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Lapinos - Page 16

  • Intellectualisme bourgeois

    - Dans les régimes bourgeois, le prêtre ou l'inquisiteur se dissimule sous le terme générique "d'intellectuel".

    - Ôtez son intellectualisme à la raison et vous la rendrez raisonnable.

    - La modernité n'est pas la civilisation, c'est la civilisation selon les intellectuels, de sorte qu'il ne viendra à personne l'idée de vanter la modernité en dehors d'un salon bourgeois où l'on a confiance dans les élites intellectuelles.

    - L'intellectuel est aussi un censeur : en effet, les critiques de l'intellectualisme ne sont pas rares, et signées des esprits critiques les plus prestigieux : Marx, Nietzsche, Balzac, Orwell, etc. Il faut donc censurer ces critiques sans avoir l'air d'y toucher.

    - Pointer la menace que représentent les intellectuels revient à pointer la menace que représente l'idéologie ; et défendre les intellectuels contre le "populisme" revient à dissimuler que l'intellectualisme est la première cause de l'idéologie, par ricochet du populisme.

    - Détruisez la culture populaire à l'aide de l'intellectualisme et vous obtiendrez le populisme.

    - Le cinéma est un art intellectuel car seuls les intellectuels trouvent un intérêt dans la recherche du temps perdu. Ils en viennent et ils y retournent, remplissent les bibliothèques de leurs travaux sur la quadrature du cercle.

    - Proverbe contre les intellectuels : "Le poisson pourrit par la tête".

    - Comme la légitimité des intellectuels est analogue à celle de la ruse, les intellectuels quand ils sont démasqués scandalisent plus encore le peuple que les tyrans qui le brutalisent.

    - La France offre une meilleure protection contre les intellectuels que l'Allemagne ou les Etats-Unis. Les Allemands qui ont parlé contre les intellectuels ont le plus souvent abjuré leur nationalité allemande (Nietzsche, Marx). Quant à Shakespeare, chacune de ses pièces fournit cent flèches contre les intellectuels.

    - Beaucoup de juifs ne sont pas intellectuels, et nombre de juifs ne sont pas des intellectuels. Typiquement intellectuel, le raisonnement identitaire n'a absolument rien de juif. Ce raisonnement est désigné dans la littérature juive prophétique sous le terme métaphorique : "piège de la femme".

    - L'intellectualisme l'emporte sur l'esprit critique comme la vieillesse l'emporte sur la force et la maturité. Une nation exsangue s'appuiera sur des intellectuels, car ils fournissent des tas de ruses. L'intellectualisme est le signe de la dégénérescence d'une culture ou de son immaturité (Moyen-âge).

    - L'intellectualisme correspond sur le plan artistique au génie. Comme le génie, l'intellectuel n'est pas prompt à reconnaître que l'idée qu'il croit neuve a au moins deux mille ans d'ancienneté.

    - Lorsqu'un abruti qualifie les mathématiques modernes de "science dure", vous savez que vous êtes en présence d'un intellectuel. La science d'Einstein a la mollesse du confort intellectuel.

    - Un statisticien qui se moque d'un astrologue, c'est l'hôpital qui se moque de la charité, ou le fils de son père quand il croit mieux tenir la boutique.

    - L'intellectualisme est le produit d'une confusion entre l'ordre physique des choses et la métaphysique. Ainsi les intellectuels doivent affronter deux sortes de critiques : les artistes, d'une part, aux yeux desquels la métaphysique fait le plus souvent partie des choses improbables ; et les savants d'autre part, pour qui la physique et la métaphysique doivent être méthodiquement distinguées, afin de ne pas prêter vie à des choses éternelles, et de ne pas prêter l'éternité à des choses vivantes.

  • Dans la Matrice

    L'autofiction est exemplaire du mysticisme moderne occidental ; c'est un phénomène plus religieux que littéraire auxquels les éditeurs, face à l'afflux de manuscrits relevant de ce procédé, sont confrontés.

    Dans l'autofiction "pure", il s'agit de se mentir à soi-même, et de faire de ce procédé un art. L'analogie avec le raisonnement altéré d'une personne aliénée permet de jauger la culture bourgeoise bien au-delà des seuls nazisme ou stalinisme désignés pour faire diversion et préserver le jugement arbitraire des élites bourgeoises.

    Ce phénomène, décrit par Nitche comme le cancer de l'art ou l'assassinat de la poésie par l'éthique judéo-chrétienne, est présenté a contrario par les cerbères de la bourgeoisie capitalistes comme un "progrès anthropologique".

    L'autofiction impure seule présente une valeur littéraire, car on ne fait pas de littérature avec de bons sentiments religieux. L'ironie et le détachement de soi, tels qu'on peut les lire dans Voltaire, Rousseau, Céline, traduisent un certain détachement religieux de ces auteurs.

    Voltaire, que Marx décrivit comme le "sommet de la pensée bourgeoise", est même assez peu bourgeois dans la mesure où il exprime son mépris de la fiction, clef de voûte de la culture bourgeoise et du totalitarisme. Le relativisme moderne repose en effet sur une perspective anthropologique truquée, un "néant" présenté comme "quelque chose de positif".

