Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Mon Journal de guerre - Page 23

  • Catholicisme (intransigeant)

    "Je n'achète que des fruits et des légumes de saison."

    Lucie, 26 ans, catholique. Témoignage cité (avec fierté) par "La Croix".

  • Le Christ anarchiste

    Le suppôt de Satan qui clame que le christianisme est une religion anarchiste afin de déconsidérer cette religion aux yeux du plus grand nombre, est moins éloigné de dieu que le soi-disant chrétien qui prétend que le christianisme a une vocation sociale.

    A toute présentation mensongère de son message, Jésus-Christ réagit par la colère, tandis que la violence meurtrière de Ponce Pilate et ses soldats le laisse impassible.

    Il n'y a pas eu, il n'y a pas et il n'y aura pas de cité chrétienne idéale, mais seulement des tentatives de restaurer la chair contre le message évangélique.

  • La Sainte Famille

    C'est sous ce titre que Karl Marx rédigea un pamphlet presque humoristique afin de ridiculiser la doctrine sociale des églises chrétiennes. Plus tard, le gendre de Marx, Paul Lafargue, fera preuve de la même ironie mordante dans un pamphlet fustigeant l'alliance du clergé chrétien et des banquiers capitalistes. Ce complot reste d'actualité, en dépit des effets de manche du pape Bergoglio et sa façon de pisser dans un violon en prêchant la paix mondiale.

    "Le Figaro" révélait récemment à ses lecteurs que le pape Jean-Paul II était peu ou prou un agent de la CIA. Si le rôle politique et moral de Rome en Europe est de plus en plus résiduel, les élites politiques et moral préférant se dire "laïques", le catholicisme demeure bien implanté dans les continents exploités par l'Occident.

    Bien sûr on peut objecter que le communisme a joué un rôle similaire de religion antiaméricaine, afin de s'opposer à l'influence des Etats-Unis. Sans doute, mais Marx n'en est pas la cause, de même que Jésus-Christ n'a pas poussé Judas à le trahir.

    On peut d'ailleurs se passer de Marx pour remarquer que la famille est un principe essentiellement païen. Chaque nouvelle doctrine sociale chrétienne dans le domaine de la famille ne peut manquer de porter atteinte au droit naturel sur lequel les législations païennes reposent, tout en trahissant l'esprit évangélique, essentiellement anarchiste ou antisocial. Toutes les paraboles expliquent que l'amour et la vérité divines ne peuvent se concevoir selon le cours ordinaire de la volonté et des entreprises humaines. En tant qu'animal social, l'homme est donc voué à la mort. La plus grande erreur est de croire qu'il peut y avoir une société chrétienne exemplaire.

    Pour ce qui est de faire croire à la sainteté de la démocratie-chrétienne, à sa pureté d'intention, c'est-à-dire pour ce qui est d'induire les faibles d'esprit en erreur, il s'agit de la stratégie de l'Antéchrist en personne, et les chrétiens doivent donc viser cette stratégie comme on vise la tête du dragon, ou comme le Messie s'opposa aux pharisiens.

    Les païens, qui nient selon leur doctrine que l'histoire puisse avoir un autre sens que celui de l'éternel retour des choses suivant le cycle des saisons, feraient bien de se demander, si l'histoire n'a pas de sens, comment il se fait que le pharisaïsme démocrate-chrétien puisse tenir le haut du pavé ? Servir de culte aux armées les plus puissamment armées ?

    De voir que des païens ou des athées ont pu parfois combattre la doctrine sociale chrétienne comme un ferment d'iniquité, c'est-à-dire rétablir une partie de la vérité, devrait être une provocation pour les chrétiens qui ne le font pas à lutter contre les cartels démocrates-chrétiens et leur fornication.

  • Universalisme

    Longue est la liste des notions dont le sens est complètement dévoyé, au sein d'une culture qui prétend briller par la précision et la "haute définition". Il n'y a pas besoin de gratter beaucoup l'épiderme de la civilisation judéo-chrétienne, qui procède presque entièrement de l'autojustification et du plaidoyer "pro-domo" pour remarquer que c'est la confusion qui domine, et non le sens juste. J'en ai déjà fait la remarque à propos du "matérialisme", dont la notion est complètement brouillée. Il va de soi qu'on ne peut être matérialiste, et accorder foi en même temps à la théorie d'Einstein selon laquelle l'espace et le temps prévalent sur la matière.

    De même le sens le plus répandu, qui consiste à qualifier la société de consommation de "culture matérialiste", est le plus erroné, car l'amour des objets de consommation, qui caractérise les personnes aliénées par cet amour, est une inclinaison bien plus sentimentale qu'elle n'est physique. La culture occidentale de la consommation est donc une culture animiste, ainsi que le goût du cinéma et la musique le trahissent aussi - un animisme débridé, sans doute, mais un animisme tout de même. Le totalitarisme en général, dont j'affirme en tant que chrétien que cette forme d'oppression nouvelle ne peut être dissociée de la culture judéo-chrétienne, se caractérise par son emprise sur l'âme, au lieu de l'ancienne contrainte physique. G. Orwell a fait opportunément cette remarque que les intellectuels sont beaucoup moins sensibles au totalitarisme que les personnes ordinaires. Cela est dû à une forme d'intelligence artificielle, capable en théorie de s'affranchir de la réalité. Pour ainsi dire la démocratie, et la petite musique séduisante de l'égalité qui soutient ce culte et le véhicule, en raison de son caractère purement théorique, ne peut être prônée que par des intellectuels, qui font ainsi le jeu du capitalisme, seul mouvement capable de donner à la démocratie une apparence de réalité en faisant reposer la société sur une concurrence accrue, facteur d'une injustice grandissante, puisque contribuant à faire de l'argent le principal étalon de l'égalité et du mérite.

