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Lapinos - Page 136

  • Marx pour les Nuls (3)

    Comment un marxiste peut-il reconnaître un libéral à coup sûr ? (Tous ne portent pas une casquette de base-ball ou des ray-ban, il en est même qui se disent trotskystes ou marxistes, voire catholiques.)

    Mon piège préféré : faire lire un roman d'Evelyn Waugh. Si le sujet rit, c'est qu'il n'est pas vraiment "libéral".

     Maintenant, comment reconnaître un PHILOSOPHE libéral ? Parlez d'art et de politique en même temps, tout naturellement. Ce sont des terrains où le philosophe libéral est très mal à l'aise. Déjà, il ne voit même pas le rapport.

     

     

  • Pragmatisme

    Ne dites pas "Rien ne va plus" mais "Tout va bien".

  • Triptyque politique (III)

    Quelle nation couve alors aujourd’hui le progrès et la modernité ? L’Inde, et plus encore la Chine, les pays musulmans, sont largement fantasmés par les bourgeois occidentaux afin de légitimer leurs politiques commerciales. On ne s’indigne de la dictature birmane à la télé que pour mieux trafiquer, dans la réalité, avec la Chine. Le “ressort” des libéraux, il n’est pas besoin d’aller le chercher bien loin. Un énergumène comme Guy Sorman, de retour de Chine, avoue la réalité de la misère matérielle et morale des Chinois, immédiatement avant d’énoncer que le système capitaliste est le meilleur des mondes possibles. De Sorman à Pangloss.

    Reste Poutine et la Russie. Plusieurs facteurs semblent indiquer que les Russes sont les seuls à ne pas avoir perdu la tête. C’est peut-être la seule chose que BHL a vue, c’est comme si son instinct lui avait révélé que la menace la plus sérieuse pour son compte en banque et son système de pensée débile se situe en Russie.
    En effet, Poutine semble s’efforcer de tenir en respect ce qui pourrait constituer en Russie une classe libérale irresponsable telle que celle qui s’est emparée du pouvoir à l’Ouest de l’Europe, une classe avec laquelle les catholiques n’auraient jamais dû collaborer : Bernanos l’a fait et il s’en est très vite repenti. Ça n’a pas servi de leçon à tous ces démocrates-chrétiens : Xavier Darcos, Patrice de Plunkett, Philippe Oswald, Philippe de Villier, Christine Boutin, etc.

    D’autre part, c’est une sorte de dialectique historique que Poutine réalise au plan idéologique. Au lieu de fonder la nouvelle nation russe sur des principes juridiques abstraits, comme les États-Unis, et sur une histoire entièrement fabriquée en conformité avec ces principes, au lieu d’amputer l’histoire comme ont fait les Français, Poutine fait la synthèse entre la monarchie orthodoxe et le communisme soviétique : foi et raison.
    Benoît XVI dit la même chose, mais il parle dans le désert, les occidentaux libéraux ne retiennent que les aspects secondaires de sa pensée, sur la liturgie, la famille, le débat dépassé sur le concile Vatican II, cette querelle désuète de moines désœuvrés.
    Le comble, c’est que la synthèse de Benoît XVI rencontre celle de Poutine, alors même que le pape est “interdit” de circuler en Russie. Ça n’est un paradoxe que pour les libéraux qui n’y entendent rien à la politique, ou pour les démocrates-chrétiens “œcuméniques”. Lorsque le figuier ne porte pas de figues on le coupe pour en faire du petit-bois.

  • Triptyque politique (II)

    Après les Etats-Unis et la France, passons au Royaume-Uni. Nul doute que les Britanniques surpassent en intelligence les Français. Ils n’ont pas élagué l’arbre en commençant par les racines, comme la bourgeoisie française.
    Ils n’ont pas renié Shakespeare comme nous avons renié Molière ou Racine. Mais les Britanniques, dissimulant derrière un double-jeu politique leur mépris pour la “civilisation” yankie, les Britanniques, pris à leur propre jeu machiavélique, ne savent plus très bien eux-mêmes où ils en sont, du côté de Shylok ou du côté d’Henri V.

    L’Allemagne, c’est une affaire entendue, après son écartèlement et sa décapitation, se réveille à peine. Ce raseur de Gunther Grass peut passer en Allemagne pour un penseur. Les Allemands en sont même réduits à importer pour se nourrir la littérature de Beigbeder, Eric-Emmanuel Schmitt ou Houellebecq !
    L’Allemagne, d’ailleurs, a-t-elle jamais vraiment existé ? Tout au plus de 1870 à 1943, et dans la cervelle embrumée de Maurras et des gaullistes.

  • Triptyque politique (I)

    « En Amérique, nous n’avons pas de tradition conservatrice aristocratique, ni de tradition marxiste ou socialiste. Nous sommes un pays fondamentalement libéral. Le spectre politique est plus limité qu’en Europe. »
    Samuel Huntington (“Manière de voir”, oct.-nov. 2007)

    En d’autres termes, l’élite nord-américaine n’a pas une conscience politique très développée, voire pas de conscience politique du tout, tout juste a-t-elle conscience, comme Huntington, de sa médiocrité.
    En effet, il se trouve que le marxisme d’une part, et le "conservatisme aristocratique" d’autre part, promu par des écrivains tels que Waugh, Barbey d’Aurevilly, Baudelaire, principalement, sont les deux pointes de la pensée occidentale. C’est parce qu’ils sont privés du marxisme et de la pensée réactionnaire aristocratique que les Yankis confondent l’invention du Viagra, de l’internet ou de l’I-pod, avec le progrès, la modernité.

    Un des points communs entre le marxisme et le “conservatisme aristocratique”, pour reprendre le terme d’Huntington, c’est la méthode historico-critique. Cette méthode a été abandonnée peu à peu en France depuis la révolution de 1789 sous les régimes bourgeois libéraux qui se sont succédés après que les fanatiques révolutionnaires ont perdu le pouvoir.
    Aujourd’hui la conscience politique, en France, malgré le recul historique dont nous bénéficions, est faible, étranglée par les démocrates-chrétiens, les socialistes, les libéraux de gauche et de droite, tous bâtards de la même idéologie funeste.

    Difficile de trouver en France de véritables réactionnaires, ou même des marxistes cohérents. Les penseurs marxistes français, Althusser, Balibar, etc., mélangent l’ordre des priorités chez Marx ; ainsi l’athéisme de Feuerbach n’est qu’un point de départ pour Marx et pas un point d’arrivée ! Eteindre le mysticisme, hégélien, de la pensée marxiste, est un contresens : ça revient à transformer le marxisme en système, en philosophie. Sans compter les sociologues ineptes comme Baudrillard ou Debord, qui ont pompé sur Marx quelques idées originales mais les ont maquillées avec des gadgets sociologiques roccoco.