    Céline, lui, a cette exclamation : - Je ne veux pas être une victime !, ô combien significative car la vocation de la pure fiction est d'inciter au sacrifice le plus vain, c'est-à-dire le sacrifice pour une cause sociale. L'autofiction n'est pas loin de la crucifixion. Quoi de plus dangereux que de se mentir à soi-même ? On peut résumer l'oeuvre de Céline comme l'antidote à sa jeune vocation de chair à canon. L'auteur accuse sa propre imbécillité. Céline irritera nécessairement, ou dérangera les plans des partisans de la justice sociale (mélange d'imbéciles et d'hypocrites, puisque la justice sociale est une chose impossible).

    L'autofiction pure porte donc la marque de l'Etat totalitaire et de ses élites intellectuelles. Le cinéma devient un art, en même temps que l'industrie devient une civilisation et que la propagande devient vérité communément admise.

     

  • Barbarie moderne

    Les nations barbares de l'Occident moderne sont gouvernées par les sentiments. On le reconnaît à leur manière de guerroyer, plus féminine et distanciée que la méthode des anciens barbares, mais qui est totale et ne connaît aucune limite, ainsi que les sentiments qui animent les personnes aliénées (à qui l'équilibre du corps ne procure pas l'équilibre de la raison).

    Le terrorisme, quelle que soit la revendication ou le masque qu'il porte, est caractéristique de la violence moderne occidentale, qui vise autant à frapper les esprits qu'à blesser les corps. Dans le "terrorisme islamique", l'aspect moderne l'emporte sur l'aspect coranique ; l'aspect moderne, c'est-à-dire identitaire et donc anthropologique, à travers lequel un lecteur de la bible reconnaîtra la fausse religion et le faux dieu d'Adam et Eve, qui a marqué leur destin du sceau de la mort. L'argument social ou anthropologique est à quoi on reconnaît que la démocratie-chrétienne est un plan machiavélique de Satan.

    L'emprunt par des mahométans à l'Occident de ses méthodes d'oppression subtile peut leur valoir des victoires plus nombreuses, mais elle leur vaudra la malédiction de dieu s'ils se laissent entraîner dans cette voie, comme les démocrates-chrétiens seront maudits d'avoir baisé le sol de la terre et fait passer leur religion ploutocratique pour celle de Jésus-Christ. Le plan de Satan, à l'instar des politiciens, est de diviser les hommes pour mieux régner, et qui entrera dans son plan fera partie de Satan - les signes de la mort ou du hasard peu à peu marqueront son corps, et il finira plus ou moins égaré.

    Mahométans, croyez le chrétien qui vous dit qu'il y a plus de danger dans "Le Marchand de Venise" pour les nations démocrates-chrétiennes qu'il n'y en a dans tous les attentats terroristes contre ces nations. Quel danger ? Le danger que représente la vérité pour les menteurs, et la divulgation du plan de Satan, car il est écrit que les nations ne peuvent être conduites que par des menteurs, et que plus ces nations grossiront, plus le mensonge devra être subtil.

  • Rêveuse bourgeoisie

    La prière du bourgeois : "Mon Dieu, donnez-nous notre punition quotidienne !".

    Le remède le plus efficace contre une existence bourgeoise, véritable pensum, est le suicide ou le "jihad" (pour ceux qui se tiennent au courant de la mode). C'est pourquoi la société bourgeoise est environnée des cadavres de ceux - artistes, enfants, âmes viriles -, qui n'ont pu se résoudre à son train de vie morose, et n'ont pas trouvé la force, comme Hamlet, de zigouiller les actionnaires du léviathan bourgeois.

  • Rêveuse bourgeoisie

    Accomplir son rêve c'est faire le bilan, comme Napoléon, qu'en définitive on n'a rien fait. Le rêve accompli n'est qu'un élastique détendu.

     

  • Psychologie française

    Molière a su montrer que l'esprit du monde est plus vivace dans le misanthrope que dans un esprit mondain déclaré, bien qu'il soit dissimulé chez celui-là.

    Adolf Hitler, par exemple, était un misanthrope qui finit par être ravi par le suffrage universel et les bains de foule. Je prends cet exemple car la misanthropie est une disposition d'esprit que l'on retrouve souvent chez les tyrans ou tyranneaux des temps modernes.

    Le mépris du monde n'est qu'une affectation, une pose de la part du misanthrope, ce qui rend le propos des auteurs misanthropes un peu creux. Sans doute Molière visait-il les jansénistes, dont le propos théologique est doublement creux et mondain, comme un problème de mathématique. Le jansénisme est une religion mondaine française portant le masque de la misanthropie.

    La Bruyère n'est pas misanthrope, car il trouve sincèrement dans la solitude le bonheur et la possibilité d'écrire, dont une vie mondaine l'aurait privé. La Rochefoucauld est un misanthrope supérieur, qui sait qu'il est misanthrope et n'a pas de prétention à la profondeur.

