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  • Horreur télévisuelle

    Il faut voir l’air autosatisfait de cet écrivaillon, Ono-dit-Biot, bombardé spécialiste de la Birmanie à la télé sous prétexte qu'il y a passé des vacances et qui, sous couvert d’expertise, en profite pour fourguer sa camelote littéraire. Imitation de BHL, mais cinq ou six kilos en trop pour être aussi “crédible” que le "boss".

    S’il y a des dissidents sincères et éclairés en Birmanie, ce dont il est permis de douter vu la désinformation ambiante, certes leur cause n’est pas honorée ni aidée par ce genre d’énergumène - VRP de soi-même d'abord.

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    Les anarchistes aussi on les imagine plutôt maigres, à force de cavaler pour échapper aux flics. Ce n'est pas le cas du gras Siné, ex-publicitaire reconverti dans l'anarchie de comptoir, qui crachote quelques slogans à la télé contre Tintin-le-facho entre deux réclames avant de repartir se dorer la couenne dans sa villa corse, sous protection gendarmière. La Corse, qui n'est pas une colonie de peuplement, comme on sait, mais plutôt de "peoples" en goguette ou en post-retraite.

  • Censure démocratique

    Je trouve la mise à l’index médiatique de Tintin au Congo caractéristique du néo-colonialisme démocratique. Tous les ingrédients de la propagande sont là.
    Pour appréhender le néo-colonialisme d'un seul coup d'œil ? Eh bien qu’on songe par exemple au rôle capital de “Total” dans la vie politique française. Ou qu’on se souvienne de Chirac dans son costard de représentant de commerce en Chine. Voir encore l’état de l'Afrique après cinquante ans d'humanitarisme moderne tendance Bernard Kouchner. Les propos malthusiens tenus récemment par l’animateur Pascal Sevran sur l'Afrique sont aussi une bonne illustration.
    Il me vient encore une image : celle des massacres entre Hutus et Tutsis sous le regard indifférent des “soldats de la paix”.

    Non, vraiment, la “condescendance” de Tintin vis-à-vis des Africains n’est pas de mise ; lorsqu’on se contente d’exploiter les ressources minières du Tiers-Monde comme font les néo-colonialistes, mieux vaut être le plus diplomate possible et adopter l’attitude de maître Renard dans la fable : « Que mes ancêtres furent méchants avec vous, et comme vous avez eu du mérite à les endurer !… Cette autocritique vaut bien quelques concessions pétrolières, sans doute. »

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    La méthode est caractéristique également de l’hypocrisie néo-colonialiste. Le procès de Tintin au Congo est instruit par les médias. Sur le fond, le verdict est posé d’avance : Tintin est raciste, indubitablement. Pour ce qui est de la forme, on sait d’avance que Tintin au Congo ne sera pas officiellement censuré. Les néo-colonialistes veulent non seulement faire étalage de bons sentiments humanitaires, mais pouvoir réaffirmer de surcroît leur réprobation vis-à-vis de la censure… après avoir matraqué que Tintin et Hergé étaient de vilains colons belges sur toutes les ondes ! Et puis Tintin au Congo, même raciste, contribue à la croissance.

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    Le paradoxe n’est pas que l’extrême-gauche pseudo-marxiste ou pseudo-anarchiste et les libéraux capitalistes s’entendent comme larrons en foire pour dénoncer le racisme d’Hergé et le colonialisme belge. Rien de plus logique à ça. Ils communièrent aussi dans la haine de Saddam Hussein, et je n’ai pas souvenir de vives protestations lorsque Mitterrand prit la décision d’envoyer quelques avions pour bombarder Bagdad dans le sillage des Yankis. Aujourd’hui, tous ces néo-colonialistes rêvent ouvertement d’une guerre civile en Birmanie.

    Probablement les troskistes n’ont pas pardonné à Tintin d’avoir été un des premiers à dénoncer les crimes du régime trotskiste dans Tintin chez les Soviets… et les capitalistes “libéraux” d’avoir dénoncé la brutalité et le cynisme des Yankis, leur morale de gangsters et de journalistes, dans Tintin en Amérique.
    Le paradoxe est plutôt que des Africains éprouvent le besoin de s’impliquer dans ces gesticulations médiatiques de néo-colonialistes contre Tintin. Mais la connerie n’est-elle pas universelle ?

  • C'est mon choix

    Entre Mitterrand et Edwy Plenel, pas difficile de faire un choix. Pas plus qu’entre Chirac d'un côté, et F.-O. Giesbert ou Karl Zéro de l'autre. Chaque fois que j’ai aperçu la tronche de l’un de ces tristes guignols à la télé, ma défiance vis-à-vis de Mitterrand ou de Chirac s’en est trouvée automatiquement diminuée d’un cran.
    Entre Giscard et Jean-Edern Hallier, ma préférence s’inverse. Mais Hallier était-il vraiment un journaliste ? Il n’en avait pas le style.
    J’avoue d’ailleurs que dans la sympathie que j’éprouve pour Le Pen, la haine que lui vouent les baveux entre pour une bonne part. J’espère que quand il mourra, ils ne lui tresseront pas, malgré tout, des couronnes de laurier. Ça serait vraiment une fin horrible !

    Juppé aussi a eu des mots durs vis-à-vis des journalistes. Mais il en a épousé une, démocrate-chrétienne qui plus est, et il a pondu un petit bouquin faux-cul à mort il y a une dizaine d’années, typiquement dans la veine journalistique.

    Je suis bien en peine, pour l’instant, de dire quel journaliste a Sarkozy dans le collimateur ? Ils sont tous comme subjugués. Est-ce parce qu’il leur ressemble ou au contraire parce qu’ils le craignent ? Si Sarkozy ne profite pas de cet ascendant naturel pour tenter de remettre les journalistes à leur place, au ras du caniveau, mais qu’il se contente de soigner ainsi son complexe d’infériorité, le moins qu’on pourra dire c’est qu’il a manqué de machiavélisme.
    J’ai failli ne pas reconnaître Sarkozy l’autre jour à la télé ; on dirait qu’il a subi comme son confrère Strauss-Kahn une opération de chirurgie esthétique qui l’a défiguré. À moins que ce ne soit le maquillage ? Comme la morale dégénère en éthique, la beauté dégénère en esthétique.

  • Trop d'immigrés à la télé

    À la télé, l’historien Michel Winock avance timidement que le pouvoir des médias dépasse désormais celui des hommes politiques ; vu l’irresponsabilité des médias, ça lui semble inquiétant. Ce danger, Simone Weil le pointait déjà sans aucune timidité il y a plus de soixante-dix ans !
    La démocratie, au plan de la pensée, apparaît comme une sorte d’âge glaciaire. Régis Debray accuse soixante-dix ans de retard ; ce n’est qu’au plan de la syntaxe, complètement décadente, qu’il a dix ans d’avance.
    Même pour défendre l’égotisme bourgeois, il n’y a plus de philosophe du niveau de Sartre.
    La critique de la télé à la télé est forcément timide, quand la télé ne suscite pas carrément des guignols, de Gaccio à Jean-François Kahn en passant par Karl Zéro-talent, pour agiter des chiffons rouges : le fachisme, l’islam, la scientologie, l’antisémitisme, le réchauffement, etc., et faire diversion.

    En l’occurrence c’est F.-O. Giesbert, mi-homme de Cromagnon, mi-brute yankie, qui réplique à Winock que rien n’a vraiment changé sous le soleil depuis les démagogues de la Grèce antique.
    Winock disposait pourtant d’un bon exemple tout frais, celui de la guerre en Irak, déclenchée par les médias yankis d’abord, qui ont forcé la main de l’administration Bush, débordée par l'"enthousiasme populaire".
    Non contents d’avoir semé la zizanie en Irak, les démocrates voudraient voir maintenant l’anarchie régner en Birmanie. La dictature chinoise est beaucoup plus supportable : les Chinois sont de futurs clients - en Birmanie, il n'y a que des bonzes et des soldats.

