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Mon Journal de guerre - Page 34

  • Contre Nabe

    D'abord, une précision : contrairement à Soral, Dieudonné ou Nabe, j'écris sous couvert d'anonymat. C'est une façon de procéder parfois stigmatisée pour sa lâcheté. Lorsque l'accusation vient du chef de l'Etat lui-même, plus entouré de gardes du corps qu'aucun souverain d'ancien régime ne fut, et entretenant des services de renseignement intérieurs coûteux - cette accusation prête à sourire. Le président de la République s'en est pris ainsi dernièrement à ceux qui, sur internet, menacent l'orchestration de l'opinion publique par quelques éditorialistes.

    Si les gangsters procédaient à visage découvert et envoyaient leurs portraits à la police, on se moquerait d'eux ; il en va de même pour la police de la pensée et ses opposants.

    Je déplore depuis longtemps l'attitude de M.-E. Nabe qui consiste à accepter les invitations à se produire à la télévision ; elles ont pour but de démontrer que la télévision est garante de la liberté d'expression, et que la dissidence n'a pas lieu d'être. Telles ces gazettes impertinentes, dont l'impertinence se limite à l'exhibition sexuelle carnavalesque, ou la dénonciation de tribunaux d'inquisition qui ne siègent pas en France.

    M.-E. Nabe s'attaque donc à Dieudonné et Soral, leur reprochant d'attiser le conspirationnisme ou le complotisme. C'est plutôt étonnant de la part d'un qui se dit chrétien, dans la mesure où l'aspiration à la vérité, par-delà les limites tyranniques ou légales assignées à cette aspiration, est typiquement chrétienne ou juive. Autrement dit, la loi n'explique rien pour un chrétien -elle ne débrouille pas la condition humaine-, par conséquent l'aspiration à la connaissance, contre sa nécessaire limitation par des raisons politiques, est une impulsion chrétienne. Aucun politicien, s'il a deux grammes d'honnêteté (et par conséquent ne procède sous des couleurs chrétiennes), ne prônera la transparence la plus complète, sachant qu'elle aurait pour effet la dissolution de l'ordre politique.

    A cause de ce mélange impossible de politique et de christianisme, l'Occident est une civilisation maudite. Maudite par qui ? Maudite par le conspirationniste Shakespeare.

    D'ailleurs M.-E. Nabe se dit lui-même le suiveur de L.-F. Céline ; or il a été donné à Céline, à cause de la guerre et comme ses victimes juives ultérieures, d'apercevoir l'Occident tel qu'il est, sans ses habits de lumière humaniste.

    Donc le complot n'est pas seulement dans la bouche de Soral et Dieudonné, il est partout, et ce depuis des millénaires.

    Et ceux qui corroborent le plus la thèse du complot avancée par Soral et Dieudonné, ce sont ceux qui les empêchent de se défendre dans la presse et la télévision, et produisent des tirs d'artilleries médiatiques propres à ébranler les convictions les mieux ancrées dans la garantie de la liberté par l'Etat républicain et les représentants de la force publique. Aussi stalinienne soient la France et ses intellectuels, la méthode du procès en l'absence des principaux accusés risque d'apparaître vite comme suspecte à tous les actionnaires minoritaires du régime.

  • Histoire et totalitarisme

    Du point de vue historique, modernité et totalitarisme sont synonymes. Je veux dire par là, si l'on considère Shakespeare et Karl Marx comme les historiens les plus lucides des temps modernes.

    Le point de vue moderne est un point de vue intellectuel ; il n'est assumé que par une catégorie d'hommes qui se définissent eux-mêmes comme des "intellectuels", en se gardant d'ailleurs de préciser ce qu'ils entendent par "l'intelligence". Le paysan rend un culte à la nature ; l'intellectuel, lui, rend un culte à ses parents, ce qui constitue une religion de plus courte vue.

    Certainement Marx, et moins encore Shakespeare, ne sont des intellectuels : ils s'efforcent en effet de réduire au maximum le degré d'abstraction de la pensée, non de s'abriter derrière des mots ou des idées.

    George Orwell souligne utilement la stupidité excessive des intellectuels en comparaison des gens ordinaires, et la tolérance desdits intellectuels vis-à-vis du totalitarisme. Cela suppose que la privation de liberté due au totalitarisme, les intellectuels ne la sentent pas ou ne l'éprouvent pas. De quoi le totalitarisme prive-t-il surtout ? De science.

    J.-P. Sartre a voulu marquer "l'engagement" comme un progrès de la philosophie moderne sur l'ancienne ; mais cet engagement marque en réalité un progrès de l'intellectualisme.

    Orwell est athée, plus que Marx dont le propos est émaillé de références bibliques, et il est certain que Orwell associe l'intellectualisme à la morale judéo-chrétienne. Il n'a pas tort, dans la mesure où transformer un message évangélique anarchiste en doctrine sociale requiert des trésors de rhétorique. La conversion tardive de Sartre au "judéo-christianisme" n'est qu'un retour au bercail ; en réalité l'intellectualisme moderne est issu de la scolastique médiévale.

    Un autre point de vue critique sur la modernité, c'est celui de l'art, dont on peut prendre Nitche pour le représentant, sans se fier à son propos historique, qui pose en principe que l'histoire n'est qu'une illusion psychologique. Aux yeux du païen ou de l'antéchrist Nitche, la modernité n'est pas un totalitarisme, mais il la qualifie de "culture de mort". Il n'a d'ailleurs pas tort d'associer la méfiance de la modernité au peuple français, et d'en faire ainsi le peuple le plus réactionnaire d'Europe.

    Pour l'historien Shakespeare, le totalitarisme a une signification historique ; pour Karl Marx, il exige une explication autre que celle mise à la disposition des intellectuels et des élites dirigeantes par Hegel. Pour un négationniste du sens de l'histoire païen comme Nitche, la culture de mort est liée à la foi chrétienne absurde dans l'histoire et la fin du monde.

