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Lapinos - Page 124

  • Symbolisme laïc

    Si Harry Roselmack est le symbole de la "négritude", Laurence Ferrari, elle, incarne le féminisme "à la française" ; celui qui a fait la fortune de "Elle" ou "Marie-Claire".

    Les nègres ne peuvent pas gagner à tous les coups, quand même ! Après Obama, c'est au tour du sexe féminin de rafler la mise.

    On aurait tort d'opposer d'ailleurs Ferrari à Roselmack. Car ils ont en commun de représenter tous les deux le talent et la liberté des médias.

    Sous-entendre que Mlle Ferrari s'appuie sur sa liaison avec l'hôte de l'Elysée pour se propulser au sommet de la chaîne, impliquerait de nier le talent de journaliste de la blonde. On ne s'y risquera pas, pour éviter d'être accusé de mysoginie. Ou, pire, ça reviendrait à assimiler carrément le journalisme à de la prostitution. Invraisemblable !

     

  • La symétrique des idées

    L’angélisme de Thomas d’Aquin consiste à amalgamer deux courants de pensée opposés, à savoir l’archaïsme de Platon et la modernité d’Aristote.
    Cet angélisme est le fait de Hegel aussi, qui mêle l’obscurantisme de Kant avec la philosophie des Lumières.

    Thomas d’Aquin et Hegel doivent à l’impression d’exhaustivité qui résulte de l’amalgame leur triomphe dans l’Université, où l’on confond volontiers la gravité avec le volume. Mais de là viennent aussi les contradictions de Thomas d’Aquin et Hegel, leur talon d'Achille. Hegel qui combat le romantisme à partir de principes romantiques.

    *

    On peut voir les choses de façon plus dynamique. Le mouvement de Thomas d’Aquin est de s’extraire de la "romanité" pour aller vers la pensée classique. Et le mouvement de Hegel est de s’extraire de la pensée germanique pour aller vers la pensée néo-classique.
    Autrement dit c’est manifestement le fait pour Thomas d’Aquin de s’éloigner du christianisme “romanisé”, et pour Hegel de s’éloigner des extrapolations kantiennes qui font leur force.

    *

    De l’étude de Thomas d’Aquin et de Hegel, sans aller jusqu’à Marx, il ressort deux évidences :
    - De la plus ténue à la plus forte, de la plus athée à la moins athée, il n’est aucune pensée en Occident qui n’émane des Grecs ou du christianisme, le plus souvent d’un mélange des deux. Et même au-delà : le nationalisme juif ou l’internationalisme islamique ont plus à voir avec la logique grecque ou chrétienne qu’avec le talmud ou le coran.
    - La pensée prétendûment post-moderne ou laïque, se caractérise par une tentative de nier autant que possible ses origines.
    On peut la scinder facilement en deux branches. L’une qui s’efforce de brouiller encore plus les cartes du jeu de Hegel, de tirer Hegel vers une petite mystique de sous-préfecture ; l’autre courant consiste à étouffer le radicalisme de Marx - ou bien à le tronçonner, ce qui revient au même étant donné que la force de Marx tient à son unité. Si l’on occulte le combat de Marx contre la religion laïque, on ne peut pas comprendre le Manifeste du parti communiste.

    En dehors du national-socialisme et du communisme, il n’y a donc rien à l’Ouest de nouveau à signaler. La pensée “post-moderne” n’est qu’une pensée d’esclaves qui se contentent de nier leurs chaînes. Au fétichisme de l’art s’ajoute celui des idées.
    La dynamique des idées s'est déplacée de l'Occident géographique vers la Russie, l'Amérique du Sud et certains mouvements islamiques, de façon plus anecdotique. Contre la force du Verbe, les missiles et les comptes en banque bien garnis sont impuissants. Les Occidentaux se pavanent dans des armures qu'ils n'auront bientôt plus la force de soulever.

  • Camera obscura

    Enfant, je n'éprouvais pas le même malaise qu'aujourd'hui au cinéma : un sentiment de mort insidieux, comme si le temps était arrêté et l'espace, contenu. La présence à l'écran d'une jolie putain à poil n'y peut mais.

    Cela dit depuis la cour de récréation je fuis le type assez commun qui insiste pour raconter au premier venu sa dernière expérience cinématographique et se montre incapable de résumer l'intrigue ; le type même du mythomane.

    Il y a des énergumènes qui pensent que le cinéma est l'art du XXe siècle ; et du XXIe siècle, sur la lancée. Et même des philosophes chrétiens, il est vrai peu qualifiés, qui prêchent que le cinoche est le meilleur moyen d'évangéliser le monde ! Sans blague. Comme si la salle obscure n'était pas une métaphore de la caverne de Platon. Je précise, pour les "cinéphiles" : la métaphore n'est pas dans le cinéma mais l'englobe. Ça serait pécher contre la science que d'affirmer que le cinéma est vierge de toute métaphore, alors disons plutôt que le "Septième Art", comme tous les systèmes puritains, est iconoclaste, imperméable à l'imagination. Je vois sortir des salles obscures des têtes de zombis. Ils secouent leur hébétude sur le pas, avant de réintégrer l'espace-temps avec un soupir, persuadés que la fiction dépasse la réalité.



    *

    Si je n'ai pas vu le film Matrix, j'ai quand même entendu parler de son argument. Je crois qu'il y a des Russes derrière cette idée de monde dédoublé. Or, depuis que je suis doté d'une cervelle marxiste, c'est comme si j'étais passé complètement de l'"autre côté". Lorsque je cause avec un esprit "kantien", une paroi de verre blindé se forme entre nous. Je m'agite, je déploie des efforts insensés pour trouver la faille et faire sauter le vitrage, et le mec en face me regarde, un peu interloqué. C'est plus facile d'organiser une évasion d'un quartier de haute sécurité ; au moins les gars à l'intérieur ne vous mettent pas des bâtons dans les roues.
    Dans un cocktail mondain où je reprenais des forces, me nourrissant sur la bête, un architecte de profession me toise et me confie en sourdine : « Qu'est-ce qu'un arbre, mon lapin ? Si ce n'est… du… langage ! » Je m'appuie au platane pour y noyer mon chagrin de tous ces mal-logés, dans le vin.
  • Marx pour les Nuls

    Compter sur les résultats d’un match de foot pour rééquilibrer la balance commerciale d’un pays, voilà qui résume bien l’esprit du capitalisme ; c’est cocasse lorsqu’on sait que la plupart des matchs sont truqués.

    Les Français, qui veulent “moraliser” le capitalisme, lutter contre le dopage, refusent d’admettre que le capitalisme repose sur la tricherie. La “concurrence loyale” est un fantasme de crétin.
    Les “économistes” français Claude Bébéar et Philippe Manière doivent bien faire rire à leurs dépends dans les salles de marché yankies. Ces deux lascars partent du constat que “Wall Street” blanchit des milliards d’argent sale chaque année et qu’il faut par conséquent redresser ce système mafieux pour éviter sa chute.
    Dans le même ordre d’idée géniale, on pourrait aussi réformer la roulette au casino, afin que chacun ait une chance raisonnable de remporter le “jack pot”.

