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Mon Journal de guerre - Page 24

  • Destin ou hasard ?

    J'ai pu observer chez de nombreux artistes modernes une étonnante soumission au hasard, comme à une détermination libératrice, opposée à celle du destin, dont les artistes conservateurs mettent au contraire la puissance en avant, incitant pour cette raison à une culture de la maîtrise ou du savoir-faire.

    Cette soumission au hasard est un élément-clef de la soumission au régime de droit totalitaire. G. Orwell fait justement observer que les intellectuels perçoivent moins le totalitarisme et ses effets que les gens ordinaires. Il y a bien entre l'intellectualisme et le hasard une relation. L'intelligence dont les intellectuels se vantent ou qu'on leur prête abusivement est une intelligence fonctionnelle. Les mathématiques et la science juridique sont les terrains où cette intelligence fonctionnelle trouve à s'appliquer. Un savant, voire un artiste, sachant mieux combien la perspective humaine est un obstacle à la connaissance scientifique, combien la réalité est difficile à concevoir pour l'homme, hésitera beaucoup plus à se dire "intellectuel", sachant la mauvaise qualité de l'outil "intellectuel".

  • Le Christ anarchiste

    A la station "Assemblée nationale", "Fuck-off the Society", un slogan anarchiste dans la langue de Shakespeare. Sur un panneau publicitaire, ce serait encore mieux visé, puisque la pub est la poésie sociale du moment la plus forte.

    Qui se dit dégagé de l'influence de la publicité ignore sans doute à quel point elle gouverne le monde, combien par exemple de sciences bénéficient d'une promotion exagérée. Mieux vaut mesurer sur soi l'influence exacte de la publicité pour en combattre plus efficacement les effets.

    Dieu est totalement absent des mondanités, rebaptisées "questions sociales" dans les temps modernes, et c'est pourquoi Paul de Tarse affirme que les oeuvres chrétiennes ne conduisent pas au salut. Le terrain social est un terrain où le christianisme ne peut pas s'exprimer, et ne s'exprimant pas il conduit à une société totalitaire, telle que la démocratie-chrétienne américaine en est l'exemple le plus perfectionné.

    Seuls les chrétiens ont assez de force pour venir à bout de la société, et cela passe par la dénonciation des nations dites "chrétiennes" et de leur plan de fornication à l'échelle universelle, annoncé par les évangiles.

  • Apophtegmes

    "Bion l’Athéiste examinait dans un Temple de Neptune quelques portraits de marins rescapés d’un naufrage, grâce à des prières adressées à Dieu. Comme on lui demandait à ce propos si cela ne lui suffisait pas pour admettre l’existence des puissances célestes ?

    - Certes, répondit-il, si l’on pouvait me montrer de même les portraits de ceux qui, en dépit de toutes leurs prières, n’ont pas échappé à la mort."

    Francis Bacon Verulam montre ici subrepticement que les pratiques chrétiennes communes ne diffèrent pas des pratiques, rituels et prières païens. D'autre part que cette religion superficielle renforce l'athéisme, qui n'a pas de mal à ridiculiser ces pratiques. Ailleurs Bacon ajoute : '"un peu de philosophie rend athée, mais qu'une sagesse plus profonde en dissuade".

    Cette méthode qui consiste à pointer la superstition dans certains cultes païens, tout en laissant voir leur coïncidence avec les pratiques modernes religieuses encouragées par le clergé catholique, est celle de Shakespeare dans de nombreuses pièces, en particulier celles qui puisent leur sujet dans l'Antiquité. Dans "Troïlus et Cressida", en montrant la trivialité des mobiles dissimulés derrière l'argument de l'amour courtois, du patriotisme, de l'honneur et du courage militaire, Shakespeare critique d'abord le néo-paganisme chrétien, qui constitue le fondement indécrottable de la culture occidentale, du moyen-âge jusqu'à aujourd'hui, et sans doute la fin des temps.

    Dans le monde moderne, les chrétiens fidèles se situent hors de la matrice, et donc de l'Eglise à prétention universelle soutenue par un complot de veuves et de pharisiens "judéo-chrétiens". Il est exigé que nous imitions aussi le Christ dans sa prudence vis-à-vis des impostures et trahisons du christianisme, qui n'épargnèrent pas les proches apôtres avant qu'ils ne reçoivent l'appui de l'Esprit.

     

    "Un jour que Bias [de Priène] faisait voile, une grande tempête survint pendant laquelle les marins, qui étaient des hommes fort dissolus, se mirent à invoquer leurs dieux. S’en étant aperçu, Bias leur dit : - Taisez-vous, marauds, et faites en sorte qu’ils ne sachent pas que vous êtes ici, de peur que nous périssions !"

    F. Bacon

  • Manif pour tous

    Deux ou trois aphorismes du grand penseur humaniste Francis Bacon concernant les oies romaines de la "Manif pour tous", qui cacardent contre le mariage homosexuel et ont la prétention de voler au secours d'une civilisation déjà éteinte depuis longtemps.

    "Caton l'Aîné aimait à dire que les Romains ressemblent à des brebis, qu'il est plus aisé de mener par troupeaux que d'en conduire une seule."

