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  • Science et christianisme

    Si la philosophie de Thomas d'Aquin est aujourd'hui caduque, et la formule de l'Eglise catholique romaine qui consiste à honorer ce philosophe chrétien-platonicien vide de sens, la raison en est que l'Eglise romaine a perdu à peu près tout crédit scientifique au fil des siècles ; on est plus habitué aujourd'hui à entendre le clergé se prononcer sur les questions sexuelles les plus triviales, de "bonnes femmes", que sur les questions de science. Parfois le clergé catholique romain se plaint de l'obsession des médias pour des matières aussi peu spirituelles, mais à vrai dire l'Eglise romaine est une institution féminisée à l'extrême où l'on se passionne vraiment pour les problèmes de moeurs et les questions juridiques.

    Or l'effort de Thomas d'Aquin porte justement surtout sur les moyens d'accorder la vérité chrétienne à la vérité scientifique "commune", accord à vrai dire impossible en ce qui concerne Platon, qui n'est pas un véritable savant, mais qu'il faut regarder plutôt comme un prêtre païen.

    Un autre exemple illustre à quel point Thomas d'Aquin est caduc : la théorie de l'évolution ; de très nombreux catholiques romains s'en font aujourd'hui les avocats, certains même comme s'il s'agissait d'un article de foi, par crainte de ne pas être à la mode, handicap fort gênant du point de vue de la propagande. Or il est fort peu probable, compte tenu de sa formation intellectuelle aristotélo-platonicienne, que Thomas d'Aquin eût cautionné l'hypothèse du transformisme. La science naturelle païenne est en effet incompatible avec la thèse du transformisme, qui sent l'anthropologie moderne à plein nez. Les savants païens sont très loin de croire les singes capables d'apprendre la lecture ou l'écriture, voire la présentation d'un JT, contrairement aux savants modernes. Ce sont d'ailleurs généralement les mêmes catholiques romains qui ont foi dans le darwinisme ET la démocratie, pure superstition juridique.

    Thomas d'Aquin est caduc au sens où je viens de l'indiquer que la communauté scientifique catholique est dissoute depuis longtemps et l'Eglise romaine soumise aux diktats technocratiques désormais. En un sens moins visible, il n'est pas complètement "out", car les clercs du moyen-âge sont tout de même à l'origine de cette grande broderie qu'est l'anthropologie moderne, continuée par d'autres philosophes après eux jusqu'à aujourd'hui, plus ou moins déistes ou athées - anthropologues d'abord. Contrairement à l'affirmation gratuite du pape-philosophe Ratzinger, issu de l'école des crétins philosophes de Francfort, le christianisme ne peut fonder un discours anthropologique, puisque l'amour vient exclusivement de dieu et que la chair, elle, est faible. "Pas de salut chrétien par les oeuvres", dit en outre Paul de Tarse, ce qui exclut la philosophie naturelle. Cette prétendue "anthropologie chrétienne" n'est en réalité qu'un résidu de la philosophie païenne de Platon.

     

     

     

  • Culturisme

    Il faudra plusieurs vies à un homme pour acquérir une culture approfondie, tant la culture, reflétant l'homme dans l'espace et dans le temps, est diverse et variée ; tandis que quelques années peuvent suffire à faire un homme de science, car la science ne réside pas dans l'homme.

  • Stratégie de Nietzsche

    A chaque antichrist sa stratégie propre, épousant les contours de sa volonté. D'une certaine façon, on peut dire que chaque homme ou chaque femme est tributaire de Satan en termes de volonté. Ainsi le moraliste Léopardi peut justement dire que le suicide, quand il n'est pas le résultat d'un épuisement physique, mais une volonté intentionnelle d'échapper au monde, "prouve dieu". On peut à cet égard dire la volonté chrétienne "désordonnée" - non pas qu'elle soit plus faible, à l'instar de celle des drogués ou des personnes excessivement dévotes et qu'un certain nombre de rituels aident à mieux endurer les vicissitudes de l'existence, mais parce que la volonté chrétienne n'a pas un but physique ou naturel.

    On peut dire que la stratégie de Nietzsche le dépasse, dans la mesure où elle s'articule avec la stratégie antichrétienne moderne, en particulier celle de la moraline judéo-chrétienne que Nietzsche perçoit comme une morale hypocrite antagoniste de la sienne. Nietzsche fait penser à ces officiers supérieurs qui, une fois la guerre terminée, que celle-ci ait été remportée ou perdue, s'aperçoivent qu'ils l'ont menée pour le compte exclusif de politiciens rusés de l'espèce qu'ils exècrent le plus.

    Nietzsche contribue à la ruse qui consiste pour les tenants de la morale judéo-chrétienne, dont l'organisation politique prouve aux fidèles témoins de la parole divine l'imposture, à se faire passer pour les défenseurs des faibles et des opprimés. Dans sa démonstration que la morale judéo-chrétienne est une morale par les faibles et pour les faibles, Nietzsche se contredit d'ailleurs, puisque il accuse à la fois la religion chrétienne d'être une religion amorale et anarchiste, ce que l'on peut effectivement déduire des paraboles du Christ Jésus, ET d'être la cause d'une éthique décadente, ce qui est impossible si le christianisme est amoral. Sous sa forme la plus banale, cette contre-vérité historique revient à faire passer la démocratie pour le voeu du peuple, alors qu'elle répond surtout aux besoins des élites bourgeoises occidentales. Au lieu de mener à la revanche de la culture de vie aristocratique païenne sur la culture bourgeoise moderne, la doctrine de Nietzsche contribue à renforcer cette culture moderne, notamment du fait qu'elle repose largement sur des moyens de sidération des masses, où la morale judéo-chrétienne et ses avatars jouent un rôle important.

    De surcroît Nietzsche contribue à faire passer la religion chrétienne pour ce qu'elle n'est pas, à savoir une morale puritaine, une culture purement rhétorique. D'une manière significative, la dernière encyclique pontificale ("Lumen fidei") prend appui sur Nietzsche afin de réitérer le mensonge catholique romain qui consiste à faire passer l'anthropologie chrétienne pour une métaphysique véritable, alors que l'anthropologie chrétienne est la rhétorique qui a conduit le monde moderne laïc au divorce d'avec la métaphysique chrétienne véritable.

     

  • Chrétiens d'Irak ?

    Les journalistes et les médias désignent pas "chrétiens d'Irak" une minorité que la reconquête par des troupes se réclamant de l'islam de terres naguère envahies par une coalition d'armées occidentales conduit à assimiler à des traîtres "en cheville avec l'Occident".

    Les médias veulent sans doute faire passer là une querelle territoriale et stratégique pour autre chose que ce qu'elle est : une sorte de guerre de religion. Cela se fait au mépris de ceux qui, par-delà le motif culturel trivial, aiment vraiment dieu, et en l'occurrence un dieu chrétien qui proscrit l'usage des armes et menace d'une mort définitive ceux qui en font usage. Le christianisme est pris en otage par les médias, qui ignorent le sens de l'adjectif "chrétien", mais s'en servent pour caractériser des situations de guerre.

    Ce mensonge est bien sûr encouragé par certaines autorités religieuses officielles, et ce au moins depuis les croisades, habile transformation du martyr chrétien en assassin chrétien, bien plus rentable.

