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Lapinos - Page 41

  • Ami, entends-tu ?

    ...le vol noir du corbeaux dans nos villes.

    Il ne s'est pas passé une seule journée depuis la fin du mois de juin sans que l'une de ces bestioles ne vienne faire étalage de style déclamatoire dans mon aire de repos ; chacune d'elle a certes plus d'intelligence économique que tous les experts économiques du pays réunis, mais je ne peux pas néanmoins sacquer cette espèce, comme tout esprit anticlérical. Je ne serais pas plus étonné que ça si l'un de ces freux essayait de me crever les yeux. C'est le principe du curé : obliger ses ouailles à fermer les yeux et à écouter de la musique ; son gouvernement sur les esprits en dépend.

    Certain érudit spécialiste de la Rome antique (non pas le pitre L. Jerphagnon ou le pitre P. Veyne), estime d'ailleurs que ce n'est pas d'aigle romaine dont il faudrait parler, mais de corbeau romain. J'ai oublié pourquoi, mais les magistrats et les ministres ont en effet tendance à se jeter sur tout ce qui brille.

  • Hegel = SS

    Je replonge un peu pour le besoin de mon "Dialogue avec l'Antéchrist" dans l'entreprise de démolition de l'hégélianisme par Karl Marx, parallèle à celle de Nitche (non pas comme Nitche, au nom de la culture et de l'élite, mais au nom de l'histoire et du peuple).

    L'introduction de l'hégélianisme en France après la 2nde guerre par ses "nouvelles élites", à lui seul suffit à les condamner dans les termes catégoriques de Bernanos. Cette introduction revient en effet à substituer, disons à la variété des idées françaises, la philosophie pangermaniste de Hegel et faire perdurer l'uniformité allemande au-delà de l'Occupation. On comprend ici pourquoi certains passages de Bernanos ou Simone Weil restent confinés à l'enfer des bibliothèques. Et ce sont les élites démocrates-chrétiennes qui, en ce qui concerne Bernanos et S. Weil, effectuent le travail de censure, comme les élites staliniennes ont effectué le travail de translation du marxisme en hégélianisme.

    Le dégât de l'hégélianisme est comparable à une régression de la pensée au moyen-âge : il en est en effet de la "Phénoménologie de l'esprit" comme des sommes théologiques médiévales : personne ne la lit, mais tout le monde se prosterne devant ce Reich de syllogismes. Il est vrai que le curé Sartre en a donné dans "Les Mots" une version sublimée pour les écolières, exprimant dans un français correct ce que Hegel exprime dans un allemand de cuisine. De la même manière il faut reconnaître une plus grande efficacité au curé d'Ars qu'à Maître Eckart ou Thomas d'Aquin.

    Je reviens à Marx et sa dénonciation du subterfuge du droit moderne, sur ce point très proche de Nitche, c'est-à-dire faisant valoir la nature de la règle de droit contre l'abstraction juridique, comme un mathématicien pourrait faire valoir la règle mathématique contre les syllogismes d'Einstein.

    «Constatons avant tout le fait que les «droits de l'homme», distincts des «droits du citoyen», ne sont rien d'autre que les droits du membre de la société bourgeoise, c'est-à-dire de l'homme égoïste.» (Marx, La Question Juive)

    J'avais oublié que la dénonciation des droits de l'homme comme une imposture de la bourgeoisie libérale figurait dans "La Question Juive", où Marx se démarque complètement de Nitche, puisque Marx fait valoir dans cet ouvrage secondaire qu'il ne faut pas confondre Juif et adorateur du veau d'or ; tandis que Nitche lance de temps à autres des compliments aux banquiers juifs ou à la race juive.

    Puisqu'il est question de droit et de loi, soulignons que la critique de Marx est conforme aux prophètes juifs en général, et à Moïse en particulier. La transcendance de la loi que Hegel s'est efforcée de fabriquer, si elle a le don de remettre les clefs de la loi entre les mains d'un nouveau clergé -ici Hegel joue le rôle de la "trappe" des prêtres babyloniens dans le livre du prophète Daniel-, ce deus ex-machina plus totalitaire encore que le culte brahmanique emprunté à Nitche par les nazis, est bien sûr irrecevable pour un Juif fidèle à la loi de Moïse, qui n'a pas le caractère anthropologique des "droits de l'homme". Hegel se défend d'être subjectif, mais sa démonstration revient à démontrer que la démocratie n'est pas une utopie subjective. Pour le chrétien qui ne reconnaît pas d'autre loi que l'amour, c'est-à-dire le perfectionnement de la loi de Moïse dans la matière ou l'esprit le moins subjectif et le plus contraire à la règle juridique, il verra dans le procédé hégélien une extraordinaire sournoiserie en comparaison de la loi égyptienne ou romaine ; il ne s'agit plus en effet seulement d'ignorer l'amour, mais de l'empêcher en le reléguant dans les mots.

