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Mon Journal de guerre - Page 82

  • Ubu-pape

    La querelle autour du procès en béatification de Pie XII est du domaine de la propagande de la foi. Foi chrétienne, foi juive, et même foi laïque, par-delà le cas de Pie XII, se disputent le Ciel (Ou le Purgatoire dans lequel la bourgeoisie, en raison de ses crimes maquillés en compromis, a toujours été tentée de croire.) La bourgeoisie n'est pas loin, ici, de mettre le Ciel à l'encan.

    La propagande est la queue de la comète politique ; aussi ne concerne-t-elle pas le christianisme. On peut être sûr d'une chose : la canonisation ou la béatification, si elle passionne les gens de robe, est la dernière des choses qui préoccupe les saints.

    Pour ce qui concerne les Juifs, si les pharisiens demeurent célèbres pour leur goût du sanhédrin, leur culte des mots, surtout lorsqu'ils permettent de se justifier ou de tendre des pièges, on peut lire néanmoins dans l'Ecclésiastique, et ce bien que ce livre soit un des moins messianiques et des plus moraux :


    "La gloire et la honte sont dans la parole,

    et la langue de l'homme cause sa perte."

     

    (La spirale du "Père Ubu" est celle du langage ou de la rhétorique politique.)

  • Identité, piège à belons

    La formule identitaire la plus raffinée que j'ai pu trouver, celle qui fait le moins énarque gaulliste ou polytechnicien national-socialiste, c'est celle-ci : "Mon pays, c'est ma langue" : elle est du franco-italien Rivarol. Une gazette réactionnaire (hors du lobby réac sarkozyste) pour officiers de marine retraités a d'ailleurs choisi de s'intituler "Rivarol".

    "La gloire et la honte sont dans la parole,

    et la langue de l'homme CAUSE sa perte..."

    Le distingué Rivarol n'avait manifestement pas lu l'Ecclésiastique, pas plus que Judas Iscariote, saint patron des nationalistes ou du part libéral depuis l'interdiction de la politique, Judas allé se pendre par le cou au figuier (stérile) au moyen d'une corde.



  • Le métèque Stendhal

    (Le débat sur l'Identité française invite aussi à faire le tri dans les produits d'importation littéraires.)

    Pour faire pièce au propos de l'académicien gâteux (pléonasme) Michel Déon, disons "a contrario" que qualifier le coup de foudre amoureux de "cristallisation" de la part de Stendhal, est un des rares traits d'esprit de ce physiocrate rital (tout penseur libéral peut être qualifié de "physiocrate", de Diderot à Darwin en passant par Stendhal, voire Delacroix, dont les couleurs traduisent une gastronomie intense).

    Au stade guimauve où est rendu Déon sur l'échelle libérale, peut-être la cristallisation n'a pas lieu mais seulement l'adhérence? Quoi qu'il en soit, la théorie de la cristallisation (à peine oiseuse) permet de relier le coup de foudre à la politique aisément. Les femmes, que leur excédent d'âme rend plus "politiques" que les hommes, croient d'ailleurs que "les diamants sont éternels" (Dans la philosophie nazie en rouge et noir, l'âme est constituée d'un bout de carbone.)

    "Quand on passe sa vie entre les bras d'une femme, tout semble obscur." : encore un coup où Stendhal vise juste et honore sa patrie d'adoption, différente sur ce point de l'Italie ou l'Allemagne, où l'idée est beaucoup plus répandue que par chez nous, Freud redoublant saint Augustin (sans compter Luther et sa bonne femme), que "la femme est à l'origine du monde", concentré de connerie anthropologique.

    *

    A part ça Stendhal aime Shakespeare pour la plus mauvaise raison du monde : parce qu'il le trouve "romantique" (sic), confondant ainsi Shakespeare avec le boeuf Rossini ou Verdi. Les détracteurs de Stendhal plaident qu'aucun argument solide ne soutient la thèse de Stendhal que Shakespeare est plus romantique que Racine ; de fait, ce serait plutôt le contraire, si on considère que le fait de basculer du libertinage dans le puritanisme, comme Racine, est un trait de caractère dominant du type romantique (Ben Laden est le dernier dans ce cas). Le romantisme, dans Shakespeare, c'est Ophélie.

    Et si on donnait Shakespeare et Racine devant un public de nonnes et de putes mélangées, il est presque certain que ce dernier aurait la préférence de ces demoiselles.

    Le constat que les détracteurs de Stendhal ne disposent pas d'arguments plus solides que ceux du Rital m'as-tu vu, incite à classer le XIXe siècle sur le plan artistique au niveau du moyen âge, un moyen âge "descendant".

    Je décide donc de signer l'arrêté de reconduite à la frontière de la littérature de Stendhal (que j'ai toujours eu honte d'avoir apprécié, à l'âge de dix-sept ans, vu qu'on est toujours un peu branleur quand on a cet âge-là).

  • Et l'identité serbe ?

    Slobodan Despot dans le poste a frôlé la limite de ce que la censure permet de dire à la télé. L'officiant Frédéric Taddéi qui l'accueillait sur son plateau a bien failli en avaler son hostie de travers.

    Et moi qui disait il y a à peine quelques semaines que tous les Serbes sont des couilles molles comme leur ambassadeur Patrick Besson qui profite que Céline a le dos tourné pour cracher dessus et se faire mousser ainsi auprès de ses créanciers juifs. Le problème de l'identité, c'est qu'il concerne plus les bessons que les Serbes ou les Français.


  • Identité, piège à berniques

    "Elle est passée par ici, elle repassera par là, elle court, elle court l'Identité française..." ; serait-ce une cousine de l'Arlésienne? On peut regretter l'absence d'Alphonse Allais, super Français du centre de Paris (Il y a toujours au moins un tiers de Belge, de Boche ou de Rital, dans le provincial), très bien placé pour tirer tout le comique de cette situation algébrique, extraire le PGCD ou la racine carrée de la patrie.

    Car faire rire du néant au lieu d'en tirer des conséquences astronomiques, voilà bien qui distingue le Français de ses cousins germains et qui oblige, si on choisit d'élire comme moi Allais architype français, de reconduire Blaise Pascal et Jean-Paul Sartre à la frontière illico.