    Le détournement de l'esprit chrétien et de la parole divine au profit d'intérêts politiques, dont il n'est pas difficile en ce qui concerne l'Occident de voir qu'ils sont crapuleux (crapuleuses les interventions militaires occidentales "au nom de la paix"), constitue un acte de fornication, c'est-à-dire le plus grave péché contre l'esprit de Dieu.

    Le christianisme ne peut être assimilé à la culture occidentale, et celui qui dit le contraire n'est qu'un menteur. 

  • Déphilosopher

    Lors de deux conversations successives avec deux catholiques romains, il m'est arrivé de les entendre exprimer leur mépris de la philosophie, assimilée par le second à la pure casuistique. Ce mépris n'a rien de catholique, bien entendu, mais relève bien plutôt de l'esprit français.

    En effet le catholicisme romain est une religion de philosophes, plus qu'aucune autre. On le discerne facilement, puisque même les papes, désormais, se piquent de philosophie et se sentent dans l'obligation de rédiger de loin en loin une encyclique afin d'affirmer leur compétence dans ce domaine. Le culte de la personnalité aidant, ces ouvrages de pure rhétorique confèrent à leurs auteurs une aura spéciale auprès des jeunes filles et des séminaristes.

    Il serait plus dans le tempérament des catholiques français d'avoir un pape-artiste, ne cédant qu'un minimum aux obligations de la rhétorique, comme Picasso par exemple. Au lieu d'encycliques philosophiques, ce pape-artiste publierait dans les journaux de beaux dessins de colombes ou des portraits expressifs de Jésus-Christ.

    On constate en effet que les deux penseurs du XIXe, Marx et Nietzsche, qui se sont fait un devoir de faire la guerre à la philosophie, le premier comme à une menace contre la science, le second comme à un discours éthique et politique irrationnel, accusent l'Eglise et ses clercs d'être à l'origine de cette inflation de spéculations philosophiques. Marx parle des sommes théologiques médiévales qui n'imposent pas tant le respect par leur contenu que par leur volume. Nietzsche et Marx sont tous deux persuadés de la supériorité de la philosophie antique sur la philosophie moderne, en particulier hégélienne. Nietzsche se vante d'être le premier à avoir caractérisé la philosophie de Platon comme une philosophie décadente, mais Marx fait la même observation, ainsi qu'au sujet d'Epicure et de sa morale, de sorte que la culture romaine ou latine est entièrement décadente aux yeux de Marx.

    Il n'y a pas de philosophe parmi les apôtres, sauf peut-être Judas Iscariote ?

     

  • Du Progrès

    L'homme de progrès détestera les musées, qui indiquent la difficulté de l'homme à franchir le cap de la culture ou de l'imitation de la nature pour son profit. Tout au plus les musées nous renseignent sur l'évolution de l'art et du goût au cours des derniers siècles, puisque l'intérêt pour l'homme s'est peu à peu substitué à l'intérêt pour la nature.

    L'homme moderne, en revanche, ne peut pas se passer des musées ; il n'existe que par eux. Qu'est-ce que Picasso serait sans les musées ? Sans doute son oeil avisé lui permet de faire le tri entre les bonnes imitations et les mauvaises, ce que le grand public ne sait pas faire ; ça fait de lui une sorte de prêtre, d'"officiant d'art". Michel-Ange fait preuve d'une capacité d'abstraction supérieure, car elle est moins rhétorique. Quoi qu'il en soit, Picasso est plus moderne et plus dépendant des musées.

    L'homme de progrès diverge donc nettement de l'homme moderne. Les efforts pour faire passer la modernité pour un progrès sont accomplis afin de dissimuler que les sociétés modernes sont indifférentes au progrès. Il est fort possible de bâtir une société sous le signe et le symbole de dieu, en réalité indifférente à dieu. Les sociétés sont comme les femmes qui, en général, se soucient d'abord d'elles-mêmes. De même on peut concevoir une société sous le signe de la science, dont la science soit le but affirmé, mais qui en réalité se complaise plutôt dans la culture.

  • Satan et la démocratie

    La première chose à dire, c'est que le royalisme est sans doute la façon la plus stupide de s'opposer à la démocratie, c'est-à-dire en vantant les mérites du droit de l'Ancien régime comparés à ceux du nouveau, car ils sont essentiellement identiques. La bourgeoisie, en transférant au peuple la souveraineté pour mieux échapper à sa responsabilité politique n'a fait que perfectionner une tactique mise en place sous l'Ancien régime.

    En effet, la monarchie la plus totalitaire, disons celle qui correspond en France au règne de Louis XIV, est en marche vers la démocratie. Il est plus logique pour un démocrate d'admirer Louis XIV que pour un aristocrate ou quelqu'un qui se voudrait, à l'instar de Nitche, le parangon d'une telle culture aristocratique. Le Grand Siècle de Louis XIV constitue un bond en avant vers la culture bourgeoise.

    On ne peut pas opposer simplement l'objet de culte nouveau - l'Etat - à l'ancienne divinité surplombant la monarchie ; on ne le peut pas dans la mesure où l'ancienne divinité, déjà, était "providentielle", et opposable au peuple par les élites, comme l'Etat l'est aujourd'hui.

    Dans la période récente des cinquante dernières années, l'idéologie démocratique s'est d'ailleurs imposée en France à travers l'idéologie communiste ou stalinienne et selon des méthodes qui n'ont rien à envier à l'endoctrinement contre lequel la philosophie des Lumières s'insurgea.

    Le "monothéisme", sans doute la manière la plus bourgeoise et impropre de parler de dieu, a bien plus de rapport avec le culte de l'Etat moderne centralisé qu'avec une quelconque théologie.

    - Dans quelle mesure la culture bourgeoise, à quoi on peu assimiler le catéchisme démocratique, est-elle satanique du point de vue chrétien ? Elle n'est certes pas purement satanique comme l'est la culture aristocratique selon la démonstration de Nietzsche, c'est-à-dire ordonnée selon un principe naturel de conservation de la culture. Mais elle l'est dans la mesure où le mirage démocratique est un produit de substitution à l'histoire. Sous couvert d'aller dans le sens de l'histoire, la culture démocratique y met un terme, et les élites bourgeoises promettent au peuple, captif de la condition humaine, ce qu'il n'aura jamais : la libération. C'est une théorie du salut chrétien qui se dissimule derrière la démocratie, exactement comme la monarchie chrétienne est une théorie du royaume de dieu sur la terre.

  • Le Capital

    Un ecclésiastique écrivait il y a quelques lustres dans un magazine destiné à promouvoir les intérêts du capitalisme à la française ("Le Figaro") : "Le capital, c'est la vie !". Sans doute une manière de remarquer qu'on ne peut pas plus s'opposer au capitalisme qu'il n'est possible de s'opposer à la vie ou à la guerre. "Le capital, c'est la mort !" résume a contrario l'analyse économique de Marx, que l'on présente à tort comme un théoricien de la réforme économique, alors qu'il n'est qu'un clinicien, dont le diagnostic est que le capitalisme est, si ce n'est exsangue, du moins une économie au stade de la décomposition. La concentration excessive du capital entre les mains de quelques-uns n'est pas, par exemple, au yeux de Marx, un signe de bonne santé économique. Son pronostic des crises se fonde sur l'excessive concentration du capital et la difficulté de le répartir de façon économiquement efficace. Bien sûr l'idée de "justice économique" n'est pas dans Marx, faute de quoi celui-ci ne serait qu'un imbécile.