    On a presque en France des penseurs marxistes “kantiens” ou "freudiens" : un comble ! La seule qui grimpe sur les épaules de Marx pour voir encore plus loin, c’est Simone Weil, et elle est presque entièrement marginalisée, diffamée dans “Les Temps modernes” de Lanzman par un yanki obtus.
    De Michel Onfray en passant par Luc Ferry jusqu’à Alain de Benoist, les idéologies les plus ringardes prolifèrent en France, qui fut naguère le pays des Lumières.

    Dans le domaine artistique, le terme de scandale n’est pas exagéré. La France qui, jusqu’au XIXe siècle, emportée par son élan, offrait un cadre politique à la production artistique la plus élevée, elle ne songe plus aujourd’hui qu’à singer le mercantilisme yanki. Quand j’entends parler d’art contemporain, je sors ma cravache.

  • Marx pour les Nuls (2)

    Depuis Jean-Jacques Rousseau, Diderot, Voltaire, la pensée libérale n'a fait que décliner, lentement mais sûrement. Pour être exact, elle a fait le chemin de la poésie à la logorrhée. Kant et Nitche sont des étapes décisives, que Schiller et Goethe compensent à peine.

    On va dire : "Mais les idées de Rousseau, celles de Diderot, déjà, sont bêtes !" Certes, mais Diderot, et surtout Rousseau, en sont conscients. Ils ne sont pas aveugles et entêtés. Lorsque l'abbé Galiani démontre à Diderot que les idées économiques libérales sont simplistes, Diderot l'admet sans faire la mule. On subodore que c'est le simplisme même de ces idées qui a séduit Diderot, esprit rêveur - qui retombe aussitôt d'ailleurs dans ses rêveries.

    Mais cette franchise d'un philosophe libéral à admettre son erreur, cette liberté-là est perdue depuis longtemps, il n'y a plus que de féroces crétins, qui, dès qu'ils dénichent un esprit libre, un esprit différent, d'où qu'il vienne, le traquent comme un lapin.

    Bête, Jean-Jacques ? Certainement pas, il choisit ses idées en fonction de leur beauté plastique et pas de leur vérité. Il a l'intelligence de son art. Au demeurant les idéologues libéraux ont pioché chez Rousseau ce qui les arrangeait. Si ce genre d'exercice avait de l'intérêt, on pourrait faire la démonstration que Rousseau n'est pas si loin de Maurras au plan des idées. "La politique d'abord", répète Rousseau.

    Le bon sens, Voltaire en avait sans doute un peu plus, mais il le gardait pour lui. On lui doit quand même Pangloss, qui préfigure le crétin capitaliste moderne, Guy Sorman par exemple, qui nous affirme, au nom du pragmatisme - tant qu'à faire -, que son système inéluctable est le meilleur des mondes possibles.

     Ils s'appelaient "philosophes" mais c'étaient des poètes, épatés par le bon sens anglais, qui leur était étranger. ll y a quelques jours à la télé, BHL était confronté à Daniel Herrero, une sorte de rugbyman poète. Le lyrisme de cet Herrero, qui n'est pourtant pas Chateaubriand, fit pâlir notre philosophe ; chose incroyable, il baissa même les yeux. Cet Herrero l'avait mis à poil. Ni conscience ni candeur.

     

  • Encore un essai ?

    Ça faisait trois ans déjà que je l’avais perdue, du jour au lendemain. Je la croyais loin de Paris, quelque part en Italie, en Allemagne, ailleurs. Et puis je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai tapé son nom dans "Google", puis dans l’annuaire. Elle était là, tout près, de nouveau. Je n’ai pas pu m’en empêcher, quelques minutes plus tard j’ai composé son numéro, comme un con. Je suis tombé sur lui. Toujours là. J’ai rusé, mais je crois qu’il a deviné… une voix de gosse inquiet ; la menace que j’avais fait planer autrefois sur la tête de ce brave type, car je suis sûr que c’est un brave type : un astrophysicien, ça ne peut être qu’un brave type - la menace était de retour. Merde, si ç’avait été un avocat ou un toubib, je n’aurais pas eu autant de scrupules, mais un astrophysicien, c’est désarmant.

    Les sentiments, c’est l’idéologie la plus difficile à vaincre. Je croyais m’en être débarrassé, depuis le temps. Qu’est-ce qui m’a plu, chez cette fille, en dehors de son cul et de ses molets, honnêtement, hein ? Bac+12 en littérature comparée et même pas foutue de connaître Céline, ni Von Salomon, ni Waugh ; ni même de lire Cicéron dans le texte ; et qu’est-ce qu’elle lisait, cette dinde, pour se distraire ? “Bonjour tristesse” ! Qu’est-ce qu’elle buvait, cette nouille ? De la tisane ! Ses idées politiques ? Aucune ! Elle disait qu’elle était de gauche mais elle ne savait pas bien pourquoi, ça faisait partie de son milieu… bon, pas de baratin, c'est déjà ça.
    Est-ce qu’elle baisait bien, au moins ? Mieux qu’une Française, mais c’est pas difficile, les Françaises sont tellement prévisibles, comme programmées.

    Alors quoi ? Peut-être c’est cette fêlure qui m'a touché, comme si elle avait connu la guerre, des temps difficiles, qu’elle savait que tout allait exploser dans la minute suivante.
    Et quand je lui parlais du bon Dieu et de ses saints, elle me regardait un peu comme si j’étais le type qui a le pot de colle qui va consolider la potiche brisée. Et en même temps, il se peut très bien que j’ai imaginé tout ça, vu qu’elle me regardait aussi en souriant, parfois, comme si j’étais zinzin.

    Merde, j’ai honte de ma faiblesse. Aussi loin que je rembobine le fil, ma conscience politique s’est toujours heurtée à mon penchant pour les gonzesses, et vice-versa. Déjà lorsque j’avais dix ans et que la poitrine replète de la petite Laetitia, dix ans aussi mais un châssis de vingt, me faisait l’effet d’un coup de couteau dans le bas-ventre quand je la regardais en coin, tandis que la peau cuivrée de la grande Valérie, deux ans de retard scolaire, soit cinq d’avance, la grande Valérie qui portait des corsages ajourés me faisait palpiter sur mon banc, je luttais, mieux que maintenant, parce que je voyais le commerce avec les gonzesses comme une sorte de truc nihiliste ou bouddhiste, un puits assez immonde dans le fond.
    La femme, c’est le repos du guerrier, d’accord, et pour la plupart elles ne désirent rien d’autre, ça saute auxyeux. Encore faut-il des guerriers.