    On voit à quel point les idéologies modernes naissent de l'arbitraire humain, c'est-à-dire d'un désir de mort parfaitement identifié par Nitche. En effet, cette idéologie hégélienne, Shakespeare en a parfaitement discerné le mécanisme près de deux siècles avant qu'elle ne germe et pousse sous la forme de la très volumineuse somme de Hegel. On peut constater en effet que pas un des éléments de cette conjuration ne manque dans "Hamlet". Ni la trahison de Luther par Hegel, bien plus subtile que celle de Nitche ; ni le mariage incestueux de l'Eglise et de la loi, à quoi Hegel ne fait qu'apporter un perfectionnement tactique, essentiellement sous la forme du flou juridique (Hobbes, lui, est un traître positif, aussi peu hypocrite qu'un jurisconsulte chrétien peut l'être) ; ni le préalable essentiel de la réduction de la cosmologie à une mécanique céleste ; ni le retour provisoire de l'Aryen Fortinbras au sein d'un complot occidental, dont son faible degré d'initiation le condamne comme Nitche à jouer le second rôle d'inséminateur culturel ; et on pourrait continuer ainsi morceau par morceau, jusqu'au moindre détail : Ophélie comme la pétasse existentialiste kirkegaardienne à son papa. Sans oublier la transposition du prophète Daniel dans le personnage de Hamlet, qui explique que les banquiers juifs ou démocrates-chrétiens ne reconnaissent pas Hamlet, et estiment qu'il s'agit-là d'un personnage énigmatique et peu policé.

     

  • Trente Glorieuses

    Laissez-moi vous raconter l'histoire de trente glorieuses, qui ont mis bas autant de filles avides de reconnaissance, qui ont mis bas autant de fillettes indignées qui réclament des droits.

    Et si vous croisez un philosophe démocrate-chrétien qui vous dit qu'il y a de l'esprit là-dedans, bottez-lui le cul de ma part.

    Comme nul n'est responsable de la débandade, personne ne doit se faire un devoir du redressement. N'écoutez pas tous ces Joffre, ces Foch ou ces Galiéni de la reconquête du taux de croissance. Laissez-les à leur viagra et à leurs donzelles émancipées.

  • KTO est Satan

    Celui qui cause "Urbi et orbi" s'expose à n'être entendu que de quelques actionnaires. Ainsi va le monde jusqu'à n'être plus qu'une vaste propriété (intellectuelle).

  • Eloge de la faiblesse

    A l'éloge de la faiblesse dans le domaine éthique, correspond l'éloge de la laideur dans le domaine esthétique. Pour bien comprendre qu'il ne s'agit pas là seulement d'une affaire de goût, il faut comprendre la beauté comme l'équilibre, et la laideur comme le mouvement.

    Nitche a le tort de croire, ou bien il feint de croire, que l'éloge de la faiblesse est une invention judéo-chrétienne, prédestinée à faire tâche d'huile dans les masses populaires, suivant un mécanisme psychologique qu'il détaille, séduisant mais biaisé ; la vérité est bien plutôt de l'état de faiblesse de Nitche lui-même, gravement malade, et qui s'est soigné par le rejet de la morale et de la culture protestantes bourgeoises qui lui avaient été inculquées par ses parents. On retrouve d'ailleurs là la structure psychologique du fachisme, à qui il faut s'empresser d'ajouter que les cartels industriels et bancaires ont donné toute sa puissance de destruction effective, selon un stratagème qui survit aujourd'hui sous des formes différentes, au sein d'un processus de guerre ou de révolution permanent, que seuls des esprits frappés de léthargie ne reconnaissent pas.

    Le simple trouffion, pas plus n'a conscience de la guerre, tant qu'il n'a pas reçu un éclat d'obus en pleine figure ; et il y a aussi des maréchaux d'empire qui ne connaissent pas les clefs de la partition qu'ils jouent.

    L'éloge de la faiblesse et de la laideur : remontez un peu les canaux qui conduisent à cet éloge, ou bien tirez sur les fils merdeux qui y mènent - ils ne vous mèneront pas au christianisme ; ils ne vous mèneront pas aux prophètes juifs non plus ; ils vous mèneront aux ayants-droits des victimes.

    Pas d'éloge de la faiblesse dans le christianisme, ce qui reviendrait à dire que la crucifixion est une invention chrétienne. Il me semble que le piège s'élabore dans la tête de Satan au moment où les tortionnaires du Messie jouent sa tunique aux dés, car, dès lors, la règle du jeu va un peu changer, et le brouillard tomber sur la bataille, ou ce que Nitche appelle "la modernité".

    Aux yeux du Christ, "l'homme du peuple", "l'anarchiste", le "raté", pas plus que le juif qui a compris l'ignominie accomplie par ses prêtres, n'est plus faible que l'homme d'élite. Il est au contraire plus fort, car il ne se bat pas avec les mains liées, ni la conscience enchaînée. Il possède moins, par conséquent il est moins possédé. En ce sens, c'est un extraordinaire pied de nez au destin que l'oeuvre de Shakespeare, derrière la figure du prince hyperboréen du Danemark. Plût au destin de permettre à Nitche d'endosser une autre armure que celle de Shakespeare.



  • KTO est Satan

    Comme il convient de ne pas parler de corde dans la maison d'un pendu, on ne dira pas "Satan", mais "le génie du christianisme".

  • L'Erreur de l'âme

    L'âme est le biais humain. L'éloge de la faiblesse sera nécessairement l'éloge de l'âme. Le "château de l'âme", une erreur consolidée, aussi efficace contre les éléments qu'un pâté de sable face à la mer. L'âme est ce qui unit la veuve au pharisien. Si la philosophie moderne est un panier de crabes, c'est parce que les philosophes modernes se meuvent tous dans le sens de l'âme, se nourrissant du flux et du reflux des idées.

