plaide en faveur de l'expression libre de propos contradictoires du "transformisme" dominant sur le plan académique, en France et dans de nombreux pays occidentaux.

    Le propos, qui n'a pas manqué de susciter des réactions de protestation, ne porte pas directement sur les éléments de preuve du transformisme biologique ou l'infirmation du transformisme qui consiste à souligner les importantes lacunes de l'hypothèse formulée par Darwin. Le propos porte surtout sur la science moderne et sa méthode. T. Lepeltier postule que le "créationnisme" remet utilement cette question sur le tapis. Il aborde le problème de méthodologie sous cet angle :

    "Il est évident que toute personne qui prétend jouer aux échecs doit respecter scrupuleusement les règles arbitraires de ce jeu. Celui qui ne le ferait pas signerait son exclusion des tournois d'échecs. En est-il de même en science ? Y aurait-il une liste de règles que toute personne prétendant faire de la science devrait respecter sous peine d'être disqualifié ipso facto ? Autrement dit, l'activité scientifique peut-elle être assimilée à un jeu pour lequel il existerait des règles définies très précisément et que tout scientifique devrait suivre à la lettre ?

    Dans mon livre "Vive le créationnisme ! Point de vue d'un évolutionniste" (2009), j'ai implicitement défendu la thèse, après d'autres philosophes des sciences, qu'une telle liste n'existe pas. Cela ne veut pas dire que les scientifiques en activité ne suivent pas implicitement des règles et que toutes les méthodes pour connaître le monde qui nous entourent se valent. Il y a manifestement des scientifiques qui travaillent mieux que d'autres. Mais cette thèse signifie que les règles plus ou moins bien suivies par les scientifiques en activité ne sont pas écrites dans le marbre et que ce n'est pas un non-respect d'une soi-disant liste de règles, établie par on ne sait quelle autorité, qui ferait que l'on est pas scientifique. (...)"

    T. Lepeltier relève ici utilement l'arbitraire des règles du jeu d'échecs. L'arbitraire est en effet la caractéristique de la norme politique, sociale ou culturelle, tandis que le point de vue scientifique s'efforce au contraire de ne pas verser dans l'arbitraire commun. Ce que T. Lepeltier n'ose pas faire, on peut se demander si l'arbitraire dans le domaine scientifique n'a pas une cause politique ou sociale.

    A propos des règles méthodologiques, il convient d'indiquer ici que le savant philosophe Francis Bacon Verulam dans son "Novum Organum" formule des règles scientifiques, après avoir fait le constat du faible avancement scientifique de son temps (début XVIIe). Ces règles sont énoncées surtout sous la forme de pièges dans lesquels le raisonnement humain doit éviter de tomber. Bacon qualifie ces pièges "d'idoles", considérant que l'homme est naturellement plus "idolâtre" qu'il n'est porté à la science. Il s'agit de pallier par cette méthode, largement expérimentale, les limites des sens humains, outil de prédilection des sciences de la nature. Néanmoins la science baconienne fait place aux prophéties religieuses chrétiennes ; non seulement elle leur fait place, mais elle situe la place respective des prophéties et de la religion. Bacon est conscient que, dans certaines cultures antiques, religion, politique et science forment un tout, et que la nature eschatologique du christianisme bouleverse cette formule.

    Dans la mesure où la méthode baconienne n'a presque pas été appliquée, elle constitue un contrepoint intéressant à l'épistémologie contemporaine. Le caractère expérimental de la science contemporaine est pratiquement de l'ordre du slogan. Elle fait une place bien plus large à la formulation d'hypothèses scientifiques, fondées sur des "intuitions", suivant une démarche dont Bacon s'évertua à souligner les dangers. Pour la même raison, Bacon relègue les mathématiques (géométrie algébrique) ou la science mécanique a un rang secondaire - parce que le raisonnement algébrique est essentiellement hypothétique. On peut ainsi, pour le besoin de calculs astronomiques, formuler aussi bien l'hypothèse du géocentrisme que celle de l'héliocentrisme. L'un des aspects les plus suspects du darwinisme est son fondement sur des probabilités économiques malthusiennes parfaitement hypothétiques.