  • Table rase de la télé (7)

    Altercation sur le plateau de Guillaume Durand entre deux philosophes contemporains, Michel Onfray et Jacques Attali :

    "- Libéral !

    - Irresponsable ! (c'est pareil)"

     Vont-ils s'entretuer ? Hélas non, la réalité de la promotion commerciale de leurs petits ouvrages les rattrape bien vite. Ils se réconcilient au pied de cet autel, à coups de compliments :

    "- J'aime beaucoup votre micro-crédit !

    - Et moi votre université populaire !"

    Xavier Darcos, la seule lueur d'intelligence qui brille au gouvernement, n'a pas de mal à mettre en miettes les petits fétiches de nos deux prophètes de bonheur.

    Mais lorsque le ministre de l'Education faisant l'éloge du pragmatisme et de la raison déclare qu'il fera tout pour s'opposer au pouvoir de l'argent dans l'Education nationale, on ne peut s'empêcher de penser à toutes les promesses que les démagogues de sa famille politique n'ont pas tenues. Et "C'est en vain que Sarkozy prospère..."

    Un symptôme intéressant : les trois interlocuteurs, le ministre en uniforme de ministre et les deux philosophes en uniformes de philosophes s'accordent pour dire que Marx et la révolution sont dépassés. Quand on se réclame de Nitche comme Onfray, il ne faut pas manquer de culot pour dire ça vu que Nitche était déjà ringard dès sa publication ; mais ce que pensent Attali, Onfray et même Darcos de Marx, on s'en beurre le museau, ce qui est intéressant c'est que Marx ait surgi tout d'un coup, comme ça, comme un spectre dans cette conversation entre bourgeois libéraux.

    *

    Sur une autre chaîne, encore un documentaire sur les kamikazes japonais du maréchal Ugaki. Ce documentaire occulte évidemment un fait historique majeur, à savoir que les Etats-Unis n'ont jamais remporté une véritable victoire militaire de leur histoire : avec toute leur armada ils n'ont pu aller au-delà de l'île d'Okinawa. La victoire des Etats-Unis sur le Japon est la victoire d'un terroriste, MacArthur, mieux armé, sur un autre terroriste, Ugaki. Ben Laden réveille de vieux souvenirs.

    Les documentaires sur les kamikazes sont assez nombreux sur les chaînes publiques, entre horreur et fascination. Logique, vu que le samouraï-kamikaze est en quelque sorte l'antithèse du démocrate libéral, de Michel Onfray par exemple.

     

  • Marx pour les Nuls (1)

    Je tombe par hasard sur le site d'Alain Soral sur une phrase de Roland Gaucher, un ex-pote de Le Pen aujourd'hui décédé qui dit à peu près : "Maurras et Karl Marx sont utiles pour qui veut bien comprendre la politique."

    En réalité, lorsqu'on lit Marx on comprend à quel point Maurras et la politique, ça fait deux. Bref, si on est pressé, on n'est pas obligé de lire Maurras, on peut passer à Marx directement.

    Quant à Le Pen lui-même, je ne crois pas à sa conversion au marxisme une seconde. Même s'il a un petit côté Lénine, fondamentalement Le Pen est un anarchiste, un trublion, ce qui explique pourquoi il a été séduit à la fois par les thèses libérales (Blot, Mégret, Le Gallou) et maurrassiennes. Le libéralisme, l'anarchie et le royalisme ne sont que trois facettes d'une même utopie, que chacun choisit en fonction de son tempérament.

    D'ailleurs Le Pen comme son pote Gaucher, je crois, est l'auteur d'une étude sur le mouvement anarchiste, je ne parle pas des guignols qui servent de service d'ordre à l'UNEF dans les manifs aujourd'hui.

  • Revue de presse (XIX)

    Je ne peux pas m'empêcher de jeter régulièrement un oeil dans l'hebdomadaire "Famille Chrétienne". C'est le dernier organe d'expression de la démocratie chrétienne, une idéologie en voie de liquéfaction. La plupart des démocrates-chrétiens sont devenus des démocrates tout court, des démocrates banals, sauf "Famille chrétienne" et de petits bulletins comme "La Nef", l'"Homme nouveau".

    Mais la démocratie chrétienne a joué naguère un rôle historique non négligeable, elle a même eu un homme fort en la personne du général De Gaulle.

     On écrira plus tard le tort que la démocratie chrétienne a causé au catholicisme en le compromettant avec le libéralisme et la démocratie. Il y a bien eu au XIXe des écrivains catholiques réactionnaires de talent pour s'opposer à cette trahison, Louis Veuillot et Léon Bloy en tête, et même un pape, Pie IX, mais en définitive ils ont perdu cette bataille, l'appui de la bourgeoisie libérale a permis aux démocrates-chrétiens de triompher.

    *

    J'étais surtout curieux de voir comment "Famille chrétienne" jugerait le cirque de Cécilia et Nicolas Sarkozy, qui ont transformé la politique française en mauvaise pièce de boulevard, ce bovarysme politique, alors que "Famille chrétienne" s'obstine à promouvoir le cadre familial comme le rempart le plus solide contre à la décadence des moeurs modernes, la famille que le Président de la République et sa deuxième épouse ont ridiculisée.

    La réaction du rédacteur en chef de l'hebdo, Philippe Oswald, la voici : "La rupture d'avec l'esprit de Mai 68 fut un leitmotiv de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Force est de constater qu'on reste loin du but (...). Car les esprits restent prisonniers de cette révolution libertaire qui érige les désirs et les satisfactions individuelles en norme du bien.

    Quel redressement espérer pour notre société, si chacun, jusqu'au sommet de l'Etat, s'enferme dans la recherche du souci de soi et en fait profession publique ? A cette sincérité-là, on préférerait, à tout prendre, cette bonne vieille hypocrisie qui savait, dans son vice, rendre hommage à la vertu."

    Assez comique, je trouve, cet hommage du démocrate-chrétien à l'ancien régime. En gros Philippe Oswald s'estime trahi par Sarkozy. Cette blague ! C'est plutôt les lecteurs de "Famille chrétienne", s'ils avaient deux sous de catholicisme, qui devraient se sentir trahis par Oswald et son magazine qui a fait campagne en faveur de Sarkozy.

