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Lapinos - Page 17

  • Le Veau d'or

    Il me semble que je n'ai jamais été trop sensible à l'argent car il ne peut rien contre l'ennui ; ainsi l'argent favorise les conquêtes féminines, mais comme dit un expert : "Avoir couché avec cent femmes est comme avoir couché avec une seule."

    L'art, cultivé pour lui-même, peut aussi rendre indifférent à l'argent, car il procure plus de jouissance que l'argent. Ainsi peut-on voir des artistes assez indifférents aux biens matériels, non seulement des chrétiens.

  • Léopardi contre Nietzsche

    Les docteurs en littérature opèrent parfois d'étonnants rapprochements, comme celui de Léopardi avec Nietzsche.

    Léopardi rejoint le christianisme quand il s'emploie à démontrer la bêtise incorrigible du monde, prévenant ainsi son lecteur contre toute forme de doctrine sociale. A contrario Nietzsche veut sauver ou préserver le monde du christianisme et de son dédain pour les choses terrestres.

    On ne peut guère rapprocher Nietzsche et Léopardi que sur le plan du style, et c'est un angle mort.

  • Téléphone

    Mieux que "téléphone portable", "téléphone cellulaire" décrit l'enfermement du bourgeois dans son ego.

    - "Le téléphone avilit la parole même." dit Léon Bloy, qui passe pour extravagant à cause de sa lucidité.

  • ...isme

    Le féminisme comme toutes les religions en "isme" est tourné vers l'infini.

  • Stylisme

    Si le style est l'homme même, dans ce cas l'homme moderne est une sorte de défroque sans chair ni os en dessous.

  • Gouvernement mondial

    Certains voient derrière le projet de gouvernement mondial judéo-chrétien (où le "judéo-christianisme", ayant rompu les amarres avec la bible, désigne une sorte de national-racisme américain) un complot des élites dirigeantes, opérant à travers diverses sectes ou club d'influences occultes.

    La réalité de ces sectes est indéniable, mais leurs membres ont beau jeu d'invoquer la banalité et l'ancienneté de ce phénomène, à défaut de pouvoir nier qu'il est antidémocratique. Comme toutes les religions sociales horizontales, la démocratie a son bas clergé sincère, et son haut clergé plus machiavélique.

    On remarquera aussi que ce projet manque de cohérence, car il y a dans l'élitisme une logique d'affrontement de l'élite adverse (à cela on reconnaît dans le stalinisme un élitisme). Le trait d'union entre ces élites est le culte du veau d'or, c'est-à-dire l'opposition à dieu telle qu'elle se manifeste dans l'ancien testament avant d'être précisée dans le nouveau testament. N'importe quel esprit un minimum curieux, sans tendance particulière à la paranoïa, s'étonnera de ce phénomène politique paradoxal qui consiste pour des Etats pratiquement réduits à la consistance d'établissements bancaires, comme le Royaume-Uni, à persister dans des références bibliques. Ils feront bien de relire "Le Marchand de Venise", pour trouver la réponse à leur question.

    Le culte du veau d'or traduit un progrès de la bêtise, qui est l'autre nom du péché humain, c'est-à-dire l'ignorance des choses qui ne tombent pas sous le sens. Or, comme "les peuples intelligents ne se laissent pas gouverner facilement", le projet de gouvernement mondial ne peut manquer d'être assorti d'un programme tacite d'abrutissement généralisé des peuples.

    Génocides et massacres au sein de l'espèce humaine ne sont que la rançon de l'incapacité relative de cette espèce de penser au-delà des nécessités politiques. Les massacres d'embryons humains, notons-le, cliniquement opérés pour des motifs anthropologiques, émeuvent peu, pour la raison que l'homme est le plus souvent ému par des choses qui le touchent personnellement, et non autrui.

     

  • Logique de l'Amour (2)

    Amour et logique sont liés. Ils n'existent pas pour ceux qui n'entendent que la cause et les raisons biologiques.

    La culture moderne ubuesque, quant à elle, s'emploie doublement à dévaluer le bon sens commun et l'amour, et les remplacer par le "sentiment amoureux". On le voit à travers le "mariage des gays", qui avant d'être gay traduit le sens de la modernité. Or, derrière l'argument de la modernité, on retrouvera toujours la main de l'Eglise catholique romaine.

