"Il ne faut pas voir le diable partout." (un prêtre catholique à des enfants l'interrogeant sur le diable)
Partons de ce conseil d'un prêtre à des enfants pour tâcher d'élucider la question du "diable" telle qu'elle est élucidée par les évangiles - ainsi que par Shakespeare, compte tenu de l'écoulement des siècles.
Un mahométan m'interrogeait il y a quelque temps sur les raisons qui pouvaient l'inciter à suivre Jésus-Christ plutôt que Mahomet. Ce disciple de Mahomet savait que "toutes les religions ne se valent pas", évitant ici de tomber dans un piège tendu par Satan.
Mon argument pour le convaincre fut celui-ci: l'enseignement du Messie et des apôtres est le plus net en ce qui concerne Satan, son but et ses moyens, son avènement dans le monde. Mahomet ne décrit pas Satan comme Jésus-Christ le décrit - un mahométan se trouve par conséquent moins bien armé, son glaive est moins bien aiguisé pour mener la guerre sainte contre Satan. C'est aussi en quoi l'enseignement de Jésus-Christ est plus élevé que l'enseignement de Moïse, qui mena le peuple juif "hors d'Egypte".
Le fait que l'Occident "judéo-chrétien" paraisse gouverné en sous-main par Satan n'a rien de contradictoire avec ce que je viens d'énoncer précédemment, car grandes sont la ruse et la puissance de Satan, dont les Evangiles nous montrent qu'elles agissent parmi les apôtres de Jésus-Christ au cours de sa "vie publique", avant que les apôtres ne reçoivent l'assistance de l'Esprit lors de la Pentecôte.
Mais revenons à la question posée au départ :
- D'une part le Messie semble ne voir le diable nulle part : il ne prononce pas de condamnation contre la femme adultère, ni le condamné à mort, ni le soldat romain... au point que de nombreux philosophes, défenseurs de la morale, fustigent l'immoralité de Jésus-Christ ou le traitent d'anarchiste comme F. Nietzsche; ce dernier félicite même les soldats romains d'avoir assassiné Jésus, débarrassant ainsi la terre d'un fou (N. ne croit pas à la divinité de Jésus-Christ et s'efforce de la réfuter).
- D'autre part Jésus-Christ paraît mobilisé en permanence contre Satan et il n'hésite pas fustiger avec colère ses plus proches apôtres, dès lors que ceux-ci penchent du côté de Satan. Simon-Pierre, notamment, doit affronter plusieurs fois la colère de Jésus-Christ, lorsque l'influence de Satan sur les actes ou les paroles de Simon-Pierre se manifeste.
Les pharisiens, ces juifs qui ne reconnurent pas dans le Christ le Sauveur et commanditèrent son assassinat, font aussi les frais de la colère de Jésus-Christ. Celui-ci leur reproche d'avoir vidé l'enseignement des prophètes de sa substance spirituelle.
Comment expliquer l'attitude de Jésus, qui peut paraître paradoxale ? Elle s'explique simplement du fait que l'éthique est une religion de Romain, c'est-à-dire de païens. Les philosophes païens enseignent à discerner le bien du mal, dont la meilleure récompense est le bonheur terrestre. Rien de plus normal qu'un moraliste ou un philosophe "athée", et l'on doit se méfier des prêtres qui promettent le bonheur ou une quelconque félicité "dans l'au-delà".
Les utopistes en politique, avec la promesse des lendemains qui chantent, sont les héritiers de ces prêtres charlatans.
Le chrétien n'est pas jugé sur sa "bonté" au sens païen (platonicien) du terme. C'est ici aussi le sens de l'explication de Paul aux disciples que "les oeuvres ne sauvent pas". Les oeuvres ne sauvent pas, car elles n'ont rien de spirituel, elles ne participent pas à l'amour de Dieu, qui seul sauve. Celui qui accomplit une bonne oeuvre le fait d'abord pour lui - le principal bénéficiaire d'une "bonne oeuvre" n'est-il pas celui qui l'accomplit ?
Jésus ne nie pas que nous sommes faits de chair - il nous dissuade de croire que la chair peut nous affranchir du péché.
Le satanisme, en revanche, déclenche la colère de Jésus-Christ. Le satanisme est l'antichristianisme ; il n'est pas tant le blasphème contre Jésus-Christ, qui n'a cure des blasphèmes de la soldatesque romaine, que les attaques contre le Salut.
L'exégète chrétien E. Swedenborg explique bien cette notion de péché contre l'Esprit (fornication), qui consiste à trahir la Parole de Dieu ou la déformer. C'est là le sens du satanisme, et les Evangiles illustrent qu'il vient toujours, systématiquement, de l'intérieur de l'Eglise (on ne peut trahir ou déformer ce que l'on ignore).
Je mentionne Shakespeare au début de cette note, car il s'est attaché dans plusieurs pièces à montrer l'importance de l'antichristianisme et de la trahison de la Parole de Dieu au cours de l'Histoire, selon une prophétie de l'apôtre Paul qui annonce la montée en puissance de l'antichristianisme au cours des siècles. Ainsi dans "Hamlet", Shakespeare raconte sur le mode de la fable le mariage de la puissance publique (Claudius) avec l'Eglise (Gertrude), mariage qui implique la trahison de l'Esprit (le spectre), que Hamlet est amené à découvrir peu à peu.
La difficulté des moralistes à comprendre cette pièce vient de ce que Hamlet ne se venge pas lui-même mais venge l'Esprit, en transperçant Polonius (incarnation de la théologie chrétienne mensongère), dissimulé derrière une tenture.
L'Histoire prouve bien la virulence du satanisme, à travers les schismes qui, sanglants ou non, représentent non seulement une insulte ou une injure à la face de Dieu, mais surtout une attaque contre le Salut.