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Lapinos - Page 42

  • Paul, le Pape et l'Antéchrist

    Dans la dernière encyclique rédigée à quatre mains par les deux derniers évêques de Rome ("Lumen fidei"), le reproche de F. Nitche adressé à la foi chrétienne de nuire à la science est évoqué. Le pape-philosophe s'en sert pour développer un nouvel argumentaire purement rhétorique sur la foi et la raison. Un argumentaire sans fondement chrétien, car le christianisme N'EST PAS une doctrine philosophique.

    Il était une manière simple de renvoyer Nitche à ses chères études sataniques ; en effet, chez Nitche, suivant une conception romaine ou égyptienne de la science, et non spécifiquement grecque comme il le croit, art et science sont confondus. Le reproche précis fait au christianisme, en tant que cadre intellectuel principal de l'Occident moderne, est d'entraîner une perte de conscience de la réalité. Le "réalisme" de Nitche n'est pas celui de Marx, encore moins celui de Shakespeare ou Aristote. L'art, pour ces derniers, ne fonde qu'un semi-réalisme. 

    Nitche proclame nettement que l'art est supérieur à la science. Cette conception est romaine ou égyptienne, mais on peut également la dire "totalitaire", car c'est cette conception qui permet le mieux à l'élite politique de conserver la haute main sur l'art et la science. Le pape aurait pu répondre simplement : contrairement au préjugé élitiste de Nitche en faveur de l'art, le christianisme ne se préoccupe pas d'art, ni par conséquent de psychologie, seule la science consciente peut amener le chrétien à voir la vérité face à face.

    Hélas, du point de vue scolastique et philosophique du pape, cette réponse était impossible à faire, car le reproche adressé au judéo-christianisme d'être le ferment de la décadence artistique moderne est bel et bien fondé. L'origine de l'existentialisme et de l'art existentialiste moderne, réduits par K. Marx au niveau de l'onanisme, voire traduisant une tendance nécrophile (S. Dali), est bien dans les spéculations philosophiques médiévales, à peu près équivalentes sur le plan scientifique du sabir de la psychanalyse moderne, dont on voit qu'elle fait la plus forte impression dans les peuples ou les groupes sociaux les plus aliénés mentalement.

    Les philosophes des Lumières furent à la fois moins cohérents que Nitche, et en même temps plus pragmatiques, n'hésitant pas à confronter la doctrine chrétienne officielle avec ses propres fondements scripturaires afin de souligner l'inconséquence de la doctrine officielle.

    Mais l'encyclique évite de se pencher sur des aspects beaucoup plus vertigineux de l'attaque violente de Nitche contre la morale judéo-chrétienne, que Nitche n'hésite pas à accuser de crime contre l'humanité. C'est un avocat de Satan sauveur du monde, contre les judéo-chrétiens qui complotent son anéantissement, auquel le pape à affaire. Pratiquement, c'est du retour de Judas Iscariote parmi les apôtres dont il s'agit. Sans doute Nitche n'est pas le premier à renier le Messie, mais aucun ne l'a fait avec autant de conviction religieuse, sauf peut-être certains personnages des pièces de Molière, Shakespeare ou Marlowe.

    Il faut barboter dans la mauvaise bière philosophique allemande jusqu'au cou pour ne pas se rendre compte de la valeur de Nitche et de sa profondeur morale.

    - Le point où l'antéchrist et l'évêque de Rome sont "à égalité" est important, c'est celui de l'histoire, que le pape, de son trône, ne peut pas voir, exposant ses ouailles à être les cocus de l'histoire, ainsi que le sont toujours, à travers les âges, les âmes militaires ou militantes, qui essuient ainsi les plâtres de politiques menées par des chefs cyniques ou imbéciles. Quant à Nietzsche, sa conception physique de l'histoire, fondée sur la culture de vie païenne, et comprenant la culture de mort comme la décadence, cette conception le conduit à ignorer la vision historique de l'antéchrist selon l'apôtre Paul. Nitche, à l'instar de Judas, est disposé à affronter le destin et la mort - mais il n'est pas disposé à accepter la défaite de Satan prédite par les prophètes.

    Je renvoie ici à un petit opuscule anonyme (1838), disponible via google, qui traite de l'élucidation de l'antéchrist par l'apôtre Paul. Il est difficile de dire si elle est directement inspirée par Nitche, mais je constate un redoublement de la haine de l'apôtre des gentils, soigneusement organisé, y compris et surtout par des milieux dissimulés derrière le masque judéo-chrétien ; cette haine n'est d'ailleurs pas sans rappeler la pourriture maurrassienne, par sa manière pédérastique d'abuser de jeunes esprits en détournant du christianisme par des méthodes qui ne valent guère mieux que les trente deniers offerts par le sanhédrin à l'Iscariote. La clef de cette haine est facile à comprendre : les épîtres de Paul sont les plus dissuasives de forger un "judéo-christianisme" et, par exemple, de fabriquer une théocratie d'Etat comme celle en vigueur aujourd'hui aux Etats-Unis. Si le pape s'occupait de prolonger l'exégèse de Paul au lieu de vaticiner dans les déserts de la philosophie, il serait logiquement entraîné à excommunier tous les dirigeants des cartels industriels bancaires occidentaux "démocrate-chrétiens", au lieu de distribuer des sourires et des poignées de mains claudéliennes aux quatre coins de la terre.

  • Israël ou le Golem

    Les Juifs modernes, débarrassés de la tutelle de Iahvé, le moins providentiel des dieux, conçoivent l'Etat d'Israël comme une sorte de Golem censé les protéger. Ainsi la religion de Moïse se retrouve à peu près réduite au culte yankee des super-héros.

    Il y a dû avoir la même tentation chez les premiers chrétiens de se rapprocher des élites romaines impies afin de bénéficier de leur protection. Le sionisme ne fait que perpétuer la morale catholique romaine, à l'aide d'un nouveau martyrologe - allemand, cette fois.