    Comme la contribution la plus évidente de ces chrétiens lucifériens (qui mettent les écritures saintes au service de leurs intérêts politiques) au mensonge est l'invention d'une éthique démocratique et d'une politique hypocrites - la ploutocratie allemande s'avançant derrière l'argument de la démocratie-chrétienne, ajoutons deux apophtegmes concernant la statistique moderne totalitaire, présentée parfois comme un progrès.

    "Comme Lycurgue s'occupait de réformer l'Etat de Lacédémone [Sparte], un des magistrats à titre de conseil suggéra de le transformer en un régime populaire égalitaire ; outré par la sottise d'une telle proposition, Lycurgue répondit : "Monsieur, commencez donc d'appliquer cette maxime dans votre maison, et ensuite nous essaierons de vous imiter." 

    "Phocion d'Athènes, homme d'une grande sévérité et dont la volonté ne ployait jamais sous la pression de la foule, s'aperçut un jour que ce monstre à cent têtes l'applaudissait à cause d'une harangue qu'il avait faite en public ; alors, se tournant vers un des ses amis : - Ai-je dit une ânerie, lui demanda-t-il, ou bien est-on en train de s'offenser de mes paroles ?"

  • Mariage pour tous

    Le "Mariage pour tous", qui oppose les partisans du mariage procréatif aux partisans du mariage de convenance, dit "mariage d'amour" dans la société libérale, est emblématique de la cacophonie idéologique mondaine qui règne ; "mondaine", car l'enjeu du débat est politicien.

    Je me suis amusé à imaginer comment quelques docrinaires ou théologiens fameux auraient réagi à ce débat truqué ; et même le Christ, qui envoie paître le complot de pharisiens et de veuves avec leurs "questions de société" (impôts, mariage, adultère, etc.)

    - Nietzsche (les arguments civilisationnels de la "Manif pour tous" sont nietzschéens) : "L'éthique moderne accomplit l'inversion des valeurs, détruisant ainsi la culture de vie païenne. L'homme ne crée rien de plus fort que la Nature."

    - Karl Marx : "La "Sainte Famille" n'a rien d'un modèle social."

    - Platon (la doctrine catholique romaine est une doctrine platonicienne) : "Les gays sont les plus aptes à s'occuper des questions politiques car ils ne peuvent pas se marier."

    - Martin Luther : "Le mariage chrétien n'a aucun fondement évangélique."

    - Shakespeare : "L'amour de Roméo et Juliette repose sur un malentendu aux conséquences tragiques."

    - Le Christ : "La chair est faible."

    Il n'est guère difficile pour un chrétien de deviner qui est "le dieu de la fornication", c'est-à-dire de l'attribution à des actes répondant à un besoin naturel d'une aura mystique dont le message évangélique les prive absolument. Le slogan selon lequel "le travail rend libre", sur lequel reposent toutes les sociétés totalitaires reposent renferme le même esprit de fornication. Le prêtre catholique n'a pas de vocation sociale, mais celle de dire la vérité, qu'aucune société ne peut se permettre de regarder en face.

     

  • Du Progrès

    Le progrès est comme dieu : on en parle beaucoup, mais nul ne peut en rapporter la preuve. Le progrès démocratique, c'est comme de prétendre que les poux sont des animaux supérieurs aux lions (dixit Clemenceau), ça ne tient pas debout.

    En art comme en politique ou en droit, tout n'est qu'imitation de la nature plus ou moins subtile ; les trous noirs sont seulement susceptibles d'avaler l'univers dans les rêves de technocrates débiles.

    En même temps qu'ils sont improbables, dieu et le progrès sont la seule issue véritable pour l'homme ; car si "tout est sexuel", la vie ne vaut vraiment d'être vécue que pour les insectes et les bourgeois, les poètes auteurs de refrains totalitaires : "Y'a d'la joie !"

  • Art et labyrinthe

    Nul hasard si Picasso s'identifie au minotaure, car l'art moderne ainsi que l'art antique a pour fonction d'égarer les jeunes gens, c'est-à-dire de les retenir dans les filets d'un culte anthropologique.

    Bien sûr, ainsi que Nitche en fait la remarque, l'art moderne est particulièrement féminin et macabre, contrairement à l'art antique plus érotique (au sens plein du terme). Le rejet juif ou chrétien de l'art, comme de toute forme d'anthropologie, au bénéfice de la science, permet aussi bien à un chrétien de discerner que le petit miroir magique de l'art moderne n'est qu'un gadget futile et dangereux.

    La démonstration du progrès de l'art, si elle peut revêtir l'apparence d'une démonstration chrétienne, est en réalité une démonstration platonicienne. La pesante et débile démonstration du progrès de l'art selon Hegel, adoptée par les régimes totalitaires, n'a de chrétien que le nom, pour la simple et bonne raison qu'il n'y a pas d'art ni de culture chrétienne possible - il n'y en a jamais eu et il n'y en aura jamais. L'exigence scientifique des chrétiens est trop forte pour s'attarder excessivement à l'art, qui dans l'antiquité comblait le besoin de vertu (non pas Homère, dont l'art reflète le rejet juif de l'anthropologie oedipienne ou égyptienne), tandis qu'il joue dans les temps modernes le rôle d'une religion inférieure, disciplinaire.