    On peut en dire autant de l'individualisme, de l'humanisme, notions aussi communément mal traduites. Dans certains cas, la trahison est volontaire et sournoise. C'est le cas de l'individualisme, assimilé à l'égoïsme et accusé par certains propagandistes d'être un facteur de désorganisation sociale, quand c'est la mécanique technocratique, tentative d'appliquer aux sociétés un modèle d'organisation inspiré de la fourmilière, qui est la cause principale du désordre social. Or la technocratie repose sur la négation de la détermination individuelle, notamment à travers le darwinisme social, qui a inspiré aux économistes nazis, américains et soviétiques les solutions finales les plus catastrophiques. Ce n'est pas le volet réactionnaire ou nietzschéen, la filiation avec les Lumières de l'idéologie nazie qui firent la dangerosité de ce régime, mais sa culture industrielle et technocratique.

    L'universalisme, comme l'humanisme d'ailleurs, est dans beaucoup de bouches, comme une sorte d'idée chewing-gum qu'il convient de mâchonner pour avoir l'air d'exhaler de bonnes paroles qui parfument l'air autour de soi. J'entendais récemment un directeur de cirque déclamer sa passion pour les arts du cirque, ne manquant pas d'ajouter pour expliquer sa passion que le cirque est un art universel. Veut-il dire par là que le cirque est apprécié aux quatre coins de la planète ? Ce n'est pas mon cas, car je trouve le spectacle des clowns plutôt sinistre. Les enfants les apprécient surtout, mais les enfants ne sont-ils pas fascinés par les spectacles et les arts macabres ? En tant que Français, j'attrape la migraine au bout de quelques minutes d'écouter de la musique classique allemande ou des airs d'opéra italiens. Au même titre la connerie est universelle. Sans doute l'argent est aussi l'agent universel le plus répandu. On peut tout autant dire les cultures "diverses" qu'on peut les dire "universelles". Autrement dit la culture oppose autant les hommes qu'elle est susceptible de les rapprocher, le temps d'une beuverie, d'un film ou d'un épisode de fièvre amoureuse.

    Les moralistes qui démontrent que l'accès de l'homme aux notions ou aux choses universelles est barré par la mort, parce que celle-ci a tendance a réduire la conscience à la seule volonté, sont plus convaincants. Ils permettent de comprendre pourquoi le catholicisme évangélique est forcément anarchiste et antisocial - parce qu'il n'y a pas de société qui ne soit fondée sur le culte des morts, dont le christ Jésus a expressément affranchi ses apôtres. A l'inverse, le problème ou la question d'une notion ou d'une chose universelle n'a aucune raison d'être posée dans une culture de vie païenne, car celle-ci pose à la conscience humaine la limite d'une philosophie naturelle. Dans le paganisme, le rapport de l'homme et des sociétés avec la nature divinisée, prime ; dans le judaïsme ou le christianisme, seul le dépassement de ce rapport avec la nature divinisée compte. La notion de culture et celle d'universalisme n'ont donc rien à faire ensemble, étant antagonistes, tout comme la notion de culture et celle de science sont antagonistes. Un esprit scientifique digne de ce nom verra dans la culture le principal obstacle au progrès scientifique. L'argument culturel est le principal vecteur de l'idolâtrie. Vous voulez réduire le christianisme à néant ? Réduisez-le à ses aspects culturels, comme Feuerbach, c'est-à-dire aux applications sociales d'un message évangélique, qui proscrit absolument cette voie. Vous voulez réduire la science à néant : enfermez-la dans les spéculations de la géométrie algébrique, la plus culturelle des sciences.

  • Le Christ anarchiste

    S'aimer soi-même suivant l'incitation évangélique, à cause de la résistance sociale à cet amour-là, n'est pas le plus facile.

    Si on peut parler de "résistance sociale" à l'amour chrétien de soi, c'est parce que cet amour donne la force de s'opposer à l'aliénation sociale et ses différents vecteurs que sont l'argent, l'idolâtrie patriotique, ou encore la démocratie-chrétienne, en tant qu'elle représente une tentative d'étouffer le message évangélique dans l'oeuf, c'est-à-dire de faire passer la déclaration de guerre du Christ au monde pour une doctrine sociale.

    Le satanisme de Nietzsche est moins nuisible que la doctrine sociale de l'Eglise, pure fornication. Comment cela ? Parce que, tandis que le suppôt de Satan pose le principe de la faiblesse du Christ et des apôtres, du néant de cette doctrine, la doctrine de l'Eglise cultive cette faiblesse qui sert de preuve à l'antichrist, distillant une éthique judéo-chrétienne qui ne doit rien aux prophètes juifs et chrétiens, mais tout au calcul des nations judéo-chrétiennes et de leurs actionnaires.

    Un tel paradoxe ou une telle ruse est annoncé par les épîtres de Paul, l'apocalypse de Jean, ou encore Shakespeare, comme le règne de l'antichrist. Mais le camp des saints garde une confiance sans faille dans le fait que toutes les ruses de Satan seront déjouées, y compris le coup ultime du satanisme à visage juif ou chrétien.

  • Ethique

    Si l'homme juge avec beaucoup plus de sévérité ses contemporains que les hommes du passé, c'est parce que ces derniers sont un bien moins grand obstacle à ses intérêts.

    Mais Jésus-Christ, lui, sera sans cesse conspué ou trahi par les sociétés humaines, en raison de la menace permanente que ses paroles font planer sur celles-ci.

    La plus grande fortune en ce monde est d'avoir de la vertu, plutôt que des illusions modernes. En cela on ne peut démentir le suppôt de Satan Nietzsche. Mais c'est avoir une ambition limitée dans le temps que de viser la seule force de caractère que procure la vertu.

  • De la vertu au vice

    Quelqu'un me faisait remarquer ici récemment l'existence d'un nouveau magazine, intitulé "Vice", et apparemment assez en vogue sur Internet, en raison de sa conformité à l'esprit du temps.