  • Vivons cachées ?

    La femme, en France, a bien le droit d'être une pute, mais pas celui d'être soumise. Le maquereau succède au mari. Telle est la religion féministe, plus bête qu'Eric Zemmour (mais tout aussi capitaliste).

    L'hypocrisie féministe qui consiste à dissocier le pouvoir de l'argent se retrouve curieusement chez Maurras ; on comprend ainsi que le féminisme est un pur produit politique et culturel, un sexisme ordinaire, plus bas encore que le sexisme méditerranéen qu'il dénonce, car fondé sur une conception du sexe et de la politique plus mécanique encore.

    Pourquoi deux poids, deux mesures, alors que n'importe quel imbécile est capable de comprendre que la soumission à l'argent est la pire des soumissions, puisque l'argent concentre l'essence du pouvoir politique (On note lorsqu'on est chrétien que les trente deniers versés à Judas sont la conséquence de sa déception politique : Jésus n'est pas venu pour régner sur Israël) ?

    Bien sûr parce que la loi politique/naturelle du plus fort implique que la conjuration des putains et de leurs maquereaux, auxquels il est permis depuis Fourier d'ajouter les bons pères et les bonnes mères de familles bourgeoises abonnés à "Madame Figaro", cette conjuration pèse beaucoup plus dans la société civile que les quelques péquenots musulmans et leurs femmes en tchador.

    Ensuite parce que la prostitution est le mode de soumission préféré du bourgeois, celui qui épargne le mieux son tabou de l'inceste et préserve son désir de consommation.

  • Victimes de la mode

    "La catastrophe naturelle est dans les médiats" : pour dire non pas seulement que la mort et la désolation en Haïti sont dans le poste de télé et les journaux, mais que les médiats participent eux-mêmes de la catastrophe naturelle, ventilant la bêtise à travers le monde comme un poison mortel.

    Ainsi lorsque les médiats se précipitent pour traduire "apocalypse" par "cataclysme", alors que dans l'Apocalypse la catastrophe n'est pas surnaturelle mais artificielle, le combat des partis du diable entre eux, précédant leur extinction. L'excitation de la bêtise humaine passe par l'hypertrophie de l'âme, effet de la politique. Et rien n'est plus efficace pour développer l'âme qu'un miroir comme le cinéma ou la télé. Placer un enfant devant la télévision est le meilleur moyen d'en faire un pédéraste. Salaud de Newton !

  • Signes d'Alzheimer

    La religion de la choa ou le "devoir de mémoire", qui a remplacé peu à peu l'histoire, est la maladie d'Alzheimer de la société bourgeoise française. On décrit parfois la maladie d'Alzheimer comme un manque de mémoire, mais c'est en réalité l'inverse, un excès, une saturation de la mémoire qui traduit le blocage du raisonnement binaire.

    Ainsi le capitalisme, parfaitement binaire lui aussi, est un projet qui se nourrit de nostalgie et de souvenirs. En somme il meurt de son paradoxe qui traduit la perte d'esprit critique.

  • Salaud de Pie XII

    Je sais depuis assez longtemps que Pie XII, dans le domaine de l'art, sous des airs d'intello. n'était qu'un vulgaire iconoclaste (à croire qu'il n'y a pas d'imposture intellectuelle sans lunettes).

    Ainsi : "La fonction de tout art est de briser le cercle étroit et angoissant du fini, dans lequel l'homme est enfermé tant qu'il vit ici-bas, et d'ouvrir comme une fenêtre à son esprit aspirant à l'infini." où on voit que Pie XII définit l'art chrétien comme l'art païen, c'est-à-dire environ comme les mathématiques, où le zéro et l'infini sont équivalents, même si on peut jongler avec (les mathématiques sont très proches des arts du cirque, la simplicité des enfants de la balle en moins), avec cette caractéristique propre au mathématicien qui est d'ignorer ce qu'est un cercle, ce que la science et l'art savent et disent déjà depuis près de trois mille ans !! La réflexion est typiquement nazie ; mais les nazis, qui ont gobés Darwin à fond, sont plus près de la grand messe et du cirque que de la science : des polytechniciens ; si on donne à un polytechnicien un pinceau pour peindre, il peindra un pinceau.

    Mais je viens d'apprendre par la télévision que Pie XII, non content de dire des conneries "ad infinitum", a béni publiquement la télévision au moment de sa naissance ! Il a vu en elle un instrument de civilisation à l'échelle mondiale ; ben merde alors ; là pour le coup je doute qu'Adolf Hitler aurait été assez stupide, à la place de Pie XII, pour se prononcer de façon aussi irresponsable dans le même sens. C'est là un quitus donné à un médiat dont il n'a pas fallu attendre longtemps pour se rendre compte qu'il repose comme le cinéma sur la pornographie, c'est-à-dire qu'il excite chez l'homme dès le plus jeune âge les instincts les plus bas afin d'en faire rapidement une brute nazie en puissance, mobilisable dès que nécessaire.

    On sait que les Yankis ont inventé la torture hypocrite par la musique, qui fait peu à peu basculer dans la folie. Je suis tenté de croire que par le cinéma ou la télévision, qui ne sont jamais que des stimulus musicaux plus puissants, l'effet serait encore plus radical, celui d'une chambre noire, peut-être même trop puissant pour satisfaire aux exigences du tortionnaire, qui est d'effrayer sans provoquer l'arrêt cardiaque trop vite.

  • Angéliques

    Pour avoir reconnu les principes romains comme de la pure saloperie, rien que pour ça Karl Marx et Simone Weil sont les plus grands penseurs chrétiens des derniers temps.

    Il y a de quoi en effet, partant des quelques pages roses d'adages latins dans un Larousse, bâtir toute une synagogue de Satan en plaçant un démiurge quelconque à sa tête. Le jansénisme et sa métastase existentialiste ne sont rien qu'un requiem bruyant, la mélopée des fossoyeurs.

  • La Révolution ou la mort

    Si l'on ne comprend pas que Karl Marx pose le problème en ces termes, il suffit de lire Shakespeare pour le compléter. Le capitalisme est un rêve érotique gigantesque, à l'échelle mondiale, qui se terminera comme tous les rêves érotiques dans le néant.