  • Logique de l'Amour

    Il est plus logique de voir quelqu'un de fort aimer quelqu'un de faible, car la faiblesse implique un défaut de volonté et l'impossibilité d'aimer autrui par conséquent. C'est là le sens "d'aime ton prochain comme toi-même". Dans la société totalitaire contemporaine, l'individu est incité à se transformer en "objet du désir" ; cette société est donc organisée pour empêcher l'amour. Par-delà la vertu authentique, ce que l'éthique judéo-chrétienne la plus compatible avec le capitalisme veut détruire, c'est l'amour.

    C'est pourquoi on ne peut prôner l'amour et faire l'éloge de la faiblesse en même temps. Le Messie des chrétiens, prônant l'amour, prône une force distincte de la vertu, dont la source est physique. L'amour chrétien est de surcroît étranger à la casuistique de l'âme platonicienne, qui a eu pour effet de transformer en quelques siècles le catholicisme en bouddhisme (les prônes de l'évêque de Rome ne diffèrent pas ou peu de ceux du Dalaï Lama).

    Disons et redisons-le, il n'y a pas d'éthique chrétienne ou judéo-chrétienne possible, c'est-à-dire que le message évangélique ramène l'éthique au plan humain où elle se situe.

    Si Nietzsche nie la réalité des choses métaphysiques, c'est pour la raison qu'il n'est pas un surhomme, mais qu'il s'efforce de le devenir, luttant contre sa peine à jouir (typiquement allemande ou féminine). Nietzsche cherche à obtenir par l'art ce que la bourgeoise puritaine veulent compenser par la psychanalyse. Or la métaphysique n'est d'aucune utilité dans la quête d'un plus grand bonheur. L'évidence est, contre le propos de Nietzsche et ses disciples, d'une religion grecque qui fait place à la métaphysique - notamment Aristote et Homère. Cependant cette métaphysique cherche à s'en débarrasser, comme un enfant ou un adolescent les questions qui ne sont pas d'ordre érotique.

    Le satanisme de Nietzsche coïncide en effet parfaitement avec la volonté de l'adolescent de devenir un adulte plus fort. L'adolescent viril niera le plus souvent l'amour, dont il n'a le plus souvent connaissance que sous la forme abstraite féminine du sentiment amoureux. On peut dire l'artiste "nietzschéen" également, dans la mesure où ce que l'artiste recherche plus ou moins confusément dans l'exercice de l'art, c'est un renforcement de sa volonté, la mise à distance de la mort (devant laquelle seule les civilisations au bord de la pourriture s'inclinent avec dévotion, leur art cinématographique ou photographique macabre).

    Si les personnes faibles ne peuvent aimer, c'est pour la raison qu'elles ne se connaissent pas elles-mêmes - ce qui est indispensable en termes de volonté comme d'amour.

  • Satan dans l'Eglise

    Vu les dernières déclarations de l'évêque de Rome, autoproclamé chef d'une Eglise à vocation universelle, le thème de "Satan dans l'Eglise" est plus que jamais d'actualité.

    En effet, le pape François ne paraît plus désormais se soucier de l'apparence chrétienne de ses discours, qu'il convient de qualifier de "propagande" car leur but de séduction (totalitaire) détermine leur contenu. Il est vrai que ses prédécesseurs, par le biais d'une philosophie sophistiquée, procédaient de même, transformant le message évangile en gnose anthropologique athée.

    L'écologie, façon mystique de parler d'économie, est une préoccupation étrangère au chrétien, qui ne partage pas les soucis mondains de ses contemporains. Les évangiles sont sans équivoque sur ce point et PARFAITEMENT DISSUASIFS de vouer à la planète terre un culte. La terre est le socle des mondanités.

    Le discours encyclique récent "Laudato si" se place d'emblée sous le signe de la mystification, en fixant l'objectif de "sauvegarde de la maison commune". Au-delà de la vanité du discours écologiste, que l'on trouve habituellement dans la bouche d'imbéciles (dépourvus de moyens contre l'économie capitaliste) ou d'hypocrites (les actionnaires des nations) : il n'est nulle part fait allusion à une quelconque "maison commune" dans les écritures saintes. Une telle métaphore ne peut se rapporter qu'à l'Eglise du Christ ou la Jérusalem céleste, qui pratiquement est l'antithèse de la terre, tabernacle des ambitions humaines.