    Le vice n'est pas la vertu des régimes ou des politiques sataniques (Rome et les Romains). L'antichrist Nitche prône la vertu contre le vice moderne. Le vice est la vertu des régimes mercantiles ; il n'est pas difficile d'observer de quelle sorte de nécessité les gouvernements occidentaux actuels sont captifs, ni de comprendre pourquoi leur prétention à l'humanisme déclenche les sarcasmes, et jusqu'au dégoût de l'humanisme chez certains, qui l'assimilent à l'hypocrisie.

    Quand le "judéo-christianisme" rime avec le mercantilisme ou le veau d'or, il n'y a que le pape pour ne nourrir aucun soupçon sur la tournure des événements politiques, à croire ou faire croire qu'il peut jouer les intermédiaires entre les puissants et les opprimés.

     

  • Tolstoï contre Shakespeare

    Bien plus que le marxisme, l'idéologie de Tolstoï coïncide avec la politique du régime soviétique. Ce dernier fut contraint à ses débuts de composer avec les masses paysannes et de leur accorder le partage des terres auquel la monarchie orthodoxe tsariste s'opposait. Lénine a eu l'intelligence ou la ruse de ne pas se mettre à dos la paysannerie, contrairement au nouveau pouvoir républicain en France, issu de la crise du régime monarchique de Louis XVI qui renonça à amadouer les paysans et préféra les affronter.

    Tolstoï rêvait d'une réforme agraire, préalable à une révolution sociale. Beaucoup d'idées socialistes progressistes sont nées dans la cervelle d'aristocrates chrétiens. Tocqueville est presque le seul moraliste français à avoir foi dans l'idéal démocratique égalitaire. On peut penser que de tels idéaux résultent de l'accord impossible entre les valeurs aristocratiques et le christianisme. De cette impossibilité résulte un moyen terme idéologique désastreux, dans la mesure où le socialisme constitue le coeur de l'idéologie totalitaire, liée à une traduction antichrétienne du message évangélique.

    Marx, quant à lui, est assez éloigné de croire que l'amélioration de la société puisse être une source de progrès véritable, voire un but de progrès. Sans doute est-il beaucoup trop juif ou chrétien pour le croire, car pour un juif ou un chrétien le progrès est du domaine de la métaphysique, à l'exclusion du domaine social entièrement charnel. Le discours de la "doctrine sociale chrétienne" est le vecteur de l'antichristianisme, que ce soit dans la version de Tolstoï, des pontifes romains modernes, ou dans la version laïcisée de Lénine. La version de Lénine est une fornication moins grande, car Lénine cherche moins à faire passer le progrès social pour une valeur chrétienne. Il n'en reste pas moins que la doctrine des soviets est tributaire de cette contrefaçon du christianisme que constituent les différentes doctrines sociales chrétiennes, tentatives dirigées contre l'esprit de dieu d'accorder l'amour de dieu avec la nécessité et les besoins humains.

    Comment appliquer les paraboles de Jésus-Christ sur le plan social ? Il ne faut pas chercher à le faire puisque le Christ n'a pas permis à ses apôtres de le faire sous peine de damnation. Il y a certainement une part de fornication dans la détermination de Judas Iscariote, c'est-à-dire de refus d'accepter la radicalité antisociale du message évangélique.

    Shakespeare, loin de témoigner de sa foi dans le progrès social comme Tolstoï, illustre non pas "le choc des cultures", expression presque entièrement dépourvue de sens puisque le sentiment identitaire implique une détermination guerrière (comme il est pacifique, le chrétien se purifie de tout sentiment identitaire), mais le heurt entre la détermination culturelle et le christianisme.

    Shakespeare a conscience que le christianisme fait table rase de toute forme de culture, autrement dit qu'il signe l'arrêt de mort de l'art. La littérature d'Homère illustrait déjà un tel phénomène, puisque Achille symbolise la culture, et Ulysse le progrès de la conscience humaine contre la culture. Ulysse est aussi individualiste qu'Achille est prisonnier de considérations sociales. Ce qui diffère chez Shakespeare, et ce pourquoi Tolstoï trouve qu'il manque de simplicité par rapport à Homère, c'est l'illustration que l'affrontement a lieu dans les temps modernes entre le christianisme et une culture qui se réclame du christianisme, directement ou indirectement, de sorte que la plupart des hommes ne mesurent pas l'enjeu de leur existence. Autrement dit l'apparente complexité de Shakespeare ne tient pas à Shakespeare lui-même, mais à une réalité sociale plus complexe et des ténèbres plus noires que celles de l'Antiquité.

  • Athéisme

    Il est toujours étonnant de voir des personnes sentimentales professer leur athéisme, dans la mesure où c'est précisément le sentimentalisme de certaines personnes qui disent croire en dieu qui fait douter, si ce n'est de leur sincérité, du moins de leur science.

    Athées ou croyantes, les personnes sentimentales sont d'abord des personnes sentimentales, c'est-à-dire la cible privilégiée de prêcheurs qui prônent une sorte de religiosité horizontale ou musicale. La musique ne s'élève pas, en effet, bien au-dessus des passions humaines.

    Au chrétien le doute n'est pas permis, car ce serait comme de partir à l'assaut en marchant à reculons. Bien sûr on peut avoir des raisons sentimentales de se battre, dans la vie - mais c'est à cette sorte de raisons qu'on reconnaît les suppôts de Satan, le soldat au sens humain du terme, jeune crétin manipulé par plus malin que lui.

    (L'organisation des armées en général fournit de précieux renseignements sur la manière dont procède Satan, et tout particulièrement l'organisation des armées catholiques. On pourrait décrire l'implication de Satan dans l'histoire en termes de stratégie militaire. L'antéchrist Nietzsche fait penser à ces officiers supérieurs qui ne comprennent pas les décisions politiques qui pèsent sur le cours de la guerre, n'hésitant pas à bafouer les valeurs ancestrales.)

  • Vérité heurte

    La vérité est aussi simple que le cerveau humain est complexe. La vérité heurte donc la nature de l'homme réfléchi.

    La morale est un domaine plein de paradoxes, toujours plus nombreux au cours du temps. Cette extension du domaine de la science marque l'éloignement de l'homme de la vérité sur lui-même, mieux connue aux origines de l'humanité qu'elle ne l'est maintenant.

