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Mon Journal de guerre - Page 8

  • Lettre à Flora

    J'ai recopié ci-dessous (éd. Gallimard-Pléiade) une leçon de théologie d'un certain Ptolémée, adressée à sa "soeur" Flora (au sens chrétien du terme) et rédigée dans la première moitié du IIe siècle.

    Ptolémée fournit à Flora des explications sur la Loi de Moïse, compte tenu du bouleversement dans la compréhension des écritures saintes dû à l'avènement de Jésus-Christ.

    - Deux petites remarques sur cette édition (2016) ; d'abord son titre générique "Premiers écrits chrétiens" n'est pas exact, car le volume englobe quelques écrits païens et juifs antichrétiens.

    - Secundo, le qualificatif de "gnostique" appliqué par l'auteur de la note à ce Ptolémée est récusable, puisque l'adjectif "gnostique" n'a plus ou n'a pas de signification précise. Son usage polémique par l'Eglise romaine a fait que la signification de "fausse science" du terme "gnose" est devenu son sens courant. Mais on pourrait considérer comme "gnostiques" des ouvrages réputés catholiques, de moines ou de poètes, mélangeant les références chrétiennes et la philosophie païenne de Platon (Dante Alighieri est un exemple célèbre de ce syncrétisme "gnostique").

    L'intérêt du propos de Ptolémée tient dans la manière rigoureuse, analogue à celle de l'apôtre Paul, dont il s'appuie sur les écritures saintes pour étayer sa démonstration. Avec Paul ce Ptolémée a aussi en commun d'expliquer pourquoi le nouveau testament est plus lumineux que l'ancienne loi de Moïse.

    (J'introduirai ultérieurement des commentaires en gras dans cette longue missive qui provoque la réflexion)

    Ptolémée à Flora

    La loi instituée par Moïse, belle Flora, ma soeur, n'a pas été comprise jusqu'ici par beaucoup de gens, car ils ne connaissent avec précision ni son auteur ni ses prescriptions : tu le verras bien, je pense, quand tu sauras quels avis divergents sont émis à son propos.

    I-LA LOI EST L'OEUVRE D'UN DIEU JUSTE

    Selon les uns, la Loi a été instituée par Dieu le Père ; les autres, au contraire, affirment qu'elle l'a été par l'Adversaire, le diable corrupteur, à qui, de même, ils attribuent la création du monde et qu'ils appellent "le père et le créateur de cet univers".

    Ils se trompent : les uns comme les autres, se contredisant réciproquement, sont passés à côté de la vérité sur ce sujet.

    Car, à ce qu'il semble, la Loi n'a pas été instituée par Dieu le Père, qui est parfait (elle est, de fait, postérieure), puisqu'elle est imparfaite et a besoin d'être achevée par un autre et qu'elle comporte des prescriptions inadaptées à la nature et au dessein d'un tel Dieu. A l'inverse, on ne peut non plus lier la Loi à l'injustice de l'Adversaire, puisqu'elle interdit l'injustice. Et au vu de ce qui suit, cette idée et celles de gens qui n'ont pas bien entendu les paroles de Sauveur : "Une maison ou une ville divisée contre elle-même ne peut rester debout", a déclaré en effet notre Sauveur.

    En outre, en disant que la création du monde est son oeuvre - puisque par lui tout a été fait et que sans lui rien n'a été fait -, l'Apôtre réduit d'avance à néant la sagesse creuse de ces menteurs : la création n'est pas celle d'un dieu corrupteur, mais celle d'un dieu qui est juste et qui hait le mal. C'est là l'idée d'hommes imprudents, qui ne tiennent pas compte de la providence du démiurge et dont l'oeil, non seulement de l'âme, mais aussi du corps, est aveuglé.

    Qu'ils sont passés du côté de la vérité, ce que je dis là te le montre. Chacun des deux partis le fait à sa manière : les uns par ignorance du Dieu de justice, les autres par ignorance du Père de toutes choses, que seul a révélé lors de sa venue celui qui seul le connaît.

    Il nous reste, à nous qui avons été jugés dignes de la connaissance de l'un et de l'autre, à t'exposer avec précision la Loi elle-même, sa provenance et celui par qui elle a été instituée - son législateur. Ce que nous allons dire, nous en fournirons la preuve par les paroles de notre Sauveur, les seules qui permettent de conduire sans faux pas à la compréhension de ce qui est.

    PREMIERE TRIPARTITION DE LA LOI : DIEU, MOïSE, LES ANCIENS

     Il faut donc savoir, en premier lieu, que l'ensemble de cette Loi, contenue dans le Pentateuque de Moïse, n'a pas été institué par un seul, je veux dire par Dieu seul, mais que certaines de ses prescriptions l'ont été par des hommes. Et cette Loi, les paroles du Sauveur nous apprennent qu'elle se divise en trois.

    En effet elle se divise selon qu'elle se rapporte à Dieu lui-même et à son institution de la Loi, puis à Moïse (non en ce que Dieu a institué par son intermédiaire, mais en ce que Moïse a institué sous l'impulsion de sa propre pensée), et enfin aux anciens du peuple, puisqu'il se trouve que ce sont eux d'abord qui ont introduit des préceptes venant d'eux-mêmes.

    Comment donc les paroles du Sauveur montrent-elles qu'il en est ainsi ? Tu vas l'apprendre dès à présent. Alors que le Sauveur discutait avec ceux qui l'interrogeaient au sujet du divorce qui était permis par la Loi, il leur dit : "C'est à cause de la dureté de votre coeur que Moïse vous a autorisés à répudier vos femmes ; car au commencement, il n'en était pas ainsi." Car c'est Dieu, dit-il, qui a joint cette union conjugale, et "ce que le Seigneur a joint, que l'homme, dit-il, ne le sépare pas."

    Il montre ici qu'une loi, celle de Dieu, défend à la femme d'être séparée de son mari, et qu'une autre, celle de Moïse, a autorisé à séparer, à cause de la dureté du coeur, ce qui était uni par le lien conjugal.

    A cet égard, la Loi instituée par Moïse est contraire à celle de Dieu ; en effet, maintenir le lien conjugal est le contraire de ne pas maintenir le lien conjugal. Mais si nous examinons le dessein de Moïse qui lui a fait légiférer ainsi, on trouvera qu'il ne l'a pas fait selon sa volonté propre, mais selon la nécessité, à cause de la faiblesse des personnes soumises à la Loi.