    Répétons-le pour les suppôts de Satan de bonne foi, qui attribuent au christianisme la décomposition de l'art et son effondrement au niveau de la culture de masse totalitaire et du cinéma : la rhétorique des élites occidentales, Eglise romaine en tête, est en rupture complète avec l'esprit et la lettre des évangiles. La subversion du clergé romain est particulièrement nette, puisqu'elle consiste à rétablir les droits de l'anthropologie au sein d'une religion qui les abolit, afin d'apocalypse.

    La rhétorique de la décadence de l'art ne rend donc pas compte de l'histoire de l'Occident moderne, bien qu'elle repose sur des preuves plus solides que la rhétorique technocratique du progrès de l'art et de la science occidentaux, qui débouche sur le néant ou la connerie "surréaliste", transposition du goût puéril pour les gadgets dans l'art, et par conséquent sommet de barbarie. La sagesse que procure la science historique est donc supérieure et d'une autre espèce que la vertu procurée par l'art.

     

  • L'Homme moderne

    La coutume veut chez les imbéciles depuis Adam d'obtempérer quand une femme exprime tel ou tel désir, que cette femme soit sa mère ou bien sa compagne.

    Si j'ose résumer ce désir féminin d'après mon expérience, je dirais qu'il se porte vers un objet rassurant. C'est sans doute pourquoi il y a peu de femmes dans le sillage de notre Sauveur Jésus-Christ, tandis que les femmes se pressent afin d'écouter les sermons de prêcheurs catholiques les plus insignifiants possible - la signification représente une menace pour l'âme, et le mensonge généralisé que les médias modernes se font un devoir de garantir, a un office consolant.

    La méfiance juive du piège tendu par les femmes est peu répandue de nos jours. Les mahométans qui proposent d'appliquer cette méfiance au plan social font fausse route, pour la simple et bonne raison que l'accomplissement d'un plan social correspond à l'expression du désir féminin, gouverné par la recherche du moindre risque. Derrière l'idéal social, quel qu'il soit, on retrouve un idéal sécuritaire, et derrière l'homme moderne socialiste, Hitler par exemple, Dino Buzzati fait bien de nous montrer malicieusement l'influence maternelle dans un petit conte.

    Sans l'angoisse commune qui les soude, les sociétés totalitaires modernes se décomposeraient et, si le terrorisme ou la menace extérieure n'existait pas, il faudrait l'inventer. A vrai dire, la culture totalitaire engendrant la lâcheté afin de répondre à un besoin politique, les sociétés totalitaires sont menacées d'implosion.

    F. Bacon fait le rapprochement entre le mythe d'Adam et le mythe grec qui décompose Adam en deux figures, Epiméthée et Prométhée. Le premier, Epiméthée, est la version d'Adam imbécile, se précipitant dans le piège tendu par la femme à pieds joints. Et Bacon de souligner que cette imbécillité est le gage d'un plus grand bonheur pour les individus épiméthéens. Prométhée, lui, ne tombe pas dans le panneau, figurant un type d'homme supérieur plus agité, affairé à trouver des réponses aux questions que la condition humaine pose, et s'exposant ainsi à jouir moins.

    "L'homme moderne" peut se définir comme le compagnon idéal de la femme, une sorte d'Epiméthée, que la propension à trouver dans les réponses toutes faites fournies par la religion du moment rend plus soumis, et par conséquent l'homme idéal dans le cadre d'un régime oppressif (Bien sûr l'abolition de la différence sexuelle dans la culture occidentale fait que l'inversion peut se produire, et des hommes incarner le conformisme socialiste aussi bien que des femmes.)

    La boucle est donc bouclée. L'homme épiméthéen par sa tiédeur et son mobile anthropologique représente la contradiction radicale du chrétien ; tandis que la femme-appât publicitaire représente la contradiction radicale de l'épouse du Christ, emblème d'un amour humain purifié de la déviation des sens et de la chair, c'est-à-dire l'incarnation de la vengeance de l'homme contre son démiurge.

     

  • Exit la démocratie

    A travers l'utopie démocratique, la bourgeoisie exprime une ambition plus radicalement et plus sournoisement antichrétienne que l'aristocratie et les institutions monarchiques auparavant. Tocqueville aussi bien que Nietzsche permettent de le comprendre.

    Le moins contestable de la part de Tocqueville, assez paradoxal et hypothétique par ailleurs, est sa démonstration que les valeurs démocratiques, portées par la bourgeoisie, sont représentatives du terme de l'évolution politique de l'Occident. En termes politiques rationnels, on pourrait dire que l'Occident débouche sur une utopie politique millénariste, et une caste dominante qui se caractérise par l'extrême dissimulation de sa position dominante, notamment à travers le principe populiste et extrêmement dangereux de la "souveraineté populaire".

    La démonstration de Tocqueville est confirmée par le constat de Nietzsche d'incapacité de l'Occident à s'élever au niveau de la civilisation aristocratique, à qui seule ce philosophe prête le sens de la vertu véritable. On sait d'ailleurs que Nitche voit dans le christianisme la principale cause de la barbarie occidentale, puisque seule l'éradication du judaïsme et du christianisme pourrait permettre à l'Occident de retrouver le sens des valeurs.