    Il n'est pas exact, comme le dit Nitche, que le judaïsme et le christianisme soient prédestinés à rencontrer l'adhésion du peuple des faibles et des ratés. La nation chrétienne ou la nation juive constituent d'abord une protection pour ceux qui les dirigent. Nitche confond les martyrs et les apôtres avec ceux qui font usage du martyre et des apôtres.

  • Exit la démocratie

    Le pouvoir réel ne consiste pas dans l'exercice du droit, dit Nitche. Celui-ci condamne l'idéal égalitaire moderne, non pas au nom de la justice et de l'équité comme K. Marx, mais au nom de la raison juridique. Si le droit n'enregistre pas un rapport de forces, ce n'est plus le droit mais une ruse.

    De la même manière, les mathématiques permettent de formuler des lois de force physique, à partir de postulats dépourvus de consistance physique, mais les lois mathématiques ne sont pas en elles-mêmes une force ou une puissance.

    On peut dire des modèles mathématiques de l'univers, comme du modèle juridique démocratique moderne, qu'ils sont purement virtuels. Ils sont probables, mais on ne peut pas en faire l'expérience. Ils sont du domaine de la science-fiction, mais non du domaine de la science. Du modèle juridique "Etats-Unis", porteur de l'idée de démocratie, on peut dire qu'il se définit comme une pure fiction juridique ; l'unité réelle des Etats-Unis est dans le mouvement, c'est-à-dire dans la croissance économique. L'entretien d'une telle fiction implique le négationnisme le plus rigoureux possible de l'histoire, tel qu'il fut pratiqué pendant longtemps par l'Eglise catholique romaine, afin de préserver la cohérence de l'institution et de son appareil judiciaire. Si Shakespeare est sans doute "universel", et donc catholique au sens étymologique du terme, le seul fait de son matérialisme historique est dissuasif de le croire attaché à l'Eglise romaine. 

    De même la Ve République française est une pure fiction juridique, et ses fonctionnaires délivrent un enseignement de l'histoire au niveau de l'instruction civique. Sans doute ce n'est pas entièrement nouveau. Pour manigancer une monarchie chrétienne de droit divin, il fut nécessaire de substituer à l'Etre divin chrétien un principe providentiel païen. Mais, aussi totalitaire et centralisé soit le régime de Louis XIV, il était beaucoup plus perméable à la critique, ne disposant pas pour le besoin de sa propagande d'un réseau aussi serré. D'une certaine manière, la Ve République dispose d'un pouvoir de censure équivalent de celui d'une nation en temps de guerre.

    La pensée matérialiste relègue la géométrie algébrique à un niveau subalterne, car elle promeut le raisonnement hypothétique ou spéculatif, c'est-à-dire le raisonnement le plus religieux, en lieu et place de l'expérience scientifique. L'activité technique, comme la religion, se nourrit d'un maximum d'hypothèses de travail afin de stimuler l'inventivité (ce qui, en soi, constitue une mauvaise méthode), au contraire de l'esprit scientifique qui se défie de l'invention. La science n'est pas, comme la musique, une récréation. Les peuples ingénieux, tels les Allemands, adorent la musique. L'esprit français, plus scientifique, a moins de temps à perdre avec la musique, qu'un verre de vin remplace d'ailleurs efficacement, et dont le bénéfice cardiaque est plus sûr. L'importation du goût barbare pour la musique en France n'a fait qu'accroître les ravages de l'alcoolisme et de la drogue dans les milieux populaires. Nitche serait sans doute plus français s'il avait écrit sur les mérites comparés du blanc et du rouge, plutôt que sur les mérites comparés de Wagner et de Bach. En quelque sorte il aurait mieux fait de laisser Dionysos à la cave, comme les Grecs. Un Français se demandera toujours, comme il se demande pour les femmes : où est l'humour là-dedans ? La suggestion de l'infini par la musique est très utile pour inciter les petits enfants à prendre la vie au sérieux - et donc à faire leurs devoirs.

    Les mathématiciens des XVIe et XVIIe siècles, jointes à leurs hypothèses scientifiques, émettent un grand nombre d'hypothèses religieuses coïncidentes ou opposées à partir de lectures de la Bible.

    De même le matérialisme historique ne concède aux constitutions juridiques que la propriété de refléter brillamment leurs époques, excluant qu'on puisse déduire de cette draperie le sens de l'histoire. Marx anéantit la prétention de Hegel à indiquer le sens de l'histoire, c'est-à-dire à relier les différents stades ou étapes de l'histoire occidentale entre eux, autrement que par un raisonnement purement spéculatif. Si Hegel théorise paradoxalement aussi bien le progrès de l'histoire que sa fin, c'est par la méthode qui consiste à réduire l'histoire à un mouvement cyclique ou sinusoïdal.

    Comme on peut dire la démonstration mathématique pure de toute matière, et le moins métaphorique des langages, l'homme est absent de la théorie hégélienne de l'histoire, qui consacre le point de vue élitiste, sous la forme d'une cinématographie de l'histoire, c'est-à-dire du moyen le plus propre à maintenir la conscience en-deçà d'un certain niveau par le brio et la séduction de la démonstration. On peut dire l'hégélianisme et le cinéma ensemble berceuses de l'esprit humain infantile. Hitler et Staline eux-mêmes ne méritent pas d'être condamnés autant que Hegel, n'ayant pas contribué aussi directement à accroître la bêtise humaine. La barbarie de Hitler et Staline est "banale", comme dit A. Arendt, seulement décuplée par les moyens techniques à leur disposition. Le maléfice de Hegel, lui, n'est pas banal, permettant le blanchiment de la barbarie technocratique "a posteriori".

    L'enseignement de l'histoire de la révolution française de 1789, mais aussi celle de la révolution soviétique de 1917, est dispensé en France selon l'idéologie hégélienne, en dépit de la critique matérialiste marxiste. L'idéologie hégélienne est si élitiste qu'elle permet d'ailleurs, selon les nations occidentales, des adaptations aux goûts particuliers de ces différentes élites. Même Lénine n'est pas aussi mensonger que la doctrine officielle de l'Education nationale française. Les universitaires communistes dans l'après-guerre ont joué aux Français le même tour pendable que les jésuites auparavant, substituant l'hégélianisme à la critique marxiste afin de pouvoir attribuer à la caste des intellectuels un rôle éminent dans la marche de l'histoire.