    En effet, ceux-là ne pouvaient garder le dessein de Dieu leur interdisant de chasser leurs femmes, avec lesquelles il était désagréable à certains de vivre, et, pour cette raison, ils risquaient de passer davantage du côté de l'injustice et, par là, d'aller à leur perte. Moïse voulut donc leur épargner ce désagrément, à cause duquel ils risquaient d'aller à leur perte, et préférant, en la circonstance, un moindre mal, leur donna de lui-même une seconde loi, celle du divorce : de la sorte, s'ils ne pouvaient garder la première, ils garderaient du moins la seconde et ne passeraient pas du côté de l'injustice et du mal, ce qui aurait entraîné leur perte complète.

    Voilà dans quel dessein Moïse s'est trouvé instituer une loi contraire à Dieu. Au reste, que la Loi de Moïse lui-même est autre que celle qui vient de Dieu, nous l'avons démontré ici de façon incontestable, bien que nous ne l'ayons fait pour l'instant que par un seul argument.

    Il y a aussi des traditions des anciens qui ont été mêlées à la Loi. Cela aussi, le Sauveur le rend évident quand il déclare : "Car Dieu a dit : "Honore ton père et ta mère, afin d'être heureux." Mais vous, dit-il en s'adressant aux anciens, vous avez dit : "Il est à Dieu, le don que tu aurais reçu de moi", et vous avez invalidé la Loi de Dieu par la traditions de vos anciens. Isaïe l'avait clamé haut et fort : "Ce peuple m'honore des lèvres, mais leur coeur est loin de moi. En vain ils me révèrent, car leurs préceptes sont enseignements d'hommes."

    Il a donc été clairement démontré que l'ensemble de la Loi se divise en trois : nous y trouvons, en effet, une législation de Moïse lui-même, une des anciens et une de Dieu lui-même. Ainsi établie par nous, la division de l'ensemble de cette Loi a donc dévoilé ce qu'il y a de vrai en elle.

    [Comme l'apôtre des Gentils en ses épîtres, ledit Ptolémée (IIe siècle) explique pourquoi et comment le Messie Jésus est venu remplacer les lois instituées par Moïse afin de mener le peuple hors d'Egypte.

    - Comment : en abolissant ce qui n'était pas pur dans la loi de Moïse.

    - Pourquoi : afin de préparer l'entrée dans la Jérusalem céleste/Terre promise (figuration symbolique de la réunion de l'homme avec Dieu, le père du Sauveur Jésus).

    Ptolémée souligne, citant le prophète Isaïe, que l'impureté des lois juives résulte de ce qu'elles sont, pour partie, des solutions humaines.

    Le lecteur moderne sera surpris par la théologie de Ptolémée tant l'époque moderne est marquée par des catégories philosophiques (monothéisme/polythéisme) impropres à rendre compte de l'esprit des écritures saintes juives et chrétiennes ; la philosophie est elle aussi un "enseignement d'homme", à l'instar de ceux fustigés par le prophète Isaïe.]

     DEUXIEME TRIPARTITION : LOI PURE/MÊLEE AU MAL/SYMBOLIQUE

    A son tour, la première partie -la Loi de Dieu même- se divise en trois : la législation pure, sans mélange avec le mal - celle que l'on appelle Loi au sens propre et que le Sauveur n'est pas venu abolir mais accomplir (car il n'était pas étranger à celle qu'il a accomplie ; et celle-ci avait besoin d'être accomplie) ; puis celle qui est mêlée au mal et à l'injustice et que le Sauveur a supprimée parce qu'elle était inappropriée à sa propre nature. La dernière division concerne ce qui est figuré et symbolique, institué à l'image des réalités spirituelles et transcendantes : c'est ce que le Sauveur a fait passer du sensible et de l'apparent au spirituel et à l'invisible.

    La Loi de Dieu, pure et sans mélange avec le mal, c'est le décalogue, ces dix paroles divisées en deux tables, qui visent à proscrire ce qu'il faut éviter et à ordonner ce qu'il faut faire ; bien que leur législation fût pure, comme il leur manquait la perfection, elles avaient besoin de leur accomplissement par le Sauveur.

    La Loi mêlée à l'injustice, c'est celle du talion et de la compensation des injustices déjà commises, qui ordonne d'arracher "oeil pour oeil et dent pour dent", et de rendre meurtre pour meurtre. Car il ne commet pas moins l'injustice, celui qui la commet en second : l'ordre seul change, l'acte et le même.

    Cette prescription était et est juste par ailleurs ; c'est en raison de la faiblesse des personnes soumises à la Loi qu'elle a été instituée en transgression de la Loi pure, mais elle est inappropriée à la nature et à la bonté du Père de toutes choses. Elle était peut-être adaptée mais, plus encore, elle était le jouet de la nécessité ; car celui qui ne veut pas qu'il y ait un seul meurtre lorsqu'il dit : "Tu ne tueras pas", dès lors qu'il commande de punir le meurtrier par le meurtre, en instituant une seconde loi et en présidant à deux meurtres alors qu'il y en ait un seul, sans s'en apercevoir a été joué par la nécessité.

    Voilà pourquoi le Fils, venu de sa part, a supprimé contre partie de la Loi, tout en reconnaissant qu'elle aussi était de Dieu. Il est en accord avec l'ancienne observance, notamment quand il dit : "Dieu dit : "Celui qui maudit son père ou sa mère est passible de mort."

    Enfin, il y a la partie figurative, qui est à l'image des réalités spirituelles et transcendantes, j'entends par là la législation sur les offrandes, la circoncision, le sabbat, le jeûne, la Pâque, les pains sans levain, etc. Toutes ces prescriptions en tant qu'images et symboles, ont été modifiées depuis que la Vérité a été révélée : ce qu'elles ont de spirituel a été élevé ; les noms sont restés les mêmes, mais les réalités ont changé. Par exemple, le Sauveur nous a commandé de présenter des offrandes, non pas en sacrifiant des animaux ou des victimes, mais par des louanges, des glorifications, des actions de grâces spirituelles et par le partage avec nos prochains et la bienfaisance à leur égard. Quant à la circoncision, il veut que nous ayons non celle du prépuce de notre corps, mais celle, spirituelle, du coeur. De même l'observance du sabbat : il veut en effet que nous cessions de faire des oeuvres mauvaises.

    Le jeûne aussi : il veut que le trône soit non pas corporel, mais spirituel, dans l'abstinence de tout ce qui est mal. Cependant, le jeûne visible est observé chez nous également, puisque, pratiqué avec raison, il peut profiter à l'âme quand il n'est fait ni pour imiter certains, ni par habitude, ni parce que c'est le jour fixé pour le faire.

    Aussi bien on le pratique pour rappeler le jeûne véritable, afin que le jeûne visible rappelle ce jeûne-là à ceux qui ne veulent pas encore le pratiquer.

    De même pour la Pâque et les pains sans levain, l'apôtre Paul montre que c'étaient des images : "Notre Pâque, dit-il, a été immolée : le Christ" et "pour que vous soyez, ajoute-t-il, des pains sans levain, ne vous mêlez pas au levain (par "levain" en réalité il veut dire le mal), mais soyez une nouvelle pâte."