    Et puis il n'y a pas de "révolution libertaire", ni d'"esprit de 68", c'est un mythe complet. Il y a au contraire une continuité du pouvoir et le terme de "manif de consommateurs frustrés" est plus adapté. Cohn-Bendit, un révolutionnaire ? Foutaises !

    Alors, une prise de conscience de la part d'Oswald et des démocrates-chrétiens ? Non, car "Famille chrétienne", sur le fond, est une véritable incitation à regarder la télévision, ne cesse de faire l'apologie du cinéma yanki le plus niais, d'Harry Potter, les plus étronimes sottises ; des prêtres psychologues navrants, Tony Anatrella par exemple, dispensent leurs conseils "zen" à deux balles sous couvert de "modernité"... Bref "Famille chrétienne" dégouline d'existentialisme chrétien. Et Oswald prétend faire de la politique ?? Toute l'hypocrisie démocrate-chrétienne est contenue dans cet édito d'Oswald ("Famille chrétienne", 27 oct.-2 nov.).

     

     

     

     

     

  • Dieu mais pas Maistre

    Plutôt que de qualifier Baudelaire de poète "romantique", il paraît plus juste vu que cet épithète est un vaste fourre-tout, de qualifier Baudelaire de poète "renaissant". C'est pour ça qu'il est moderne et réactionnaire à la fois. C'est aussi pour ça qu'il est puissant, car la force d'un art, ou d'une science, se mesure au nombre de ses rejetons, et Dieu sait que Baudelaire n'a pas manqué de suiveurs de génie.

    Baudelaire, même s'il a pu commettre certaines erreurs d'appréciation, et son engouement pour C. Guys est sans doute exagéré, est un naturaliste éclairé, c'est-à-dire qu'il laisse dans l'art place, non seulement à la nature, mais aussi à Dieu et à l'homme. Les artistes renaissants comme Baudelaire font un travail de REcréation, c'est ce qui leur donne cette profondeur. L'idée, qu'on prend en pleine figure chez Picasso, ou la nature en pleine pomme chez Cézanne ou un peintre impressionniste, se combinent subtilement pour vous envahir par les cinq sens, sans oublier le sixième, dans l'art renaissant, caricaturé par les critiques dits "modernes", pour qui Baudelaire a des mots durs, qui prennent la Renaissance pour une époque de géomètres-experts puritains, de savants froids.

    L'idée de romantisme indique plutôt une idée de nostalgie, à la limite du pastiche, et donc de décadence. Le vrai poète romantique, pour moi, c'est Proust, petit-bourgeois incapable de comprendre, contrairement à Baudelaire, la modernité de Sainte-Beuve, mais cependant auteur de quelques pages émouvantes où sa détresse est palpable, l'effort de se rattacher à de petites choses concrètes mais tellement friables, un album de photos.

    *

    Je suis quand même obligé d'avouer que lorsque Baudelaire explique que Maistre lui a "appris à raisonner", je suis étonné. Bloy reconnaît d'ailleurs la même filiation avec Maistre, bien que Bloy prétende ne rien entendre à l'art de Baudelaire.

    Je vois mieux le rapport entre Maistre et Maurras. Car le parti-pris, le systématisme, chez Maistre, on le retrouve presque à chaque page. Comme lorsque Maistre déclare que les femmes ont autant de dispositions que les hommes pour l'exercice du pouvoir politique ; jusque-là, rien à dire, l'histoire du Moyen-âge où les femmes ont eu le pouvoir plus souvent qu'aujourd'hui permet en effet d'observer qu'elles se comportent à peu près comme des hommes politiques. Mais lorsque Maistre avance que les femmes ont même plus de dispositions que les hommes pour l'exercice du pouvoir, on ne peut s'empêcher de trouver ses raisons infondées et qu'il pousse le bouchon un peu loin.

    Baudelaire, parfois idéologue - qui ne l'est jamais ? -, a cependant une vision beaucoup plus concrète des choses que son cher Maistre. Ce qu'il a peut-être appris de Maistre, c'est à ne pas se soucier de l'opinion commune sur les choses, ce qui est peut-être une définition de l'esprit aristocratique. On voit bien d'ailleurs que plus le temps passe, plus l'opinion publique dans tous les domaines semble dictée par des imbéciles dangereux et qu'il est urgent de s'en écarter.

  • Futur de Présent ?

    Je suis loin de partager toute les idées véhiculées par le quotidien "Présent". Quand par exemple un de ses critiques d'art, Samuel, y fait l'apologie de l'art de Corot contre celui de Delacroix ou d'Ingres, je ne peux me retenir de froisser mon canard de rage ! Corot, Cézanne, Monet, surtout pas de vagues ! Tout ça c'est de l'art bourgeois, une étape dans l'évolution vers l'art contemporain, encore plus mesquin : du tam-tam pour faire croire à la foudre et au tonnerre.

    En revanche, le parallèle établi par le même Samuel entre la liturgie catholique contemporaine et l'art contemporain est beaucoup plus raisonnable. Sur le sujet de l'art, les incantations des papes, de Pie XII à Jean-Paul II en passant par Paul VI, illustrent leur parfaite ignorance (de théologiens ?) en la matière, et ne sont pas très éloignées des slogans des critiques d'art contemporain branchés - peut-être pas aussi saugrenues mais aussi plates qu'eux. "Ils aiment l'art pur car ils n'ont pas d'yeux !" a-t-on envie de dire pour imiter Péguy. Alors que la devise de l'art créationniste et réactionnaire serait plutôt : "Celui qui a des yeux, qu'il voie ; celui qui a des oreilles, qu'il entende."

     Mais, étant donné que Marx m'a appris à raisonner, je ne peux pas me désintéresser du destin de ce petit quotidien "Présent", menacé de disparition. C'est en effet le seul quotidien à ne pas dépendre de subventions gouvernementales, ni, surtout, de la "manne" publicitaire, qui ne tombe pas du ciel contrairement à ce que les libéraux prétendent ; menacé de disparaître au moment où Jean-Marie Colombani, qui avait tenté d'étouffer par des procès les critiques de "Présent" contre "Le Monde", est récompensé de ses bons et loyaux services par Sarkozy, après avoir été viré du "Monde" pour sa mauvaise gestion, officiellement (en réalité parce que Colombani incarne de façon un peu trop voyante la compromission des élites médiatiques avec le pouvoir politique. La question de la rentabilité d'un quotidien comme le "Monde", dans la société capitaliste dans laquelle nous sommes, est une question qui n'a pas de sens. Le but du "Monde" n'est pas d'avoir des lecteurs et de dégager des bénéfices pour continuer à publier des idées, des études, des reportages ; non, le "Monde" est un organe de propagande essentiel, propagande pour les produits qui sont vantés dans les encarts publicitaires, propagande plus largement pour tout le système démocratique puisqu'on sait que les rédactions des chaînes de télévision s'écartent peu du copier-coller du "Monde", l'adaptant simplement au style "prompteur".)

