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Mon Journal de guerre - Page 60

  • Orwell ou Shakespeare

    A qui me fait remarquer que Georges Orwell fut un écrivain visionnaire, je réplique qu'Orwell a près de quatre siècles de retard sur Shakespeare ; "rétro-visionnaire" paraît donc mieux adapté.

    Comparés à Shakespeare, tous les poètes occidentaux paraissent "modernes", c'est-à-dire producteurs d'ouvrages de circonstance, voués au rebut, suivant cette vérité éternelle que le temps commence d'abord par frapper de ses rayons ceux qui croient malin de lui réclamer des dividendes.

    Bien qu'il ne se passe pas un jour sans qu'un professeur complote d'assassiner Hamlet une bonne fois pour toutes, Shakespeare demeure, bien plus contondant qu'Orwell, une pierre dans la botte de l'oppresseur, le genre de caillou dont Goliath ne croyait pas devoir se méfier.

    Beaucoup mieux qu'Orwell, Shakespeare montre que l'oppression s'accroît du faux savoir livresque, autrement dit de la "culture", n'interdisant pas la lecture, mais rendant au contraire obligatoires les ouvrages les plus vains -tout ce qui relève de la psychologie-, passion qui trahit l'onanisme des intellectuels ; la grande majorité des lectrices ne fait que boire comme du petit lait le foutre de curés ou d'enfants de choeur, croyant ainsi se fertiliser la cervelle. Les imbéciles, chez Shakespeare, sont presque toujours des ecclésiastiques (Polonius, Thomas More, Erasme), sachant la contribution majeure de l'intelligentsia catholique aux divertissements psychologiques. La foi et la raison totalitaires sont inscrites pour Shakespeare dans le plan des hommes depuis le jour où un homme, Jésus, est parvenu à échapper à la condition humaine, privant le clergé et la culture de toute fonction, et même la fonction de sa fonction. 

  • Mathématiques modernes

    Comme je doute depuis longtemps que les femmes soient bien réelles, l'abstraction des musulmanes dans leurs grands linceuls noirs ne me surprend pas. Masque de beauté ou masque d'éthique, cela revient au même.

  • La Preuve de Satan

    Si tu es démocrate-chrétien et que tu ne crois pas dans Satan, va à Los Angeles, au pays où l'on fabrique le cinéma et l'on feint moins d'ignorer qu'il y a deux sortes d'anges que dans les lieux d'aisance aseptisés de la démocratie-chrétienne.

    Dans l'ensemble, les Etats-Unis valent pour leur foi peu dissimulée dans Satan, qui éclate pratiquement dans chacun des discours de leurs édiles. La "grâce", notamment, est une invocation très commune des sectateurs de Lucifer, qui indique au chrétien le "deus ex machina" des cultes païens amateurs de musique.

    Interrogez ce type de suppôt qui invoque le Christ, par ruse ou confusion, sur la différence entre "la grâce" et "l'esprit" : il balbutie. La grâce est une notion presque exclusivement éthique ou politique, qui pourrait presque être bannie du vocabulaire chrétien ; la grâce est faite pour autoriser la passivité et la faiblesse d'esprit humaine, niant ainsi l'Esprit. Celui qui voit la correspondance de la grâce dans la géométrie et l'algèbre comprendra pourquoi les juifs et les chrétiens sont aussi hostiles à admettre l'intrusion de l'hypothèse mathématique dans la science expérimentale.

    En principe, pour peu que tu sois un tant soit peu français, et non curé ou publicitaire, l'atavisme te permettra de déceler l'esprit manipulateur de l'espèce des cinématographes, comme la mangouste renifle le serpent à longue distance. Personnellement, causer avec Adolf Hitler, à supposer que les théories néo-nazies d'Einstein soient vraies et qu'on puisse voyager dans le temps, une discussion avec Hitler me serait moins pénible qu'avec un de ces cinéastes qui n'ont pas le courage d'aller s'amuser en enfer seuls, mais réclament la compagnie des petits enfants pour pouvoir se livrer sur eux en toute légalité à un maximum de sévices délicieux.

    En effet, d'une certaine façon, Hitler a mis sa peau au bout de ses idées ou de son cinéma, tandis que dans l'engrenage du cinéma moderne et ses conséquences catastrophiques, au sein de la grande théocratie égyptienne restaurée par les nations occidentales, on peut faire confiance aux cinéastes pour faire tout pour se disculper, arguer qu'ils sont "responsables mais pas coupables", le genre d'argument que seuls les plus lâches officiers ont osé au procès de Nuremberg.

  • La Bêtise

    Comme il est prouvé que la bêtise contribue au bonheur, les laboratoires pharmaceutiques, qui financent les partis politiques, en ont trouvé la formule chimique et la distribuent dans leurs officines sous forme de pilules remboursées par la sécurité sociale.

  • Hamlet, mon frère

    Il faut toujours ruser avec le diable pour vivre, cela Hamlet l'a bien compris ; c'est-à-dire vivre au-dessus des moyens que la Nature procure.

  • Histoire contre Ethique

    Comme le rappelle Jacques Ellul, le judaïsme introduit l'histoire dans le monde. Pour le meilleur et pour le pire, l'éthique païenne ne se remettra jamais de ce progrès de la conscience humaine.

    Perfectionnement du judaïsme et accomplissement des prophètes juifs, le message évangélique termine l'histoire, en opérant la jonction avec le vrai dieu. Si Marx n'est pas antichrétien ou antijuif, bien qu'il a pu penser l'être au commencement de son mouvement de révolte, c'est parce qu'il combat l'obscénité religieuse, ainsi que Jésus lui-même en a donné l'exemple, obscénité éclatante dans l'idée de civilisation chrétienne. Si Marx est aussi farouchement antirépublicain qu'il s'oppose aux institutions chrétiennes, c'est en raison de son constat, historique, que l'éthique républicaine prolonge la civilisation chrétienne, très loin de rompre avec elle selon sa propagande. On peut effectivement dire l'institution chrétienne la "matrice" des nations occidentales modernes. L'idéologie démocratique est un exemple frappant, puisque la démocratie n'a aucun fondement évangélique, pas plus qu'il n'est possible de l'appuyer sur la loi de Moïse, à cause de cette idée juridique centrale dans la démocratie de "souveraineté populaire". Le gadget de la démocratie n'est que le produit de la métamorphose ou de l'adaptation de l'éthique au cours des derniers siècles. Il emprunte à l'Ancien Régime la notion de souveraineté : rien, encore une fois, au christianisme. La démonstration de Marx que l'évolution économique est le principal facteur de la métamorphose de l'éthique occidentale permet même de situer la démocratie au niveau qui est le sien du "marketing". L'économie détermine l'éthique démocratique, en même temps que les lois de l'économie démentent les idéaux démocratiques. On est en présence du pharisaïsme le plus pur, qui justifient de regarder la démocratie comme un populisme injecté dans le peuple par ses élites dirigeantes. Sur le plan psychologique, la démocratie répond au besoin d'étouffer le progrès de la conscience humaine véhiculé par l'histoire. A la conscience historique, qui réduit l'impact du providentialisme et de l'éthique, l'idéal démocratique s'oppose en restaurant le carcan de l'éthique.