    De la part de la psychanalyse, on ne peut qu'approuver l'intérêt pour la mythologie, en même temps qu'on se moquera de la prétention de la psychanalyse à révolutionner la médecine et à sonder l'âme, qui par définition n'a ni sens profond ni unité.

  • Culture de vie

    Selon l'affirmation de l'antichrist Nitche, la "culture de vie" est le fondement de la civilisation. Le mythe de la Genèse ne dit pas autre chose, puisque le serpent symbolise la vitalité ; les thaumaturges le prennent volontiers pour emblème.

    Il faut une certaine dose de "savoir-vivre", non pas au sens des bonnes manières, mais plutôt de l'endurcissement du corps et de l'âme afin de mieux résister aux petits et grands coups du sort, pour accorder du prix à la vie, qui n'a pas de logique en dehors d'elle-même, c'est-à-dire de la jouissance. L'ironie permet souvent à ceux qui savent jouir de s'accommoder de l'absurdité de la vie. C'est une façon de parer la douleur engendrée par la vanité ultime de la vie.

    Rien de plus raisonnable que le suicide pour des individus qui, ayant acquis le savoir-vivre, constatent le déclin de leurs forces vitales et ne peuvent plus rien faire pour l'enrayer, s'exposant ainsi gratuitement aux seules choses amères. Or sur ce point, on aboutit à un paradoxe surprenant : le suicide est bien plus "tabou" dans la culture moderne, bien que celle-ci ne soit pas une culture de vie, qu'il ne l'était dans l'antiquité païenne. Ce paradoxe n'est qu'apparent : une détermination culturelle masochiste, comme c'est le cas de la culture moderne ou encore de la plupart des femmes, exige un garde-fou plus élevé, un interdit religieux plus fort. Le manque de vertu, répandu dans les sociétés modernes et qui permet la domination des masses par quelques-uns, est à la fois le ciment de la société totalitaire et ce qui garantit son implosion révolutionnaire. La rhétorique totalitaire est bel et bien un ersatz de message chrétien ; c'est ce qui explique que des régimes ploutocratiques, aussi nettement éloignés du modèle du Christ Jésus que peut l'être un missile balistique baptisé par un aumônier catholique, continuent de faire référence au judaïsme ou au christianisme.

    Dans la culture moderne, la vie a un prix d'autant plus inestimable que la jouissance est réduite. On peut parler de "culture de mort" comme Nitche, ou encore de "culture de vie inconsciente", car la mort n'est visée dans la culture moderne que comme un souverain bien, une jouissance définitive plus mystique encore que celles que la vie procure de temps à autre. A cela on reconnaît que la culture moderne démocratique n'est pas chrétienne, contrairement aux dires des papes catholiques et des petits et grands actionnaires de l'Occident.

    - Quand Léopardi écrit que "Le suicide prouve dieu", il exprime là le point de vue de la métaphysique, selon lequel le pouvoir de la nature (Satan) sur l'homme n'est pas illimité - l'homme peut volontairement s'affranchir de la culture de vie, parce que celle-ci ne répond pas à son besoin de science.

    Le suicide, direct ou par privation masochiste des plaisirs naturels, ne permet pas de connaître dieu, mais il prouve son existence, puisqu'il est aussi difficile à l'homme de trouver le sens de l'existence qu'il est aisé au singe de le découvrir. La culture moderne est donc hantée par le fantôme de dieu, sa probabilité, en même qu'elle est plus éloignée encore de dieu que ne l'étaient les sociétés païennes antiques.

  • Satan dans l'Eglise

    Si les chrétiens fidèles à la parole divine doivent s'abstenir de se mêler de politique, au contraire de nombreux catholiques infidèles qui ne craignent pas la damnation, c'est pour la raison que l'ordre politique ne permet pas de se rapprocher de la vérité divine, mais seulement de Satan qui préside au destin du monde.

    Ceux-là qui consolident leurs ambitions morales et politiques à l'aide de slogans chrétiens ne valent pas mieux que les pharisiens qui ont cru pouvoir assassiner le Christ Jésus pour le faire taire.

    Face au principe de vertu et au droit naturel des païens, un chrétien doit se comporter ainsi : - ne jamais christianiser la vertu ou le droit : il n'y a pas de pire abomination qu'un tribunal civil ou pénal qui prétend rendre la justice au nom du dieu des chrétiens. Par ailleurs un chrétien doit souligner que le monde moderne n'est pas vertueux, notamment en raison de la fausse science évolutionniste qui traduit une anthropologie débile. Toutes les idées politiques modernes ont la couleur et l'apparence d'idées chrétiennes, mais leur finalité éthique et politique est suffisante pour indiquer qu'elles ne le sont pas, mais une ruse de Satan afin de diviser les hommes afin qu'ils se désintéressent de la vérité universelle.

    Satan applique une stratégie de la terre brûlée, et il le fait à l'aide de pyromanes soi-disant chrétiens.

     

  • Science sans conscience

    ...n'est que ruine de l'âme.

    J'ai déjà dit sur ce blogue combien la "conscience chrétienne" dont Rabelais fait état dans cet avertissement, diverge de l'éthique, sorbonagrerie néoplatonicienne de clercs ineptes. J'en veux pour preuve que le darwinisme, promotion d'un déterminisme barbare et totalitaire, reçoit la caution la plus souvent aveugle d'exemplaires tartufes, attachés par ailleurs à brandir la bannière de l'éthique, y compris jusque sur le terrain de la guerre où elle est vouée à être indéfiniment bafouée par des lois supérieures.

    D'éthique de la liberté il n'est pas question dans le christianisme. Les évangiles illustrent une conception chrétienne de la liberté OPPOSEE à celle de l'éthique, contrairement au païen Platon. "Ethique de la liberté" : la formule est d'un pasteur et universitaire protestant, Jacques Ellul, sournoisement occupé à promouvoir le choc des cultures sous couvert d'anarchie. J. Ellul aurait mieux fait de lire les paraboles du Christ, qui montrent toutes le fossé qui sépare la charité de l'éthique. Il aurait aussi pu lire Platon, et comprendre ainsi à quel point l'éthique est compatible avec l'esclavage.