    On peut prendre l'âme pour la définition du produit du péché. La Genèse de Moïse est une belle leçon de science physique qui suspend le jugement humain.

  • Kultur

    Les hommes très cultivés sont l'inverse des femmes très vierges, et c'est pour ça qu'ils s'entendent à merveille pour ne donner aucun fruit.

  • Déphilosopher

    Si la France n'est pas une nation de philosophes, c'est parce qu'elle n'est pas une nation de bricoleurs comme l'Allemagne. Il faut dans ce genre d'industrie avoir le soin des finitions, comme dans la musique.

    Les philosophes français sont juste bons à faire reluire la philosophie.

  • Maître Nietzsche

    Nitche, comme Don Juan, n'a pas de disciples ; il n'a que des valets, dont l'effort est pour étouffer le scandale des paroles de leur maître.

    Nitche voudrait bien être l'amant du monde, mais à condition qu'il ne soit pas aussi vieux.

    Nitche est trop moral pour des banquiers démocrates-chrétiens. Mais il pourrait faire un tabac dans la mafia sicilienne.

  • Déphilosopher

    Les philosophes qui, comme Jankélévitch, se font les avocats d'une morale joyeuse, ressemblent à des serins. Mais ils chantent moins bien.

  • KTO est Satan

    "Il faut se méfier des libérateurs autoproclamés." Lucien Jerphagnon

    Il n'est pas clair ici si le théologien chrétien-démocrate bordelais fait allusion à Jésus-Christ, aux apôtres ou à Karl Marx ?

  • KTO est Satan

    "La question de dieu ne disparaîtra jamais." Jean-Luc Marion

    Traduisez : prêtres, philosophes et spéculateurs auront toujours du travail, ou la définition professionnelle de dieu comme une question.

  • Démocratie et darwinisme

    L'esprit français est, selon moi, le moins propice à accepter la science évolutionniste comme une science. Pourquoi ? Parce que l'esprit français est le plus apte à discerner le caractère religieux du mobile démocratique, appuyé sur l'intellect le plus subjectif.

    La démocratie n'a même pas une consistance républicaine, puisque le régime républicain est un régime élitiste - elle n'a qu'une consistance publicitaire. La démocratie n'est pas non plus populaire, puisqu'elle consiste dans la transposition sur le plan éthique de l'idée de monarchie de droit divin sur le plan politique. Le culte solaire en quoi consiste la philosophie naturelle tyrannique, est réduit dans la démocratie à un culte dématérialisé sous la forme de la vitesse de la lumière. "L'Etat, c'est moi." : le mot de Louis XIV est mal traduit comme l'étalage d'un pouvoir tyrannique sans partage. Plus justement il constitue l'acte de décès du culte solaire direct en Occident, dont le roi soleil s'est fait l'artisan le plus actif. Car après Louis XIV, le souverain, y compris sous la forme la moins désincarnée et largement symbolique de la magistrature suprême, n'est plus ou moins que le produit d'un calcul statistique. Le sursis dont a bénéficié Louis XV a probablement les mêmes causes que celui dont l'oligarchie bourgeoise parisienne bénéficie aujourd'hui. On peut filer la métaphore de Shakespeare selon laquelle les rois ne sont que les acteurs d'une tragédie dont ils ignorent le déroulement connu du seul metteur en scène (Satan), et dire que les états modernes sont le jouet d'une cinématographie, c'est-à-dire d'une pièce de théâtre dont le metteur en scène est mort. Le cinéma le moins débile - et qu'on me pince dès qu'on verra un film dans cette catégorie - est condamné à faire valoir l'ironie, non pas celle du destin mais de la statistique, à savoir que le cinéma est un art entièrement préfabriqué, qui en dehors du motif ironique qui a le don de le remettre en cause, ne consiste que dans la plus vaine recherche du temps perdu. Du point de vue vitaliste artistique, le cinéma est une nécromancie. Il est bien des artistes, comme Dali, à qui la mort procure une vague érection, mais ce motif de jouissance clitoridien est plus dans la mentalité d'une nonne espagnole que dans la mentalité française. Le cinéma français compte deux grands génies en la personne de Diderot ("Jacques le fataliste"), et surtout Alphonse Allais, le plus populaire et pur de cet élitisme, qui a tendance à raidir la mise en scène de Diderot.