    Il y a aussi "Charlie-Hebdo" et le "Canard enchaîné", mais ce sont des hebdos, et le "Canard" joue beaucoup sur le goût prononcé des Français pour la délation, comme d'autres torchons jouent sur le voyeurisme, etc. Les lecteurs attentifs de "Charlie-hebdo" auront quant à eux remarqué qu'on voit de plus en plus les dessinateurs de "Charlie-hebdo" à la télé, Tignous, Charb, en plus de cette tête de boeuf-carotte de Siné et de ce raseur de Philippe Val. Autant on pouvait admettre que le talent assez exceptionnel de Cabu s'impose jusqu'au "Club Dorothée", autant cette compromission générale des caricaturistes de "Charlie" avec les mass-médias, indique la "normalisation" de cet hebdo naguère satirique et impertinent, désormais aussi gélatineux que PPDA ou Guillaume Durand en fin de soirée.

     *

    Au fond, peu importe les idées défendues par "Présent", ou même le talent de ses rédacteurs, lorsqu'on lit un journal on pense presque toujours pouvoir faire mieux, je suis le premier à m'agacer de l'américanophilie primaire -ANTIFRANCAISE - d'un type comme Alain Sanders (comme quoi on ne se remet pas toujours d'avoir trop regardé de westerns dans son enfance), peu importe, si "Présent" vient à disparaître ce sera un événement significatif, que dans un pays où on ne cesse de claironner la liberté d'expression, le seul quotidien libéré des entraves de la publicité disparaisse.

    Encore une fois comment un marxiste resterait-il indifférent à ce phénomène ? D'ailleurs les penseurs politiques qui avaient anticipé d'un demi-siècle au moins l'état d'oppression dans lequel nous sommes aujourd'hui enfoncés, oppression des idées, de la science, de l'art, bref de tout ce qui est spirituel, système dans lequel les médias jouent un rôle déterminant, tous ces penseurs, je pense à Orwell, Huxley, Waugh, Simone Weil bien sûr, étaient marxistes ou catholiques, ou marxistes ET catholiques. Et on voudrait me faire avaler que le succès actuel de Kant, de Nitche, de Heidegger, de Lévinas, de Jeanne Arendt, bref de tous ces grands nuls, n'est qu'une coïncidence ?

     

     

  • La station à Môquet

    Le conseiller de Sarkozy, Henri Guaino, a eu avec cette idée de faire lire la lettre de Guy Môquet en public, une idée digne de BHL, de l'aveu même de ce dernier.

    BHL et Guaino ne sont pas dans le même clan, mais ils ont les mêmes idées. Bien que je ne sois pas moi-même baptisé dans la religion laïque, je relève quand même au passage que l'art napoléonien - les grandes toiles de David -, aussi "pompier" soit-il, contient autre chose que les purs artifices agités par BHL et Guaino. Le Marat de David est moins ridicule que le Môquet de Guaino.

    Sarkozy ne comprend-il pas que si les slogans généreux de Mitterrand, ses idées humanistes, ont pu paraître neuves en 1981, aujourd'hui tout ce fatras idéologique a un goût de déjà vu et de moisi. La sincérité qui était encore possible dans les années 80, je me rappelle un type hospitalisé qui avait pieusement piqué un poster de Mitterrand au-dessus de son lit, cette sincérité s'est dissoute dans le capitalisme. Qui nourrit encore des illusions à l'égard de ce régime ? Les capitalistes ou les ex-colonialistes comme BHL désirent préserver leur capital le plus longtemps possible, alors ils sont obligés d'y croire dur comme fer, mais ils sont bien les seuls.

    L'idéologie mitterrandienne est complètement "rassise" et ce n'est pas les penseurs du "Figaro" qui vont allumer une autre flamme.

    *

    La lettre de Môquet n'est qu'un bon exemple parmi d'autres. Peu importe au fond que Guy Môquet n'ait pas été un vrai résistant, qui en veut réellement à Sarkozy de déformer ainsi l'histoire dans ce pays ? Cette propagande arrange tout le monde. L'assentiment donné à cette politique d'auto-satisfaction, de gauche comme de droite, est quasi-général parce que ce brouillard dissimule que notre société capitaliste contemporaine est plus compromise encore avec la barbarie que celle de nos grands-parents.
    Débarrassé de la propagande, on est forcé de reconnaître que l'Allemagne "nazie", avant guerre, est une société démocratico-capitaliste, Hitler étant soutenu par les grands industriels de son pays comme Sarkozy est soutenu par Bouygues, Lagardère, Dassault, Bolloré, etc., et soutenu par le "peuple", l'opinion publique, à qui il ne faut pas demander un discernement trop grand.

    La société capitaliste nazie a en outre réussi le socialisme comme la gauche française n'a pas réussi à le faire, mettant en place une solidarité sociale plus réelle que celle qui existe aujourd'hui en France, largement théorique et enfermée dans la bouche de quelques starlettes compatissantes.

    La vérité historique rend libre, mais qui veut de cette liberté ? La propagande est si confortable ! Elle permet de se soulager la conscience à si bon compte : il suffit de porter un pin's, comme BHL : "Touche pas à mon pote !"

    La vérité obligerait presque toute la société française à se remettre en question.
    Ainsi les démocrates-chrétiens ont voté majoritairement pour Sarkozy aux dernières élections. Le gouvernement de Fillon (qui aime se recueillir dans l'abbaye de Solesmes) entend-il faire quelque chose contre le suicide collectif de la société française, 200.000 avortements par an ? A-t-on entendu un seul des dignitaires démocrates-chrétiens, Mgr Barbarin par exemple, envisager de demander des comptes sur ce plan à Fillon ou Sarkozy ? Non, les évêques préfèrent faire des moulinets avec leurs goupillons en direction de Le Pen. Ça, ça ne mange pas de pain.