    Le philosophe serbo-croate Slavoj Zizek n'est pas une lèche-cul capitaliste comme Michel Onfray, Siné, Geluck, tous les soi-disant "anars" de "Charlie Hebdo" en prime, qui ne cessent de répéter : "Surtout pas la révolution !" afin de ne pas inquiéter leurs banquiers.

    Mais Zizek n'ajoute rien à Marx, qui éclaire mieux la mystique de la mécanique capitaliste, l'aspiration vers le néant qu'elle contient. En outre la dialectique historique de Marx ne laisse pas place aux slogans anticommunistes des grenouilles de bénitier capitalistes, dont toute l'industrie consiste à faire gober au populo que Hitler, Staline, de Gaulle ou Churchill sont des super-héros gentils ou méchants tombés du ciel. Toujours cocasse de voir un "anar" comme Siné se donner des airs de suppôt de Satan tout en critiquant Hitler, quand même plus crédible dans le même rôle. Sganarelle contre Don Juan. Idem pour Nitche, sorte d'Hitler qui n'ose pas sortir de son cabinet, séducteur de seconde zone ; même Joseph de Maistre a plus de style !

    Comme Drieu La Rochelle le fait remarquer, on peut sans doute brosser l'histoire de son trou du cul à l'échelle de quelques décennies, mais il est difficile de mesurer l'évolution d'une civilisation à moins de quatre ou cinq siècles. Lorsqu'ils dissèquent l'économie capitaliste pour en isoler le trou noir, Marx et Engels eux-mêmes ne disent pas que le capitalisme a surgi de nulle part au XVIIe siècle, mais ils se contentent d'indiquer le durcissement de la mécanique capitaliste au cours de ce siècle noir, en Angleterre d'abord, puis en France.

    Dans une très large mesure, du moins on peut le voir au plan artistique et scientifique, la Renaissance auparavant fut une période de résistance farouche au mercantilisme et au despotisme. Ainsi Dante Alighieri, à la charnière du moyen âge et de la Renaissance, n'a pas attendu Luther pour vouer les tenants des "lois du marché" à l'Enfer.


  • Pour un art communiste

    - Typiquement la philosophie (spéculative) est analytique et conduit à l'élitisme, c'est-à-dire à la "religion de l'art" selon Hegel (= SS).

    - Typiquement l'art analogique ou synthétique conduit au communisme, c'est-à-dire à la libération par l'art de tous ceux qui n'inclinent pas plutôt vers la folie. L'idée de "génie artistique" relève de l'utopie pour Frédéric Engels car elle est le chemin le plus court vers le fétichisme, Proust, autrement dit la mort de l'art par asphyxie. Bien sûr il serait ridicule d'accuser Proust d'avoir assassiné l'art à lui tout seul, mais il est un symptôme caractéristique du cancer bourgeois. La mystique des arts décoratifs (les arts décoratifs ne supportent même pas la critique relative de Sainte-Beuve) qui est dans Proust, on la retrouve dans l'esthétique nazie.

    On observe d'ailleurs que les doctrines des grands penseurs matérialistes à travers le temps, d'Aristote à Marx en passant par François Bacon, méritent d'être qualifiées de doctrines "artistiques", même si ça ne saute pas autant aux yeux dans le cas de Marx que dans celui d'Aristote ou Bacon ; Marx est issu d'une culture germanique qui a érigé le fétichisme et la muséographie en véritable religion d'Etat.

    Le musée Pompidou est comme une parcelle de territoire allemand en plein Paris, qui témoigne de la conversion définitive de la bourgeoisie française aux principes animistes de sa cousine germaine.

    Les caissiers-bureaucrates à l'entrée du Pompidou ont été surpris que je leur fasse un salut romain en passant le portique. Ils préfèrent oublier sous l'uniforme que les couleurs rouge et noire flottent et ont toujours flotté sur les régimes libéraux. Elles ont simplement viré au rose et gris sous l'effet d'un blanchiment intensif : de Julien Sorel à Frédéric Beigbeder.

    J'estime en effet de mon devoir de démystifier l'art contemporain aux yeux de mon pote Henri des Etats-Unis, attiré naturellement dans cette antre à la gloire du plastique, mais sur qui la bêtise manifeste des groupes de visiteurs du Pompidou produit une lente catharsis (Henri est bien obligé de reconnaître que ces bons citoyens-là font du lèche-vitrine kulturel).

    *

    Ainsi un marxiste discernera sans trop de peine la dimension religieuse dans l'art de Picasso, plus ou moins grande bien sûr selon les directions prises par un génie "éclectique".

    Cette dimension religieuse est trahie par un autre aspect de la peinture de Picasso : son aspect architectural. Ce gros poupon incestueux d'Apollinaire trahit sa religion avec son goût pour les cubes.

    Une comparaison simple avec Michel-Ange : chez ce dernier le corps est dans l'architecture et non l'inverse, l'architecture dans le corps. Comment le traduire ? L'art de Picasso tend vers un idéal de beauté morale. Le goût des nazis et des Yankis (Gertrude Stein) pour la peinture de Picasso est loin d'être inconséquent. Autrement dit l'art de Michel-Ange est moins religieux, mieux fait pour plaire à un communiste. L'art de Michel-Ange est moins pédérastique, en outre, que celui de Picasso.

    Un bon esthète au demeurant, et à cet égard Baudelaire surpasse largement Diderot et ses pirouettes de rhéteur janséniste, un bon esthète fidèle à la raison incluera nécessairement la charogne à l'idéal de beauté morale, sans quoi l'architecture, nettement organique, ne tiendra pas, faute de symétrie ; la morale est aussi binaire qu'un ordinateur. La polytechnique ne peut être élevée au rang de science véritable, elle qui est si pétrie de sexe et de morale, que dans un régime politique totalitaire.

    Picasso a le mérite comme Céline de proposer un art où le classicisme et le baroque se téléscopent, un dialogue et non un monologue hystérique. S'agissant de Kandinski ou Klee en revanche, on peut parler de style ou de religiosité débordante : l'onanisme dont parle Karl Marx pour qualifier la philosophie allemande.