    Léopardi pour sa part a compris très tôt que la vie sociale divise autant les hommes qu'elle les unit ; elle n'offre ainsi aucun remède véritable à la solitude. On est moins seul quand on est seul, dit en substance Léopardi, car au moins cela permet de mieux se connaître, tandis que la société vous contraint à jouer un rôle et ignorer qui vous êtes.

    La dissimulation de l'esprit mondain chez le misanthrope évoque fortement la dissimulation de l'appétit de la chair chez le puritain ; nombre de puritains sont d'ailleurs d'anciens libertins fatigués.

    Molière a aussi montré que libertins et puritains exercent les uns sur les autres une fascination mutuelle. Le libertin est persuadé de jouir d'une liberté dont la puritaine ne bénéficie pas ; et la puritaine est persuadée de jouir d'une liberté dont le libertin ne bénéficie pas. Mais tous deux confondent liberté et jouissance et se nourrissent de la même illusion.

    On peut faire le constat que, sur le plan social, libertinage et puritanisme sont aussi nécessaires l'un que l'autre ; le libertinage pour servir de tempérament au masochisme ou au féminisme, et le puritanisme ou le féminisme sont utiles afin d'exercer une contrainte au devoir social sur la partie de la population vouée au service de l'autre. Quand les femmes veulent obtenir le statut des hommes, il se produit alors une petite révolution ; et quand les peuples veulent obtenir les mêmes droits que l'aristocratie, alors il s'en produit une plus grande. L'obsession de la jouissance a pour effet d'accroître la concurrence entre les hommes et d'accroître leur frustration. L'incitation à la modération est inaudible, à cause du profit que l'Etat totalitaire moderne retire, en termes de coercition, de l'incitation de ces citoyens au sacrifice. Quel est le type de comportement masochiste le plus répandu ? L'exposition à la publicité commerciale des enfants. C'est une manière de fabriquer des citoyens soumis désormais plus efficace que l'école laïque républicaine ; et, par la suite, des adultes irresponsables car pris dans l'engrenage de la nécessité économique.

    C'est bien la publicité aussi qui entretient en permanence la confusion entre jouissance et liberté.

  • Dans la Matrice

    Dans la matrice, tout concourt au divertissement. Mais ce qui consolide la matrice est aussi ce qui la rend fragile.

  • Science consciente

    Qu'est-ce que la science consciente ? Réponse : la science consciente est celle qui consiste à se méfier du "parallaxe humain", c'est-à-dire d'un réflexe qui consiste pour l'homme à tout rapporter à lui-même, jusqu'à prêter parfois à l'univers entier les bornes de sa propre condition.

    De même l'homme s'est construit des dieux à sa mesure au fil du temps, dont l'Etat moderne est le plus facilement identifiable comme tel.

    "Science humaine", "sociologie", "anthropologie" sont autant d'expressions faites pour travestir le discours religieux en discours scientifique ; la plus ridicule d'entre ces expressions : "science dure", pour désigner les mathématiques modernes largement fondées sur des paradoxes inconsistants (i.e. l'infini, notion secondaire dans l'ancienne géométrie).

    D'une certaine manière, l'accès de l'homme à la vérité lui est barré par sa propre tendance à l'idolâtrie, à se mirer dans la nature. Si l'on n'y prend garde, on finira par placer le parallaxe ou le biais lui-même à la place de l'objet de la science, et la recherche scientifique finira par ressembler à un jeu de miroirs comme on en construit dans les foires afin de permettre aux enfants de jouer à se perdre.

    On reconnaît le parallaxe ou le biais humain dans un science à ce qu'elle est paradoxale, comme l'homme lui-même. Ainsi de la théorie de l'évolution (qui fait de l'homme l'animal le plus évolué, bien qu'il n'évolue pas lui-même) ; de la relativité (qui formule comme un absolu le fait qu'il n'y a rien d'absolu) ; de l'hypothèse copernicienne (qui ne peut se passer du postulat d'un univers fini, en même temps qu'elle ne peut s'accorder avec) ; du "big-bang" (qui prétend répondre à la question de l'origine de l'univers, tout en repoussant à l'infini cette question).

    La culture moderne est celle de la "science sans conscience". Le raccourci suivant permet de le comprendre : celui qui ignore la différence entre la technique et la science, tel le citoyen lambda d'un Etat moderne, ignore la déviation possible de la science vers la religion. A contrario, on peut comprendre que la technique est une science biaisée par la volonté et la nécessité humaines.

    Les temps dits "modernes" coïncident avec une faillite de l'esprit critique ou scientifique. [Qui lit cette ligne avec une moue sceptique pourra vérifier la censure, le sabotage ou l'amputation dont font l'objet divers philosophes ou essayistes dont la conclusion n'est pas toujours aussi radicale, mais qui posent des jalons dans ce sens ; dans un ordre de radicalité décroissante, citons K. Marx (la science décline à mesure que l'idéologie libérale progresse), F. Nietzsche (la culture moderne est irrationnelle), G. Orwell (le totalitarisme est un intellectualisme), S. Weil (les physiciens modernes disent n'importe quoi), H. Arendt (la culture de masse est un signe d'irresponsabilité des élites), G. Bernanos (la mécanique s'est substituée à la pensée)].