    CE QUI A ETE ACCOMPLI, SUPPRIME OU MODIFIE

    Ainsi donc la Loi reconnue comme divine se divise elle-même en trois. D'abord, ce qui a été accompli par le Sauveur : "Tu ne tueras pas, tu  ne commettras pas d'adultère, tu ne feras pas de parjure" se comprennent, en effet, comme l'abstention de la colère, de la convoitise ou du jurement. Ensuite, ce qui a été complètement supprimé : "oeil pour oeil et dent pour dent", dans la mesure où cela se mêlait à l'injustice et constituait en soi un acte d'injustice, a été supprimé par le Sauveur qui a commandé le contraire ; or deux éléments contraires s'annulent : "Car moi je vous dis de ne pas vous opposer du tout à qui vous fait du mal, mais si quelqu'un te frappe, tends-lui l'autre joue." Enfin, une partie allégorique a trait à ce qui a été modifié et changé du corporel au spirituel : c'est la Loi symbolique, instituée à l'image des réalités transcendantes. Car les images et les symboles, qui représentent d'autres réalités, étaient valables avant que ne paraisse la Vérité ; mais depuis que la Vérité est apparue, il faut agir selon la Vérité, non selon l'image.

    Ces trois parties, ses disciples les ont évoquées, de même que l'apôtre Paul : celle des images, ainsi que nous l'avons déjà dit, à travers la Pâque immolée pour nous et les pains sans levain ; la Loi mêlée à l'injustice, quand Paul dit : "La Loi des commandements a été invalidée dans les enseignements" ; celle sans mélange avec le mal, quand il dit : "La Loi est sainte, le commandement est saint, juste et bon."

    TROISIEME TRIPARTITION : LE PERE, LE DEMIURGE ET SATAN

    Pour résumer -s'il est possible-, je pense t'avoir suffisamment montré qu'une partie de la loi vient des hommes et que la loi même de Dieu se divise en trois.

    Il nous reste à dire quel est ce Dieu qui a institué la Loi ; mais je crois te l'avoir montré par ce que j'ai déjà dit, si tu as bien écouté. Car si cette Loi, comme nous l'avons enseigné, n'a été instituée ni par le Dieu parfait, ni par le diable, ce qu'il n'est même pas permis de dire, c'est donc un autre qui a institué la Loi, et celui-là est le démiurge et le créateur de cet univers et de ce qui est en lui ; comme il est différent des autres par la substance et qu'il se situe entre les deux, on pourrait à juste titre lui donner le nom d'Intermédiaire. Si le Dieu parfait est bon par sa propre nature - et il l'est (car il n'y a qu'un Dieu bon : notre Sauveur a affirmé que c'est son Père, qu'il a lui-même révélé) -, et si l'Adversaire est par nature mauvais et méchant et se caractérise par l'injustice, celui qui se situe entre les deux, sans être bon, ni vraiment mauvais, ni injuste, pourrait plus spécifiquement être appelé juste, puisqu'il préside à la justice, qui se fait selon lui.

    Ce Dieu sera au-dessous du Dieu parfait et inférieur à sa justice, parce qu'il est engendré et non pas inengendré (car seul le Père est inengendré, lui de qui vient toute chose et de qui dépend toute chose spécifiquement), mais il sera plus grand et plus fort que l'Adversaire, son essence et sa nature étant différentes de l'essence de deux autres. En effet, l'essence de l'Adversaire est corruption et ténèbres (car il est matériel et divisé en maintes parties), et l'essence de l'Inengendré, Père de toutes choses, est incorruptibilité et lumière en soi, simple et de forme unique, tandis que l'essence du Démiurge a produit une double puissance - mais il est lui-même une image du Dieu supérieur.

    Ne va pas, à présent, te soucier de savoir comment l'unique principe de toutes choses -celui que notre foi reconnaît pour tel, celui qui est inengendré, incorruptible et bon-, se sont constituées ces natures, celle de la corruption et celle de l'intermédiaire, qui ne sont pas consubstantielles, alors que par nature ce qui est bon engendre et produit des êtres qui lui sont semblables et consubstantiels. Car tu apprendras par la suite, si Dieu le veut, leur principe et leur origine, lorsque tu seras jugée digne de la tradition apostolique que nous avons reçue nous aussi par succession, et cela, une fois que nous aurons étayé tous ces propos par l'enseignement de notre Sauveur.

    Voilà, ma soeur Flora, ce que je n'ai pas eu de peine à te dire en quelques mots. J'ai écrit là de façon résumée et, en même temps, j'ai suffisamment développé le sujet.

    Par la suite, cela te sera très utile, si, comme une belle et bonne terre qui a reçu de fécondes semences, tu fais pousser le fruit qui vient d'elles.

  • Besoin d'amour

    - Je n'ai pas besoin de Dieu pour vivre.

    J'ai déjà entendu cette formule athée plusieurs fois. Elle me semble correspondre à la religion de Ponce-Pilate qui, comme chacun sait, "s'en lave les mains".

    Cette formule est assez juste, car on se passe très bien d'amour pour vivre. Parfois, on se dit même, en observant certaines personnes fragiles - femmes enceintes, vieillards, enfants souffreteux, que l'amour les tuerait.

  • Rendre à César

    Il y a entre la démocratie et l'appareil d'Etat qui s'en réclame le même rapport qu'entre la religion et l'Eglise catholiques.

    Plus on s'élève dans la hiérarchie, moins la foi est grande ; plus la foi est grande au contraire dans l'une ou l'autre de ces religions, plus la méconnaissance de l'appareil est grande.

  • Violence

    La violence est partout. Le mot "bêtise" dit assez bien son origine. Jésus-Christ se montre indulgent avec les hommes parce qu'ils sont tous bêtes.

    Mes concitoyens sont choqués par la violence d'autrui, rarement par la leur ; pourtant, combien d'abandons, d'insultes, de tortures infligées aux autres et à soi, de meurtres prémédités, de suicides, d'avortements, de courses de bagnoles, de corridas, de coïts, de cinéma américain...

    Si j'étais président de la République, j'interdirais l'amour, car il est source de violence et de heurts incessants.

    L'essayiste George Orwell, qui s'est penché sur la violence des temps modernes, dont nous savons qu'elle a provoqué et provoque des morts violentes par paquets de mille, au point de faire paraître l'assassinat à coups de couteau au coin d'une ruelle sombre une vieille coutume folklorique pittoresque, G. Orwell écrit ceci : "Nous ne dormons en sécurité dans nos lits que parce que des brutes montent la garde dans la nuit, prêtes à massacrer ceux qui voudraient nous faire du mal."

