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  • Les Sept Samouraïs

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    Il y a un dissident français que je respecte depuis longtemps, c'est Jean Madiran, que je me garderais de qualifier de "philosophe". Son combat pour la liberté de la presse force le respect. Je le range parmi les "Sept Samouraïs", même s'il est moins japonais que Nabe ou D. Venner.
    La vindicte de Colombani, le directeur du Monde, qui tenta en vain de le faire taire en réclamant des centaines de milliers de francs de dommages et intérêts devant les tribunaux, est un signe qui ne trompe pas. Il n'y a pas d'arrangement possible avec Madiran, pas comme avec Pierre Péan.

    Cela posé, je dois dire que la démonstration antimarxiste de Madiran ne me convainc pas. Madiran est maurrassien, ça veut dire qu'il a forcément un peu la tête dans les nuages - Maurras, c'est "trente ans d'inaction française", comme a dit un railleur.

    Le reproche que Madiran fait à la dialectique marxiste de nuire à la vérité, en lui substituant la notion de progrès, n'est pas justifié. Il ne faut pas confondre les marxistes imbéciles, dans le domaine de l'histoire de l'art ceux qui voient en Lautrec une préfiguration de Picasso, par exemple, ou en Géricault une préfiguration de l'artiste contemporain "expérimental", et Marx lui-même. Il ne faut pas confondre l'original et la caricature. D'ailleurs le "sens de l'histoire", c'est une notion plutôt hégélienne, et Marx se démarque nettement de Hegel.
    En quoi la dialectique marxiste est-elle un outil très différent de la dialectique grecque ? Thèse, antithèse, synthèse ; sauf que chez Marx la synthèse n'est pas définitive. Marx juge qu'on ne peut atteindre l'objectivité absolue par la pensée, mais il ne dit pas que la vérité n'existe pas. C'est au contraire un passionné de la vérité, un anticommuniste en somme.

    Il y a bien des cacouacs qui collent sur Baudelaire l'étiquette d'"antimoderne", d'autres sur Bloy ou Claudel celle d'écrivains "philosémites", d'autres encore qui font de Péguy un philosophe existentialiste, tout ça pour se faire mousser eux-mêmes… Faut-il rendre Baudelaire, Bloy, Claudel et Péguy, responsables de ces billevesées ?

    Madiran, il me semble, fait abstraction de l'intention des caricaturistes. Si Dagen, critique d'art officiel au Monde, s'efforce de faire de Géricault un peintre expérimental, c'est pour pomper un peu de sa force à Géricault et tenter de la réinjecter dans le bordel de l'art moderne dont il est un des tenanciers. Dagen n'est pas si con, il sait parfaitement que Géricault est avant tout un peintre expérimenté. Le dindon de ce discours, c'est le lecteur du Monde. Il y a bien au départ une intention de tromper son monde et le "sens de l'Histoire" n'est pas en cause ici.

  • Victimes non consentantes

    « Regarder la télé rend parano ! » dit Polac. Sur ce point je suis d’accord avec lui. De voir Jean-Philippe Domecq apparaître dans des émissions de propagande grand public, je trouvais ça louche, je pensais que d’une manière ou d’une autre, il n’était pas libre de s'exprimer. Le système ne va pas se saborder en offrant une tribune à un trouble-fête, logique…

    Mais comme j’avais tout pour m’intéresser à Domecq, étant donné que je fais partie comme lui des victimes non consentantes de l’art contemporain, la curiosité a fini par l’emporter et j’ai acheté son essai (Artistes sans art). Pour faire court, c’est un essai honnête, un discours sincère dans lequel je me retrouve.

    Je vois Domecq comme une sorte de samouraï désabusé qui pourfend la bêtise de l'art contemporain. Désabusé car il sent bien la résistance de cette bêtise, son épaisseur, la masse des intérêts à renverser.
    Sur sa stratégie, je m'interroge. Domecq vise-t-il vraiment un organe vital ? Au plan rhétorique, je dirais que le tort de Domecq est de s'abaisser à débattre avec des minables. Il ne faut pas croiser le sabre avec des estropiés, des bancals, des borgnes. Pour que le combat soit beau et que le vainqueur triomphe avec éclat, il faut affronter des sophistes qui ont un minimum d'envergure : André Lhote, Malraux, Apollinaire, Picasso. En ce qui concerne Catherine Millet, Jean Clair, Marc Jimenez, Soulages, Yves Michaud, et toute la bande des contemporains, ce ne sont que des pions.
    Les passages du bouquins de Domecq qui sont comme des "haïkus" vengeurs sont les meilleurs.

    Maintenant je sais pourquoi Domecq, à la télé, on ne le laisse jamais finir ses phrases.

  • Deux marxistes à la mode

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    Comme j'ai déjà indiqué, Jacques Attali est plus proche d'Élisabeth Tessier que de Karl Marx, avec sa manière de lire l'avenir dans les lignes du Capital. Je m'arrête cependant sur une de ses observations ; Attali déplore que Marx ne fut pas enseigné dans l'Université pendant qu'il y étudiait. Sans chercher d'explication ; sans relever ce paradoxe que l'Université est pourtant depuis la Libération largement sous la coupe des communistes.
    À vrai dire, le paradoxe n'est peut-être pas si grand. L'esprit critique de Marx ne représente-t-il pas une menace pour le communisme français, fondé en grande partie sur des dogmes historiques ?

    Ensuite, cela a dû jouer aussi en sa défaveur, Marx n'emprunte pas qu'à Aristote, mais aussi aux économistes anglo-saxons, Thompson, A. Smith, Ricardo. La "question économique" n'est pas tellement du goût des Français. Au XVIIIe siècle, Voltaire et Diderot vont prendre leurs leçons de "libéralisme" en Angleterre. En France, on s'intéresse surtout à l'État, c'est la seule question noble, qu'on soit de gauche ou de droite ; parler d'économie, c'est parler d'argent, ça n'inspire guère de ce côté-ci de la Manche (À l'exception notable du protestant J.-B. Say).