    A la limite Marx pourrait passer pour un économiste libéral, si ce n'est qu'il souligne le rôle actif de l'Etat dans la constitution de monopoles bancaires et industriels, tandis que le stratagème de la plupart des économistes libéraux consiste à accuser l'Etat des dérèglements du capitalisme. Or l'extrême concentration des pouvoirs de l'Etat soviétique a largement contribué à entraîner la Russie au rang des nations capitalistes les plus développées ; or l'économie chinoise, dirigée d'une main de fer par une junte militaire, est une économie capitaliste ordinaire, à ce détail près qu'elle a connu un développement accéléré.

    Une économie en bonne santé ne produit pas le maximum de "richesses" pour une population maximum, mais il produit les richesses nécessaires pour un nombre de personnes limité. L'excès de richesse constitue un problème économique, de même que l'excès de poids constitue un problème de santé. L'objectif de croissance économique est donc une aberration économique, en même temps que la croissance est la seule possibilité pour l'Etat et les institutions étatiques de se maintenir en place et se faire respecter.

    Marx souligne aussi utilement la part du rêve dans une économie en voie de décomposition. Le "désir d'avenir" capitaliste est en réalité un rêve masochiste, propre à mobiliser un Japonais ou un Américain, car l'avenir n'a rien de désirable - il n'est pas plus désirable que la mort. Il n'y a rien d'étonnant à ce que le capitalisme engendre une culture nécrophile, ainsi qu'on peut l'observer aux Etats-Unis, à travers notamment la consommation de produits stupéfiants. Les hommes se mettent à rêver, dès lors qu'ils sont vieux et perdent possession de leurs moyens.

    Ceux qui cherchent un antidote chez Marx, une formule du rajeunissement de l'économie seront déçus ; la principale force de la critique marxiste est de montrer que le sens de l'histoire hégélien ou moderne est un sens négatif et non positif, ainsi que le prétendent les tenants de la culture moderne totalitaire. D'ailleurs la vie n'est pas tout pour Marx : l'amour, la science, n'entrent pas dans le domaine culturel (rien de plus bête que la "culture scientifique", c'est-à-dire le vernis scientifique, ou que la "culture de l'amour", c'est-à-dire le sentimentalisme à l'aide duquel les publicitaires attrapent leurs clients comme on attrape des mouches avec de l'eau sucrée).

    Marx est plutôt de la lignée des penseurs humanistes comme Shakespeare qui pensent contre la culture ou en dépit d'elle. La seule façon d'être libre, c'est d'échapper à la culture.

     

  • Humain, trop humain

    Il NE FAUT PAS que l'espoir en l'homme soit déçu, sans quoi l'économie s'effondrerait, à l'échelle mondiale. D'où la nécessité de renouveler les doctrines sociales mystiques à mesure que ces mirages se dissipent.

    Les doctrines sociales chrétiennes sont les plus mystiques - le mariage chrétien, par exemple, est beaucoup plus mystique que le mariage païen. Il est vrai que les sociétés modernes se laissent guider par des rêveries en apparence chrétiennes. Sous le rêve communiste, on retrouve la même détermination en grattant un peu.

    On ne peut contredire Nietzsche sur le point que la société moderne vise un but "trop humain" (l'avenir), et que c'est ce qui la rend aussi absurde, la culture ayant de ce fait perdu son ancrage dans la nature. La culture moderne oppose à la nature, afin de s'en libérer, la pure rhétorique du "projet humain", dont la concurrence économique trahit la trivialité.

    En réalité, les évangiles et le salut chrétien ne font miroiter aucune perspective d'ordre anthropologique afin de s'émanciper de la nature, et tout ce qui relève de la "culture judéo-chrétienne" est mystification - la mystification dans le cadre de laquelle l'Antéchrist s'épanouit.

     

  • Désespoir

    C'est sans doute la forme la plus outrée du désespoir que celle qui consiste pour A. Gide à prononcer que "tout a été déjà dit depuis longtemps sur tout, mais la surdité de l'homme oblige à se répéter indéfiniment" (je cite de mémoire). Sous ce regard, l'art moderne ne peut plus paraître ce qu'il s'efforce de paraître : nouveau ou avant-gardiste ; à cet égard il n'est pas difficile de repérer dans l'art d'avant-garde le recyclage habile de formes anciennes.

    Paradoxalement les hommes désespérés ne sont pas plus malheureux que les hommes ou les femmes remplis d'espoir. Ils se tuent plus volontiers ou plus facilement, ce qui leur évite un certain nombre de souffrances supplémentaires. On pourra les dire lâches, mais cela revient à confondre courage et masochisme, c'est-à-dire une forme de courage strictement militaire ou féminin ; on peut noter en effet chez les femmes une sorte d'acharnement à vivre, comme ça, le plus souvent sans motif valable, parfois même sans jouissance.

    Triste cas d'un vieillard "vu à la TV", un acteur français en fin de vie, répétant avec plus d'amertume que de philosophie : "On est seul, on est toujours seul, bien qu'on pense parfois être plusieurs."  triste, parce que le vieillard en cause a, semble-t-il, passé une bonne partie de sa vie à s'efforcer de contredire cette vérité que la société ne rapproche que des besoins.

    Autre cas, celui du jeune garçon ployant sous le fardeau de l'espoir que ses parents ont placé en lui. J'admire Ferdinand Céline d'avoir flanqué sur le bas-côté tout ce bric-à-brac de foutu espoir, le calcul de son paternel ; ça n'a pas dû être facile. Pour moi j'ai toujours pensé que si ma mère m'avait encouragé à partir à la guerre (c'est à la mode de se mettre dans la peau d'un poilu en ce moment), suivant le réflexe qu'ont les mères d'offrir en sacrifice leur progéniture naturelle à la société qui le demande, la première chose que j'aurais faite à mon retour, c'est de flanquer le feu à sa bicoque.

    Je voulais dire que le christianisme libère de l'espoir, tout autant que le satanisme, si ce n'est plus.

     

  • Victimisation

    La "victimisation" est un terme à la mode ; il est utilisé par certains intellectuels de droite pour fustiger une attitude qui consisterait pour certains Français à s'auto-flageller excessivement et se reprocher des crimes que la France n'a pas tant commis que ça.

    Ces intellectuels sont parfois un peu gênés dans leur raisonnement du fait que la "communauté juive" et l'Etat d'Israël ont une grande part de responsabilité dans la rhétorique de la "victimisation", et qu'il n'est pas bon pour un intellectuel de paraître excessivement antisémite.

    On pourrait citer la gent féminine également, dont les titres de presse représentatifs répètent que les femmes sont largement victimes des hommes ou de lois machistes, comme leurs salaires le prouvent ; bref, il n'y a pas que les Algériens qui reprochent à la France d'avoir tué 200.000 Algériens rien que pour pouvoir continuer d'exploiter les richesses pétrolières et gazières de leur pays - la victimisation est un phénomène répandu. Je n'irai pas jusqu'à mentionner les "victimes de la mode", bien que leur cause ne soit peut-être pas si éloignée.