    *

    Plus divertissant que le directeur du Point sur un plateau de télé, son chroniqueur Patrick Besson qui tente désespérément de “se faire adapter au cinéma” et pond ainsi des romans de plus en plus plats. On devine que Besson ne sera pas parfaitement heureux tant qu’il n’aura pas atteint le niveau de Marc Lévy.
    D’après Patrick Besson, on a tort d’être aussi sévère avec la littérature française, qui a de beaux restes. Qui a lu les sept cents romans de la rentrée et peut prétendre qu’ils sont unanimement mauvais ?
    Jusque-là l’argumentation de Besson est assez habile, même s’il doit être le dernier à mettre le nez dans cette surproduction de navets nouveaux.
    Mais après Besson dérape ; les Serbes sont souvent comme ça, d’un culot épatant dans un premier temps ; après, ils finissent par prendre leurs propres coups de bluff pour la réalité.
    Lui-même, dit Besson, est parfaitement capable de citer sur-le-champ une bonne vingtaine de noms d’écrivains contemporains compétents ! Une vingtaine ! Bigre, je sens qu’on va rire… Le chiffre est vite ramené à trois. Parmi les trois, Besson cite Frédéric Beigbeder. Ça aurait pu être pire, vu que Beigbeder a beaucoup lu et beaucoup pompé sur les “anciens”, mais quand même, le coup est un peu gros (sauf pour un plateau de télé).
    Laissons de côté les petits romans publicitaires de Beigbeder, qui n’ont aucune espèce d'intérêt. Lorsque Beigbeder est à son meilleur niveau, c’est-à-dire lorsqu’il se raconte, il est incapable de couper, sur trois pages, les deux qui sont ratées. C’est pourtant le b.-a.-ba du métier, et Besson le sait bien. Même si Céline n’est pas parfait, il y a dans Mort à crédit trente à quarante pages de trop, Céline a conscience de son métier et de ses propres limites, contrairement à Beigbeder. Il y a cinquante ans, on pouvait au moins dénombrer encore une petite dizaine d’écrivains et une petite dizaine d’éditeurs qui dominaient leur art.

    Plutôt que de continuer à entendre ce genre de grossièretés, je me demande parfois si je ne ferais pas mieux de demander l'asile politique à la junte birmane.

  • Revue de presse (XVII)

    L’hebdomadaire démocrate-chrétien Famille chrétienne, dans la logique de son soutien à la politique démago-libérale de Sarkozy, ouvre ses colonnes à un sociologue yanki pour démontrer à ses lecteurs que le capitalisme a son fondement dans le christianisme qui ne fait pas seulement valoir la foi mais aussi la raison. Comme s'il n'y avait pas assez de fantaisistes comme ça de ce côté-ci de l’Atlantique ! Comme si le capitalisme n’avait pas fait la preuve de son caractère complètement déraisonnable depuis belle lurette !
    Ce matin, dans mon supermarché, des pommes pas mûres à un euro cinquante le kilo en provenance d’Australie : quel homme un tant soit peu rationnel ne trouvera pas ce genre de trafic absurde ?

    Rodney Stark : ce gugusse diplômé ignore tout manifestement, non seulement du catholicisme, mais aussi du capitalisme et de la Révolution française de 1789 ; celle-ci a porté au pouvoir la classe bourgeoise qui faisait pression pour l’obtenir et renversé à la même époque l’Église catholique, saccagé l’art chrétien, traqué ses prêtres. Même s'il est impossible de faire complètement table rase du passé, les Jacobins avaient bien compris les bénéfices du colbertisme ; et le changement de cap est net comme le couperet de la guillotine.

    Marx l’a longuement décortiquée, la dynamique du capitalisme repose sur l’accumulation du capital, l’argent produisant de l’argent en dehors du processus classique d’échange d’une marchandise contre une somme d'argent. Cette “plus-value” qui grossit le capital indéfiniment est inséparable, non seulement du salariat généralisé, de la division accrue du travail et du machinisme, mais aussi du système bancaire actuel, très récent.

    Prétendre que ce type d’économie et la course aux gains de productivité étaient contenus en germe dans l’Occident médiéval chrétien, c’est faire comme si l’usure n’y était pas réprouvée. Le crédit à la consommation, le crédit immobilier trentenaire, techniques financières caractéristiques du capitalisme, sont des formes d’usure et, à ce titre, l’Église devrait catégoriquement persister à les condamner. Si elle ne le fait plus, c'est parce qu'elle n'a plus voix au chapitre.
    Le système d’épargne boursière également devrait être scandaleux pour le clergé contemporain, et, sûrement, il l’aurait été pour un clerc du Moyen-âge pour qui le commerce devait être subordonné à des fins extérieures et qui aurait forcément trouvé le système spéculatif insane.
    Un autre historien, un vrai cette fois, François Furet, a magistralement mis en lumière le fait que le capitalisme surgit dans toute son originalité dans l'Angleterre du XVIIIe siècle, qu’il n’est pas lié au progrès scientifique mais à un contexte politique et social bien différent de celui du Moyen-âge ou même de la France catholique de la même époque.

    Famille chrétienne se moque bien de la science et des vrais historiens et préfère gober le discours évolutionniste de M. Stark, qui vaut son pesant de beurre de cacahuète :
    « Malheureusement, il faut admettre qu’il y a dans l’Église des anticapitalistes, sans doute victime d’une désinformation [sic]. Pourtant, il ne faut pas confondre capitalisme et matérialisme ! Je ferai plus simplement remarquer au passage que les plus importantes manifestations de générosité individuelles proviennent de la nation la plus capitaliste au monde : les États-Unis d’Amérique. »
    (“Famille chrétienne”, 22-28 septembre)

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    Plus loin, dans le même hebdo, on peut lire ceci, cette question d'un journaliste, à propos du rugby, qui dénote bien du niveau spirituel atteint par les héritiers de Frédéric Ozanam (1813-1853) :
    « Alexandre Arnoux compare le ballon de rugby à une "hostie volante partagée entre deux tabernacles". N'y a-t-il pas une sorte de parabole "eucharistique" dans un match où des hommes se sacrifient en frères pour un Corps qui est l'équipe ? »
    Probablement le genre de "catholiques" qui crièrent au scandale lors de la parution il y a 150 ans des Fleurs du Mal de Baudelaire. La "raison" que les démocrates-chrétiens vénèrent sans même s'en apercevoir, c'est la raison du plus fort, celle qui permet par exemple aux capitalistes yankis de dire et de faire n'importe quoi sans être contrecarrés.

  • Vieilles gloires littéraires

    Sur le plan littéraire, Drieu est tout aussi lucide, si ce n’est plus. Emmanuel Berl, Julien Benda, Porto-Riche, Bernstein, tous ces ex-écrivains célèbres qui faisaient chier Drieu, ils n’intéressent plus personne en dehors de quelques maniaques bibliomanes désormais.
    Et pourtant, Dieu sait qu’on réédite tout et n’importe quoi aujourd’hui ! Rien ne serait plus facile que de payer un critique du “Monde”, de “Match”, du “Figaro” ou de “France 2” pour dire tout le bien qu’il pense de Porto-Riche et pousser le quidam à l'acheter…

    Lira-t-on encore Modiano ou Weyergans dans trente ans, dans vingt ans ? Houellebecq restera sans doute, mais plutôt en raison de son anticonformisme que de sa prose (Aussi, quelle erreur de se fondre dans le moule en faisant du cinéma produit par Lagardère.)

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    Préjugé favorable, tout de même, de Drieu en faveur de Nitche. Nul n’est parfait. Un préjugé partagé d’ailleurs par t’Sterstevens. Préjugé d’une époque. Et puis Drieu n’est pas un catholique conventionnel. Le superhomme, Zaratoustra, toute cette bimbeloterie… le goût pour les arts premiers n’est pas très catholique. Pour un catholique, les schémas marxistes de Simone Weil sont beaucoup plus raisonnables que la trahison par un Allemand francophile des grands moralistes français. Pourtant, Drieu le sait, le dit et le répète : les Allemands font de bons soldats, mais en politique ils sont nuls.
    Quant à Marx, beaucoup plus anglais qu’allemand, Drieu l’ignore presque complètement ; il est occulté par le communisme.