    Bernard Stiegler a en commun avec Attali d'être un fervent démocrate. Et pour cause ! Si Attali a dirigé la banque européenne BERD, Stiegler, lui, fait partie de la direction du Musée Pompidou, le Temple de l'art capitaliste-fétichiste. Le fait d'avoir fait quelques années de prison après un "hold-up" le rend plus sympathique encore auprès des journalistes.

    Sur le fond, Stiegler est une sorte de Loïc Le Meur pour intellos, et sa théorie sur la télé qui exploite la libido des téléspectateurs et finit par la tuer est assez fumeuse. On ne retiendra que le titre sous lequel il la développe, La Télécratie, vu que c'est une assez bonne description de la réalité.

    Tout ça pour dire que c'est quand même amusant de voir Marx recyclé par des défenseurs du capitalisme.

  • Les mains sales

    Exceptionnellement j'achète Libé et je le planque sous mon blouson pour pas me faire voir avec. Je me moque du snobisme des bobos qui lisent ce canard minable, mais dans mon genre je suis pas mal snob aussi, je dois avouer.

    Parce que le numéro d'aujourd'hui est dédié aux nouvelles "tendances" dans la bédé, vu que c'est la foire aux albums à Angoulême en ce moment. C'est frappant la façon qu'ont les journalistes de Libé de causer comme des publicitaires ou des courtiers - des courtiers qui se prennent pour des philosophes situationnistes, évidemment. Parlant d'un dessinateur branché, Éric Loret n'hésite pas à écrire : « On admire le châtiment de son langage. »

    Reportage sur Lewis Trondheim* sous ce gros titre : Chef de crayon. Ils ont pas peur des lapsus à Libé ! Il faut dire qu'on voit pas bien qui pourrait remettre en cause leur philosophie… même si leur faillite économique est incontestable. Libé est un mauvais produit, l'almanac'h Vermot du bobo, mais il se trouvera toujours une banque, un supermarché ou un producteur de cinéma quelconque pour fourrer de la pub dedans. Par conséquent Libé est viable.
    Chef de crayon, on a beau avoir une indigestion de calembours, ça dit bien ce qu'il en est, c'est-à-dire exactement le contraire du sous-titre qui parle de "bédé indépendante". Indépendante de quoi ? Il est partout, Trondheim, avec son Lapinot débile. Si c'est pas lui c'est Sfar, dans Le Monde, qui dicte la mode, ce qu'il faut dessiner. Même Siné il a voulu le ramener au dessin publicitaire ! Ce sont les deux ayatollahs de la bédé, Trondheim et Sfar.
    D'ailleurs quelles sont les grandes tendance que Libé distingue ? La bande-dessinée homosexuelle, la bande-dessinée décadente, la bande-dessinée altermondialiste, les mangas japoniais - en somme la bande-dessinée pour les lecteurs de Libé. Vachement original et indépendant, comme on voit.

    La bédé était certainement beaucoup plus indépendante dans les années cinquante des idées à la mode et du fric des éditeurs. Il faut être un lecteur décérébré de Libé pour pas s'en rendre compte.

    *L'occasion de rectifier une erreur : Trondheim et Frantico sont bien une seule et même personne. Plutôt têtu, je persiste à croire que l'humour généralement inexistant de Trondheim subit une influence extérieure dans Frantico.

  • En marge

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    En marge de la dernière manif pour réclamer l'abolition de l'avortement en France, deux CRS écoutent le petit discours improvisé au micro par un des leaders du mouvement. Le CRS de droite, l'air soucieux, se tourne vers son voisin :
    « T'as vu ça, on dirait un discours d'Hitler ! »

    Plus en aval, une jeune militante m'aborde en me tendant une pétition, un genre d'appel aux évêques de France à se bouger le cul, si j'ai bien compris. Elle est mignonne, mais ça suffit pas. Peut-être il y a dix ans j'aurais signé son papelard, fermé les yeux sur le fait que c'est typiquement le genre de truc qui n'engage à rien, juste pour se donner bonne conscience. Il faut dire aussi qu'il y a des militantes à qui on ne peut rien refuser…
    Mais aujourd'hui, même les illusions que je pouvais avoir sur le courage des évêques en général et des évêques de France en particulier m'ont quitté. L'avenir ne dépend pas d'eux. S'ils bougent un jour, c'est parce que le vent aura tourné. Ça peut paraître un peu sévère et définitif comme jugement, mais je l'ai remâché au moins soixante dix-sept fois sept fois avant de l'écrire.

    D'ailleurs cette pirouette que la question de l'avortement est une question "religieuse" ou "spirituelle" avant tout, qui ne concerne que les seuls "croyants", est une mauvaise idée, une fausse idée. Tout le monde est concerné, ou bien ça revient à dire que seuls les catholiques ont le souci de l'avenir de leur pays et du bien commun. Ça serait une conception bien manichéenne de la société.

    Non, en réalité il y a des historiens, des démographes, pas spécialement catholiques mais plutôt "humanistes", pour reprendre ce vocable un peu hors d'usage, qui tirent la sonnette d'alarme et disent depuis plusieurs années déjà que le déséquilibre démographique menace notre société, et que deux-cent mille vies humaines en moins tous les ans, ça pèse bien sûr lourd dans la balance.
    Il y a aussi des biologistes, des médecins, qui ont la politesse de se cantonner au domaine de la biologie. Ils rappellent que la vie humaine déborde les apparences de la venue au monde et que le progrès scientifique permet de dater le début de la vie humaine en remontant à la conception.

    Ensuite le pouvoir politique établit en fonction du bien commun le niveau de respectabilité de telle ou telle vie humaine et peut décréter qu'untel est un métèque, un sous-homme, ou ne mérite pas d'être considéré comme une personne physique. Même si certains régimes font des drapeaux avec de beaux principes telle l'égalité, dans les faits cette égalité demeure à l'état de leitmotiv.
    Or, le pouvoir politique est faillible. La conséquence qu'on peut même tirer du discours des historiens et des démographes, c'est que le pouvoir actuel est défaillant sur le point crucial de l'équilibre démographique.