    *

    Pour revenir à l'introduction de ce développement, derrière la critique du droit moderne par Nitche ou Marx se profile la critique du "droit chrétien". Tout comme Nitche, Marx est parfaitement conscient de l'altération dangereuse que la "civilisation chrétienne" a fait subir au droit, et par conséquent qu'il est impossible d'envisager le monde moderne occidental séparément du ressort de la morale judéo-chrétienne.

    L'Eglise romaine n'est plus qu'une ruine, certes, mais l'art entreposé dans les musées continue de déterminer l'art moderne apparemment le plus scindé de la morale catholique, que l'on considère cet art sur le plan féminin le plus passif de l'existentialisme (Sartre), ou bien sur le plan de l'art viril le plus actif (Picasso).

    Mais Marx n'opère pas, contrairement à Nitche, le lien impossible entre la "civilisation chrétienne" d'une part, et les évangiles et le Messie d'autre part. Nitche tente d'établir que la culture de mort judéo-chrétienne se propage par le peuple et les mouvements populaires révolutionnaires ; Marx rapporte au contraire la preuve que le poison est versé dans l'oreille du peuple par ses élites dirigeantes. Les évangiles n'ouvrent pas droit à une morale du faible ou au féminisme, à toutes les manifestations compassionnelles hypocrites, ainsi que Nitche le leur reproche. En revanche ils réduisent la perspective politique infinie, c'est-à-dire la ligne d'horizon que l'homme d'élite se fixe, à une peau de chagrin. La sentence du Christ Jésus visant Judas Iscariote : "Il eût mieux valu qu'il ne fut pas né." - pratiquement s'applique à l'homme d'élite du point de vue chrétien. Les aristocrates sont contraints de faire un choix entre leur caste, ses intérêts, et dieu, un choix qu'ils n'avaient jamais été contraints de faire auparavant. Nitche a le courage de faire le choix de Satan que peu d'hommes d'élites occidentaux ont eu le courage de faire. Ce sont les tentatives de conciliation de l'éthique et du christianisme, aristocratiques, puis bourgeoises, qui rendent la civilisation occidentale aussi absurde et dangereuse. Mais le peuple, contrairement à l'élite, perçoit ses droits le plus souvent sous la forme d'illusions millénariste ou de miettes.

    On peut ajouter le nom de Nitche à la liste des philosophes qui ont perçu dans l'utopie millénariste démocratique-libérale une menace terrible ; à la suite de Marx, Baudelaire, Balzac, pratiquement tous les penseurs qui, au XIXe siècle, ont fait l'effort pour penser, au lieu d'entériner comme Hegel, et de faire pousser sur les charniers des fleurs d'éthique.

    Auparavant, Shakespeare a fait voir le caractère radicalement sinistre de la tentative d'associer le christianisme à la marche aveugle de l'Occident.

  • Métaphysiques

    Pierre Pellegrin est l'auteur d'une préface assez intelligible et honnête à la théologie matérialiste d'Aristote, exprimée notamment à travers le recueil de leçons intitulé "Physique" (éd. Flammarion, 2002).

    Relevons d'abord une erreur d'appréciation : le matérialisme d'Aristote ne heurte pas le point de vue chrétien, contrairement à ce que P. Pellegrin suggère. Le matérialisme d'Aristote est gênant du point de vue éthique ou moral, dans la mesure où il empêche de dire une quelconque morale "universelle". Pour prendre un contre-exemple : les syllogismes maladroits d'Einstein, eux, le permettent. Donc c'est du point de vue clérical, de l'enseignement moral, que le matérialisme d'Aristote pose problème - non pas du point de vue chrétien. La théologie d'Aristote empêche, ce qui est fréquent dans les régimes totalitaires depuis l'Egypte antique afin de légitimer les institutions politiques et morales, d'opérer la jonction entre science et éthique.

    Un savant théologien matérialiste plus récent - et chrétien cette fois -, Francis Bacon Verulam (alias Shakespeare), a exposé le danger que représente le rapprochement artificiel de la science et du droit, qui s'effectue au niveau du langage mathématique.

    Ainsi P. Pellegrin ne peut avancer qu'il est logique de s'opposer au matérialisme d'Aristote lorsqu'on est chrétien, à moins de poser l'équivalence du point de vue chrétien et du point de vue clérical élitiste.

    Ce "détail" n'en est pas un, car il permet de replacer Aristote et l'aristotélisme dans le contexte historique, ce que P. Pellegrin a en revanche du mal à faire. En effet, c'est un aspect décisif dans l'histoire moderne que le heurt violent entre le point de vue clérical élitiste et son contraire, fondé sur la théologie. L'élite cléricale prônera toujours la philosophie supérieure à la théologie, car elle détient les clefs de la philosophie. L'anti-élitisme le plus efficace, au contraire, place la théologie au-dessus de la philosophie.

    A cet égard, "Hamlet" est LA tragédie historique majeure, dans la mesure où elle illustre ce heurt violent entre la théologie, incarnée par Hamlet, et la philosophie incarnée par Polonius.

    On voit par exemple que Nitche, au nom de Satan et de l'élite, dans son effort pour restaurer l'ordre naturel antique qui justifiait la domination de sa caste, ne veut pas seulement éradiquer le christianisme avec l'aide du capital et de la race juive : il se débrouille dans sa description de l'antiquité grecque pour en éradiquer tout l'aspect théologique et métaphysique. Fait remarquable : Nitche est moins matérialiste qu'Aristote.