    *

    Il y a pourtant une fable de La Fontaine qui prévient aussi contre le libéralisme, c’est Pérette et le pot-au-lait. Voilà ce que les adhérents de l’UMP feraient mieux de lire plutôt que les niaiseries de Nitche ou de Heidegger.
    On peut voir aussi le libéralisme comme une sorte de pari pascalien sur l’avenir. Le blasphème qui consiste à parier sur l’existence de Dieu, l’idéologie libérale le remplace par un autre, contre la réalité cette fois.
    On aurait tort de croire qu’il n’y a aucun rapport. Au plan psychologique, c’est la même démarche. L’idéologie libérale, comme celle de Pascal (auquel les capitalistes français ont justement rendu hommage en imprimant sa face de renégat sur leurs billets de banque), repose sur l’algèbre et la géométrie euclidienne, c’est-à-dire sur des extrapolations.
    L’illogique pascalienne, l’illogique libérale, ce raisonnement de croupier, est né dans la peur.
    Jérôme Kerviel est bien un bouc émissaire. On initie hic et nunc dans certaines universités françaises de jeunes veaux aux “mathématiques financières”. A côté des “mathématiques financières”, l’astrologie est une véritable science ! Au moins elle inclut un phénomène concret : le mouvement des astres, tandis que les mathématiques financières sont purs jeux de l’esprit excluant l'histoire et la géographie.
    Cette angoisse que Pascal entend diminuer, au bout du compte ce scélérat ignorant des plus élémentaires recommandations évangéliques, cette angoisse il ne fait que l’accroître vu que l’algèbre et la géométrie sont des systèmes parfaitement incohérents. Le garde-fou se dérobe et le néant s’ouvre sous les pieds du barbare janséniste, libéral, gaulliste, laïc ou démocrate-chrétien.

  • Pourquoi Coffe ?

    Pourquoi Jean-Pierre Coffe, qui lacère de l’ersatz de jambon de chez Leclerc, vomit sur des yahourts Danone, piétine des pommes importées d’Australie, insulte les pourvoyeurs de merde, et à côté de ça il faudrait se taper les bouquins de BHL, de Poivre-d’Arvor, de Labro, tous les Nothomb, les Beigbeder, tous ces navets de supermarché, sans moufter !?
    Est-ce que la “Fnac” ne mérite pas le même mépris que les “Trois Mousquetaires” ou “Casino” ? Les bouquins pasteurisés nuisent aux bouquins “goûtus”, exactement comme pour la bouffe. Alors ?

    Quelques pistes :
    - D’abord, si Coffe peut s’en donner à cœur joie et jouer au grand Inquisiteur de la malbouffe, c’est parce que son public de bobos ne mange pas de l’aggloméré de porc ou de dinde. Il ne se sent donc pas visé par ces autodafés.
    Si on s’en prenait à des gadgets comme Harry Potter ou Johnatan Littell, à toute cette sous-littérature yankie prisée, les Bret Easton Ellis, les DeLillo et autres Paul Auster, Norman Mailer, Philippe Roth, chiants comme un week-end au Texas ou à New York, voire à des idoles comme Proust ou Camus, ça ne serait pas la même chanson.
    Qu’on se souvienne du scandale provoqué par Edern Hallier chez les lecteurs de Philippe Sollers pour quelques bouquins indignes d’intérêt jetés ostensiblement aux ordures…

    On va objecter : « Mais les bobos ne lisent pas tant que ça ! Ils vont surtout au cinéma, ou ils matent des dévédés, se fourrent l’i-pod dans l’oreille… Ils ne sont pas beaucoup plus concernés par la mauvaise littérature que par la malbouffe. »
    Certes, mais ça ne les empêche pas d’avoir le fétichisme de la littérature. Dans un régime laïc, même si on lit peu, les jolies tranches dorées de la Pléiade, ces gros livres cossus qui ornent les intérieurs bourgeois, remplissent le rôle des statuettes de saints chez les chrétiens ou des totems dans les tribus. Ils rassurent.

    - Les autodafés de livres et de tableaux, dans le régime nazi, manifestent un intérêt pour les choses spirituelles comme on n’en verra plus jamais dans un régime laïc bourgeois. On peut dire du bourgeois actuel, par rapport à son ancêtre à la croix gammée, qu’il a un estomac à la place de la cervelle.

  • Brave New World Today

    L'essence de la laïcité, c'est donc la négation. Non pas la négation de Dieu, mais la négation de la religion. Les laïcs nient que toutes leurs fêtes, leurs dogmes, leurs saints, leurs martyrs, leur mythologie, leurs sacrements, les Droits de l'Homme virtuels, ces principes qu'ils partagent et font parfois partager par la force, ils nient que tout cela constitue une religion.

    Lorsqu'il insulte l'islam à la Une du Figaro, avec le soutien du ministère de l'Intérieur et de toute la presse laïque et libérale, Robert Redeker ne s'exprime pas au nom de la religion laïque qui est pourtant la sienne, mais au nom de la "neutralité", de l'"indépendance", voire de la "liberté de penser". Et tous les pasteurs de la religion laïque de même, les BHL, Finkielkraut, Fourest, Régis Debray, Max Gallo : tous prétendent qu'ils se situent "au-dessus" de la mêlée religieuse. On ne peut pas le dater avec précision, mais il y a un moment où on a basculé dans le "Meilleur des Mondes", c'est une certitude. Cette absurdité qui n'est encore qu'une anticipation chez Alphonse Allais, Jarry ou Aldous Huxley, ça y est, on y est, en plein dedans.

    Le fanatisme laïc est d'une violence extrême précisément en raison de cette négation.

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    Personnellement je me considère comme une victime, un rescapé du fanatisme laïc. Depuis mon plus jeune âge, à chaque fois que j'ai souhaité progresser sur le chemin de l'art, de la science ou de l'histoire, j'ai buté sur le fanatisme laïc, pétri de syllogismes et d'algèbre, les deux armes favorites du totalitarisme. Et je suis d'ailleurs tombé plusieurs fois dans les chausse-trappes de la rhétorique laïque.

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    Je ne peux pas évoquer la laïcité et le totalitarisme sans évoquer la pensée démocrate-chrétienne. Car si elle est désormais à la remorque de la pensée laïque et se contente d'en transposer les principes dans le microcosme chrétien, la pensée démocrate-chrétienne a beaucoup contribué à forger la religion laïque. S'il fallait citer cinq des plus grands docteurs de l'Eglise laïque, on ne pourrait manquer d'inclure Kant, Feuerbach et Hegel, du plus aveugle au moins aveugle.

    Si j'aime bien prendre le cardinal Barbarin comme exemple de pasteur démocrate-chrétien, incarnant le mélange étrange entre la religion laïque et la religion chrétienne, même si Mgr Lustiger n'était pas mal dans le même genre, c'est bien sûr à cause de son patronyme. "Barbarin" rend l'idée d'une barbarie, mais discrète, comme raffinée : on ne peut mieux dire que le "barbarinisme démocrate-chrétien".

    Logiquement au coeur de l'idéologie de Mgr Barbarin, il y a aussi une négation. "Rendez à Dieu ce qui est à Dieu..." : ce fameux passage de l'Evangile de Matthieu où Jésus, confronté aux Pharisiens qui veulent le piéger, le compromettre avec les autorités romaines ou avec le nationalisme juif, ce fameux passage dans lequel Jésus interdit de rendre un culte à César, c'est précisément sur ce passage que les démocrates-chrétiens fondent leurs principes laïcs !

    Il est intéressant de voir comment ils s'y prennent pour subvertir l'Evangile. La doctrine catholique authentique interprète ce passage comme l'établissement d'une hiérarchie. Le Royaume de Dieu prime sur le Royaume des hommes ; la confusion des deux, qu'on pourrait qualifier de "théocratie", est exclue. A cet ordre les démocrates-chrétiens substituent un parallélisme. C'est le raisonnement algébrique des deux sphères, la sphère laïque et la sphère privée, l'une à côté de l'autre. Premier dérapage volontaire. Le second consiste ensuite, comme fait un jongleur, a faire passer la sphère publique au-dessus de la sphère privée.