    Il est juste de citer ici une opinion politique libérale très en vogue, défendue notamment par Alain Juppé avant son exil. Je cite Alain Juppé parce que la réputation d'être le meilleur des hommes politiques lui a collé à l'occiput à une certaine époque.
    Alain Juppé estime "grosso modo" que le déficit démographique en Europe de l'Ouest sera compensé par un afflux de Chinois, d'Africains ou d'Indiens. On voit bien l'angle de réflexion d'Alain Juppé : il raisonne en termes de force de travail, il ne faut pas en demander trop à un politicien libéral descendant de Guizot.

    Je récapitule, donc : en dehors des libéraux dans la ligne politique étriquée d'Alain Juppé, le suicide collectif de la France et de l'Europe concerne évidemment tous ses habitants.

  • Petit traité d'art contemporain (2)

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    Dans le mince "traité objectif d'histoire de l'art contemporain" qui reste à écrire, celui qui s'y collera pour les générations futures ne devra pas omettre de mentionner la bande-dessinée francophone.

    Bien sûr, le premier réflexe lorsqu'on évoque l'art moderne capitaliste, c'est de penser au cinématographe qui coïncide avec l'épisode de croissance industrielle accéléré que l'Occident vient de subir. C'est aller un peu vite en besogne… La création artistique déborde parfois le principe un peu romantique de la solitude et du silence absolus sans lesquels la concentration des forces spirituelles de l'individu n'est pas possible, certes, il ne faut pas être trop "puriste"… mais on ne peut pas prétendre produire quelque chose de vraiment cohérent dans le brouhaha d'un plateau de tournage, le vrombissement sourd des moteurs et des machines et le jacassement aigü des starlettes… sans compter l'impératif de profit…
    L'expression de "Septième art" est donc abusive, pour ne pas dire publicitaire. Le cinéma a très tôt été empêché de s'élever au-dessus d'un niveau qu'on peut qualifier, en faisant preuve de tolérance, d'"infra-littéraire".
    Que reste-t-il des ballets muets filmés, et même des "belles américaines" d'antan, lorsque le capitalisme prenait son élan et n'occupait pas encore tous les recoins de liberté ?

    La bande-dessinée mérite plus d'égards. On se situe-là plutôt au niveau de la "para-littérature", un cran au-dessus, grâce à des conditions de production et d'exploitation beaucoup moins lourdes. Même si la bande-dessinée a perdu elle aussi petit à petit beaucoup de son esprit d'indépendance.
    Sinon le métier des dessinateurs de bande-dessinée est très inférieur à celui des peintres baroques, ça tombe sous le sens, mais il faut s'empresser d'ajouter que ça n'en est pas moins un vrai métier quand même, ce qui n'est déjà pas si mal quand l'amateurisme fait la loi un peu partout.

    Comme le cinéma, la bédé cède souvent à l'adaptation de "classiques" de la littérature, faute d'esprit d'aventure aujourd'hui. Je me rappelle avoir été initié à Homère dans mon enfance par une bédé qui mettait habilement en images la guerre de Troie et m'avait fourni ainsi quelques points de repères précis. Et un auteur nord-américain a entrepris récemment de raconter toute l'Odyssée, en tentant de combler les incohérences du récit.

    Le destin de la bande-dessinée est de toucher les enfants (de 7 à 17 ans) vu que c'est un mode d'expression bâtard dont la puissance suggestive est par conséquent limitée. Il emprunte beaucoup à la narration et un peu au dessin. Les tentatives de produire de la bande-dessinée pour adulte se sont d'ailleurs peu ou prou soldées par des échecs, en dehors de l'humour et de la caricature.
    L'autobiographie en bédé, un genre très couru en ce moment car il plaît beaucoup aux bobos, est consternante lorsqu'elle est le fait d'auteurs qui se prennent au sérieux et se piquent de philosophie.
    (Au plan artistique, le marché des adolescents attardés n'a quoi qu'il en soit pas beaucoup d'intérêt puisque c'est justement le créneau où l'influence de l'économie capitaliste est la plus nette.)

    Pour illustrer mon propos sur le destin et la bâtardise de la bédé, je cite cet exemple récent d'adaptation d'un roman de Brautigan, Le Monstre des Hawklines, par un dénommé Nicolas Dumontheuil.
    Il est typique en effet de l'erreur qui consiste pour un artiste à ignorer, par vanité le plus souvent, le cadre de sa discipline (Sur le même thème on parlera dans un autre chapitre du cas de Picasso).
    Du trait de Dumontheuil, rien à dire, il a du métier, mais le choix de Brautigan est inepte. Les enfants ne peuvent pas s'intéresser à Brautigan ! Certains adultes non plus au demeurant, les ficelles de Brautigan sont un peu trop grosses.
    Adapter Brautigan c'est peut-être l'assurance d'une bonne critique dans Libération, le quotidien des snobs en faillite, mais ça revient pour Dumontheuil à priver son ouvrage de jeunes lecteurs sincères et concernés.
    Vu le niveau intellectuel des metteurs en scène français, on peut comprendre qu'ils souhaitent se lancer dans l'adaptation du Voyage au bout de la nuit, dès que le tabou sera écarté, pour essayer de faire du pognon sur le dos de Bardamu, mais de la part d'un artisan qui fabrique de la bande-dessinée, c'est un manque d'imagination un peu décevant.
    Dumontheuil, à l'instar de son confrère Daniel Casanave, aurait mieux fait d'adapter Shakespeare pour inciter "nos chères têtes blondes" à faire l'effort supplémentaire de lire son théâtre… Avec Shakespeare, il n'y a pas de risque de se planter.

  • Petit traité d'art contemporain

    François Pinault a acheté 5 % de Vinci. Si ça ça prouve pas qu'il a bon goût.

  • Le Salut par les Justes ?

    Vu qu'après son discours sur les "Justes de France", empreint d'une profonde franchouillardise gaullienne destinée à faire vibrer la corde sensible du téléspectateur moyen, Chirac n'a repris que quelques petits points dans les sondages, il envisage maintenant de décerner une médaille ou une épinglette à tous les Français qui empruntent bien les bandes piétonnes pour traverser la rue, en espérant que ça ait plus d'impact… (Toutes les idées, même celles qui peuvent paraître les plus éculées ou les plus stupides a priori sont à envoyer par courriel à Claude Chirac qui se chargera de faire le tri pour son papa.)