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    Apparemment sur un point Drieu s’est trompé. À la fin, estime-t-il, les Russes l’emporteront sur les Anglo-Saxons, pourris jusqu’à la moelle par le capitalisme.
    Dès le milieu du XVIIIe siècle, Grimm, le La Boétie de Diderot, aussi antipathique et visionnaire que Diderot est sympathique et aveugle, Grimm prévoyait que l’empire russe jouerait un rôle de premier plan à l’avenir, ce qui était loin d’être évident.
    Mais la dislocation récente de l’empire soviétique semble donner tort à Drieu. À moins qu’il faille attendre encore un peu ? Une chose est sûre, outre la haine du catholicisme et le mépris des Yankis, bref de tout ce qui n'est pas russe - un signe de santé psychologique -, les Russes ont ce que les "musulmans" n’ont pas et qui les condamne à demeurer sous la domination occidentale : l’unité, l’argent, les armes, et toutes les ressources énergétiques nécessaires.
    À tout prendre, Drieu aimerait mieux tomber sous le joug des Russes plutôt que sous celui des Yankis. Moi aussi : entre les gonzesses yankies et les gonzesses russes, il n’y a pas photo.

  • Prescience de Drieu

    Et la prescience de Drieu, n’est-elle pas étonnante ? Car il est isolé ou presque dans son “living room” mais avec quelques années d’avance prévoit la tournure que vont prendre les événements. Il y a sans doute des cartes d’état-major étalées chez lui, il connaît le nombre de divisions allemandes, britanniques, françaises, par cœur, il a beaucoup moins de préjugés que ses contemporains, et cela suffit.

    Comparons avec les politiciens actuels, incapables, avec leurs bataillons de soi-disant experts en économie et tous leurs logiciels, de prévoir ne serait-ce que six mois à l’avance une crise économique ! Tous les Attali, Cohen, Boissonnat, quelle bande de radoteurs inutiles ! Ils justifient après coup tout ce qu’on veut, ça, pour ça on peut compter sur eux. Attali publie un bouquin où il annonce la multiplication des i-pods, et tous les crétins qui sortent de Sup. de co. se ruent pour l’acheter.

    Le diagnostic de Drieu sur les campagnes d’Hitler : six mois de retard par année. Évidemment c’est le jugement d’un homme de méditation sur un homme d’action, mais il n’a pas tort, Hitler fond sur sa proie, puis il ne sait trop qu’en faire ensuite, il paraît tergiverser.

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    Ce goût pour la conjecture politique, dont Drieu affirme qu’il se passerait bien pour se consacrer entièrement à l'histoire des religions, est plus fort que lui. Conséquence directe, l’avortement est un sujet qui l’obsède. Il a déjà écrit une nouvelle qui tourne autour et a le projet d’écrire tout un roman dessus.
    La réaction des démocrates-chrétiens, qui sont en quelque sorte les “derviches tourneurs” du catholicisme, face à l’avortement, est beaucoup plus “calme”. “L’avortement ? Ah, oui, c’est embêtant, mais tant que le business va, tout va”, voilà à peu près le ton et l’esprit d’un évêque français moyen, pas très éloigné de celui de Fillon ou Sarkozy.
    Lorsqu’on se souvient de l’inaptitude de Mgr Lustiger au calcul politique, à miser sur Balladur plutôt que sur Chirac (Parce que celui-ci avait intercédé en faveur de Mgr Lefebvre ?), on se dit que les évêques feraient mieux de s’en tenir aux principes, ce pourquoi ils sont payés, au moins en partie.

  • Déclin et suicide

    Fin du "Journal" de Drieu. Ça se lit comme un roman existentialiste. Le meilleur jamais lu à ce jour en ce qui me concerne. Gilles, il y a une dizaine d’années, m’avait rasé. Moins de néant que chez Sartre, mais plus de suicide.

    Il y a des passages comiques, comme chez Rousseau. Ils tiennent au masochisme de Drieu, flagrant, et qu’il reconnaît lui-même : il parle de rêves érotiques où des femmes se tripotent entre elles ; d'après lui, ce genre de rêve est une preuve de masochisme. Tiens donc ?
    Plus nettement maso lorsqu'il se définit sévèrement comme le chantre de la force virile… en pantoufles. Certes, Drieu n’est pas un guerrier et passe le plus clair de son temps vautré dans son canapé, à lire et à méditer sur les religions, mais il a quand même fait la guerre de 14-18 vingt ans plus tôt, subi de terribles assauts aussi bravement que possible. Un autre que lui aurait pu bâtir toute une épopée à sa gloire à partir de ces quelques faits d’arme et tirer la couverture à lui. Céline, qui n’est pas aussi masochiste ne se prive pas de rappeler sa médaille et ses cicatrices d'ancien combattant pour mieux faire ressortir la lâcheté de ses détracteurs.
    Qu’on songe à BHL aujourd’hui : un petit tour dans une tranchée de Sarajevo, quelques caméras attestant sa présence là-bas ont suffi à ce paltoquet chafouin dépourvu de style et d’ambition pour se confectionner un cévé d’intellectuel résistant héritier de Malraux…

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    Autre épisode comique : lors d’un dîner avant guerre, l’écrivain Bernstein raille le titre du dernier roman de Drieu, L’Homme couvert de femmes. Dans son for, Drieu approuve Bernstein et reste pantois, rougissant même, honteux de ne pas trouver une répartie.
    Peu avant la déroute complète de l’armée française, Drieu croise cette fois Bernstein fortuitement dans le jardin des Tuileries. Il prend pour de l’ironie un « Courage ! » que lui lance l’autre et se rue dessus, furibard, lui flanque quelques coups de poings ; Bernstein gueule alors : « Frapper un vieillard de soixante-quatre ans ! », se défend en donnant quelques coups de pied ; et Drieu : « Rien de plus lâche que les coups de pied ! »… On imagine la scène.
    Aujourd’hui les nouveaux Bernstein ne courent plus le risque de croiser des écrivains incorrects. Le dernier pugilat que j’ai en mémoire était entre W. Volkoff et trois petites frappes sans honneur, dont Karl Zéro, sur un plateau de télé... mais c’était un traquenard. Depuis, tous ceux qui admiraient Volkoff, au moins pour son franc-parler, rêvent de croiser cet immonde Zéro dans Paris pour venger Volkoff… à la régulière.

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    J’éprouve comme un sentiment de fraternité pour Drieu. Ça tient surtout au fait que je suis, comme lui, un Français de souche. « J’ai reporté sur la France la défaillance de l’être en moi. Mais si je suis ainsi, la France doit être ainsi puisque je porte la France dans mes veines et que leur pulsation dit prophétiquement la santé de la France. » Paradoxalement, ça fait de nous des européistes acharnés ; le simulacre de France, désormais, toutes ces cérémonies laïques d’embaumement, puent le formol ; l’Académie française aussi pue le formol, il n'y a plus aucune sève ni aucune verdeur là-dedans.
    Le nationalisme est une idéologie de métèques pour qui la France est synonyme de IIIe République. Ça vaut aussi pour le métèque breton Le Pen. Drieu est plus charnel.

  • De Blum à Kouchner

    L’hécatombe de civils en Irak est une leçon d’histoire et de morale pour les Français et les Algériens.
    Si les Algériens pendant leur guerre de “libération” n’ont pas eu à subir très longtemps le terrorisme, c’est que l’armée française, en usant de la torture, a anéanti rapidement l’armée secrète terroriste algérienne, ce que les démocrates yankis sont incapables de faire avec les résistants irakiens.
    (La défaite française, ensuite, fut de la responsabilité des hommes politiques. Jacques Chirac aurait-il mieux résisté aux pressions internationales que De Gaulle dans les mêmes circonstances ? Ce n’est pas impossible.)

    Et Bernard Kouchner voudrait nous faire admirer le néo-colonialisme ! À jouer les matamores contre l’Iran il nous rappelle Léon Blum, les “lettres” en moins. Drieu La Rochelle est encore vif :
    « Ce qui était le plus loin de toute connaissance politique sérieuse, de toute science de l’homme dans l’action (…) appelèrent aux armes et au suprême dévouement. Les enjuponnés de la synagogue et de la loge, les braillards de congrès et de parlement poussèrent au combat ceux qu’ils avaient minutieusement désarmés depuis cinquante ans par les soins de leurs instituteurs et de leurs sorbonnards, de leurs journalistes et de leurs romanciers. » (“Journal 1939-45”)

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    Le point de vue yanki est compréhensible ; l’Iran ne fait peser aucune menace particulière, mais lorsque tous les états possèderont la bombe, toutes ces bombes s’annuleront, et on peut penser que la dissuasion nucléaire aura vécu.
    Il est logique que les États-Unis s’accrochent à cette dissuasion nucléaire, d’autant plus que la guerre d’Irak, déclenchée par les médias plus que par l’administration Bush, a révélé au monde entier la faiblesse de l’armée yankie, connue des seuls historiens jusque-là. Elle la leur a révélée à eux-mêmes, beaucoup plus que le 11 Septembre, qui n'est qu'un accident.