    La doctrine de Nietzsche, de même que les études de Freud et Jung tournant autour du mythe d'Oedipe et de l'orientation sexuelle incestueuse permettent facilement de mettre à jour le satanisme des valeurs et principes aristocratiques. Il n'y a aucun doute quant à l'incarnation par la sphinge de la puissance satanique. Nulle aristocratie véritable ne peut se couper de la nature providentielle et de la foi et de la raison du principe d'éternel retour. Qui naît aristocrate naît frappé du sceau de Satan. En choisissant l'aristocratie, Nitche fait volontairement le choix d'une doctrine qu'il sait la plus éloignée du christianisme (l'antichrist Maurras, lui, a dû composer avec la nécessité politique de séduire les catholiques français, et évité ainsi de clamer haut et fort son satanisme).

    La bourgeoisie, quant à elle, est une caste beaucoup plus indéfinissable - une caste dont les apologistes libéraux ne se revendiquent ni de Satan, ni de Dieu, mais seulement du progrès technique le plus vil, dissimulé derrière le slogan de la science. En réalité la science bourgeoise est aussi spéculative que l'art bourgeois, c'est-à-dire entièrement entre les mains de casuistes, assez débiles pour proclamer la recherche scientifique un principe plus fondamental que l'élucidation scientifique.

    Les origines aristocratiques de Tocqueville, mélangées à son catholicisme, ne sont certainement pas étrangères dans sa détermination à croire que la démocratie n'est pas seulement un voeu pieu. Cet amalgame entraîne l'altération simultanée de son jugement des affaires politiques - Tocqueville est étonnamment peu machiavélique, c'est-à-dire un idéologue d'abord. D'autre part le catholicisme se confond chez lui avec cette culture de sa caste, dont Molière et Shakespeare ont largement fait voir l'imposture en la brocardant.

  • L'imposture laïque

    La télévision diffuse un documentaire sur l'école laïque obligatoire. Il ne dissimule guère que l'école laïque constitue le socle de la religion moderne, ni même que les méthodes de l'école présentent une certaine analogie avec celles de l'armée.

    On peut citer ici le cas de Louis-Ferdinand Céline, censuré avec plus de fermeté encore dans l'Education nationale que dans l'armée. On peut encore citer le cas des mathématiques, dont un cas excessif est fait dans les organisations tentaculaires, en raison de l'utilité pratique qu'elles revêtent. Abstraction mathématique et totalitarisme sont indéniablement liés. Le culte d'Einstein et celui de l'Etat moderne totalitaire sont deux aspect d'une même religion statistique.

    Les prétendus "pères de la science moderne laïque" (expression qui relève de l'ignorance ou de la négation de l'histoire) furent d'ailleurs souvent des ingénieurs au service de l'industrie de l'armement, tel Galilée ou Descartes.

    Le documentaire prétend que la guerre de 14-18 a entraîné un courant pacifiste au sein des bataillons d'instituteurs. Si cela est vrai, les convictions staliniennes de très nombreux professeurs-militants ont vite mis un terme à ce courant pacifiste. L'école laïque républicaine joue avant tout un rôle social, et pour cette raison elle ne peut pas être pacifiste, de même qu'un texte constitutionnel qui fait de la défense de la propriété une priorité ne peut simultanément inscrire l'égalité et la liberté dans ses priorités sans se moquer ouvertement du peuple et de la science.

    Les philosophies ou les religions les plus pacifistes sont aussi celles dont l'enseignement est le plus restreint au sein de l'école laïque. Je mentionne plus haut Céline et sa mise en cause des organisations internationales de paix en tant que chevilles ouvrières des guerres civiles européennes et de leurs génocides. A l'étude historique des mécanismes ayant conduit à ces guerres fratricides, l'école laïque a substitué un discours au niveau de la propagande cinématographique.

    Le christianisme est bien sûr exclu de l'enseignement de l'école laïque - sans doute Nietzsche n'est-il pas seul à concevoir que "le chrétien et l'anarchiste ont une seule et même origine".

    Le documentaire mentionne la volonté d'éradication de la religion chrétienne au coeur du projet laïc républicain de Jules Ferry, c'est-à-dire un motif de manipulation politique des esprits. C'est ici qu'il faut apporter quelques précisions. Faire porter le poids de la ploutocratie moderne et de ses conséquences barbares pour l'humanité aux seules institutions républicaines serait exagéré et historiquement trompeur. La volonté de Jules Ferry et des représentants de la bourgeoisie industrielle est d'en finir avec l'influence de l'Eglise romaine sur la société.

    Mais, quant au pacifisme radical de la religion chrétienne, son anarchisme réel et probable par chacune des paraboles de Jésus jusqu'à la révélation eschatologique qui proscrit même la complicité d'emprisonnement comme crime contre l'Esprit, et non seulement l'assassinat légal perpétré par un soldat avec la caution de l'Etat, dans une sorte d'ivresse culturelle ou identitaire soigneusement entretenue, pacifisme et anarchisme qui expliquent que la religion chrétienne est une "religion de peu d'élus", ce pacifisme radical a été occulté auparavant par le clergé catholique lui-même, par la méthode de la substitution d'une "tradition anthropologique", petit à petit, au message évangélique. C'est d'ailleurs ce qui explique que certains prélats et ecclésiastiques romains disent souscrire à la laïcité, contribuent à l'opacité de ce principe dans l'opinion publique, alors même que ce culte absurde est parfaitement contraire à l'esprit et à la lettre du christianisme.