    « Du culot, encore du culot, toujours du culot ! » : qui mieux que notre Président incarne cette vieille devise française ? Même Sarkozy fait figure de "petit joueur" à côté. Bah, d'ici 2012 il a le temps de s'entraîner, le petit Nicolas.

  • Le Salut par l'Islam ?

    Dans mon empressement à ensevelir Robert Redeker sous une double couche de mépris opaque, je n'avais même pas remarqué qu'il était démocrate-chrétien, cette triple andouille vénale… C'est le bouquet ! Vu son niveau intellectuel, je l'avais situé machinalement dans la clique des laïcards bornés.

    Il manquait plus que ça, que ce bouffon se réclame du christianisme ! (Je me suis bien rendu compte que P. de Villiers tient un discours à peine moins idiot, mais P. de Villiers est chef d'entreprise de formation, pas professeur, et homme politique de surcroît, ce qui n'est pas un gage d'objectivité supplémentaire. Deux petites excuses que Redeker n'a pas.)
    Maintenant, quand je vais croiser un musulman, je vais devoir m'excuser à cause des âneries débitées par mon corréligionnaire Redeker en campagne de promotion sur les plateaux de France et de Navarre !? Franchement je la digère mal, celle-là. Idem quand je constate que Tariq Ramadan connaît mieux l'histoire de France et sa littérature, y compris Voltaire, que ce genre de crétin produit par les médias à une cadence de plus en plus soutenue.

    (J'avais décidé d'assassiner aussi en quelques lignes le Grand Inquisiteur de la laïcité H. Pena-Ruiz, mais tout compte fait j'ai ma dose de grossièreté et de haine pour la journée.)

  • Sans tambours ni trompettes

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    Si les journaux annoncent demain que Claude Allègre s'est converti au catholicisme, je ne serai pas plus étonné que ça… Il y a des signes. Des citations. Celle-ci par exemple, d'Henri Poincaré, le pionnier de la relativité, qu'Allègre affectionne particulièrement : « L'expérience est la source unique de la vérité ; elle seule peut nous apprendre quelque chose de nouveau ; elle seule peut nous donner la certitude. »

    Chez certains hommes de science ou certains artistes se produit parfois un phénomène qu'on peut qualifier de "conversion froide". C'est un phénomène un peu difficile à expliquer à des "gentils", des "visages-pâles", mais je peux toujours essayer…
    Pour schématiser, la pensée et l'imagination d'un homme de science sont en perpétuel mouvement impatient vers l'avant. Le philosophe est, à l'antipode, statique, centripète, fort peu dynamique, au point qu'on a parfois envie de lui botter le cul.
    Ainsi, d'ajustement en ajustement, suivant une dialectique féconde qui ne remet pas tout en question à chaque étape mais serre la vérité d'un peu plus près à chaque coup, il arrive que la pensée de l'homme de science se retrouve un beau matin en harmonie avec le credo. La coïncidence ne lui saute pas aux yeux immédiatement, puisque l'accord s'est fait à la vitesse de sa respiration, sans heurt. Aussi peut-on parler de "conversion froide". Il n'y a pas de choc, de chute de cheval, de trompettes et de tambours, de chœurs angéliques. Ne reste plus après la conversion froide que la question des formalités.

    C'est ce qui est arrivé à E. Waugh, par exemple, pour rester dans la filière des petits trapus. Et l'ecclésiastique avec qui W. prend rendez-vous pour se mettre en conformité avec son nouveau statut est étonné du flegme avec lequel Waugh pénètre dans l'Église catholique, comme un lord avec détachement dans son club favori pour y fumer un havane parfumé. Il n'y a pas lieu de s'agiter dans l'esprit de l'écrivain pour qui tout ça a déjà acquis progressivement une certaine familiarité. La conversion n'est pas dans ces cas-là un grand bond en avant comme une certaine imagerie d'Épinal se plaît à l'illustrer, mais un petit pas de plus en avant.

    Bien sûr cette dernière marche est décisive, Allègre peut toujours subir une mauvaise influence au dernier moment et se détourner de sa petite étoile. Je ne dis pas qu'il ne lui reste pas encore à se débarrasser de quelques oripeaux démocratiques ou socialistes. Néanmoins, à qui aurait été en contact trop longtemps avec la philosophie, l'ésotérisme ou le poker, et voudrait changer de vie, on ne saurait trop conseiller la lecture positive de l'histoire de la science de Claude Allègre. C'est assez édifiant.

  • La fin des mammouths ?

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    L'autre fondateur de Wikipédia, Jimmy Wales, lui, c'est un gros malin, un boursicoteur. Après avoir connu un échec avec un site ouaibe diffusant des "images érotiques", il s'est lancé dans le savoir universel. Évidemment, au plan scientifique, ça ne prouve rien, mais ce qui est amusant, c'est le rapprochement qu'on ne peut pas s'empêcher de faire avec Diderot, promoteur lui aussi d'une encyclopédie célèbre et qui s'est frotté au début de sa carrière sans beaucoup plus de succès à la littérature érotique.

    La comparaison entre les deux encyclopédistes s'arrête là. En effet, quelle que soit la dose de provocation athée que Diderot a voulu mettre dans son encyclopédie, il l'a faite avec sérieux, sans ménager sa peine, et tout le profit ou presque a été pour son éditeur, qui l'a berné aussi en escamotant une partie de la somme. Tandis que Jimmy Wales - autres temps, autres mœurs -, s'est hissé parmi les premières fortunes des États-Unis en exploitant la naïveté des braves Wikipédiens. Wikipédia est une entreprise philantropique, mais rien ne vous empêche de financer la philantropie en versant une petite aumône directement sur le site de Wikipédia : Citoyennes du monde, Citoyens du monde, à votre bon cœur !
    De fait, Wikipédia fonctionne bien sur le principe des petits ruisseaux qui font les grandes rivières.