    L'Evangile devient, au terme du tour de magie : "Il faut payer l'impôt à César !" Invraisemblable, n'est-il pas ? Une telle interprétation est impossible, autant que son contraire "Il ne faut pas payer l'impôt à César !", car dans l'un ou l'autre cas cela signifierait que Jésus est tombé dans le piège des Pharisiens.

    Les démocrates-chrétiens fondent la démocratie, c'est-à-dire la théocratie, sur le passage de l'Evangile qui l'interdit. Difficile de faire plus bifide, plus "pharisien".

    Une dernière observation importante : la démocratie-chrétienne, qui se présente souvent comme un "retour à la lettre des Evangiles", commence par en bafouer l'esprit pour, au bout du compte, en modifier la lettre avec un sang-froid qui a de quoi glacer les âmes encore vivantes.

    C'est à saint Marx et presque à lui seul que je dois d'avoir échappé à l'hérésie démocrate-chrétienne et laïque. Aussi ne puis-je m'empêcher de l'en remercier aussi souvent que je le peux.

     

  • Prière d'engloutir

    Apparemment mes prières pour que des torrents de pluie s'abattent sur la Suisse ont été exaucées. La coupe est pleine, de football et de toute cette ferveur laïque.

    Cette croix blanche sur fond rouge, que de symbole chrétien les Suisses ont changé en symbole de trou de coffiot plein de liasses, quel aveu plus net ?

    Peut-on être chrétien et se prosterner devant le football ou le rugby ? Les démocrates-chrétiens pensent : pourquoi non ? Cette blague de communiste ! Où va-t-on si on ne peut pas apprécier cette parabole de la violence et de la tricherie ?

  • Au bout de Céline

    Comme il paraît à peu près impossible de maintenir Céline hors de l'Université, des bibliothèques et des librairies, la tactique consiste à l'ensevelir sous les préjugés divers et variés, afin qu'il soit au bout du compte comme Proust, parfaitement digeste, accessible aux vierges farouches et aux vieillards gâteux. On mastiquera juste les passages où Céline dépeint les résistants comme des branquignols et des lâches. Encore un peu de patience, dans quelques années on ne lira plus qu'Harry Potter !

    D'où l'exigence de redéfinir Céline. Cerné par les bourgeois nazis hypocrites, c'est un nazi sincère au contraire. Il a commis aux yeux des bourgeois le crime suprême : il a dit ce qu'il pensait, sans détours. Lui-même d'ailleurs s'en est voulu de tant de sincérité : ce n'est pas hygiénique.

    Les quelques "inconditionnels" de Céline (Le Bulletin célinien, par exemple, du Belge Marc Laudelout) se recrutent parmi les bourgeois héritiers de Flaubert, une espèce en voie de disparition. Bourgeois ils sont et ils resteront, mais de peur de mourir d'ennui, sous le poids des conventions, ils ne peuvent s'empêcher de sortir la tête de temps en temps de leur carapaçon. En somme, les vagues, ils se réjouissent comme des gosses que Céline les fasse à leur place.

    Quant aux bourgeois entiers, eux, les héritiers de Sartre, Camus, Malraux, ou qui s'en réclament, ils sont moins naïfs et le fait qu'on puisse, à travers Céline, les démasquer, ça les rend blêmes.

    Pourquoi un communiste préfère-t-il un nazi sincère à un nazi hypocrite ? Parce qu'un communiste n'a pas pour principe de fuir la vérité, bien au contraire.

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     La seule info que j'ai pu tirer de cette gazette douteuse, Lire, et de ce numéro spécial consacré à Céline, c'est ce jugement de l'auteur de Mort à crédit sur Balzac, que j'avais oublié, et qui est révélateur lui aussi : "Balzac n'a pas de style." Le jugement d'un romantique sur un classique. En réalité ce n'est pas qu'il n'y a pas de poésie chez Balzac, c'est plutôt qu'elle n'est pas ostentatoire. Ce qui est "abstrait" dans la littérature de Balzac, exactement comme dans la peinture classique qu'il aimait, c'est Balzac lui-même. Balzac n'est pas aussi énigmatique pour un bourgeois que ne l'est la peinture de la Renaissance, mais presque.

     

     

     

     

  • Nombrilisme

    Tout le monde a au moins une bonne raison de détester Céline - moi par exemple, c’est son jansénisme et son hygiénisme qui me débecquetent. Et en même temps, tout le monde a aussi une bonne raison d’aimer Céline. Puis il n’y a pas loin du jansénisme de Céline à son esprit rabelaisien, ou de son hygiénisme à son esprit “bohême”. En fait, il est de deux siècles à la fois, un homme du XVIIIe et un homme du XIXe superposés. C’est le secret des plus grands romanciers : le dédoublement. Chez Voltaire, chez Rousseau, chez Balzac, il y a ça. Proust, lui, au contraire, est monolithique, un produit manufacturé de son époque dont il ne révèle rien mais qu’il se contente d’exprimer. Le vrai nihilisme est là. Une poésie pour les temps à venir, Proust ? Je n’en crois rien : une poignée de cendres.

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    Même les analphabètes ont une bonne raison d’aimer Céline, vu qu’il leur fait gagner un maximum de pognon. Le magazine Lire, par exemple, spécialisé dans la littérature pour analphabètes, ne peut pas s’empêcher de publier un hors-série sur Céline, histoire de compenser la nullité de ses chroniques habituelles. Ils ont raclé les fonds de tiroir, revomi une vieille interviou truquée de Madeleine Chapsal, vieille peau distendue, puis retendue, puis redistendue… Céline, les derniers secrets : on dirait un titre de Détective ou de Paris-Match. Ça sent le scoop de journaliste raclé dans une poubelle ou négocié au ministère de l’Intérieur. Quand il s’agit de se foutre de la gueule du populo, il y en a qui ne reculent devant aucun moyen. Faut voir aussi le ton moralisateur que prennent les baveux de Lire pour reprocher entre parenthèses à Céline son antisémitisme tous les deux paragraphes, pareil que si on reprochait à un gamin de cinquante ans d’avoir volé un pot de confiture sur une étagère quand il en avait dix. Ce n’est pas “le grand pardon” mais “la grande rancune”. C’est le premier écrivain français “en conditionnelle”. Et après ça il y en a qui osent dire que la démocratie n’est pas “moralisatrice” ! Même Céline, le plus immoral d’entre tous : surtout pas d’alcool, ni de cigarettes.

  • Le choix des mots

    L'idée de Besancenot d'un grand parti anticapitaliste part d'un bon sentiment. La propagande a de plus en plus de mal à dissimuler que la richesse matérielle de l'Occident et des Etats-Unis repose sur un déséquilibre économique à l'échelle mondiale. Pour l'instant, le reste du monde, le couteau sous la gorge, accepte ce "rackett"... mais demain ?

    Même Chirac avait pigé ça ! Peut-être inspiré par ce que les Etats-Unis ont fait du Japon : un "no man's land".

     Mais ce qui manque visiblement à ce projet anticapitaliste, ce sont des idées marxistes. Che Guevara ne suffit pas. La dénomination même de parti "anticapitaliste" est trop lâche. Derrière l'économie, il y a des hommes ; c'est tout le subterfuge des libéraux et de leurs acolytes démocrates-chrétiens qui tiennent l'encensoir que de dissimuler cette réalité derrière la spéculation, les statistiques et le droit.

    "Antilibéral" serait plus franc, voire "antilaïc", "antitotalitaire". Il est impossible de dissocier le libéralisme de la laïcité et du capitalisme. Ce serait mépriser la vérité historique. Et c'est précisément ce que nous reprochons aux libéraux de tous poils : d'être des menteurs.