    Il ne faut donc pas hésiter à bousculer les catholiques romains, à leur faire régurgiter leurs serpents et argumentaires cauteleux. Tous les hommes sont pécheurs, mais se rangent directement sous les ordres de Satan ceux qui cherchent à justifier la chair ou la terre, ou encore qui cherchent à jeter la confusion sur le sens du message évangélique.

    Sur les quelques citations des apôtres que contient le discours encyclique "Laudato si", le procédé employé pour les détourner au profit d'une préoccupation étrangère à la volonté de dieu, je reviendrai ultérieurement. Disons ici que ce n'est pas un phénomène nouveau ; le pape Benoît XVI précédemment avait assez de machiavélisme pour fonder un césarisme chrétien sur ce qui l'empêche, à savoir l'injonction de rendre à César ce qui relève de César.

  • Dans la Matrice

    L'idéal de jouissance féminin est un idéal sécuritaire ; ainsi l'Etat moderne totalitaire semble-t-il un dieu taillé à la mesure des femmes, tandis que la nature et son imitation fondaient une culture plus virile.

    Mais le droit moderne a beau faire croire qu'il se détache des contingences naturelles, se faire promesse d'égalité, il est cependant tributaire de la nature. Le droit moderne est rattachable à la nature, comme la mort se rattache à la nature : tout en paraissant blasphémer contre la nature, la mort en fait partie. Le caractère artificieux de la culture occidentale moderne est aussi analogue au rêve, dont les anciens mythes (Narcisse) indiquent la proximité avec la mort.

    C'est pourquoi l'on peut associer l'Etat moderne totalitaire au dieu Pluton. La mythologie antique est un meilleur moyen d'élucidation du monde que les mathématiques modernes.

     

     

  • Qui a peur de Shakespeare ?

    Platon, jadis, conspuait Homère. Mais quelle sorte de prêtre, aujourd'hui, redoute Shakespeare au point de dire sa logique absurde ?

  • De Shakespeare à Claudel

    Paul Claudel, c'est Polonius décidant de réécrire les tragédies de Shakespeare pour en faire des drames bourgeois.

    Quand Shakespeare dissout l'alchimie du langage, Claudel la ressuscite.

  • Le Christ anarchiste

    L'anarchisme chrétien tient dans l'impossibilité d'une politique universaliste. Il convient pour le chrétien de laisser à César le soin des questions terre-à-terre. En jouant un rôle politique, tel ou tel homme d'élite soi-disant chrétien donnera à son prochain une image trompeuse du christianisme, en quoi il s'expose aux foudres de dieu.

    C'est la raison pour laquelle Shakespeare a représenté les "éminences grises catholiques" comme des suppôts de Satan, car ce qui trahit l'esprit de la parole divine le fait nécessairement pour le compte de Satan.

    Tous les détracteurs de la démocratie moderne comprendront aisément le point de vue chrétien puisque les adversaires de la démocratie moderne s'emploient à démontrer que le modèle de développement que les élites occidentales s'efforcent d'imposer au monde entier est un modèle catastrophique.

    Certain philosophe réactionnaire (Nietzsche), au long de sa vitupération du monde et de la culture modernes, croit déceler dans celles-ci la marque du judaïsme et du christianisme. Les apparences seulement corroborent sa remarque ; l'universalisme des "droits de l'homme" paraît en effet une forme renouvelée de "morale judéo-chrétienne". Mais il n'en est rien, car la morale n'a pas, du point de vue chrétien, ainsi que toutes les paraboles l'indiquent, une portée universelle, mais seulement relative. Amour et éthique sont parfaitement distincts dans le judaïsme et le christianisme.

    Le fait est d'une tentative surprenante d'imposer au monde un gouvernement et des valeurs judéo-chrétiennes, en dépit de la prohibition qui est faite par le Messie à ses apôtres d'emprunter une voie politique. D'une certaine façon, on peut dire que toutes les utopies politiques modernes reflètent cette perspective chrétienne truquée. Ostensiblement antichrétien, le régime nazi se présente justement comme une contre-utopie, un retour à des valeurs naturelles.