    Mais laissons-là ces intellectuels engagés, que leur peu d'indépendance incite à regarder plutôt comme des factotums. Il faut dire que la bassesse du XXe siècle en termes d'idée ou de pensée, tient à l'engagement de la plupart des penseurs de ce siècle au service d'organisations plus ou moins criminelles.

    La "victimisation" évoque directement la "moraline culpabilisante" fustigée par Nietzsche ; il commet à son sujet une erreur d'appréciation que l'on répète aujourd'hui, d'une manière plus flagrante. Cette morale excessivement culpabilisante ne prend pas sa source selon Nietzsche dans tel ou tel événement historique, fait colonial, organisation esclavagiste bourgeoise ou massacre particulièrement odieux, mais dans la religion judéo-chrétienne, dont la victimisation ne serait en somme qu'un substitut "laïc". De fait on peut constater que ce phénomène se greffe à peu près sur n'importe quel fait historique, qu'il soit réel ou pas, exagéré ou non. Si ce que dit Nietzsche est vrai, sachant le rapport de la morale et de l'art, il entre dans l'activité de l'artiste moderne une part de "victimisation", c'est-à-dire d'auto-immolation ; l'énigme de l'hostie renferme dans ce cas l'énigme de l'art moderne, ou ce qui apparaît souvent comme tel au peuple. Ce n'est pas par hasard que Nietzsche maudit l'art moderne "au nom de Satan".

    Sur le lien essentiel qui unit l'anthropologie moderne et la morale chrétienne, Nietzsche ne se trompe pas. J'ai l'habitude de le dire autrement : Sartre n'est qu'un évêque et inquisiteur catholique romain travesti en penseur laïc, afin de donner le change aux prolétaires et leur faire croire qu'ils ne se sacrifient pas pour le compte principal de la bourgeoisie.

    Ce que Nietzsche ne dit pas, c'est que la morale chrétienne est le produit de la philosophie médiévale et non directement du christianisme. La morale chrétienne ne se déduit pas des évangiles, qui sont au contraire une illustration de l'amour comme n'étant pas le fruit d'un comportement moral. Nietzsche trahit qu'il n'ignore pas tout à fait la différence entre le message évangélique et la morale chrétienne, dans la mesure où il accuse Platon et Jésus-Christ simultanément d'être des philosophes ou des chefs religieux prônant une éthique décadente, bien qu'il n'y a entre le platonisme et le christianisme aucun rapport d'aucune sorte, mais seulement une volonté bien humaine d'imposer un ordre moral là où il ne devrait pas y en avoir.

    Où l'analyse de Nietzsche faiblit, c'est dans l'attribution aux faibles, aux pauvres et aux ratés de la terre de la moraline autocompatissante ; cette morale chrétienne-platonicienne, embryon de l'anthropologie moderne que Nietzsche juge décadente, est un produit philosophique sophistiqué dont les faibles et les ratés de la terre ne sont pas responsables. Par rapport à la morale contemporaine, on voit bien que la mise en avant de leur statut de victimes n'est pas ou rarement le fait des victimes elles-mêmes, mais celui de personnes morales prétendant oeuvrer pour le bien de ces victimes, dans un cadre moral, voire administratif qui les incite à le faire.

    Là où le bât blesse encore plus, c'est que cette manière d'autodénigrement de l'Occident, propre à l'anthropologie moderne, n'a pas pour conséquence de réduire la domination de l'Occident en termes économiques et militaires sur le reste du monde. Les Occidentaux ont beau culpabiliser, ils n'en ont pas moins des banques et des arsenaux bien garnis. On pourrait faire avec la culture de masse le même rapprochement - bien que la doctrine de Nietzsche soit des plus incitatives à considérer le cinéma comme un art décadent, il n'empêche que la culture de masse occidentale s'impose au reste du monde et balaie peu à peu une culture moins artificielle.

    Ceux qui fustigent la "victimisation", quand ils croient dénoncer une faiblesse, dénoncent en réalité une ruse occidentale, c'est-à-dire une manière de présenter les intentions des politiques occidentales en général comme louables aux yeux de l'opinion. De même la culture de masse s'est imposée comme un moyen de gouvernement des masses par une élite, qui s'efforce de faire croire que cette culture vient d'en-bas, ou qu'elle est spécialement prisée dans les milieux populaires.

    Le christianisme ne s'est pas imposé comme le prétend Nietzsche en raison de sa propriété à conforter les faibles que leur faiblesse n'en est pas une. Le clergé chrétien et la morale chrétienne se sont imposés en tant qu'intermédiaires privilégiés entre les élites exerçant le pouvoir et les franges de la population qui subissent ce pouvoir. Une différence radicale avec la vertu et la religion païennes, et difficile à dissimuler, c'est l'égalité de tous devant dieu, quelle que soit sa condition. Traduite en termes d'éthique ou de morale, cette notion d'égalité rend impossible l'édification d'un ordre moral.

     

  • Choc des Cultures

    Comme je le disais récemment à un militant et parvins sans trop de peine à le convaincre, rien n'est plus stupide que d'opposer à la guerre la culture. C'est aussi stupide que d'opposer le sexe à la guerre. Sans incitation au sacrifice militaire, il n'y a pas de culture, et c'est la raison pour laquelle il n'y a pas de culture chrétienne possible - tout simplement.

    Ne perdons pas de vue, et c'est particulièrement valable dans les temps modernes, que si les actes de guerre sont accomplis par des loups, ils sont commandités par des renards "cultivés".

    Un militant anarchiste pacifiste dont le nom m'échappe, proposa de ne pas opposer de résistance aux troupes allemandes. Son argument : la supériorité de la culture française sur la culture allemande, celle-là devant s'imposer sur celle-ci. En somme ce militant anarchiste pariait ironiquement que les Allemands deviendraient français rapidement. On peut trouver l'argument bancal, voire grotesque, mais les prétextes invoqués pour déclarer la guerre à l'Allemagne, destinés à masquer sa nécessité en termes économique, le sont tout autant.

    En réalité, c'est exactement l'inverse qui s'est produit - les troupes allemandes ont été défaites, mais la culture allemande a envahi la France. Le triomphe de l'économie coïncide avec celui de l'Allemagne, et c'est bien sûr une régression dans la mesure où cette économie n'en est pas une.

  • Art et Vérité

    Ou bien on place l'Art au-dessus de la vérité, comme fait Nietzsche, ou bien on place la Vérité au-dessus de l'art comme font les juifs et les chrétiens, ce qui est la raison de l'interdit juif ou chrétien de l'art.

    L'interdit de l'art n'est pas pour des raisons morales - la loi juive n'est pas une loi éthique, et ne peut fonder à cet égard aucun "état de droit", mais au contraire l'interdit de l'art s'explique par le caractère essentiellement moral de l'art, de sorte que l'on peut dire qu'un artiste accompli est un homme ou une femme de grande vertu, possédant une force de caractère exceptionnelle - un "surhomme" selon le terme employé par l'apôtre de Zarathoustra. On pourrait dire que le judaïsme authentique des prophètes introduit dans l'humanité l'aspiration à une science supérieure à l'art, c'est-à-dire à la philosophie du nombre 666, qui est un "nombre d'homme", c'est-à-dire une "philosophie naturelle" selon le terme des hommes de loi.