    Le libéralisme n'est pas une recette économique, c'est une superstition religieuse, et c'est en tant que telle qu'elle doit être combattue. C'est parce que le parti communiste est devenu un parti comme les autres, un parti de vieillards fétichistes, qu'il a crevé. A l'inverse Le Pen doit son succès dans les milieux ouvriers au fait qu'il a à plusieurs reprises su trouer le rideau de velours de la propagande libérale, faire tomber les masques.

    Le choix des mots, simple pinaillage sans intérêt ? Pas si sûr. Besancenot ou qui que ce soit mènera le combat antilibéral avec sincérité, s'il veut éviter d'être manipulé par Sarkozy ou le PS, dont la ruse consiste à jouer les moins pauvres contre les plus pauvres en agitant la promesse d'une poignée de dollars en prime, devra commencer par piétiner la propagande et les fétiches laïcs. Le combat doit se faire au nom de la vérité et non du relativisme libéral.

    C'est là que réside la principale différence entre Karl Marx et Hegel, Hegel le grand penseur du nazisme, le régime laïc le plus altruiste de l'histoire, le moins anarchique, mais qui, n'en déplaise à la bourgeoisie libérale, aux industriels démocrates-chrétiens, aux laïcards nostalgiques, ne reviendra pas. Le combat de Hegel est placé sous le signe du mythe et des fétiches. Celui de Marx est placé sous les auspices de la Vérité. Elle seule rend libre. Tout le reste n'est que tactique (Jauger Besancenot et son parti anticapitaliste ne prendra pas longtemps.)

     

  • L'essence de la laïcité

    Pour les candides qui se font encore des illusions sur la prétendue “neutralité laïque”, cette affaire de mariage musulman annulé, qui a mobilisé comme un seul homme le rouleau compresseur médiatique, est une véritable "leçon de chose".

    Car que s’est-il passé, derrière l’écran de fumée des syllogismes juridiques et de la propaganda télévisée ? C’est pourtant simple, des lobbys laïcs, relayés par des médias laïcs, ont annulé une jurisprudence laïque, au mépris de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice, grand principe constitutionnel laïc.
    Si on peut dire, l’empiètement des lobbys et des médias sur le pouvoir judiciaire ou législatif est tellement peu laïc que la Constitution n'a même pas songé à parer ce danger ; c’est pourtant ce qui vient de se passer, les médias ont ordonné à la Garde des Sceaux de changer la jurisprudence, au vu et au su de tout le clergé laïc, avec son approbation.
    (A ma connaissance, seule la presse étrangère, britannique, a relevé ce fait évident.)

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    Par-delà même ces deux négations, c’est la théorie laïque (algébrique) du cantonnement de la religion dans la sphère privée qui vient d’être bafouée ouvertement.
    L’avocat du couple musulman, Me Labbée, avait bien pris soin d'emprunter les fourches caudines du droit laïc. Il ne s’agit pas ici d’un père de famille musulman ou catholique "intégriste" qui ramène de force à son domicile sa fille émancipée légalement. La forme laïque et ses circonvolutions a été scrupuleusement respectée.

    Le caractère fourchu de cette théorie algébrique qui met en parallèle les sphères privée et laïque a surgi. Encore une fois c’est un cas d’école. La fiction de la sphère privée a été démantelée pour pouvoir s’attaquer à la religion musulmane qui s’y était réfugiée.
    Le sophisme, présenté comme une vérité universelle, utilisé communément par les laïcs pour traquer les religions dans la Cité et les en expulser, en affirmant que la virginité n’est pas un motif subjectif, que les seuls motifs subjectifs valables sont des motifs laïcs, les lobbys laïcs ont fait voler en éclat. Ils l'ont écarté pour mieux s’en prendre à l’islam, dans la vie privée, trahissant ainsi le véritable mobile laïc.

    La négation de la jurisprudence d’un tribunal laïc, la négation du principe de séparation des pouvoirs, la négation de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, tous ces reniements accumulés ne signifient qu’une seule chose : le superfanatisme de la religion laïque spéculée.

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    Ici j’en profite pour faire observer une chose à mes frères musulmans respectueux de la loi divine, et qui refusent de se prosterner devant des idoles laïques comme le football ou le cinéma. Une chose qu’ils ne sont peut-être pas les mieux placés pour observer : le fanatisme laïc, décrit par Marx comme un opium surpuissant, emprunte les voies du droit et de l’algèbre ; ce n’est pas un hasard si la réalité objective est subvertie par ces moyens. Car il n’y a pas de hasard, pas plus qu’il n’y a de fatalité.
    Le paganisme laïc, pas plus que l’hérésie démocrate-chrétienne qui le sert, n’étaient inscrits dans les gènes de la France. Les musulmans ne doivent donc pas s’interdire de comprendre l’esprit de l’Occident pour mieux éviter le piège mortel dans lequel celui-ci est tombé.

  • YSL = CRS

    Il n'y a pas que Jean Nouvel qui perpétue le style laïc, l'urbanisme d'Albert Speer ; sur le plan de la mode vestimentaire, après Coco Chanel il faut citer Yves Saint-Laurent. Que le féminisme soit associé à cette façon de se fringuer comme un homme, c'est tout un programme ! Et pas n'importe quel homme... Un bureaucrate en costard sombre et cravate, le prototype du "malhonnête homme", qui s'empêtre lui même dans ses calculs et finit par se gourer de bouton. C'est presque aussi fort que la pomme d'Adam de Mme Kouchner, comme image du féminisme laïc.

    Le totalitarisme vous laisse deux possibilités : ou de vous habiller à la mode de votre ghetto, ou l'uniforme strict griffé YSL. Bien sûr dans le genre "gauleiter", avec ses esclaves décharnés, Karl Lagerfeld fait la paire, en plus cultivé (la fameuse culture nazie dont parle Littell).

     

     

     

     

  • Un charter pour le Texas

    Où nous mène la laïcité ! A voir une bande de métèques célébrer “l’identité française”... Plus métèque que n’importe quel immigré curieux de connaître la France, toute la clique gaulliste et ses images d’Epinal. Ce Tillinac dégoulinant de clichés, judéomaniaque servile, qui croit, ce con, que le rugby et le football, c’est la France : autant dire que “les églises vides, c’est la France” ; et ce vieillard indigne, Jean d’Ormesson, qui finira par claquer d’orgueil à la télé, avec sa littérature miraculée pour les petites-filles de Mauriac ; et ce Finkielkraut incapable de piger ce que raconte Péguy, trissotin vedette des “cultureux” ; ou encore ces démocrates-chrétiens du Figaro qui fustigent le coran au nom de Bernanos - les salauds -, pour mieux fourguer des armes de destruction massive en loucedé à l’Arabie saoudite.
    Tous ces barbarins ont plus leur place au Texas qu’en France. Qu’ils aillent fonder une secte là-bas et cessent de boucher la ventilation ici.

    Que toute cette boursouflure, toute cette moisissure laïque, de droite comme de gauche, soit remplacée par du sang neuf, qu’il soit africain ou russe, peu importe, c’est dans l’ordre des choses, juste une question de temps. Un laps suffisamment long quand même pour permettre aux fanatiques laïcs de tout saccager ! C'est ça qui est écœurant… Qu’on songe seulement aux effets de la politique économique gaulliste, de l’architecture post-nazie, en cinquante ans, sur le paysage français : c’est dantesque ! Un Français d’avant les grandes guerres laïques européennes reviendrait dans la France d’aujourd’hui, sans transition, il serait terrifié, il ne comprendrait pas le sens de ce gigantesque parc d’attraction.

    *

    Non pas l’“identité” de la France, car la France a peu à voir avec ce genre de raisonnements algébriques, ce n’est pas un pays d’experts-comptables, de géomètres-experts ou de polytechniciens, mais disons plutôt "l’esprit critique français", "l'imagination française", ouverte en principe aux quatre vents pour tenter d’en capter les forces, eh bien si cette France est délaissée, piétinée au profit de fétiches bourgeois, alors que le plus avisé s’en empare, c'est ce qui peut arriver de mieux à cet outil en déshérence.