    De l'étude approfondie de l'histoire de l'Occident ressort bel et bien le phénomène d'une contradiction idéologique radicale du christianisme au nom même de valeurs prétendument chrétiennes. Un chrétien verra donc dans la démocratie-chrétienne la ruse satanique la plus antichrétienne qui soit, et ce d'autant plus que les évangiles, de l'apocalypse et des épîtres de Paul l'ont averti de l'effet essentiel de cette ruse dans l'histoire moderne. Mais, ainsi que le dit la sagesse juive : "Satan a conçu un piège et il est tombé dedans.", et les chrétiens peuvent avoir confiance dans la parole de Dieu tant qu'elle n'est pas mise au service de desseins politiques ou éthiques humains.

  • Armagedon

    Qui parle de survivre ? Ce qui compte c'est de vaincre.

  • Satan dans l'Eglise

    "Ne voyons pas le diable partout !", dixit un curé catholique romain à des enfants qui l'interrogent sur le sujet du diable, qui fascine à juste titre les enfants.

    Le catholicisme romain est la religion (ou pour être plus précis le culte, puisque le Messie a interdit aux juifs de faire des commandements un objet ou un motif de culte), qui mène à la confusion de Dieu et de Satan.

    Impossible de savoir à quelle divinité les cathédrales gothiques rendent hommage. Difficile à première vue de dire si Dante répand le culte du christ Jésus ou bien celui d'Apollon.

    On prête à tort à la réforme de Luther d'inaugurer une version plus moderne du christianisme. La "modernité" prend en réalité sa source dans le moyen-âge et l'Eglise romaine. D'autre part la critique du catholicisme romain par Luther est beaucoup moins radicale que celle contenue dans la mythologie renversante de Shakespeare. Celui-ci fait table rase de la doctrine sociale médiévale dans lequel le message divin avait été noyé, de sorte que l'ivraie de la doctrine sociale ne puisse jamais repousser.

    On objectera que le diable est omniprésent dans la culture médiévale catholique. En réalité il ne s'agit que d'une figure inventée par l'Eglise catholique, dépourvue de fondement scripturaire. De même l'enfer, chez les "illuminati" Dante ou Galilée, n'a rien de juif ou de chrétien.

    Le diable, dans l'Eglise catholique, est dépourvu de la dimension historique qu'il a chez Paul de Tarse ou Shakespeare. Ce dernier indique un monarque catholique, contredisant au nom du bien la défense faite par le Messie de fonder son royaume sur la terre.

  • Les Mots

    Les mots sont la principale arme de destruction massive. Il suffit de songer à toute la rhétorique nécessaire pour justifier l'arme atomique comme un progrès scientifique, afin de dissiper la méfiance des peuples (souverains).

    Nulle surprise à ce qu'un des évêques du culte totalitaire communiste ait choisi d'intituler un de ses ouvrages : "Les Mots" ;  il aurait aussi bien pu l'intituler : "La Musique", car la musique est essentiellement propagande, et Hitler un chef d'orchestre d'exception.

  • Liberté, j'écris ton nom

    Il faut pour gagner la liberté détruire trente-six opinions trop humaines sur la liberté.

    On observe que, tandis que le christianisme a rapproché l'homme de la liberté en le dissuadant d'espérer la libération d'un quelconque mouvement social ou politique, la culture n'a fait qu'accumuler les obstacles sur ce chemin, surtout la culture élitiste qui a pour fonction de protéger les intérêts de l'élite, première actionnaire du monde.

     

  • Rentrée littéraire

    La puérilité des lettres françaises se concentre dans le phénomène de la "rentrée littéraire". La phénoménologie de l'esprit chère aux philosophes en costard-cravate n'est pas très éloignée, en fait, de la foire commerciale.

    Il s'agit d'être placé en tête de gondole. Valérie Trierweiler dame cette année le pion à la concurrence et berne ainsi le milieu littéraire avec une histoire de chair crue. Les plus "fair-play" ont reconnu qu'en matière de bovarysme, à quoi la littérature bourgeoise se résout, il fallait bien accorder la palme à l'Autrichienne de service.

    L'oisiveté est mère de tous les vices, et le problème c'est que le vice est aussi ennuyeux que la vertu, il suffit de lire Sade ou de fréquenter les salles de cinéma pour s'en rendre compte. Seul le christianisme remet vraiment en cause la vertu, puisque le vice, lui, ne peut pas se passer d'elle pour exister.

    Depuis quelques années, certains plumitifs ont eu l'idée de rehausser leur prose d'allusions chrétiennes, comme on verse un peu de vin dans son eau de rose pour renforcer la couleur. Il faut dire que le catholicisme a presque le parfum du vice en ces temps de moraline laïque ou hygiéniste. Ou bien est-ce parce que les bonnes femmes achètent 80% de la production de nouveaux romans et qu'elles aiment un doigt de foi pour allonger le stupre ?