    En parcourant les évangiles, on s'apercevra que le Christ Jésus reproche aux pharisiens, non pas de se comporter de manière immorale, mais d'occulter le sens spirituel de la loi juive, d'ordre surnaturel et non éthique. Quelle est la raison des prescriptions morales inventées par Moïse selon le Christ Jésus ? Non pas la loi elle-même, mais la nécessité pour Moïse de s'adapter à l'imbécillité du peuple élu.

    Selon l'accusation de Nietzsche, le Christ Jésus tient des propos parfaitement immoraux, dans la mesure où il est impossible de déduire des évangiles la moindre règle de vie heureuse. De fait l'amour chrétien implique une telle transgression de l'ordre social qu'il implique la considération par les chrétiens de la société ou du monde comme l'équivalent de l'enfer ou du néant, contrairement aux religions païennes à visée éthique dans lesquelles l'enfer est une notion plus abstraite, "post-mortem", ou pour parler le langage moderne, un "espace-temps". Si la démocratie est une notion religieuse, humainement impossible, c'est en raison de la probabilité de son avènement dans un lieu idéal et dans un temps idéal ; elle répond aux mêmes besoins qui furent comblés par le désir d'échapper à l'enfer au moyen-âge.

    Cette peinture de la société comme l'enfer par Jérôme Bosch, ou bien encore la représentation par le graveur A. Dürer des instruments de l'art disposés aux pieds de Lucifer, ou bien encore le théâtre de Shakespeare, ne doivent donc pas être pris comme des oeuvres d'art au sens où l'entend Nietzsche, c'est-à-dire d'une philosophie naturelle authentique, source de vertu. L'apparence de l'art ou du théâtre n'est de la part de Shakespeare qu'une façon de porter un masque, mais le but de Shakespeare n'est pas vertueux, il vise la révélation de la vérité. Shakespeare n'est ni antique au sens où Nietzsche s'efforce de l'être, ni "moderne" dans la mesure où il bat en brèche les fétiches et la rhétorique moderne.

    La culture moderne n'est pas compliquée. Il faut comprendre que la complexité est sa vocation, ce qui ne revient pas du tout au même. Tandis que Nietzsche attribue à la complexité de la culture moderne la cause de la débilité du message chrétien, son aspect culturel de rhétorique creuse, qui s'enfle comme la grenouille désireuse d'égaler en taille le boeuf, les chrétiens authentiques, sachant qu'il n'y a pas de culture ou de civilisation chrétienne possible, voient dans le mouvement brownien de la culture moderne une autre cause que l'apôtre Paul décrit dans ses épîtres comme l'activité de plus en plus intense de l'Antéchrist dans le monde. Où l'on peut reconnaître dans Shakespeare un prophète chrétien, c'est qu'il ne donne pas à la tyrannie, comme un béotien pourrait s'attendre, une apparence païenne - il lui donne une apparence chrétienne - conformément aux avertissements évangéliques.

    C'est donc un axe essentiel de la subversion du christianisme que de faire croire à la possibilité d'un art et d'une culture chrétienne. Pendant des siècles, l'Eglise romaine n'a pas cessé d'affirmer ce mélange possible, au point que certains antichrists, dont Nietzsche mais aussi le Français C. Maurras, lui ont rendu hommage, pour la raison qu'ils ont vu dans Rome et ses papes l'instrument le plus efficace de la dissolution du message évangélique dans l'art. C'est si vrai que si l'Italie et la France sont aujourd'hui des pays moins modernes que les autres nations, plus païens et plus sataniques, c'est très largement le fait d'une culture à l'influence de l'Eglise catholique qu'elles le doivent.

    Ce qui m'amène à un point de détail, que certains catholiques romains ont du mal à entendre, précisément parce qu'il s'inscrivent dans la continuité d'une culture et non d'une foi. Ce point de détail est celui de la modernité. Beaucoup de catholiques romains ne comprennent pas en effet la nécessité pour leurs évêques de s'adapter au discours moderne. Sur un plan strictement culturel, ils ont raison, car l'art est essentiellement un principe conservateur, et celui qui le pratique autrement n'est que, plus ou moins consciemment, un pervers masochiste. Mais sur le plan institutionnel, ils ignorent absolument le passé et la fonction politique de l'Eglise catholique en Occident. C'est l'incorporation de la philosophie moderniste dans la doctrine de l'Eglise romaine qui permet à celle-ci de rester "en phase avec le monde". Il n'y a pas d'apologie du catholicisme romain plus mensongère au regard de l'histoire que celle du britannique G.K. Chesterton lorsque celui-ci affirme que l'adhésion à l'Eglise romaine est le meilleur moyen de se tenir à l'écart du monde. L'Eglise romaine est tout au contraire la principale cause d'inflation du discours anthropologique, et même de l'athéisme moderne dans la mesure où on peut traduire cet athéisme comme la foi dans l'accomplissement d'un plan anthropologique irrationnel (tel que la démocratie, par exemple).

    Ce dernier propos peut paraître quelque peu contradictoire avec le précédent, ou j'affirme que les Français et les Italiens sont les plus catholiques et les plus païens en même temps. Il faut comprendre que ces Français et ces Italiens catholiques sont les plus ignorants, et que ce qu'ils ignorent en particulier, c'est que l'Eglise romaine ne fut jamais aussi puissante que lorsqu'elle incarna, non pas le conservatisme mais bel et bien la modernité, c'est-à-dire non pas le progrès mais sa démonstration, son affirmation incessante en quoi consiste essentiellement l'art moderne au point d'étouffer les fonctions primordiales de l'art.

    Je l'ai déjà dit, et je le répète, Bernard-Henry Lévy est le prêcheur catholique romain le plus accompli du moment. Son récent ouvrage "Les Aventures de la liberté" illustre parfaitement l'opération subversive de justification de l'art que le clergé romain dut accomplir, en dépit de la prohibition métaphysique de l'art. Il n'est pas permis aux juifs d'être des artistes - c'est faux dit BHL, on interprète mal cette interdiction, ou elle n'existe pas. Pourtant il y a tout lieu de penser que le mythe de Frankenstein, c'est-à-dire d'une créature qui se retourne contre son démiurge, ainsi que la rhétorique peut se retourner contre le rhéteur et l'étouffer, ce mythe est un écho de la spiritualité juive, étant donné sa coïncidence avec le mythe de la tour de Babel.

    Plus subtilement, BHL évoque la réticence de Platon vis-à-vis de l'art. Il faut préciser que la réticence de Platon n'a rien à voir avec l'interdit chrétien de l'art, mais que Platon juge les ouvrages d'art inférieurs ou impurs comparés à la philosophie plus abstraite. C'est la raison pour laquelle Nietzsche s'en prend à Socrate et Platon, ou encore Euripide, comme à des philosophes et des artistes décadents, méconnaissant la vertu de l'art. Platon a en effet tendance à considérer les oeuvres d'art comme un ingénieur considère les produits de l'ingénierie, c'est-à-dire comme bien inférieurs aux principes de l'ingénierie elle-même. C'est au contraire des bornes qu'il oppose à une abstraction excessive que l'art antique tire sa vertu selon Nietzsche. BHL ne le dit pas, mais l'éthique de Platon permet de décoder l'art moderne. La démonstration du progrès de l'art par Hegel, et de la signification historique de ce progrès, n'est qu'un effort pour rendre compte de l'histoire à partir des spéculations éthiques de Platon. L'art moderne tient pratiquement tout entier dans l'autosuggestion platonicienne que les capacités de conceptualisation de l'être humain en font un être supérieur à la nature elle-même, moins limité qu'elle n'est.