    "Dieu est mort !" signifie dans la bouche de Nitche : les juifs, les chrétiens et les anarchistes ont tué Dieu, celui qui dans la culture antique la plus horizontale permettait de soumettre les foules à une éthique indiscutable, d'origine divine. Nitche n'applaudit pas à la mort de dieu, il la déplore ; on retrouve la même déploration chez un logocrate parent de Nitche, Georges Steiner, sans la franchise d'avouer chez ce dernier l'antichristianisme et l'antijudaïsme, c'est-à-dire la haine de l'histoire. Ce dernier type illustre l'extraordinaire duplicité des castes dirigeantes américaines, qui consiste à masquer leur idéologie négationniste derrière des slogans judéo-chrétiens, c'est-à-dire à provoquer un choc des cultures qui n'a pas lieu d'être : le judaïsme et le christianisme sont ici destinés à militariser la conscience des citoyens des Etats-Unis. Sans ce judéo-christianisme, trucage de la plus basse espèce, la culture américaine perdrait sa vocation mobilisatrice et sa stratégie impérialiste en serait diminuée, faute de pouvoir revenir à l'éthique nitchéenne ou nazie démodées. Même un culte du dollar, non seulement officieux, mais officiel, ne permettrait pas la même mobilisation, à cause du caractère beaucoup trop pratique de ce culte, contre lequel Nitche ou Hitler ont eux-mêmes précédemment été forcés d'ériger leurs morales pures respectives, le premier pour des raisons aristocratiques ou esthétiques, le second au contraire pour des raisons électorales ou démagogiques.

    - La conscience païenne éthique droite, c'est-à-dire non pas gauchie par le besoin d'adaptation aux changements économiques de l'ère moderne, cette conscience incite l'homme à la vertu, et à refléter ainsi le dieu le moins caché de tous : la nature. Le régime de la vertu est aussi celui qui permet le mieux de jouir. L'athéisme moderne tient beaucoup à l'extension du domaine de l'esclavage, et à la frustration qu'elle engendre, dissuasive de rendre un culte à dieu. Dans la conscience païenne gauchie, et comme étriquée, les systèmes d'exploitation de la nature paraissent plus puissants et féconds que la nature elle-même. Dans la foi païenne antique, la nature ne peut trouver dans l'homme un concurrent vraiment sérieux.

    - La conscience historique, elle, non seulement dissuade de la nostalgie de croire le retour de l'ancienne vertu possible (L'histoire ne repasse pas les plats, au contraire de la culture qui ressert toujours les mêmes mets, accommodés différemment), mais elle oriente l'homme vers la révélation d'un dieu caché, dépourvu d'utilité dans ce monde, dont il ne permet pas de satisfaire les besoins temporels. Tout l'intérêt de la poursuite de l'éthique ou de la vertu est pour l'homme, en revanche, sans qu'il y ait aucun progrès véritable à attendre. C'est, du point de vue historique chrétien, par l'espoir de l'amélioration de sa condition, ou la suggestion de celle-ci, que l'homme se coupe du progrès de l'esprit, et verse dans les illusions de la morale pure ou de la religion. Une fois l'homme déçu par la vertu, sur le plan social parce qu'il ne l'a pas vue accomplie, mais le rapport d'asservissement social indéfiniment perpétué, ou bien parce que sur le plan personnel, la jouissance est derrière lui, ou il ne l'a jamais obtenue, l'homme déclare le progrès nul et non avenu, celui-là même qui l'avait toujours déterminé et n'a jamais existé que dans l'inconscient social. L'éthique n'est du point de vue chrétien historique qu'un fruit qui, une fois consommé, laisse sur sa faim.

    - Il n'y a pas de leçon de morale dans la vie de Jésus, mais une leçon d'histoire, en quoi l'apocalypse correspond parfaitement avec la vie du Messie. Les obstacles rencontrés par Jésus au cours de sa vie publique préfigurent tous auxquels l'humanité se heurte au cours de l'histoire moderne, à commencer par la consolidation de la civilisation à tous les étages contre la vérité et la liberté, les mille ruses et objections des tenants de l'éthique afin de faire passer l'individualisme pour ce qu'il n'est pas -un existentialisme ou un narcissisme-, mais le refus de soumettre son esprit au plan social macabre.

     

     

     

  • Matérialisme ou animisme

    Le débat entre matérialisme et animisme est au coeur de la quête spirituelle de La Bruyère, à quoi on peut résumer son oeuvre, plutôt qu'à un enseignement moral. Cela prête d'ailleurs à sourire d'entendre des commentateurs modernes parler du "matérialisme de Nitche", car Dionysos est une divinité qui repose entièrement sur le principe de l'âme et tient peu compte de la matière, d'où le rang inférieur accordé à cette divinité de l'opium et de la religion dans le panthéon des philosophes grecs matérialistes, qui excluent dans leur métaphysique, non pas dieu mais l'âme. Le matérialisme ne va jamais sans une critique des mathématiques et de la musique. On la retrouve chez Marx, le moins "dionysiaque" des penseurs du XIXe siècle, pour qui les mathématiques sont une façon de caractériser les choses par ce qu'elles ont de moins essentiel. Le matérialisme est donc une caractéristique depuis des millénaires, non pas de l'athéisme, mais de l'anarchie et de l'irréligion.

    "L'âme voit la couleur par l'organe de l'oeil, et entend les sons par l'organe de l'oreille ; mais elle peut cesser de voir ou d'entendre, quand ces sens ou ces objets lui manquent, sans que pour cela elle cesse d'être, parce que l'âme n'est point précisément ce qui voit la couleur, ou ce qui entend les sons : elle n'est que ce qui pense.

    Or comment peut-elle cesser d'être telle ? Ce n'est point par le défaut d'organe, puisqu'il est prouvé qu'elle n'est point matière ; ni par le défaut d'objet, tant qu'il y aura un dieu et d'éternelles vérités : elle est donc incorruptible."

    La Bruyère

    - Il n'est pas prouvé que l'âme ou la pensée persiste lorsque l'homme est, plongé dans le noir ou le silence durablement, coupé de ces informations que sont la couleur et le son. Des expériences ont même montré que, privé de ces repères physiques élémentaires, l'homme bascule rapidement dans une folie morbide.

    - Pour La Bruyère, l'âme est un principe passif, c'est-à-dire le réceptacle d'informations. Il assimile la pensée à la réflexion et aux réflexes, dont on peut penser que l'homme n'a pas le privilège exclusif, mais qu'il est partagé par les espèces animales. A tel point que dans l'ordre éthique ou politique, où l'animal est placé sur un piédestal, c'est aussi la réflexion qui est, comme chez La Bruyère, le mode de pensée binaire privilégié. On peut penser que l'ordinateur est un animal-machine, ou une âme, et que lorsqu'on l'éteint, il décède.