    Les évangiles et les épîtres de Paul fournissent la réponse à ce paradoxe ou cette énigme dans la description qu'ils donnent de l'antichristianisme de la fin des temps. Celui-ci se présente, non pas comme un satanisme dans le sens païen, mais comme un satanisme dans le sens chrétien, à quoi la notion de "politique chrétienne" correspond à peu près. Ainsi le piège de Satan est moins facile à déceler. Néanmoins la mythologie de Shakespeare consiste largement à démasquer Satan derrière les symboles chrétiens.

     

  • Onanisme

    "L'existentialisme est un onanisme" : Karl Marx disqualifiait ainsi la culture bourgeoise (marquée par la philosophie allemande, de Hegel à BHL ou Ratzinger).

    Nous sommes désormais au point de pourriture extrême où cet onanisme est revendiqué publiquement ; ainsi un soi-disant "critique littéraire" pourra comparer la lecture, en cette période de rentrée littéraire, à la masturbation, et l'air pas peu fier, encore, de sa comparaison de marchand de livres. Il y a ne serait-ce qu'une vingtaine d'années, aucun journaliste n'aurait osé tenir ce discours de pourceau en public ; cet aveu est le signe que la caste bourgeoise ne connaît plus les limites de son pouvoir.

    La délégation de pouvoir du peuple à la caste bourgeoise censée le représenter repose en effet sur l'idéal du progrès, et non celui du bonheur. Le reproche de l'onanisme est un reproche lourd de sens dans la bouche de Marx : il comporte une menace de retour à la barbarie la plus primitive, sous l'égide de la caste bourgeoise ; car quand on ne progresse pas, on régresse forcément.

    La coïncidence de la révélation divine ultime avec la faillite politique des nations est la traduction de la vision apocalyptique de Jean. La ruine d'une civilisation, extrêmement coûteuse sur le plan humain, peut en effet n'être d'aucune conséquence sur le plan scientifique.

    La ruse bourgeoise consiste à faire passer la science dite "anthropologique" pour un progrès, alors qu'il ne saurait y avoir de progrès sur le plan humain. Pour étouffer la critique marxiste, on l'a ainsi ramenée à un discours sociologique. L'idée de "progrès anthropologique" est entièrement contenue dans la mort ou le néant, de sorte que le terme de la culture bourgeoise est son propre anéantissement.

     

  • Bazar de la charité

    La charité exprime l'amour divin. "Solidaire", l'humanité ne l'est pas plus qu'une meute de loups ; on peut même penser que les loups ont un sens de la solidarité plus aigu, dans la mesure où l'élan d'amour divin ne vient pas le perturber. Les espèces animales donnent l'exemple de la solidarité pure. L'amour qui règne au sein des familles se rapproche de la solidarité, dans la mesure où il est naturel.

    La charité a beaucoup moins bonne presse que la solidarité. En effet cette dernière est sociale, tandis que la charité ne l'est pas - elle ne tient pas compte des conventions sociales.

    Cependant on voit bien que le bon Samaritain de la parabole va beaucoup plus loin que la solidarité. On comprend qu'il n'y a de dépassement véritable que dans la charité. C'est un domaine dans lequel il est difficile de se vanter, d'ailleurs.

    Il est plus facile de se vanter dans le domaine de "l'action solidaire", comme on dit aujourd'hui, qui est comme un métier. Pourquoi pas ? Les cordonniers peuvent bien être fiers de leur travail, pourquoi quelqu'un qui exerce un métier dans le domaine de l'action solidaire ne le serait-il pas ? (même s'il est sans doute plus difficile de juger une bonne paire de chaussures qu'une bonne "action solidaire").

    Molière a conçu une parabole qui illustre bien la différence entre solidarité et charité. Don Juan, par solidarité, veut bien octroyer une obole au pauvre qui le lui demande, ainsi que nous voyons faire tous les jours dans le métro des Parisiens affables (et moi-même je n'aurais pas la prétention de me dire charitable sous prétexte que je lâche une pièce à qui me le demande), mais à condition que le pauvre abjure dieu. Molière montre ainsi que le plan social exclut dieu. J.-J. Rousseau enfonce le clou en disant qu'il y a des manières pour le riche de donner qui ressemblent à la manière dont le maître nourrit son chien. 