    Qu'on me pardonne cette longue digression ; elle était afin de mieux faire valoir le point de vue anti-évolutionniste créationniste de Nitche, qui n'est pas chrétien puisqu'il est satanique, appuyé sur une science physique matérialiste. Tandis que la science évolutionniste jette un pont entre la science et la technocratie totalitaire moderne, la science physique matérialiste jette un pont entre la science et l'art. Ce qui fait soupçonner à Nitche que le darwinisme auquel il a affaire, plus rigoureux et rationaliste que celui auquel nous sommes confrontés aujourd'hui, n'est que la transposition sur le plan scientifique du préjugé de progrès social socialiste, c'est pour la raison que le mécanisme de l'évolution proposé par Darwin comme une hypothèse, est incompatible avec l'idée de Nitche selon laquelle l'accomplissement de l'homme n'est possible que selon le destin. En conséquence, du point de vue de la physique matérialiste, qui refuse à la statistique le statut de science, ce sont les espèces vivantes les plus douée de conscience qui sont les moins susceptibles de muter. La conscience supérieure attribuée par Nitche à l'homme, ne va pas sans le constat que l'homme est, de toutes les espèces la moins bien adaptée à la nature, quoique le sexe féminin soit doté d'un meilleur instinct naturel que le sexe masculin. La physique matérialiste ne situe pas l'homme au bout de la chaîne linéaire des espèces animales, mais généalogiquement au centre. Le transformisme est donc impossible selon le rationalisme matérialiste, dans lequel les espèces mutantes sont les plus éloignées de l'homme, dans lequel les mutations sociales humaines ne fournissent en rien la preuve d'un quelconque progrès de la conscience humaine, et dans laquelle, surtout, le mouvement hasardeux est le plus relatif, interdisant absolument le raisonnement scientifique qui ne peut lui accorder que le statut de marge d'erreur la plus insondable. Nitche témoigne d'un rationalisme qui part de l'ordonnancement naturel pour aller vers l'insondable. Pratiquement la démarche inverse rend toute forme de politique, d'art ou de science impossible. La science évolutionniste n'envisage pas ou peu que les mutations naturelles puissent être le résultat de bouleversements géologiques violents.

    La philosophie naturelle de Nitche lui permet de fonder d'ailleurs une morale naturelle objective, qui seule permet une hiérarchie sociale responsable ; de l'évolutionnisme on ne peut déduire qu'une morale relative et un principe de compétition illimité. Dans la doctrine de Nitche, la liberté est niée au profit de la responsabilité politique et de l'art ; dans le totalitarisme, la liberté est affirmée au profit de l'irresponsabilité politique et du commerce.

    L'artiste un tant soit peu conscient de ce qu'il fait, c'est-à-dire résolu à ne pas faire du moderne préfabriqué, comprendra d'ailleurs aisément le raisonnement anti-évolutionniste de Nitche. En effet l'activité artistique ne consiste pas dans la production d'objets plus consensuels ou mieux adaptés que ceux de la concurrence. C'est le jugement ou la conscience personnelle qui doit être, selon Nitche, sélective, afin d'échapper au conditionnement collectif le plus temporel. Si l'art ne permet pas, selon Nitche, d'échapper au temps, du moins est-il fait pour en desserrer le plus possible l'étau, et permettre ainsi la jouissance. Ainsi seulement l'art peut-il rayonner selon Nitche. L'animal, lui, ne tue, ne se bat, n'aime, ne construit que pour son profit personnel, celui de son espèce ou de sa progéniture ; le mâle dominant ne se retire du jeu social que lorsqu'il est frappé d'impuissance, tandis que c'est au contraire la puissance de l'artiste qui lui permet de s'extraire du mouvement social. Or la science évolutionniste réduit tous les actes à des comportements impersonnels ou identitaires. Ce que Nitche conçoit comme le plus indispensable à l'humanité, à savoir l'art, serait le plus nuisible aux autres espèces vivantes si elles en étaient capables. Ou bien on attribue à l'homme une conscience sans fondement dans la matière, suivant un raisonnement impossible à démontrer scientifiquement, ou bien la conscience de l'espèce humaine trouve comme celle des autres espèces vivantes son support dans la matière, et dans ce cas la science évolutionniste n'explique pas comment la matière peut susciter deux consciences aussi opposées que le combat de l'artiste contre lui-même, et la compétition sociale des animaux et des végétaux entre eux.

    L'erreur propre de Nitche est théologique ; aussi bien en ce qui concerne la théologie antique, d'ailleurs, qu'il résume à la théologie et à la cosmogonie brahmaniques, qu'en ce qui concerne la théologie chrétienne. Celle-ci n'est en aucun cas et ne peut pas être le postulat anthropologique de la liberté, n'en déplaise aux imbéciles philosophes-théologiens de l'école de Francfort. Nitche est fondé à qualifier une telle philosophie de totalitaire ; seulement aucune ligne des prophètes juifs ou chrétiens ne permet de déduire une telle philosophie.

    Etant donné que pas un seul promoteur du darwinisme ne peut s'empêcher de le promouvoir séparément d'incantations lyriques en faveur de la démocratie, on est fondé à en attendre la preuve dans les progrès futurs de la démocratie ou du socialisme, c'est-à-dire dans le sens inverse des ravages que ces politiques-fictions ont fait subir jusqu'ici à l'humanité. La remarque historique s'impose qu'aucune philosophie naturelle ne constitue une science à part entière. Il n'y a dans la correspondance de la morale et de la politique d'une part, et de la science physique d'autre part, qu'un simple renvoi d'ascenseur. Le rationalisme scientifique, aussi sérieux soit-il à l'exemple de Nitche, ne ferme pas la porte à la métaphysique parce qu'elle n'est pas scientifique, mais bien parce qu'elle l'est trop. 


     



  • Rationalisme

    Le savant rationaliste devrait raisonnablement se tenir en dehors de la société moderne, dont le mouvement et la direction sont des plus incohérents, pour ne pas dire ubuesques. Cause et fin du monde moderne sont d'ailleurs l'objet d'hypothèses multiples et contradictoires, rationnellement irrecevables et qui laissent le champ libre aux débordements de foi religieux.