    J'allais oublier Molière : l'aumône de Don Juan au pauvre est significative de la démarche éthique, dont Molière montre ici le caractère de parodie subtile de la charité. Don Juan est athée : son geste a une dimension sociale. Il ne fait pas l'aumône suivant le commandement de dieu, mais pour le bien du monde, c'est-à-dire au fond pour lui-même, car Don Juan a conscience que la société n'a qu'une valeur relative. Et Molière, lui, sait que la société n'a aucune valeur du point de vue chrétien.

    Ce que Rabelais dit de la science, on peut le dire de l'amour : "Amour sans conscience n'est que ruine de l'âme." (Cela ne vaut pas d'abord pour les putains, dont bien souvent la conscience est plus nette des véritables ressorts de l'amour humain que les filles à papa.)

    Science et amour se confondent parfaitement du point de vue chrétien. L'incitation à la conscience dans la science est ainsi incompréhensible du point de vue païen, qui relève du droit naturel et de la philosophie naturelle. La nature est pour le physicien païen un dieu seulement partiellement pénétrable. Le physicien païen s'incline devant la nature qui en saura toujours plus que lui.

    Sauf la dimension de respect, la technocratie moderne répète exactement la même mentalité. L'éthique moderne, substituée à la conscience chrétienne authentique, n'est là que pour affranchir la science du respect, c'est-à-dire pour attribuer à l'homme une capacité qui n'est pas la sienne, mais celle de l'homme. Les soi-disant "comités d'éthiques" ne sont là que pour servir de caution à la barbarie moderne. L'athéisme ou l'éthique chrétienne sont des armes juridiques au service de la domination occidentale. Si complot de l'Occident il y a, il consiste surtout à faire passer les valeurs occidentales pour des valeurs "scientifiques", ce qu'elles ne sont pas. Les mathématiques sont une science inférieure à la poésie, et bien souvent les mathématiciens n'ont de la nature ou de l'univers que des supputations pour toute connaissance.

    Les propagandistes modernes de l'éthique juive, chrétienne ou laïque, sont en réalité les artisans de la destruction de l'humanisme chrétien authentique. L'éthique chrétienne substitue le néant à dieu - il devient ainsi possible de passer de l'athéisme au christianisme, et du christianisme à l'athéisme, comme on enfonce une porte ouverte.

    Simultanément, d'une manière tragique et qui a été illustrée par Shakespeare dans plusieurs pièces, l'éthique chrétienne (l'odeur qui empeste le Danemark) incline l'amour dans le sens de la mort (suivant le mobile qui détermine Ophélie). Il ne s'agit pas pour Shakespeare comme certains l'ont cru (Nitche) de dénoncer le christianisme, mais bien de dénoncer une morale chrétienne-platonicienne qui dissimule derrière l'argument de la tradition l'occultation du message évangélique, de sorte que la culture médiévale n'est qu'un syncrétisme abject dans la plupart de ses propositions, notamment les plus officielles.

     

     

  • Antiaméricanisme

    C'est justement parce que les Etats-Unis sont le pays où "tout est possible", que l'on y fait le plus souvent n'importe quoi. Les limites assignées aux désirs des citoyens russes fait de l'Etat totalitaire russe un Etat moins dangereux que les Etats-Unis, car quand vient la nécessité pour les édiles du peuple de s'en servir comme d'une arme, c'est sur le sentimentalisme du peuple qu'il peut compter pour le manipuler plus facilement.

    Les Russes espèrent moins dans la politique que les Américains, et en cela ils sont moins efféminés, car la fonction principale du féminisme dans la société totalitaire est d'incliner au respect de l'Etat, matrice du droit. Les Américains sont des Russes, quand ils ne s'inclinent pas volontairement devant l'Etat, mais parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement.

    C'est parce les Etats-Unis sont une nation où le culte de la loi excède celui qui règne dans toutes les autres nations que la loi n'y est pas respectée. Même les mathématiques, la géométrie algébrique que les citoyens américains prennent ordinairement pour une science (suivant une tradition de boutiquiers d'Europe centrale), ne sont pas respectées aux Etats-Unis, dont les savants passent leur temps à tricoter et détricoter les modèles scientifiques, comme Pénélope sa tenture, en attendant une révélation qui ne viendra jamais.

    Les lois ne sont pas respectées aux Etats-Unis, car elles ne sont pas respectables, ayant perdu peu à peu leur vocation pratique pour devenir des garde-fous. A mesure que l'asile s'étend et que le nombre des fous croît à l'intérieur de cet asile, l'effet de contention de la loi perd peu à peu de sa force et la culture hallucinogène américaine de son pouvoir de camisole chimique.

    Ce cancer est celui que les prêtres perfides nomment "anthropologie", c'est-à-dire un intérêt pour l'espèce humaine qui tourne progressivement à l'ignorance la plus profonde de l'homme, au darwinisme social et toutes sortes de philosophies barbares, dont la défaite du nazisme nous avertit qu'il fut la variété la moins dangereuse et la moins résistante des diverses formules anthropologiques en circulation.

    Comme l'anthropologie se disait dans l'antiquité païenne "poésie", les chrétiens, fidèles au message divin le moins anthropologique de tous les temps (le livre de Job en témoigne, ainsi que tous les prophètes et toutes les prophéties) savent que l'anthropologie moderne n'est autre qu'une ruse de Satan, qui consiste à faire endosser au christianisme les maux du monde moderne, afin que la vérité demeure ensevelie sous le choc de volontés humaines apparemment contradictoires, mais qui toutes indiquent l'emprise de Satan.

  • Is Shakespeare Dead ?

    ...est le titre de la petite thèse humoristique baconienne de Mark Twain.