  • Humaine Eglise

    L'abbé Mugnier (1879-1939) dans son Journal passe son temps à dénigrer l'Eglise catholique, son clergé imprégné d'un "esprit de sacristie". Néanmoins, cet abbé resta dans le giron de l'Eglise et continua d'accomplir ses rituels.

    Avec quelle personne se comporte-t-on ainsi ? Avec sa vieille mère, dont on cerne les limites, qui nous irrite avec ses manies, mais que l'on ne peut se résoudre à laisser.

  • Péché de jeunesse

    Il y a un péché que j'ai commis dans ma jeunesse -lié à ma jeunesse et à mon éducation catholique- et ce péché est une erreur d'appréciation.

    Je suis donc bien placé pour rectifier cette erreur chez les catholiques persuadés que la rectitude du jugement est catholique.

    Mon erreur fut de croire le catholicisme en lutte contre la pensée "mondaine".

    Un autre élément peut contribuer à le faire croire à un jeune Français ; les catholiques sont en effet la cible de brimades (légères) de la part des élites républicaines laïques, qui prétendent ainsi perpétuer l'esprit des Lumières (en réalité les cours d'éducation civique républicains sont éloignés de la critique argumentée produite par certains philosophes des Lumières).

    Contrairement à d'autres nations occidentales, la France ne clame pas haut et fort ses "racines chrétiennes". Tant mieux ; mais c'est une erreur d'en déduire que le catholicisme s'oppose à la pensée mondaine.

    Ma conviction croisa en chemin Bernanos et Léon Bloy (surtout ce dernier), ce qui eût pour effet de la renforcer et de l'affaiblir en même temps, ce que l'on comprendra en lisant le paragraphe suivant. 

    Bernanos et Bloy sont loin d'être des catholiques typiques, c'est-à-dire d'indiquer le sens du catholicisme. Pour ainsi dire, ils ne sont pas loin de faire au clergé les mêmes reproches que les jansénistes firent aux jésuites auparavant, d'avoir compliqué l'enseignement du Messie et de s'être compromis en fréquentant la haute société.

    Bernanos et Bloy ne sont pas typiques, mais ils ne sont pas exemplaires non plus, car leur critique les entraîne à un paradoxe, une sorte d'impasse ; ils prônent la fidélité à l'Eglise romaine, tout en accumulant les preuves de l'imperfection de son clergé ; ils ne sont pas loin de former ici le rêve d'une Eglise parfaite, abandonnant au clergé catholique le soin de gérer une réalité beaucoup plus triviale.

    N'entend-on pas plutôt Jésus-Christ dire que, lorsqu'un arbre ne donne pas de fruits, il ne faut pas hésiter à le couper, stigmatisant de cette façon l'échec du clergé juif ?

    Ces catholiques atypiques m'ont conduit à creuser la question de la doctrine catholique, jusqu'à découvrir en quoi elle joue un rôle déterminant dans la formation de la "pensée mondaine", c'est-à-dire de la culture occidentale dominante qui cherche à s'imposer au monde entier, à travers l'idée démocratique, les "droits de l'homme", mais aussi le capitalisme (formule économique mystique) ou le progrès technocratique.

    Prenons un exemple ; lorsque Bernanos énonce que "le hasard est le dieu des imbéciles", il souligne un aspect saillant de la culture contemporaine et de la détermination de l'homme moderne.

    Comme Bernanos a décelé aussi un effet affligeant de la technocratie, qui consiste à réduire l'homme à une bête ou à un robot, on pourrait ajouter ceci que, pour l'homme moderne, la liberté n'est que le fruit du hasard. Pire que la dictature, qui nie la liberté positivement mais ne peut empêcher certains d'y croire, les régimes totalitaires propagent une idée de la liberté, sur le modèle du hasard, qui tend à anéantir l'aspiration à la liberté véritable, c'est-à-dire à l'affranchissement de la condition humaine.

    Cette observation est juste de l'entraînement de l'homme moderne à une liberté qui ne signifie RIEN ; mais ce que Bernanos ne voit pas, c'est à quel point l'Eglise romaine a joué un rôle décisif dans l'élaboration de cette sorte de néant spiritualisé ou d'existentialisme hasardeux.

    La contribution de l'Eglise romaine à l'imbécillité moderne sera visible si l'on fait le rapprochement de la culture médiévale et de la culture ultra-moderne, par exemple, où l'on verra que cette dernière n'est que le développement de l'autre - en philosophie, en art, en science, et dans bien des domaines. Le moyen-âge et les temps modernes ultimes se ressemblent dans la mesure où ce sont deux époques dont les cultures ploient sous le poids de l'idéologie. L'obsession médiévale antichrétienne de la "cité idéale" se retrouve aujourd'hui dans l'obsession de la "vraie démocratie".

    L'arbitraire de la culture occidentale moderne découle de l'arbitraire de la doctrine catholique romaine. Qui cultive la rectitude du jugement à l'intérieur de l'Eglise romaine est amené à sortir de cette cathédrale entièrement rhétorique pour revenir à la simplicité du message évangélique et des apôtres. - Heureux les amoureux de la simplicité, ils seront tenus à l'écart des raisonnements philosophiques.

  • Du Mysticisme

    Le mysticisme est le déguisement préféré de la bêtise et de l'ignorance.

    Je ne veux pas restreindre le propos au mysticisme religieux, car nous vivons dans une époque mystique au sens très large, sans doute l'époque la plus mystique de tous les temps.

    Cela fait bien rire d'entendre parler de "cartésianisme" en un temps où la croyance dans la démocratie, ou bien dans le voyage dans le temps, les univers multiples, l'amour, la paix dans le monde, les super-héros (j'en passe et des meilleures), sont répandues dans le peuple et même les élites.

    Le goût généralisé de la musique est le signe d'une culture mystique ; comme la musique est un remède, cela signifie que le mysticisme est une maladie.

    - Le christianisme est-il une religion mystique ? On peut le croire si on se fie à la coïncidence suivante : les nations occidentales, baignant dans cette culture mystique, revendiquent en même temps le plus souvent le christianisme, à l'exemple des Etats-Unis ou de la Russie, revenue aussi vite qu'elle l'avait abandonnée à l'orthodoxie. On peut le croire si on se fie à un ouvrage tel que le "Génie du christianisme" (Chateaubriand), mystique à bien des égards, pour ne pas dire mystificateur.

    Mais si l'on examine les écritures saintes chrétiennes, on verra qu'elles ne sont pas mystiques. D'abord parce que les apôtres éclairent des pans de la religion juive demeurés obscurs jusqu'à l'avènement du Sauveur, de sorte que l'on peut dire que le christianisme est moins mystique que le judaïsme, qui déjà se distinguait des religions païennes par une vision du cosmos plus claire, moins propice à l'hystérie mystico-religieuse.