    Comme P. Pellegrin affirme qu'on ne peut comprendre la science d'Aristote indépendamment de sa vision théologique, il devrait être dit que l'optique scientifique élitiste ne peut être comprise indépendamment du besoin pour l'élite de se débarrasser de la notion d'universalité ou de catholicisme, dans la mesure où celle-ci entraîne la remise en cause de l'élitisme et du providentialisme.

    Si le christianisme et la métaphysique matérialiste se montrent hostiles à la musique, comme le Français a tendance à prendre l'Allemand pour le type de l'homme le plus aisément manipulable, c'est parce que la musique propage l'idée d'universalisme la plus truquée. La musique n'est pas plus "universelle" que l'argent.

    Prudemment, trop prudemment, P. Pellegrin fait observer que, si son caractère de science théologique a pour effet de reléguer l'aristotélisme dans le cabinet de curiosités, le même sort devrait être réservé à R. Descartes. En effet, il faut dire plus nettement que l'histoire moderne des sciences est peu ou prou la légende dorée de Descartes, Leibnitz, Newton, Galilée, Copernic, tous physiciens ET théologiens. Qu'est-ce que cette science "laïque" signifie, fondée sur des lois déduites par des physiciens qui se disent chrétiens, et où la géométrie algébrique importée en Occident par des savants mahométans est élevée au rang de science majeure ? Est-ce que l'idée de neutralité scientifique ou de science laïque n'est pas une des plus grosses escroqueries intellectuelles de tous les temps ? Une pensée matérialiste conduira à le penser, car il n'y a rien de "neutre" dans la nature.

    La différence majeure entre Aristote et Bacon d'une part, et les savants mathématiciens chrétiens des XVIe et XVIIe siècle d'autre part, n'est pas une question de foi contrairement à ce qu'on peut lire parfois dans des ouvrages scientifiques médiocres. La différence, c'est que tandis qu'Aristote et F. Bacon sont capables d'articuler les différents domaines de la science entre eux, y compris la science théologique, et de proposer une hiérarchisation des sciences, les savants mathématiciens des XVIe et XVIIe siècle se montrent à peu près incapables de proposer une telle articulation.

    P. Pellegrin conclut ainsi son préambule à la "Physique" d'Aristote : "Mais c'est, évidemment, comme oeuvre philosophique que la Physique a tenu une place de premier plan et continue à donner à penser aux gens de notre époque. Le temps de la philosophie n'est, en effet, pas le même que celui des sciences, et la Physique baigne, plus que bien d'autres ouvrages fameux, dans cette intemporalité qui nimbe les grandes oeuvres de la pensée humaine."

    Par ce galimatia poli, notre préfacier dépose les armes de la pensée aux pieds de la science technocratique et du journalisme, c'est-à-dire de la forme de pensée la plus temporelle. Il fait passer l'intemporel pour le moins utile, alors que ce sont les systèmes d'exploitation technocratiques qui sont les plus superflus. On aurait d'ailleurs aimé que ledit Pellegrin dise de quels "ouvrages fameux" il juge peu utile d'encombrer les bibliothèques, en raison de leur relativisme absolu.



  • De l'Audace

    Je me demande combien ça prendra de temps avant qu'un des collabos du système d'exploitation capitaliste en berne ose reparler du "principe de précaution" ?

    Être libéral, c'est "tout oser" ; c'est à ça qu'on reconnaît un libéral, et ce qui explique que les gosses élevés dans ce régime finissent par ressembler à des singes. Le type libéral, dans n'importe quelle autre civilisation que la démocratie serait mis hors d'état de nuire, non pas en raison d'un principe de précaution, mais pour une question de bon sens.

    Ce qui manque aux gangsters pour être des politiciens libéraux accomplis, c'est le manque de culture. On peut y remédier très vite : il a suffi d'une ou deux générations pour faire J.F. Kennedy, canaille charismatique.

    Si le moteur économique redémarrait, les élites libérales retrouveraient leur audace à inventer de nouveaux systèmes d'exploitation et à les présenter comme le produit de l'évolution de la race humaine. Les vieux singes, pour continuer de peser sur les jeunes singes, doivent détourner à leur profit un instinct ou une audace que l'âge leur a ôtée.

    Car, bien sûr, l'audace du type libéral n'est rien d'autre que l'instinct ; son stimulant : la peur. D'où l'éloge de la théorie de l'évolution dans le monde libéral : elle fait la part belle à la l'audace du type libéral. 

  • Nietzsche antisémite

    Si L.-F. Céline est généralement inculpé pour ses propos antisémites, Frédéric Nitche en est lui, disculpé - récemment par ces fabricants de moraline à l'usage des gogos que sont M. Onfray et P.A. Taguieff.

    - Rassurez-vous, disent-ils à leurs ouailles, le porte-parole de Satan apprécie les Juifs à leur juste valeur.

    Bien qu'assez foutraque, la doctrine de Céline est, il est vrai, plus menaçante pour le veau d'or.

    En deux mots, pourquoi Hitler s'en prend aux Juifs, tandis que Nitche réserve ses diatribes au judaïsme et aux prophètes juifs ? Le nazisme est un mouvement révolutionnaire, tandis que la doctrine de Nitche ne l'est pas. Comme tout mouvement révolutionnaire, il est populiste, et requiert de désigner à la vindicte populaire une minorité intérieure, et un ennemi extérieur. Nitche escompte qu'il éradiquera le christianisme, qu'il juge moribond, à l'aide de sa doctrine, mettant ainsi en place une "paix mondiale" (sic).

    "(...) Comme il s'agit d'un coup destiné à anéantir le christianisme, il tombe sous le sens que la seule puissance internationale qui ait d'instinct intérêt à l'anéantissement du christianisme - ce sont les Juifs. Il y a là une hostilité instinctive, rien d'"imaginé" comme chez le premier "libre penseur" ou socialiste venu - je n'ai que faire de libres penseurs. En conséquence, il faut que nous nous assurions de toutes les forces de cette race en Europe et en Amérique -, et, de plus, un tel mouvement a besoin de l'appui du grand capital. C'est là le seul terrain naturellement préparé pour la plus grande guerre de l'histoire, et la plus décisive : quant au reste des partisans, ils n'entreront en ligne de compte qu'après, une fois ce coup porté. Cette nouvelle puissance qui se formera pourrait en un clin d'oeil devenir la première puissance mondiale (...)"