    Même si les yankis baignent dans l’idéologie libérale la plus stupide, il leur reste assez d’instinct pour se douter que leur puissance économique dépend largement de leur pouvoir politique, donc du pouvoir d’intimidation de la bombe.
    Dans la partie de poker-menteur qu’ils jouent avec l’Iran, les États-Unis peuvent compter sur un atout : ils ont fait preuve précédemment en Irak d’une stupidité politique propre à inquiéter les Iraniens.
    Si les anciennes croisades étaient pour libérer le tombeau du Christ, la “nouvelle” est plus sûrement pour protéger la valeur boursière de Microsoft & Cie.

  • Revue de presse (XVI)

    Ce n’est certes pas un hasard si le talent de Michel-Ange s’épanouit dans la Florence des Médicis et dans la Rome d’Alexandre Borgia et de Jules II.
    Un dessinateur de Charlie Hebdo, je ne sais plus lequel, mais un peu moins benêt que son rédacteur en chef P. Val, à qui on demande quel personnage, selon lui, incarne le mieux le XXe siècle, cite Courtial des Pereire, l'ingénieur charlatanesque de Mort à Crédit, à l'affût du moindre gadget.
    Le Pr Etienne Baulieu, c'est pour moi une sorte de Courtial des Pereire, en plus dangereux. On imagine mal un tel "talent" s'épanouir en dehors du régime démocratique et capitaliste. Interviou dans L’Express (6/9/2007).


    « (…) J’ai crée une fondation Vivre longtemps (…). Parvenir et, dans un premier temps, retarder ne serait-ce que d’un an - un minimum - la survenue de la dépendance pour 10% des personnes victimes de la maladie d’Alzheimer représenterait pour la collectivité une économie de 1 milliard d’euros. »
    Au contraire l’allongement de la durée de la vie, auquel le Pr Baulieu prétend contribuer, fait peser sur la collectivité une charge économique de plus en plus lourde. Le capitalisme, avec ses fonds de pension, est décidément un système politique de vieillards cyniques qui ne reculent devant aucune contrevérité. Ce système devrait mourir avec eux dans un état de sénilité avancée.

    « (…) les sommes nécessaires aux recherches auxquelles la fondation veut s’atteler immédiatement - de l’ordre de 4 millions d’euros - sont une goutte d’eau, à la portée, j’espère, de quelques mécènes (…) »
    Les pauvres, quand ils font la manche, réclament deux euros, voire dix maximum ; les bourgeois capitalistes, eux, carrément 4 millions d’un coup !

    « (…) Et, à propos de la DHEA, même si elle n’est pas encore reconnue pour toutes ses fonctions, nous savons qu’elle peut sauver de graves maladies. »
    La DHEA, c’est l’élixir de jouvence du Dr Baulieu. De la charlatanerie pure. Mais L’Express se sent néanmoins obligé de s’incliner devant ça, de soutenir le Pr Baulieu dans sa recherche… de fonds privés ou publics.
    Pour simplifier, partant de l’observation que les taux d’hormones diminuent chez l’homme et la femme lorsqu’ils vieillissent, le Pr Baulieu a imaginé d’en injecter artificiellement pour empêcher le vieillissement. Grâce à la propagande des magazines féminins, notamment, les femmes après la ménopause ont été convaincues du bénéfice de ces traitements hormonaux. Pour le moment, ces traitements comme la contraception hormonale sont surtout fortement suspectés de provoquer des cancers. Ce qui explique la méfiance d’une partie de la communauté scientifique.
    Le Pr Baulieu est une des vedettes de la recherche médicale capitaliste dont la caractéristique est de n’avoir rien inventé depuis cinquante ans en dehors de produits dopants qui font la fortune des laboratoires yankis et de leurs petits frères européens, pilules que les vieillards yankis consomment comme des friandises.
    Le Pr Baulieu est aussi le “père” de la pilule abortive RU486 et il se vante de cette horrible “paternité”. L’enfant représente pour la société à la fois la vie et la mort. C’est comme si ce faux savant encensé par L’Express voulait abolir simultanément la vie et la mort. Ça donne froid dans le dos.


    « (…) c’est en France que j’ai entendu les choses les plus étonnantes, dans la bouche du Pr Lejeune : il m’a dit un jour, à la télévision, que j’avais fait plus de morts que Hitler et Staline réunis ! »
    Le point d’exclamation s’impose, en effet.
    Une autre chose étonnante, et significative, vu que les libéraux ne cessent d’invoquer la liberté, la loi de l’offre et de la demande, pour justifier leur système odieux : le Pr Baulieu était à la fois employé par des laboratoires pharmaceutiques et lié de très près au Planning familial, c’est-à-dire dans la position de faire prescrire par un service public ses propres pilules chimiques… au nom de la liberté de la femme, ça va de soi.
    Pour démontrer les bénéfices des pilules comme pour démontrer leur innocuité, qu’elles ne sont pas la cause d’une augmentation des cancers du sein, par exemple, il y a une science que la médecine contemporaine au service des laboratoires maîtrise très bien, c’est celle des statistiques, auxquelles il est possible de faire dire à peu près tout et n’importe quoi.


    « (…) Même Darwin, qui a écrit à peu près sur tout, ne s’est jamais attaqué au vieillissement. »
    Ça, c’est pour la psychologie du personnage. La référence à Darwin comme le “savant des savants”, forcément, puisque l’évolutionnisme fait partie de l’attirail idéologique capitaliste.
    Le Pr Baulieu ne craint pas de se positionner au-dessus de Darwin. Lorsqu’on a mené une aussi brillante carrière sur le bluff, pourquoi ne pas continuer jusqu'au bout ?

    La suite se passe de commentaires ou presque.

    « Quel est votre héros ? Louis Pasteur, pionnier de la microbiologie ?
    - Plutôt Alexandre le Grand ou Napoléon. Ou Shakespeare, que j’idolâtre… Ou Valéry, le poète qui pense [sic]. J’aime les artistes.
    - Vous auriez voulu en être un ?
    - Pour être un artiste célèbre, il faut du talent, mais aussi être malin, savoir faire son marketing [sans le marketing, Shakespeare ne serait rien, c’est évident]
    - Beaucoup de grands artistes sont de vos amis : Jasper Johns, Frank Stella… Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle vous avaient d’ailleurs rendu hommage en mettant la molécule du RU486 dans le Cyclop, la sculpture monumentale érigée dans la forêt de Fontainebleau.
    - Cela m’a touché… Je leur racontais des histoires scientifiques, cela les amusait. Andy Warhol m’avait demandé des clichés de cellules pour son travail. Un des souvenirs de Jean Tinguely que je préfère, c’est une petite feuille de papier que j’ai fait encadrer et que je garde dans mon bureau. Dessus, il avait écrit : « Etienne, t’es un artiste. »
    Un gâteux contre le gâtisme.

  • Cochons et truismes

    Tandis que je prépare ma colle de lapin au bain-marie, j'écoute "Europe 1". Encore une interviou de Finkielkraut. Je fais un effort pour comprendre ce qu'il dit, non pas tant le contenu mais la façon louvoyante dont il s'exprime. Typique.

    Effort pour démontrer que "Non, il n'est pas si souvent que ça dans les médias", évidemment, puisque toute la clef du personnage est là. « Je ne suis pas le Drucker de la philosophie », dit-il, apparemment content de sa sortie préparée à l'avance, alors que ce n'est pas très malin de souligner ce que tout le monde a en tête en l'écoutant, dans une formule concise. Ou : "de la philosophie de gare TGV".

    "Il n'y a pas une once de racisme en moi". Pardon, mais le racisme est défini aujourd'hui comme un préjugé, le pire des préjugés ; et qui est prêt à admettre à la radio qu'il a des préjugés ? C'est vraiment le niveau zéro de la philosophie, ça.

    *

    Je songe à ce que ça serait si, en lieu et place de Finkielkraut ou de ses comparses, il y avait dans le poste quelqu'un qui dit des choses précises sur un sujet précis, un historien, un scientifique, un prêtre, ou même, je ne sais pas, moi, un entomologiste, un jardinier… Ça arrive parfois, mais de plus en plus rarement : la psychanalyse, la philosophie et l'ésotérisme occupent presque tous les programmes.