    On note qu'il y a bien quelques aspects des évangiles qui demeurent mystérieux, comme le nombre de la bête (666) ; saint Paul qualifie aussi de "grand mystère" le mariage du Sauveur et de son Eglise ; l'apocalypse de Jean peut paraître un texte mystérieux : de nombreux passages sont seulement mystérieux du fait de l'ignorance de l'homme moderne du langage des symboles.

    Néanmoins, dans tous les cas, l'encouragement explicite du Sauveur et des apôtres est à élucider les quelques passages mystérieux des Evangiles, non à entretenir le mystère. De même les évangiles ne font pas de la science un péché ; les Français le savent bien puisque les philosophes des Lumières se sont appuyés sur les évangiles pour contester le monopole du clergé catholique sur la vérité scientifique, vérité bien sûr relative compte tenu de l'ignorance persistance de nombreux aspects du cosmos.

  • De l'Athéisme

    Par un étrange retournement des choses, le chrétien peut être considéré aujourd'hui comme un athée, puisqu'il n'a foi dans aucune des utopies politiques à la mode : ni l'utopie communiste égalitaire, ni l'utopie réactionnaire (retour à l'ordre ancien), ni l'utopie libérale-technocratique, ni SURTOUT PAS l'utopie démocrate-chrétienne, qui fournit la clef pour comprendre notre époque prétendument "complexe".

    L'utopie démocrate-chrétienne peut être définie de façon sommaire comme la version séculière de la doctrine catholique romaine. Elle est centrale ou matricielle, dans la mesure où les utopies politiques citées auparavant sont déterminées par elle ; l'utopie libérale-technocratique, trop froide ou intellectuelle, est la plupart du temps associée à la démocratie-chrétienne, censée l'humaniser (dans le projet de constitution européenne, par exemple) ; l'utopie réactionnaire se définit CONTRE l'éthique et la politique judéo-chrétiennes, dont elle propose parfois de purger le monde, à différents niveaux (Nietzsche, Hitler) ; l'utopie communiste égalitaire est une sorte de christianisme social qui ne veut pas dire son nom, en raison de la compromission ancienne du clergé avec les puissants de ce monde.

    A quoi il faut ajouter l'utopie politique écologiste, sorte de tentative pour redorer le blason de l'utopie politique auprès de la jeune génération. Le paganisme recèle un écologisme véritable ; l'utopie politique écologiste, sur de nombreux points (sa prétention à l'humanisme) trahit qu'elle est d'abord une perspective utopique, encore une fois par contraste avec la culture de vie païenne, qui est une écologie véritable.

    L'utopie réactionnaire pure (Nietzsche) a le mérite de mettre à jour un élément important, à savoir l'absence de but politique véritable dans les utopies auxquelles la doctrine réactionnaire s'oppose, assez énigmatiques du point de vue réactionnaire par conséquent. Au regard de Nietzsche, le christianisme est plus ou moins une erreur funeste.

    Au chrétien, ces utopies politiques en apparence diverses doivent apparaître pour ce qu'elles sont, à savoir une diversion. Elles sont faites pour prendre la place du mythe apocalyptique. J'écris "mythe" à dessein, car l'homme moderne prétend avoir surmonté le mythe grâce à sa science et la raison qui en découle (à l'exception du mythe d'Oedipe) ; or il se trouve que l'homme moderne a foi dans des utopies politiques qui semblent défier non seulement la science, mais parfois le bon sens. Qu'y a-t-il de vraiment rationnel dans le capitalisme, qui détermine l'existence d'une bonne part de l'humanité ?

    On peut résumer la culture moderne à une tentative de faire obstacle au progrès de l'apocalypse dans les consciences. Pourquoi, comment expliquer un tel complot ? N'est-ce pas un peu gros ?

    Ma réponse :

    - Examinez d'abord à quel point les arguments des politiciens modernes sont grossiers, qui se résument presque tous à la promesse d'enrichissement, en-deçà de la jouissance. L'envie, viscéralement ancrée dans l'homme, d'égorger son voisin, disparaîtrait du fait du partage des richesses à égalité ? Qui peut croit à ça ? Il est vrai que la redistribution de l'argent peut avoir un effet de contrepoison, mais il ne résout en aucun cas le problème de la condition humaine, dont tout laisse penser qu'il martyrise l'homme autant que les privations physiques.

    - Voyez comme la doctrine réactionnaire est simpliste, elle aussi, qui réduit le monde moderne à 2000 ans de bêtise chrétienne. Il suffirait de regarder le christianisme pour ce qu'il est aux yeux de l'antéchrist Nietzsche - une illusion -, et la nature pourrait ainsi reprendre ses droits sur l'homme et le ramener à la raison de son créateur, Satan/Prométhée/le feu créateur ?

    - Le complot de la pyramide des intérêts humains contre l'apocalypse chrétienne se comprend très bien du fait de la peur que l'amour de Dieu inspire à l'homme. Quiconque fait un effort pour comprendre la parole de Dieu comprendra qu'elle est un véritable défi lancé à l'homme, complètement inédit et très différent du confort intellectuel procuré le plus souvent par la religion. 

    Celle-ci consiste ordinairement à s'en remettre à un dieu abstrait, ses ordres abstraits, ses visées abstraites (l'algèbre et le calcul abstraits sont des refuges pour les esprits faibles), dont l'Etat moderne est un équivalent.

    Le paganisme est un arrangement avec dieu ; il n'y a pas de transaction, pas de doute possible avec le dieu des juifs et des chrétiens - Jésus-Christ a ainsi énoncé que "Celui qui n'est pas avec lui est contre lui.", et ce faisant il ramène chacun au sens de l'histoire.

    Ce complot, Shakespeare l'a consciencieusement illustré et décrit dans "Hamlet", n'omettant aucune des ruses de Satan. La tenture que Hamlet transperce est le voile du mensonge, cette culture moderne que je mentionne plus haut - Polonius le personnage-clef du complot (celui qui incarne le plus la culture moderne).

    Ce qu'aucune religion n'avait fait avant, le Christ le propose, à savoir aller à la rencontre de son père, dieu lui-même. La parole de dieu bouleverse ainsi les rapports humains, d'une façon que l'on peut croire définitive, et qui bouleverse radicalement l'organisation humaine.

    La culture moderne est un labyrinthe, destiné à emprisonner la conscience humaine dans les lois et les arcanes de la physique, à faire écran à la porte étroite de la métaphysique. Cependant la culture moderne ne peut obstruer complètement cette porte.