    Citons encore le cantique des "Restaus du coeur" : "Quand je pense à toi, je pense à moi." - cantique immonde car excluant que l'homme soit capable d'une bonté gratuite. On comprend ici que la tragédie de la démocratie est qu'elle n'a aucun exemple élevé à donner, ni dans le sens "satanique", ni dans le sens chrétien opposé. Le calcul finit par s'imposer comme le raisonnement ultime dans nos sociétés totalitaires où le dépassement individuel est subtilement proscrit.

    - Pour terminer, une anecdote qui m'a marquée, quand j'avais une quinzaine d'années ; à la sortie d'une église, comme un jeune type lui demande la pièce, un vieillard à la mise soignée, chapeau et canne, brandit cette dernière au-dessus de sa tête et menace le mendiant : "Faire l'aumône !... à ton âge... Vas-donc te chercher un travail !" La scène était assez cocasse, c'est pour ça que je l'ai retenue. Le vieillard ne manquait pas de courage, car le jeune clodo aurait aussi bien pu l'expédier "ad patres" d'une seule gifle.

    Du point de vue anthropologique, celui de la solidarité, on ne saurait donner tort ou raison au vieillard. Peut-être que le jeune type avait plus besoin d'un coup de pied au cul que d'une pièce pour s'acheter à boire ? Les Romains disent en effet : "Qui aime bien châtie bien".

  • Imposture laïque

    Nous voulons ici dénoncer le césarisme déguisé et la nullité spirituelle du pacte démocrate-chrétien. Confrontons pour cela la rhétorique laïque à la parole de dieu.

    Première constatation : il n'y a pas de culture laïque païenne ; la laïcité peut donc se traduire comme la transposition dans le droit civil d'une idée chrétienne, transposition monstrueuse, tant du point de vue spirituel que du point de vue historique. On peut ainsi tenir la doctrine maçonnique du "guelfe" Dante Alighieri pour l'ancêtre de la rhétorique laïque (monarchiste). Du point de vue chrétien authentique ("On ne peut servir deux maîtres à la fois"), franc-maçonnerie/civisme catholique et islam sont identiques.

    L'athéisme, en tant qu'il est lié à la culture laïque, est donc un avatar de l'Occident chrétien a contrario du paganisme. Il paraît ici, dans l'athéisme qui est la conclusion logique de l'argument de laïcité, que celui-ci est parfaitement anthropocentrique et distinct des saintes écritures. Logiquement le discours laïc confessionnel finit par s'émanciper de dieu.

    Qui osera, sans craindre de s'étouffer avec sa langue, affirmer que les Etats-Unis théocratiques diffèrent substantiellement, dans leurs moyens et buts, de la République française laïque, quand la solidarité des intérêts de ces nations et de leurs élites saute aux yeux ?

    Comme par hasard, l'apologie de la laïcité est surtout faite pour en remontrer à l'islam, non pour critiquer les chefs d'Etats qui prêtent serment sur la bible. La laïcité sert d'argument au "choc des cultures", nom pour désigner la nouvelle croisade qui, si elle est "sans dieu", n'en est pas moins un fanatisme guerrier.

    Après avoir défini la rhétorique laïque comme une culture occidentale et anthropocentrique hypocrite (la confiance placée dans les banques par ceux qui y déposent leurs avoirs est parfaitement "laïque"), examinons le piège et sa construction de plus près.

    Commençons par citer un tocard, Fabrice Hadjadj, "philosophe démocrate-chrétien laïc" : "César aussi est à Dieu". Cette citation est révélatrice de l'aliénation mentale de son auteur, car le monde et la politique relèvent EXPLICITEMENT de Satan selon les saintes écritures. 

    "César aussi est à Dieu" : lapsus débile mais néanmoins révélateur ; en effet la rhétorique laïque ne fait que renouveler la théorie (égyptienne) de la monarchie de droit divin. Elle n'est qu'une présentation destinée à préserver l'illusion démocratique contemporaine.