    - C'est par un syllogisme que La Bruyère démontre que dieu est une âme, ou un objectif, et on peut comprendre qu'il n'est ainsi que le produit d'une réflexion ou d'un calcul. C'est une caractéristique de la philosophie animiste et non chrétienne, comme le pensait La Bruyère, de faire la preuve de dieu à partir de celle de l'âme ou de la pensée humaine. Dans le christianisme, dieu est impensable par le moyen de la pensée humaine ordinaire ; il est bien plutôt expérimental ou expérimentable. C'est la raison de la grande suspiscion de la part des chrétiens des formulations religieuses hypothétiques ou mathématiques, qui ont pour effet en théologie de démontrer que dieu existe, sous prétexte que l'homme vit. Suivant un raisonnement parallèle, on peut démontrer que, puisque l'homme meurt, ainsi que les civilisations qu'il a construites afin d'affirmer son âme, dieu n'est pas. Nitche déplore d'ailleurs la mort de dieu, en même temps que celle de la civilisation, qui sont effectivement deux notions liées dans les régimes théocratiques. Dieu ne justifie pas l'homme dans le christianisme, mais Satan.

    - Sur le plan historique, on peut remarquer qu'il n'y a entre le dieu du chrétien La Bruyère et celui du déiste Voltaire, qu'une différence d'étiquette.


  • Dialogue avec l'Athéisme

    "L'athéisme n'est point. Les grands, qui en sont les plus soupçonnés, sont trop paresseux pour décider en leur esprit que Dieu n'est pas ; leur indolence va jusqu'à les rendre froids et indifférents sur cet article si capital, comme sur la nature de leur âme, et sur les conséquences d'une vraie religion ; ils ne nient ces choses ni ne les accordent : ils n'y pensent point."

    La Bruyère

    Il est vrai que l'élitisme est une des principales causes de l'athéisme. Pour les hommes d'élite qui ont la foi, Dieu n'est le plus souvent qu'un simple principe, ce qui revient au même que l'athéisme (Pascal : "Dieu est un point." ; Napoléon : "Et l'hypothèse de dieu ?").

    Le pouvoir ou la quête de puissance, à quoi les hommes d'élites sont occupés, est une fuite qui ne leur laisse pas de répit pour des choses moins vaines. Dans le peuple, l'athéisme est souvent lié à l'esclavagisme, c'est-à-dire la contribution du peuple à la gloire des élites (y compris cléricales). L'athéisme est aussi dans "la science sans conscience", c'est-à-dire la technique, assujettie elle aussi à la quête de puissance.

    A la thèse classique (dieu est un principe ordonnateur) succède la prothèse moderne (l'outil technique), car si dieu n'est pas indispensable dans le régime technocratique, celui-ci ne peut pas se passer de la transcendance du pouvoir et de l'éthique. La science technocratique ne recule devant aucun paradoxe pour la fournir, aussi dogmatique que l'est le cinéma. C'est pourquoi il n'y a pas de différence essentielle entre une théocratie et une technocratie. Dès que vous entendez parler d'éthique juive ou d'éthique chrétienne, vous pouvez être sûr d'être en présence d'un de ces bricoleurs sournois de la technocratie moderne, habiles à forger des idoles pour méduser le peuple.

  • Police de la pensée

    "Amour", "vérité", "liberté", "matérialisme", etc. Derrière ces mots qui supportent chacun trente-six définitions différentes, voire opposées, on peut être certain que se cache une signification qui bouleverse l'ordre social établi.

    La police de la pensée commence par faire croire que les mots ont un sens univoque, contenu dans leur définition, pour pouvoir poser comme un théorème que la vérité n'existe pas, mais seul l'objet.

    A cause de la connivence entre les objets et le langage, le capitalisme rétablit la logocratie. Le langage est un objet bien plus dangereux que n'importe quelle arme à feu, outillage de l'exécutant et non du donneur d'ordre.

  • Pornographie et nazisme

    "Même Hitler ne savait pas transformer le sexe en instrument de meurtre de façon dont le fait l'industrie pornographique."

    Catherine McKinnon

    On peut le dire autrement : la démocratie libérale fait appel à l'esclavage volontaire, et s'avère ainsi un mode d'organisation plus efficace que les dictatures militaires, dont la démocratie libérale a su habilement triompher, grâce à une propagande plus subtile.

  • Critique d'Ellul

    L'oeuvre théologique de Jacques Ellul est méconnu en France. Sans doute parce qu'il prive le sacerdoce catholique romain de tout fondement spirituel, confirmant ainsi l'enseignement de Martin Luther, non pas en vain car Ellul étend sa critique aux Eglises réformées, explique qu'elle n'ont pas tardé à se conformer à des méthodes identiques à celles de Rome, sacrifiant ainsi à leur tour le message évangélique sur l'autel de la morale, introduisant des considérations sociales que les paraboles du Sauveur sont faites pour empêcher. Chaque fois que la colère du Christ éclate dans l'Evangile, contre les apôtres ou les pharisiens, c'est pour cette raison : parce que les apôtres ou les pharisiens, par ignorance ou par "chiennerie", selon les paroles du Christ, ne peuvent s'empêcher de mêler à l'esprit des considérations éthiques (nécessairement personnelles). Dieu n'a pas de considération pour la dévotion. Celle pour les fétiches, ou bien celle pour les musées, qui ne font que la répéter. Et c'est bien, dans l'art juif, la dévotion qui est proscrite aussi, parce qu'elle n'est qu'un mouvement naturel de l'homme.

    Les critiques d'Ellul dirigée contre l'islam sont sans doute assez dissuasives pour les musulmans de s'intéresser à sa théologie, qui manque de clarté, d'ailleurs, sur ce point.

    En ce qui me concerne, j'ai d'abord été dégoûté de m'intéresser à Ellul, à cause de ses diatribes contre Karl Marx, qui m'ont paru, et me paraissent encore infondées. Autant dire qu'Ellul n'a pas lu Marx, mais des universitaires communistes, probablement, ceux-là même qui furent chargés d'éradiquer dans la doctrine de Marx sa critique du droit et de l'Etat républicains, et qui expliquent largement la censure en France des études historiques de Marx, tandis qu'un stalinisme démodé y conserver tous ses droits, de même que les slogans moraux éculés du clergé romain.

    Sans doute si les vieux catholiques romains ou les vieux staliniens conservent droit de cité dans la République laïque moderne, c'est en raison du rôle de bouffons ou de repoussoirs auquel ils se plient avec bonne grâce, ou pour la même raison qu'on conserve dans les musées les vieilles peintures du XVIIe siècle, souvent idolâtres comme ce siècle, gifflé par Molière. Probablement aussi parce que l'Eglise romaine fournit des soldats et des aumôniers fort utiles pour l'accomplissement des basses oeuvres de la République, qui chaque fois que le commerce -local ou international- est en jeu, sait fort bien mettre son sacro-saint principe de laïcité entre parenthèses.