    Il faut avoir lu les évangiles pour concevoir la menace qu'ils représentent pour la pyramide humaine ; c'est pourquoi Satan recrute le plus souvent ses disciples parmi les élites cultivées et christianisées. A la doctrine radicalement antisémite et antichrétienne de Nietzsche sont préférées des méthodes de subversion plus subtiles comme la "doctrine sociale" (sic) des papes catholiques, la propagande démocrate-chrétienne, qui épargnent le nom de Jésus-Christ mais vident son enseignement de sa substance.

    Nombre de catholiques qui se croient "chrétiens" aujourd'hui, relèvent d'une double référence à la philosophie païenne de Platon et aux évangiles, références incompatibles. Nous devons les inciter patiemment à purifier leur foi lorsqu'elle est sincère des éléments qui proviennent de la philosophie de Platon.

  • Place de la Métaphysique

    Jamais le mot "liberté" n'a été autant prononcé que dans les régimes totalitaires. Ils constituent à la fois l'obstacle à la liberté et la preuve que celle-ci existe bien.

    La mort est le produit de la volonté humaine. On peut même dire de l'homme moderne qu'il s'acharne à mourir, bien qu'il donne l'apparence de se consumer lentement.

    L'immortalité, quant à elle, est le fruit de la liberté.

  • Rendez à César...

    Le régime officiellement laïc et républicain de la France peut faire croire que les catholiques sont "dissidents". Etant gosse et catholique, je l'ai moi-même cru, tout en observant le conformisme du clergé catholique vis-à-vis des lois de la République.

    En réalité, l'idée d'un catholicisme dissident est aussi fausse qu'une vanité de gamin qui fait rouler ses muscles pour épater la galerie : l'Etat républicain laïc est largement le produit de la philosophie du droit catholique romain. La lecture de Karl Marx, notamment, m'a permis de comprendre à quel point la République française est fille de l'Eglise romaine ; d'abord parce que Marx, historien allemand largement inspiré par l'école réaliste anglaise m'a fait prendre du recul par rapport au "roman national" français ; ensuite parce que Karl Marx réduit à néant la philosophie de Hegel, qui constitue le soubassement de la religion des élites européennes, QUE CES ELITES SOIENT ATHEES OU SE DISENT CHRETIENNES.

    La "laïcité" est en effet une construction intellectuelle qui découle de l'interprétation subversive du clergé catholique de la parole d'Evangile fameuse : "Rendez à César ce qui est à César..." ; cette interprétation est subversive puisqu'elle vise à restaurer le césarisme sur la base des paroles messianiques qui le proscrivent. Cette subversion de l'Evangile nous projette dans l'apocalypse, qui décrit avant tout le combat de la vérité contre le mensonge, un mensonge qui prend des proportions à la fois titanesques et subtiles (contrairement au mensonge païen ordinaire, à savoir la loi de l'éternel retour, qui pose le principe d'une humanité soumise aux lois de la biologie et à elles seules).

    D'abord la culture païenne ignore la laïcité ; il n'y a jamais eu de régime politique païen athée. L'évangile propage une forme de laïcité au sens de l'irréligion, dans la mesure où l'évangile met en garde contre la religion païenne, celle-là même qui est accordée au gouvernement des hommes.

    Ce que le clergé catholique s'efforce d'aménager, ce sont les droits du clergé catholique à faire de la politique, alors que ce n'est nullement le but poursuivi par le Messie quand il prononce ces paroles. Le but du Messie est simple : il dissuade ses disciples de prendre la politique véritablement au sérieux. Comme toutes les choses temporelles, la politique n'est pas une chose véritablement sérieuse du point de vue chrétien.

    Le catholique qui affirme, comme étant la doctrine catholique : "Les moeurs sont avec la foi le plus haut domaine de compétence de l’Eglise", se trompe donc et trompe son prochain. Les évangiles s'attachent à nous montrer le Messie comme un être exemplaire, non pas sur le plan des moeurs, mais sur le plan de la défense de la Vérité, où il est infaillible. Dans quelle doctrine vérité et morale sont confondues ? La philosophie païenne de Platon.

    Cette doctrine catholique prétendument "classique" est en réalité médiévale - un reflet du Temps, et non inspirée des évangiles chrétiens. Quel besoin y a-t-il de compléter les paroles du Messie, parfaitement claires et concordantes ? La doctrine catholique n'a ici aucune légitimité.

    Le rapprochement du clergé catholique et de l'autorité républicaine n'est d'ailleurs pas sans rappeler le rapprochement des juifs pharisiens avec l'autorité romaine il y a de cela deux millénaires.

  • Elections et boniment crétin

    A quel péché capital le chrétien songe-t-il en observant le cirque des élections présidentielles ? Je dirais la luxure, au vu de cette débauche de tracts, d'interviews, de temps passé à arpenter le pavé pour tenter de convaincre son prochain de voter pour tel ou tel candidat...

    Mais aussi, comme la démocratie est un régime de plaideurs, où la rhétorique occupe une place extraordinaire, le chrétien songe à l'évangile de Matthieu, largement consacré à la défense de la vraie religion contre celle des pharisiens et des scribes :

    - Ecoutez et comprenez ! Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme ; mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui souille l'homme. (Matth. XV, 11)

    Il n'y a rien de plus détestable que le "boniment chrétien", et les flatteries en direction du peuple à l'occasion de la campagne électorale y ressemblent beaucoup, du fait de cette philanthropie frelatée que l'on trouve dans toutes les bouches, dont l'organisation sociale dément systématiquement la sincérité.

  • Satan dans l'Eglise

    S'il y a bien une manifestation courante de l'athéisme au sein de la communauté des soi-disant chrétiens, c'est la passion pour le débat politique. Elle trahit la foi ou l'espérance dans un avenir, un "au-delà", en même temps qu'une inquiétude dont les évangiles sont les plus dissuasifs.

    Cette passion pour la politique contredit l'incitation du Messie à se tourner vers les choses de l'Esprit et non les questions temporelles ou sociales.

    L'interdiction de bâtir le royaume du Christ sur la terre est violée lorsque tel ou tel "chrétien" prétend instaurer une "politique chrétienne" ou la prône. On se situe sans doute au niveau de la fornication et du satanisme quand un prêtre, s'exprimant au nom ou dans la suite des évangiles proclame que "C'est un devoir chrétien de voter".

    J'écris "débat politique" et je parle de "passion" pour indiquer à quel point la politique déborde désormais le domaine des choses pratiques. Pour ainsi dire le domaine des choses pratiques est l'affaire de quelques-uns, que l'on nomme "administrateurs", tandis que le débat est l'affaire de tous, bien que l'on puisse douter de son utilité. La politique occupe donc les esprits de ceux qui en ont peu, et la place démesurée accordée au débat ("Ce qui sort de la bouche de l'homme, c'est cela qui souille l'homme.", prononce Jésus-Christ) nuit à l'administration pratique.

