Homère est-il un tragédien juif comme je le soutiens ? Homère et Shakespeare ne partagent-ils pas à travers les siècles la volonté de faire voler en éclats la culture, c'est-à-dire l'athéisme ?
Le savant chrétien Francis Bacon a bien conscience, ainsi qu'il l'explique dans ses "Essais", que parler d'athéisme à propos de l'antiquité est un anachronisme.
Nous voulons parler ici d'athéisme au sens du "cléricalisme", c'est-à-dire la captation du "phénomène divin" par tel ou tel clergé, assortie de la définition de dieu par ce clergé, afin de servir les intérêts d'une élite politique. L'histoire des hommes est émaillée de tels complots. Le complot des juifs pharisiens est sans doute le plus connu. Mais le "Hamlet" de Shakespeare est fait pour rappeler l'épisode du prophète Daniel et du complot déjoué des prêtres babyloniens.
On peut comprendre ce conflit en termes profanes, puisqu'il oppose de la même façon la technologie et la science. En effet, il est fait état dans les deux cas d'une même prétention scientifique -les régimes technocratiques modernes en ont même fait le "nec plus ultra" de la conscience humaine-, mais la réalité de l'histoire des sciences est celle d'un conflit entre la science technique et les savants.
L'hostilité de Platon à Homère est donc la première piste. Derrière l'accusation typiquement cléricale d'impiété visant Homère et les mythes homériques, y a-t-il de la part de Platon une volonté plus profonde de défendre le culte égyptien antagoniste de la religion de Moïse, c'est-à-dire cette philosophie naturelle à laquelle est associé par les prophètes chrétiens le nombre de la bête 666. La foi juive de Homère pourrait expliquer sa relative impiété vis-à-vis des figures du zodiaque. Il convient de parler d'impiété relative, car "L'Iliade" n'est pas un pamphlet. On peut penser que le récit de "L'Iliade" vise plutôt le dévoilement complet d'un culte, partiellement occulté par le clergé chargé de sa diffusion. Ainsi le lecteur en sait plus long en lisant "L'Iliade" que le héros Achille du fait de son initiation. Le destin de Troie est celui de l'homme civilisé, ou qui se croit tel, béni des dieux mais non du dieu de Moïse.
Au plan civil, Platon juge Homère indécent : mais précisément la religion de Moïse et le christianisme ne tiennent pas compte du plan civil, qu'ils décrivent comme une impasse.
De même, du point de vue de Shakespeare, la culture est l'instrument principal du négationnisme de l'histoire, et donc du salut.
On peut voir dans la constance des clercs et philosophes platoniciens à travers les âges à vilipender Homère, une preuve supplémentaire de la profondeur de cet antagonisme ; y compris lorsque ce culte platonicien/pythagoricien opère sous couvert du christianisme, comme c'est le cas en ce qui concerne Dante Alighieri, étrangement guidé par un prêtre du culte romain ennemi à travers le paradis, le purgatoire et l'enfer, et théoricien d'un culte impossible, analogue au culte mahométan.