    La thèse opposée à celle du déclin de la pensée scientifique dans l'Occident dit "moderne" peut être énoncée de la façon suivante : l'anthropologie marque un progrès de la science. Autrement dit, la défense de la culture moderne ne peut se passer de cet argument anthropologique.

    A cet égard, le christianisme ou la culture chrétienne jouent un rôle décisif, trop souvent ignoré en France. La science moderne prend racine dans le XVIIe et une poignée de savants chrétiens fort éloignés de distinguer suivant une classification récente (on ne peut plus spécieuse) le domaine de la science de celui de la religion ; ces savants sont enseignés aujourd'hui comme les pères de la science moderne, et les élèves contraints de se prosterner devant leur "génie", tenus dans l'ignorance que la science ne doit pas grand-chose au génie. Dans ce domaine, la légende dorée est monnaie courante, s'agissant de Galilée, Newton, Descartes, etc.

    La doctrine de Nietzsche ou la critique de Marx nous orientent vers "l'origine chrétienne" de cette déviation anthropologique. Nietzsche est on ne peut plus clair : la culture moderne a le grave défaut, en comparaison de la culture antique, d'être entièrement arbitraire, et cet arbitraire vient du christianisme. Quant à Marx, il a lu Feuerbach et n'ignore pas que l'athéisme moderne est très largement le produit de ce que Chateaubriand a qualifié de "génie du christianisme" ; autrement dit, on peut concevoir les sciences sociales de manière positive comme un aboutissement du christianisme (en aucun cas Marx n'est un "sociologue"), ou de façon négative comme la maladie d'Alzheimer de la philosophie occidentale.

    La question qui se pose est : comment la culture chrétienne a-t-elle pu entraîner un tel désaxement de la science ? (accusation à laquelle l'évêque de Rome fournit d'ailleurs dans une récente encyclique une réponse nulle, c'est-à-dire purement rhétorique). La réponse de Nietzsche est : en substituant le néant à la nature. La réponse de Nietzsche n'est qu'à moitié vraie ; il est exact que les évangiles "abolissent" la servitude de l'homme vis-à-vis de la nature, sur laquelle les religions païennes de la nature étaient fondées, et leur philosophie naturelle. C'est ce qui explique que Nietzsche veuille restaurer la physique contre la métaphysique, synonyme à ses yeux de mysticisme truqué.

    Cependant, en aucun cas le christianisme n'abolit la servitude des sociétés. Il n'y a pas de doctrine sociale chrétienne possible d'après les évangiles, dépourvus d'ambiguïté sur ce point. Bien qu'elle a souvent été présentée traîtreusement comme une concession faite au peuple, la doctrine sociale chrétienne résulte de la nécessité pour les élites occidentales chrétiennes de justifier leur position ; ne le pouvant d'après les évangiles, les princes chrétiens ont élaboré une culture arbitraire et fragile, en perpétuelle mutation. Ainsi Nietzsche amalgame deux choses opposées dans sa polémique antisémite et antichrétienne : la doctrine sociale chrétienne, d'une part, et les apôtres et les évangiles d'autre part. De surcroît il est inexact de prétendre la culture grecque antique "dionysiaque" et opposée à la métaphysique.

    Autrement dit : la doctrine sociale chrétienne est l'axe de la modernité, et cela n'est pas sans conséquence sur le plan de la culture scientifique, c'est-à-dire des idées scientifiques communément et superficiellement partagées par le plus grand nombre. On ne sera pas surpris que certains savants évolutionnistes invoquent la démocratie, bien que celle-ci soit de l'ordre de la foi du point de vue scientifique, à l'appui de la thèse évolutionniste. Ou encore que d'autres aient cherché à consolider les thèses raciales nazies à l'aide de l'évolutionnisme ; ou encore à consolider le dogme économique libéral à l'aide du darwinisme. Ils font ce qu'ils s'interdisent de faire : mélanger la foi -sous couvert d'éthique ou d'anthropologie- et la recherche scientifique. D'ailleurs la foi, au sens le plus banal du terme, mettons bouddhiste, est assimilable à une "recherche", bien plus qu'à une révélation.

    Qu'est-ce qu'un "trou noir" en astronomie, si ce n'est la projection du destin chaotique de l'homme moderne sur le cosmos, déployé comme un écran ? On objectera les photographies de "trous noirs", qui viennent appuyer la démonstration sophistiquée (mieux vaut dire "les dizaines de démonstrations parallèles et contradictoires", formant une nébuleuse). Mais l'appareil photographique est-il parfait au seul prétexte que l'homme l'a fabriqué ? N'y a-t-il pas de nombreux biais possibles dans la photo ? Et qu'est-ce que la photo a d'expérimental ? L'expérience scientifique ne consiste-t-elle pas justement à explorer au-delà de la surface des choses ? Le fait que les mathématiques modernes et le cinéma ou la photographie se confirment mutuellement ne signifie pas qu'ils sont des méthodes scientifiques.