    L'absence de pragmatisme de la politique moderne peut se traduire par une forme de mysticisme, assez creux -disons le mysticisme de l'Avenir-, mais qui fascine un grand nombre de personnes. Ce mysticisme frelaté a un but de subversion du christianisme, reconnaissable à deux traits caractéristiques : - d'abord le mysticisme fait perdre à la politique son caractère pragmatique en lui assignant des missions qui ne relèvent pas de la politique ; deuxièmement ce mysticisme est une sorte de philanthropie, à laquelle de nombreux clercs disent adhérer, mais qui n'a aucun fondement évangélique.

    La nécessité que les sociétés humaines ont de s'organiser est un besoin banal auquel le message évangélique ne s'oppose pas. Jésus-Christ ne propose pas d'abolir la peine de mort ou la guerre en appliquant une morale extraite de son enseignement. De même, auparavant, Moïse ne régna pas sur l'Egypte en souverain, mais incita symboliquement le peuple juif à fuir l'Egypte.

    La politique n'est pas l'affaire des chrétiens fidèles en tant qu'ils sont chrétiens ; en revanche la corruption et la subversion du message évangélique à travers un discours politique prétendument chrétien doit mobiliser contre elles tous les chrétiens qui ne sont pas athées, portant le déguisement des racines chrétiennes de la France, ou de telle ou telle autre insanité de propriétaire bourgeois.

     

  • Religion du bonheur

    Il faut mener un combat sans repos et sans merci pour être heureux.

    Il y a de plus une idée du bonheur proche de la vie, pour les gens aisés, et une idée du bonheur proche de la mort pour les esclaves ou les personnes soumises au hasard, ce destin boiteux et souffreteux.

    Le bonheur est devenu une chose si compliquée que certains en oublient l'amour ; toute la ruse de Satan est là.

  • Votez con !

    Journal d'un chrétien en période de campagne électorale, alors que la pensée magique bat son plein.

    La promesse d'égalité est le meilleur moyen de créer des divisions au sein des peuples opprimés. Aucun parti politique désormais ne peut se priver de ce moyen politique machiavélique. L'importance de l'égalité illustre d'ailleurs l'importance du calcul dans la culture bourgeoise.

    Ce qui a été accompli "au nom du peuple" en politique l'a rarement été, voire jamais, au profit du peuple.

    L'égalité n'est donc pas une recette pour remédier à l'injustice, mais un moyen pour la perpétuer.

  • Saint Marx

    Saint Marx veut nous tirer du rêve où la bourgeoisie a ses racines et les actionnaires de la bourgeoisie veulent emprisonner l'humanité.

    A la suite de Shakespeare, Marx est un briseur de rêve, un massacreur d'Avenir, là où la bourgeoisie se trouve enracinée. Coupez la bourgeoisie de ce pieux mensonge qu'est le rêve, et elle se mettra à convulser.

    Tenez-en pour preuve que le rêve et l'argent sont deux plans identiques, et voyez ce qu'une petite saignée d'argent entraîne dans les régimes capitalistes : ils commencent déjà à se faire dessus.

    L'Etat soviétique a immédiatement rétabli le rêve dans ses droits. Tandis que l'Eglise romaine théorisait le paradis au-delà, le parti soviétique a théorisé le paradis sur terre et l'a appelé "socialisme". Non pas Marx ; Marx est resté fidèle à la science.

    "Le Capital est le principal ennemi du Capital." : ce qui est valable pour le Capital est valable pour le Totalitarisme, dont le capitalisme représente la raison sociale, l'impulsion nerveuse.

    Autrement dit, le totalitarisme trouve en lui-même son point de rupture ; il vient de la tension extrême à laquelle la rhétorique du mensonge est soumise.

    On ne peut avoir une vision d'ensemble du totalitarisme, cette barbarie qui s'avance au nom de la culture et du progrès, de la démocratie, si l'on ne comprend pas quel est son mobile. Si Marx n'est pas loin de le cerner, c'est en raison de ses références bibliques.

  • Bouddha pourquoi faire ?

    Il y a quelques jours le Dalaï Lama tweetait ceci : "Toutes les religions ont le potentiel de créer de meilleures personnes - mais aucune religion ne peut clamer sa suprématie au-dessus d'une autre."

    Le dogmatisme en creux de ce chef bouddhiste ("aucune religion ne peut") permet de comprendre pourquoi le bouddhisme est aussi en vogue dans le monde moderne. Par ailleurs j'ai expliqué sur ce blog comment le monachisme catholique a produit une religion très proche du bouddhisme, où la règle de vie l'emporte sur le message évangélique, qui finit par disparaître au profit de vagues doctrines sociales allemandes ou de recettes de boy-scouts.

    C'est en effet une sorte de relativisme qui est exprimée ici sous le couvert de la sagesse bouddhiste, un relativisme en adéquation avec la mentalité du quidam moderne. Il évoque l'adage, aussi répandu qu'il est stupide et démenti par la réalité : "La liberté d'Untel s'arrête où commence celle d'autrui."

    A quoi cette phrase correspond-elle, dans un monde où les rapports de force violents sont palpables à chaque instant, dans chaque endroit ou presque ?

    Mettons entre parenthèses le message chrétien que la sentence du Dalaï Lama ignore ou condamne implicitement : il est parfaitement faux de dire que toutes les religions païennes se valent. Il y a, dans la manière de concevoir et d'organiser les rapports entre l'homme et la Nature, des religions païennes plus intelligentes et supérieures aux autres. Il y a des religions qui permettent une meilleure jouissance et un plus grand bonheur que d'autres.

    De plus, suivant la caste à laquelle on appartient, sa situation sociale, la religion ne s'applique pas de la même manière. Pour simplifier, on ne jouit pas des mêmes droits, et on n'a pas les mêmes devoirs suivant sa condition. Il est étonnant que le Dalaï Lama ignore complètement le fait du partage inégal des biens et des pouvoirs, auquel toutes les religions et tous les clergés participent pourtant.

    Mais revenons maintenant au message évangélique : il échappe à l'admonestation du Dalaï Lama, car le message évangélique n'a absolument pas pour but de "créer de meilleures personnes" - le christianisme n'est pas une éthique, le christianisme n'est pas une philosophie, bien que certains insinuent le contraire "au nom du Christ", afin de se mettre au diapason du monde.

    Le message évangélique ne répond pas au besoin de la plupart des hommes de vertu et de raison, mais plutôt à l'aspiration de quelques-uns à l'amour, chose qui, du point de vue de la vertu peut sembler une folie, et qu'il l'est dans la mesure où elle fait perdre à l'ordre établi sa valeur mystique.