    Cependant la "Subversion du christianisme" (1984) est un ouvrage recommandable, non pas globalement, mais au moins dans sa partie où il met clairement à jour la subversion rapide de l'Eglise chrétienne, avant que son éclatement en diverses Eglises nationales ne signale de manière flagrante sa métamorphose en synagogue de Satan.

    "La question que je voudrais esquisser dans ce livre est une de celles qui me troublent le plus profondément. Elle me paraît dans l'état de mes connaissances insoluble et revêt un caractère grave d'étrangeté historique. Elle peut se dire d'une façon très simple : comment se fait-il que le développement de la société chrétienne et de l'Eglise ait donné naissance à une société, à une civilisation, à une culture en tout inverses de ce que nous lisons dans la Bible, de ce qui est le texte indiscutable à la fois de la Torah, des prophètes, de Jésus et de Paul ?" J. Ellul

    J'ajoute ici que l'histoire vient toujours au secours de l'esprit chrétien, tandis que l'éthique se nourrit du négationnisme. Si l'élite républicaine avait la moindre considération pour l'histoire, il y a longtemps qu'elle aurait banni du territoire de la République française les publicitaires.

    - Au cours de son enquête, Ellul aboutit rapidement à la conclusion que la société, la civilisation ou la culture sont nécessairement païens. Jusqu'ici, Ellul ne diffère pas beaucoup de Marx. La diffusion rapide du marxisme dans les classes opprimées par la société bourgeoise totalitaire du XIXe siècle s'explique en partie par le fait que  Marx a privé de fondement chrétien ou humaniste les "valeurs éthiques" dont les classes dominantes se servaient pour méduser le peuple. Marx a montré que l'iniquité sociale et politique, très loin de se situer seulement au niveau de l'oppression physique, tire sa source dans la culture, qu'elle soit chrétienne, nazie, communiste ou républicaine. Ici, Marx relève même que l'éthique républicaine est un opium plus puissant encore que le catholicisme romain, pour la raison qu'il est assez facile, en confrontant la civilisation chrétienne aux évangiles, de constater que celle-là ne peut pas s'appuyer sur ceux-ci ; tandis que le code civil républicain a lui, la faculté de s'adapter aux métamorphoses de la propriété. La légitimité de l'élite républicaine va chercher ses racines dans le marigot insondable de la morale pure : autant dire le fantasme.

    - La mise en cause de l'islam par Ellul est plus contestable. Son hypothèse est celle de l'influence de l'islam sur l'Eglise catholique romaine, au point d'avoir "islamisé" celle-ci. De telle sorte que, par exemple, les croisades seraient décalqués de la guerre sainte selon le Coran (jihad). Outre que cette thèse est incertaine sur le plan historique, bien d'autres motifs encore moins nobles (économiques) étant suggérés par des historiens spécialistes de cette période, il paraît bien difficile d'expliquer à l'aide de l'islam la guerre civile beaucoup plus récente et meurtrière qui a opposé les nations européennes au long du XXe siècle, à moins de prétendre que ces nations ne seraient pas démocrates-chrétiennes mais... musulmanes. En outre, le droit naturel, sur lequel se fondent les juristes musulmans, existait bien avant eux.

    Comme Ellul, je suis convaincu que l'Eglise romaine n'a jamais eu de doctrine théologique propre, mais que cette institution a résisté grâce à sa faculté à s'adapter à tous les courants de pensée nouveaux, extérieurs à elles, que l'attachement au principe culturel en son sein empêchait de naître, la culture opérant comme un masque de beauté mensonger, ou bien le miroir de la reine illégitime dans le conte fameux. Il n'y a pas d'institution qui ne soit menacée à moyen ou court terme, à cause du principe culturel qui l'anime, par le même effet qui a entraîné l'effondrement de l'architecture chrétienne.

    Mais, même s'il était vrai que l'islam a eu sur le christianisme européen l'influence la plus déterminante, cela ne changerait rien. Les chrétiens n'ont jamais été coupé de l'Esprit, ni la responsabilité à chacun d'agir n'a été ôtée, non pas selon la culture du moment, mais selon ce que la parole de Dieu, qui est son Esprit, commande ; et même, dans ce cas, les personnes les plus démunies intellectuellement le peuvent, puisque la charité est le plus court chemin vers l'Esprit. Shakespeare, de la même façon, à exhibé aux yeux de tout le royaume d'Angleterre son iniquité ; qu'importe s'il n'y a qu'un seul Anglais à l'avoir compris.

    Une cause majeure de subversion qu'Ellul semble vouloir occulter, c'est le rôle des élites, pour qui la vérité et la liberté représentent un danger sur le plan culturel, ou social, majeur. Les élites modernes se plient tout au plus, comme l'Eglise romaine autrefois, à la contre-culture, qui n'est qu'un recyclage.

    - Il s'opère chez Ellul, dans "Subversion", un retournement paradoxal, qui m'évoque celui d'un contempteur beaucoup plus ancien de la papauté romaine, à savoir Dante Alighieri. C'est comme si Ellul, après avoir situé l'Eglise chrétienne temporelle au plus bas niveau, celui de la culture, tentait ensuite la réhabilitation de celle-ci, fournissant une multitude d'excuses à son mépris de l'Esprit, parfaitement incohérentes avec son préambule accusateur. Comme Dante, Ellul va chercher dans l'apocalypse chrétienne la confirmation de l'ignominie du pacte passé entre le clergé et le pouvoir temporel, mais pas trop. Il préfère prôner en lieu et place de l'ancienne éthique chrétienne qu'il relègue, une "éthique de la liberté" on ne peut plus vague, et qui ressemble comme une cousine germaine au providentialisme, c'est-à-dire une formulation juridique ou mathématique de la liberté, typique du jansénisme... ou de l'islam. N'importe quel planton de la démocratie-chrétienne libérale "made in usa" pourra se prévaloir d'une telle "éthique de la liberté", bien que la démocratie soit une science-fiction parfaitement étrangère au christianisme. "Il est impossible d'imiter Jésus.", écrit même Ellul, et on croirait ici entendre Nitche.

    - Deux chapitres en outre sont critiquables dans "Subversion du christianisme". Celui où Ellul tente de faire du féminisme un christianisme, ou de l'antiféminisme une doctrine chrétienne erronée (j'y reviendrai ultérieurement) ; et le chapitre où Ellul rend le christianisme responsable du nihilisme de la société moderne.

    Après avoir démontré que le rejet du christianisme par le clergé engendre un socialisme, Ellul affirme qu'il provoque un nihilisme, en insistant sur la condition irrémédiablement pécheresse et macabre de l'homme, si celui-ci demeure privé du secours de l'Esprit. Bien au contraire, le christianisme, à commencer par le catholicisme romain, a ourdi une culture de vie rassurante, c'est-à-dire un confort intellectuel, certainement plus nihiliste du point de vue chrétien que l'anarchisme de Molière ou Shakespeare, qui peignent la société sous le jour le plus défavorable, précisément parce qu'il n'y a rien à en tirer que le vain espoir de bonheur que les élites distribuent aux imbéciles pour les abuser. La société récapitule toute la puissance d'entraînement du péché, et ce n'est certainement pas le rôle du christianisme d'inciter à se soumettre bêtement au dragon. Adam et Eve sont animés par la "culture de vie", et c'est le plus grand nihilisme du point de vue chrétien. 