    L'hostilité des Anglais à la remise en cause de la biographie officielle de Shakespeare, aussi creuse soit-elle, ainsi que l'Américain Twain s'amuse à le souligner, s'explique aisément. Les Britanniques ont intégré au folklore national le moins patriotique et le moins nationaliste de tous leurs littérateurs.

    Qui plus est, le choc entre Shakespeare et la culture anglaise est frontal, quasiment aussi violent que le choc entre le Christ et la culture juive. Par conséquent, l'obscurité et l'énigme dans laquelle est largement plongée l'oeuvre de Shakespeare sert probablement la légende nationale anglaise.

    L'hostilité de l'université française à cette remise en cause est plus surprenante. On peut penser que la rivalité de la France et de l'Angleterre aurait pu inciter les Français à piétiner la légende dorée anglaise. Il n'en a rien été. Il faut dire que les élites intellectuelles françaises ont longtemps été fascinées par l'Angleterre, reconnaissant dans ses institutions politiques un modèle, précisément là où Shakespeare dénonce un vice, mettant un terme définitif à l'illusion du progrès social véhiculée par le clergé chrétien. Autrement dit, les universités occidentales sont largement occupées depuis le moyen âge à faire la démonstration de la supériorité de la civilisation occidentale (c'est là leur véritable but, non pas la science), tandis que Shakespeare illustre au contraire la nature particulière de la barbarie occidentale, qui tient à la conjonction de deux élans radicalement opposés - d'une part le "droit naturel" païen, d'autre part l'amour chrétien, parfaitement incompatible avec le premier. Pour le dire de façon plus imagée, le Christ fait le chemin inverse du chemin parcouru par Adam, et de même la voie du salut choisie par les fidèles qui composent l'Eglise est à l'opposé du pacte passé par Eve avec Satan. Ce que les élites intellectuelles occidentales s'efforcent de dissimuler, à savoir la nullité de la civilisation occidentale, Shakespeare ne le dérobe pas à la vue de ses lecteurs ; c'est le sens symbolique de la tenture derrière laquelle Polonius est dissimulé, et que Hamlet transperce d'un coup d'épée. La pointe de la science contre le filet de la rhétorique.

    Petite parenthèse pour expliquer pourquoi certains satanistes, à commencer par F. Nietzsche, mais aussi S. Freud, ont pu être fascinés par Shakespeare. Ce dernier met à mal la figure du diable, telle qu'elle fut peinte par la théologie catholique au moyen âge, et qui en réalité n'est pas chrétienne mais platonicienne, et il restaure l'authentique conception juive et chrétienne de Satan, comme le dieu de la vertu, c'est-à-dire à la fois le plus intransigeant et le plus prodigue des dieux. D'une certaine manière, on entend beaucoup moins parler du diable dans les pièces de Shakespeare que dans les fables du moyen âge. Horatio ne veut pas suivre son ami Hamlet qui va à la rencontre du spectre, craignant le diable. Naïf Horatio, qui ignore que le diable demeure en chacun de nous. Cependant il n'y a aucune pièce de Shakespeare qui ne nous montre l'action de l'antéchrist dans l'histoire, en cela beaucoup plus proche des explications de l'apôtre Paul que des sommes théologiques médiévales.

    Autrement dit Shakespeare ne donne pas une explication psychologique du diable, puisqu'il montre que c'est au contraire Satan qui gouverne la psyché, la volonté inflexible du tyran comme le petit miroir fragile d'Ophélie. En cela Shakespeare est beaucoup plus proche des explications fournies sur Satan par son porte-parole Nietzsche, concevant à juste titre et suivant une formule qu'aucun juif ou chrétien ne peut sérieusement lui contester, l'art comme un mode d'expression satanique. Mais Shakespeare est très loin d'exalter ainsi que Nietzsche la vertu comme la seule et unique force ayant un ascendant sur l'homme. Shakespeare brosse le portrait d'un homme traversé en même temps par le besoin impérieux du bonheur et par la capacité contradictoire de sacrifier cet état de satisfaction médiocre à quelque chose de plus grand, et non seulement une illusion comme le pense Nietzsche, peignant un tableau de l'antiquité destiné à conforter sa démonstration d'un âge d'or antique, prométhéen, relevant exclusivement du droit naturel et du nombre d'or 666.

    L'anthropologie de Nietzsche ne l'accule pas à une philosophie naturelle aussi bancale que le darwinisme, qui a la particularité d'être la "science humaine" la moins apte à rendre compte rationnellement de la condition humaine. Contrairement à la doctrine de Nietzsche, le darwinisme contribue à la justification de l'esclavagisme moderne, en particulier à l'idée que "le travail rend libre". Mais l'anthropologie de Nietzsche accule son auteur à une thèse historique on ne peut plus fragile, consistant à décrire les deux millénaires (de décadence) écoulés comme la conséquence des fantasmes répandus par les prophètes juifs et chrétiens parmi les peuples.

    Quant à Bacon, il formule, lui, une version plus laïque de l'influence de Satan sur le monde et de l'activité de l'antéchrist, celle de l'ignorance apparemment invincible de l'homme, son emprisonnement dans les limites de l'art, et l'impossibilité de sortir du labyrinthe des déterminations complexes où il se trouve perdu à la naissance. Plus les siècles passent, plus la possibilité d'une vérité semble s'éloigner. Plus l'homme feint de s'agiter au service de la science, comédie jouée en permanence par ce grand cocu qu'est l'homme moderne, plus l'homme semble s'enliser dans le marécage de l'ignorance.