    *

    Cette affaire Môquet illustre la tendance nette de la société française, de plus en plus modelée par les médias, à ne plus se poser de questions morales que sur un mode virtuel : "Si j'étais né en 1917 à Leidenstadt, aurais-je fait partie de ces gens-là ?" ; à cette question stupide posée par un chanteur populaire fait écho cette interrogation de Mgr Vingt-Trois, cardinal désormais, se demandant si l'Eglise n'aura pas à se repentir dans le futur d'avoir été complice du crime de l'avortement généralisé (?). Nous vivons dans une société où les évêques ne sont pas moins stupides que les chanteurs populaires, par conséquent, et où, sûrement, ils ont moins de pouvoir.

    La différence entre Molière et La Fontaine d'une part, et Guaino et Môquet de l'autre, c'est que les deux premiers sont des révélateurs de la bassesse commune, acceptés par leur époque comme tels, tandis que Môquet et Guaino ne sont que des masques hypocrites, des cache-sexe puritains qui ajoutent à la bêtise universelle.

  • Deux bulldozers

    Marx est un peu aride pour certains ; et Aristote et Platon ? Il faut dire que les exégètes du Parti communiste français, tel Althusser, n’ont pas aidé à rendre Marx plus vivant.

    Outre Shakespeare, Dickens, Balzac, dont la parenté spirituelle avec Marx est évidente et revendiquée par lui, difficile de ne pas faire entrer Evelyn Waugh (1903-1966) dans ce cercle. Plusieurs aspects de son roman-culte Vile Bodies (Ces Corps vils), notamment, évoquent fortement le "style" de Marx, son mode de raisonnement moderne.

    Ce n’est pas vraiment une surprise dans la mesure où Waugh est Anglais et que Marx est très influencé par la pensée anglo-saxonne, plus encore que les philosophes français des Lumières qui admiraient la politique anglaise sans vraiment chercher à la comprendre.

    *

    Au centre de Vile Bodies, la description d’une course automobile sur un circuit, est comme une métaphore du système capitaliste. Waugh insiste sur la bassesse morale des pilotes, la concurrence à mort qu’ils se livrent, l’absurdité de ce spectacle ennuyeux - à la limite de l’indécence.
    Un autre aspect : l’importance cruciale des classes sociales ; Waugh pose un regard lucide sur l’aristocratie anglaise ; bien qu’elle l’attire, il raconte sa déchéance.
    Mais Waugh, qui a tout fait pour épouser une aristocrate comme Marx, n’est pas communiste : il ne croit pas que la civilisation puisse se passer de l’aristocratie.

    Le plus caractéristique peut-être : Waugh s’abstient le plus possible d’entrer à l’intérieur des personnages de sa comédie humaine moderne. Ils sont déterminés par leurs faits et gestes, leur appartenance sociale.
    Nous sommes remplis d’illusions et de mensonges sur les autres et sur nous-mêmes.
    À partir de deux ou trois indices on a vite fait de déduire l’évolution de l’humanité du singe au métrosexuel ou à la femme libérée, i-pod dans l’oreille et sudoku sur les genoux.
    À partir de deux ou trois indices on a vite fait de s’attribuer un subconscient et un inconscient pour pallier son manque d’épaisseur.
    À partir de deux ou trois indices on a vite fait de se fabriquer une panoplie de super-héros et de rivaliser avec les dieux de l’Olympe. Etc.

    Ce qui intéresse Waugh comme Marx, c’est la vérité. Les idéologies personnelles, les petites chapelles privées que la démocratie stimule et entretient ne résistent pas à ces deux bulldozers.

  • Confluent

    Baudelaire et Marx ont en commun la détestation de la classe bourgeoise. Pour des raisons convergentes. La pensée réactionnaire française et le marxisme sont deux fleuves faits pour se rencontrer. L’idéologie communiste a contribué à l’occulter pendant longtemps. L’idéologie démocratique a pris le relais, avec pour slogan : « Marx et les réactionnaires sont dépassés, ils sentent le moisi. »
    C’est tout juste si les démocrates savent lire et ils prétendent pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie ?

    Comment un marxiste peut-il regarder l’art contemporain capitaliste de Pinault et Arnault autrement qu’avec mépris, autrement que comme le produit d’une politique, d’une civilisation décadente, autrement que comme Delacroix, Baudelaire, Barbey d'Aurevilly, Bloy, Villiers-de-l’Isle-Adam l’ont deviné ?
    Les artistes contemporains ne cessent de clamer leur liberté, leur créativité. Il suffit de creuser un peu pour voir qu’on a affaire à des marionnettes. Le plus académique des peintres du XIXe, Delaroche, tant vanté par Hugo, avait les mains moins liées que n’importe lequel des petits faiseurs d’art de maintenant.
    Le marxisme, en une phrase, c’est cet enfant dans le conte d’Andersen : « Mais le roi est… nu ! ».

    *

    Le peintre est l’adversaire du philosophe. Ce n’est sûrement pas un hasard si Drieu, qui désirait être peintre, a pu sentir aussi bien la convergence entre le marxisme et catholicisme. À rapprocher aussi, cette phrase de Péguy à propos de Kant, dont les libéraux empruntent tous plus ou moins les sophismes déconcertants, et qui, avec Nitche, est le philosophe le plus éloigné de Marx : « Kant a les mains pures mais il n’a pas de mains. »
    Réunissez un peintre et un philosophe, que celui-ci soit kantien, existentialiste, maurrassien, libéral, sadien, etc., ces deux ennemis finiront par en venir aux mains. J’ai toujours ressenti pour ma part que les philosophes représentent un danger public. Cela ne tiendrait qu’à moi, je donnerais l’ordre d’enfermer tous les philosophes, à commencer par BHL, Luc Ferry, Finkielkraut, dans de solides monastères, avec interdiction formelle de publier quoi que ce soit. L’autoflagellation les ramènerait peut-être à la réalité, et les travaux des champs.
    On pourrait envisager à la rigueur de délivrer des “laissez-passer” aux moralistes, mais à condition de les faire surveiller, car un moraliste peut à tout moment basculer dans la folie philosophique. La sagesse de Montaigne éveille en moi un sentiment de malaise. Comme si cette littérature n’était qu’un garde-fou.
    Les moines ne sont-ils pas de doux dingues assez sages pour comprendre qu’ils n’ont rien à faire au dehors, que l’enfermement les préserve et NOUS préserve ?