    Ce qui fait le danger extrême de l'intellectualisme et des intellectuels, c'est que leur puissance est excessivement grande, comparable à l'impact de la culture de masse, dont ils sont les principaux actionnaires et promoteurs, et l'uniformisation ou l'égalisation des consciences qu'elle entraîne à l'échelle mondiale, en même temps que la fragilité de ce pouvoir, parfaitement abstrait et le plus relatif, derrière l'apparence d'une cohésion sociale.

  • Fatalités

    L'antienne libertaire conserve son charme, bien que l'homme moderne fasse montre d'une soumission de plus en plus évidente et inquiétante à l'ordre établi ; "inquiétante" si on a le souci de l'humanité ou de la société, plus que de dieu, qui indique, lui, à ses fidèles, de ne jamais avoir peur, en aucune circonstance, même la plus terrible, par l'intermédiaire du Christ Jésus.

    Un chrétien ne combat la fatalité que là où il peut la vaincre ; c'est pourquoi il n'est pas d'exemple d'authentiques chrétiens impliqués dans la politique, en raison des avertissements du Messie de ne pas s'avancer sur ce terrain miné par la fatalité.

    L'antienne libertaire conserve surtout son charme auprès des femmes et des intellectuels, dans la mesure où ceux-ci sont mieux adaptés au monde moderne. La virilité est d'ailleurs souvent stigmatisée comme étant une tare au regard des idéaux modernes, tandis que la suspicion de la culture moderne est pratiquement toujours liée à une forme ou une autre de misogynie. La culture française est particulièrement résistante à l'idée de progrès social, c'est-à-dire moral ou religieux.

    A l'idéal artistique viril et antique, acceptant la fatalité, s'oppose donc un idéal libertaire féminin qui prétend repousser les limites que la fatalité assigne à l'humanité. C'est, ainsi, la fameuse devise de Simone de Beauvoir : "On ne naît pas femme, on le devient." Il n'est pas difficile de reconnaître ici une version, laïcisée, du catéchisme chrétien, où l'anthropologie a pris toute la place, et la confiance en l'homme remplacé la confiance en dieu. C'est aussi l'objectif le plus abstrait, à l'arrière-plan de la culture moderne, bien que ces deux tendances de la culture occidentale ne sont pas toujours représentées de façon aussi nette qu'elles sont par Simone de Beauvoir d'une part, et Nitche de l'autre, tenant d'un pur conservatisme aux antipodes de l'idéal moderne hégélien de celle-ci.

    La liberté, au stade moderne, subsiste donc sur la plan social à l'état de concept pur, parfaitement abstrait et défendu par les autorités religieuses avec des moyens similaires à ceux employés naguère par l'Eglise pour défendre ses dogmes, où la propagande et la culture de masse jouent un rôle indispensable. Cet objectif énoncé en termes de liberté a donc un but et effet coercitif inconciliable avec la liberté, pratiquement aussi absurde que le slogan "il est interdit d'interdire", où le relativisme en matière de liberté éclate, de façon absurde ou comique, suivant que l'on prend le slogan au sérieux ou comme l'expression de l'appétit de plaisir de l'élite libérale judéo-chrétienne.

    Le christianisme, extérieur au mouvement culturel, n'y est représenté que sous l'apparence subversive de l'éthique "judéo-chrétienne" ; subversive et extrêmement dangereuse, comme toutes les illusions et le point brillant de l'Avenir vers lequel se dirigent le léviathan moderne.

  • Liberté...

    quand tu nous tiens.

    Transposée en paroles ou gravée par l'homme dans le marbre, la liberté n'est pas seulement une théorie éloignée de nous, c'est aussi la conception la plus truquée de la liberté, qui fait de celle-ci un motif d'aliénation.

    Le mot "liberté" ne devrait pas figurer dans les dictionnaires, puisque la rhétorique et les intellectuels ne sont pour rien dans la liberté.

    Un esprit réactionnaire, tel Nitche ou Montherlant, est moins dangereux pour l'homme par son signalement que l'art exclut la liberté que ne sont les rhéteurs sournois qui conduisent les sociétés à leur perte en leur faisant miroiter la liberté.

  • Affaire Dieudonné

    L'argent met tout le monde d'accord. Quand il y en a moins, les gens sont moins d'accord.

    La révolution française est une crise fiscale d'abord, puis seulement une crise morale. Sans argent, il est plus difficile à une élite d'endormir les consciences.

    Même "athée" ou "laïque", l'éthique des nations occidentales demeure bizarrement "judéo-chrétienne", aussi éloigné soit le message évangélique de prôner une morale utile aux nations.

    On reconnaît le caractère "judéo-chrétien" de l'éthique contemporaine à plusieurs éléments, dont en l'occurrence, dans l'affaire de l'humoriste Dieudonné, l'utilisation des victimes juives de la shoah à des fins d'intimidation morale, décalque de l'utilisation du christ Jésus sur la croix, élément central de la morale puritaine chrétienne (subversif du sens de la parole divine), prêtant un sens salutaire à la souffrance, qu'elle n'a pas en réalité dans le christianisme, religion la moins sacrificielle de tous les temps.

    On est donc en présence d'une éthique occidentale, dont la formule est "judéo-chrétienne", bien qu'elle s'impose aussi aux athées, voire aux nations sous domination occidentale - néanmoins cette éthique n'a rien d'évangélique, c'est une pure invention équivalente du purgatoire.

    En outre, le principe de la liberté d'expression, qui plus est défendue par l'Etat, aurait bien fait rire les philosophes païens, qui l'auraient sans doute trouvée une ruse un peu grossière. Là encore on reconnaît une stigmate "judéo-chrétienne", et l'éthique judéo-chrétienne est un élément du totalitarisme, c'est-à-dire d'une tyrannie qui repose largement sur la complexité et des apparences trompeuses. "L'inconscient" est, pratiquement, une tare moderne (d'ailleurs au cours de son enquête à vocation scientifique, Carl Jung fait une découvert qui le déstabilise un peu, et qui a trait au rapport étroit entre l'alchimie médiévale et la psychanalyse moderne).