    La fameuse réplique du Messie aux Juifs qui tentaient de le piéger "Rendez à César ce qui est à César" ne fonde absolument pas un quelconque distinguo entre "l'ordre spirituel" et de "l'ordre temporel", ainsi que les actionnaires de la démocratie-chrétienne le prétendent. Le Messie se contente de dissuader par là d'accorder aux vanités de ce monde, celles-là même qui absorbent entièrement César ou Néron, une quelconque importance. Seul doit compter pour un juif le salut, voilà en substance ce que Jésus proclame, tout en échappant au piège rhétorique que lui avaient tendu les pharisiens (conscients que la soumission à César aurait constitué un parjure de loi de Moïse). Ni soumission, ni insoumission au pouvoir politique ; n'importe quel exégète ayant un minimum de bonne foi confirmera ce que je dis : impossible de fonder sur les évangiles un quelconque "civisme chrétien".

    Or la démocratie-chrétienne retourne les paroles du Messie, les interprète dans le sens d'une apostasie radicale, puisqu'elle fonde dessus la justification de son anthropologie et de ses doctrines sociales, d'ordre exclusivement temporel et par conséquent vaniteux. Notons ici que le Messie situe même le culte rendu aux morts, et non seulement le mariage, dans l'ordre des vanités : "Laissez les morts enterrer les morts !". On ne saurait se montrer plus radicalement méprisant de l'ordre social.

    La démocratie-chrétienne repose donc sur l'exégèse truquée de ce qui, dans les évangiles, proscrit la civilisation chrétienne.

     

  • Vérité

    Quand la société rencontre la vérité, cela fait le même effet que l'étrave d'un paquebot croisant de nuit à pleine vitesse la route d'un iceberg.

  • Ophélie, victime parfaite

    "Ophélie", forgé par Shakespeare, signifie en grec "celle qui est utile". Shakespeare a voulu montrer la "femme-objet", manipulée par le Siècle, son père, la raison d'Etat, le désir, la vie.

    "Les images du suicide, dans la culture d'Occident, oscillent entre deux types extrêmes : d'un côté le suicide accompli en pleine conscience, au terme d'une réflexion où la nécessité de mourir, exactement évaluée, l'emporte sur les raisons de vivre [cf. J. Léopardi] ; à l'opposé, l'égarement démentiel qui se livre à la mort sans penser la mort. Les deux exemples antithétiques pourraient se nommer Caton et Ophélie.

    Caton se donne la mort dans le plein éveil héroïque et viril ; Ophélie, entraînée par son rêve désolé, "comme inconsciente de sa détresse", s'abandonne et se laisse submerger. Le suicide philosophique, chef-d'oeuvre de l'autonomie volontaire, appelle sur lui l'éclat du jour, le rayon de la gloire ; fût-il accompli solitairement, il s'expose à tous les regards ; la raison qui le gouverne requiert l'approbation universelle ; nous y trouvons l'image active et mâle du fer retourné contre soi, preuve d'une liberté toujours présente au terme de la bataille perdue. L'image inverse est féminine, passive et nocturne : elle implique la défaite intérieure, la montée de l'ombre, la dépossession ; l'être fait retour aux ténèbres originelles et à l'eau primitive." Jean Starobinski

    Cette analyse psychologique est confirmée par les réflexions de Hamlet sur la mort, qui ne font que renforcer l'impression d'"innocence" d'Ophélie, dont le mobile est de consentir au sacrifice, de servir d'hostie, de chair à canon.

    Aux oreilles d'Ophélie, "tout est sexuel" ; elle ne comprend que les sous-entendus grivois, qui permettent à Hamlet de comprendre que sa fiancée n'entend rien à l'amour - c'est un petit soldat, qui ne sait qu'obéir. Une fois les fils de la marionnette Ophélie coupés, qui la retenaient au bastingage de la nef, cette jeune femme moderne, ô combien, fredonne des chants catholiques dont la connotation sexuelle est évidente pour qui sait lire entre les lignes. Shakespeare pointe ici une autre forme de manipulation, la même qu'il pointe dans "Roméo & Juliette".