    Il y a un an ou deux, ce fut un "Sermon sur la Chute de Rome" qui fut ainsi primé, empruntant à saint Augustin son titre. Dans ce sermon, le théologien explique la raison sacrée de l'indifférence des chrétiens à l'égard de la civilisation, en l'occurrence de l'Empire romain à l'agonie [qui de toutes façons n'avait jamais été grand que par la taille, comme la Russie ou les Etats-Unis]. On voit que l'Eglise romaine a, depuis, entièrement adapté sa théologie aux circonstances, puisque après le Boche de l'école de Francfort, radié pour ses médiocres résultats en termes de propagande, le nouveau pape François est sur le point d'aller se faire baiser l'anneau par les représentants de la ploutocratie européenne réunis à Bruxelles. L'anthropologie chrétienne vise à neutraliser l'Esprit de l'apocalypse, si fort que Satan ne peut l'affronter selon les règles de la guerre conventionnelle, mais doit passer par le maquillage moderne.

    Cette année, Emmanuel Carrère dans le "Royaume" évoque sa lecture de l'évangile de Luc, son athéisme primitif, puis sa conversion, puis son retour à l'athéisme. Comme certains théologiens chrétiens le notent, y compris de médiocres, la foi n'est pas un thème chrétien, puisque la question du salut chrétien éclipse celle de la foi en dieu. Le problème de la foi en dit beaucoup plus long sur la bourgeoisie. La question de la foi concerne beaucoup plus Satan et ses sectateurs, épris par exemple de culture latine. Par exemple : Nitezsche a-t-il vraiment foi dans Satan ? La réponse est : relativement, oui. La doctrine satanique de Nietzsche est en grande partie le fruit d'une illumination ou d'une exaltation religieuse démoniaque.

    E. Carrère : "La comparaison entre le christianisme et le marxisme-léninisme (...) vient d'autant plus facilement à l'esprit qu'il s'agit dans les deux cas d'une forme de religion, avec une visée millénariste, se présentant comme l'avant-garde d'une mutation de l'humanité (...) Les lettres de Paul sont des textes mystiques, bien sûr, mais aussi politiques."

    Notations superficielles pour quelqu'un qui prétend avoir lu attentivement pendant trois ans d'affilé les évangiles une ou deux heures par jour. Lénine fit déjà le parallèle lui-même, non pas entre le marxisme-léninisme et le christianisme, mais plus exactement entre le socialisme soviétique et la religion d'Etat catholique au XVIIe siècle. On voit qu'E. Carrère est obsédé par la politique, et que la religion qui pointe le plus le néant spirituel de l'activité politique ne l'a en rien débarrassé de son obsession. Entre la forme civile du christianisme et les évangiles, il y a un gouffre, dans lequel Paul de Tarse ne tombe pas, dissuasif au contraire de croire dans le "salut par les oeuvres".

    E. Carrère : "(...) Sans parler du concept d'un dieu crucifié, à l'opposé des dieux grecs auxquels il est tellement plus facile de s'identifier, avec leurs passions et leurs comportements qui ressemblent tant à ceux des hommes."

    Ici l'écrivain feint d'ignorer que c'est le Christ ressuscité que les chrétiens s'efforcent d'imiter, reprenant le poncif néo-païen d'un christianisme masochiste. Son point de vue sur la religion grecque est d'ailleurs tout aussi débile, puisqu'il en fait presque une religion romantique.

    Il va de soi que si dieu n'existe pas, la foi dans l'homme et ses oeuvres devient primordiale, la moindre brève de comptoir mérite d'être recueillie. 

     

     

     

  • Le plan de Satan

    L'Eglise (L.-F. Céline) ou la démocratie judéo-chrétienne détestée, en tant que discours religieux dominant, il ne fait aucun doute pour un chrétien que c'est là le plan de Satan, car c'est en tant que doctrine sociale que le christianisme est le plus haï ; or c'est à cause de son anarchisme que les pharisiens et les veuves ont comploté contre le christ Jésus et l'ont mis à mort.

     

  • Dans la Matrice

    L'amour est tout aussi improbable que dieu, mais il est apparemment plus flatteur pour l'esprit humain de croire que l'amour existe. Y a-t-il religion plus idiote à travers les âges que celle des chanteurs chantant l'amour sur tous les tons ?

  • Humain, trop humain

    Rien de plus humain que le néant, l'infini, les nombres irrationnels, la perspective, et donc l'architecture et la géométrie algébrique moderne. Descartes a ainsi contribué à faire accepter l'anthropologie comme une science, alors qu'elle est un discours religieux avant tout. Au nom du cartésianisme, on devrait prendre pour rationnelles les hypothèses de mathématiciens modernes à deux doigts de la folie, quand ils ne sombrent pas carrément dedans. Au nom du cartésianisme, on devrait prendre les ingénieurs modernes pour de savants rationalistes, quand bien même ils ne sont pas responsables de leurs actes ni de leurs recherches.