    Celui qui ne comprend pas que l'art de Picasso est plus religieux, c'est qu'il ne sait pas faire la différence entre la beauté et la séduction ou le charme. Celle-ci est morale et magnétique (non loin de la "cristallisation" de Stendhal, dont c'est à peu près la seule formule intelligente) ; la beauté est, elle, véritablement "par-delà bien et mal" ; certainement pas "dionysiaque" bien sûr ; mais pas non plus "apollinienne" ; athénienne, tout simplement.

    *

    On peut enfin définir la musique ou la culture (concept germanique), comme le mode de destruction de l'art. Episode de la mythologie, Athéna jette au loin et brise la flûte charmeuse qu'elle avait embouchée et qui l'enlaidissait. Que le divertissement est compatible avec la critique et le progrès est une théorie bourgeoise. La musique est d'argent et le silence est d'or. L'ordre bourgeois fondé sur l'argent inclut la guerre et le désordre comme l'harmonie musicale comprend le chaos.


  • Marx et Jospin

    Quand j'entends Lionel Jospin raconter sa vie à la télé, je comprends que de braves cons aient pu voter pour Sarkozy. Le côté cocasse de Jospin, c'est qu'il ne peut ouvrir le bec sans faire l'apologie du suicide, c'est plus fort que lui.

    Déjà Karl Marx voyait dans le discours démocrate-chrétien ou socialiste le discours le plus dangereux pour le prolétariat, car le plus apte à rallier à une politique bourgeoise destructrice. De fait l'armée des instituteurs républicains laïcs s'est laissée en France déposséder du discours moral dont elle avait quasiment le monopole par une presse et des médiats aux ordres des cartels industriels et bancaires qui produisent désormais carrément des émissions grand public à la gloire des "500 familles" qui ont conduit la France là où elle en est, au bord de la faillite et de la nullité intellectuelle que l'Académie dite "française" incarne parfaitement.

    Le niveau élevé du chômage en France depuis les années 70 contraint même les politiciens qui ne dissimulent pas ou peu que leur raison sociale est d'être des factotums de l'industrie et des banques (Sarkozy, Fillon, Chirac et Balladur avant eux), il les contraint à adopter le discours social-démocrate hypocrite.

    Le gauchissement du discours aux Etats-Unis à travers Obama est bel et bien lui aussi une conséquence de l'entrée des Etats-Unis en récession. Le socialisme s'avère donc être la meilleure vaseline pour enculer le peuple.

    Les deux minorités qui ont réagi le plus tôt en France à l'hypocrisie du discours socialiste ou du "gaullisme de gauche" sont les électeurs de Le Pen issus de milieux populaires et les immigrés des banlieues. Tout semble les opposer, mais en réalité ces minorités ont en partage de n'avoir pas grand chose à perdre ; c'est ce qui leur fait dire face aux politiciens et leurs cortèges de promesses et de journalistes : "Ôtez-vous de notre soleil." Cynisme populaire contre cynisme politique. Machiavel n'avait pas tort de peindre la politique aux couleurs du diable (Avec le pourpre et l'écarlate, l'orange en est une, que le roi des faux-culs François Bayrou n'a pas craint d'adopter.)


  • Le Diable dans l'Eglise (4)

    Le plus gonflé de la part de l'ancien directeur de L'Express Jacques Duquesne, qui constate que l'Eglise catholique a effacé le diable de ses tablettes, c'est de s'en féliciter sur le plan de la responsabilité (et donc de la morale).

    Je reviens sur ce mensonge éhonté : le capitalisme, en tant que facteur d'hyperpolitisation, et je ne crois pas qu'on puisse aller plus loin dans le totalitarisme, le capitalisme possède l'effet "désinhibant" d'une drogue (le drogué est un puritain qui interprète l'effet de la drogue comme un effet "libérateur").

    On peut poser de fait que "moins l'individu est libre, plus il est aliéné à un système politique comme c'est le cas aujourd'hui, moins il est responsable". A cet égard, l'invention de l'"inconscient" par Freud est une invention typiquement capitaliste et qu'il est difficile de concevoir en dehors d'un tel régime. L"'inconscient" est d'ailleurs étroitement en rapport avec l'idéologie génétique, qui a le même effet déresponsabilisant.

    *

    On peut même voir que l'inconscient freudien occupe dans la religion laïque ou existentialiste la même place que le purgatoire dans la religion chrétienne (médiévale). Non seulement parce que le médecin ou le psychiatre occupe le rôle dévolu autrefois au confesseur (un rôle politique clef), mais parce que l'inconscient a le même caractère de science-fiction que le purgatoire. Dans le cas du purgatoire il s'agit d'un temps linéaire, dans le cas de l'inconscient d'un temps cyclique, c'est-à-dire que l'"après" existentialiste, le "post-mortem" bourgeois est à peu près équivalent à l'"ante-mortem" (on le comprend bien à travers la litanie pédérastique de Proust, dont le gain de temps procède d'une rétrogradation). Contre les mathématiques bourgeoises imbéciles, il faut redire que la ligne est un perfectionnement du cercle et non l'inverse. Le signe le plus primitif, c'est le cercle.

    La ligne du purgatoire, opposée à la spirale de l'inconscient a une raison : elle est architecturale. Le purgatoire n'est pas seulement un "temps", c'est un "espace-temps" plus raffiné. Ce critère permet de comprendre que la conception médiévale est moins animiste que le concept de la religion bourgeoise existentialiste. La "circulation libre" des âmes ou des fantômes est le propre du tribalisme. Le séjour délimité des morts a un effet de libération sur les vivants ; clairement, il libère en partie d'un poids généalogique.

    D'ailleurs, à propos du moyen âge et de sa conception géométrique du séjour des morts, il faut dire que Dante Alighieri, traversant le Purgatoire, l'Enfer et le Paradis, a détruit ces architectures ou ces sciences-fiction en les banalisant. Etant donné l'importance du purgatoire au regard du pouvoir temporel de l'Eglise, et l'hostilité de Dante à ce pouvoir, synonyme de compromis avec les marchands, que Dante dénonce bien avant Luther ou Marx comme une pente vers l'Enfer, on mesure l'impact de la théologie de l'Alighieri, peut-être plus fort que l'impact de Thomas d'Aquin, plus "politiquement correct".