    Pourtant, au lieu d'habiter la raison, de nombreux savants modernes ont préféré habiter une maison en ville, dans le meilleur des cas aussi bien agencée qu'un cerveau humain peut l'être, et se sont empressés d'inventer, qui les nombres irrationnels, qui la multiplication de l'infini par deux, trois ou quatre, qui une théorie du chaos, qui le subconscient... et je ne suis même pas sûr qu'un ou deux savants rationalistes ne soient mêlés à l'invention de la démocratie.

    A moins que le rationalisme ne soit un tribalisme, qui consiste à penser uniquement en termes de rapports sociaux et surtout pas en dehors de ces garde-fou ? Cela expliquerait le nombre de chamanes et de sorciers plus ou moins dangereux, de députés-prestidigitateurs dans le monde moderne, sans compter les matchs de football et de marchands de rêve à tous les coins de rue.

    Nitche est le seul savant, tenant d'un rationalisme sérieux, bien que sa science découle directement du nombre 666 et lui a été inspirée par Satan. Au moins sa foi, d'ailleurs la plus restrictive, lui assure chaque fois qu'il joue aux dés, de faire un coup gagnant. Elle invite ainsi au monde les tâtonnements on ne peut plus catastrophiques du rationalisme moderne.

    Si le tribalisme n'avait pas été soudain interrompu par un objet rationnellement indéfinissable, Nitche ne serait pas sorti de sa réserve. Car un bon rationaliste se contente de jouir raisonnablement du privilège de la raison, que le monde a perdu, car le piège que Satan a tendu aux chrétiens, il est en train de tomber dedans.


     

  • Sainte Laïcité

    Sans l'Education nationale, puissance militante, l'idée laïque qui repose sur un discours historique entièrement truqué ne résisterait pas aux nombreuses critiques scientifiques que l'on peut formuler à l'encontre de l'argumentaire laïc, qui repose entièrement sur une casuistique juridique.

    Trois idéologies ont successivement servi de cadre à l'éducation des jeunes Français : le catholicisme romain, la franc-maçonnerie et le stalinisme, cédant dernièrement comme l'union soviétique à la détermination religieuse des marques de fabrique publicitaires, devenues les signes distinctifs religieux les plus courants. Ces trois idéologies ont des caractéristiques similaires ; en tant que doctrines à vocation institutionnelle, leur cohérence repose sur le négationnisme de l'histoire ; c'est ce qui explique, par exemple, que K. Marx soit "persona non grata" dans l'Education nationale ; les fonctionnaires staliniens ont veillé à ce que sa critique drastique de l'Etat républicain n'y paraisse pas.

    A une jeune immigrée roumaine qui me faisait part de son étonnement que la France soit une république plus soviétique que la Roumanie, j'ai répondu que cela s'explique par le monopole de l'Education nationale. J'ai omis de lui conseiller la lecture de Lénine, qui s'incline devant le primat de la France de Colbert en matière de totalitarisme centralisé.

    Le nationalisme, qui s'appuie aux Etats-Unis sur une multitude de sectes, s'appuie en France sur une secte unique et une biographie de la France républicaine qui présente de nombreuses analogies avec certaines biographies de la Vierge Marie ; née dans le sang, la France républicaine n'en est pas moins immaculée de conception. Main dans la main, on voit que les élites républicaines laïques françaises et démocrates-chrétiennes allemandes (le national-socialisme est moins discrédité en France grâce à saint Jean-Paul et à sainte Simone) tentent la difficile transposition du culte de la Vierge France en culte de la Vierge Europe.

    Enième "philosophe aux caniches" après le crétin boche Schopenhauer, Luc Ferry justifie le monopole de l'Education nationale par son rôle de "ciment national" (sic). On ne peut pas avouer plus directement l'usage religieux de l'Education nationale laïque. Voilà un philosophe républicain de plus qui tente de nous faire croire que ce n'est pas l'argent et la propriété qui constituent le liant de la nation, et que le dépôt de garantie de la foi laïque n'est pas dans les banques. A quel sorte de Persan veut-on faire croire ça en dehors d'Ali Baba ?

    Le ciment vanté par Luc Ferry est le matériau qui a le moins de traçabilité. Les Français exigent pour leurs steacks des références qu'ils ne réclament pas pour la laïcité, substance conçue par quelques cacouacs alchimistes dont la phraséologie donnera la nausée à n'importe quel esprit un tant soit peu français. Ces cacouacs voudraient qu'on boive leur bain de bouche et qu'on le prenne pour un grand cru.

    Il est pratiquement impossible de trouver à la laïcité des racines en France, comme aux idéologies qui l'ont amené. Je ne prétends pas que tout ce qui n'est pas français est mauvais, mais que le paysan veille à ne pas épandre sur son champ n'importe quoi. Bien qu'il soit assez allemand, il n'est pas permis de faire de Voltaire le père de la laïcité. Celui-ci est persuadé de la nécessité de l'encadrement religieux des masses populaires, et l'idée d'un enseignement neutre ou libre ne peut naître que dans une cervelle de teuton. Voltaire n'est pas assez allemand non plus pour être aussi imperméable à l'histoire et à la science qu'un authentique laïc. Voltaire n'est pas prêt à assumer la triple sclérose du jésuitisme, de la franc-maçonnerie et du stalinisme, comme Sartre. Voltaire n'est qu'un franc-tireur jésuite rêvant de prendre la place du général des Jésuites après avoir fait la démonstration de sa supériorité intellectuelle. Voltaire n'ignorait pas que l'académisme ne pouvait qu'engendrer l'imbécillité.