    Le journaliste catholique Léon Bloy (accusé récemment lui aussi d'antisémitisme à travers un de ses ouvrages réédité par Alain Soral) affirmait qu'un journaliste chrétien doit s'efforcer autant que possible de mettre chaque sujet d'actualité en relation avec l'apocalypse, ou s'abstenir d'écrire.

    Il y a là sans doute de quoi faire bien rire un athée comme Dieudonné ; cependant, l'apocalypse, on la retrouve dans l'actualité, sous la forme d'éléments de justification du pacte entre la nation israélienne et la nation américaine auprès d'une quantité de citoyens américains non négligeables.

    Un juif authentique - non un médecin juif -, connaît d'ailleurs mieux que Dieudonné l'arbre de la connaissance du bien et du mal, qui se cache dedans, et ce qu'il signifie.

  • Jihad chrétien

    "Je ne suis pas venu apporter la paix au monde, mais le glaive." Jésus-Christ

    Cette parole d'amour guerrier, incompréhensible du point de vue mondain, mobilise l'antéchrist contre lui.

    Il ne s'agit pas ici de terrorisme, c'est-à-dire de la méthode en usage au sein des nations, afin d'inciter au respect de l'ordre public et persuader l'opinion que l'Etat est le meilleur garant de la paix.

    Il ne s'agit pas de terrorisme, mais de science et de la révélation que les civilisations sont cimentées par la peur, d'où découlent les comportements bestiaux et la haine entre les hommes, qui permet à Satan de régner sur eux.

    La fin du monde ne se fera pas sans livrer bataille, dit le Messie, ni briser la chaîne de l'ordre humain, qui relie le monde à Satan. La paix, que l'homme est plus prompt à théoriser qu'à accomplir, n'est que le repos du guerrier aux yeux des chrétiens, où celui-ci puise de nouvelles forces pour retourner à la guerre, afin d'étancher sa soif de sang.

    La meilleure preuve est que les antichrists les plus "évidents" - Napoléon, Nitche, Hitler... - mettent systématiquement en avant, comme le but ultime de leur entreprise, la paix, européenne, voire mondiale, prenant ainsi le contre-pied de la guerre sainte chrétien. C'est notablement sur la scène internationale, où la diplomatie requiert les plus grands et machiavéliques mensonges, que le motif de paix est le plus fréquemment mis en avant.

    - Cette parole du Messie est encore mal comprise à cause de l'incompréhension par le plus grand nombre de la signification de l'amour chrétien, qui du point de vue évangélique est une force extérieure au monde, impossible à décrire dans le langage humain. En raison de la trahison de nombreux clercs platoniciens, le béotien se figure l'amour chrétien comme un idéal et non une force divine, théorie que les savants rationalistes n'ont pas de peine à réduire à une vaine spéculation, et l'amour n'existe plus ainsi que comme une faiblesse ou un défaut de l'âme humaine.

    Aussitôt après cette annonce du défi du Christ lancé à l'ordre humain, celui-là s'empresse de dénoncer la conception humaine de l'amour, telle que celle qui règne au sein de la famille, proche du rapport donnant-donnant que les anciens païens entretenaient avec leurs dieux, puisque le lien familial est primitivement fondé sur l'intérêt.

    Si l'amour de Dieu désoriente tant l'homme, en comparaison du pacte avec Satan, c'est parce que Dieu ne demande rien en échange de son amour. L'homme a tellement l'habitude du commerce qu'il a du mal à imaginer quelque chose en dehors.

  • Dionysos en boîte

    En somme la société ne désire qu'une seule chose, elle est toute tendue vers elle, et cette chose c'est jouir, ou bien souffrir le moins possible. Pour les femmes, en dehors de quelques amazones, cet idéal de bonheur est associé à l'idée de paix, plus conforme à leur physiologie. Pour les hommes la guerre est tout aussi jouissive, en dehors de quelques intellectuels qui préfèrent dominer par la ruse.

    Chez les femmes et les intellectuels, la notion de jouissance est d'ailleurs souvent relativement floue. J'ai fréquenté ainsi une musulmane qui refusait d'admettre qu'elle jouissait, de quoi que ce soit ; car, pour elle, jouir signifiait "être occidental", et par conséquent faire partie de cette masse de putains et de maquereaux qui lui inspiraient un immense dégoût. Elle avait donc une notion très conceptuelle de la jouissance.

    Pourtant, c'est souvent aux yeux des meilleurs jouisseurs que la société, d'où vient la justification religieuse de la jouissance, n'a que peu de valeur. Comme ces oeuvres de fiction écrite pour le divertissement et la jouissance du lecteur, qui perdent tout leur intérêt dès lors qu'on en connaît la fin.

    C'est ce qui fait que les personnes qui souffrent accordent parfois à la vie un prix plus grand que ceux qui jouissent et qui, d'une certaine façon, ont fait le tour de la question sociale - à qui la vie apparaît comme la musique, un peu répétitive et limitée dans son propos. 

    L'éloge de la souffrance n'a pas, contrairement à ce que prétend Nitche, de caractère chrétien. Simplement comme le christianisme est indifférent à la société, comme il affirme qu'elle est dépourvue de la moindre valeur spirituelle, il est muet sur le sujet du bonheur, vers quoi tendent toutes les doctrines sociales, et qu'elles procurent inégalement. Contrairement à beaucoup de religions païennes, dont la plus banale est sans doute l'épicurisme, forte de l'attente sociale du monde, les apôtres chrétiens ne proposent pas de recettes pour être heureux.

    Comme il n'existe pas de société sans esclaves, il n'en fallait pas plus pour que certains esprits cyniques ou débiles se glissent dans cette lacune apparente du christianisme afin de s'en servir comme d'une contrainte et d'un moyen pour justifier l'esclavage et l'enchaînement au monde.

    Comment le Messie, qui est venu délivrer l'homme de sa nature, non pas parfaite mais chancelante, pourrait-il accabler celui qu'il désire sauver du fardeau d'une souffrance supplémentaire ?