    La France ne s’est jamais sentie propriétaire de la vérité que depuis que la France laïque nie le principe même de la vérité, promulgue l’histoire, la science et l'art par décrets, et traque les religions qui ne sont pas laïques jusque dans le for intérieur.

  • Pour un art communiste

    - Ce qui est gênant dans cette exposition des maquettes du Berlin d'Albert Speer, l'architecte chouchou d'Hitler, c'est qu'elles préfigurent le goût yanki pour l'empilage de gros cubes, avec tout le blabla qui va avec. Et pas besoin d'avoir fait l'école du Louvre pour voir qu'il y a plus de dessein chez Speer que chez Jean Nouvel ou Portzamparc.

    - Vous connaissez le "paradoxe de Johnatan Littell", qui fit l'admiration naguère des vieillards gâteux de l'Académie française ? Les nazis sont cultivés, et pourtant ce sont des barbares ! Traduit en langage bobo, ça donne : "Comment ça, nous pourrions regarder "Arte" pendant des années, écouter Finkielkraut sur "France-Culture", sans nous transformer pour autant en humanistes ?" Interpellant, pas vrai ?

    Le paradoxe, c'est l'hypocrisie des petits malins ou des crétins. Bien sûr Littell ne démontre pas que les nazis sont savants. Comment peut-on être savant et prendre Heidegger deux secondes au sérieux ? Il prouve simplement que les nazis sont plus savants que les yankis. Tout laisse penser que le nazisme restera dans l'histoire comme l'"âge d'or du capitalisme", c'est-à-dire la période où le capitalisme a eu sur lui-même le regard critique le moins émoussé (ce qui ne l'a pas empêché de courir à sa perte).

    Hegel, penseur de l'Etat laïc gouverné par un homme providentiel est sans aucun doute le penseur qu'on peut le mieux accoler à Adolf Hitler et à son régime martial soutenu par des hommes d'affaires démocrates-chrétiens. Eh bien il faut être honnête, Hegel c'est quand même autre chose que la niaiserie post-moderne qu'on doit se coltiner aujourd'hui.

    - Ce que les communistes un peu mollassons de Mai 68 ont oublié de préciser, en comparant la CRS à la SS, c'est que la CRS est une SS décadente, ou, pour reprendre le vocabulaire marxiste, une parodie de SS. Marx c'est aussi l'art de la mise en perspective et de la révélation ; le contraire du procès photographique ou cinématographique iconoclaste.

  • Le goût bourgeois

    C'est marre de toutes ces odes à la beauté de Carla Bruni dans les médias !

    Il faut bien que quelqu'un le proclame, à la fin, que Carla n'est qu'un boudin, un boudin maigre, mais un boudin quand même. Est-ce de voir tous ces cadavres et tous ces camps de travail à la télé qui a donné aux téléspectateurs le goût du fil de fer ? A moins que ça ne vienne du puritanisme laïc, de l'anorexie-boulimie capitaliste ?

    Quand je pense que Patrick Besson a couché avec cette gonzesse ! Il faut avoir du vice ! Ce devait être une manière de défi sado-masochiste pour lui, étant donné qu'il doit bien peser cent kilos de plus qu'elle.

    Une femme qui n'a pas de forme... Ici j'ouvre une parenthèse : avoir une forme ne signifie pas avoir des formes, être grosse, mais avoir une ligne fascinante. Une forte poitrine, par exemple, est plutôt nuisible. Un peintre classique diminuera la poitrine (ou le sexe masculin) pour obtenir une création plus harmonieuse, pour ne pas briser sa ligne abstraite. Une forte poitrine nuit à la gravité (cf. les cours du professeur P.). Le pire étant une fille maigre à forte poitrine, le modèle capitaliste. Déduire le régime social du XVIe siècle de la peinture du XVIe siècle, comme la majorité des contemporains, c'est rabaisser la peinture au niveau de la photographie ou du trompe-l'oeil.

    La femme, chez les maîtres, n'est ni excessivement grosse ni excessivement maigre. Si Rubens ou Boucher en rajoutent un peu ici ou là, c'est à leur caractère flamand qu'il faut l'attribuer, qui joue des effets de coloris et de carnation à un point que la peinture italienne ne cherche pas à atteindre, ayant à sa portée d'autres moyens. Mais Rubens ne confère pas de valeur mystique à la couleur ou à la lumière, comme Hegel fait naïvement, puis les ultimes crétins Klee ou Rothko (etc., etc.), ésotériques imbéciles programmés.

    Une femme qui n'a pas de forme (l'allure, le port en font partie) peut tenter de compenser par le vêtement ou l'expression. La chirurgie esthétique à laquelle Carla Sarkozy a visiblement eu recours est le meilleur moyen de tuer l'expressivité, de surmonter son squelette d'une tête de mort. Carla c'est "Fantômette à l'Elysée". La femme transparente. Du concept, de l'essence de femme, sans aucune féminité.

     

     

  • L'essence de la laïcité

    « Rien qui ne devienne vénal, qui ne se fasse vendre ou acheter ! La circulation devient la grande cornue sociale où tout se précipite pour en sortir transformé en cristal monnaie. Rien ne résiste à cet alchimie, pas même les os des saints, et encore moins des choses sacro-saintes, plus délicates, res sacro-sanctae extra commercia hominum. De même que toute différence de qualité entre les marchandises s’efface dans l’argent, de même lui, niveleur radical, efface toutes les distinctions. Mais l’argent est lui-même marchandise, une chose qui peut tomber sous les mains de qui que ce soit. La puissance sociale devient ainsi puissance privée des particuliers. Aussi, la société antique le dénonce-t-elle comme l’agent subversif, comme le dissolvant le plus actif de son organisation économique et de ses mœurs populaires.* La société moderne qui, à peine née encore, “tire déjà par les cheveux le dieu Pluton des entrailles de la terre”, salue dans l’or son Saint-Graal, l’incarnation éblouissante du principe même de sa vie. » Karl Marx, Le Capital, livre I. *« Rien n’a, comme l’argent, suscité parmi les hommes de mauvaises lois et de mauvaises mœurs ; c’est lui qui met la discussion dans les villes et chasse les habitants de leurs demeures ; c’est lui qui détourne les âmes les plus belles vers tout ce qu’il y a de honteux et de funeste à l’homme, et leur apprend à extraire de chaque chose le mal et l’impiété. » (Sophocle : Antigone. Note de Karl Marx)

    *
    Accuser Marx de manquer de spiritualité, c’est exactement comme accuser Balzac de manquer de poésie - un reproche qu’on entend parfois ici où là. C’est la haine du romantisme vis-à-vis du classicisme, la haine d’Alexandre Dumas vis-à-vis de Racine. Dans la même veine sournoise, il y a les efforts de la critique contemporaine pour réduire les peintres de la Renaissance, puissants, beaucoup trop puissants et populaires, beaucoup trop populaires, pour les réduire à des géomètres-experts ou à des magiciens et les ramener ainsi à la mesure du bourgeois amateur de gadgets conceptuels. Le fétichisme des mots contre l’art. L’orthographe contre la syntaxe. Le haïku contre la Bible.
    *
    Non seulement ceux qui accusent Marx d’être dépourvu de spiritualité sont des ignares, mais ce sont des ignares qui entendent le demeurer. C’est parce que la question de la foi est un question bourgeoise que Marx ne l’aborde pas. Le pilier ne doute pas de la voûte. Marx est bien placé pour connaître cette hypocrisie, lui qui a démontré que la laïcité était une fiction ; par conséquent la foi démocrate-chrétienne, chrétienne-démocrate, la foi athée qui en découlent, sont des fictions elles-aussi. À moins de nier la liberté individuelle, ce que Marx ne fait pas, ces fictions qui se présentent comme des angélismes, sont librement consenties. Étant donné que l’essence de la religion laïque, c’est la négation, en théorie aucune autre religion ne devrait accorder plus de place au doute. Or dans les faits, il n’est que de voir ses représentants les plus médiatiques, perpétuellement à la chasse aux sorcières, pour constater qu’on est en présence de fanatiques. La laïcité, c’est le fanatisme du doute.