  • De la Tragédie (2)

    Pourquoi Shakespeare est chrétien tandis que Racine ne l'est pas ? Parce que Racine prêche pour sa paroisse au contraire de Shakespeare, théologien qui sait que les sermons divisent autant qu'ils unissent.

  • De la Tragédie

    Le seul trait d'union véritable entre le monde moderne et le monde antique, ce sont les tragédies chrétiennes de Shakespeare, c'est-à-dire l'art le plus subversif.

  • Idéologie et mathématiques

    La notion difficile à définir d'infini est le cadre nécessaire à toute idéologie. C'est pourquoi il n'est pas rare de voir les savants ou les philosophes réalistes contester le pouvoir des mathématiques de traduire la réalité.

    Karl Marx à propos du calcul indique qu'il consiste à définir les choses par ce qu'elles ont de moins essentiel ; on comprend ainsi pourquoi la démocratie libérale totalitaire est une culture relativiste, farouchement hostile à l'individualisme.

    L'Etat protège l'idéologie libérale à travers l'enseignement du calcul et des mathématiques modernes, enseignement présenté comme "fondamental". La culture moderne repose largement sur les mathématiques modernes, dont on pourrait dire qu'elles sont l'avenir de l'homme, comme la femme.

  • Léopardi seul contre tous

    Au lecteur moderne, Léopardi peut paraître inhumain ; mais il n'est pas moins humain de se défendre contre la société que de déployer des efforts pour s'y intégrer.

    Comme le discours contre la famille, le discours contre la société semble même plus humain. Quel autre animal peut promulguer des décrets contre son espèce, vouloir s'isoler pour penser plus à l'aise ?

    La barbarie pour Léopardi consiste à faire partie de la société, et l'on peut constater les ravages des doctrines du progrès social, du temps de Léopardi et après lui au cours du XXe siècle.

    L'idée de péché, attachée à celle de société dans le christianisme, a sans doute marqué Léopardi. La pierre angulaire de toute société, de toute architecture humaine, c'est ce que les juifs et les chrétiens nomment "péché". Aussi les chrétiens renégats, disciples de Judas, afin de prendre pied dans la société, ont-ils dû trahir la notion de péché. Le théâtre de Shakespeare s'articule autour de cette trahison, matrice de la culture moderne.

    L'hostilité de Léopardi à toute idée de progrès social, on peut aussi la comprendre de la façon suivante : Léopardi est assez lucide pour voir qu'il n'y a derrière un tel idéal qu'une motivation assez mesquine, et un principe intellectuel aussi ténu que l'espoir.

    Tandis que Nietzsche rejette l'idée de progrès social sous prétexte qu'il s'agit d'un idéal judéo-chrétien débile, Léopardi se contente de tenir la foi dans le progrès social pour une sorte de tare de l'esprit.

     

     

  • Humain, trop humain

    Un catholique romain m'a dit un jour : "Le protestantisme est la religion du divorce." ; c'est sans doute en partie vrai, puisque l'Eglise romaine se montre plus tolérante avec cet acte civil depuis que l'influence de l'idéologie protestante sur la doctrine romaine se fait sentir.

    Cela dit, si le catholicisme romain est la religion du mariage, cette religion ne présente pas plus d'intérêt que la religion protestante.

    D'ailleurs Luther empêche autant le divorce qu'il le permet, en énonçant que le mariage chrétien est dépourvu de fondement évangélique.

  • Question de foi

    "Il y a deux logiques de pensée et de foi : la peur de perdre ceux qui sont sauvés et le désir de sauver ceux qui sont perdus." Pape François (homélie 15 février)

    On peut dire la foi chrétienne, a contrario du pape, pure des sentiments humains que sont la crainte et le désir.

    Si l'on substitue dans son sermon "propagande de la foi" à "pensée" et "foi", alors le pape dit vrai.

  • Mort de l'art

    La virtuosité est à la fois ce qui produit la plus forte impression sur le public, et le défaut qu'un artiste doit éviter ou corriger. Pour traduire cette idée de virtuosité, qualifions-là de "fausse vertu", ou bien de faiblesse déguisée en force ; ou encore disons que le virtuose n'a pas conscience des limites de son art.

    La musique dite "classique" est insupportable pour cette raison qu'elle est à 90% le fait de virtuoses, aussi stupides que ces sportifs qui tirent gloire d'avoir franchi la ligne d'arrivée avec un dixième de seconde d'avance sur leur poursuivant immédiat.

    Il n'y a rien d'étonnant à voir des petits génies de la musique ou de la peinture surgir, ici ou là, à peine sortis du berceau. Un régime totalitaire pourrait fort bien, si ce n'est déjà le cas, organiser l'élevage de petits génies en batterie.

    Mais l'art est mort, toute cette virtuosité en est le symptôme, et notre souci n'est pas de ressusciter l'art (entreprise vouée à l'échec à cause du Jugement dernier) ; néanmoins, ce qui est valable pour l'art est valable sur le plan moral - il y a une forme de virtuosité sur le plan moral qui peut être corrigée ; cette virtuosité coïncide souvent avec la souffrance physique ou morale. L'immoralité généralisée dans les sociétés modernes, avec les conséquences catastrophiques que l'on sait, tient justement à cette méconnaissance des limites de la morale. Espérant beaucoup trop de celle-ci (parce qu'on le leur fait espérer), les sociétés modernes n'obtiennent pas même les effets d'une loi morale raisonnable.