    Cet anthropocentrisme n'est pas sans lien avec le diagnostic de folie posé par certains moralistes à propos de la société américaine. En faisant de la notion d'égalité la pierre angulaire de l'idéal démocratique, Tocqueville isole d'ailleurs l'influence du raisonnement algébrique dans la foi dans la démocratie. Le droit et les mathématiques modernes ont en commun une détermination irrationnelle. Cette tendance confirme la remarque du savant matérialiste chrétien F. Bacon de la convergence entre le raisonnement mathématique et le raisonnement juridique, qui conduit de dernier, au nom du progrès scientifique, à n'accorder à la géométrie algébrique que le rang de science secondaire. L'histoire moderne des sciences s'applique d'ailleurs à occulter la véritable signification du réveil scientifique prôné par Bacon contre la science scolastique médiévale, notamment la foi chrétienne de Bacon. Celle-ci est pourtant essentielle pour comprendre la relégation par Bacon de la science juridique et des mathématiques. Le christianisme ne peut fonder en effet aucune alternative à la philosophie naturelle païenne - et par conséquent aucune règle sociale. La monarchie chrétienne de droit divin, de même que la démocratie, sont parfaitement antichrétiennes. En revanche le judaïsme et le christianisme fondent une science métaphysique par-delà la philosophie naturelle des païens. Autrement dit : les lois de la biologie ne s'appliquent pas à l'ensemble de l'univers. La philosophie naturelle n'est pas une science fondamentale du point de vue chrétien, donc les mathématiques et la science juridique ne sont pas des sciences fondamentales non plus. Lorsque l'évêque de Rome Ratzinger proclame que les mathématiques sont une sorte de langage divin, il ne parle pas comme un prêtre chrétien mais comme un prêtre égyptien.

    - Tocqueville à propos de la démocratie et de son sens égalitaire ne semble pas s'apercevoir du paradoxe suivant : la volonté et le principe d'égalité qui gouvernent la conscience du citoyen moderne n'ont rien de populaires : l'égalité est un principe religieux forgé par une élite de prêtres ou de philosophes, comme son abstraction et son irrationalité attestent. 

    Quand le crétin Karl Popper prétend que la science n'est pas faite pour dévoiler la vérité mais que la quête de vérité prime, c'est-à-dire les questions et les hypothèses sur les réponses, il inféode le but au moyen de la science. Il avoue ainsi indirectement le tour anthropologique de la recherche scientifique moderne, et donc religieux.

  • Dieu et la science

    Dieu et la science brisent l'un comme l'autre le cercle de la nécessité et des obligations sociales.

    La société s'organise donc contre dieu, selon l'enseignement évangélique, mais aussi contre la science. Tout mouvement social implique renonciation à la science. Les événements politiques récents fournissent un exemple de ce phénomène : le mouvement communiste a très vite rompu avec le leitmotiv de critique scientifique de Marx et Engels au profit du négationnisme de l'histoire et de cérémonies religieuses de commémoration en l'honneur des héros du passé. De marxiste qu'il était, le communisme est devenu sartrien, c'est-à-dire un culte conforme au catholicisme romain. Si l'on voit dans la critique marxiste un antiélitisme "au nom de la science et de la vérité", ce qu'elle est très largement, cette critique conserve son intérêt, car un esprit modelé par un régime technocratique totalitaire n'a pas conscience de l'opposition des plans scientifique et politique. En revanche, si l'on voit le marxisme comme une doctrine sociale alternative, ce qu'il est très peu, le marxisme perd tout son intérêt, car la bestialité humaine est insoluble sur le plan politique.

    L'intelligentsia stalinienne s'est hâtée de rebâtir le temple de spéculations philosophiques édifié par Hegel, que Marx avait entièrement démoli. La dignité de l'Etat bourgeois esclavagiste ("Le travail rend libre") a été restaurée, afin d'inspirer le respect au prolétariat, comme le clergé catholique usa autrefois de la tradition et des sacrements pour fabriquer un culte identitaire afin de subjuguer la paysannerie.

    Les lois sociales sont le produit d'un pacte avec la nature, et c'est ce pacte que le judaïsme et le christianisme dénoncent. Ils le dénoncent dès le mythe de la Genèse, à tel point qu'on peut penser, contrairement à Nietzsche, que la culture grecque antique est déjà marquée par le judaïsme et que la philosophie naturelle ne constitue pas pour les Grecs un horizon indépassable ; plusieurs philosophies et mythes témoignent de l'aspiration scientifique des Grecs par-delà la philosophie naturelle, à commencer par Homère, aussi peu juridique que possible. "Gréco-romain" ne peut se dire sans occulter complètement Homère, on ne peut plus éloigné de Virgile.

    Le voeu de la communauté des technocrates d'une science moderne qui soit "éthique" rejoint cette idée de "philosophie naturelle" antique. Elle trahit de la part des savants modernes la double ignorance, d'une part de l'origine et du but de la morale, d'autre part de la source et du but de la science. Les comités d'éthique scientifique sont donc des institutions totalitaires. Ce mariage forcé de l'éthique et de la science entraîne un double fiasco moral et scientifique, dont la manifestation est la plus visible dans la culture occidentale moderne, non pas "médiocre" comme se doivent toutes les cultures, mais qui tend vers la nullité, c'est-à-dire la pure rhétorique ou la science sociale.