  • Pornographie laïque

    « Rien qui ne devienne vénal, qui ne se fasse vendre ou acheter ! »

    Parce que Marx a prévu la braderie des choses les plus sacrées par le régime bourgeois ; parce que Marx a mis a nu le double langage laïc qui procède en désincarnant le Verbe et permet de condamner l’esclavage tout en le pratiquant avec un cynisme accru ; parce que l’industrie cinématographique, que la bourgeoisie élève au rang d’art, est au cœur de ce business - pour toutes ces raisons la pornographie est exemplaire du mode de fonctionnement hypocrite des régimes laïcs.

    Les documentaires sur l’industrie du cinéma porno sont rares à la télévision. Il n’est pas aisé en effet d’en dissimuler le contexte politique.
    L’internet a eu au cours des quinze dernières années un effet dopant sur la croissance des Etats-Unis ; et l’industrie du cinéma X a eu elle-même un effet dopant sur l’internet. Dans les grandes écoles françaises qui se dotèrent rapidement de l’internet par esprit de conformisme, les connexions à des sites pornographiques représentaient 75 % à 90 % des "études" au démarrage, lorsque le haut débit n’était pas encore accessible aux particuliers.

    Retirez un élément du château de cartes de l’économie capitaliste, en déséquilibre permanent, et le château de cartes s’écroule. Au cours des premières années de développement de l’internet, comme ce fut le cas avec le minitel auparavant en France, les seuls sites marchands rentables étaient les sites vendant des services pornographiques.
    La pornographie a joué le rôle de l’huile dans un engrenage.

    *

    “Arte”, la chaîne de BHL, a diffusé récemment un reportage édifiant sur le thème de la pornographie. Les bobos sont en effet de plus en plus inquiets de voir leurs enfants, dès cinq ou six ans, visionner des images crues sur leurs propres bécanes, les outils de filtrage étant inefficaces ; bientôt sur leurs téléphones portables.
    La chaîne ”Arte” omet de dire qu’elle programme elle-même des films pornos yankis ou japonais régulièrement, qui reflètent sans doute le penchant de BHL lui-même pour un morne sado-masochisme à base de philosophie et de silicone. Arielle Dombasle, qu'on peut voir à peu près normale encore dans le film de Rohmer, Pauline à la plage, tentative avortée de sortir le cinéma de la logique industrielle, Arielle Dombasle s'est transmutée peu à peu sous le désir sadique de BHL en une sorte de poupée gonflable inexpressive. Non pas l'essence de la femme ou de la féminité, mais un produit de consommation capitaliste, une femme-objet qui répète en boucle des odes à son partenaire de jeux sado-masochistes.

    - La première manipulation d’”Arte” dans ce reportage consiste à faire porter le chapeau au régime communiste, sous prétexte que la majorité des prostituées virtuelles viennent des pays de l’Est, de République tchèque et de Hongrie notamment. Non seulement les Etats-Unis ont inventé cette industrie, mais ils continuent de la promouvoir et de la financer. Mais, selon “Arte”, ce sont les esclaves elles-mêmes qui sont coupables, ou la pauvreté engendrée par le communisme (la Hongrie et la République tchèque sont parmi les pays les moins "pauvres" et les moins communistes de l’ex-empire soviétique).
    Bientôt le communisme rivalisera avec le nazisme dans la propagande capitaliste. On peut compter sur des abrutis comme BHL et la clique des renégats démocrates-chrétiens pour tailler à Staline les mêmes moustaches caricaturales qu'à Hitler. La repentance pour tous hormis les suprêmes salauds !
    Souligner l’esclavagisme dans les colonies, sans rentrer dans les détails de l’histoire, c’est encore une façon de mieux faire oublier l’esclavage ici et maintenant.

    *

    - La seconde manipulation est plus subtile. Elle a un rapport direct avec les caractéristiques profondes du totalitarisme, avec le paradoxe apparent du mélange homogène de pornographie et de puritanisme laïc.

    Les reporters d’”Arte” constatent le phénomène d’accoutumance provoqué par le visionnage répété de films pornographiques. Certains adolescents ne peuvent plus s’en passer.
    Il ne s’agit pas ici, contrairement à ce qu’”Arte” insinue, d’une accoutumance au sexe, mais bien aux images pornographiques ou au “sexe virtuel”. Il serait aussi stupide de croire qu’on ne peut de passer de sport sous prétexte qu’on ne rate un match de l'équipe de France de foot sous aucun prétexte.
    Cette dissociation entre le sexe réel et le sexe virtuel opéré par la propagande puritaine laïque est double. Le sexe, coupé de ses effets procréatifs, est lui aussi assimilé au sexe réel ; comme si le comportement alimentaire anorexique-boulimique était un mode d’alimentation normal, par exemple. Ce que l’industrie pornographique montre en général, plutôt qu'un rapport "sexuel", c’est un rapport de pouvoirs sado-masochiste distinct de l’érotisme.
    On est bien obligé de voir là la marque de la dissection kantienne. Les laïcs puritains, dans un autre domaine, assimilent l’épistémologie à la science par le même tour de passe-passe ontologique.

    *

    “Arte” a largement recours dans ce reportage à des sexologues, des psychanalystes freudiens et autres charlatans en tous genres, qui répandent une image désastreuse de la science dans le grand public. Le langage mystique freudien est le moyen idéal d’assimilation de la pornographie-sexe virtuel à l’érotisme-sexe réel.
    L’individu qui ne peut se passer de cinéma porno, dans la mesure où il n’a pas une sexualité réelle épanouie, et le membre d’une ligue de vertu yankie qui s’offusque à la vue du moindre bout de chair, ils sont de la même engeance des batards capitalistes.
    D’ailleurs il existe un cinéma “porno-chic”, celui de David Cronenberg ou de David Lynch, grand public, encore plus hypocrite que l’industrie des images pornos “explicites”, qui vise à satisfaire les besoins d’individus “moyens” et fait la transition entre les ligues de vertu et les accros aux images sado-masos.

  • En avoir ou pas

    Avant que Me X. Serre-Pollet ne soit publiquement et unanimement reconnu du grand public grâce à l’affaire du “serial killer” Henri Bienfourny, les effractions de clôtures, conflits de garde d’enfant et autres attentats à la pudeur avaient été le pain quotidien du jeune avocat. Il avait ainsi rongé son frein au barreau de Nantes pendant dix longues années - le temps pour son physique de jeune premier de s’affermir et pour ses effets de manche de gagner en crédibilité.

    Grâce à un maton de la centrale de Nantes, ex-copain de promo, Serre-Pollet avait pu approcher Bienfourny dans sa cellule et le convaincre de le choisir, lui, plutôt qu’une célébrité comme Me Mollard. Puis il n’avait pas déçu son client, lui trouvant même des circonstances atténuantes inattendues en fouillant un peu dans son passé.
    En 2001 et 2002 en effet, Bienfourny avait été bénévole à la Banque alimentaire, avant d’en être chassé pour apologie de crime contre l’humanité. Un matin qu’il était seul présent pour la distribution des invendus du Centre Leclerc de la Beaujoire aux chômeurs du quartier, Marcel avait effectué toute la distribution avec un brassard frappé d’une croix gammée qu’il s’était procuré sur internet.
    L’habileté de Me Serre-Pollet fut de passer sous silence cet incident, ce geste aussi inexcusable qu’inexplicable, mais d’émouvoir cependant le jury avec l’engagement de son client dans cette cause humanitaire.
    Bienfourny évita d’écoper d’une incompressibilité aussi oiseuse qu’humiliante. Et vu qu’il avait quand même fait sept victimes, c’était une issue inespérée.