  • Voeux pieux

    Ne croyez pas que je suis venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.

    J.-C.

    Ce sont les voeux de bonheur qui sont pieux, et le christianisme qui est impie. C'est pour tenter de sauver le monde que le zélé Judas a vendu Jésus-Christ. Il s'est aperçu ensuite que le monde n'en valait pas la peine.

  • 666

    "Le temps nous sépare de dieu." Léon Bloy

    Plus nous aimons, moins le temps paraît long. L'ennui touche ceux qui ne savent pas aimer, comme un frôlement d'aile de Satan.

  • Conte de Noël

    Noël est un peu la vitrine de la société occidentale. C'est la fête du calendrier catholique romain dont le mobile païen réel est le moins bien caché, depuis que la fête des rogations ou les diverses cérémonies pour faire tomber la pluie sur les plantations sont tombées en désuétude.

    Tel qui connaît mal l'histoire de l'Occident et le christianisme, mettons un brahmane hindou pour prendre le culte satanique opposé, ne doit pas s'attendre à trouver le christianisme et les chrétiens en Occident autrement que sous la forme discrète. Le dieu des chrétiens est un dieu "caché", disent certains, pour traduire qu'il est étranger à l'ordre naturel et aux lois qui en découlent. A ce dieu caché correspond un culte discret, mais néanmoins tenace, résistant au temps et au tourbillon d'opinions qui forme la science moderne.

    Le christianisme véritable perce de temps en temps le verglas de la culture occidentale officielle, sous la plume d'un poète, dont la peinture de l'Occident comme une bête monstrueuse et sinistre choquera ses contemporains, en même temps que cette peinture paraîtra, avec le temps, d'un réalisme extra-lucide. On pourrait citer quelques-uns de ces poètes par siècle. Ou bien ce sera un saint, qui ne pratiquera pas la charité pour le besoin de la paix sociale, mais au contraire comme un défi à la nature et le meilleur moyen d'échapper au destin. Comme la charité échappe aux outils d'analyse modernes, là encore ses contemporains seront étonnés par cette disposition du chrétien à n'exister que dans le vide juridique, là où il ne devrait y avoir en principe personne.

    Je me souviens que lorsque j'étais lycéen, on parlait pas mal d'une secte chrétienne, d'origine américaine, qui prétendait revenir aux origines du christianisme, celui des catacombes, ce qui est aussi une façon de mettre toute la culture occidentale entre parenthèses. Cette secte ou cette petite Eglise a depuis été rattrapée par des histoires de moeurs et elle a échoué dans sa volonté de revenir aux sources, parfaitement théorique. Je n'en ai jamais fait partie, car les bonnes femmes y étaient trop nombreuses, et que la première préoccupation d'une bonne femme est de s'adapter à son époque, et de gober tous ses préjugés comme des vérités éternelles. On le voit bien dans les évangiles, et donc le christianisme originel : les bonnes femmes sont beaucoup trop concentrées sur les questions sociales pour comprendre le Messie qui dénonce la vanité des affaires et des doctrines sociales.

    Le christianisme "primitif" est donc marqué par la dissidence et le caractère antisocial des évangiles et des apôtres, d'une part. D'autre part, ce christianisme dit "primitif" n'a jamais cessé d'être, à côté d'apparences et d'illusions trompeuses. En effet l'Eglise chrétienne, contrairement aux institutions humaines, n'est pas régie par le temps ou la mort. Aucun comportement social particulier ne permet de distinguer le chrétien, et ce n'est pas en revenant aux moeurs supposés plus purs des proches du Messie que l'on rejoint cette Eglise, sans lien avec la terre que la parole divine.

    Ce qu'il est difficile pour un brahmane hindou de comprendre, c'est la fonction de cette culture occidentale officielle, dite judéo-chrétienne, qui insulte la culture de vie païenne et diffuse sa nécrophilie dangereuse à travers toute la terre : à quoi sert ce masque, en quoi consiste la culture occidentale au sens large, qu'elle soit confessionnelle ou non, dont la signification est historique, et que les évangiles désignent comme l'antéchrist ?

    Pourquoi l'Occident, qui ne témoigne d'aucun respect pour Satan, l'ignore et le maltraite contrairement aux brahmanes, a-t-il néanmoins hérité des attributs de sa puissance sidérante, qui n'aurait pas dû échoir à des peuplades hyperboréennes lunatiques et impies ? Cela le brahmane ne peut pas le comprendre, car l'histoire est comme une blessure profonde et énigmatique dans le système solaire, invisible au brahmane.


  • No Future

    "La femme est l'avenir de l'homme !" : on croirait entendre ce crétin de Don Quichotte.

    Il est vrai que rien ne justifie tant la femme que le point de vue abstrait de l'avenir et des promesses de lendemains qui chantent, et c'est toujours en agitant une représentation de la femme, vulgaire ou sublime, qu'on lève des armées de militants ou de dévots.

    Aragon n'a pas tort, l'homme qui se projette dans l'avenir est l'égal d'une femme, c'est-à-dire mû par la peur. 

    Si vous trouvez un homme agité, et les fous le sont tous plus ou moins, vous pouvez le dire "hystérique", c'est-à-dire incapable de se reposer sur la force physique, la dénigrant comme les aliénés et les femmes dénigrent tout ce dont ils ne sont pas capables, et cherchent à faire de leur faiblesse une vertu.

    C'est ce qui est épuisant dans une discussion avec une femme, et dissuade beaucoup d'hommes sensés d'entretenir avec les femmes d'autres rapports que des rapports érotiques, c'est qu'une femme cherche toujours et ne retient d'une conversation que ce qui la justifie. C'est très difficile de faire valoir l'intérêt de la critique, comparée à la flatterie auprès d'une femme, y compris lorsque celle-ci a la réputation d'être moins légère que ses semblables. L'égalité, par exemple, séduit bien plus la femme que l'homme du peuple, en tant qu'elle a un usage commun de flatterie grisante. L'homme du peuple se montrera plus ou moins impatient à l'égard des bourgeois qui lui ont fait la promesse d'une égalité de traitement, mais il se contentera rarement de cette seule fleur républicaine, épinglée à la boutonnière ; à la fin, impatient, il finira par trancher la gorge qui lui a fait cette promesse, mais ne peut pas la tenir faute de pouvoir payer ses propres dettes.