    *

    Ce n’est pas un hasard non plus si, en Allemagne, les artisans ont constitué le premier auditoire attentif de Marx.
    Evidemment un artiste “conceptuel”, par rapport à un artisan chargé de son matériel, de ses outils, a toutes les apparences de la légèreté et de la liberté. Les pets au vent aussi sont libres.

  • Jarry ou Feydeau ?

    Peut-on reprocher à une octogénaire cacochyme, elles ont été nombreuses dans ce cas, d’avoir voté pour Sarkozy ? Bien souvent recluses, condamnées à la télévision, terrorisées par les images des émeutes dans les banlieues, elles ont voté pour le ministre de l’Intérieur et de l’Ordre - ou supposé tel.

    Peut-on reprocher aux Alsaciens et aux Lorrains, ils ont été nombreux dans ce cas, d’avoir voté pour Sarkozy ? Comme Drieu la Rochelle le fait remarquer, si les Allemands ont le sens de la musique, ils n’ont pas celui de la politique et leur passion excessive pour l’ordre, à la limite de la géométrie, peut les mener aux pires extrémités afin de le préserver.

    Mais les démocrates-chrétiens ? Majoritairement ils ont voté pour Sarkozy, nouveau Guizot en plus cynique. Je ne doute pas qu’ils seront capables de trouver des phrases pour justifier leur choix et le spectacle décadent offert par le couple présidentiel qu’ils ont porté au pouvoir. Du Feydeau, mais au premier degré.

    *

    Mgr Barbarin, officiellement “primat des Gaules”, en réalité au bout de la peau de chagrin de son pouvoir temporel et spirituel, déclarait à l’occasion des dernières élections présidentielles que voter est un DEVOIR pour un chrétien, un catholique.
    Si le primat des Gaules prône le vote quand l’évêque de Rome prône au même moment la dissidence, c’est bien la preuve que la morale “naturelle” est un gadget théologique. Il n’est pas innocent que les démocrates-chrétiens s’abritent derrière ce genre d’arguties pour justifier tel acte et son contraire. La dialectique mensongère, ce n’est pas celle de Marx, c’est celle-là.

    Dans un réflexe typiquement démocrate-chrétien, Mgr Barbarin préférait s’abstenir de donner une consigne de vote précise. Maintenant que le scrutin a pris fin, je serais curieux de savoir pour qui Mgr Barbarin a voté, afin d’accomplir son devoir de chrétien, et comment il justifie son choix.

  • Sans rire

    La France est probablement le seul pays au monde où un VRP du capitalisme tel que Minc peut se réclamer de Marx et du marxisme sans provoquer l’hilarité générale.
    Minc est typique du cynisme des bourgeois qui se recouvrent d’une couche de bohême et d’idéaux altruistes pour mieux dissimuler leur petit mobile.

    Marx travaillait comme un nègre ; Minc, lui, fait travailler des nègres, nuance. Il s’est fait rouler par l’un d’eux, qui pompait sa prose sur un autre. Plutôt que la malhonnêté de Minc, cette affaire de plagiat signale l'ignorance de Minc. Cynique ET ignare, ce n'est pas incompatible.
    La dernière commande de Minc dont il préfère assurer le marketing en personne : une biographie de Keynes ; que je sache, la politique de dépenses publiques de Keynes n’a rien de spécifiquement marxiste ; elle n’est pas plus communiste que nazie ou démocratique.

    Pour justifier son marxisme, Minc se dit préoccupé par “la question sociale”. Toujours sans rire. C’est tout ce qu’il a trouvé. De Pétain à de Gaulle en passant par Blum, Hitler, Jaurès, Sarkozy, ce crétin d’Ozanam, qui n'est pas préoccupé par la “question sociale” ? Quel bobo n'est pas prêt à passer une nuit avec un SDF.

    Une politique plus originale, c’est celle de Baudelaire, c’est celle de Marx, c’est de se débarrasser de parasites comme Minc au plus vite, le contraire de ce que fait Sarkozy, qui semble les avoir tous ressuscités.

  • Psychologie de l'athéisme

    Il y a une manière un peu particulière pour un catholique marxiste de considérer un athée. Les Évangiles fondent une morale de l’action. Le marxisme lui aussi est une méthode : elle peut venir renforcer l’action catholique. Au cœur de la morale catholique, il y a la charité et le prosélytisme - la charité spirituelle.

    *

    Partons d’une représentation simple : qu’est-ce qu’un pur croyant aux yeux d’un pur athée ? Quelqu’un qui croit qu’il y a une vie après la mort et qui obéit à son Dieu, endure les souffrances de la vie en leur opposant l'espérance d'un monde meilleur, pour mériter à la fin la vie éternelle.
    Le minimum qu'on attend de lui, c'est qu'il aide les vieillards à traverser la rue. Souvent les athées sont sévères avec les chrétiens qui n'accomplissent pas leur devoir comme ils croient que ceux-ci devraient l'accomplir : sans défaillir.
    Les athées ont beau ne pas croire en Dieu et à la vie éternelle, ils savent se montrer des contrôleurs zélés des bonnes actions des croyants naïfs. Au point qu'on peut penser que si chaque croyant avait un athée pour tuteur, il serait à peu près certain de gagner sa part de ciel. Il y a même des athées comme Coluche, qui font la charité rien que pour prouver aux chrétiens qu'ils sont au moins aussi charitables qu'eux.

    De façon symétrique, un pur athée aux yeux d'un pur croyant, qu'est-ce ? C'est quelqu'un qui ne croit ni en Dieu ni en la vie éternelle, "tout n'est que matière et retourne à la matière", ce genre d'idée ultra-antique que l'athée s'efforce de démontrer par la science moderne. Un pur athée c'est le contraire de Sartre qui fait jouer ses pièces pendant l'Occupation allemande pour gagner sa croûte, non, un pur athée devant la douleur et la souffrance de la vie, la guerre, il aime mieux se suicider.
    Les croyants sont un peu choqués que les athées ne respectent pas ce principe de base du suicide et laissent Staline, Hitler ou Franklin Roosevelt faire le boulot à leur place.
    Bref, les purs athées comme les purs croyants ne courent pas les rues, même si on note une recrudescence du suicide dans les sociétés démocratiques.
    Derrière la condescendance des athées pour la naïveté des croyants, derrière celle, réciproque, des croyants pour l'inconséquence des athées, il y a la réalité religieuse que Marx permet de mieux saisir.
    (Je suis obligé de mettre l’athéisme de Marx entre parenthèse pour le moment, non parce qu’il contredit mon raisonnement ou qu’il ne m’intéresse pas, au contraire, mais pour ne pas surchager la démonstration.)