    La "culture", Finkielkraut n'a que ce mot à la bouche, et il incarne assez bien, de fait, la culture démocratique qui a remplacé la science et les arts. On comprend en écoutant Finkielkraut tout ce que la culture a de superficiel, détachée de l'effort et de la discipline. "Ni Dieu ni maître", c'est la devise des libéraux.
    Ce qui prouve que les Français sont cultivés, c'est qu'ils vont souvent dans les musées nous dit-on.

    Évidemment quand Finkielkraut réaffirme qu'il n'est pas "réactionnaire", il a raison. Il faut être journaliste à "Libé" pour être payé pour proférer de telles énormités. La nostalgie de l'orthographe, de la culture, tout ça évoque plutôt la République laïque de naguère, Chevènement ou Mendès-France. La République laïque : tout ce que Baudelaire, de Maistre, Bloy, Barbey, Veuillot, détestent.
    Finkielkraut n'est pas le seul, il est juste un des plus caractéristiques. Il y a Brighelli aussi, ce prof qui occupe le créneau de fustiger la décadence de l'Éducation nationale, au nom de la laïcité, après avoir collaboré lui-même à des manuels scolaires néfastes parce qu'inutilisables, foutraques.

    Ces gens-là ont des trous de mémoire énormes. Ils oublient les pressions des laïcards pour évincer le latin, sous prétexte que c'était la langue des curés, le latin qui apprend l'effort et permet la sélection, comme les maths si on veut, mais qui a la différence des maths n'est pas absurde. Ces laïcards ont fait ainsi le lit du capitalisme, qui réclame des informaticiens, des ingénieurs, des polytechniciens, et non des savants.
    Le devoir de mémoire et autres pitreries parascolaires conduisent tout droit à l'amnésie.

  • Où sont les hommes ?

    Je veux pour preuve de la féminisation de l’Église cette jeune femme brune qui s’agenouille un rang devant moi à la messe, avec son mari. Elle porte une jupe de tulle blanc si légère qu’elle laisse apparaître un string surligneur et le reste. Comme si de rien n’était, comme si je n’étais pas là, à quelques centimètres derrière, à essayer de me recueillir, de chasser mes pensées profanes, dans une église et non dans un boxon !

    Nulle intention de provoquer de la part de cette gonzesse ; c'est ça qui est significatif ; le couple montre en effet tout les signes extérieurs de piété, ce ne sont pas des touristes.

    Avec un peu de recul, le mari aurait dû dissuader sa femme de pénétrer dans cette tenue, voire de circuler dans un tel accoutrement sur la voie publique.
    “Aux purs tout est pur” ; à la limite, je suis assez bien placé pour comprendre ce qui a pu passer par la tête de cette paroissienne qui s'est sapée comme une pute pour se rendre à l'office. Son buste, ses hanches, ses jambes sont bien dessinés ; son corps a toute la fermeté, la santé que requiert la beauté, tandis qu’elle a un visage assez ingrat, les joues creuses, les yeux ternes. Il a dû lui paraître inconséquent de cacher ce qu’elle avait de plus beau…
    Mais, manifestement, elle ignore tout de la façon dont sont faits les hommes et les caractéristiques de leur instinct - malgré son mari (Il faut dire que celui-ci a un peu un physique de démocrate-chrétien à la François Mauriac.)

    L’Église ne devrait pas laisser les paroissiennes faire la loi. Ici l’adultère est encouragé dans les murs mêmes de l’Église. Il faut retrouver le bon sens perdu au profit de discours fuligineux. Les hommes ne sont pas faits pour être des chevaliers servants.

  • Romantisme et romantisme

    J’avais promis à ma lectrice d’hier une ou deux pistes de réflexion, idées de lecture…
    Le discours que l’Église tient aux jeunes couples est teinté de romantisme, un romantisme qu’il est intéressant, je trouve, de confronter à celui de Baudelaire.
    Comme tu sais, M., Baudelaire est le fils d’un prêtre défroqué en raison de circonstances politiques ; il ne s’est jamais marié lui-même et s'amouracha d’une putain. Sa mère s’est remariée après le décès de son paternel avec un officier supérieur - il a de ce fait une idée du fonctionnement du "mariage bourgeois".
    Son point de vue est particulier, mais il n’est ni truqué ni superficiel. Autant dire qu’entre l’amour selon Baudelaire et l’amour selon une journaliste de “Madame Figaro” ou de “Elle”, par exemple, il y a comme un gouffre, un gouffre de spiritualité.
    (D’ailleurs le vigoureux militant catholique Louis Veuillot ne s’y trompa pas : comme il avait reconnu la spiritualité profonde de Baudelaire, il ne manqua pas de se rendre à ses obsèques, au grand dam des amis “ésotériques” du poète incompris, et, sans doute, de quelques catholiques bourgeois déjà soucieux, à l’époque, de lécher le fondement du Capital.)

    Un regard différent sur l’amour :
    - « L’amour, c’est le goût de la prostitution. Il n’est même pas de plaisir noble qui ne puisse être ramené à la prostitution. » (Bruckner et Finkielkraut n’ont rien inventé, ils ont tout pillé, taillé Baudelaire à leurs mesures de bourgeois socialistes fadasses.)
    (…)
    - Anecdote du chasseur, relative à la liaison intime de la férocité et de l’amour.
    (…)
    - « Je crois que j’ai déjà écrit dans mes notes que l’amour ressemblait fort à une torture ou à une opération chirurgicale. Mais cette idée peut-être développée de la manière la plus amère. Quand même les deux amants seraient très épris et très pleins de désirs réciproques, l’un des deux sera toujours plus calme ou moins possédé que l’autre. Celui-là, ou celle-là, c’est l’opérateur, ou le bourreau ; l’autre, c’est le sujet, la victime.
    Entendez-vous ces soupirs, préludes d’une tragédie de déshonneur, ces gémissements, ces cris, ces râles ? Qui ne les a proférés, qui ne les a irrésistiblement extorqués ? Et que trouvez-vous de pire dans la question appliquée par de soigneux tortionnaires ? Ces yeux de somnanbule révulsés, ces membres dont les muscles jaillissent et se roidissent comme sous l’action d’une pile galvanique, l’ivresse, le délire, l’opium, dans leurs plus furieux résultats, ne vous en donneront certes pas d’aussi affreux, d’aussi curieux exemples. Et le visage humain, qu’Ovide croyait façonné pour refléter les astres, le voilà qui ne parle plus qu’une expression de férocité folle, ou qui se détend dans une espèce de mort.
    Car, certes, je croirais faire un sacrilège en appliquant le mot : extase à cette sorte de décomposition.
    - Épouvantable jeu où il faut que l’un des joueurs perde le gouvernement de soi-même !
    Une fois il fut demandé devant moi en quoi consistait le plus grand plaisir de l’amour. Quelqu’un répondit naturellement : à recevoir, et l’autre : à se donner. - Celui-ci dit : plaisir d’orgueil ! - et celui-là : volupté d’humilité ! Tous ces orduriers parlaient comme l’Imitation de Jésus-Christ. - Enfin il se trouva un impudent utopiste qui affirma que le plus grand plaisir de l’amour était de former des citoyens pour la patrie.

    Moi, je dis : la volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de faire le mal. - Et l’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve toute volupté. »

    ("Fusées")

    Décidément, Baudelaire est un antidote aux discours démocratiques.

  • Une lectrice m'écrit

    « Cher Lapinos,
    Décidée à me marier pour fonder une famille le mois prochain, j’ai dû passer par une préparation obligatoire au mariage dans ma paroisse (Paris Xe). Pour te résumer, c’est un peu comme les séances du code de la route avant la conduite, avec un moniteur et des postulants qui posent des questions plus tartes les unes que les autres.
    (…) On m’a recommandé une méthode de régulation des naissances imitée de la reproduction des porcs modernes, que je connais bien puisque je suis originaire d’Ille-et-Vilaine où mes parents ont des fermes. Quelques postulantes ont cru bon d’approuver de la tête ce système. De quoi elles se mêlent, ces pucelles ?
    (…) Et puis pour pallier aux difficultés de la vie conjugale, on nous a recommandés “la communication dans le couple”. J’ai levé le doigt et j’ai dit :
    « D’accord quand tout va bien, mais comment faire pour communiquer calmement quand mon mari me trompera avec la voisine ? » Réponse du curé :
    « Mieux communiquer en temps ordinaire permet de mieux communiquer en temps de crise ! »
    Mouais. Comme je ne voulais pas être recalée, je me suis gardée d’insister. Mais j’aimerais savoir ce que tu penses de tout ça, car je sais que ces questions te passionnent et que tu as beaucoup réfléchi sur ce sujet.
    (…) Pendant que le curé causait, les séances étaient assez longues, il y avait un type, un des fiancés, qui faisait la sieste en douce, ça m’a paru le plus viril de la bande (hélas ce n’était pas le mien).
    Au fait, tu es invité à mon mariage si tu veux le 17 oct. à Saint-Lunaire - RSTP avant le 30 sept.