    Ne pas être un peu marxiste en la circonstance, refuser de voir que ce n'est pas l'intérêt général qui gouverne Wikipédia mais manifestement le profit, directement ou par le rachat par des multinationales comme Google de la matière première intellectuelle, sans trop regarder à la qualité, c'est comme refuser de voir que les critiques d'art contemporain français n'ont qu'une idée en tête, lécher le cul de Arnault ou de Pinault, les Dupond et Dupont du mécénat, et se prosterner devant les riches conservateurs de musées américains - il n'y a guère que les milliardaires russes qu'ils ne savent pas encore comment sucer, car apprendre le russe c'est déjà trop demander à ces minus habens.

    « (…) Comme dans les domaines artistiques, avoir bon goût est l'essentiel quand on fait de l'évaluation scientifique. Ce n'est pas d'être représentatif de la majorité. C'est d'être représentatif de la frange motrice, créatrice, de la communauté scientifique. »
    Cette "défense de l'esprit occidental", Benoît XVI ne dit pas aussi bien, est signée Claude Allègre, un des plus grands savants français. On serait tenté de dire "un des derniers", tant il fait aujourd'hui figure de mammouth dans ce climat démocratique rigoureux pour l'intelligence.

  • Les envahisseurs

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    Je me souciais de Wikipédia comme d’une guigne jusqu’à ce que je me retrouve cerné de tous les côtés, dans les moteurs de recherche et même sur mon blogue, par des “liens” conduisant automatiquement vers ce machin - pompeusement qualifié d’“encyclopédie”.
    Au risque de choquer un peu les fanatiques du consensus, quelques coups de machette dans ce beau projet de savoir universel, quitte à passer pour un ronchon une fois de plus, me paraissent amplement justifiés à ce niveau de prolifération. Et après tout on est mieux entouré au club des ronchons qu’au club des mickeys.

    Certains au contraire vont penser que j’enfonce des portes ouvertes, qu’il suffit de lire une ou deux notices de Wikipédia pour se rendre compte que cette encyclopédie est une arnaque.
    Je pourrais en effet me contenter de citer Larry Sanger : « En tant que cofondateur de Wikipédia, j'ai pu me rendre compte par moi-même des limites d'une telle encyclopédie créée par des volontaires et sans réel contrôle ou autorité : c’est l'anarchie. »
    Larry Sanger est américain ; si même un américain, philosophe de surcroît, est capable de caractériser l’ineptie du “projet”, autant dire que pour un Français, ça tombe sous le sens ! Hélas, enfoncer des portes ouvertes n’est-il pas la triste destinée de l’homme moderne qui refuse de se laisser emporter par la marée démagogique, ne serait-ce que par réflexe ?

    Les erreurs factuelles sur Wikipédia, il y en a ; ainsi mon voisin de blogue C. Copronyme en balance sur la notice d’un écrivain qui lui tient à cœur, Béroalde de Verville, une poignée, sans se forcer… Mais c’est l’argument publicitaire qui est le plus significatif, en l’occurrence. Il consiste à rétorquer aux ronchons que ces erreurs seront tôt ou tard corrigées par un “wikipédien” spécialiste de Béroalde de Verville. Car, tenez-vous bien, les wikipédiens sont des millions ! En attendant, combien de dizaines de milliers de naïfs wikipédiens auront été induits en erreurs ? Voilà l’erratum érigé en principe scientifique. Difficile de se foutre de la gueule du peuple avec plus de cynisme !

    Lors d’un séminaire, des savants américains se sont penchés sur la question de savoir ce qu’il fallait penser de Wikipédia, “objectivement”. Ceux d’entre vous qui ne sont pas encore "américains" vont comprendre immédiatement la bêtise démocratique contenue dans la réponse de ces savants, incapables de voir plus loin que le bout de leurs microscopes. Ces savants conluent en effet qu’il est de leur devoir de s’intéresser à Wikipédia parce que c’est devenu la source principale de données pour la majorité des étudiants… Pas une seconde ces gugusses surdiplômés n’envisagent de déconseiller ou d’interdire l’accès à cette source pas très claire et d’en recommander de plus sûres aux gamins qu’ils sont censés élever… “Business must go on!”

    Abordons maintenant une notion qui a trait au raisonnement scientifique lui-même. Wikipédia, sur un sujet donné, propose le plus souvent une thèse et une antithèse (lorsque la censure n’interdit pas de discuter la thèse majoritairement admise). Ce qu’une véritable encyclopédie comme l’encyclopédie Brittanica (je la cite parce qu’elle a été discréditée indirectement et injustement par Wikipédia) propose, c’est une SYNTHÈSE des connaissances. Aux esprits simples, ça peut paraître plus arbitraire et moins équitable. Et ça l’est. Mais justement, la science n’a rien à voir avec le consensus ni l’équité. La vérité n’est pas à mi-chemin, il faut avoir un esprit mathématique pour le penser.
    Prenons un exemple qui “transcende” les opinions politiques, celui de l’homéopathie. Le rôle d’une bonne encyclopédie est d’informer ses lecteurs que l’homéopathie n’a aucun fondement scientifique, que la théorie de Hahnemann sur la similitude en thérapeutique, puis celle de Benveniste sur la mémoire de l’eau ont été tour à tour “réfutées”. Wikipédia précise bien que l’“Académie de médecine” enseigne que l’homéopathie, c’est du charlatanisme, mais cette précision primordiale au plan scientifique est noyée au milieu de tout un tas d’autres détails, rédigés par des défenseurs sincères de l’homéopathie, et probablement aussi des défenseurs du business de l’homéopathie.
    Par ailleurs si les thèses de S. Freud n’ont pas plus de consistance au plan scientifique que celles de R. Hubbard, il est à la mode de se réclamer de Freud et de rejeter avec mépris Hubbard, du moins en France. Wikipédia reflète la mode sur ce point comme sur des centaines d’autres.
    L’accumulation anarchique/démocratique de ces thèses et contre-thèses a d’ailleurs un retentissement sur la rhétorique elle-même. Elle est parfois complètement nivelée, ce qui donne des notices aussi cocasses qu’imbéciles car elles placent tous les faits touchant un même sujet sur le même plan, quand la véritable rhétorique est une organisation de la pensée. Voir dans l’absence de rhétorique une forme d’honnêteté, de neutralité, ça aussi c’est une idée très américaine. C’est une façon de concevoir la recherche scientifique sans le chercheur.