    F. Nitche

    Du point de vue chrétien, ce ne sont pas les Juifs les pires ennemis du christianisme, mais le monde et les doctrines sociales censées le pacifier. La "synagogue de Satan", ennemie du christianisme, ne désigne pas une institution juive, mais une institution ecclésiastique. Le "fils de perdition" dit saint Paul, s'élèvera au-dessus de tout ce qu'on appelle dieu, ou qu'on adore, jusqu'à s'asseoir comme un dieu dans le temple de dieu, voulant passer pour un dieu. Et la fin des temps n'adviendra avant que le fils de perdition ne soit advenu.

  • Amor fati

    "Amor fati" ou l'amour du destin. Cette devise résume tous les blasons de toutes les aristocraties du monde, et pourrait être peinte en lettres d'or sur chacun d'eux. L'aristocrate chrétien est frappé d'une aliénation mentale particulière, qui le pousse à se mettre au service des causes les plus absurdes. Shakespeare a bien vu ça (Richard II).

    L'antichristianisme est une voie pour Nietzsche, "aristocrate de sang pur polonais" (sic), afin d'éviter de sombrer dans la folie.

    Dans la version élitiste de l'histoire selon Nitche, il est nécessaire que le Messie ne soit pas ressuscité. D'où il invente cette idée de vengeance des apôtres, dirigée contre les princes de ce monde, qui ont assassiné le Messie. Shakespeare tient compte en revanche pour écrire son histoire de la révélation.

    Nietzsche invente une histoire de l'art et de la Renaissance, reprise par les conservateurs de musée, notamment français, les plus incompétents. Invention de Shakespeare baroque ou pré-romantique. L'art baroque est plus païen que l'art de la Renaissance. La contre-réforme soi-disant catholique convoque tous les effets fascinants de l'art, afin de contrer Luther. Elle mène tout droit au Grand Siècle satanique. Inconséquence de Nietzsche, qui ne reconnaît pas dans l'art baroque et la musique une tentative plus sournoise, mais similaire à la sienne, de reléguer le christianisme dans le décors. Au moins on ne trouve pas chez Nietzsche cette plaisanterie de "l'invention de la perspective par la Renaissance". Nietzsche est conscient que le perspectivisme est le contraire du réalisme. Il réclame pour la politique la perspective minimum. Les grandes perspectives sont celles des peuples masochistes.

    Encore une erreur de Nitche, l'art "dionysiaque" ; il ne voit pas que c'est l'art le plus décadent. Les Romains sont dionysiaques, remettent la psyché au goût du jour. Les Grecs sont beaucoup plus matérialistes.

  • No Future

    Comme les troupes de Pharaon furent englouties par la Mer Rouge, les chars et les missiles de la modernité sont happés par l'avenir, comme par un étang de feu.

    Nitche, au nom de Satan, ordonne le repli en vain. 

  • L'évêque de Rome et Lucifer

    L'actuel évêque de Rome tente dans sa dernière encyclique (Lumen fidei) d'opposer à la lumière solaire des cultes païens sataniques (et de nombreux tyrans modernes, faisant valoir au service d'un culte de la personnalité cet ordre naturel), la lumière chrétienne. Il prétend renverser ici le discours de l'antichrist Nitche, qui dit en substance : l'ordre naturel, et en particulier le soleil, c'est tout : la culture de vie, la création, l'art, la source du savoir ; et la lumière chrétienne, elle, n'est rien qu'une théorie.

    Le prophète Job fit remontrance à Iavhé de demeurer invisible et de ne pas se manifester, tandis que les dieux païens, eux, occupaient en quelque sorte "tout le terrain".

    - L'évêque de Rome répond que la lumière est divine, et l'assimile à la foi. Première remarque : même s'il indique que la foi n'est pas à l'intérieur de l'homme (comme peut l'être parfois une conviction religieuse intime), mais à l'extérieur, le pape traduit ici la lumière par un vocable humain abstrait, la "foi" ou "l'amour". Chacun conçoit en revanche aisément ce qu'il y a derrière le mot soleil et en quoi consistent ses effets, notamment en termes de vitalité. On ne peut pas dire que l'objection de Nitche soit combattue autrement que par des mots. D'ailleurs Nitche reproche au christianisme de se retrancher derrière des abstractions et des idéaux qui n'ont, pas plus que les postulats mathématiques, de réalité physique.

    - Suit cette tentative d'élucidation du pape : "D'une part, elle [la lumière] procède du passé, elle est la lumière d'une mémoire de fondation, celle de la vie de Jésus, où s'est manifesté son amour pleinement fiable, capable de vaincre la mort. En même temps, cependant, puisque le Christ est ressuscité et nous attire au-delà de la mort, la foi est lumière qui vient de l'avenir, qui entrouvre devant nous de grands horizons et nous conduit au-delà de notre "moi" isolé vers l'ampleur de la communion." Deuxième remarque : la lumière-foi, selon le pape, semble fonction du temps : on ne voit pas en quoi elle diffère du rayonnement solaire, sur lequel les théories physiques modernes s'appuient ? D'ailleurs l'histoire chrétienne, selon l'apocalypse, n'est pas un continuum de temps, mais l'affrontement des forces spirituelles et des puissances sataniques appuyées sur la puissance naturelle. Vaincre la mort, c'est d'ailleurs triompher du temps et de la nature. C'est le b.a.-ba du christianisme : ce n'est pas un message temporel. L'évêque de Rome ne fait que rééditer le coup de la vieille rhétorique hégélienne et son postulat d'une lumière chrétienne providentielle qui anime l'histoire de l'Occident.