  • Synode sur la famille

    Le plus vain synode qui soit se tient ces jours-ci à Rome. Le plus vain car il porte sur la famille et que les évangiles discréditent les liens du sang au profit du lien spirituel, pur du péché véhiculé par le lien charnel.

    Qui dit famille dit "père de famille", notion sacrée dans le code civil des franc-maçons, édicté sous le règne de Napoléon. La défense est faite aux chrétiens dans l'évangile de Matthieu de nommer quiconque leur "père" en dehors de dieu, afin de prévenir contre les interprétations anthropologiques perfides du nouveau testament (la vocation secrète de l'anthropologie prétendument chrétienne est d'entraîner à l'athéisme les chrétiens sincères).

    Comble d'ironie ou d'absurdité, sur un sujet qui ne relève pas de la foi chrétienne, les catholiques romains ne parviennent pas à s'entendre et sont divisés entre conservateurs et modernes. Ces positions recoupent des positions économiques, on ne peut plus temporelles et triviales. En effet, l'économie capitaliste a eu sur l'organisation familiale traditionnelle un effet de sape. Le clivage homme-femme même a quasiment perdu son efficacité (donc sa valeur) dans le cadre d'une économie dite tertiaire. Mais le catholicisme romain continue d'exercer un rôle de direction morale sur des millions d'individus qui vivent dans des pays demeurés au stade industriel ou paysan, où la famille reste efficace, et la répartition du travail selon le sexe.

    L'axe du discours antichrétien satanique consiste à ramener au plan social des exhortations évangéliques spirituelles afin d'empêcher le royaume de dieu. C'est la vocation de plus en plus nette de l'Eglise catholique romaine.

     

  • Modernité, piège à con

    Résolu très tôt contre l'ennui, je n'ai pas tardé à l'être contre la modernité. Je ne connais pas de personne spirituelle qui tolère cet état.

    Pour cette raison je crois le mouvement moderne condamné, car si la société contemporaine totalitaire est organisée afin de faire passer l'ennui pour une forme de confort enviable, et ce dès le plus jeune âge (tout ou presque est fade et ennuyeux dans la vie moderne), ce système sera mis en péril dès lors qu'un individu ou un groupe d'individus décidera de vivre pleinement sa vie, et non seulement de faire semblant comme un acteur de cinéma.

    La manière dont la culture moderne s'accommode de l'ennui est d'ailleurs l'indice d'une religiosité excessive. La culture et l'enseignement modernes ne sont-ils pas parvenus à rendre la science ennuyeuse ? Sciemment ou non, ce que l'amateur de littérature antique cherche dans la lecture des auteurs antiques, c'est d'abord à se désennuyer de la culture moderne.  

  • Autour d'Hamlet

    L'étude du "Hamlet" de Shakespeare par Lise Contour-Marsan (1969) fournit plus de renseignements sur l'appareil critique extraordinairement volumineux concernant cette tragédie qu'elle ne contribue à élucider cette pièce.

    Contour-Marsan note ainsi ce paradoxe : l'accumulation des études, qui se comptent en dizaines de milliers (comparativement aux Anglais, aux Américains et aux Allemands, les Français ont peu contribué à cette accumulation), n'a pas eu pour conséquence de faire progresser de façon nette la compréhension de Shakespeare.

    J'explique ce paradoxe ainsi : Shakespeare constitue une menace pour la culture bourgeoise ; deuxième explication adjacente : rares sont les docteurs ou professeurs de littérature contemporains possédant une connaissance suffisante de la bible pour comprendre quelle est la religion de Hamlet, c'est-à-dire de Shakespeare. La science bourgeoise universitaire est par conséquent faite d'un mélange de mauvaise foi et d'ignorance, peu propice à l'élucidation de Shakespeare ; j'ai donné sur ce blogue de nombreux exemples d'interprétations aberrantes au point d'être ridicules concernant Shakespeare, son théâtre ou sa poésie.

    Pour mémoire, citons le cas de "Thomas More" : il y a tout lieu de croire que cette pièce est de Shakespeare ; le personnage de l'éminence grise, appartenant au clergé, dont le théâtre de Shakespeare fournit plusieurs exemples (Wolseley, Polonius, etc.), est toujours un personnage "noir", dont la perfidie se teinte parfois de bêtise (Polonius). On peut en déduire que Shakespeare prend dans ce cas en compte l'interdiction chrétienne formelle de servir deux maîtres, dessinant des personnages dont le mobile et la vocation sont les plus troubles, en même temps qu'ils sont caractéristiques de la culture bourgeoise et des temps à venir. Thomas More, selon Shakespeare, n'échappe pas à la règle : l'auteur nous montre ce prétendu "saint" commettre un parjure odieux ; un parjure significatif puisqu'il résulte du christianisme aberrant de T. More. Bien loin d'en faire un martyr, Shakespeare fait de T. More un "arroseur arrosé". Or le commentateur moderne, dans certaine édition écrit à peu près : Shakespeare a fait de saint Thomas More le héros d'une de ses pièces, donc cela prouve que Shakespeare est... catholique romain. Seul un mélange de mauvaise foi et d'ignorance peut fonder un tel commentaire.