    Voltaire est plus près de ces héritiers allemands des Lumières, capables de discerner que la religion moderne laïque n'est qu'une version sécularisée de la religion catholique romaine. Ainsi la supercherie philosophique de Hegel qui consiste à poser la coïncidence de l'histoire et du mouvement institutionnel indiqué par l'appareil d'Etat et ses fonctionnaires n'est pas l'invention de Hegel, mais un subterfuge ancien de l'Eglise romaine, où réside la formule du totalitarisme. Ce subterfuge est celui qu'aucun apôtre chrétien n'a été capable de battre en brèche avec la même force que Shakespeare. Il consiste pour l'Eglise romaine à se présenter comme une institution historique. Le principe du droit moderne décadent est ainsi posé, non pas comme le prétend F. Nitche en vertu d'un mouvement évangélique populaire, mais afin de satisfaire un besoin ecclésiastique élitiste. Il en est très exactement de même aujourd'hui de la moraline compassionnelle laïque : non pas destinée aux victimes, mais d'abord à leurs ayant-droits supposés. Hegel, le "grand Hegel", comme on dit avec déférence sur la radio allemande "France-Culture", n'a fait que donner à la doctrine romaine catholique une couleur allemande protestante, mettant ainsi un terme définitif au luthéranisme, dont Marx est à peu près le seul à prolonger l'ouvrage de déconstruction juridique. Nitche, quant à lui, se contente de rappeler que Satan est le seul dieu dont la magistrature et les magistrats relèvent.

    L'Eglise romaine prive le droit de son sens naturel, d'une part, et l'histoire de son sens eschatologique juif et chrétien. Il n'en fallait pas plus pour promouvoir l'anthropologie comme religion.

    La prétendue "neutralité laïque" dissimule un principe relativiste, c'est-à-dire le comble du fanatisme religieux. Il n'y a que l'aliéné mental à être persuadé de l'objectivité de son optique subjective, et à cet égard les dogmes d'Einstein ont la même valeur frauduleuse de cadre scientifique que l'hégélianisme dans le domaine de l'histoire. L'argument laïc fait long feu, qui consiste à reprocher à l'islam, au judaïsme, au christianisme, voire au paganisme authentique de Nitche de se référer à des vérités extérieures à l'homme et au système légal, sans jamais fournir l'élucidation de la vérité supérieure siégeant à l'intérieur de l'homme et au milieu des lois ; une vérité dont la psychologie de Nitche dévoile qu'elle n'est autre qu'une volonté d'anéantissement de soi, de sorte que l'homme moderne n'est pour Nitche qu'un crucifié dans l'espoir d'un utopique salut. Et l'on constate effectivement que le seul moyen pour un sectateur du principe laïc de sortir du registre masochiste pour pouvoir jouir, est de piétiner la sacro-sainte neutralité laïque. Cette religion anémiante a en outre pour effet de tripler la valeur érotique des gadgets capitalistes.

    Cette vérité ou cette liberté intime que le régime laïc cultive, autrefois présenté sous la forme la plus inconsistante de l'âme, peut se définir aujourd'hui comme une variable de temps et d'espace, que la thérapie freudienne se fait fort de réaccorder quand le métronome est bloqué (la médecine de l'âme n'est une science que pour les peuples pour lesquels la musique est un art supérieur, et le monde antique préférait à juste titre la gymnastique du corps à celle de la musique). Or on ne peut pas se fier, lorsqu'on est sain d'esprit, à une variable comme à une vérité ; pas plus qu'on ne peut se fier au jugement d'un aliéné mental, qui demain ne sera sans doute pas le même qu'il est aujourd'hui. Le principe laïc a pour effet d'imposer la mode comme une vérité.

    Marx est non seulement conscient que la dialectique de Hegel n'en est pas une, c'est-à-dire que la succession d'états d'âmes différents n'est pas une dialectique mais une partition de musique romantique, mais également du rôle joué par la révolution industrielle dans la sécularisation opérée par Hegel de l'anthropologie catholique romaine. C'est un "détail" que Nitche omet afin d'inculper le christianisme. La bourgeoisie industrielle n'a cure d'une religion catholique romaine qui ménageait une large place au paganisme afin de satisfaire les besoins d'une aristocratie, dont le pouvoir reposait sur la propriété foncière et non sur l'asservissement du prolétariat. D'une certaine manière, c'est le même problème que pose l'islam aux autorités morales aujourd'hui.

    La nécessité s'est donc fait donc sentir d'arracher le paysan à ses valeurs traditionnelles pour le rempoter dans le culte identitaire et les valeurs anthropologiques abstraites fournies par Hegel, à une matrice légale et non plus à une matrice naturelle plus physique. Sartre n'a aucun besoin de dieu pour prêcher le socialisme étatique - c'est-à-dire le totalitarisme - aux ouvriers de Billancourt. Rien n'est plus gênant pour un prêcheur qu'un dieu qui n'est pas le veau d'or, c'est-à-dire la providence sous la forme d'une idole. Sans la providence, le prêcheur ne peut plus se présenter comme un homme providentiel.