    *

    À la racine de l’athéisme, il y a une idéologie. Celle qui consiste pour un athée à croire que, contrairement aux musulmans, aux catholiques, aux orthodoxes, aux scientologues, lui n’adhère à aucune religion (Les athées adorent causer de la scientologie qui leur fournit une caricature pratique de religion.)
    Ici il faut distinguer deux sortes d’athées. Les athées sincères ou ignorants, d’une part (on peut parler ici de la "foi du charbonnier"), et d’autre part les athées qui utilisent cette idéologie pour faire du prosélytisme, l’idée séduisante que lorsqu’on n'adhère à aucune religion, on est plus libre et plus indépendant.

    Il est permis à un marxiste ou à un catholique de voir les choses de cette façon plutôt qu’à un démocrate-chrétien, parce qu’en réalité ceux-ci ont partiellement ou complètement glissé de la religion catholique à une autre. Concrètement plus rien ne sépare certains démocrates-chrétiens de la religion athée dominante. Les démocrates-chrétiens n'ont pas intérêt à dissiper l'idéologie qui protège leurs intérêts de classe. Un peu comme Sartre qui bascule dans l'existentialisme, les crétineries d'Heidegger, pour se protéger du marxisme et de ses conséquences spirituelles.
    Logiquement les démocrates-chrétiens devraient tout mettre en œuvre pour étouffer l'appel à la dissidence lancé par Benoît XVI, non pas à l'attention des catholiques de Chine mais à ceux du monde capitaliste, les rares paroles politiques de Benoît XVI, donc. De même la bienveillance de Benoît XVI vis-à-vis des musulmans on ne veut pas l'entendre. Ce que les démocrates-chrétiens veulent, c'est de la théologie existentialiste en veux-tu en voilà, comme si Baudelaire, Bloy, Claudel, ces grands docteurs modernes, ne suffisaient pas.
    Les démocrates-chrétiens vont faire diversion, rendre théorique la dissidence comme ils ont rendue théorique la pauvreté. Ils sont parfaitement prévisibles. J'entends d'ici leurs sophismes thomistes ou kantiens, leurs mille et une façons de noyer le poisson.

    *

    Plutôt qu'à l'athéisme, on est donc confronté à un paganisme somme toute assez banal et qui emprunte ses dogmes et ses préceptes ici ou là. La gloire du Panthéon n'est pas neuve.
    Peut-être pas la clef de voûte, mais au moins un des piliers de ce paganisme, c'est l'évolutionnisme. Rares sont les athées qui ne s'accrochent pas farouchement à cette hypothèse, qui leur sert de refuge. Il est tout à fait logique, dans un mouvement prosélyte, qu'ils essaient même de convertir le pape à ce schéma de pensée.
    Le plus farouche existentialiste athée n'échappe pas à la religion et à la politique. Nitche finit à l'asile. L'asile ou la prison, le monastère, ce sont là des lieux pour les existentialistes, faits pour entretenir les illusions libertaires.

  • Table rase de la télé (6)

    Alain Touraine, encore un démocrate au regard vif et pénétrant qui s'emploie à fourguer son pensum chez Taddéi : Titre du bouquin : Penser autrement. Argument de l'auteur : « Ceux qui disent qu'il y a un problème dans la politique et dans l'Éducation nationale sont des fachos. »

    Matricule suivant !

  • Revue de presse (XVIII)

    « (…) Malgré ses hypocrites protestations, il est manifeste que le voyage d’Alexis II, agent de l’ex-KGB, est un déplacement de propagande pour faire la promotion de son cher ami Poutine, en ces temps de fronde ukrainienne, reprendre en main les Russes de l’immigration, et contrer le renouveau traditionnel de l’Eglise catholique romaine.
    (…) Il est comique, pour ne pas dire plus, de voir le patriarche de Moscou et de toute la Russie (titre usurpé au XVIe siècle) soutenu par les poutino-maniaques de l’Occident, prétendre être “indépendant du pouvoir politique”. Tous les patriarches de Moscou ont été servilement à la botte des tsars d’abord, des bolcheviques ensuite.
    (…) On va nous traiter de grincheux. On nous chante qu’il s’agit de “rapprochement des Églises”, et qu’il n’est pas charitable de se méfier.
    (…) Il s’agit, enfin, de ramener dans le droit chemin de l’orthodoxie russe (qui doit gouverner la terre entière, un vrai chrétien est orthodoxe russe de Brest à Vladivostock, relire Dostoïevski.) (…).
    Faire l’éloge d’Alexis II, c’est faire la promotion de Moscou. Une fois de plus les Français vont tomber dans le piège de la pseudo-sainte Russie. »
    Hervé de Saint-Méen (“Présent”, 11 octobre)

    On pourrait objecter à cet Hervé de Saint-Méen que les évêques de France n’en sont pas moins proches du pouvoir politique ; on se souvient par exemple de la bouffonne tentative de Mgr Lustiger de se rapprocher de Balladur par l’intermédiaire de l’abbé de La Morandais.
    L’agitation médiatique de l’abbé Pierre, ancien député “radical” ou de Mgr Gaillot n'est par ailleurs que de la poudre aux yeux, donne l’illusion de la rébellion et de l'indépendance, mais n'en est pas. Les médias ont créés l’abbé Pierre et Mgr Gaillot qui étaient soumis à ce pouvoir, contraints de faire amende honorable lorsqu'ils enfreignaient un des nouveaux dogmes.
    On est loin de la rébellion d’un Mgr Von Galen contre les nazis puis les bombardements yankis. Mgr Vingt-Trois en est à se demander s’il ne faudra pas, un jour, faire repentance de la lâcheté actuelle (!). Il faut au moins avoir Kant+5 pour oser proférer une énormité pareille.

    Mais le bon sens d’Hervé de Saint-Méen est trop rare pour faire la fine bouche. Est-ce que l’impuissance politique de l’Europe, engluée dans le “processus démocratique”, oblige à prendre les délires de Dostoïevski pour argent comptant, ou, pire, ceux de Dantec sur les États-Unis et Israël.
    Lorsque BHL fait l’éloge des États-Unis, il est dans son rôle. La haine de BHL pour l’Occident, qu’elle soit opportuniste ou sincère, ne date pas d’aujourd’hui. Chevènement peut bien faire semblant de découvrir la nullité de BHL, il ne fera pas oublier aux amoureux de l’Occident que le PS a réchauffé cette vipère dans son sein et tant d'autres margoulins.