    Ou bien la morale et les institutions politiques se réfèrent directement à l'ordre solaire, comme ce fut le cas dans l'Egypte antique, ou bien elles n'ont d'appui que dans la pure rhétorique humaine, c'est-à-dire qu'elles n'ont aucun appui. Il convient de le rappeler, puisque la stratégie de Hegel consiste à légitimer à l'aide de grandes phrases un ordre institutionnel judéo-chrétien allemand. La lumière divine est "extérieure" à l'homme dit le pape, avant de s'empresser d'en donner une explication la plus subjective et indéfinie possible.

    - Par ailleurs l'évêque de Rome cherche à démontrer le principe du monopole de l'Eglise romaine sur la foi, c'est-à-dire que la lumière passe nécessairement par son intermédiaire. Cependant, non seulement l'Eglise romaine est la matrice des nations occidentales modernes, dont la puissance est largement technocratique, mais elle encore actuellement sous la tutelle de ces nations. Quant à l'unité de l'institution ecclésiastique, dont l'histoire montre qu'elle n'a existé que le temps de l'usage par cette institution de moyens juridiques coercitifs, cette unité est celle de la Jérusalem céleste. Il n'y a aucun moyen de fonder une citoyenneté chrétienne sur les évangiles. Seul un imbécile peut avoir oublié l'effrontement sanglant des nations chrétiennes, ou tout miser sur la démocratie pour y remédier. Le pape ferait mieux ici de chercher à l'élucider le sens apocalyptique de ces affrontements entre judéo-chrétiens. Au monopole institutionnel, on peut opposer le sacerdoce selon saint Paul, et : "Car un seul est dieu ; un seul aussi est médiateur entre dieu et les hommes, le Christ Jésus homme, qui s'est donné lui-même en rançon pour tous : le témoignage en est rendu au temps voulu, et c'est à cette fin que moi j'ai été établi prédicateur et apôtre, - je dis la vérité, je ne mens pas, - docteur des gentils dans la foi et la vérité." (1re épître à Thimothée, II, 5). L'unité de l'Eglise ou du camp des saints résulte donc de la médiation directe du Christ Jésus.

    - Au petit éloge final de la procréation dans le cadre chrétien, un païen nitchéen opposera sans peine que l'intervention du soleil et de la nature dans le mouvement créatif est scientifiquement la plus certaine, outre l'action de l'homme.

  • L'Ethique du jean-foutre

    Un beau parleur laïc définit ainsi son éthique de jean-foutre : "Non pas une opinion religieuse, mais un principe de protection de toutes les expressions religieuses... à condition qu'elles soient conformes à la loi."

    Les mahométans font plus ou moins confiance à leurs imams, les juifs à leurs rabbins, tandis que les laïcs, eux, se fient à la police. Les lois des Etats totalitaires se présentent comme étant universelles ; d'où les efforts d'un clergé pléthorique pour leur donner une coloration scientifique. Le communautarisme aura beau jeu de faire valoir tel ou tel régime moral contre la démence croissante des autorités étatiques.

  • Hinterwelter

    "Baudelaire n'est pas seulement un décadent, mais aussi un idéaliste, un platonicien chrétien, ce qui le rapproche dangereusement des hinterwelter (amateur d'arrière-mondes)" F. Nitche

    "Platonicien chrétien" : une fois n'est pas coutume, l'accusation de Nitche vise précisément un courant de penseurs chrétiens, qui a tenté d'interpréter les évangiles à la lumière de Platon, lui-même pythagoricien. C'est donc le syncrétisme médiéval à quoi Nitche aurait dû limiter ses attaques, comme Shakespeare-Bacon l'a fait au nom du christianisme et de la pureté de la parole divine.

    Les idéologies modernes totalitaires, qu'elles soient nazie, soviétique ou démocratique sont toutes teintées de ce platonisme chrétien, dans lequel Hegel n'a fait qu'introduire une théorie de l'histoire truquée, destinée à donner le beau rôle aux élites occidentales.

    L'amalgame pratiqué par Nitche le plus souvent entre le "platonisme chrétien" et le christianisme authentique lui permet d'établir un lien entre le populisme ou l'anarchie, et le message évangélique, suivant la vieille tactique des historiens romains en quête de boucs émissaires. Mais, comme le montre Shakespeare-Bacon, le platonisme chrétien est une ruse des élites. Le syncrétisme est opéré par des moines catholiques pour le compte de potentats, badigeonnant le tout d'un prétexte compassionnel totalement étranger à l'esprit du christianisme.

    On retrouve la même ruse que celle, moderne, qui consiste à faire passer le populisme démocratique pour un mouvement populaire, en effaçant soigneusement des tablettes, par exemple, le profit du suffrage universel pour l'empereur Napoléon III, aussi crédible dans le rôle du chef d'Etat chrétien que Ponce Pilate.

    Depuis le moyen-âge, les universités occidentales ont persévéré dans leur rôle de blanchiment systématique des valeurs occidentales.


  • Dialogue avec l'Antéchrist

    - Volonté de Nitche étrangler la philosophie moderne dans les serres de l'art. Ultime tentative de sauver le monde.

    - Le monde prisonnier de Satan = christianisme/Satan prisonnier du monde = Nietzsche.

    - Modernité = victoire du sous-homme sur le surhomme, prélude à la fin du monde. Victoire de la quantité et de la masse indistincte sur l'art et les biens de qualité. Victoire de la physique quantique sur la physique égyptienne. Mais la quantité et la masse sont instrumentalisés par les élites.

    Mon dialogue avec l'antéchrist progresse.

  • Dans la Matrice

    Avant d'être autorisé à publier des poèmes faisant l'éloge de la condition humaine, un stage de quelques mois dans une mine de charbon, un champ de coton ou un bordel africain devrait être obligatoire. On serait alors débarrassés de 99% des curés qui chantent : "Y'a d'la joie, bonjour-bonjour les hirondelles..." Il ne resterait plus qu'1% de masochistes, pas de quoi fonder une Eglise.

  • Très grande bibliothèque

    La littérature est le signe le plus significatif du caractère essentiellement hérétique de l'homme. Si les anthropologues avaient des couilles, ils diraient ce qu'ils sont : les tenants de l'hérésie, qui lui doivent leur fortune et leur position dans le monde.