    Pour résumer et dire en un minimum de mots à quoi tient l'aliénation capitaliste, désormais à l'échelle mondiale, on peut dire que le capitalisme a réintroduit l'idée de destin au coeur de l'humanisme et de l'humanité (destin qui pour un chrétien se note 666).

    Si l'on veut en savoir plus sur le diable, mieux vaut lire Baudelaire plutôt que les dix derniers papes. Le tabou brisé par Baudelaire est le suivant : parler du diable dans un régime bourgeois, alors qu'en principe on ne parle pas de corde dans la maison d'un pendu.

  • Chrétien et soldat ?

    Dans un square parisien, comme je suis en train de glaner un peu d'internet gratuit, un Témoin de Jéhovah m'aborde. Il m'offre deux de ses brochures sans se douter que j'attends l'apocalypse avec autant d'impatience que lui (patience est vertu de petit rentier).

    La gazette des Témoins de J. s'appelle "La Tour de Garde". Je la feuillette sur un banc après avoir rédigé une note pour ce blogue. Elle est fabriquée manifestement aux Etats-Unis, tire à trente-sept millions d'exemplaires et est traduite dans une centaine de langues différentes.

    Mon attention est attirée par deux articles dans le n° daté du 1er octobre 2009. Le premier sur l'Esprit saint dont l'auteur nie qu'il puisse être une "personne" ; après avoir fait le tour de la gazette, ça me semble être la seule différence notable entre les Témoins et la théologie catholique... Le rédacteur ne critique pas directement la conception catholique trinitaire qu'il n'a pas l'air de bien connaître. Vu que quasiment aucune ouaille catholique n'est capable de donner une explication claire du "trois-en-un divin", on ne saurait reprocher aux Témoins de J. leur ignorance.

    *

    Plus intéressant l'article intitulé "Peut-on concilier guerre et christianisme ?" d'Olivier O'Donovan ; j'ai même un léger sursaut en lisant ce titre, qui serait beaucoup trop politiquement incorrect pour un journal français chrétien ayant pignon sur rue aujourd'hui. Le "civisme" est prôné aujourd'hui jusqu'à l'absurdité par les plus hautes autorités chrétiennes en France, et le "civisme" implique de larguer des bombes sur des civils innocents en Afghanistan comme en Irak naguère, afin de protéger l'économie française capitaliste de la concurrence.

    D'ailleurs O. O'Donovan se garde de répondre à cette question brûlante de la possibilité d'accorder le statut de soldat et celui de chrétien dans son article. Mais il pose quelques jalons intéressants. Il cite d'abord saint Augustin (en 417 "de notre ère", est-il précisé, je suppose à l'attention du lectorat yanki de "La Tour de Garde") :

    "Gardez-vous de croire qu'on ne puisse plaire à Dieu dans la profession des armes (...). Il en est (...) qui, en priant pour vous, combattent contre d'invisibles ennemis ; vous, en combattant pour eux, vous travaillez contre les barbares trop visibles."

    O'Donovan qualifie malicieusement Augustin de théologien "catholique". En réalité le renom d'Augustin est plutôt dans les pays de confession protestante. Chez les catholiques, ce sont les jansénistes qui ont remis à la mode saint Augustin au XVIIe siècle pour des raisons politiques (que l'extrait cité par O'Donovan permet aisément de deviner).

    Thomas d'Aquin (XIIIe siècle) est ensuite cité :

    "Les guerres sont licites et justes (...) dans la mesure où elles protègent les pauvres et tout l'Etat contre les violences des ennemis".

    Ici on ne peut s'empêcher de penser à Bernard Kouchner. C'est-à-dire que le propos de Thomas d'Aquin constitue un progrès considérable par rapport à celui d'Augustin, à la stricte condition qu'il ne soit pas fait une application hypocrite de cet "humanisme militaire" protecteur des pauvres. Un peu d'histoire suffit pour connaître que l'hypocrisie prévaut généralement dans le déclenchement des conflits militaires, surtout au cours de l'histoire récente, et bien sûr au-delà du seul cas de Bernard Kouchner.

    O'Donovan s'en abstient, mais il aurait pu citer des formules plus pacifistes encore datant de la Renaissance, celles d'Erasme, par exemple, afin d'illustrer le progrès vers l'orthodoxie chrétienne jusqu'au XVIe siècle. Orthodoxie qu'on peut traduire comme la correspondance de la théologie avec l'Ecriture sainte qui la surpasse toujours ; orthodoxie dont on peut vérifier historiquement qu'elle coïncide avec une dépolitisation de la théologie.

    O'Donovan cite justement : "Remets ton épée à sa place, car tous ceux qui prennent l'épée périront par l'épée." prononcé par le Messie contre l'apôtre Pierre, sûrement pas par hasard (Matth. 26:47-52).

    Il aurait pu citer aussi, qui dissuade plus largement encore le chrétien de se compromettre dans la carrière des armes : "Que celui qui a des oreilles entende ! Si quelqu'un mène en captivité, il sera mené en captivité ; si quelqu'un tue par l'épée, il faut qu'il soit tué par l'épée. C'est ici la patience et la foi des saints." (Ap. Jean 13: 9-10)

    Bien sûr, on est en droit de trouver ça naïf et utopique. Mais la politique du point de vue chrétien est une utopie qui a la puanteur du Danemark, la couleur pourpre, écarlate ou orange des âmes corrompues.

    "La Tour de Garde" des Témoins de Jéhovah s'avère donc une lecture très saine en définitive pour des catholiques, par comparaison à la chienlit et la cinéphilie immonde des gazetiers démocrates-chrétiens actionnés pour beaucoup d'entre eux par "Le Figaro", dont les arrières-pensées politiques précisément sont transparentes comme le cristal.