    Le site www.pseudo-sciences.org publie plusieurs réactions hostiles à la défense de la liberté d'expression dans le domaine de la science de T. Lepeltier. Notamment celle de Guillaume Lecointre : "J'ai une conscience politique du métier de chercheur. Je ne suis pas payé avec vos impôts pour dire à mes concitoyens que la profession qu'ils payent n'a pas de méthode de travail, donc pas de critères de qualité." (...)

    Cette réplique est remarquable, car elle enferme la science dans un registre parfaitement subjectif, proche de l'idée d'honnêteté ou de "conscience professionnelle". La notion de "conscience politique du métier de chercheur" n'a en effet rien de scientifique. Qu'est-ce que G. Lecointre veut dire historiquement par là ? Cette réplique explique que certains défenseurs du transformismes accusent parfois les détracteurs du darwinisme de manière loufoque d'être des adversaires de la démocratie, situant de facto le darwinisme au niveau du militantisme... sans même paraître s'en rendre compte.

    G. Lecointre, avec ses arguments corporatistes, verse dans le plaidoyer pro domo. Quant au financement de la recherche scientifique, voire l'enseignement de la science, même une rapide enquête permettrait de conclure qu'ils ne répondent pas à l'exigence d'indépendance, et que le premier critère de financement de la recherche scientifique n'est pas la science, à moins de réduire celle-ci à l'invention de nouvelles technologies.

  • Ecologie et christianisme

    Le christianisme commence où l'écologie s'arrête, et l'écologie commence où le christianisme s'arrête. Pour une raison simple : il n'y a aucun geste écologique ou économique qui ne soit désintéressé.

    Que sont donc les porte-parole de l'écologie chrétienne ? Ce sont des propagandistes, c'est-à-dire des pollueurs de la vérité, et il n'est guère difficile de deviner par quelle puissance ils sont mandatés.

    Le Messie dit : "Ecoutez-moi tous, et comprenez. Rien de ce qui est hors de l'homme et qui entre dans l'homme ne peut le souiller; mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui souille l'homme. Si quelqu'un a des oreilles pour entendre, qu'il entende !" (Mc VI,14)

  • Information

    Dans les régimes totalitaires, la vérité prend le nom "d'information". Parce que la société ne court aucun risque d'être démasquée quand les citoyens se contentent de s'informer.

    Néanmoins la société du cinéma est condamnée pour la raison qu'indique H. Arendt que, s'il est possible d'étouffer la vérité, en revanche il n'est pas possible de mettre autre chose à la place. La conscience peut-être brouillée, mais non abolie.

     

  • Mort imminente

    Quelques mots sur les "expériences de mort imminente", songes vécus par des personnes atteintes de troubles psychiques, à la suite d'un accident qui les a entraînés "aux frontières de la mort", ou d'un orgasme sexuel (parfois dit "petite mort"). Les médias accordent beaucoup d'importance à ces dites "expériences", en raison des foules de badauds qu'elles drainent.

    On peut mettre ce phénomène en relation avec le "pacte avec la mort", que j'évoquais ici récemment dans une note. Le Livre de la Sagesse de Salomon prophétise un tel pacte satanique à la fin des temps.

    Les pseudo-sciences psychanalytiques et neurologiques (parler de "science neurologique" revient à qualifier de "poésie" le babil d'un nourrisson) ont ouvert la boîte de pandore de la crédulité.

    Rêver, même pour un mort, n'a rien que de très banal. Depuis l'Antiquité, le rêve est associé à la mort ou la maladie. Le sommeil, état d'inconscience, a le don de stimuler les rêves ; pourquoi un état critique, proche de la mort, ne provoquerait-il pas un rêve, et pourquoi ce rêve ne serait pas un rêve de bonheur ? Certains philosophes font remarquer que, en comparaison des souffrances de l'existence, la mort peut paraître un grand bonheur et soulagement (en particulier pour les gens du peuple qui n'ont pas des conditions de vie privilégiées).