    *

    Contemporaine de l'exégèse freudienne du théâtre de Shakespeare, L. Contour-Marsan écarte heureusement les spéculations de cette pseudo-science allemande d'un revers de main bien français, c'est-à-dire en se fondant sur le bon sens. Shakespeare à plusieurs reprises dans la pièce montre que la folie de Hamlet est une feinte. C'est le Danemark qui, de toute évidence, est aliéné du point de vue de Shakespeare ou de Hamlet.

    L'exégèse psychanalytique conduit ainsi à adopter le point de vue du Danemark, c'est-à-dire de Claudius, Polonius, Gertrude, ses actionnaires principaux. L'antimétaphysique freudienne se heurte à la méthaphysique shakespearienne, d'une manière qui n'est pas sans rappeler le heurt entre Platon et Homère.

    A travers Hamlet, Shakespeare nous dit la menace que représente Hamlet pour le Danemark, et la menace que représente le Danemark pour Hamlet. Et par "Danemark" il faut comprendre "l'Occident chrétien" ; c'est à quoi tient la dimension prophétique de Shakespeare, sa résistance au temps et aux changements de régime.

  • Bêtise laïque

    On peut définir la culture laïque comme "une culture de la libre-pensée obligatoire" ; cette définition caricaturale permet de souligner la bêtise laïque, en même temps qu'elle est un paradoxe élevé au rang de doctrine ; et même l'origine chrétienne de la laïcité est perceptible.

    En effet, en ce qui concerne ce dernier aspect, nulle religion n'a jamais paru plus proche de la libre-pensée que la religion de Jésus-Christ, qui attisa contre lui pour cette raison la vindicte des représentants de la religion juive et des autorités civiles et militaires romaines.

    La figure de Jésus-Christ libre-penseur est si frappante, soulignée d'ailleurs par les épîtres de Paul, que son assassinat a pu être approuvé par des doctrinaires partisans de l'ordre public, en l'absence même de motif de condamnation légale valable (!) ; F. Nitche est peut-être le plus célèbre, mais surtout le plus franc d'entre eux, qui désigne Jésus-Christ comme un anarchiste. A l'inverse, nombreux sont les doctrinaires révolutionnaires, sincèrement chrétiens ou non, qui se sont servi de l'argument de la libre-pensée chrétienne contre l'autorité de l'Eglise catholique (afin de mettre sa doctrine en porte-à-faux) ; on pourrait multiplier les exemples, contentons-nous de citer Diderot (athée), Rousseau (chrétien), d'Holbach, ainsi que Marx plus récemment.

    La logique de purge du judaïsme et du christianisme, correspondant au voeu de Nitche ou d'athées militants voudrait qu'on instaure un régime théocratique, proscrivant la libre-pensée au lieu de la promouvoir. Nitche en est parfaitement conscient.

    Aucun homme de loi, aucun politicien honnête et compétent ne parviendra en effet à justifier le besoin de la libre-pensée sur le plan politique et social. Si les espèces animales fournissent des exemples d'organisations politiques parfaites, c'est bien parce que la volonté animale est exclusivement tendue vers la jouissance, à l'exclusion de tout principe ou de toute chose métaphysique. Les Anciens en tiraient une leçon sur le rapport de la bêtise et de la politique, et de cette leçon une double limite, haute et basse, assignée à la politique.

    Mais l'éradication de la libre-pensée par le biais de la théocratie s'est avérée inefficace chaque fois qu'elle a été tentée (Napoléon, Hitler). La bourgeoisie libérale a mis en place une stratégie bien plus efficace ; principalement en réduisant la liberté à la liberté de jouir, en quoi le libéralisme excède toutes les sortes de cultures barbares du passé, et le Dr Johnson n'a pas déduit pour rien de sa lecture du "Marchand de Venise" que "le libéralisme est l'invention de Satan". Sur le plan juridique, la bourgeoisie libérale a choisi de mettre en place une théocratie qui ne dit pas son nom, que l'on peut qualifier d'anthropothéocratie. La ruse est grossière puisqu'il s'agit d'inciter le citoyen d'une nation anthropothéocratique à renoncer à la liberté, non pas au nom du droit divin représenté par une caste particulière de prêtres et de princes, mais au nom d'une volonté générale qu'une caste de hauts fonctionnaires prétend incarner. L'arcane est à la fois grossière et instable - on le voit à travers cette "laïcité sacrée" dont chaque citoyen propose une définition conforme à son désir ou presque.

    Cette anthropothéocratie a grand peine, de surcroît, à dissimuler qu'elle est un culte du veau d'or. L'Ancien testament renferme à cet égard une information historique majeure. On y voit le peuple de dieu se scinder de l'ancienne Egypte, pure théocratie, pour affronter une idole, qui en son sein même sème la discorde, à savoir le culte du veau d'or.