    Quand le Messie proclame qu'il n'est pas venu pour faire la paix, mais la guerre, comment peut-il mieux stupéfier les bouddhistes et signifier nettement que son message n'est pas fait pour tout le monde, mais seulement pour ceux qui veulent vraiment le salut ?

    A contrario, qui fait vraiment le choix du vice ou de la vertu ? N'est-on pas, dans ce domaine, presque entièrement déterminé par les lois de la physique ?

    La déclaration de guerre du Messie des chrétiens ne fait que traduire la conscience qu'il n'y a pas de paix possible dans ce monde, contrairement à l'affirmation des prêtres qui agitent sous le nez du peuple cet opium pour le faire patienter.

    La déclaration de guerre du Messie pousse à faire un choix, non pas au rayon des religions anthropologiques, destinées à améliorer le séjour forcé de l'homme sur cette terre, mais POUR lui et AVEC lui, ou au contraire CONTRE lui.

  • Saint Marx

    Je ne parle pas ici de Lénine mais de Marx - précision utile, car la propagande communiste a présenté Marx comme le père de la révolution soviétique - ce qu'il n'est pas.

    Il est plus juste de définir Marx comme l'ennemi de la philosophie occidentale moderne ; comme cette définition convient aussi à Nietzsche, encore faut-il préciser une différence majeure.

    Du "veau d'or", l'antisémite Nietzsche ne parle quasi pas. Il compte même sur les riches bourgeois pour éradiquer le christianisme et le judaïsme dans les milieux populaires. Selon Marx, au contraire, le veau d'or est au centre de la tragédie moderne, dont l'Etat n'est que l'avatar juridique.

    L'incitation de Marx n'est pas à dérober leurs biens aux riches, ni même à les contraindre à un mirifique partage, mais à échapper à l'aliénation que la richesse entraîne. Du point de vue de Marx, la corruption des élites modernes est plus grande que celle du peuple (qu'il ne flatte pas pour autant, ainsi que les démagogues, mais encourage à s'affranchir).

    K. Marx défait le lien entre les élites et le peuple, que l'Eglise romaine avait conçu, soumettant celui-ci à celui-là pour des raisons divines. Le Christ fit pire encore contre la société : il délia les Juifs de l'obéissance qu'ils devaient à leurs prêtres, ayant mis à jour les manquements de ceux-ci, et leur ignorance de la prescription divine essentielle - l'amour.

  • Dans la Matrice

    Une expression à la mode, "réalité augmentée", est typique du lexique totalitaire. En effet la technologie n'améliore pas la perception de la réalité : elle ne l'augmente pas mais l'altère.

    Il faut ajouter que c'est dans le domaine de la science que cette altération est la plus grave : les outils de plus en plus puissants et précis au service de la science ne permettent pas de mieux percevoir la réalité dans son ensemble. Ces outils performants sont aussi trompeurs que les sens dont l'homme est naturellement dotés.

    Les outils technologiques sophistiqués permettent de mieux voir les détails, mais ils ne sont d'aucune utilité pour traduire la réalité cosmique de façon intelligible.

    Prenons un exemple : "l'infini", qui n'est au départ dans le langage des mathématiciens que la manière de désigner ce qui est difficilement quantifiable, tant spatialement que temporellement, a pris peu à peu dans les régimes technocratiques le sens d'une valeur définissable, puis certaine, et perdu sa signification "en creux". L'outil a ainsi contribué à abolir des limites fondées autrefois sur l'expérience.

    La tâche de l'ingénieur, du concepteur des nouveaux outils de la science, est beaucoup plus abstraite que celle du savant, au sens strict, qui s'efforce au contraire de se rapprocher de la réalité, dont l'homme est éloigné à cause du défaut ou de la marge d'erreur de ses sens.

    Cette altération de la réalité par les outils et le discours technocratique est aussi observable en divers points tel que celui-ci : la science technocratique a opéré sa jonction avec la science-fiction, dont le but courant est de divertir. Autrement dit, l'expérience a une part très réduite dans la science technocratique. Beaucoup de lois et de propriétés de la physique moderne ont un usage industriel et technologique, mais elles ne rendent compte de la réalité physique globale que d'une façon très parcellaire.

    Le savant technocrate moderne n'est pas exactement aveugle, mais les lunettes qu'il porte indiquent bien la focalisation excessive de son attention sur tel ou tel détail, qui l'empêche d'avoir conscience de l'ensemble.

  • Voter pour qui ?

    Il n'y a pas de "vote chrétien", c'est une certitude au regard de la prohibition formelle du Messie faite à ses disciples de tenter d'établir le royaume de Dieu sur la terre.

    La compromission de certaines Eglises soi-disant chrétiennes, l'Eglise romaine en tête, avec telle ou telle culture nationaliste païenne, nous permet de mesurer la puissance du mensonge de Satan.

    Si la doctrine démocratique fait référence au christianisme, c'est bien sûr afin de manipuler des opprimés ; parce qu'elle contredit l'évangile et parce qu'elle a été utilisée afin de séduire, la démocratie-chrétienne se trouve être l'opinion politique la plus abjecte aux yeux des chrétiens fidèles à la parole de Dieu.

  • Le Christ anarchiste

    - N'ayez pas peur ! dit Jésus-Christ à ses apôtres.

    Or la peur est le ciment social par excellence ; on ne peut pas parler de régime totalitaire, c'est-à-dire d'un régime asservissant un myriade d'humains (l'aspect quantitatif est une dimension importante du totalitarisme), sans évoquer le chapitre de la peur, d'où part l'adhésion au totalitarisme ; mais on ne peut pas parler non plus de la famille, formule sociale primitive, sans parler aussi de la peur, qui justifie la vie domestique. On voit le Messie, à l'entame de sa vie publique, s'émanciper des affaires et considérations domestiques.

    L'indifférence du chrétien aux questions sociales et politiques tient sans doute à ceci qu'il n'a pas peur ; l'avenir est une chose qui préoccupe surtout les lâches - ce qu'il y a de lâche en chaque homme et l'incite à "cultiver ses racines" ou autre religion païenne mystique du même goût.

    On peut ainsi aisément relier la peur et l'argent, comme Molière nous y invite dans sa comédie de "L'Avare", où l'argent n'a plus seulement le sens d'une transaction banale, mais une valeur mystique d'assurance, illusoire et analogue à "l'au-delà" de la mort.

    On voit que l'avenir est la religion ou la préoccupation des personnes riches, qui possèdent beaucoup d'argent ou de biens.

    Le jeune homme riche de la parabole respecte scrupuleusement les prescriptions de la religion juive, mais il ne veut pas renoncer à ses richesses, probablement parce qu'il n'est pas capable de dépasser sa peur, cette peur qui nous éloigne de dieu et nous oblige à garder les yeux rivés sur cette terre comme des lâches.