    M. de L. »


    Amusante lettre, qui soulève néanmoins un problème de société prégnant.
    D’abord M., je te fais remarquer que le verbe “pallier” est transitif direct : d’accord pour brocarder les prêtres conciliaires, mais à condition de ne pas causer comme eux !

    Le ton de ta lettre m’étonne, vu que les femmes ont pour habitude de se pâmer devant les hommes d’Église, quoi qu’ils disent. Je connais des curés qui se vantent d’avoir le dimanche un auditoire attentif à leurs sermons, des ouailles qui boivent leurs paroles. D’après moi, ils pourraient lire le bottin, ça serait la même chose. Combien d’hommes dans l’assemblée écoutent vraiment ?
    La femme est subjuguée par l’abbé qui lui parle comme un confident et non comme un maître ; pour peu que celui-ci ait un beau faciès, soit bien “gaulé”, elles ne se sentent plus d’aise.

    Ensuite, tu vas devoir te contenter de quelques remarques et de quelques pistes. Le mieux en ce qui concerne les prêtres conciliaires est d’attendre leur disparition. Bientôt on ne les distinguera plus de la foule et même les femmes se détourneront d’eux.

    La méthode de limitation des naissances suggérée par les prêtres conciliaires est moins radicale que les “pesticides” ; de ce fait on peut l’estimer préférable à la morale sexuelle en vigueur en Chine ou même dans les pays capitalistes, qui tend à réduire au minimum le nombre d’enfants sous divers prétextes philosophiques et existentialistes.
    Ce qui paraît malsain en revanche de la part du clergé conciliaire, c’est de faire passer une concession, une demi-mesure pour la panacée, en utilisant un vocabulaire flatteur vaguement écologiste, en qualifiant cette régulation de “naturelle” et autres bobards.
    On fabrique ainsi des principes douteux. L’Église d’aujourd’hui reproche à l’Église d’antan de s’être écartée des Évangiles, mais n'en passe pas moins le plus clair de son temps à bâtir des châteaux en Espagne.
    Comment le clergé conciliaire peut-il expliquer ensuite aux homosexuels que le mariage “rien que pour l’amour”, ça n’a aucun sens social, s’il tient lui-même des discours détachés de la réalité et se paye de mots qui ne veulent rien dire ? On ne bâtit pas sur du sable.

    *

    En ce qui concerne la “communication dans le couple”, dont Biba ou Marie-Claire font aussi grand cas, c’est une autre concession de l’Église à l’esprit du temps. La mièvrerie de ce genre de slogan ne résiste pas de toutes façons à la réalité.
    Quelles concessions l’Église réclame-t-elle à la société en contrepartie des siennes ? Le droit des prêtres à passer à la télé, eux aussi ?
    Au passage, cette exaltation de la vie de couple de la part du clergé, alors que les séminaires sont vides, est une aberration.
    Quand on sait que Kant est au programme dans certains de ces séminaires, il ne faut pas s’étonner que l’injustifiable soit justifié, avec aplomb de surcroît.

    *

    Je relève enfin que tu sembles inquiète, M., à l’idée que ton fiancé, une fois marié, puisse “aller voir" la voisine. Pour ménager la partie féminine de son auditoire, probablement le curé qui t’as instruite n’a-t'il pas osé rappeler que saint Augustin souligne et loue l’indulgence de sa mère, sainte Monique, vis-à-vis des foucades de son mari.
    On peut raisonnablement penser que si Monique avait attendu son mari derrière la porte avec un rouleau à pâtisserie pour se venger, elle n’aurait jamais été canonisée.
    Rien ne vaut les exemples concrets comme ça, pensaient les catholiques avant le Concile. Prends-en de la graine, M. !

    P.S. : Je te remercie pour ton aimable invitation, mais c’est plus fort que moi, les mariages me flanquent systématiquement le bourdon. Je ne les supporte que dans la peinture de Breughel. D’ailleurs on imagine mal un mariage gay peint par Breughel. Même dans le grotesque, il faut de la mesure !

  • Brocante (4)

    En lisant cette page d’Escales parmi les livres, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Sarko. Parce qu’il fut longtemps ministre de l’Intérieur ; parce que, président moderne, il a une épouse moderne (c’est-à-dire que lorsqu’elle a ses menstrues toute la France peut le constater) ; enfin, parce que notre Président cherche désespérément une solution à la crise et que t’Serstevens la possède peut-être, qui sait ? Au point où on en est, il ne faut négliger aucune piste.

    Rapports de police

    « On ne saurait trop consulter, si l’on veut bien connaître les mœurs de l’ancien régime, les rapports secrets de la police, pieusement conservés dans nos archives.
    Un bon nombre ont été publiés, parfois sous le manteau, car ils ne se soucient guère de la morale ; mais j’en ai remué des masses dans le réduit de l’Arsenal, non sans le remplir d’un brouillard de poussière qui m’a obligé, en rentrant chez moi, à changer de vêtements et de linge, après une longue savonnade sous la douche.

    « Ce qui m’a le plus étonné dans ces documents sans pudeur, consacrés surtout aux relations entre époux de l’aristocratie et à la prostitution élégante, c’est la précocité des filles, qu’il s’agisse des unions légales ou du dévergondage.
    Elles se marient, principalement dans la noblesse, à douze, treize, quatorze, quinze ans, presque toutes avant dix-huit. Dès les seize ans elles sont des femmes accomplies, elles gouvernent leurs gens et leur maison, elles reçoivent avec grâce, elles mènent des intrigues, visitent les ministres et les gens de justice, savent les séduire et en obtenir ce qu’elles souhaitent, sans se compromettre, elles tiennent bureau d’esprit, fréquentent les hommes de lettres et correspondent avec eux sans orthographe mais dans la langue la plus châtiée.
    À vingt ans, elles ont connu plusieurs maternités, élèvent leurs enfants à merveille, selon les traditions de l’époque, administrent leurs biens fonciers, sont des compagnes tendres et dévouées ou pratiquent depuis longtemps l’adultère. A vingt-cinq ans, elles finissent dans les procès, le jeu ou la dévotion.

    « Presque toutes les filles débauchées dont nous parle dans ses rapports le terrible inspecteur Marais entrent dans la galanterie entre onze et quinze ans ; la moyenne, que j’ai pris la peine d’établir, est de quatorze, mais j’ai trouvé plusieurs cas de dix ans. A ces âges, elles savent déjà berner les amateurs, leur soutirer des rentes et des bijoux, conduire de front plusieurs aventures profitables, sans compter les “guerluchons”, se produire sur la scène du Français ou de l’Opéra, animer les petits soupers, bref mener une vie que pas une courtisane de vingt-cinq ans ne pourrait conduire aujourd’hui.

    « Je ne sais par quelles méthodes d’éducation on est arrivé, de notre temps, à retarder le développement physique et moral des jeunes filles, sans doute parce qu’on les farcit de connaissances inutiles, au lieu de leur apprendre à vivre, à être, dès les quinze ans, des épouses attentives ou des maîtresses délurées, à parler avec esprit, à marcher avec élégance, à séduire pour le bon ou le mauvais motif, à tirer parti de l’amour honnête ou malhonnête. Pendant des siècles les filles se sont passées de bachot et de diplômes et ont embelli de leur charme, dès leur puberté, une société plus exigeante que la nôtre, plus raffinée aussi, ce qui pourrait bien être la solution du problème. »

    Albert t'Serstevens

  • Brocante (3)

    Escales parmi les livres* : t’Serstevens a réussi trente ans plus tôt là où Charles Dantzig a échoué trente ans plus tard : un recueil de critique littéraire libre, truculente et impertinente. En effet Dantzig n’est ni truculent ni “recueilli”. Parfois impertinent seulement. Courbe descendante du progrès. Du cabotage littéraire de t’Serstevens au cabotinage de Dantzig.