    Les femmes se laissent plus facilement convaincre par des plaidoyers d'avocats, c'est-à-dire des propos faussés par la défense d'une cause particulière, pareillement à leur propre tournure d'esprit.

    Un régime totalitaire dont la magistrature serait entièrement composée de femmes pousserait sans doute le totalitarisme et l'exaltation de la condition humaine à son degré suprême d'absurdité, tant la femme est capable de se persuader que sa vision partiale du monde est une vision parfaite ou absolue.

  • Dans la Matrice

    Le psychanalyste Carl Jung souligne à juste titre que le rejet de la mythologie par le monde moderne est une cause de trouble mental. De fait l'art moderne le plus débile se distingue par l'ignorance de la mythologie, vis-à-vis de laquelle il se croit émancipé. L'opinion particulière acquiert ainsi une valeur supérieure au raisonnement plus général, et l'individualisme est de cette façon réduit au narcissisme, à savoir son contraire, sous prétexte de "libération" de l'individu.

    Ce que Carl Jung ne dit pas, ou pas assez, c'est l'extraordinaire moyen de domination que la culture de masse ou l'art moderne, vecteurs de folie, constituent pour les élites capitalistes occidentales. A travers l'art et les prétendus artistes modernes, qui ne sont en réalité que des kapos pour la plupart, en charge d'une mystification culturelle dont le message essentiel est l'éloge sournois de la faiblesse.

    Ce que Carl Jung occulte en outre, et que le point de vue chrétien extérieur à la culture ou à l'anthropologie permet de voir, c'est qu'il n'y a pas une seule mythologie, mais deux.

    C. Jung est conforme au plan universitaire typique du XIXe siècle pour réduire l'art et la mythologie à leur vocation anthropologique, et tenter ainsi d'étouffer la mythologie juive ou chrétienne, qui porte en elle la condamnation à mort de l'art et de l'anthropologie.

    Ne cessons pas de le répéter jusqu'à la fin du monde : Shakespeare représente un désaveu radical et définitif pour les élites occidentales, apparemment chrétiennes, mais en réalité fondée sur une rhétorique anthropologique impossible, que le nouveau testament qualifie de fornication, c'est-à-dire le pire crime contre l'esprit, et le seul déclencheur de la colère du Christ.

    Le rhéteur démocrate-chrétien n'a d'ailleurs aujourd'hui l'argument anthropologique ronflant à la bouche qu'en raison de l'incapacité de l'Occident à produire autre chose que l'art le plus débile. Ainsi le commentaire philosophique est complémentaire de la culture de masse totalitaire, de même qu'une gnose scientifique se développe autour des systèmes d'exploitation technique afin de dissimuler leur nullité en termes scientifiques.

    La conjonction de l'art le plus abstrait (la musique) et de la plus grande superstition est un trait de caractère de la démocratie ou du totalitarisme, en même temps que le discours démocrate-chrétien est le moins critique à l'égard de la condition humaine moderne. Un esprit païen comme Jung, entraîné à l'être par son éducation catholique romaine, peut comprendre que Satan préside à l'art, c'est-à-dire que toute forme d'art n'est que le produit dérivé du nombre 666, qui définit la seule anthropologie en principe efficiente.

    Carl Jung pose convenablement le diagnostic de folie collective ; il perçoit à quel point la culture moderne libère dangereusement l'instinct, c'est-à-dire en dehors d'une perspective véritablement rationnelle. Mais il pose ce diagnostic en médecin, attaché à une culture de vie païenne, malgré ou à cause de son éducation catholique romaine, faisant complètement fi de l'histoire, et interprétant celle-ci comme un mouvement erratique, selon le pli du raisonnement de l'homme d'élite, qui traduit automatiquement l'histoire comme la condamnation de sa caste et de son rang. Par conséquent, s'il a bien une idée ou un aperçu du mal qui ronge l'homme moderne, Jung s'avère incapable de remédier à la déraison collective - d'assigner un objectif à l'art qui ne soit, comme l'objectif moderne, une sorte d'euthanasie inconsciente de l'art. Tout simplement la mort de l'art est pour Jung, comme pour Nitche, impensable.

    Contrairement au dire de Nitche, la colère de Hamlet ou Shakespeare contre la culture occidentale chrétienne ne s'appuie pas sur la mythologie païenne ou athée. Cette dernière est la plus totalement dépourvue de sens historique (hormis la mythologie de Homère). Shakespeare repose sur la proscription évangélique absolue du mobile anthropologique ou, pour parler le langage moderne, de "l'oedipisme chrétien". Le personnage d'Ophélie traduit le mieux ce type de conscience, et Shakespeare montre sa proximité avec la démence, avec une acuité qui peut paraître d'une cruauté extraordinaire, mais qui l'est surtout pour ceux qui ont condamné Ophélie à cette démence masochiste si particulière à l'Occident moderne.

    Qui voudrait l'aliénation de ses propres enfants ? Shakespeare répond : voyez les élites occidentales modernes s'organiser sur cette base suicidaire, les pères donner leurs enfants en pâture à l'avenir afin de gagner du temps. Shakespeare ne s'étonne ni ne s'indigne, contrairement à Nitche ou Jung, à tous les esprits réactionnaires, de la décadence du monde occidental, c'est-à-dire du triomphe de la ruse et de la folie modernes sur la sagesse antique démoniaque. Exit MacBeth ; exit la vieille mythologie démoniaque et la musique des sphères ; si Hitler avait lu et compris Shakespeare, il aurait pu y lire des présages d'écrasement rapide par les puissances de l'axe moderne "judéo-chrétien".