    Prenons un homme en quête de vérité. Mettons que ce soit le cas de Marx, et qu'il soit sincère dans sa démarche. Dans ce cas cet homme devra nécessairement affronter les serpents de l'anthropologie, que la caste infâme des anthropologues enverra contre lui.

    Il y a sans doute encore des jeunes gens qui espèrent que les vastes bibliothèques leur permettront de découvrir une vérité, au moins sous la forme d'un point d'appui, pour pallier les effets écoeurant du mouvement erratique du monde moderne.

    En fait d'expérience, les vieux tocards qui se permettent de donner des leçons de morale à la télé, n'ont appris que l'écoeurement et les méthodes pour se faire vomir afin de pouvoir en croquer encore un peu avant de mourir. Ils demandent le respect, alors qu'ils ne se respectent pas eux-mêmes.

    Les jeunes gens qui espèrent dans les vastes bibliothèques doivent être avertis qu'interroger l'anthropologie, c'est comme de demander son chemin au minotaure dans le labyrinthe. L'anthropologue ne connaît que l'hérésie et le moyen de s'en servir pour son propre usage, qui consiste essentiellement à occuper une position morale dominante, et à la conserver en posant le talon sur le visage de celui qui voudrait l'en déloger.


  • L'imposture chrétienne-libérale

    Mgr Dagens, membre de l'épiscopat français et de l'académie française, a le don de cumuler sur sa tête les plus vaines gloires mondaines qu'on puisse faire. Il ne lui manque plus qu'à présider le Rotary-club de son diocèse pour compléter le déguisement.

    - Sur son blog, il fustige l'attitude du parti catholique intransigeant ou réactionnaire, qu'il caractérise comme une volonté de reconquête d'une position dominante au sein de la société française. La sienne, d'attitude, consiste à lécher le bâton merdeux de l'éthique démocratique-libérale. Opposer la servilité à la rébellion, voilà en quoi consiste la tactique du démocrate-chrétien, sur la base d'un existentialisme que Bouddha inventa bien avant le sieur Dagens.

    - Disons deux mots du parti "intransigeant" ou réactionnaire. D'abord, s'il était réellement aussi intransigeant que ça, il y a belle lurette qu'il serait allé botter le cul de Mgr Dagens, ou qu'il lui aurait rappelé que tout porteur de bicorne exprime par-là son allégeance à Satan. Le christianisme de son prédécesseur Jean Guitton, est d'ailleurs le plus diabolique qui se puisse faire - une sorte de bénédiction de la technocratie et des technocrates.

    - Le christianisme libéral justifie toutes les réactions violentes contre lui, non pas chrétiennes mais politiques, en raison de l'infâmie qui consiste à indexer l'éthique sur les valeurs boursières. Et les Juifs qui se croient sous la protection de la démocratie-chrétienne feraient bien de se méfier, s'il n'y a pas derrière leur adhésion quelque motif du même genre que celui de Shylock.

    - Quant à la reconquête d'une position dominante, si elle n'a évidemment rien de chrétien ou d'évangélique, elle est la plus conforme à la théorie catholique romaine d'un christianisme institutionnel, hiérarchisé et militant. Sans cette position dominante, l'institution n'est plus qu'une ruine, fréquentées par ce qu'on peut qualifier de "touristes spirituels". L'Eglise romaine n'a d'ailleurs plus d'emprise, à l'instar de l'islam, que dans les nations ou sur les continents qui n'ont pas connu de véritable révolution industrielle, celle-ci ayant remis les instruments du pouvoir religieux dans les mains d'un nouveau clergé. Plutôt que dangereuse, il faut dire que la démarche des catholiques réactionnaires est vaine, semblable au combat mené par Don Quichotte, imaginé par Cervantès comme le prototype du chrétien qui se démène en dehors de l'histoire, tout en persistant à ignorer que le christianisme est la plus historique des espérances.

    Si le chrétien se détache des contingences morales et politiques, dont le monde ne peut se passer, pas plus que de conflits armés afin de régénérer sa culture, c'est pour la raison que le chrétien a sans cesse à l'esprit la fin du monde, à l'inverse du démocrate-chrétien, disposé à le prolonger le plus longtemps possible. Car le monde justifie le chrétien libéral et non dieu. Coupé du monde, de son bicorne, de sa mitre, de sa crosse et de son anneau, Mgr Dagens n'est RIEN. Qui voudra encore l'écouter en dehors d'affairistes douteux ? Qui lit encore les académiciens en dehors de rombières ?

    Dagens dénigre le don-quichottisme chrétien, mais hélas pour lui il n'est pas Cervantès, mais seulement un de ces nullibistes catholiques comme on ramasse à la pelle dans les coulisses de la culture "judéo-chrétienne".

    Quant à l'éloge par ce prélat des Etats-Unis et de leur simulacre de christianisme - les Yankees les plus honnêtes se réclament de Satan - il est une infâmie. Rien, dans le christianisme, ne justifie la démocratie, millénarisme plus frauduleux encore que la monarchie de droit divin des pharaons. La démocratie est entièrement tributaire de la tyrannie française d'ancien régime. C'est elle qui a opéré la conversion de l'ordre satanique égyptien en apparence d'ordre chrétien. Sans ce tour de passe-passe juridique, il n'y aurait aucun moyen de faire reluire aujourd'hui le mirage de la démocratie. Cracher dans la soupe de cet Hermès trismégiste incarné que fut le cardinal de Richelieu n'empêche pas le sieur Dagens de s'en délecter.

     

  • Gare à aux cyclopes !

    Par tous les canaux de propagande dont elles disposent, les élites libérales ou républicaines s'efforcent de faire passer le panurgisme pour l'individualisme. Il s'agit d'inverser la charge de la responsabilité, et de la transférer du berger incompétent au troupeau passif.