    Cette description est proche de la "bipolarité" de l'homme soulignée par Shakespeare, comme étant soumis à deux forces opposées, et qui explique par exemple comment il peut être à la fois l'animal le plus faible de toute la création, le moins bien naturellement pourvu, tout en étant capable de dominer toutes les espèces concurrentes (parler de l'intelligence de l'homme pour justifier une telle position, c'est renoncer à expliquer cette contradiction). Or cette contradiction essentielle est sans doute la meilleure explication qui soit de l'incapacité des sociétés humaines à effectuer un quelconque progrès scientifique, et même social, puisque la quête du bonheur où se situe environ aujourd'hui l'idéal politique, est la caractéristique des civilisations sous-évoluées, tandis que l'on peut dire au contraire que les plus hautes civilisations, ayant atteint un niveau de bonheur ou d'équilibre suffisant, passent plus de temps à jouir qu'à courir après le bonheur. Le bonheur n'existe dans les temps totalitaires où nous sommes, annoncés par Shakespeare, que comme une vitrine ou une cinématographie, un slogan dont les élites politiques ne peuvent se départir sous peine que leur légitimité à diriger les peuples s'en trouve réduite à peau de chagrin. Que l'on prive les gouvernements occidentaux des paradis artificiels qui permettent de maintenir une bonne partie des peuples dans un état de léthargie, et le risque de révolution s'en trouvera augmenté, c'est-à-dire de dépit d'une politique si orgueilleuse qu'elle ne se connaît pas elle-même.

    Néanmoins Shakespeare montre qu'on exercera en vain sa vengeance sur Claudius, Gertrude et leurs serviteurs. C'est bien assez de déjouer leurs ruses ; et c'est perte de temps que de désirer des potentats honnêtes - la vie est trop courte pour poursuivre ce genre d'illusion, au détriment de la vérité et de l'amour. Un peuple sage, plein de sang-froid, mettrait un terme définitif à la nécessité de la politique et de l'ordre social, exactement comme l'égalité entre les hommes et les femmes mettrait un terme à la sexualité, c'est-à-dire que la volonté de démocratie véritable, comme celle d'égalité entre les hommes, ne trouvent pas de consistance en dehors de mensonges religieux.

  • De Shakespeare à Sollers

    Dans un article récent, P. Sollers décerne aimablement à Shakespeare le titre de "plus grand tragédien de l'Occident", avant de se pencher sur la personnalité énigmatique de l'auteur, que très peu d'éléments factuels permettent d'identifier, ainsi que le souligne Mark Twain dans une petite pièce comique.

    L'abondance à peine croyable des sources de Shakespeare, tant historiques que littéraires, mythologiques, bibliques, chrétiennes, juridiques, astronomiques, folkloriques, géographiques, etc., qui procurent à l'oeuvre du tragédien anglais son exceptionnelle densité, suffisent à forger la conviction du journaliste américain qu'un jeune acteur de province, aussi doué soit-il, ne peut en être l'auteur.

    L'opinion de P. Sollers est tout ce qu'il y a de plus banal ; on sait que les plus grands noms de la littérature occidentale ont tenté de se hisser au niveau de Shakespeare, Voltaire ou Hugo pour ne citer qu'eux. Pour se limiter au périmètre de la France, Molière et Balzac en sont sans doute les plus proches. Molière en raison du caractère antisocial de son propos, le plus dissuasif d'espérer quelque chose de la société en termes de vérité. Balzac parce qu'il appartient au genre mal nommé du "fantastique chrétien", mal nommé puisque c'est l'utopie politique qui est, du point de vue réaliste de Balzac, le rêve ou le néant vers lequel se précipitent les sociétés, et la nouvelle fiction susurrée à l'oreille des peuples par la bourgeoisie en guise de religion. Elle consiste simplement à conférer à l'au-delà une fonction politique qu'il n'avait pas, ou qui était plus restreinte dans l'antiquité. La démocratie est une sorte de paradis ouvert à tous. Shakespeare, Molière et Balzac ont en commun d'être des négateurs de "l'au-delà", dont ils illustrent la dimension psychologique triviale. Aucune société ne peut se passer de l'exaltation mystique de la chair, suivant la tournure d'esprit qualifiée dans le judaïsme et le christianisme de "fornication" (cf. Swedenborg, où Balzac a trouvé une partie de son inspiration), pas même les sociétés bourgeoises puritaines, qui l'exaltent bien plus encore, exactement comme le masochisme est une quête de plaisir plus mystique que la recherche d'une satisfaction ordinaire.

    Shakespeare a aussi des adversaires, voire des ennemis, et leur propos est parfois plus éclairant sur Shakespeare que celui d'admirateurs aveugles. C'est sans doute pour le parti de la "franc-maçonnerie chrétienne", expression qui permet de désigner le large usage du christianisme en Occident, à des fins élitistes et politiques, que Shakespeare est le plus dérangeant, car il n'a de cesse de peindre les hommes d'Eglise au service des princes et monarques chrétiens comme des suppôts de Satan, ou des imbéciles "arroseurs arrosés", s'agissant de théoriciens plus idéalistes (Th. More). Et cette peinture saisissante s'accompagne d'une dénonciation drastique de la culture médiévale, qui procède de l'amalgame entre le paganisme (néo-platonisme) et le christianisme. Autant dire que Shakespeare ouvre une voie d'eau dans la théorie de la nef occidentale battant pavillon chrétien - une voie d'eau qui n'est pas tant faite pour détruire le navire que pour permettre aux voyageurs de s'en échapper.

    La piste du génie de Shakespeare, suivie par Sollers pour tenter de retrouver l'auteur, comme on résout une devinette, n'est pas la bonne. En effet, Shakespeare n'a rien d'un génie. C'est le moins original des auteurs. Le génie ne sait pas ce qu'il fait, parfois il n'a même pas la maîtrise de ses actes ; tout au plus, quand il a survécu à son génie, le génie en comprend-il a posteriori la portée. Les génies, les grands, demeurent incompris des foules qui les admirent, les croyant forts, alors qu'ils savent, eux, au contraire, qu'ils sont plus petits que l'art qu'ils ont pratiqué. Les grands génies ne peuvent que s'incliner devant la nature, dont ils sont les porte-voix. En matière d'histoire, le génie n'est d'aucune utilité. Rechercher la signification des événements du passé ne permet pas de guérir l'homme des passions qui l'ont conduit à commettre des erreurs, et qui, les siècles passant, le conduisent à répéter les mêmes erreurs en pire, suivant le principe qui veut que, quand on n'avance pas, on recule. Avec le temps, synonyme de perspective, l'erreur humaine ne fait que s'aggraver, et la culture refléter de plus en plus le prisme humain. L'histoire ne se conçoit que comme prophétie, et Shakespeare est un prophète pour les temps reculés où nous sommes.