    L'enlisement du monde dans l'erreur n'est que l'expression du jugement dernier, inéluctable. La réponse de Shakespeare à l'aliénation du monde moderne n'est pas une réponse morale comme Nitche ou Jung, l'art ou la psychanalyse, miroirs anciens que Shakespeare sait condamnés à voler en éclats sous la pression moderne ; c'est une réponse métaphysique. Pour Shakespeare, l'amour et la vérité ne sont pas des idées étrangères au monde et à la nature, comme les idéaux modernes peuvent l'être, absolument hypothétiques et religieux par conséquent, mais l'amour et la vérité précèdent tout ce qui naît et meurt, comme une force étrangère ou un corps étranger au monde et à la nature. L'amour et la vérité sont choses aussi incompréhensibles à l'homme que dieu peut l'être, et susceptibles d'autant de formules idolâtres que celui-ci.

    Si l'homme était capable d'amour ou de science, autrement que par intermittence, dans ce cas il ne mourrait pas selon Shakespeare. Ainsi l'humanité est définitivement divisée selon Shakespeare, entre ceux qui, cherchant le bonheur font le malheur d'autrui, suivant la loi naturelle impitoyable, et démontrent ainsi que l'amour n'est qu'un vain mot ; et ceux qui, cherchant l'amour, sont dissuadés de le trouver dans l'homme ou dans le monde ici-bas, dont l'existence même est menacée par la vérité.

    Comment l'élitisme, qui fut le meilleur moyen de la vertu dans les temps antiques, incarne désormais l'irresponsabilité et la bêtise, le sacrifice du bien public au profit de chimères catastrophiques, cela qui parle au nom de l'antéchrist l'ignore, tandis que Shakespeare le sait.


  • Dialogue avec l'Antéchrist

    Avec les néo-païens, disciples plus ou moins courageux de Nitche, je suis bien d'accord : l'éthique judéo-chrétienne est une pure saloperie, la pire des drogues distribuées aux gosses pour les asservir.

    Mais sur la cause de ces discours merdiques, dont il faudrait s'oindre les yeux et la bouche, pourquoi l'Occident est-il aliéné mental ? - sur la cause de tout ça, les athées néo-païens ne savent pas grand chose, et la merde les engloutira eux aussi.

  • Art contre Vérité

    Le type qui vous parle "d'art chrétien" ignore certainement tout de la vérité chrétienne, et probablement beaucoup aussi de l'art.

    En principe libre, l'artiste chrétien n'appartient à aucune école, aucun mouvement, aucune tendance artistique, ne reçoit aucune commande, n'est ni moderne, ni attaché à une tradition, et il défie toutes les civilisations ensemble.

    Il s'agit avant tout pour l'artiste chrétien d'affronter Satan, qu'il se présente de face ou par la queue, sous la forme d'un soudard belliqueux ou d'un oncteux frère dominicain démocrate-chrétien.

  • Un pape marxiste ?

    Le reproche a été fait au pape François d'être marxiste par des idéologues libéraux américains, à la suite de discours condamnant les méthodes économiques libérales.

    Disons-le d'emblée, la critique marxiste serait dépourvue d'intérêt si elle consistait dans la remise en cause des méthodes économiques libérales, puisqu'un tel discours revient à pisser dans un violon et, en définitive, à conforter l'idéologie libérale comme la doctrine la plus pragmatique et rationnelle.

    Karl Marx n'envisage pas le libéralisme tel qu'il se définit lui-même, mais tel qu'il est du point de vue historique, comme une composante du totalitarisme. Sans l'appui de l'Etat et de ses pouvoirs régaliens extraordinaires, la constitution de monopoles industriels et bancaires n'aurait pas été possible. La concurrence et la compétition qui, selon les idéologues libéraux sont facteurs de liberté économique, conduisent au contraire selon Marx à la constitution de positions économiques dominantes inexpugnables. Le monopole sur l'arme nucléaire est un exemple de monopole où ce double aspect régalien et capitaliste est perceptible, puisqu'il permet largement aux nations capitalistes surendettées de "tenir en respect" leurs créanciers, sans quoi elles ne pourraient poursuivre leurs objectifs de croissance et s'effondreraient. L'explication marxiste des guerres mondiales est loin de l'explication stalinienne pittoresque d'un accès de folie fachiste. Même Hegel, pourtant si peu lucide sur la décadence scientifique de l'Occident, ne conçoit pas Napoléon comme un homme vraiment libre de ses actes, mais plutôt comme l'acteur principal d'un opéra qui en ignore le livret.

    Marx souligne en outre combien les valeurs judéo-chrétiennes s'accordent avec ce plan de développement capitaliste. Et, indéniablement, l'idée de modernité est indissociable des valeurs judéo-chrétiennes : les utopies modernes totalitaires portent la marque du judéo-christianisme, qu'elles soient athées ou non. Du point de vue païen antihistorique synthétisé par Nitche, l'éthique moderne est une culture de mort irrationnelle. Nitche oppose ainsi à l'éthique et l'économie modernes les exigences de l'art et de la culture de vie païenne. Ce que la doctrine de Nitche occulte, d'une manière vraisemblablement volontaire, c'est la subversion du message évangélique opérée par ces valeurs dites "judéo-chrétiennes". Autrement dit, le progrès social et l'équité sociale sont des objectifs chrétiens truqués et catastophiques selon Nitche ; en réalité, il n'en est rien, les évangiles sont purs de tout motif de justice sociale. Ils ne permettent pas plus de légitimer la tyrannie que la révolte populaire ou la démocratie, bien que la plupart de leurs traductions ont servi cette fin.

    La logique païenne de Nitche cède sous le poids de la nécessité de faire porter la responsabilité de la subversion ou de l'inversion des valeurs au peuple, aux faibles, aux ratés, contre la démonstration de Shakespeare que cette subversion répond essentiellement aux besoins des élites morales et politiques occidentales. Ainsi les personnages qui, dans le théâtre de Shakespeare, tentent l'impossible conciliation de l'esprit chrétien et de la volonté politique, ou bien l'incarnent par l'usage de symboles usurpés, sont-ils représentatifs de l'antichristianisme et de sa montée en puissance au cours de l'histoire moderne. Shakespeare a conscience que la rétractation du monde au catholicisme ou à l'universalisme n'est pas le satanisme le plus brutal et aristocratique, à la manière de Nitche, mais bien l'invention du providentialisme le plus abstrait et fragile, anthropologique afin de préserver intactes les visées de l'élite.