    Et complétons cette analyse psychologique en disant que Hamlet est l'anti-Oedipe. Hamlet est "celui qui ne tient pas sa force de la Sphinge". Si Hamlet était "oedipien", prisonnier des lois de la nature, alors il serait Laërte.

    Hamlet ne fait pas l'apologie du suicide, mais condamne la culture de vie inconsciente, le médecin pourrait-on dire, qui veut sauver tout en laissant pendre, telle une épée de Damoclès, le problème de la condition humaine ou du péché (Freud et Nietzsche ont très mal compris et traduit Shakespeare, ce que ce dernier a fini par reconnaître). Cela fait de Hamlet un personnage étrange du point de vue de la médecine. Pour qu'une personne aussi passive et obéissante qu'Ophélie lui fasse confiance aveuglément, il est probable que Polonius est une sorte de thaumaturge.

    Plus subtilement, Shakespeare suggère donc que la religion d'Ophélie, mais aussi celle de Polonius, Laërte, Claudius, et même Gertrude, n'est qu'une superficielle "médecine de l'âme", dénuée d'esprit véritable.

    Certains critiques ont cru discerner chez Hamlet une sorte d'hésitation à se venger. Il est vrai que la caricature de la vengeance, personnifiée par Laërte, incite à ne pas voir dans Hamlet l'un de ces justiciers, dont la littérature bourgeoise est remplie, qui se vengent avant de mourir étouffés dans leur propre fiel. La culture bourgeoise se délecte de la violence gratuite ; elle y contribue, tout en étant terrorisée à l'idée d'en être la cible. Le goût de la vengeance est typiquement bourgeois.

    Hamlet semble hésiter, mais fait une hécatombe néanmoins. Hamlet n'est pas hésitant, sa volonté ne fléchit pas, mais il est prudent ; sa prudence est celle de la véritable justice, qui n'est pas aveugle et qui n'est pas vengeance. Hamlet représente la justice du jugement dernier. Ophélie est victime de la société et d'elle-même. Le Danemark étouffe sous le poids du mensonge.

    La comparaison qui vaut est celle de la tragédie de Shakespeare avec la dramaturgie de Dante, à cette différence près que Shakespeare n'est pas inquisiteur ; il ne juge que le monde - traçant ainsi les contours de l'enfer.

  • Laïcité

    Après une commission d'enquête parlementaire réclamée par le ministre du Culte de la Place Beauvau, l'argent fut reconnu comme une valeur parfaitement laïque.

  • Claudel, pseudo-Shakespeare

    L'imitation de Shakespeare par Paul Claudel ("Tête d'Or") fait penser à l'imitation des Grecs par les Romains, qui s'approprièrent l'art grec mais ne le comprirent pas. Il n'y a rien d'homérique, en effet, chez les Romains, surtout pas Virgile.

    Conception fantasmatique d'une culture occidentale issue de la culture "gréco-latine" et biblique, dénoncée justement par Léopardi : "La civilisation moderne nous a menés à l'opposé de la civilisation antique et l'on ne peut comprendre comment deux choses opposées pourraient n'en faire qu'une seule, et se prétendre toutes deux civilisations. Il ne s'agit pas là de minces différences, mais de contradictions essentielles : ou les Anciens n'étaient pas civilisés, ou c'est nous qui ne le sommes pas."

    De ce fantasme ou de ce négationnisme de l'Histoire, Shakespeare est parfaitement conscient, tandis que Claudel au contraire l'entretient. Shakespeare répond à la question de Léopardi dans "Le Marchand de Venise", qui met à jour les tenant et aboutissant de la culture occidentale, sous le masque "humaniste".

    Il y a certainement un peu de Claudius dans Claudel, comme dans les crétins qui prétendent que ce félon serait le héros de la pièce ; mais il y a surtout du Polonius, car Polonius écoute Hamlet sans le comprendre, comme Claudel écoute Shakespeare en restant sourd. De surcroît Claudel est diplomate, comme Polonius. Et il n'y a apparemment d'espèce parmi les hommes que Hamlet, "fils du tonnerre", exècre plus que les diplomates.

    Quand Dante condamne illégitimement tel ou tel, Shakespeare condamne justement la fonction.