    D'ailleurs un consommateur de substances hallucinogènes comprendra aisément en quoi consiste le "pacte avec la mort", c'est-à-dire le gain obtenu et la perte subie en contrepartie de ce pacte, et qu'il est à la fois un voyage au paradis et en enfer.

    La comparaison avec la drogue, c'est-à-dire avec une recherche violente et désordonnée du bonheur, est éclairante afin de montrer à quel point la mort peut-être un puissant mobile humain.

    Le b.a.-ba de la médecine est de ne pas tracer une ligne de séparation nette entre la vie et la mort. La vie sociale et de nombreuses cultures

    Le rapprochement que certains font entre ces songes et le paradis des chrétiens est une tromperie, intentionnelle ou involontaire. Le christianisme n'est pas une religion animiste. La conception spéculative ou onirique d'un espace-temps paradisiaque "au-delà de la mort" est typique du livre des morts de l'ancienne Egypte. La gnose (= fausse science) platonicienne médiévale a introduit cette spéculation dans l'Occident chrétien, mais elle est dépourvue du moindre fondement scripturaire chrétien.

    L'apôtre Paul énonce que la mort est la "rançon du péché", et non la transition vers un état de béatitude "ultérieure". L'enfer est définit strictement par les écritures chrétiennes comme l'infidélité à la parole de divine et aux évangiles, c'est-à-dire "le monde".

    Et aucun folklore catholique romain, aucune doctrine sociale démocrate-chrétienne ne peut prévaloir contre la parole divine.

  • Shakespeare contre Freud

    Dans un roman américain (banal divertissement), un professeur de littérature proclame : "Sans Shakespeare, nous n'aurions pas eu Freud."

    Du point de vue de la culture américaine seulement, un tel enchaînement paraît logique.

    La variété des personnages du théâtre de Shakespeare, leur complexité, peuvent superficiellement suggérer un tel rapprochement. Freud, comme il fut par Leonard de Vinci, fut aussi fasciné par Shakespeare ; "Hamlet" en particulier l'intrigua. Freud tenta d'interpréter leurs ouvrages, mais n'a pas moins échoué quant à Shakespeare qu'il s'est trompé à propos de Leonard. Il fait même moins fausse route en ce qui concerne Leonard, car la médecine et la peinture ne sont pas deux arts si différents. De plus Leonard est un savant peintre, ou un peintre savant, et Freud un savant médecin ou un médecin savant. On ne sait pas où s'arrête leur art et commence leur science.

    La psychanalyse consiste dans une réduction de la volonté au désir, dans laquelle Shakespeare ne se laisse pas enfermer.

    Sa médecine accule Freud à considérer Hamlet comme un patient, alors qu'un étudiant de première année en littérature établira aisément, à l'aide du texte, que Hamlet n'est pas fou. Un étudiant de deuxième année établira qu'il n'y a pas selon Shakespeare une seule sorte de folie, contrairement à Freud, mais plusieurs. Il est aussi probable que l'oeuvre de Shakespeare a une cohérence que celle de Freud n'a pas.

    Dès le fameux monologue de Hamlet, on comprend que le suicide, bien qu'il soit un tabou social ou religieux, n'est pas un acte irrationnel ou une preuve de folie selon Shakespeare ; c'est le fait de vivre, au contraire, qui correspond à une certaine faiblesse et lâcheté chez l'homme. Si elle fournit les moyens de vivre, la vie n'a, en elle-même, du point de vue philosophique, ni sens ni but (que la mort). Vivre sans but est donc un acte de folie. Autrement dit c'est de la folie pour l'homme de ne pas se poser la question du but de l'existence, et se contenter de vivre bêtement comme l'animal, ou en se contentant des réponses culturelles toutes faites.

    Shakespeare est bien loin d'élever la biologie, ainsi que Freud ou la psychanalyse, au rang de science fondamentale. Seule relève vraiment de la médecine ou de la psychanalyse Ophélie, qui prend ses désirs pour la réalité, et de ce fait méconnaît ses désirs comme elle ignore la réalité, prisonnière des préjugés de son père.