    *

    Lege sed elige (Lis mais choisis), c’est la devise de t’Serstevens, qu’il n’a aucun scrupule à recopier sur un autre - éloge de la discipline et du style en littérature comme partout. Le même credo que Chardonne, mais une personnalité bien disctincte.
    On ne peut pas pousser les murs de sa bibliothèque, il faut donc toujours y faire de la place. T’Serstevens nous aide à nous débarrasser de quelques littérateurs inutiles, sans prendre de pincettes.
    C’est Buffon qui écope de la plus sévère raclée. Il en fait l’ancêtre de la science emphatique et inexacte - des évolutionnistes en quelque sorte. Éloge de Réaumur en revanche, modèle pour les créationnistes d’une science simple et désintéressée, qui ne vise pas d'applications prétendûment "pratiques".
    Voltaire en prend pour son grade aussi, et Béroalde de Verville, Casanova, l’orthographe, l’alexandrin, Romain Rolland, le romantisme, les frères Goncourt, Chateaubriand, Flaubert, même Pascal et Rousseau.

    Rousseau était-il si bête que t’Serstevens le dit ? Et était-il si sensible ? Personnellement je doute de la bêtise de Rousseau, malgré la naïveté de ses recettes politiques, et encore plus de la "sensibilité" du Genèvois, mais les arguments de t’Serstevens sont formulés de telle façon qu’ils touchent. Conclusion sur Rousseau :
    « Mais quelle langue ! déliée, souple, naturelle ! Rien de la redondance d’un Chateaubriand. Nul effort : un bonheur cursif, une musicalité tout intérieure. Tant de sincérité, d’abandon apparent, que c’est à peine si l’on peut parler de style.
    Mais le style, c’est cela. »


    *

    Comme j’ai avalé une cuillerée de Claudel pour me requinquer, et que je passai devant la maison de Mallarmé récemment, coincée entre une forteresse et un fleuve, voyons ce que dit t’Serstevens de ce genre de poète :

    MALLARMÉ

    … Aussi les plaintes et les larmes
    D’une enclume en travail d’enfant
    Fourniront d’attraits et de charmes
    Pour rendre un balai triomphant


    Ce n’est pas du Mallarmé, c’est du Berthelot, un facécieux poète du XVIIe siècle, qui intitule ce poème
    Gausserie.

    La chambre ancienne de l’hoir
    De maint riche mais chu trophée
    Ne serait pas même chauffée
    S’il survenait par le couloir.


    Cette fois c’est du sérieux, et c’est du Mallarmé.
    La bouffonnerie de l’un a le même ton que le lyrisme de l’autre.

    *

    Je l’ai baucoup admiré dans mes vingt ans, à pouvoir encore, aujourd’hui, me réciter par cœur la plupart de ses poèmes ; mais j’étais un peu sot, un peu snob, soumis à toutes les influences, et sans discernement, comme on l’est à cet âge. Je conçois bien que certains de ses vers ont la pureté et la sonorité limpide du cristal, que d’autres brassent la mordorure des nuages au couchant, ou révèlent une joaillerie inconnue des lapidaires ; mais que de préciosité dans la pensée et dans le verbe ! Que de fioritures et de rococo dans une syntaxe équivoque !
    Marque d’un temps, la Belle Époque, qui nous a donné les vases gélatineux de Gallé, les affiches en spaghetti de Mucha, les entrées du Métro, style place Saint-Michel, les majoliques flambées au parfum Pivert, et ces déformations du corps féminin qui faisaient dire à ma grand-mère, en voyant entrer une amie : « Bonjour ma tête ! mon cul viendra demain ! »


    *Aux Nouvelles Éditions Latines, rue Palatine, peut-être reste-t-il quelques exemplaires à la cave ?

  • Brocante (2)

    Massacre d’un écrivain belge à coups de couteau de cuisine… Pour couper un bouquin, il faut un tournemain… que je n’ai pas ! Ou je pousse trop doucement la lame, et dans ce cas la coupe n’est pas nette, ou alors je donne des grands coups francs et j’arrache les coins. Merde. Le plus dur, c’est quand il faut découper un angle.
    C’est comme avec les femmes au début, on manque d’entraînement, l’enthousiasme brouille la vue et on commet des indélicatesses. La différence, c’est peut-être que l’enthousiasme dure plus longtemps avec les livres, il y a une plus grande variété.

    *

    Les livres d’occasion de bonne qualité, c’est désormais la denrée au meilleur rapport qualité/prix, où la déflation est la plus nette. La loi de l’offre et de la demande fait que dans l’économie capitaliste les choses de prix n’intéressent plus grand monde, la concurrence est quasi-nulle.
    On peut ainsi se soûler de grandes œuvres au nez et à la barbe des démocrates, prêts à débourser, eux, jusqu’à sept euros pour une séance de cinéma, médiocre distraction de deux ou trois heures, voire jusqu’à quinze euros pour un de ces navets de la rentrée littéraire, le dernier Dantzig ou le dernier Dantec. Et je ne prends pas les pires ! Oui, il y a quand même quelque chose de courageux dans le cas de Dantec à exercer ce métier alors qu’il est incapable d’écrire correctement ; je suis sûr que sa mauvaise humeur vient surtout de là, de sa mauvaise posture.

    Dans le cas de Dantzig, un critique littéraire prend toujours des risques à étaler son absence de style après avoir étrillé Jean-Jacques Rousseau, Céline ou Barbey d’Aurevilly, même si on pense que les lectrices de Elle ou de Lire n’y verront que du feu, probablement.

    *

    Avant que l’avalanche de la rentrée littéraire ne nous recouvre, avec son lot de méchants nazis et de gentils Juifs récurrents, la énième envolée lyrique sur le 11 Septembre, les odes plus ou moins subtiles au nouveau pouvoir libéral-sarkozyste, la romance existentialiste de telle secrétaire de rédaction chez Grasset ou chez Gallimard, je parie sans prendre de risque que rien de tout ça n’arrivera à la cheville d’Escales parmi les livres du Belge Albert T’Serstevens, paru en 1969, une des dernières années érotiques, sans doute, où on pouvait encore découper les livres vierges avant de les lire.

  • Revue de presse (XIII)

    Comment expliquer, dans Objections, la revue d’un abbé, qui plus est d’un abbé en soutane (Tanoüarn) !, la critique élogieuse, naguère, des Bienveillantes de J. Littell ?? Bouquin plein d’une pornographie de gare, soutenu par le conformisme démocratique, farci de mensonges, et, le pire peut-être pour un chrétien, rédigé dans une langue barbare…

    Une certitude, cet abbé de Tanoüarn n’a pas lu lui-même ce nouveau “livre sacré”. Il a sûrement délégué cette corvée à un de ses enfants de chœur. Mais les erratums ne sont pas faits pour les chiens, ni même réservés aux musulmans !

    Une certitude et un doute. Je soupçonne cet abbé distrait, proche de l’Action française, d’avoir consenti qu’on encense un tel paquet sous prétexte qu’il était déversé dans le dos de l’Allemagne et des Allemands. Ne serait-ce pas la conséquence de la haine stupide et persistante des maurrassiens pour les “boches” ? D'autant plus stupide depuis que le chef de l’Action française, le vieux poète malentendant Charles Maurras, a été condamné par un tribunal d'authentiques FRANÇAIS, après une parodie de justice que les Allemands eux-mêmes n’auraient probablement pas osée.

    *

    Dans le numéro de juillet d’Objections, l'abbé de Tanoüarn évoque néanmoins lui-même le dernier livre du plus fameux des Allemands, c’est-à-dire le Jésus de Nazareth de Benoît XVI.
    Alors, opus magnus ou opus minus, cette nouvelle somme théologique ? Le moins qu’on puisse dire, c’est que M. de Tanoüarn fait peu d’objections.
    « [Benoît XVI] insiste sur le fait que le christianisme ne véhicule aucune morale particulière, mais simplement la morale commune, morale naturelle, qui correspond aux dix Paroles de Dieu à Moïse (…) »
    Quoi, encore cette “morale naturelle” ?? C’est marre à la fin de cette “loi naturelle” que “thomistes” ou “maurrassiens” ne savent pas justifier autrement qu’en disant qu’elle n’a rien de naturel.
    « Tu ne tueras point. » : on peut mesurer au nombre d’avortements prescrits tous les ans en France, ce que le décalogue a de “commun” ou de “naturel”.
    Et la Bible scandalisait le bourgeois Flaubert.
    Faut-il donc comprendre cette “morale naturelle” comme une morale que la plupart des Français adopteraient naturellement s’ils étaient plus chrétiens ?
    Au diable les vieux sophismes, et vive Baudelaire, qui exalte non seulement une morale mais une POLITIQUE chrétienne exceptionnelle.