    Évidemment, il peut se faire qu’exceptionnellement une notice soit correctement rédigée et assez complète. J’ai moi-même eu affaire dans le cadre de mes recherches à une notice sur l’école belge de bande-dessinée assez bien faite. Ces exceptions sont d’ailleurs d’autant plus nombreuses que ce système démocratique est truqué, ça va de soi, et qu’il y a en réalité des wikipédiens “de première classe” et des wikipédiens “de seconde classe”, toutes les notices ne sont pas placées au même niveau de fiabilité.
    Ce qui rend Wikipédia particulièrement nuisible, alors qu’il existe sur internet des sites pratiques ou intéressants, c’est bel et bien la mégalomanie du projet, sa prétention à l’universalité, à embrasser le savoir dans toute sa largeur en jouant sur les bons sentiments qui sont désormais la chose la mieux partagée du monde sous influence américaine.

  • Admiration spontanée

    "Ce qu'il fallait déclarer" la semaine dernière c'était que Jean-Pierre Vernant, un ex-colonel de la Résistance agrégé de philo qui venait de casser sa pipe, était un des titans de la pensée contemporaine ! Et tous les gardiens du Temple de la Culture, dans la presse, à la télé, à la radio, de faire chorus.

    D'ici quinze jours, gageons que l'indispensable J.-P. Vernant, "Résistant de la première heure", sera déjà tombé dans les oubliettes de l'Histoire ; en attendant, prière de dégainer les superlatifs et de se prosterner à l'évocation de son nom glorieux (D'ailleurs les baveux seraient bien inspirés de réviser un peu leurs superlatifs pour des occasions comme celle-ci, vu qu'en dehors de "génial" et d'"extraordinaire" ils ont un répertoire qui fait pitié.) Spectacle affligeant du bœuf Guillaume Durand meuglant son admiration spontanée sur France 2 ! Prêt à tout pour garder sa place dans la crèche médiatique, que ça soit Ségolène ou Chirac qui soit élu.

    Le "Résistant de la dernière heure", même si on ne peut pas présenter les choses de cette façon sans blasphémer, est déjà l'équivalent d'un bienheureux ; alors le "Résistant de la Première heure", lui, c'est carrément un saint de première classe ! S'il a pu toucher une fois dans sa vie la main de Jean Moulin, il bénéficie même de la double auréole.

    Jean-Pierre Vernant avait été présenté au "grand public" par Laure Adler sur Arte dans une interview rediffusée en ce week-end de funérailles médiatico-culturelles.
    Sur la Grèce antique, Vernant porte un regard de philosophe. La démocratie grecque idéale des animateurs de télé et des instituteurs n'exista pas en réalité. Vernant ne s'en soucie guère. Les Stratèges militaires reprirent vite le pouvoir et Périclès lui-même est avant tout un chef de guerre. Tous les historiens le disent, mais on ne fait pas de la propagande avec des faits historiques.

    Plus près de nous, en 1934, Vernant a séjourné en URSS pendant un mois, assez longtemps pour y observer la misère soviétique dans tous les domaines, peu conforme aux descriptions idylliques que le jeune militant du PCF lisait dans L'Humanité. Il a préféré couvrir ces faits. Idem pour les purges de Staline ensuite. Parvenu au terminus de son existence, Vernant a admis qu'il avait mal auguré du rôle que l'URSS pouvait jouer dans l'édification d'un monde meilleur.
    Son autocritique ne va pas jusqu'à faire des excuses. D'abord parce que Vernant n'est sans doute pas assez idéaliste pour croire que ce genre de repentance ait une quelconque utilité ; ensuite parce qu'on ne demande pas de comptes aux vainqueurs.

  • Commencer par la fin

    Quand on tient l'esprit philosophique pour une sorte de maladie mentale, le cas de Gombrowicz, proche de la dépression et du suicide, est assez intéressant.

    Il y a une sincérité extrême chez Gombrowicz, qui le pousse à la fin de sa vie à reconnaître que Ferdydurke est un roman beaucoup trop calculé, "prémédité" c'est le terme qu'il emploie, pour être vraiment vivant et donc éternel. Seules les choses vivantes ne meurent jamais, ça Gombro en est finalement convaincu. En même temps, de façon assez puérile, bien qu'il réduise Sartre à un chantre de l'"égotisme bourgeois", Gombro veut qu'on sache bien qu'il avait précédé Sartre dans la voie de l'existentialisme. Drôle de logique.

    Ce petit passage dans une préface me fait sursauter :

    « Quant à la pensée objective, elle se voit aujourd'hui concrétisée, exprimée avant tout dans le catholicisme d'une part, dans le marxisme de l'autre. Toutefois, de l'aveu de Marx lui-même, le marxisme n'est pas une philosophie ; quant au catholicisme qui s'affirme comme une métaphysique fondée sur la foi, il est assez paradoxalement la conviction subjective que le monde objectif existe. »

    Passons sur le paradoxe, très relatif, puisque du point de vue du catholique c'est Gombrowicz qui est subjectif. Ce qui m'étonne beaucoup c'est qu'à soixante-cinq ans un type cultivé, qui a grandi dans un pays catholique, puisse avoir une conception aussi erronée du catholicisme et prétendre qu'il s'affirme comme "une métaphysique fondée sur la foi" ? Drôle de credo.

  • L'importance de l'index

    Le Journal de l'abbé Mugnier a un avantage sur celui de Claire Fourier, il possède un index ! Je cherche ce que le superficiel abbé* rapporte à propos de Montherlant qui bénéficie de cinq ou six "entrées" dans mon édition.