  • Sorbonagreries

    Ce n'est pas seulement le sérieux des commentateurs de François Bacon qui est douteux (ainsi lorsque J. Ratzinger ou M. Le Doeuff en font le père fondateur de la science polytechnique moderne pour servir leurs propagandes respectives) ; beaucoup de commentaires touchant Shakespeare sont aussi mensongers ou ridicules. Même si les deux colonnes d'Hercule de la bêtise boche que sont Freud et Nitche paraissent infranchissables, les commentaires pédants et oiseux de René Girard appartiennent à la même catégorie qui consiste à plier Shakespeare aux exigences de la science laïque moderne, qui semble toujours dire en regardant le passé : "Miroir, mon beau miroir, ne suis-je pas la plus belle ?"

    Avant de prendre un exemple précis, l'erreur en général est de qualifier le théâtre de Shakespeare de "baroque" toutes les dix lignes, sans démontrer qu'il en possède les caractéristiques. Le refus de caractériser l'art baroque est lui-même typique du savant baroque, au sens de "bordélique" (Le baroque est bas de plafond dans la mesure où il ne conçoit pas grand-chose en dehors de son architecture grotesque et de ses jeux de miroir.) Le crétin italien Stendhal, colporteur du goût pour l'opérette, Stendhal pas plus ne justifie l'étiquette de "romantique" qu'il colle à Shakespeare et qui lui va si mal.

    L'intention ou le procédé artistique de la "mimésis" que Girard prête à Shakespeare ne fait qu'accroître l'incompréhension puisque c'est un vaste fourre-tout. En admettant que l'art grec "imite la nature", expression floue : Girard feint d'ignorer que pour certains Grecs, non des moindres, la nature est double, éternelle ou corruptible. Encore faut-il préciser à quel courant Shakespeare se rattache, méditatif (disons Pythagore) ou contemplatif (disons Parménide ou Aristote) ? L'imitation conduit beaucoup d'artistes, à commencer par les musiciens, à faire correspondre ce qui, dans la nature offerte aux sens en éveil, coïncide le mieux avec la propre nature animée de l'homme. C'est à peu près ça l'art baroque ou romantique, les paysages de Constable en peinture, et Shakespeare ne correspond guère à cette "mimésis", il est beaucoup plus "sculptural" et donc classique que ça. Du crâne du héros grec Ajax, peint sous les traits d'un possédé par Shakespeare, s'échapperait s'il était brisé... de la musique. Tout laisse croire par ailleurs que Shakespeare ne croit guère au destin ; que Hamlet n'est pas dans la disposition d'esprit de s'en remettre à la Providence. Encore un signe qu'on ne peut faire endosser l'uniforme (de marin) romantique ou pré-romantique à Shakespeare. Delacroix, pourtant du même bordage libéral que Stendhal ou Girard, a mieux vu qu'eux la distance séparant Shakespeare de l'idéal musical et reproche à Shakespeare en somme de n'être pas assez "musicien".

    *

    Jean-Pierre Villquin dans l'édition 2008 de la "Pléiade" commente la pièce "Thomas More" découverte tardivement, en prétendant que l'éphémère ministre catholique d'Henri VIII est présenté sous un jour favorable dans la pièce -de façon "paradoxale" ajoute-t-il, puisque More (1478-1535) était papiste.

    Or plusieurs passages de la pièce sont très loin de présenter More sous un jour favorable :

    - un voyou, Jack Falkner, qui réclame justice à More, est éconduit brutalement (Acte III, sc.1) ;

    - plus grave, More est parjure ; après avoir obtenu la reddition d'une bande d'insurgés grâce à sa promesse de leur obtenir la vie sauve, il se dédit (un "les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent" avant l'heure). Et Doll, l'une des rebelles trahis par More a ces mots sarcastiques :

    "C'est un gentilhomme honnête, avisé et qui cause bien. Pourtant j'aurais loué bien davantage son honnêteté s'il avait tenu sa parole et sauvé nos vies. Les mots ne sont que les mots et ne paient pas ce que les hommes promettent avec." (Acte II, sc. 4)

    Ici on ne peut s'empêcher de penser que c'est Shakespeare qui s'exprime, ce passage dirigé contre la rhétorique et les rhéteurs n'étant pas isolé dans son oeuvre. Plus largement More incarne comme Wolsey son prédécesseur, ou Cranmer (si ce n'est Polonius même), le "pouvoir des évêques" et une forme de politique théocratique à laquelle Shakespeare n'adhère pas, conformément à une tradition chrétienne (ni particulièrement antipapiste, ni anglicane). Les Eglises anglicane, allemande, suisse, n'ont pas modifié substantiellement la pratique théocratique catholique ; elles furent bien plutôt, c'est très net dans le cas de Hobbes (qui fut secrétaire de Bacon mais ne le cite presque jamais) les chevilles ouvrières de l'endossement par l'Etat et ses institutions d'habits religieux empruntés à l'ordre pyramidal catholique (La critique de Marx consiste en partie à le démontrer en ce qui concerne l'Eglise allemande luthérienne ; le fonctionnaire, l'"homme nouveau" de la doctrine nationale-socialiste hégélienne auquel Marx et Engels opposent le prolétaire, emprunte son sacerdoce au curé catholique à travers le pasteur luthérien).

    Il est fait allusion à l'ironie "légendaire" de Thomas More à de nombreuses reprises, ironie de More qui lui a aussi valu quelques aphorismes de Bacon ; mais l'ironie ou l'humour n'est guère valorisé dans la tradition chrétienne. Hamlet le manie bien dans son semblant de folie, mais comme une arme pour se défendre contre les saillies de ses ennemis ou de ses soi-disant "amis" Rosencrantz et Guildenstern. Baudelaire remarque à juste titre que "les Evangiles ne rient pas". Encore une fois, More est le dindon de sa propre conception théocratique qui l'entraîne à accepter sa décapitation avec longanimité. Mourir crânement comme More n'épargne que son amour-propre. Ni Shakespeare ni son public n'ignorent qui plus est que la condamnation de More est le résultat d'un imbroglio sentimental et politique peu reluisant qui a déjà eu, lorsque Shakespeare rédige sa pièce, des conséquences tragiques. Pour avoir fait du remariage de son roi un élément-clef de ses intrigues, le cardinal Wolsey a été placé au centre d'une pièce de Shakespeare où celui-ci fait nettement allusion à la pourriture pourpre et écarlate qui colore dans l'apocalypse de saint Jean le pacte entre l'Eglise et le pouvoir temporel.