    - Un oubli, enfin : contrairement à Luther, Ellul ne dit pas grand-chose du mariage, et de la christianisation de cette institution païenne, dont Shakespeare montre qu'elle est un moment fort de la subversion du christianisme. Shakespeare s'en sert pour illustrer, mieux qu'Ellul encore, le résultat catastrophique de la collusion entre le clergé et l'élite aristocratique, afin de doter l'aristocratie d'une légitimité et de brevets de bonne conduite sous la forme de "valeurs chrétiennes" ineptes. Il fait de Roméo et Juliette les grands cocus de la morale pure occidentale.

  • Ethique moderne

    Tandis que l'homme borné est en quête d'identité, les ambitieux cherchent à occuper la position sociale la plus élevée. L'identité facilite le travail des ambitieux, puisqu'il n'y a pas de positions sociales élevées pour tout le monde.

  • La Preuve de Satan

    Plus possédé que Baudelaire croit généralement que Satan n'est, de la part du "prince des poètes", qu'une figure de style. C'est situer Baudelaire au niveau du petit Rimbaud, ou du petit Proust, plagiaires talentueux sans doute, mais simples plagiaires, ressemblant au vin comme l'alcoolique lui ressemble, mais non pas comme le vigneron. Beaucoup de poètes modernes se contentent de faire l'éloge de leur mère, comme si elle était pour eux toute la nature. Baudelaire n'est pas aussi limité dans ses vues.

    Incontestablement, Satan est de tous les stylistes, le plus grand, et si Baudelaire se contentait exclusivement de tirer de ses cordes les plus rassurantes ou les plus effrayantes sonorités, il ne distinguerait pas Satan de Dieu. Il dirait "dieu", tout simplement, comme les poètes dévots.

    On retrouve, de la même façon, dans les questions que Baudelaire se pose à propos de ce qu'il fabrique en tant qu'artiste, tournure d'esprit assez stupéfiante pour notre temps, habitué à agir de façon inconsciente et sur ordonnance, on retrouve l'intelligence de Baudelaire de la double orientation de l'art. Non pas, bien sûr, la culture de vie d'une part, et la culture de mort d'autre part : un médecin ne sera pas assez bête pour les opposer, et la culture de vie thérapeutique de Proust est une sorte de tremblement face à la mort.

    +

    Pour le chrétien, c'est l'impossibilité de concilier éthique et vérité qui prouve Satan. La morale conforte, mais non la vérité.

    Curieusement, parmi les musulmans que je trouve aujourd'hui cette notion la mieux conservée, quand  ceux avec qui j'ai l'occasion de causer me disent : "Tu ne peux pas vouloir la vérité, Lapinos, car ce serait la fin du monde !" Exactement !, depuis le début les chrétiens veulent la fin du monde.

    L'effort des avocats de Satan -pratiquement toujours des hommes d'Eglise- pour faire paraître cette perspective effrayante, passe par la rhétorique de la foi et de la raison. J'ajoute à l'attention de mon pote musulman que, lorsqu'il s'éteindra, ce sera la fin du monde : s'il n'a jamais eu sur le monde qu'un point de vue personnel, le point de vue de l'imbécile ou du géomètre-expert, à travers un prisme, bien sûr le monde prendra fin pour lui, la mort ayant le pouvoir de rappeler à elle toutes les illusions morales et politiques qu'elle engendre.

    Et d'ailleurs, je me dois d'ajouter à mon pote musulman qu'il n'est pas moins mourant que vivant, au moment où nous parlons. Comme il n'est pas riche, ni propriétaire, je ne peux m'empêcher, en outre, de lui demander quel intérêt il peut avoir dans le prolongement théorique du monde ? Les musulmans n'y sont-ils pas le plus généralement opprimés ? Ou, pire encore, léchant le cul de régimes démocrates-chrétiens qui semblent avoir découvert le moyen de pousser l'abjection au-delà des limites atteintes précédemment par le nazisme ? Je crois que mon pote musulman possède un avantage, au plan de la conscience, sur le socialiste lambda : il ne croit pas que la métamorphose de l'animal en homme soit possible ; cette idée heurte sa conscience, et même l'expérience qu'il a des choses de la nature : il est par conséquent beaucoup mieux imperméabilisé contre le truc de la métempsycose ou celui du darwinisme social, dont la propagande démocratique fait un large usage pour méduser le plus grand nombre, pour introduire la culpabilité, la dette de l'homme à l'égard du monde.

    "Si Satan se montre aussi généreux avec l'homme, ajoute un autre pote, c'est parce que Satan a besoin de lui." On trouve la confirmation du rapport amoureux entre l'homme et Satan chez Baudelaire.

    +

    - Beaucoup plus difficile est la preuve de dieu pour un chrétien, tandis que celle de Satan est d'une simplicité biblique, Satan étant présent pratiquement dans chaque hypothèse. Sauf la paix dans le monde, je ne vois rien de plus improbable que le dieu des chrétiens, et on ne peut en vouloir trop aux théologiens chrétiens d'avoir convaincu aussi peu de monde, empêché la ruée vers des Eglises  prêchant un écologisme plus ou moins simplistes.

    Cette difficulté explique, déjà, dans le vieux testament des juifs, l'interdiction de représenter dieu. C'est une précaution scientifique, et non comme on le croit souvent une marque de respect. Ce que vous respectez, vous le craignez, mais ne pouvez l'aimer vraiment. L'effet de cette interdiction, dont je ne crois pas que l'art chrétien occidental s'est beaucoup écarté, empêche de se sacrifier à une vaine idole, de nature éthique ou politique. Même les cathédrales, architectures authentiquement païennes, au symbolisme démoniaque de a à z, que je regrette à titre personnel que l'aviation yankee, dans la foulée de son incompétence militaire, n'a pas entièrement démolies, ces cathédrales ne représentent pas dieu, mais l'espérance païenne, comme les pyramides d'Egypte (concernant Hitler, je serais étonné qu'il n'ait pas eu un faible pour ces cathédrales, étant donné le goût féminin atavique des Allemands pour tout ce qui touche de près ou de loin à l'architecture)

    Le dieu des chrétiens ne se démontre pas, contrairement à toutes les oeuvres d'art pieuses qui prouvent Satan, il s'expérimente. Or l'expérience est une chose pratiquement impossible à communiquer à autrui. Quel artiste chrétien a réussi à communiquer son expérience de dieu dans l'Occident moderne ? Je n'en vois pas deux comme Shakespeare. Bien sûr Shakespeare paraîtra étrange et énigmatique à celui qui part du principe que les cathédrales gothiques sont des édifices chrétiens, mais cela est une autre histoire, celle des imbéciles républicains, dont la sympathie ne manque jamais d'aller aux savants chrétiens les plus superstitieux : Galilée, Descartes, etc.