    La mythologie antique permet la comparaison de l'Etat moderne totalitaire, à quoi la religion laïque s'efforce d'enchaîner l'homme, au dieu des enfers Hadès et sa prodigalité légendaire. Sous prétexte de libérer l'homme du destin ou de dieu, l'Occident moderne n'a de cesse de lier l'homme à l'origine et la fin abstraites de sa servitude.

  • Statistique

    La tyrannie a l'usage d'un dieu humanisé ; le totalitarisme a l'usage d'un homme divinisé. Belle conquête de l'Occident : l'homme a gagné le droit de se foudroyer lui-même.

  • Nitche et le nazisme

    L'étude approfondie de la doctrine de Nitche permet de mettre à jour la nature hybride ou contradictoire de l'idéologie nazie. C'est une des raisons pour lesquelles cette étude approfondie n'a jamais été faite. L'étude scolastique de Heidegger est ainsi marquée par un effort de réhabilitation personnelle. L'idéologie nazie emprunte à Nitche son motif artistique satanique le plus noble, et à l'hégélianisme sa détermination militaire et militante la plus abstraite et la plus superficielle, en même temps qu'elle est la plus efficace. L'autodafé de la culture dégénérée est l'acte le plus nitchéen, qui correspond parfaitement à la volonté de Nitche de mettre un terme à la culture moderne la plus abstraite (sauf la musique ?) ; tandis que la tentative eugéniste d'amélioration de la race humaine suppose un préjugé socialiste hégélien. Nitche, en tant que suppôt de Satan autoproclamé, botte même le cul des Allemands, dans lesquels ils ne voit pas des "aryens" mais des sous-hommes.

    Dans ce pays le moins doté d'une "conscience nationale" qu'est la France, et le mieux prédisposé à discerner dans le socialisme un nouveau cléricalisme et une nouvelle casuistique, la fortune critique de philosophes tels que Heidegger, Sartre ou Althusser est assez stupéfiante ; elle tient à l'appui d'organes nationalistes liés à l'appareil d'Etat, ainsi qu'à la détermination capitaliste essentielle du nationalisme, qui dans la formule européenne ne cherche même plus à se dissimuler. La persistance de l'idéal nationaliste pangermaniste, à elle seule suffit à ôter l'étiquette de l'humanisme, et même des "Lumières françaises", aux élites libérales intellectuelles qui s'en disent les héritières.

    Il y a deux moments de la politique où le nationalisme trouve et sa cohérence, et où le peuple se trouve dans la dépendance la plus complète de la volonté exclusive de ses élites ; le premier, c'est la mobilisation guerrière contre un ennemi qui menace la propriété des élites ou s'oppose à l'extension de celle-ci, jusqu'à ce que les guerriers baissent le drapeau et que la société retourne à des occupations plus féminines ; le second moment est celui de la compétition économique, où l'aspiration nationaliste est permanente et mieux adaptée à la liquidation de la propriété foncière. Le capitalisme ne fait qu'accroître la terreur des élites d'être dépossédées de leurs biens, dont dépend la mécanique du terrorisme moderne. A cet égard, la culture de mort hégélienne ne s'impose pas comme le croit Nitche en raison de l'aptitude du peuple à gober la moraline judéo-chrétienne, mais comme la courroie de transmission au peuple du tempérament hypocondriaque d'une élite de propriétaires captieux. Il était par conséquent naïf de la part de Nitche de croire dans le soutien du grand capital afin d'éradiquer le christianisme, et insultant vis-à-vis des Juifs de les dépeindre comme étant tous, racialement associés afin de poursuivre le mobile de Shylock. On retrouve encore derrière ce personnage, non pas l'antisémitisme de Shakespeare, mais son extraordinaire prescience de l'abomination de la formule éthique moderne, et de l'usage de l'Ancien testament par les élites chrétiennes modernes afin de fermer la porte à l'histoire. C'est, dans le "Marchand de Venise", l'anthropologie "judéo-chrétienne" qui est décrite comme une anthropophagie abominable. Contrairement à Nitche, Shakespeare est parfaitement conscient de ce que la loi de Moïse n'ouvre droit ni à l'anthropologie, ni à l'éthique. Si d'ailleurs Nitche avait bien voulu pousser son examen un peu plus loin, tant de Shakespeare que de la théologie chrétienne, il aurait pu constater qu'aucun théologien un tant soit peu sérieux ne fournit de caution à la morale "judéo-chrétienne". Un théologien chrétien la comprendra pour ce qu'elle est : un instrument de négationnisme de l'histoire et des prophètes, en même temps qu'une manière sournoise pour le clergé chrétien de ne pas tenir compte du Messie et de saint Paul. Cette morale "judéo-chrétienne" est la première cause de l'antisémitisme assassin, car c'est bien sûr poser l'équation du Juif et de Shylock, à la manière de Nitche et non de Shakespeare, qui revient à l'exposer à la vindicte populaire.

    Certes, Nitche, n'est pas humaniste non plus, mais il a le mérite de la franchise de ne pas se faire passer pour tel, ce qui constitue le comble de l'immoralité des élites modernes. Son combat, Nitche le mène à visage découvert, sous le patronage de Satan, et non comme Polonius, préfiguration shakespearienne de l'intellectuel moderne, caché derrière une tenture.