    En 1921 Montherlant a le pressentiment de la deuxième guerre. Elle se dessine dans un délai de cinq ans, pense-t-il. Mugnier ne fait aucun commentaire. Il a beau être plutôt démocrate-chrétien, l'abbé n'est pas dans le même état d'hébétude où sont aujourd'hui les bourgeois de la même espèce, tous à peu près persuadés que le règne de la démocratie durera mille ans et qu'elle nous préserve ad vitam æternam des horreurs de la guerre ; pire, qu'on risque de faire tourner le lait qui permet de fabriquer le beurre catholique si on se déclare inquiet de la bêtise et de la collaboration des clercs.

    *Je définis l'abbé Mugnier : "Celui qui sonde le chœur."

  • Clin d'œil

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    Si on me pose la question, je tiens l'existence de cet Éric Baudelaire, artiste-photographe né en 1973 aux États-Unis et ayant émigré en France, pour un clin d'œil de l'Histoire.

    Évidemment je souhaite que ce type retourne au plus vite prendre des clichés dans son pays - à coups de pied au cul s'il le faut. On a déjà assez de problèmes comme ça avec certains de nos ressortissants qui se répandent en syllogismes idiots chez Frédéric Taddéi tous les soirs.

  • La faute à Baudelaire

    Baudelaire et Gautier sont à la limite de ce qu'un profane peut écrire sur la peinture. Baudelaire en a conscience lorsqu'il écrit que la poésie est sans doute le seul biais pour exprimer quelque chose de juste sur la peinture. Néanmoins Baudelaire trouve sa légitimité dans son amour - sa passion même -, pour cet art, qu'il tient de son père. En quelque sorte il s'exprime toujours par hypothèses et se tient prêt à réviser son jugement sur une production dont il n'a qu'une vision extérieure fragmentaire.

    Baudelaire franchit la limite lorsqu'il opère une discrimination entre les peintres "dessinateurs" et les peintres "coloristes". Je souligne cette phrase typique : « Les grands coloristes dessinent par tempérament, presque à leur insu. (…) Leur méthode est analogue à la nature : ils dessinent parce qu'ils colorent. » C'est très poétique mais ça n'a aucun sens précis.

    La couleur n’est qu’un "effet" en peinture, il n’y a aucun peintre au panthéon des peintres dont l’art n’est pas fondé sur le dessin. En revanche, parmi ces génies, certains maîtrisent plus ou moins bien les effets de couleur, et à juste titre Baudelaire peut-il écrire que les tons de Michel-Ange sont criards ou faux (ce qui pour un sculpteur n'est guère étonnant). Rembrandt préfère jouer sur la lumière qu'il est capable de dessiner sans changer d'outil !

    C'est Rousseau qui a raison, condamnant ainsi par avance un impressionniste oisif et crédule comme Monet à rester dans l'Histoire comme un simple peintre expérimental. Ce qui compte aux yeux de l'Histoire, ce n'est pas d'avoir expérimenté mais d'avoir trouvé, n'en déplaise aux journalistes à la mode.

    Idem pour cette définition du peintre moderne que Baudelaire tente de forger. Il y a de beaux mouvements, mais la statue ne tient pas debout.

    Ici on ne peut pas s'empêcher de remarquer que c'est pour ces deux notions, la distinction entre "coloristes" et "dessinateurs" d'une part, et le "peintre moderne" d'autre part, que Baudelaire est surtout "reconnu" aujourd'hui en tant que critique. On a même quasiment érigé ces deux idées en dogmes, alors que Baudelaire est tout sauf dogmatique.

    Il faut bien comprendre que la production picturale est placée dans une situation d'infériorité par rapport à la production littéraire au sens le plus large et le plus vil, journalisme et philosophie inclus. Les peintres s'expriment essentiellement de manière abstraite. Leur sort est donc en partie entre les mains des littérateurs. Il dépend de leur intelligence et de leur honnêteté. Dans la société capitaliste, où la publicité joue un rôle déterminant, autant dire qu'il ne faut plus compter sur l'intelligence et l'honnêteté qui ont été reléguées dans les bibliothèques ou les musées.

    S'il y a bien quelque chose dont on ne peut faire le grief à Baudelaire c'est de s'être interposé entre le public et l'art pour tenter de sauver celui-ci. Ni d'avoir sonné le tocsin et tiré des fusées éclairantes quand la race maudite des libéraux avec leurs machines-outils ont pris le pouvoir. Il y a cette fameuse trilogie de Baudelaire, le prêtre, le soldat et le poète, en dehors de laquelle il n'y a pas de salut. Ça laisse songeur quand on voit comment les prêtres, les soldats et les poètes sont traités aujourd'hui par les marchands.

  • La théorie de Hockney

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    Bien que l'hypothèse de David Hockney soit fausse, il n'est peut-être pas inutile d'en dire deux mots (Autant prévenir de suite le passionné de cinéma ou de poker qu’il risque de trouver cette bafouille consacrée à "Hockney et la peinture occidentale" un tantinet longuette…)

    Pour le béotien, rappelons en quelques mots en quoi consiste la théorie de Hockney, publiée pour la première fois il y a quelques années dans le New-Yorker, un canard qui s’emploie sans beaucoup de succès à essayer d’introduire le snobisme Outre-Atlantique.
    Une observation attentive de la peinture occidentale, dans laquelle Hockney prend la responsabilité d’inclure les mièvreries "branchouilles" d’Andy Warhol, a amené Hockney à la conclusion que les peintres utilisent communément pour peindre, depuis le XVe siècle, un dispositif de chambre claire, fait d’une source lumineuse vive et d’une grosse lentille qui projette l’image du modèle et permet au peintre de la "décalquer" sur sa planche. Il va sans dire que "décalquer" est à mettre entre guillemets, car Hockney n’est pas assez "californien" pour penser que du quattrocento jusqu’à Ingres les peintres se sont montrés assez malhabiles peindre de simples décalcomanies. Plutôt que de décalquer, il s’agit de relever les cotes assez rapidement, à l’envers (l’image est projetée à l’envers, si j’ai bien compris le dispositif).

    Pour Hockney, il n’y a guère de doute que cet instrument a introduit le réalisme dans la peinture en Occident dès la fin du XVe siècle !