    Tout au plus l'expérience de dieu, si quelque chrétien parvient à vous la communiquer, peut vous donner envie de la partager. Mais ce n'est ni une preuve, ni une démonstration. De même si l'on vous dit que la science de Newton est vraie, tant que vous n'aurez pas expérimenté vous-même cette vérité, vous resterez au niveau de la religion, et non de la science. Je veux dire par là que la preuve de dieu ou la foi en dieu est une chose démodée pour les chrétiens depuis des millénaires, aussi stupide que l'idée de "culture scientifique" ou de "culture artistique", techniquement au niveau du catéchisme. N'importe qui a un peu d'esprit scientifique reconnaîtra qu'on ne peut pas, ou guère, faire de la science en groupe, mais que la démarche scientifique, contrairement aux soldats qui avancent avec méthode, est une démarche des plus individuelles. D'où l'importance de l'histoire dans le domaine scientifique, que les technocraties ou les théocraties tentent toujours d'empêcher, ou malmènent, imposent (cf. les grossières légendes à propos de Galilée).

    Voici pourquoi Jésus-Christ a retenu la Révélation, et qu'il a dit devant ses apôtres : "Heureux ceux qui croiront sans avoir vu." Parce que chaque homme doit faire lui-même l'expérience du salut, faute de quoi il restera statufié dans ses illusions.

  • L'Inquisition républicaine

    La traduction du théologien musulman Tariq Ramadan devant une commission d'enquête parlementaire française relève de l'inquisition.

    On enjoignit cet expert de démontrer la conformité de l'islam à un ordre public et des valeurs républicaines, dont on voit mal ce qui les distingue du mercantilisme. Pour prendre les valeurs républicaines au sérieux, désormais, il faut prendre au sérieux le premier magistrat de la France lorsqu'il déclare : "Je n'aime pas l'argent !". Il faudrait croire que le meilleur moyen de s'intégrer à la République pour un étranger n'est pas celui-ci : l'enrichissement.

    On peut déplorer que la procédure inquisitoriale à l'encontre de Tariq Ramadan n'a pas été préalable à l'incorporation croissante d'étrangers de confession musulmane dans les rangs de la police et de l'armée, afin de garantir mieux la sécurité des biens, propriétés et valeurs des actionnaires de la République française, à l'intérieur des frontières de la France et dans les colonies, que les valeurs républicaines proscrivent de continuer d'appeler ainsi.


  • Eve et les mathématiques

    Nul ne peut déterminer, et surtout pas le mathématicien, si l'ordre vient du chaos, ou bien si ce n'est pas, au contraire, le chaos qui vient de l'ordre.

    Il semble bien que le juif Moïse, ou qui que soit l'auteur du livre de la Genèse, a voulu renverser la culture de vie égyptienne. L'appat du fruit précipite dans la mort. Le goût d'Eve pour la vie, occulte le revers macabre. Le propos de Moïse est scientifique. Il place les juifs dans la position de se défier du droit naturel, et relègue la science égyptienne au niveau spéculatif de la morale. Francis Bacon Verulam situe justement la fable de la Genèse au niveau de la science, et non de l'éthique ou de la morale. Avec la mythologie juive, l'histoire et la science font irruption dans le monde païen, qui ne connaissait que l'éthique ou le négationnisme de l'histoire, suivant la formule suivante, qui peut passer pour une apologie de la théocratie : "Les peuples heureux n'ont pas d'histoire". En effet, la structure solide de l'Egypte antique repose sur les mathématiques ou la science-fiction, de même que la science-fiction de la démocratie fonde les technocraties occidentales modernes.

    D'ailleurs la double subversion du judaïsme et du christianisme, sur laquelle les chiens démocrates-chrétiens occidentaux s'appuient, est un négationnisme de l'histoire. L'amalgame de la loi de Moïse et de l'universalisme de Jésus et de ses apôtres a pour but ou effet de priver l'ancien comme le nouveau testament de leur signification historique et scientifique, instituant à la place et en son nom, un système de rapport éthique, autrement dit : un commerce d'offrandes dévotes en plein milieu du temple. L'effort de Karl Marx pour opposer l'histoire au totalitarisme judéo-chrétien est exactement celui de Moïse. Pas plus que Moïse ne fonde une éthique ou une identité juive, Marx n'a fondé une éthique ou une identité prolétarienne, de nature à servir à la science-fiction démocratique républicaine ou libérale. Marx est conscient comme Moïse que la liberté s'oppose à l'éthique, l'histoire au slogan de la guerre pour de justes motifs.

    La culture de vie ou l'inconscience d'Eve est caractéristique du mouvement institutionnel des personnes morales et des nations. Du point de vue historique ou scientifique, la responsabilité politique est un vain mot, précisément à cause de l'inconscience qui accompagne nécessairement la culture de vie institutionnelle. Comme dans l'Occident moderne, l'Eglise romaine est la matrice de toutes les institutions et nations, c'est elle qui incarne le mieux Eve, ou Pandore et son vase, dans la fable grecque imitée de la juive.

  • Dialogue avec l'Antéchrist

    Le Païen : - Le christianisme a tout gâché, il a volé notre bonheur !

    Le Chrétien : - Il n'y a pas moyen de faire prendre la sauce sociale à l'aide du christianisme, c'est juste. Mais n'est-ce pas plutôt le labeur et le commerce qui ont tout gâché ? Or labeur et commerce n'ont aucun sens dans le christianisme.

    Le Païen : - Le capitalisme a surgi dans l'Occident chrétien. Démocrite dit que les riches sont des imbéciles, parce qu'ils sont éternellement insatisfaits, et que l'homme, dès qu'il est moins bête, se satisfait mieux de peu.

    Le Chrétien : - Démocrite a raison, le moyen d'être heureux devrait être le minimum que la philosophie procure aux hommes, et les philosophes païens qui n'en donnent pas la recette devraient être reversés dans les services de la voirie. Cela dit, le christianisme ne justifie ni l'argent, ni le commerce, ni le labeur. Comment le pourrait-il, puisque le christianisme ne justifie même pas l'homme ?

    Le Païen : - L'Occident chrétien capitaliste ne savait donc pas lire ? Si ce que tu dis est vrai, et écrit.

    Le Chrétien : - Il faut croire en effet qu'il ne savait lire que les livres de médecine qui contribuent au bonheur. Maintenant, fais-moi une faveur, veux-tu ?

    Le Païen : - Laquelle ?

    Le Chrétien : - Cesse d'appeler "chrétiens" les peuples qui se cantonnent aux ouvrages de psychologie rassurants. Le christianisme concerne l'individualité, il n'est pas fait pour les peuples.