  • Militantisme

    Par décret spécial, le 1/4 d'heure de gloire fut ramené à 5 minutes par citoyen quand on découvrit le très mauvais bilan carbone d'une star de la chanson bien connue.

  • France-Allemagne

    "On ne naît pas Français, on le devient." F. Nietzsche

    En revanche on trouve quelques compliments pour le peuple allemand chez M. Houellebecq, romancier auteur de quelques romans pédo-pornographiques à succès.

  • Intellectuel

    Un boulanger confectionne sans cesse du pain. Un intellectuel confectionne sans cesse des idées. Il ne faut pas chercher plus loin le mépris des Français pour les intellectuels.

  • Histoire

    L'Histoire emporte tout sur son passage. Elle a rompu les digues de la Morale ; le Destin n'est plus qu'un tourbillon.

    L'Histoire outrage la Terre elle-même plus sévèrement que Zeus outragea Europe.

    L'Infini est le dernier espoir du Monde, qui rêve de couper au Jugement dernier. Amen, amen, la Messe du Monde est dite, place au Jugement dernier !

    (poème dédié aux gueux de Paris)

  • Transgression

    Il n'y a rien de moins transgressif que l'amour du sexe. Aussi verra-t-on volontiers dans le chimpanzé, réputé érotomane, un modèle de citoyenneté.

    Il n'y a rien de plus transgressif, au contraire, que l'amour de la science, comparable à un aigle dans le ciel, dangereux pour tous les reptiles.

  • Shakespeare & Copernic

    Dans une note récente, je commente la thèse d'un astronome américain (Peter D. Usher) soutenant que la plus fameuse des pièces de Shakespeare, "Hamlet", aurait pour thème la "révolution copernicienne".

    Pour résumer je la commente ainsi : - oui, la théorie de l'univers héliocentrique est bien au centre de cette tragédie ; - non, Shakespeare ne fait pas la promotion de la théorie héliocentrique redécouverte par N. Copernic (dont on peut légitimement supposer que le personnage de Polonius est l'avatar).

    Alan S. Weber (du "Weill Cornell Medical College" au Qatar) prolonge les réflexions de Peter Usher, dans un article intitulé "What did Shakespeare know about copernicanism?"Il y soulève le problème qu'un historien ne peut manquer de soulever à propos de la thèse du thème astronomique de "Hamlet". Du temps où fut publiée la pièce (1601), seul un nombre restreint d'érudits avaient connaissance de la théorie de Copernic, un nombre si petit qu'il est à peine exagéré de dire que l'on aurait pu les compter sur les doigts de la main... dans toute l'Europe.

    "L'époque élisabéthaine est trop précoce pour avoir complètement digéré plusieurs théories et découvertes en physique et cosmologie énoncées plus tôt sur le continent. Plattard (1913) a démontré que les écrivains français de la Renaissance, de la dernière moitié du XVIe siècle -à l'exception de Montaigne, Pontus de Tyard et Jacques Peletier du Mans- ignoraient les thèses de Copernic [encore peut-on préciser ici que le savoir de Montaigne est volontairement superficiel, Montaigne affichant un certain dédain pour la science].

    De la même façon en Angleterre, le copernicianisme est rarement abordé dans la littérature populaire avant 1630. Ainsi que Nicolson le souligne, "Sur l'imaginaire populaire, les théories de Copernic n'ont pas eu d'impact avant les observations faites par Galilée au télescope. Elles restèrent des méthodes de calcul, importantes sur le plan de la technique astronomique et des mathématiques, mais ne bouleversèrent pas l'opinion commune.(...)

    L'astronome et professeur de littérature David Lévy, codécouvreur de la comète de Shoemaker-Lévy 9, fait cette remarque significative : "Du temps où la plupart des écrits de Shakespeare étaient parus, l'impact réel des idées de Copernic ne s'était pas fait sentir." A. S. Weber

    - Sur le dernier point de la croyance populaire, on peut ajouter qu'une enquête d'opinion a montré en 2014 que 30% des Français restent persuadés que le soleil tourne autour de la terre et non l'inverse.