    « On pouvait attendre sur un tel texte [les béatitudes] une allégeance du commentateur [Benoît XVI] à la religion humanitaire, dominante aujourd’hui. (…) il ne faut pas oublier que naguère, le cardinal Ratzinger fut le dénonciateur vigilant des dérives politico-sentimentales de ce qu’on a appelé "l’option préférentielle pour les pauvres". (…) il note donc : « La pauvreté dont il est question ici n’est jamais d’ordre strictement matériel. La pauvreté strictement matérielle ne sauve pas. »

    Après Baudelaire, je ne peux m’empêcher de penser à Bloy, auquel les maurassiens accordent quelquefois un peu de crédit uniquement parce qu’il a poussé quelques rugissements contre les Prussiens…
    Je me souviens aussi de ce sermon surréaliste, un soir, dans une paroisse perdue dans les sables de Bruxelles, de la bouche d’un curé conciliaire, tandis que deux petites fillettes de chœur grassouillettes se tortillaient sur la moquette à ses pieds.
    Benoîtement, ce prêtre expliquait à ses ouailles que le “jeune homme riche” n’était pas vraiment riche - d’ailleurs comment aurait-il pu l’être, étant jeune, cet argent devait sûrement être celui de son père, et non le sien, il fallait donc entendre “riche” au sens spirituel, ne pas prendre l'injonction du Christ à abandonner toutes ses richesses au pied de la lettre, etc.

    “L’option préférentielle pour les pauvres”, si elle est un abus de langage administratif, n’est pas un abus d’interprétation des Évangiles. Ce qui est abusif, comme cela s’est passé, c’est de la proclamer, cette charité à l’égard des pauvres, sans la pratiquer plus que d'autres. Tel fut l’hypocrisie des démocrates-chrétiens et de leurs bazars de la charité.
    Non seulement l’abbé de Tanoüarn n’a pas lu Littell, mais il ne lit pas les journaux. Ce que reprochait à Mère Térésa Bernard Kouchner, incarnation de l’humanitarisme télévisuel nouveau, c’était de ne pas se soucier assez des besoins “matériels” des pauvres indiens - pas assez de leur santé et trop de leur âme.
    La dérive humanitaire, c’est aussi d’avoir détourné des fonds collectés pour nourrir les pauvres afin d'armer des guérillas dont les pauvres ont été les premières victimes.

    Dans une société démocratique où on est contraint de détruire les excédents pour ne pas crever “étouffés sous les richesses”, l’exégèse de Bloy paraît plus utile que celle de Benoît XVI.
    L’esprit de pauvreté excessif ne semble pas guetter l’Occident, dont l'évangile capitaliste est : "L'argent ne fait pas le bonheur… mais il y contribue."
    D’ailleurs on se doute que l’agioteur rendu millionnaire par l’astuce, qui, tout d’un coup, à la faveur d’un krach perd ses millions, ne sera pas, de ce seul fait, automatiquement sauvé, juste parce qu’il est pauvre, désormais ; ça tombe sous le sens commun.

  • Revue de presse (XII)

    Interviou de Philippe Djian dans Le Monde 2 :
    « Dans la chanson “Les Bobos”, Renaud chante : « Ils lisent Houellebecq ou Philippe Djian, les “Inrocks” et “Télérama”/Leur livre de chevet, c’est Cioran/Près du catalogue Ikéa ». Comment le prenez-vous ?
    - Il m’a expliqué que c’était pour la rime : Djian avec Cioran, je ne peux pas me plaindre ! Je ne lui en veux pas. Après la sortie de l’album, il est venu sonner en bas de chez moi : « C’est Renaud. Tu peux pas descendre ? » Et, dans la cour, il s’est excusé. Mais je ne suis pas en sucre, il peut me traiter comme il veut.
    Le terme bobo n’est pas très beau [?]. Mais bourgeois-bohême, moi qui habite dans le 5e arrondissement de Paris et qui aime me balader à travers le monde, en ayant vécu à Boston ou à Florence, ça me va. Cela dit, je n’ai pas été tout le temps ainsi, j’ai aussi habité dans une bergerie, sans eau, sans électricité et sans chauffage, je n’avais pas d’argent.
    Que de grands éditeurs parisiens me paient plutôt bien est une chose relativement récente ! Je n’ai pas pour autant de 4x4 (…) »
    Djian ou “La vie des grands bobos parisiens”.
    Quelle sensibilité à fleur de peau ! Quelle dextérité dans l'usage de l'interphone ! On sent qu’un rien peut égratigner leur image de marque, à ces animaux-là…


    « Ma journée commence par la lecture de “Libération”, puis j’écoute “France-Inter” ou “France-Culture”. Je suis donc en phase avec mes contemporains. Ensuite, je vais faire ma gym avec des tas de petites bonnes femmes et des mecs en sueurs [torride !]. Je côtoie l’humanité tous les jours… »
    Un peu plus loin, Djian raille son confrère Marc Lambron, éditorialiste à Madame Figaro, il lui reproche d’être un peu trop casanier.
    Djian est de ces écrivains qui cultivent la “rebelle attitude”, comme Maurice Dantec ou Christine Angot (qui l’ont démodé).
    Pourtant, Madame Figaro ou 37,2 le matin, c'est un peu la même clientèle, non ?
    P. Djian se réclame de Céline ou de Bukowski - un Céline qui écouterait France-Culture et un Bukowski qui ferait du vélo d’appartement chez “Sport 2000”, dans ce cas. Il fait plutôt penser à Malraux ou à Sartre, Djian, avec son : "Je côtoie l’humanité tous les jours".


    “Le Monde 2” (18 août 2007)

  • Vieille revue française

    Ce qui saute aux yeux, dans cet “hommage” de la NRF à Claudel, ce sont donc les persiflages - de Piero Jahier, Robert Mallet, Jouhandeau, Ponge… Témoignage intéressant sur les mœurs littéraires des années cinquante. Comment s’étonner aujourd’hui de la crapulerie des Sollers, d’Ormesson, Beigbeder, Dantzig, et de leur manque total de style ?
    On a dit aussi de Léon Bloy pour tâcher de l’évacuer d’une manière ou d’une autre qu’il “exagérait” ; tout au plus ne faisait-il qu’anticiper un peu.

    Il y a cependant quelques hommages à peu près sincères ; l’hommage, un peu sec, de Jules Romains ; celui, emphatique, de Saint-John Perse : « Son ascension s’opère au cric de la raison », « Au tranchant de sa foi s’annule pour lui tout nœud gordien. ».

    *

    Et puis il y a un texte de Georges Perros sur la “Fureur dramatique”. Je ne connais ce penseur que par ouï-dire, mais sa tournure d’esprit aristocratique laisse entendre que je gagnerais à le connaître mieux :
    « Tout grand théâtre est comique, c’est-à-dire, très grossièrement, libre dans ses articulations. Distant.
    (…) L’homme qui aurait pu se coucher - ou n’importe ! - le voilà en instance de spectateur, et sourdement travaillé, préparé, comme le sont, à la lumière des lampes de loge, d’autres hommes en instance d’acteur.
    (…) On va se rassembler et, pour une fois, il va se passer quelque chose de beau, de bon, d’inoubliable.
    (…) Ce jeu théâtral peut être considéré comme un défi amusé, comme un extraordinaire pastiche à la mesure du monde, pastiche dans la glace déformante de laquelle va se prendre la réalité, qui ne cesse de nous échapper, va se prendre et se signer.
    (…) Un film médiocre nous laisse indifférent. (Jusqu’à preuve du contraire, on pourrait très bien se passer du cinéma.) Une mauvaise pièce nous attriste, ou nous irrite, comme si on venait d’assister à une dégradation. »


    Loin, très loin des billevesées existentialistes à la mode sur la “société du spectacle”.