    L'art et l'éthique modernes ne sont donc pas animés par une morale chrétienne sous-jacente, comme le prétendent Nietzsche et Hegel, mais par une philosophie platonicienne-chrétienne inepte. L'effet de la philosophie de Platon est de postuler un plan métaphysique inconsistant, puisqu'il coïncide le plan humain. Nietzsche a beau jeu, face à Platon, de discerner en lui le premier auteur de science-fiction. Est-il possible de fonder une anthropologie chrétienne à l'aide de Platon ? Seul un philosophe platonicien peut se risquer à cette démonstration, qui renverse l'esprit et la lettre des évangiles, puisqu'elle a pour conséquence de nier que le christianisme ou le judaïsme sont des religions révélées. Le néo-platonisme chrétien confine également au grotesque dans la comparaison entre Socrate et Jésus. Le procès de Jésus est un assassinat dont la raison politique échappe au procureur romain lui-même.

    Mais on comprend bien tout l'intérêt de la philosophie de Platon, en quoi elle permet d'élaborer la formule d'une culture subversive, en prenant ses distances avec un art trop évidemment satanique et qui serait un véritable trait d'union entre l'homme et la nature ; sur un tel canevas philosophique, la "culture chrétienne" aurait été pratiquement impossible à distinguer d'une culture païenne. Si la culture chrétienne platonicienne n'est pas seulement dénoncée comme une rhétorique arbitraire, du point de vue satanique de Nietzsche, mais qu'elle est aussi subversive du point de vue chrétien, c'est qu'elle a pour conséquence, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, de permettre au clergé de façonner une image de dieu ou un projet divin, qui soit entièrement arbitraire, c'est-à-dire qu'une élite de prêtres ou de philosophes peuvent entièrement modifier à leur gré.

  • Céline antisémite ?

    Au préalable, je dois dire que la repentance de l'Eglise catholique pour sa complicité dans les massacres perpétrés au cours de la Seconde guerre mondiale compte parmi les motifs qui m'ont conduit à quitter l'Eglise romaine, la tartuferie de cette démarche de la curie romaine me paraissant impossible à assumer. Il ne s'agit nullement de nier la culpabilité de l'Eglise, puisque cela reviendrait à nier l'implication de l'Eglise romaine dans la société civile. Il s'agit de nier que le Christ et ses apôtres entretiennent un quelconque rapport de complicité avec une quelconque société civile. Il faut de tout pour faire un monde, dira-t-on, y compris des Italiens ou des diplomates, puisque l'acte de repentance est une ruse diplomatique. Mais, au monde, l'évangile n'apporte rien, et le point de vue social, en soi, est négateur de la révélation. Le point de vue social est illustré dans l'évangile par la décision de la foule des Juifs de mettre à mort le Christ Jésus plutôt qu'un criminel de droit commun.

    L'invitation à distinguer le "Céline écrivain", que la censure bourgeoise n'a pas réussi à censurer, du "Céline antisémite", relève de la même tartuferie "post-moderne". Comme l'Eglise peut continuer de fourguer ses indulgences, l'éditeur de Céline peut continuer de fourguer des rééditions de Céline en toute bonne conscience. Au pays de Molière, on devrait relever plus souvent que la casuistique a un rapport direct avec l'hypocrisie, et donc les mathématiques modernes, science casuistique s'il en est.

    L'antisémitisme de Céline est donc une construction juridique a posteriori, destinée à fonder les décrets moraux en vigueur aujourd'hui.

    En tant que chrétien, je suis enclin à penser que l'écrivain athée Céline est antisémite et antichrétien, puisque celui qui n'est pas avec le Christ est forcément contre Lui, c'est-à-dire un homme ou une femme en perdition. Mais, à vrai dire, l'antisémitisme de Céline est compensé par le sentiment d'horreur et de dégoût que la guerre lui inspire, et sa volonté d'expier sa complicité dans le génocide de 14-18. En somme Céline conçoit les Juifs comme des fauteurs de guerre, plus encore que les Allemands, à une époque où l'acte d'inculpation de l'Allemagne n'a pas encore été rédigé.

    Pour bien faire, il faudrait que les chrétiens comme les Juifs abjurent leur foi officiellement, et ne l'abandonnent pas seulement de facto, dès lors qu'ils acceptent des charges publiques, afin de n'être pas soupçonnés par les païens ou les athées de machiavélisme, c'est-à-dire de prôner une religion de paix tout en tirant les bénéfices de la politique et de la guerre. Bien sûr ce n'est pas possible, car pour cela il faudrait que Satan n'agisse pas dans le monde.

    L'antisémitisme de Céline est beaucoup moins fort et satanique que celui de Nietzsche. La différence est aussi que la doctrine de Nietzsche est aristocratique, tandis que Céline réagit aux "grandes idéologies modernes", à commencer par le stalinisme, en étant conscient qu'elles ont conservé un arrière-plan de morale "judéo-chrétienne" et que le peuple sera forcément la première victime de ces idéologies.

    Le triomphe de la morale judéo-chrétienne moderne représente pour Nietzsche le triomphe du mal absolu, de sorte que la vertu satanique est le modèle du bien et du beau.

     

  • Nietzsche antisémite ?

    L'antisémitisme revêt aujourd'hui, comme on le sait, le caractère de péché majeur, selon une sorte de casuistique de la haine d'un genre nouveau, dont l'inefficacité à endiguer la haine confirme le caractère de casuistique. Pourquoi l'antisémitisme et pas l'avarice ou le délit d'initié ? Allez savoir...

    - Plusieurs intellectuels, philosophes ou artistes ont été inculpés pour cause d'antisémitisme, suivant des critères et un calendrier un peu flous. Le cas de L.-F. Céline est bien connu en France. Il me semble que les cas "limites" sont les plus intéressants : Karl Marx et Simone Weil ont été appelés post-mortem sur le banc des accusés, en dépit de leurs origines sémites, par un pitre universitaire américain du nom de Francis Kaplan, sans doute désespéré de trouver une matière plus sérieuse à étudier.

    Plus récemment, un tribunal français a condamné pour antisémitisme un ouvrage de Léon Bloy, entièrement conçu par ce dernier pour la défense des juifs, mais hélas dans des termes démodés pour les magistrats d'aujourd'hui.

    - Quant à Nietzsche, la balance penche plutôt en sa faveur ces derniers temps, en dépit des accointances de sa famille avec le célèbre chancelier A. Hitler, et des références et révérences d'à peu près tous les mouvements et intellectuels fachistes européens à Nietzsche. On note en effet certains efforts pour blanchir Nietzsche de divers essayistes ; une bande-dessinée a même été produite il y a une dizaine d'années pour prouver qu'en dépit de son satanisme, Nietzsche était "cool" avec les Juifs.