    Ces remarques historiques faites, on peut continuer de nier le thème scientifique de "Hamlet" (les interprétations psychanalytiques de la pièce, bien qu'elles soient incohérentes, sont rarement contestées) ; ou bien on doit admettre l'initiation de Shakespeare au débat scientifique le plus avant-gardiste de son époque. A.S. Weber évoque ainsi l'hypothèse d'un lien entre Shakespeare et Thomas Digges, petit-fils d'astronome et lui-même érudit. Mais, la biographie de l'acteur né à Stratford-sur-Avon tenant en quelques lignes, il n'y a pas moyen d'étayer cette hypothèse.

    En outre, si ces astronomes américains avancent que "Hamlet" est une pièce d'avant-garde pour son époque, ils sous-estiment à quel point. R. Descartes, plusieurs décennies plus tard, exprime l'intuition que le nouveau dogme copernicien va avoir des conséquences importantes. Cette seule intuition ne lui aurait pas permis d'écrire une pièce métaphorique sur ce thème. Et quel cinéaste aujourd'hui serait capable de faire de la théorie de la relativité d'Einstein le thème d'un film, tout en ayant un recul critique sur cette théorie et en ne se contentant pas de l'illustrer ? Car il faut observer ici que le thème scientifique de "Hamlet" n'enlève pas à la tragédie sa cohérence (qui n'est pas d'ordre psychologique mais mythologique). D'une certaine façon, on peut même se demander si "Hamlet" n'est pas encore d'avant-garde.

    Et d'en revenir encore à l'attribution à Francis Bacon Verulam (1561-1626) de l'oeuvre de Shakespeare. Cet esprit précoce a pu dès l'âge de quinze ans, une fois ses études "classiques" achevées, se familiariser avec les différentes thèses astronomiques opposées. De diverses manières ; par exemple lors d'un voyage effectué en France (1576-1579) où le jeune homme approcha probablement Jacques Peletier du Mans, considéré comme l'un des membres de la "Pléiade", et comptait alors parmi les quelques esprits savants français les plus en vue. Moins célèbre que Ronsard, Jacques Peletier était plus versé dans l'astronomie et la géométrie algébrique. A propos de cette dernière science, F. Bacon émettra ultérieurement d'importantes réserves dans son "Novum Organum", qui ne sont guère éloignées de celles formulées par Aristote.

    *Précisons que si la thèse de "l'argument scientifique de la pièce" était avéré, quantité d'ouvrages critiques portant sur l'oeuvre de Shakespeare seraient désavoués, pour ne pas dire la plus grande partie (les interprétations freudiennes psychanalytiques également). Cette précision est utile pour expliquer qu'il faut s'attendre à une levée de boucliers contre cette thèse dans l'université. Les représentants de la science scolastique ont en effet tendance à ériger en dogme le caractère énigmatique des principales pièces de Shakespeare. D'une certaine façon, il n'est pas étonnant qu'une telle audace émane d'un "astrophysicien" ; celui-ci malmène les idées reçues dans les facultés de lettres, tout en épargnant les idées reçues dans le domaine de l'astrophysique aujourd'hui.

  • Bacon notre Shakespeare

    Peter D. Usher, astronome à l'université de Pennsylvanie, est l'auteur d'une thèse selon laquelle "Hamlet" aurait été rédigé pour célébrer la "révolution copernicienne", c'est-à-dire l'invention par Nicolas Copernic (1473-1543) du système héliocentrique. J'utilise ici volontairement le terme ambigu d'"invention", car l'héliocentrisme n'est pas une idée originale de Copernic, mais fut postulée dès l'Antiquité ; de plus l'héliocentrisme demeure pour certains savants mathématiciens modernes (H. Poincaré) une simple "méthode de calcul".