    *

    Selon le rapport de l’expert-psychiatre, le schéma criminel du “serial killer” Bienfourny le poussait à s’attaquer à de jeunes filles au pair danoises, qu’il séquestrait dans un vieux “blockhaus” de la côte Atlantique, théâtre de ses jeux de môme, puis de ses ébats amoureux d’ado ; ça durait quelques jours au cours desquels Bienfourny violait sa proie à plusieurs occasions avant de la noyer une nuit de pleine lune et de grande marée, et cela systématiquement, même si on comptait aussi une femme de ménage portuguaise de quarante-deux ans dans la série.

    L’extraordinaire perversité des crimes sexuels de Bienfourny auraient dû lui valoir le dégoût et la haine bien mérités des médias et des téléspectateurs, mais, curieusement, cette haine se focalisa sur son avocat.
    Etait-ce l’air insolent de Me Serre-Pollet ? Sa façon désinvolte de répondre aux questions des journalistes par-dessus la jambe et en mimant le geste de se dépoussiérer les ongles ? Toujours est-il que Serre-Pollet ne put bientôt plus poser les pieds sur un plateau de télévision sans être hué dans tout l’Hexagone, de Lille à Marseille et de Brest à Strasbourg. Hélas sans que cette désapprobation générale n’incite le moins du monde le cynique avocat à se remettre en question.

    Même lorsque Bienfourny fit paraître, après six mois d’emprisonnement seulement, un livre de confessions intimes intitulé - Morale du Tueur en série -, le scandale rejaillit sur son avocat, qu’on accusa d’avoir servi d’intermédiaire entre les éditions du “Gallinacée” et son ex-client. Me Serre-Pollet eut beau se défendre en jurant ses grands dieux qu’il n’avait jamais acheté un livre neuf de sa vie, et surtout pas un livre publié par le “Gallinacée”, il ne fut pas cru.

    *

    La mobilisation médiatique et l’indignation des Français autour de l’affaire Bienfourny étaient à peine retombées qu’éclatait à son tour le scandale de la chapelle Saint-Brandon. Un couple d’étudiants à la fac de Droit de Brest, Erwan Marcheznouar et Clémentine Legazoal, après avoir célébré une messe noire dans la chapelle Saint-Brandon, petit joyau d’art gothique des XIIIe-XIVe siècle, qui justifiait largement l’afflux de touristes venu chaque été pour la visiter, le jeune couple avait entièrement recouvert le monument classé d’inscriptions sataniques rose fluo, avant d’y mettre le feu en enflammant un bidon d’essence.

    On ne sera pas étonné que Me Serre-Pollet saute dans le premier train en partance pour Brest afin de proposer ses services à Clémentine et à Erwan. Compte tenu du succès de Serre-Pollet dans la délicate affaire Bienfourny et de la maigreur de leurs comptes en banques à l’un et à l’autre, les prévenus acceptèrent sans hésiter ses services.
    Me Serre-Pollet n’était pas de ces avocats qui conseillent à leurs clients de plaider coupable, comme en témoignent les larges extraits de sa plaidoirie reproduits dans un numéro spécial illustré de Ouest-France consacré à l’affaire des “Diaboliques de Tréguenon” :

    « Mesdames et Messieurs, Mesdemoiselles les Jurés, cher public… Sommes-nous, oui ou non, dans un régime authentiquement laïc et républicain ? Oui, en vérité, je vous le demande, la laïcité est-elle toujours le meilleur rempart contre la superstition et les croyances ésotériques de religions qui remontent jusqu’au Moyen-âge ?
    Au nom des seuls intérêts touristiques d’un canton, d’un département ou même d’une région, qui disposent par ailleurs d’une vue unique sur le large, faut-il reléguer les principes les plus sacrés à un rôle de figuration ? Les Droits de l’Homme à bénéficier d’une éducation entièrement dépourvue de préjugés religieux… ces droits inaliénables, en vertu de quoi devraient-ils demeurer virtuel pour celui qui vit dans l’ombre d’une chapelle et dans l’écho de son carillon dominical ? Comment opposer demain ce droit aux jeunes barbus fanatiques de l’Islam, qui réclameront de vos filles qu’elles soient vierges, si on ne le fait pas respecter hic et nunc !? Comment ??

    « (…) Ce que l’Etat n’ose pas faire, afin de ménager une certaine frange de la population qui vit encore dans les mythes du passé, Clémentine et Erwan n’ont-ils pas eu, eux, au contraire le courage de l’accomplir, malgré le vent, malgré les flammes, et malgré le vent qui soufflait sur les flammes, nous renvoyant ainsi à nos petites lâchetés quotidiennes ?

    A titre personnel, permettez-moi d’exprimer une opinion : il y a toujours eu une petite frange d’esprits réactionnaires tournés vers le passé obscurantiste de notre pays, freinant des quatre fers comme des brutes. Les mutations nécessaires au progrès, s’il avait fallu attendre l’assentiment de cette minorité de fanatiques, n’auraient jamais eu lieu. Ce n’est que mon sentiment, bien sûr, mais je voulais vous le faire partager.

    « (…) Permettez-moi donc, Mesdames et Messieurs, et Mesdemoiselles les Juré(e)s, de rendre hommage à la foi sincère de Clémentine et Erwan dans l’avenir de la laïcité. Au moins on peut dire qu’ils n’ont pas renié les principes qui leur furent enseignés il y a quinze ans à l’école communale Yves Coppens de Kerguenon où ils effectuèrent leur maternelle, côte-à-côte, déjà.

    D’ici dix, quinze, vingt ans, il n’est pas dit que le conseil municipal de Kerguenon - gardons-nous d’insulter l’avenir ! -, que ce conseil ne décide de baptiser une rue du nom composé de ce jeune couple de pionniers laïcs ici présent, sous vos yeux, dans le boxe des accusés. Souvenez-vous de l’affaire Dreyfus : il en a fallu du temps !
    En attentant, Mesdames et Messieurs, Mesdemoiselles les Jurés, je réclame pour mes clients Clémentine et Erwan l’acquittement pur et simple ! »


    Un tonnerre d’applaudissement suivit cette plaidoirie où Me Serre-Pollet avait mis, outre ses arguments, tout son cœur et tout son allant. Comme leur avocat le leur avait recommandé, Erwan et Clémentine n’ajoutèrent pas un mot, se contentant de regarder le Président du Tribunal droit dans les yeux sans ciller.

    Un arrêt de non-lieu fut d'abord rendu. Mais le syndicat d’initiative, ainsi que la municipalité, ayant demandé et obtenu un procès en révision, firent venir un avocat de Paris. Celui-ci argua du distinguo entre une saine “laïcité” qui ne nuit à personne, pas même au patrimoine immobilier, et le “laïcisme”, dérive dangereuse du droit qui entraîne les individus à se croire détenteurs d’un principe supérieur ; pire : à ne pas dissocier la forme du fond et à se priver par conséquent de la principale ressource du droit civil laïc !
    Le premier jugement fut cassé, Erwan et Clémentine finalement condamnés à un euro de dommages-intérêts et à ne plus s’approcher des édifices religieux du département à moins de cinquante mètres.