    Le Païen : - L'individu ? Peux-tu me rappeler, s'il-te-plaît, ce qu'est un individu ?

     

  • Feu le Bonheur

    - La quête du bonheur est la première cause, chez l'homme, de s'opposer à la vérité. Au bonheur, la vérité ne sert.

    - Les doctrines sociales visent le bonheur, mais aucune architecture sociale, si elle ne ménage une place à la douleur et au sacrifice, ne tient.

    - Les jouisseurs un peu mieux avisés que les autres observent qu'il n'y a pas de plaisir sans souffrance, et que, plus on court après le bonheur, plus il se dérobe, et moins on a de chance de le connaître.

    - Jamais il n'y a eu autant de doctrines sociales que dans le monde moderne, dont la précipitation suffit à indiquer la peine à jouir. L'existentialisme moderne est comparable à l'onanisme... dans le meilleur des cas.

  • Choc des cultures

    L'importance de la propagande, et donc des médias, dans la guerre moderne, est admise par tout le monde. D'une façon générale, depuis la nuit des temps, la culture est essentiellement militaire, faite pour mobiliser. Du point de vue culturel, la guerre est un événement majeur, et sans doute l'activité la plus féconde.

    C'est le sens de l'expression : "Quand j'entends le mot culture, je sors mon revolver."

    Un mouvement culturel ET pacifiste ne peut exister que sous la forme d'une poignée d'imbéciles manipulés. Homère peignait déjà les guerriers les moins subtils comme des hommes pétris de culture, et Shakespeare n'a pas eu à forcer beaucoup le trait pour faire du grand Ajax un crétin "hors pair".

    La culture moderne répond à un phénomène moderne : tandis que les guerres du passé se passaient assez largement d'un prétexte, ou se contentaient de déclarer les symboles de la propriété "sacrés", "divins", etc., la culture moderne passe par de très nombreuses figures de style pour en arriver au même point. Le bouquin dans lequel S. Hutington met en avant cette idée redondante et pour ainsi dire primitive de "choc des cultures" est un véritable traité juridique de haine. L'homme moderne ne sait plus haïr/aimer simplement. De là l'impression que la culture moderne est fabriquée par des Lilliputiens.

  • Le Siècle des Dévôts

    J'indique souvent Malraux comme le sommet de l'imbécillité en matière d'art. On peut facilement démontrer -d'autres que moi l'ont fait-, qu'il n'y a que la rhétorique et le sophisme qui intéressent vraiment Malraux. Quel genre d'artiste, je vous le demande, peut accepter un ministère du Culte, et consentir ainsi à aligner l'art sur la fonction publique ?

    Malraux est emblématique du jugement sans appel porté par Bernanos sur les factions qui ont pris le pouvoir à la Libération, et qui ont imposé l'idée de "modernité" dans le pays le moins prédisposé à accepter cette idéologie, constitutive du négationnisme de l'histoire.

    La haine du clergé à l'égard de l'art réaliste, et sa passion parallèle pour le cinéma en revanche, s'explique simplement par le fait que l'effort vers le réalisme, en art, a pour effet de dissoudre la propagande et la foi commune dans quelque paradis artificiel. Les historiens d'art qui s'attachent au style pour écrire l'histoire de l'art s'obligent à écrire l'histoire de la propagande et non de l'art ; il faut les requalifier en esthéticiens. Leur science se moque de l'ouvrage des artistes qui entendent au contraire se soustraire au style, à commencer par Shakespeare, le moins stylé ou dévot de tous les auteurs, pour qui la fiction a une odeur de merde.

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    Chaque changement de régime politique coïncide en art avec un retour au réalisme, et la modernité avec la folie, latente, dans l'uniformité. Cela ne veut pas dire que l'artiste réaliste souhaite nécessairement le changement de régime, puisque la foi dans le changement révolutionnaire, à elle seule, indique le manque de réalisme ; mais l'art réaliste a pour effet de soulever les jupes de la religion et de dévoiler ainsi ses varices, la privant ainsi de son principal argument : la séduction.

    L'éloge de la folie dans l'art -Nitche, par exemple- trahit le ministre du culte, si ce n'est le gauleiter, dont l'effort est pour couper le peuple de l'émancipation permise par l'art, jusqu'à faire de la gastronomie, comme c'est le cas aujourd'hui, un art premier.

    Statutairement, c'est-à-dire sur le plan de la fonction publique quand ils acceptent de s'y soumettre, les artistes se retrouvent désormais dans la position d'envier les grands pâtissiers de ce monde. On peut prendre la pratique contemporaine de l'entartage de courtisans comme l'un des derniers et rares manifestes d'art populaire, et observer combien le carnaval, aujourd'hui, est encadré, dès lors qu'il ne cible plus des idoles démodées. En décrétant le peuple souverain afin de le flatter, les Républiques bourgeoises ont sapé le carnaval pour lui substituer de grandes messes sportives, ce qui revient à priver la démagogie de limites et à encourager les pulsions criminelles dans le peuple. On peut donc poser l'équation du ministère du Culte et du populisme.

    Je sursaute en lisant la prose d'un type soi-disant anarchiste ; celui-ci s'interroge s'il n'y aurait pas un retour du phénomène religieux dans la société française en ce moment ? Un retour !? La réalité est qu'en lieu et place de la neutralité religieuse républicaine, c'est la méconnaissance du principe qui anime les religions qui a été inculquée. Les exemples de dévotion et d'attachement au ritualisme de la société abondent. A commencer, je le répète, par l'argument de la modernité sans cesse répété, qui ne fait qu'exprimer un sentiment religieux.

    A commencer par la musique, synonyme de religion, qui a désormais tous les droits. Et l'imagerie pieuse, c'est-à-dire les clichés ? Ils n'ont jamais été aussi envahissants. Qui ne possède un appareil photographique, lui permettant de se fabriquer ainsi autant d'images pour conforter son narcissime, quand le soupçon lui vient que son existence pourrait bien être parfaitement vaine ?

    Tous les gadgets technologiques activent une fonction religieuse essentielle, et sans laquelle il n'y a pratiquement pas de religion possible : la croyance dans une âme séparée du corps. Sondez l'âme d'un tueur en série ou d'un soldat, et vous y retrouverez cette dichotomie. Un charlatan moderne, qui se fait passer pour un "mage" auprès de ses fidèles, énonce à juste titre que le paradis est au coeur de l'inconscient. Ce qu'il oublie de dire, c'est que cet inconscient est entièrement hypothétique, d'une part, et d'autre part qu'il reflète chez ceux qui s'y soumettent une pulsion religieuse dans laquelle on reconnaît aisément l'effet secondaire de la technocratie. Un mécanicien ou un juriste sera le plus persuadé de l'autonomie de l'âme, puisqu'il fabrique des machineries ou des systèmes sur ce modèle.