    La thèse de Peter Usher a le mérite de remarquer ce que beaucoup de soi-disant spécialistes de Shakespeare (quelle université n'a pas le sien ?) ne remarquent pas : l'arrière-plan cosmologique de "Hamlet". Il n'y a rien d'étonnant à cela ; en effet le héros de la pièce, dans une tirade restée célèbre entre toutes, se demande si la vie vaut vraiment d'être vécue ? Or cette question est centrale en philosophie, et la philosophie proche parente de l'astronomie depuis l'Antiquité.

    Les allusions à l'astronomie sont en effet nombreuses dans "Hamlet", parmi lesquelles on peut citer cette coïncidence que le château d'Elseneur où est située la tragédie, alors au Danemark, était la propriété du père du célèbre astronome Tycho Brahé, dont la renommée dépassa celle de Copernic. Tycho Brahé étudia à Wittenberg (ville d'Allemagne célèbre grâce au théologien luthérien, mais aussi homme de lettres et astronome, P. Mélanchton). Mais ici il faut préciser que Tycho Brahé fut un ferme défenseur de la conception géocentrique de l'univers (tout comme Luther et Mélanchton). C'est même le conservatisme de Tycho Brahé en cette matière qui lui vaut une moindre renommée aujourd'hui, en comparaison de N. Copernic ou G. Galilée (promoteur ultérieur de l'héliocentrisme).

    Autre élément astronomique significatif de la pièce : le spectre qui apparaît à Hamlet est une étoile (cela n'apparaît pas dans toutes les traductions françaises) ; autrement dit, Shakespeare met en scène une épiphanie. Aucun historien de la science n'ignore les réactions que pouvaient déclencher à l'époque de la Renaissance dans le monde savant la découverte d'une nouvelle étoile.

    Encore faut-il préciser que la tragédie est le "genre littéraire scientifique" par excellence, et diffère en cela du genre dramatique en vogue ultérieurement en Occident. De la même manière que le cinéma transforme en divertissement certaines théories scientifiques modernes, de nombreux mythes antiques illustrent une conception scientifique du monde.

    Volontairement ou non, l'astronome P. Usher ne fait que répéter une thèse "baconienne"* plus ancienne, dont il tire la conclusion inverse. Les Baconiens soulignent aussi les multiples références de "Hamlet" à l'astronomie, aux implications opposées des thèses héliocentrique et géocentrique. Mais les Baconiens ajoutent qu'une caractéristique de la science de Francis Bacon est d'appuyer la thèse géocentrique, d'incliner par conséquent sur ce point du côté de Tycho Brahé. Non seulement F. Bacon dans son "Novum Organum" s'oppose au système héliocentrique, mais fournit une preuve expérimentale dissuadant de se fier à la perception de la lumière des étoiles pour le calcul des distances interplanétaires. Il s'oppose donc non seulement à Copernic, mais dans son ensemble à ce qui sera qualifié bien longtemps après Copernic de "révolution copernicienne".

    On trouve dans le corpus philosophique et scientifique de Francis Bacon bien des raisons d'écrire une pièce sur le thème important de la discorde entre la science et la politique, mais surtout la thèse de P. Usher se heurte à une pierre d'achoppement de taille et qui "saute" aux yeux. Si "Hamlet" est fait pour défendre N. Copernic et son nouveau système héliocentrique, comment se fait-il que le personnage auquel le héros de la pièce se montre le plus hostile se nomme "Polonius". Comment ne pas remarquer que Copernic, d'entre tous les Polonais est le plus fameux ? Comment ne pas le remarquer quand on est persuadé de l'arrière-plan astronomique de la pièce ?

    *Les "Baconiens" prétendent que Shakespeare n'est que le prête-nom de Francis Bacon Verulam.

  • Enfer

    A la fin d'une saison en enfer, Rimbaud appelle sa mère au secours. Cruelle ironie du destin, car l'enfer commence par une mère.

  • Rêve

    La religion du bourgeois est le rêve, son cauchemar d'être rattrapé par la réalité.

    L'astuce de la bourgeoisie consiste à prendre ce qu'il y a de plus bas dans l'homme, et de l'astiquer tant que cela semble l'idéal le plus élevé.