  • Pour un art communiste

    Comme le dessein de la Renaissance, la pensée de Marx repose beaucoup sur ses articulations.
    L’articulation entre Marx et les Lumières, l’articulation entre Marx et le religion, l’articulation entre Marx et la doctrine historique de Hegel, l’articulation entre Marx et l’anarchie… Toutes ces questions un peu subtiles ont été noyées dans le flou impressionniste de la pensée dite “post-moderne”.

    En France, des penseurs gnostiques comme Althusser, Derrida, ou même Sartre, sont pour partie responsables du voile épais de préjugés qui recouvre désormais la doctrine marxiste. La gnose elle-même, ce style n’est pas marxiste. Une partie de l’œuvre critique de Marx consiste en effet à démontrer que la gnose de Hegel, des gadgets comme le “sein” et le “dasein” par exemple, revêt l’apparence du mysticisme pour mieux dissimuler en réalité des syllogismes et des tautologies destinés à combler lacunes et contradictions.
    « Ce qui ce conçoit bien s’énonce clairement. » Marx prône un style radical, imagé, allégorique : par là il montre qu’il est bien l’héritier des Lumières. Le style de Marx c'est celui d'Alexandre qui tranche le nœud gordien.
    Althusser, Derrida et Sartre n’ont fait que recouvrir de mysticisme frelaté une praxis marxiste qui rejette ce langage romantique décadent.

    *

    A propos de l’articulation avec l'anarchie : Marx éprouvait de la sympathie pour le mouvement anarchiste de lutte contre l’oppression bourgeoise. Mais il s’oppose au raisonnement des anarchistes, primitif de son point de vue. Tout simplement parce que pour Marx l’Etat laïc totalitaire est le principal moteur d’anarchie, c’est-à-dire de dissolution de tous les critères humanistes. Les institutions de la société civile bourgeoise, la presse bourgeoise, les cartels bancaires, l’université bourgeoise, le droit bourgeois, la religion laïque des Droits de l’homme, voilà l’anarchie pour Marx.
    On entend parler parfois d’”anarcho-marxistes”, ou encore on entend dire que “l’histoire a donné raison à Hegel, et tort à Marx. Ceux-là ne savent pas lire. N’est-il pas tout à fait étrange d’entendre Ségolène Royal se dire antilibérale et se revendiquer simultanément de Tocqueville, penseur décadent ? Elle se revendiquerait de Maurras que ça ne serait pas plus illogique.
    On objectera qu’il s’agit juste de tactique électorale, de ne pas se laisser déborder par Besancenot. Certes, mais en tant qu’elle est mensongère, la propagande électorale est un facteur d’anarchie ; l’”opium du peuple” : on est en plein dedans.

  • Pourquoi Marx ?

    À propos de la convergence du catholicisme avec la doctrine marxiste, trois remarques supplémentaires :

    - Il ne vient à personne l’idée de dénoncer la collusion de la pensée chrétienne avec Platon, Aristote, Nitche, Maurras, Kant, etc., a priori. Le pape cite lui-même Kant comme un visionnaire, dont Péguy a au contraire souligné l’ineptie.
    Des maisons d’édition se revendiquant clairement catholiques publient même des biographies de Nitche où l’auteur n’hésite pas à étaler sa sympathie pour l’inventeur de la morale du super-héros. Michel Onfray, nitchéen médiatique, spécialisé dans l’anticléricalisme, n’en a pas moins reçu dans sa Normandie natale une éducation démocrate-chrétienne exemplaire, avant d’être initié aux arcanes de la philosophie par Lucien Jerphagnon. Bien sûr, s’agissant de la repentance de l’Eglise catholique, Onfray préfère la position de l’Inquisiteur à celle de l’accusé ; ça peut se comprendre de la part d’un super-héros comme lui, “best-seller” édifiant (il prend sur la couverture de ses bouquins une pose de super-héros laïc qui n’a peur de rien et surtout pas du ridicule.)

    *

    S’il fallait décerner la palme du paganisme à l’un de ces auteurs, Platon ou Nitche l’emporteraient évidemment sur l’auteur du Capital, loin, très loin de l’”éternel retour” ou de la mythologie de Platon. Alors pourquoi Marx ? Est-ce un hasard ?

    - Secundo, cette convergence entre le communisme et le catholicisme est d’abord contestée par des catholiques qui ignorent à peu près tout du marxisme. Benoît XVI a-t-il connaissance du rejet du césarisme par Marx ?
    Ou contestée par des marxistes qui ignorent à peu près tout de la doctrine catholique. Ce versant-là est plus intéressant, dans la mesure où Marx lui-même, s’il avait une bonne connaissance de l’Ancien et du nouveau Testament, voit la religion chrétienne à travers le prisme de Feuerbach, c’est-à-dire de la théologie protestante, même si Marx rejette en définitive la démonstration générale de Feuerbach, après un examen approfondi. Feuerbarch fonde d’ailleurs la morale laïque bien plus sérieusement que Nitche ou les divers existentialistes.

    - Enfin, il convient de remarquer que le communisme a été perverti par la même hérésie que le catholicisme au cours du XXe siècle, à savoir la religion laïque. Ce sont les principes laïcs, admis par une large majorité de communistes en Europe de l’Ouest qui ont ôté au communisme son caractère révolutionnaire et scientifique. Exactement comme l’intrusion de principes laïcs dans la doctrine catholique, malgré le syllabus de Pie IX et le combat d’écrivains comme Bloy, Péguy, Claudel, Chesterton, Waugh… a eu pour effet de transformer le christianisme en césarisme. Les démocrates-chrétiens continuent d’aller à la messe, de faire des retraites de Saint-Ignace, d’analyser les textes sacrés, mais pour le reste, beaucoup, en purs esprits s’en lavent les mains, quand ils n’apportent pas carrément leur soutien à l’Etat laïc, affirmant contre la lettre et l’esprit que le devoir d’un chrétien est en toutes circonstances… de payer l’impôt à César.

    *

    De la même façon que la religion laïque est fondée sur sa propre négation désormais, à savoir l’affirmation de sa “neutralité” (de l’usage du kantisme dans le fanatisme…), la religion démocrate-chrétienne est fondée sur sa propre négation elle aussi : le passage de l’Evangile de Matthieu où Jésus, en présence des Pharisiens, recommande de ne pas rendre un culte à César - d’une façon qui semble inaccessible à l’entendement de ces pharisiens, entre parenthèses.
    Le manifeste du Parti communiste en particulier, et Marx en général qui démystifie l’Etat, est plus conforme que la religion démocrate-chrétienne à l’évangile de Matthieu.
    On pourrait rétorquer que Marx, s’il s’oppose à la religion de l’Etat, critère qui permet de distinguer un régime totalitaire d’une dictature, fonde une religion de l’homme pour l’homme. Ça serait inexact ; Marx fonde une religion de l’“humanité”. L’histoire récente montre que cette religion de l’“humanité” s’oppose à la religion libérale des “Droits de l’homme”. En niant Dieu, serait-ce en passant par l’angélisme philosophique de Kant ou le “pari de Pascal” (Péguy a fait le lien entre les deux sophistes), on finit par nier l’homme. En réaffirmant l’humanisme, Marx peut-il nier Dieu ? Le fait est qu’il ne le nie pas. Ce que Marx nie, c’est l’aptitude de la religion à mettre en valeur la Vérité.
    Même si la volonté de restaurer l’esprit scientifique et artistique dans l’Eglise sous-tend en partie le récent concile de Vatican II, le moins qu’on puisse dire c’est que cette volonté a échoué ; le style gnostique des actes du concile le prouve. Cet échec est le même que celui de Mai 68. Cet échec a un nom : victoire du libéralisme, ou de l'angélisme.