    Le totalitarisme s'impose donc, contre la critique rationaliste de Nitche, en dépit de son caractère ubuesque et de l'effritement de la responsabilité politique qu'il entraîne, au grand dam des partisans réactionnaires du "politique d'abord", parce qu'il est le mieux adapté. L'aliénation du monde est la réponse du monde à la révélation chrétienne.

    Où le marxisme rencontre le christianisme, c'est lorsqu'il définit l'Etat moderne comme un facteur d'aliénation et une idole dont l'analogie avec le veau d'or n'est imperceptible que pour quelques puritains socialistes.

    Voilà pourquoi le Messie n'est pas venu apporter la paix au monde ; parce que celui-ci ne peut la concevoir autrement que comme l'ordre, fondé sur l'illusion de l'éternel retour, quand le christianisme affirme que l'émancipation de l'ordre naturel est possible. Si l'équilibre du monde était possible, la décélération prônée par certains, alors Nitche aurait raison : le christianisme ne serait qu'une pure invention, et l'histoire un leurre.

    Comme les évangiles n'ont aucune solution pour rendre le monde plus juste, non seulement le pape et les actionnaires des doctrines chrétiennes sociales ne sont pas marxistes (la conception de la science selon Marx, comme étant "hors du monde" ou répondant peu à ses besoins, est très proche de la conception chrétienne de dieu), mais ils ne sont pas chrétiens. Si les institutions chrétiennes avaient le monopole du salut, elles ne seraient pas irrémédiablement divisées sur ses solutions - irrémédiablement, car l'apocalypse est à l'oeuvre et l'histoire ne repasse pas les plats.  

  • La Faute à Rousseau ?

    C'est le titre d'un blog publié par Hautetfort, monarchiste et spécialisé dans le procès de J.-J. Rousseau. Bien sûr seuls des plaisantins peuvent adresser à Rousseau des critiques "au nom du monarchisme". La spécialité des monarchistes français, outre quelque talent de critique littéraire, fut la magouille parlementaire et la formation d'individus particulièrement aptes à feindre la foi dans la démocratie, afin de mieux asseoir leur pouvoir despotique, à l'instar de Charles de Gaulle ou François Mitterrand.

    Plus ou moins dissimulée, on retrouve chez l'énergumène monarchiste la haine nitchéenne de l'histoire. 

    En effet, s'il y a quelque chose à reprocher à J.-J. Rousseau, c'est de mélanger les considérations politiques et sociales et le message évangélique. Plus nettement Augustin d'Hippone marqua son désintérêt de la civilisation et des questions civiles, fondé sur l'avertissement messianique que "le royaume de Dieu n'est pas de ce monde", et qu'on ne peut pas servir deux maîtres à la fois.

    Mais le "dérapage" de Rousseau, avant d'être caractéristique des doctrines sociales chrétiennes modernes, l'est bien sûr, de façon encore plus flagrante, dans les régimes tyranniques héréditaires qui atteignirent au XVIIe siècle la taille critique et un degré de mensonge insupportable, plaçant leurs propagandistes dans l'impossibilité de défendre rationnellement le camp des élites au nom du christianisme, impossibilité dans laquelle les philosophes des Lumières se sont engouffrés. Le dérapage de Rousseau est donc bien moindre que celui de la démocratie-chrétienne, dont l'hypocrisie est palpable ; tout laisse penser que Rousseau aurait réagi comme Marx et condamné l'imposture de la révolution bourgeoise et du mythe fondateur républicain.

    D'autre part, cette confusion des choses de la nature et des choses de l'esprit (chrétien) est le plus puissant facteur d'antichristianisme, puisqu'il permet presque de résumer la culture occidentale et d'expliquer qu'elle a basculé dans l'artifice le plus dangereux. De fait, cet artifice culturel est constitutif de l'inconscient collectif totalitaire. A ma connaissance, seul Shakespeare fait la preuve d'une conscience chrétienne entièrement libre des droits que la nature exerce sur l'âme de tout un chacun. Nombre de théologiens chrétiens qui croient penser contre-nature, en réalité pensent abstraitement comme Platon, et dieu n'est qu'une création de leur esprit.

    La faute de Rousseau porte donc surtout la marque du XVIIe siècle. On en trouve l'origine dans le calvinisme, qui comme le catholicisme romain se montre incapable d'interpréter correctement la signification historique du mythe de la Genèse. Calvin prend la Genèse au pied de la lettre, jetant ainsi la base d'une anthropologie chrétienne impossible au regard du nouveau testament et de saint Paul. Du point de vue juif ou chrétien, il est impossible de fonder l'universalisme sur la morale ou l'éthique. Le "Tu ne tueras pas" de Moïse, est inconditionnel et parfaitement immoral.

    Cette tendance à l'antichristianisme sous couvert du judéo-christianisme est si "lourde" que l'université s'est empressée, à partir de Nitche et bien qu'il exprime l'antichristianisme le plus ferme, de forger et d'enseigner un Nitche compatible avec le judéo-christianisme. La démocratie-chrétienne est vraiment la religion de Sganarelle : Satan et lui seul la tient en respect. Elle espère de lui des gages qui ne lui seront jamais versés. 

  • Le Christ anarchiste

    "L'anarchiste et le chrétien ont une seule et même origine."

    Frédéric Nitche

    Quelle raison peut-on avoir de croire que l'antéchrist dit vrai, et que les représentants officiels des Eglises chrétiennes mentent, lorsqu'ils prônent, tel Joseph Ratzinger récemment, la soumission à César ?

    S'il a trahi le Messie, Judas Iscariote n'avait pas moins bien compris le message évangélique que les autres apôtres. Le plus probable est que Judas Iscariote a trahi "en conscience", tout comme Nitche après lui.