  • Du rêve démocratique

    Alexis de Tocqueville situe utilement la démocratie en Amérique, bien qu'on peut concevoir cette idéologie comme la métastase d'un mouvement politique né en Europe.

    Rares sont les penseurs français à ne pas avoir pressenti la nature totalitaire de l'idéal démocratique. Tocqueville lui-même est circonspect ("De la démocratie en Amérique"), et son propos modéré au regard du mysticisme contemporain de la religion des "droits de l'homme".

    Tocqueville cherche à comprendre la démocratie plutôt qu'à l'imposer, et il en brosse par conséquent un portrait contrasté. Il rêve d'une démocratie aristocratique ou élitiste ("Pourquoi l'étude de la littérature grecque et latine est particulièrement utile dans les sociétés démocratiques").

    Même si elle comporte quelques détails pertinents, dans l'ensemble l'analyse de Tocqueville est insuffisante. "De la démocratie en Amérique" est un ouvrage qui vaut surtout pour les fanatiques d'une idéologie, dont il peut servir à tempérer les ardeurs. Indissociable du totalitarisme, le rêve démocratique a viré au cauchemar au XXe siècle.

    Tocqueville explique que la centralisation de L'Etat est une tendance démocratique. Il est ainsi permis de voir dans le régime despotique de Louis XIV et son administration centrale un préambule à l'avènement de l'Etat bourgeois ("Que les idées des peuples démocratiques en matière de gouvernement sont naturellement favorables à la concentration des pouvoirs").

    Tocqueville lie à juste titre l'idéologie démocratique à la notion d'égalité ou d'égalitarisme. Sous cet angle plus étroit, on peut d'ailleurs croire les Français attachés à la démocratie ; ils sont en réalité attachés à leur indépendance, à quoi le principe d'égalité peut paraître favorable. C'est sur le plan religieux que les remarques de Tocqueville s'avèrent intéressantes, car celui-ci se montre conscient que le culte démocratique est en partie le produit de la morale judéo-chrétienne.

    Le chapitre "Comment l'égalité suggère aux Américains l'idée de la perfectibilité indéfinie de l'homme" contribue à élucider la nature religieuse de l'idéologie démocratique, et le rôle de l'onirisme dans la culture des régimes bourgeois totalitaires. Il faut ajouter que l'idéologie égalitaire est typique des idées qui sont à première vue imputables au christianisme. La plupart des cultes païens sont "providentiels", et par conséquent hermétiques à l'idée d'égalité. Tocqueville considère pratiquement la démocratie comme un catholicisme qui aurait débordé les frontières juridiques de l'Eglise romaine.

    "L'égalité suggère à l'esprit humain plusieurs idées qui ne lui seraient pas venues sans elle, et elle modifie presque toutes celles qu'il avait déjà. Je prends pour exemple l'idée de la perfectibilité humaine, parce qu'elle est une des principales que puisse concevoir l'intelligence et qu'elle constitue à elle seule une grande théorie philosophique dont les conséquences se font voir à chaque instant dans la pratique des affaires.

    Bien que l'homme ressemble sur plusieurs points aux animaux, un trait n'est particulier qu'à lui seul : il se perfectionne, et eux ne se perfectionnent point. L'espèce humaine n'a pu manquer de découvrir dès l'origine cette différence. L'idée de la perfectibilité est donc aussi ancienne que le monde ; l'égalité ne l'a point fait naître, mais lui donne un caractère nouveau.

    (...) Ce n'est pas que les peuples aristocratiques refusent absolument à l'homme la faculté de se perfectionner. Ils ne la jugent point indéfinie ; ils conçoivent l'amélioration, non le changement ; ils imaginent la condition des sociétés à venir meilleure, mais non point autre ; et, tout en admettant que l'humanité a fait de grands progrès et qu'elle peut en faire quelques-uns encore, ils la renferment d'avance dans de certaines limites infranchissables."

    Tocqueville ne songe pas à tancer le christianisme, à l'instar de Nietzsche, pour avoir doté l'humanité d'une anthropologie défaillante ou irrationnelle. Catholique, T. n'est pas éloigné de voir dans la démocratie une manifestation de la propagation de la religion chrétienne à travers le monde, tout en conservant sang-froid et prudence devant une métamorphose politique dont les bienfaits restent à prouver à ses yeux.

    Cependant le christianisme est absolument dépourvu de caractère anthropologique*, et l'idée d'un régime politique dans lequel le christianisme pourrait idéalement s'épanouir est contraire à la lettre et l'esprit évangéliques. Le cas de Tocqueville illustre que l'idéologie démocratique, bien plus sûrement qu'elle ne dérive du christianisme, dérive de principes aristocratiques mêlés absurdement ou par ignorance avec un culte chrétien superficiel, dégagé de ses obligations de respect de la vérité, qui dans le christianisme se confond avec dieu lui-même.

    (*Les soi-disant chrétiens qui affirment le caractère anthropologique du judaïsme ou du christianisme nient implicitement que le christianisme soit une religion révélée, et ne le font que pour rendre service aux élites capitalistes démocrates-chrétiennes.)