    - Ce qui fait défaut dans ce type d'affaires, c'est une notion à peu près claire du Juif. L.-F. Céline les assimile par exemple à une caste de ploutocrates, un peu comme le pape et les papistes. Mais on sait que Moïse en personne a maudit les adorateurs du veau d'or. Sigmund Freud précise que seuls peuvent être considérés juifs les sectateurs de Moïse, qu'il a tendance à assimiler à une bande de brigands.

    Le nationalisme juif ou sionisme qui cristallise l'attention aujourd'hui était alors embryonnaire.

    Le témoignage d'un ami de Nietzsche, Franz Overbeck, une sorte de "théologien athée" comme il se définit lui-même le plus sérieusement du monde est sans doute le plus éclairant sur, non pas tant l'opinion de Nietzsche sur les Juifs en général, mais sur la consistance de sa théologie satanique (in : "Souvenirs sur Nietzsche") :

    « Je crois que, dans notre manière de considérer l’antisémitisme, nous avions, Nietzsche et moi, des convictions particulièrement proches. De même que nous étions tous deux également fort éloignés de tout fanatisme, qu’il relève d’une haine nationale ou religieuse, même s’il se peut que cela ait été pour des raisons très différentes ayant leurs racines dans nos origines respectives, nous n’avions foncièrement aucune sympathie non plus pour l’antisémitisme. Sans que ce rejet nous ait distingués du reste des Européens de notre temps. Car la radicalité de notre rejet n’aura guère été différente de celle des contemporains qui vivent sous nos latitudes.

    Sous ces dernières, on peut bien dire que tout homme, ou du moins tout homme cultivé, ressent une certaine aversion pour les Juifs, à tel point que même les Juifs de chez nous partagent cette aversion. (...) L’expression la plus claire de ce dégoût que nous éprouvions Nietzsche et moi à l’égard de l’antisémitisme apparaît dans le fait nous avons pourtant parfois abordé le sujet au cours de la conversation, mais jamais avec passion, car, dans le fond, nous n’avons jamais pris ce sujet "au sérieux" et nous l’avons considéré comme une mode des temps qui ne méritait guère qu’on s’y attarde. (…) Les écrits de Nietzsche attestent aujourd’hui encore de façon particulièrement claire (..) que cette attitude n’est pas incompatible avec une certaine dose « d’antisémitisme », en tout cas avec un manque de sympathie à l’égard des Sémites.

    (…) Nietzsche a été un adversaire convaincu de l’antisémitisme tel qu’il en a fait l’expérience. Il voyait en effet dans l’une des «formes les plus malhonnêtes de la haine» une «rage de dénigrer et de détruire». Il n’empêche que lorsqu’il est sincère, les jugements qu’il porte sur les Juifs surpassent tout antisémitisme par leur sévérité. Le fondement de son antichristianisme est essentiellement antisémite. »

    Pour résumer le propos de cet intellectuel allemand, l'antisémitisme était une opinion beaucoup trop vulgaire pour que des hommes cultivés comme lui et son ami Nietzsche y cédassent. En revanche la doctrine satanique de Nietzsche était suffisamment solide pour que ce dernier la fasse reposer sur le rejet dépourvu d'ambiguïté du judaïsme.

    Les Juifs trouvent grâce aux yeux de Nietzsche quand ils ne sont pas vraiment Juifs mais "fidèles à leur culture et traditions" ; de même, les catholiques romains bénéficient de l'indulgence de Nietzsche en raison de leurs efforts pour restaurer la culture de vie païenne à l'intérieur du christianisme.

  • Pour en finir avec...

    le féminisme.

    La réticence des Français au féminisme, contrairement aux Allemands qui sont plus modernes, s'explique parce que le féminisme est largement le produit du cléricalisme. Ce cléricalisme catholique romain, d'un genre un peu particulier, commence il y a plusieurs siècles par l'apologie de l'exemplarité des femmes sur le plan social, prêtes d'une certaine manière à endurer pour le service de la société plus que les hommes n'en sont capables. Le clergé catholique romain a donc très tôt pris parti dans la guerre des sexes pour le sexe féminin. A ce féminisme clérical répondit d'ailleurs une littérature anticléricale ET misogyne (Machiavel, par exemple).

    - Anticléricaux, les philosophes des Lumières sont assez peu féministes, même si leur volonté n'est pas exactement une volonté d'abolition de la direction de conscience religieuse, mais plutôt une volonté de la renouveler (en quoi la critique marxiste montre que les Lumières ont échoué, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas "rayonné" ou fondé une culture bourgeoise plus scientifique et moins religieuse que la culture du XVIIe siècle).

    - Condorcet tient bien un discours féministe, où il fait valoir le droit des femmes à se livrer à des tâches non seulement ménagères, mais aussi intellectuelles. Mais ce discours ressemble fort à l'exhortation que l'on pourrait adresser à un homme du peuple de se comporter plutôt en roi qu'en homme du peuple, sans lui en donner les moyens. L'idée que la société puisse contribuer à l'émancipation de tel ou tel est un voeu pieux, bien plus qu'elle n'est une science. De la même façon bien des ouvrages intellectuels ne valent pas certains offices rendus par les femmes à la cuisine. Par exemple, toute la sociologie ne vaut pas un verre de vin.

    - Presque cocasse le cas du marquis de Sade, que certains moralistes officiels continuent de citer en exemple de philosophe humaniste, quand bien même la haine que Sade nourrit à l'égard de la société se traduit par le fantasme d'étranglement, d'égorgement ou de tortures diverses de femmes réduites à l'état d'objets, sans qu'il entre dans la prose sadienne une once d'humour, ainsi que la bestialité l'exige. Sade bénéficie de la même indulgence dont bénéficient les cinéastes et les publicitaires aujourd'hui, qui sans l'exploitation des femmes ne seraient rien. La fascination pour Sade indique que la passion moderne pour la société et les questions sociales, comme elle est un fanatisme, en réalité s'avère très proche de la haine de la société et de la volonté de la détruire. De même le principal danger couru par les femmes vient de la culture moderne qui tend à en faire un objet de consommation. La propagande féministe contribue largement à faire diversion, c'est-à-dire à pointer du doigt des causes de l'exploitation des femmes qui n'en sont plus depuis longtemps, ou bien ne l'ont jamais été comme la "domination masculine".