    Mettez une poignée d'intellectuels sur un plateau, de toutes les obédiences complices à la mode : un "judéo-chrétien", un "laïc républicain", un businessman, un agent culturel, un sociologue, et faites les s'exprimer sur le sujet du populisme ; ils disserteront pendant des heures, les mains croisées dans le dos pour planquer leurs sales pognes de mouches à merde.

    La fable du cyclope Polyphème et de ses moutons n'a pas pris une ride. Francis Bacon a raison de dire que le monde moderne est beaucoup plus antique que celui d'Homère. L'homme moderne vit et respire sous des bandelettes.

  • Tocards et horlogers

    Quand j'entends sonner les cloches dans mon quartier, j'ai l'impression d'être en Allemagne. Observez bien une cloche, et vous comprendrez ce que l'Allemand a dans la cervelle.

    Le projet de gouvernement mondial est l'esprit de clocher à l'échelle de la terre.

  • Au total

    Difficile de savoir ce qui est le plus nuisible à l'imagination, des vacances ou du labeur. Le déclin de l'humanité, que celle-ci nomme "progrès" semble fait d'une alternance de ces deux modes de conditionnement à l'imbécillité.

    La représentation désormais la plus courante de dieu, qui désole l'antéchrist tandis qu'elle provoque la colère des apôtres, est celle d'un comptable, d'un assureur ou d'un prêteur sur gages, c'est-à-dire le type que l'Eve moderne rêve d'épouser ; même Satan n'a plus la cote auprès des femmes.

  • La condition humaine

    Les hommes d'élite, qui alourdissent le poids de la condition humaine d'autrui afin d'alléger la leur, naturellement sont les mieux placés pour exalter cette condition, sous la forme de la plus aristocratique énergie du désespoir, ou bien sous la forme la plus cynique des lendemains qui chantent promis à la plèbe.

    La souveraineté du peuple laborieux lui permet de se réjouir de sa condition : il sera bientôt élu, et chacun pourra grimper dans sa tour d'ivoire pour y rédiger des traités de droit constitutionnel.

    A force d'être si bien conditionné, l'homme finit par être esclave de lui-même. La liberté conditionnelle finit par être de plus en plus conditionnelle et de moins en moins libre.

    En fin de compte, les hommes d'élites finissent par s'égorger entre eux, par manque d'imagination. Dans la démocratie, le peuple gagne le droit de jouer au même jeu que son patron.


  • La Garce Beauvoir

    Pourquoi "garce", parce que le féminisme tel que Simone de Beauvoir le prêche est cause de ravages dans les milieux populaires. C'est d'ailleurs un féminisme d'inspiration judéo-chrétienne, véhiculant cette éthique truquée. Le fait est soigneusement dissimulé de l'invention du féminisme occidental par des clercs catholiques romains, c'est-à-dire de l'exaltation du rôle social de la femme. Les métamorphoses de la société ont par la suite transformé ce féminisme ; elles l'ont laïcisé et lui ont fait perdre l'étiquette catholique romaine.

    Le féminisme permet aux bourgeoises de mettre du piment dans leur vie sexuelle. Ayant plus de ressources, elles bénéficient d'une meilleure protection sociale. Leur cas nous intéresse peu.

    A la question :

    - Niez vous qu'il y a une nature féminine propre ?

    Simone de Beauvoir répond :

    - Oui, bien sûr, nous nions même qu'il y a une nature humaine.

    A ce stade, on peut dire la réponse quasiment chrétienne, puisque la nature est, dans le christianisme, marquée par le péché originel qui précipite Adam et Eve dans la condition humaine. La force de l'esprit de Dieu permet donc dans le christianisme à la femme comme à l'homme de triompher des effets de la nature.

    Mais le christianisme ne nie pas les effets de la nature, et notamment que la volonté humaine est un moteur naturel. A cet égard, devant la nature, l'homme et la femme ne sont pas égaux. Selon les évangiles, il n'est pas possible de s'affranchir de la nature par un simple décret féministe l'abolissant, mais seulement par l'amour chrétien ; faute de quoi, Paul de Tarse ne prônerait pas le célibat seulement aux hommes qui en sont capables, comme lui, mais il prônerait un célibat absolu, pour tous les hommes et pour toutes les femmes.

    Simone de Beauvoir abolit la nature, mais elle met rien à la place qu'une idéologie hégélienne du progrès social, celle-là même qui sous-tend et a servi à blanchir a posteriori toutes les grandes catastrophes laïques et les génocides de l'Occident moderne. Il y a bien là une "culture de mort", selon le propos de l'antéchrist Nietzsche, défenseur de la culture de vie, mais cette "culture de mort" n'a contrairement à son propos aucun lien direct avec le christianisme. Il n'y a pas de doctrine sociale dans le christianisme, et il ne peut pas y en avoir, pour la raison qu'aucune doctrine sociale ne peut se passer d'effacer le péché originel. Toute doctrine sociale prend nécessairement en compte la condition humaine comme une condition insurmontable, ou qui ne peut être abolie que dans un au-delà virtuel et entièrement spéculatif. On voit ainsi le Messie et ses apôtres dénier au plan social tout caractère spirituel. Le féminisme a la tournure d'un mouvement compassionnel des femmes vis-à-vis d'elles-mêmes, qui ne peut être accepté que par des hommes imbéciles, ou des séducteurs sous la forme de propos galants à l'égard des femmes.

    Le féminisme de Beauvoir est une bonne illustration de la culture de mort moderne occidentale et de la tactique de ses agents assermentés. Cette culture emprunte au christianisme des motifs spirituels, dont elle propose une application sociale, éthique ou morale, solution impossible selon le christianisme lui-même. Et les élites occidentales s'efforcent d'imposer cette idéologie totalitaire au reste du monde comme un humanisme. Chassez la nature féminine, et elle revient au galop ; c'est sans doute pourquoi désormais certaines féministes font de la prostitution un féminisme, celle-ci étant plus significative de la détermination sociale réelle de l'Occident aujourd'hui que les grands panneaux publicitaires humanistes qu'il brandit.