    Cette inculpation des élites modernes comme les élites les plus immorales et les plus irresponsables, arc-boutées sur l'éthique la plus virtuelle et la plus fallacieuse, n'est pas l'apanage de Nitche. On a pu voir les artistes catholiques Léon Bloy ou Bernanos, ou encore Simone Weil, mener le même combat. Mais Nitche est le seul à comprendre que ce combat ne peut être mené qu'au nom de la foi et de la raison sataniques, c'est-à-dire que Satan est le seul dieu qui peut être compris en termes de "valeurs" objectives.

    Shakespeare est le seul à donner un sens eschatologique chrétien à cette dépréciation des valeurs et à traduire le mouvement occidental comme un champ de bataille à l'heure du crépuscule.

  • Einstein et le relativisme

    F. Nitche combat le relativisme moral des élites modernes "judéo-chrétiennes". Il nie d'ailleurs que ce relativisme soit un individualisme véritable, et il en fait une des causes principales du populisme et de ses conséquences ravageuses pour l'Occident.

    Le point de vue d'Einstein est relativiste, dans la première proposition, puis absolu dans la deuxième. Exactement comme les valeurs éthiques modernes satisfont d'abord le point de vue des élites dirigeantes, avant de s'imposer ensuite à tout le monde.

    Le cas n'est pas rare dans l'histoire de discours apparemment scientifiques, uniquement destinés à conforter le point de vue éthique dominant, c'est-à-dire à permettre la mise en correspondance de la science et du droit.

    Le matérialisme dans le domaine de la science physique est, selon Nitche, le meilleur garant contre un tel relativisme et des propositions éthiques, scientifiques et artistiques, entièrement fictives ou hypothétiques, dont la solution finale ne peut être que catastrophique. Mais, s'il est beaucoup plus restrictif que celui de la science-fiction moderne, le point de vue matérialiste de Nitche n'en est pas moins lui-même relatif. La théorie du chaos, qui préside selon Nitche au destin du cosmos, laisse transparaître le préjugé de Nitche sur l'organisation du cosmos, pratiquement comme si le préjugé était le mode de raisonnement principal de l'homme d'élite, et que la science physique fournissait la meilleure caution à l'élitisme. On peut dire que la manière dont Nitche met la métaphysique hors-jeu et lui refuse tout caractère visionnaire est pratiquement un réflexe de caste. C'est un brahmane peut-être plus rigoureux que tous les brahmanes que l'Inde a jamais engendrés, défendant le système solaire (666) contre le double danger de la métaphysique et du mouvement moderne d'aliénation mentale. Il y a tout lieu de prendre l'inspiration satanique de Nitche au sérieux.

    Certains se demandent parfois pourquoi l'art moderne est détaché de toute cosmologie véritable, et paraît ainsi sonner aussi creux que le vase de Pandore. C'est tout simplement parce que les élites modernes occupent la place que la nature occupait dans l'art jusqu'à la Renaissance. C'est la caractéristique du totalitarisme moderne d'inventer la nature sous la forme d'une science-fiction.



  • Delenda est Roma

    L'évêque de Rome J. Ratzinger a partiellement appuyé ses dernières encycliques philosophiques sur une pensée germanique moderne nettement athée (Horkheimer, Adorno, Popper) ; pratiquement cette casuistique moderne de la charité, de la foi ou de la liberté n'a été approuvée en France que par "Les Temps Modernes", gazette dont l'effort consiste à répandre la philosophie bourgeoise allemande en France par des moyens où la propagande médiatique joue le premier rôle.

    La France est sans doute le pays le moins prédisposé à recevoir cette pensée totalitaire germanique comme une pensée véritable. L'esprit français parviendra vite à la conclusion que rien d'autre ne soutient les "temps modernes" que le néant. L'erreur de Nitche est de ne pas discerner que la modernité est le résultat, non seulement de l'entortillement sur elles-mêmes des valeurs de la civilisation, jusqu'à faire des élites modernes captieuses et irresponsables les détentrices des valeurs civilisatrices, sous la forme de concepts éthiques creux et adaptés aux nouvelles modalités de prédation des élites, mais que les temps modernes résultent aussi de la négation de la parole divine et de l'esprit chrétien. Un chrétien n'a pas moins de motifs de discerner dans l'hégélianisme la subversion de la vérité, qu'un suppôt de Satan n'en a d'accuser Hegel d'inverser les valeurs, et d'affecter à l'histoire un mouvement, et un terme à ce mouvement, on ne peut plus macabres. Cette cinématographie totalitaire de l'histoire est la plus imperméable à la critique, à l'instar de tous les objets d'art qui n'ont qu'une vocation décorative. 

    Les temps modernes constituent une bulle spéculative. Les fonctionnaires de la casuistique moderne ne seraient rien sans l'appui des institutions capitalistes.

    Par de telles références à la pensée athée, l'évêque de Rome déborde du cadre de la tradition catholique qui a servi de justification pendant plus d'un millénaire à l'introduction dans le christianisme d'une rhétorique anthropologique essentiellement païenne (Dante est un cas typique, que le motif existentialiste coupe de la théologie authentique). Involontairement ou maladroitement, J. Ratzinger trahit ainsi l'origine judéo-chrétienne de l'existentialisme moderne athée. Bien loin de répondre aux accusations de Nitche, il corrobore ainsi la doctrine antichrétienne.

    L'indéfinissable modernité, en dehors des cris hystériques de louange que l'homme moderne s'adresse à lui-même, expose l'homme moderne à la folie. Le sevrage de la modernité s'opère par le retour à la réalité.