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    Autre exemple de commentaire gratuit voire ubuesque, celui de Pierre Spriet, à propos de "Troïlus et Cresside" : "Shakespeare a moins d'estime pour les Grecs que pour les Troyens.", écrit Spriet dans sa notice.

    Il semble ici que le commentateur prenne encore ses désirs pour la réalité. En effet, les rôles-titres que sont Troïlus et sa fiancée Cresside (et Troïlus est le "Troyen-type") sont brocardés du début à la fin de la pièce, leur idéal d'amour courtois en particulier, rabaissé au niveau de celui d'un cocu petit-bourgeois, qui lorsque sa dulcinée lui est enlevée pour être offerte en cadeau de compensation à Diomède, ne sait que s'incliner en bafouillant quelques stances ridicules.

    Il me semble que l'idée a dû venir à S. Freud (loin d'être le premier à l'avancer) de l'identité de Bacon et Shakespeare à cause de l'usage subtil de la mythologie grecque par ce dernier. Shakespeare n'a de fait pas manqué de remarquer que le dieu qu'adorent les Troyens, Apollon (le "destructeur") est le nom de Lucifer dans le Nouveau Testament.

    Que tel ou tel commentateur s'identifie plutôt à More, Ophélie, voire Claudius (!) n'est pas gênant en soi ; dans le cas de Nitche, qui présente le même tempérament de petite salope puritaine qu'Ophélie, c'est pleinement justifié. Ce qui est malhonnête, c'est le ton d'apparente neutralité universitaire sur lequel ce genre de commentaire est fait. Une pièce flatteuse pour More ? Paradoxe ! Et l'argument de la poésie pour couvrir cette gnose de profs lorsqu'elle est par trop incohérente. Blablabla.

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    Et maintenant, voici deux apophtegmes de François Bacon où l'humour de Thomas More est lui aussi évoqué.

    "Sir Thomas More n'eut d'abord que deux filles et sa femme ne cessait de prier pour avoir un garçon. Enfin elle eut un garçon, qui ayant atteint l'âge adulte, s'avéra simple d'esprit. Sir Thomas dit à sa femme :

    - Tu as prié si longtemps pour avoir un garçon qu'il en restera un jusqu'à sa mort."

    "Un barbier fut envoyé à Sir Thomas More le jour de sa décapitation, parce qu'il avait les cheveux longs, ce qui pensait-on risquait d'apitoyer plus encore la foule sur son sort. Le barbier s'approcha et lui demanda comment il lui plaisait d'être coiffé ?

    - Ma foi, mon brave (dit Sir Thomas), le roi et moi réclamons tous les deux ma tête, et tant que le cas ne sera pas tranché, je n'engagerai aucun frais dessus."

    F. Bacon, "Apophtegmes" (1624)

    Et encore ceci :

    "- More : Depuis quand portes-tu ces longs cheveux ?

    - Falkner : Je les porte depuis ma naissance.

    (...)

    - More : Dis-moi à présent canaille depuis combien de temps tu n'es pas allé chez le barbier ? Depuis quand cette chevelure épaisse est-elle sur ton crâne ?"

    "Thomas More" (Acte III, sc. 1) (1594 ?)

    Une scène entière quasiment est consacrée à l'obsession qu'a More de la façon dont Falkner, venu le voir pour réclamer un jugement impartial, est coiffé. Ce qui est loin d'indiquer l'estime de Shakespeare pour l'utopie politique de Thomas More, dont il a été fait utérieurement par Rome le "saint patron des hommes politiques" sans tenir compte de l'avertissement de Jésus-Christ contre la tentation d'édifier le royaume de Dieu sur la terre (Je veux dire par là que Shakespeare ne manque pas d'arguments chrétiens pour contester le point de vue de Thomas More, nécessairement le résultat d'un compromis avec le paganisme.)

    Il semble donc que l'opinion en faveur de More soit surtout celle de M. Villquin, non celle de l'auteur de la pièce lui-même.

  • Langue de bois de fer

    Tentative opportuniste d'un jeune crétin, François Huguenin, de blanchir Benoît XVI de l'accusation d'être un pape plein de préjugés en faveur du capitalisme et du libéralisme. "Opportuniste" car il s'agissait plutôt avant la crise de la part des démocrates-crétins de légitimer le capitalisme avec des arguments chrétiens, à la suite du R.P. Bruckberger : "Le capitalisme, c'est la vie." - ou des révérences de Jean Guitton en direction de la science polytechnique capitaliste.

    En admettant même que la crise ait pu révéler toute la hideur du capitalisme à de jeunes chrétiens qui l'ignoraient jusque-là, ignorant aussi le double avertissement messianique contre la politique et l'argent, il ne paraît pas que le pape a beaucoup changé son fusil d'épaule dans le laps.

    L'inanité des encycliques sociales qui se sont succédées depuis que Rome a eu l'idée de ce genre de bobard, le cynisme du "patronnat chrétien" enclin au féminisme pour des raisons salariales déguisées en humanisme, etc., etc., tout ça incite à regarder la dernière encyclique du pape comme une hypocrisie de plus. Qui plus est, le socialisme en tant qu'utopie politique n'est pas plus fondé sur le Nouveau Testament que le capitalisme ou l'écologie (derrière lubbie du primate des Gaules Mgr Barbarin).

    Marx, à qui le freluquet Huguenin ne risque pas de voler la palme de la contestation du capitalisme, sait parfaitement le danger plus sérieux que les socialistes font courir à l'humanisme véritable, en raison d'une aptitude particulière au jésuitisme dont les réactionnaires sont incapables (à tel point, on vient de le voir avec Sarko, qu'un réactionnaire une fois élu est obligé de se rallier à la langue de bois socialiste, au grand dam des cul-bénis sociaux-démocrates privés de leur outil de sidération favori.)

    (La récupération des deux derniers papes par la propagande du Pacte Atlantique, le faux-cul du "Figaro" Patrice de Plunkett inclusivement, cette récupération a été très largement consentie par les deux papes en question ; c'est ainsi que les Russes l'ont pris, et on ne peut pas leur donner tort sur ce point ; or la Russie a donné au cours des dernières années des signes de bellicisme moins grand que les Etats-Unis.