     

     

  • Le Christ anarchiste

    Tout l'effort de l'anthropologie chrétienne (le christianisme à vocation sociale) consiste à ramener l'amour de dieu à la portée des hommes, alors qu'il n'est pas à leur portée.

    Par voie de conséquence, l'idéologie de dieu entraîne l'athéisme, progrès de la conscience mondaine effectué surtout au cours de l'ère dite "chrétienne" et des civilisations étiquetées ainsi par des anti-historiens auxquels Shakespeare oppose sa mythologie.

    L'effort de l'anarchiste chrétien consiste à desserrer l'étau de l'anthropologie chrétienne et des certitudes modernes sur la conscience humaine ; faute de quoi il vaudrait mieux qu'il ne fut pas né, c'est-à-dire qu'il ait enduré les épreuves de la vie pour un néant plus paisible que l'existence.

     

  • Le Destin

    "Deviens toi-même !", dit l'antéchrist pour indiquer la voie du destin ; c'est-à-dire rejette les injonctions de la société des hommes, pour obéir à des injonctions plus naturelles.

    Il y a deux raisons opposées pour s'écarter du destin : la peur, d'une part, car la société et la culture sont une promesse de sécurité, une assurance-vie ; et, à l'opposé, le goût de la liberté, car la voie du destin est largement obscure. La preuve, beaucoup la suivent se disant chrétiens, alors qu'ils sont fidèles de Satan. Et peu de fidèles de Satan se demandent comme Aristote s'il n'y a pas une force supérieure à celle du destin dans l'univers. 

  • Apophtegme

    Une thèse mensongère de Nietzsche est l'imputation de l'idéologie du progrès politique et social au christianisme. Autrement dit l'idéal égalitaire, qui aurait paru absurde au temps de la civilisation antique et de philosophies politiques plus écologiques, serait un "apport chrétien", néfaste selon l'apôtre du retour à la raison païenne, car facteur d'anarchie en incitant l'homme à revendiquer plus que la part que la nature, source unique du droit, lui réserve.

    Cette thèse superficielle se renforce presque exclusivement de la preuve que de nombreux chrétiens ont la prétention, formulant des propositions sociales chrétiennes, de faire le royaume du Christ sur la terre, autrement dit pour employer une phraséologie plus moderne, prétendent qu'il existe une "anthropologie chrétienne" (Joseph Ratzinger), ou encore que les chrétiens ont part à la civilisation. La religion chrétienne se caractérise au contraire par l'absence d'intérêt pour l'homme et la satisfaction de ses besoins naturels, c'est-à-dire pour l'homme en tant qu'animal politique, ce qui fait toute sa difficulté spirituelle - une difficulté que rencontre la science dès lors qu'elle s'élève au dessus de la recherche de moyens techniques.

    Il n'est que de lire les évangiles, ou seulement les paraboles de Jésus-Christ, pour constater l'indifférence du Christ aux questions sociales qui lui sont posées. On voit dans la Bible le peuple juif fuir la civilisation, symbolisée par l'Egypte, pour gagner une "terre promise" dont la signification est spirituelle. Les chrétiens ne font pas le chemin inverse, puisque le Messie est encore plus net sur le caractère spirituel du message divin, octroyé à l'homme pour faire son salut en dépit des déterminations du monde, bousculant au passage l'éthique juive pharisienne, subversive du sens de l'histoire indiqué par les prophètes juifs.

    La thèse du socialisme, nouveau déguisement de la morale chrétienne, la plus abstraite et nihiliste de tous les temps, repose donc surtout sur la prétention de nations ploutocratiques à se dire "chrétiennes". L'invention de l'anthropologie chrétienne est le propos le plus subversif qui soit du message évangélique. Plutôt que de nier que l'histoire à un sens, à l'instar de Nietzsche et de sa vaine tentative de restauration du bonheur antique, les athées ou néo-païens feraient mieux de se demander d'où vient la nécessité pour des nations ploutocratiques de se réclamer du christianisme avec autant d'insistance, quand bien même elles forment par leurs actions visant à dominer le monde, le plus bel exemple de l'hypocrisie des doctrines sociales chrétiennes ?

    Au cours de l'ère dite "chrétienne", formant un parti réfractaire à la doctrine sociale chrétienne dominante, bénéficiant de moyens de propagande extraordinaire, se sont toujours élevées des voix chrétiennes contre le "discours social chrétien", soulignant son caractère subversif.

    Francis Bacon Verulam, célèbre savant chrétien promoteur du progrès scientifique, a ainsi écrit de nombreux aphorismes destinés à illustrer sa démonstration que le progrès de l'esprit humain, englobant la métaphysique afin de ne pas réduire la portée de la science à la simple ingéniosité technique, ce progrès ne pouvait avoir de bénéfice au plan politique. La révélation chrétienne est de même exempte d'applications sociales, morales ou politiques dans ce monde, suggère également Bacon, conscient que la vanité de l'Occident repose sur une vantardise d'un progrès qui n'en est pas un.  

    "Quand l’empereur Vespasien quitta la Judée pour s’en aller prendre possession de l’Empire, il passa par Alexandrie, où demeuraient les deux fameux philosophes Apollonius et Euphrates. Alors que devant une importante assemblée il les eut écoutés discourir longuement du gouvernement politique, à la fin lassé de leur dispute il se retira. Mais en s’en allant il ne put s’empêcher de se moquer d’eux, ayant trouvé leurs discours un peu trop spéculatifs, et impossible à mettre en oeuvre. Ainsi dit-il pour les blâmer : - Je voudrais, dit-il, pouvoir gouverner des hommes sages, ou qu’eux-mêmes me gouvernassent."