Les athées ont souvent la prétention de connaître la religion catholique mieux que les catholiques eux-mêmes. Quand ils ne prétendent pas carrément être les mieux placés pour la réformer. Ainsi le décès de Soeur Emmanuelle fut l'occasion récemment pour Bernard Kouchner de suggérer qu'on ordonne enfin des femmes prêtres dans l'Eglise catholique. Où Kouchner veut-il en venir en tant qu'athée ? Veut-il que l'Eglise se porte le mieux possible ou bien que cette vieille institution expire enfin ?
Dans la biographie de Simone Weil (l'étudiante, pas l'académicienne) où Laure Adler s'efforce page après page, chapitre après chapitre de changer Simone Weil en une sorte de carpette sociale-démocrate ou gaulliste, je relève ceci :
"Simone Weil, si éprise de vérité, alla jusqu'à affirmer que le Nouveau Testament ne découlait pas de l'Ancien, que le christianisme n'était pas issu du judaïsme et que le Christ n'était pas juif."
Sortie de son contexte, on peut faire dire le contraire à une citation qu'il faut ici comprendre comme : "Bien qu'elle fût éprise de vérité, etc." ; à savoir que Simone Weil qui s'efforçait de ne pas dire n'importe quoi en général, sur le plan théologique n'avait pas la chance de disposer d'informations de première main comme Laure Adler, qui, bonne fille, ne lui en veut pas de se tromper sur la religion catholique.
Même si c'est une opinion à la mode de croire que saint Paul a dérobé aux Juifs leur religion, opinion qui ne manque pas de rencontrer l'approbation des animateurs de télévision lorsqu'elle y est émise par quelque crétin improvisé historien, il semble que la vérité soit plus conforme au propos de Simone Weil et que les docteurs de la loi et les scribes juifs n'aient eux-mêmes pas jugé les paraboles de Jésus très orthodoxes, au point d'exiger de Pilate qu'il crucifie Jésus, épisode resté assez célèbre dans l'histoire.
Evidemment ça dépend aussi un peu de comment on entend 'découler', si c'est 'de source' ou 'de sang'.
La dernière affirmation selon laquelle Jésus n'était pas juif peut surprendre celui qui entend 'juif' au sens racial ou familial, mais s'intéressant aux religions c'est au plan religieux que Simone Weil se situe. Jésus n'est pas juif au sens où il ne respecte pas le repos du sabbat.
Les faits prouvent au contraire des poncifs débiles de Laure Adler que Simone Weil fut particulièrement lucide sur la religion catholique qui n'était pas d'abord la sienne, étant d'un milieu bourgeois 'voltairien' ou 'pascalien' comme Sartre. Elle avait vu qu'il avait tourné contre-nature au jansénisme, au libéralisme, qu'on appelle encore aujourd'hui judéo-christianisme, c'est-à-dire un catholicisme bien peu universel réservé à une sorte d'élite européenne autoproclamée qui évoque la sclérose pharisienne. Saint Augustin lui-même, peu suspect de reléguer l'Ancien Testament comme tel Père grec de l'Eglise, fait cette remarque de bon sens, un fois n'est pas coutume, que si le Nouveau Testament découlait de l'Ancien, alors il n'aurait pas été nécessaire que Jésus naisse, meure et ressuscite. Amen.