    Ce n'est pas un hasard si le régime laïc, soi-disant favorable à la liberté d'expression, se garde d'envisager l'argent comme un instrument d'aliénation et de fanatisme, de sorte qu'à de rares exceptions le culte du veau d'or est la religion la mieux protégée par le régime de libre-pensée laïc.

  • Du mensonge laïc

    Disons d'abord simplement ce que représente la laïcité d'un point de vue scientifique : il s'agit d'un mensonge d'Etat.

    A ce titre, la laïcité est un phénomène banal, car il n'y a aucune institution étatique qui puisse se passer d'une religion d'Etat mensongère.

    Un despote interroge son conseiller : - Et dieu dans tout ça ? Et le conseiller de répondre : - Peu importe dieu, majesté, du moment que nous disposons d'une religion afin de contenir le peuple dans les limites qui sont les siennes.

    Si l'on considère la musique comme la religion la plus commune, ou l'essence de la religion, on peut constater que celle-ci laisse la question de dieu pendante, tout en jouant le rôle trivial de ciment social dont aucune organisation humaine ne peut se passer. Mais, du point de vue scientifique, la musique n'est qu'un divertissement futile. Je le mentionne afin de souligner à quel point spiritualité et science se recoupent, et à quel point l'Etat totalitaire moderne doit se défendre contre ces deux aspirations - science et spiritualité - qui en réalité n'en forment qu'une.

    Prenons maintenant un exemple politique concret, qui en apparence ne semble pas concerner le christianisme : la critique marxiste est dissuasive de tenir quelque culture que ce soit pour autre chose qu'un discours religieux ; Marx met à jour que l'esprit critique a pour effet de dissoudre la culture. Par conséquent la religion d'Etat communiste, soviétique ou stalinienne, est largement fondée sur la censure de la critique marxiste, qui a pour effet de dévaluer complètement le culte mystique de l'Etat, ramenant celui-ci à un instrument de domination des élites bourgeoises.

    Il n'y a pas de chrétien laïc, pour la simple et bonne raison qu'un chrétien ne peut obéir à deux maîtres en même temps, et les théoriciens du "césarisme chrétien" (J. Ratzinger) doivent être regardés comme des serviteurs de l'Antéchrist.

    D'une certaine façon, on peut dire que le chrétien est soumis aux institutions temporelles comme il est soumis au principe vital. Il ne doit pas s'interdire d'être vertueux, sous prétexte que la vertu n'a qu'une valeur anthropologique, et non théologique ; cependant les lois sociales, dans la mesure où elles s'appuient sur un discours mystique étranger au message salutaire de Jésus-Christ, ne doivent pas venir troubler l'esprit des chrétiens. C'est un grave péché pour les soi-disant théologiens chrétiens qui ont osé le faire, de prôner la peine de mort comme son interdiction, ou encore le régicide comme la soumission aux valeurs de l'Etat (démocratie, droits de l'homme, etc.) ; on discerne d'après la diversité d'opinion de ces soi-disant chrétiens l'absence de fondement évangélique. Béni soit au contraire le théologien chrétien Swedenborg qui a mis à jour que la norme juridique est nécessairement satanique, éclairant ainsi deux symboles apocalyptiques majeurs : la "bête de la terre", qui désigne une puissance dont l'effet est analogue à celui de la norme juridique d'assigner à l'homme des considérations terre à terre ou charnelles ; et le cavalier juché sur un cheval noir d'autre part, qui tient dans la main une balance, représentant la justice des hommes, dépourvue d'amour au contraire de celle de dieu.

    Parler d'apocalypse entraîne à parler d'histoire et relever le paradoxe suivant à propos de la culture laïque : aucun chrétien authentique ne peut se soumettre à la "culture laïque", mais il n'est pas moins vrai que la laïcité est un avatar de la "civilisation chrétienne", au même titre que la bourgeoisie, catégorie sociale aux contours indéfinissables.

    On peut définir la culture laïque comme une invention bourgeoise, un cadre juridique défini par et pour la bourgeoisie. Les individus issus du peuple qui défendent la culture laïque ne font que répéter une instruction bourgeoise. Quant à l'aristocratie, sont sort est lié à celui de la théocratie - on peut l'observer à travers Nietzsche, qui désira restaurer l'aristocratie au nom de Satan et de l'art, Nietzsche à qui on peut décerner le titre de "dernier philosophe aristocrate authentique". La franche hostilité de ce dernier à la révolution française est caractéristique. Autrement dit, paganisme et théocratie sont indissociables.

    La culture laïque durera tant que la bourgeoisie durera. Dès que l'idole principale de la bourgeoisie vacille un tant soit peu - je veux parler du veau d'or -, on voit naturellement les prêtres laïcs ressortir leurs vieux sermons poussiéreux et qui ne mangent pas de pain. Toutes les leçons de catéchisme laïc récitées et apprises par coeur ne compenseront pas la mort de crédit s'il celle-ci advient.