    - Le discours clérical féministe a évolué en fonction des circonstances économiques, mais cette rhétorique est restée substantiellement la même. Il s'agissait au moyen-âge de faire valoir l'héroïsme féminin sur le plan social, compte tenu des exigences d'une société et d'une culture chrétienne-paysanne. La répartition du travail n'est plus la même aujourd'hui dans l'Occident où la culture féministe s'est épanouie, et qui a désormais "délégué" les travaux de force à des nations inférieures en puissance économique et militaire. L'héroïsme de la femme tient désormais dans sa disposition d'esprit, censée être plus moderne que celle que l'homme. Le sexe féminin sert donc d'emblème ou de drapeau à la culture moderne ; elle est chargée de la démonstration que l'Occident a accompli un progrès. Comme le féminisme clérical médiéval fut dans l'intérêt exclusif des élites de ce temps, le féminisme aujourd'hui est une rhétorique destinée à fournir la preuve de la supériorité de l'Occident dans le domaine moral. C'est un élément de la mystique sociale aujourd'hui comme hier. On peut s'interroger sur sa racine ou son origine chrétienne, dans la mesure où le christianisme est le moins mondain des messages, puisque le lien social y est pratiquement synonyme de péché et de mort. Sous quel effet cette religion du non-engagement social a pu devenir un mysticisme social complet au point de phagocyter dieu ? L'imbécillité des clercs du moyen-âge et de la philosophie allemande subséquente, débouchant sur le grand merdier de la rhétorique américaine, n'est sans doute pas une réponse suffisante. L'argent est un élément du mysticisme social moderne parfaitement laïc, et non moins décisif que la philosophie post-moderne.

    - Certaines féministes s'étonnent de ne pas percevoir les fruits du discours féministe, que certains partis politiques ont pris pour "credo", mais que son application concrète ne semble pas préoccuper outre mesure. Pour que le féminisme se traduise par une avancée concrète, encore faudrait-il qu'il ne soit pas un simple "credo" religieux illusoire. De plus c'est comme un être de devoir exemplaire que la femme est exaltée par la propagande féministe, c'est-à-dire pratiquement comme le sont nonnes et soldats, à qui les gratifications les plus symboliques sont généralement offertes. Bien plus cohérent serait un mouvement féministe anarchiste, c'est-à-dire indifférent aux questions sociales, puisqu'il n'y a socialement que deux positions possibles, celle de maître et celle d'esclave, la guerre introduisant dans ce schéma quelques variations, et la ruse permettant aux femmes de se hisser bien au-dessus de certains hommes.

     

  • Grandeur et décadence

    "(...) la civilisation moderne nous a menés à l'opposé de la civilisation antique et l'on ne peut comprendre comment deux choses opposées pourraient n'en faire qu'une seule, et se prétendre toutes deux civilisations. Il ne s'agit pas là de minces différences, mais de contradictions essentielles : ou les Anciens n'étaient pas civilisés, ou c'est nous qui ne le sommes pas."

    Léopardi ("Zibaldone", 1820)

    Pour être plus précis, la manière des modernes d'être civilisés est de répéter en boucle qu'ils le sont, d'avoir inventé des moyens de propagande et de censure extraordinaires au service de ce discours. Aux efforts qualitatifs de l'antiquité pour s'élever au niveau de la civilisation, c'est-à-dire d'une certaine mesure et équilibre, s'opposent les efforts quantitatifs de la civilisation moderne.

    Une autre différence qu'il faut remarquer, c'est l'appui sur la matière des civilisations antiques, tandis que la modernité s'appuie sur le temps. Une théorie scientifique moderne, pour s'accorder au restant du train de la culture moderne, devra nécessairement postuler le primat du temps sur la matière, aussi difficile à rapporter soit cette preuve. La métaphysique moderne est une pataphysique, car ce qui est postulé au-delà de la matière par le métaphysicien moderne n'est en réalité qu'un effet relatif à la matière, comme le mouvement. La civilisation antique peut se concevoir assez bien en dépit de la civilisation moderne, tandis que le contraire est beaucoup moins vrai.

    Si Léopardi ne tranche pas nettement en faveur de l'antiquité comme Nitche, c'est peut-être parce qu'il est chrétien et sait que le monde et ses actionnaires sont, par avance, condamnés ? Les utopies politiques qui encombrent la culture occidentale depuis le moyen-âge sont certainement le meilleur moyen pour les élites occidentales d'occulter l'apocalypse de Jean, où l'anarchisme chrétien s'avère le plus explicite. Ces utopies politiques forment, avec la propagande, le substrat de la culture et de la civilisation modernes. La culture moderne est une nef peuplée de militants qui s'encouragent mutuellement par leurs cris d'espoir à croire que l'infini est pour bientôt.

     

     

     

  • L'Homme moderne

    Toute l'activité de l'homme moderne, je pense en particulier au pape, semble faite pour se prouver à lui-même qu'il n'est pas mort. Les hommes, avant d'être "modernes", se contentaient de vivre ; désormais, ils ont tendance à fournir la démonstration qu'ils existent bel et bien, à faire toutes sortes de dépenses qu'ils ne feraient pas s'ils vivaient vraiment. Si l'Occident gaspille autant, c'est bien parce qu'il est peuplé surtout de morts-vivants : les morts peuvent se permettre de flamber. 

    Est-ce que l'homme moderne ne se maudit pas lui-même dans son for intérieur, par exemple d'être aussi impuissant et de devoir toujours paraître et dire le contraire, pour répondre à l'attente féminine du monde ? Est-ce que l'homme moderne n'accomplit pas contre lui-même l'oeuvre du jugement dernier en se maudissant dans sa fuite ?

    Les rêves prouvent bien qu'il n'y a pas de frontière nette entre la vie et la mort, et que le point de vue technique médical est un peu limité.

  • Exit la culture

    Le goût d'un néo-païen pour le cinéma - mettons Hitler - trahit l'influence sur lui de la culture chrétienne médiévale. Un païen authentique a bien trop de goût pour apprécier le cinéma, que Nitche aurait regardé comme une manifestation de l'art judéo-chrétien le plus efféminé. Disons que le "surhomme" n'a pas besoin de se mentir à lui-même, il rejette ce type de "couverture sociale" en quoi consiste le cinéma, qui est une forme d'onanisme intellectuel ou de prière.

    Ce qui est notamment intéressant chez Nitche, c'est la sûreté de son goût, dans une culture moderne où les mille façons de mourir l'emportent sur toutes les autres religions. L'analogie, par exemple, entre démocratie et cimetière, est évidente du point de vue nitchéen. L'intérêt festif pour la guerre de 14-18, non seulement est le meilleur moyen d'occulter l'histoire et les causes réelles de ce conflit meurtrier, mais il traduit une fascination macabre, démocratique, pour de jeunes connards patriotes transformés en martyrs.

    Il faudrait situer Nitche à l'extrême opposé de Baudelaire, si ce dernier faisait l'apologie de la laideur et de la charogne, de la drogue, mais Baudelaire constate plutôt ce bouleversement esthétique qu'il ne le salue. Baudelaire exprime d'ailleurs son dégoût de la démocratie. La mentalité de Baudelaire est d'ailleurs très proche de celle de Hitler, en raison de cette bipolarité païenne et chrétienne.

    On peut voir Rimbaud comme une sorte de jeune SS, sacrifié à la poésie de Baudelaire ; ce qui plaît d'ailleurs le plus souvent chez Rimbaud, ce n'est pas Rimbaud mais le martyr, la victime. La foule aime le sang, elle aime les hosties, et le prêtre moderne est là pour lui enseigner à ne pas désirer plus. Ni Rimbaud ni les jeunes SS ne rêvaient de finir écrabouillés.

    Qui sait à quel fléau apocalyptique il faut rattacher la culture moderne, sorte de cérémonie funèbre d'un art qui fut autrefois vivant ? A l'odeur de décomposition du Danemark ? Au cheval pâle, que la mort chevauche, du quatrième sceau de la vision de Jean ?