    Le raisonnement et la tactique de Nitche sont les suivants : il n'y a rien en dehors de la raison naturelle, à laquelle le christianisme est indifférent (la morale naturelle païenne est satanique du point de vue chrétien). Le christianisme est donc totalement artificiel.

    Afin d'inciter les puissances hostiles au christianisme à l'éradiquer définitivement, Nitche invente une menace anarchiste plébéienne, alors que le refus chrétien de se soumettre à l'ordre naturel est un refus spirituel et individuel. L'ordre juridique satanique, du point de vue chrétien, est amené à s'écrouler de lui-même.


  • Folie mondaine

    Le personnage d'Ophélie, dans "Hamlet", est caractéristique de la folie mondaine, c'est-à-dire de la démence des castes dirigeantes modernes. Seul cet abruti de Stendhal peut croire Shakespeare un auteur romantique et moderne. En effet Shakespeare met la mythologie en avant, d'une manière bien plus conséquente que S. Freud ou C. Jung, tandis que l'art moderne s'éloigne peu à peu du mythe pour s'abaisser au niveau de ce que l'homme possède en propre : le goût de l'artifice.

    Shakespeare a deviné et montré subtilement que la notion de progrès moderne repose sur le fiasco scientifique. La nécessité pour l'élite aristocratique de se débarrasser du christianisme, prônée par Nitche explicitement (parce qu'il croit le christianisme moribond), est au temps de la Renaissance une subversion active au sein de l'Eglise chrétienne, dont Shakespeare ne se contente pas de témoigner, faute de quoi il ne serait "que" Boccace ou H. de Balzac : une subversion dont Shakespeare fait ressortir la dimension historique et mythologique, c'est-à-dire qu'elle est une clef indispensable pour accéder à la conscience la plus grande, non psychologique mais historique, de l'évolution du monde.

    Le quidam moderne est monté dans un train qui fonce à grande vitesse vers une destination inconnue. Shakespeare révèle le sens de ce mouvement et de la féminisation des esprits avec laquelle ce mouvement s'accorde.

    Le plus énigmatique aux yeux des élites occidentales modernes est sans doute la détermination d'Hamlet, car Shakespeare a conçu là un personnage christique, représentatif de son propre esprit, et qui désavoue l'Occident chrétien d'une manière presque aussi radicale que le Messie désavoua le monde judéo-romain. Les apôtres affirment la résurrection du Messie, Shakespeare nous incite fortement à croire dans la sienne, et l'accomplissement des prophéties chrétiennes.

    Si Shakespeare est en même temps un tragédien aussi peu "confessionnel" que possible, selon la seule et unique logique laïque apostolique possible, individualiste et anticléricale, c'est parce qu'il devine et montre que le problème posé par la science aux élites coïncide exactement avec l'intolérance de ces élites à l'égard de la révélation chrétienne, qui a pour effet d'ôter à celles-ci leur seule légitimité, d'origine naturelle. Il n'y a plus depuis la résurrection du Messie, que des philosophies naturelles truquées, et notamment truquées par des clercs et des hommes d'Eglise, dont Polonius-Copernic est emblématique. La science se heurte comme la révélation chrétienne aux philosophies naturelles les plus antiques et rationnelles, résumées par Nitche dans la formule de l'éternel retour.

    La science désavoue elle aussi la puissance et la tyrannie. Marx est l'héritier direct de Shakespeare quand il montre qu'il n'est pas d'ordre ou de doctrine sociale possible selon la vérité.

    De cela Shakespeare est parfaitement conscient, et sur ce point on reconnaît Francis Bacon Verulam et sa défense de la liberté individuelle contre le Léviathan moderne. Il n'y a que deux choix dans le monde moderne, celui de nier la résurrection du Messie au profit de la philosophie naturelle, à la manière de Nitche, c'est-à-dire de brandir l'étendard de Satan ; ou au contraire de faire la guerre à la suite de l'Esprit et grâce à la parole divine comme Shakespeare. La "modernité", et les masses qui épousent cette détermination, la plus inconsciente, non loin de "l'éthique judéo-chrétienne", service rendu par la tartufferie à la barbarie humaine, peuvent se définir au contraire comme la renonciation à la liberté et l'aspiration à l'esclavage, dans l'espoir de plus hypothétique territoire : le purgatoire.

  • Fin du monde

    "Le monde ne fait que rêver, il approche de sa fin." : François Rabelais annonce la fin du monde en des termes que Karl Marx répète plusieurs siècles après, à la fin d'une vie passée à tenter d'inculquer au peuple la méfiance des idéaux, rêves et promesses des élites.

    Le chrétien a plusieurs raisons de pronostiquer la fin du monde. D'abord elle est pour lui promesse de vérité. Les saints ont les yeux décillés de toutes les raisons sociales, pourrait-on dire, qui empêchent de voir dieu : toutes ces choses qui sont sacrées aux yeux des païens, mais non de dieu : "Satan, famille, patrie, etc." Qui sont sacrées parce qu'elles agissent comme un garde-fou.

    La fin du monde paraît à beaucoup une hypothèse farfelue, bien que les effets catastrophiques de l'enlisement dans le rêve soient de plus en plus palpables - mais les élites n'ont pas d'autre moyen de gouverner les masses qu'en les médusant, c'est-à-dire en les tenant en respect, non plus d'une morale, mais d'un but moral, c'est-à-dire d'un rêve.

    On constate aussi l'attachement grandissant des élites aux valeurs mondaines, à mesure que le monde va de plus en plus mal. Le goût des gadgets technologiques, par exemple, assimilés au progrès scientifique, est un indice que les élites ont perdu le sens des responsabilités.

    L'attachement au monde est presque un réflexe narcissique pour ceux qui ont été élevé dans son culte, et il faut se défier des politiciens qui prétendent oeuvrer pour les générations futures. Ils s'écoutent parler, et l'altruisme est, quand on ignore tout de l'avenir, de fermer sa gueule au lieu de faire miroiter l'avenir.