    A ce niveau d'aliénation consentie, il est possible d'admettre les robots dans le genre humain. A ce niveau, le mage ou le programmateur a tout pouvoir de manipulation. C'est ce qui rend d'ailleurs les hommes plus réticents à la psychanalyse que les femmes : ceux-ci ont une meilleure conscience du caractère de viol, rituel dans le meilleur des cas, que l'intrusion du psychanalyste dans l'âme du patient constitue. On peut dire que la patiente du psychanalyste a raté ses noces avec la vie, et que le médecin de l'âme, s'il est honnête et efficace, lui permettra de faire de nouvelles épousailles.

    On se situe là encore, bien sûr, sur un terrain religieux. La raison qu'ont les hommes d'être réticents au mariage comme à la psychanalyse est même historique : à l'origine, le mariage n'est pas conçu principalement pour eux. L'Eglise catholique romaine est sans contestation possible l'institution qui a le plus oeuvré en faveur du féminisme, en "christianisant" cette institution païenne, ce qui a eu pour effet de soumettre les hommes à un principe auquel ils n'étaient pas soumis auparavant, dans la religion païenne. Achille, qui incarne chez Homère une religion existentialiste démodée selon cet historien, a le choix entre le mariage et le bonheur d'une part, ou la guerre et la gloire de l'autre ; sans hésiter il choisit la seconde alternative, qui lui permet de s'accomplir en tant qu'homme.

    L'idée que les femmes sont plus pures et chastes que les hommes, contredisant parfaitement la mentalité païenne voire juive, qui identifie les femmes au sexe, cette idée est le produit de l'idéologie catholique romaine, dans la continuité de laquelle s'inscrit l'éthique républicaine. Bien sûr il n'est plus question de vanter la chasteté des femmes, suivant la littérature cléricale la plus médiocre, mais plutôt l'indépendance sexuelle de la femme, aussi hypothétique que la chasteté féminine dans un monde régi par l'argent : ce changement ne tient qu'à des raisons économiques, et au fait qu'on ne capture pas les mouches avec du vinaigre.

    Enfin, à ceux qui ne sont pas convaincus par mon propos de la mise entre parenthèses de l'histoire au cours du XXe siècle (forcément provisoire), tous régimes politiques confondus, et l'aliénation religieuse que ce phénomène implique, j'aime bien en faire "la preuve par Cabu". En effet, je tiens ce caricaturiste pour le plus éloigné de la fabrique d'images pieuses, dites encore d'Epinal, à quoi l'art moderne s'applique au contraire, avec un scrupule religieux qui force parfois le rire, puisque Louis XIV en personne l'aurait trouvé beaucoup trop conventionnel pour l'agréer. Bien qu'abstraits et faits pour méduser le peuple, les jardins de Lenôtre sont une coupure moins grande entre la culture populaire et celle de l'élite que les colonnades tronquées de Buren.

    Bref, Cabu, tout en faisant une part bien moins grande à la religion et aux conventions, ne semble pas voir l'obscénité religieuse des valeurs républicaines qui l'environnent, un peu comme s'il ôtait ses oeillères pour dessiner, et faisait l'âne tout le reste du temps. Pire, il participe aux attaques contre l'islam, dont le principal objectif n'est pas d'attaquer l'islam, selon moi, mais d'affirmer la liberté d'expression, de la poser comme un dogme. Alors même qu'il est difficile de faire de la religion musulmane en France, autre chose qu'une contre-culture. Le besoin d'une contre-culture se fait sentir dans les jeunes générations, dès lors que le culte dominant ne donne plus satisfaction, c'est-à-dire qu'il ne joue plus son rôle rassurant. Comment peut-on faire passer les caricatures danoises de Mahomet pour une double manifestation de la liberté d'expression et de la critique religieuse ? La tactique ressemble à s'y méprendre à celle qui consiste pour les Etats-Unis à ménager la possibilité d'un "choc des cultures", manière moderne de prêcher la croisade, sous le couvert de l'étude sociologique. Il n'y a pas que la guerre qu'on prépare sous couvert de la paix, mais aussi la mobilisation générale, à quoi sert la culture.

    Si l'on veut comprendre pourquoi il n'y a pas de blasphème dans le christianisme, à tel point que Jésus et les apôtres sont traqués comme des blasphémateurs, la réponse est simple : il n'y a pas de culture chrétienne possible. Autrement dit le christianisme, contrairement à la plupart des religions ou des cultures, ne justifie pas le chrétien. Comme Job se plaignait à son dieu qu'il se montrait bien peu secourable et coopératif, comparé à d'autres dieux païens (sur le modèle desquels la Marianne du culte républicain est copiée), les chrétiens pourraient interroger leur dieu afin de savoir pourquoi il se manifeste aussi peu, par comparaison à la puissance nucléaire ou la sécurité sociale de tel ou tel Etat gigantesque, si la réponse n'était pas écrite noir sur blanc dans le nouveau testament, d'une manière qu'on peut résumer ainsi : ce qui nous rassure finit toujours par nous tuer.

    L'invincibilité de la religion et celle de la mort sont identiques. Défier la mort ou la religion revient au même. Le calme, le luxe et la volupté que promet la culture, n'ont jamais régné que dans les cimetières.

    Si le serpent figure la culture de vie païenne dans la Genèse, c'est-à-dire la religion, comme certains peintres de la Renaissance l'ont bien compris, c'est bien sûr qu'il ne peut pas exalter autre chose que l'éthique ou la vertu, principes les mieux faits pour éprouver la jouissance. Montrer le revers de la médaille (la rançon de la chute), aurait dissuadé Adam et Eve de se frotter à l'épreuve de l'incarnation. Quel médecin avouera à son patient qu'il ne fait que retarder le moment de sa mort, pour la raison la plus religieuse possible, c'est-à-dire parfaitement obscure.

    Si Samuel Johnson attribue l'invention du libéralisme au diable, c'est précisément parce que le libéralisme, sur le plan psychologique, inculque la culture de vie comme jamais auparavant aucune religion ne l'avait fait, persuadant ceux qui le subissent qu'ils sont déterminés par la vie, quand c'est dans un puissant mouvement macabre que l'économie libérale trouve son impulsion. Le libéralisme est con comme un toubib. Si le libéralisme a triomphé du nazisme et de l'empire soviétique, c'est pour la raison qu'il est un socialisme plus puissant, qui dissimule mieux les devoirs qu'il impose en échange des droits qu'il accorde. Mais Satan n'en demeure pas moins maître de ce genre de pacte.

  • Homosexualité

    Pour les femmes, tous les hommes sont homosexuels : ou bien par affinité d'esprit avec elles, ou bien parce qu'ils refusent de coucher avec.

    Le comble de l'homosexualité, c'est pour un homme féministe de coucher avec une femme. Le pire c'est que les femmes trouvent en général ce type d'hommes trop conventionnels, et les traitent comme des objets.

    C'est sans doute une grande part de plaisir que les femmes ont perdu quand les combats à mort pour départager deux galants ont cessé. Qu'elle a dû jouir, Hélène de Troie, à côté de cette pauvre idiote d'Ophélie qui, décidément, avait des raisonnements de nonne.