    Je cite l'ex-maire de Plancoët, commune bretonne, qui avait fait ériger une statue du pape Jean-Paul II en présence de l'agent de la CIA Alexandre Adler, propos afin de justifier l'implantation de caméras de surveillance dans sa commune : "Je ne suis pas chrétien, moi, quand on me frappe je rends oeil pour oeil, dent pour dent." pour saluer ce propos, car il montre qu'à défaut d'adhérer au pacifisme chrétien, au moins cet édile admirateur de Jean-Paul II en a eu vent.)

  • Panthéonade

    Le choix d'Albert Camus pour figurer au Ciel républicain et bénéficier de ses 2,5 mètres carrés de gloire (environ) est celui d'un grand petit homme de lettres par un grand petit homme de loi : parfaitement proportionnel.

    D'autant plus que la presse résume Camus (tant mieux, ça m'évite de le lire au-delà de mes anciens devoirs scolaires) au démonstrateur de l'absurdité de la condition humaine (surtout quand elle se termine par un transfert au Panthéon) ; or son admirateur Nicolas Sarkozy prouve, lui, avec non moins de style (plus ?), l'absurdité de la condition de chef d'Etat.

    Le conseiller littéraire et artistique de Sarkozy est un véritable génie à mes yeux (je soupçonne X. Darcos), car l'initiative précédente d'offrir un bouquin de Bernanos à Benoît XVI m'avait parue aussi extrêmement judicieuse et urgente ; Madame de La Fayette est certes encore plus oiseuse que Camus et ne risque pas d'empêcher les fonctionnaires de le rester ; Louis-Ferdinand Céline mérite que même les Français d'origine hongroise le lisent pour comprendre l'identité française, etc., etc. (Je soupçonne d'autant plus Darcos que le ministère du Travail est un ministère qui laisse des loisirs dans les régimes capitalistes en voie de décapilotade et de cinéphilie.)

  • Censurer internet ?

    Mon dabe, plutôt goguenard vis-à-vis d'Internet, se plaint qu'il se traduise par la mort de la presse écrite. C'est-à-dire que mon paternel ne trouve plus dans les quotidiens depuis qu'Internet est entré dans les moeurs ce qu'il y trouvait avant ; et vu qu'il est incapable de se connecter à Internet...

    Tu parles d'un drame ! Pour moi je serais ravi jusqu'à l'orgasme si l'internet pouvait achever définitivement la presse écrite, dont la mort est parfaitement rationnelle, pour qu'on soit débarrassé enfin de tous ces plantons de la politique qui n'en assument même pas les désagréments. Même symboliquement, juste avant l'apocalypse.

    Il faut dire que pour un marxiste (mon dabe ne l'est pas), compte tenu du mépris de Marx pour la politique et les politiciens, la responsabilité des savants est beaucoup plus grande, l'imposture scientifique s'incarnant pour Marx dans la philosophie (Marx n'a pas eu le temps comme F. Bacon de s'étendre sur les liens étroits qui unissent la philosophie aux mathématiques -et pour partie à la poésie-, arts éminemment spéculatifs, comme qui dirait "orphiques" selon Bacon ; Bacon a vu avant Marx le caractère "orphique" de l'art bourgeois.) Hitler est moins coupable que Hegel en quelque sorte, puisque celui-là n'a pas l'intelligence de celui-ci, et qu'un homme politique quel qu'il soit est comme pris dans un engrenage. Sarkozy est sans doute particulièrement "en phase" avec la société française actuelle, mais lui ou Ségolène Royal, François Bayrou, qu'est-ce que ça change ? Tout le monde a pu constater comment Fillon, chrétien libéral (putain de sa race maudite), s'est mué subitement au gré des événements en chrétien social injectant de l'huile dans les rouages et cédant au mécontentement des moins riches qu'il se proposait de mettre au pas deux semaines auparavant. Si la société n'était pas aussi pédérastique, le constat de l'inanité de la politique serait tiré par tout le monde. Après la nuit des rois, celle des présidents et même des parents : c'est l'ordre politique même qui l'exige. Si la politique ne se dirigeait pas inéluctablement vers le cercueil, elle ne serait pas anthropologique. Or Marx démontre que le seul mobile de l'anthropologie, c'est la politique (c'est vérifiable sur le plan de l'art aussi) ; et Shakespeare souligne, derrière le mobile de la politique, l'action du diable (Toutes confessions confondues, on peut poser qu'un dévot de la politique -il faut l'être aujourd'hui compte tenu de ses résultats- détestera Shakespeare à condition qu'il soit un minimum alphabétisé et ne confonde pas Shakespeare avec le boeuf Verdi ou Rossini.)

    Il n'y a sans doute positivement pas lieu de se réjouir des progrès accomplis par Internet, surtout vérifiables dans le domaine de la prostitution (d'où on peut déduire la totale hypocrisie du féminisme, idéologie presque entièrement adossée au capitalisme depuis un siècle) ; mais on peut néanmoins interpréter le fait que la liste des vieux cons qui pestent contre le web ne cesse de s'allonger, comme un signe assez encourageant ; pour mémoire je note ici ma liste :

    - Eric Orsenna ;

    - Maurice Dantec ;

    - Jacques Séguéla ;

    - Alain Finkielkraut ;

    - Pierre Arditi...

    (Les nouvelles contributions de vieux cons sont les bienvenues, à condition qu'il s'agisse bien d'authentiques vieux cons, actionnaires depuis des lustres de l'évolution de la bourgeoisie vers la fange.)

  • Pour un art communiste

    "Peut-on vivre sans art ?" : question posée nécessairement par un bourgeois pour dissimuler que depuis plusieurs siècles la bourgeoisie s'accommode fort bien de la mort de l'art, se contentant du style.

    Il est douteux en revanche que la bourgeoisie puisse se passer d'une gastronomie, où se situe la véritable assiette de la République. Le "Ritz" ou l'"hôtel de Crillon" sont les derniers endroits où la merde ne peut faire office d'art sans offusquer la clientèle.