    Les arguments de Hockney sont assez empiriques, il ne dispose pas de preuves écrites de l'usage de ce dispositif. Bien entendu ce n'est pas ça qui prouve qu’il a tort. En revanche l’argument qu’il avance pour justifier la difficulté de dénicher des preuves écrites est révélateur : selon Hockney, le goût du secret professionnel de ces peintres serait la cause de cette pénurie… Ça me laisse sceptique : les peintres avaient de nombreux apprentis, et si dans une ville comme New York on arrive peut-être à emporter son secret dans la tombe, dans une ville comme Bruges ça devait être beaucoup plus difficile…
    L’autre argument de Hockney justifie à ses yeux que les historiens d’art européens traitent sa théorie par le mépris. Pour ces historiens, suppute-t-il, la chambre claire dévaluerait le génie des peintres européens.
    Faux. Ma théorie à moi est symétrique : c’est parce que le talent, le savoir-faire de ces peintres bouleverse tellement Hockney, il lui paraît si invraisemblable, qu’il a inventé cette théorie qui l'aide à accepter la modestie de son talent par rapport à celui de ces surdoués qui le dominent de la tête et des épaules, malgré la sincérité peu commune de Hockney.
    En outre, la représentation du peintre comme un type génial et fulgurant est une idée moderne, une idée "de cinéaste", et Hockney est sûrement plus pénétré de cette fausse idée que n’importe quel historien d’art européen. Il convient en effet de distinguer les historiens d’art des guignols comme Catherine Millet, Jean Clair-l’Obscur, Marc Jimenez, Yves Michaud, etc., qui font la pluie et le beau temps auprès du public bobo, dans les médias et les administrations françaises.
    L’historien sait parfaitement que derrière chaque surdoué du pinceau il y a un travailleur acharné. Il n'y a pas de miracle. Il y a un monde entre l'artiste expérimental et le peintre expérimenté.

    Indéniablement les questions d'optique passionnent les peintres. Cette fascination a fini par se transformer en répulsion, d'ailleurs, lorsque la photographie a commencé de détruire la peinture pan par pan. Le tort d'Hockney est d’isoler une technique précise parmi beaucoup d’autres qui ont modifié au cours des siècles la manière des peintres de synthétiser ce qu’il est convenu d’appeler "la nature" de façon plus ou moins décisive - l'invention de la peinture à l'huile est décisive - et pas irréversible.
    Nul n’est mieux placé qu’un peintre pour savoir que la "ressemblance", par exemple, est bien plus à sa portée qu’à la portée d'une machinerie quelconque. Un portrait par Hockney, avec tous ses défauts, est mille fois supérieur à une reproduction d’un visage suivant le procédé photographique.

    L’intérêt de la théorie de Hockney, c’est qu'elle est une reconquête de la peinture par un peintre. C'est marre des tartines de Gombrich pour expliquer la permanence rétinienne ou ce genre de phénomène qu'un peintre éprouve directement et que le spectateur ne gagne pas beaucoup à se voir expliqué. Si le point de vue subjectif et suggestif de Baudelaire sur la peinture a de la valeur, c'est en proportion de l'amour que Baudelaire porte à cet art, pratiqué par son paternel qui l'a initié.

    On ne peut qu’encourager Hockney à continuer à se pencher sur l’art occidental et ses secrets de fabrication. Bien que cette démarche d’apprentissage soit pénible, vu l'âge de Hockney et sa cote astronomique en dollars, elle est la seule voie qui ne soit pas une impasse.

  • American Black Crap

    Je ne retiendrai qu'une phrase d'"American black machin truc" de Maurice Dantec, une définition :

    « Maxime Brunerie : l'homme qui croyait possible d'atteindre une cible mobile à deux cent mètres avec une 22 long rifle un jour de 14 Juillet. »

    C'est pas très malin de la part de Dantec. N'est-il pas justement le Maxime Brunerie de la littérature, "l'homme qui croyait possible d'atteindre un jour la prose d'un honnête auteur de polars avec sa syntaxe mal dégrossie de journaliste à Libé" ?

    Après avoir dit tout le mal qu'il faut penser du bouquin de J. Littell, il n'aurait pas été honnête de ma part de me taire à propos du pavé de Dantec - de pas le resituer lui aussi dans le contexte de la littérature pour faire du pognon, même si Dantec ne sera jamais retenu pour le Goncourt, ça reste un gagne-petit à la merci d'un bide complet.

    Avant de l'oublier définitivement, encore un mot sur Littell. L'autre jour je vais aux chiottes, et malheureusement ces chiottes n'étaient pas équipés de W.-C. à la turque comme je les aime, qui permettent de faire un peu de sport en même temps et accélèrent le transit final, mais d'une petite cuvette de pédé avec un tout petit trou pour les crottes de biques. Ça n'a pas manqué, je l'ai bouché ! J'ai dû plonger les bras jusqu'aux épaules dans la tuyauterie, vu que j'ai été bien élevé et qu'on m'a appris à pas laisser mon prochain dans la merde, pour purger ça. Eh bien ce que j'ai fait pour ces chiottes, je n'aurais pas été capable de le faire pour Les Bienveillantes de Littell ; non, ça m'aurait retourné le cœur. Je suis donc bien content qu'un autre ait fait ce sale job. Il s'appelle Éric Janin. Il a fait une liste non exhaustive des fautes de français commises par le nègre de Littell, une par page, ce qui fait à peu près un millier quand même. Si vous avez un beau-père, un beau-frère ou une belle-sœur qui vous a cassé les couilles avec les Bienveillantes dans un repas de famille, vous voyez le genre, je vous encourage à télécharger la "liste de Janin" (www.blanrue.com) et à vous venger. Pire, si on vous l'a offert à Noël, l'hypothèse n'est pas exclue vu le nombre de chalands que j'ai aperçu avec l'objet du délit sous le bras ces derniers temps, pieux bourgeois qui mériteraient qu'on leur botte le cul sévèrement, vous pouvez peut-être tenter un échange en vous appuyant sur ce document. J'ai essayé de dénicher l'adresse de ce Janin pour le remercier, mais je ne l'ai pas trouvée…