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politique - Page 7

  • L'essence de la laïcité

    Pour les candides qui se font encore des illusions sur la prétendue “neutralité laïque”, cette affaire de mariage musulman annulé, qui a mobilisé comme un seul homme le rouleau compresseur médiatique, est une véritable "leçon de chose".

    Car que s’est-il passé, derrière l’écran de fumée des syllogismes juridiques et de la propaganda télévisée ? C’est pourtant simple, des lobbys laïcs, relayés par des médias laïcs, ont annulé une jurisprudence laïque, au mépris de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice, grand principe constitutionnel laïc.
    Si on peut dire, l’empiètement des lobbys et des médias sur le pouvoir judiciaire ou législatif est tellement peu laïc que la Constitution n'a même pas songé à parer ce danger ; c’est pourtant ce qui vient de se passer, les médias ont ordonné à la Garde des Sceaux de changer la jurisprudence, au vu et au su de tout le clergé laïc, avec son approbation.
    (A ma connaissance, seule la presse étrangère, britannique, a relevé ce fait évident.)

    *

    Par-delà même ces deux négations, c’est la théorie laïque (algébrique) du cantonnement de la religion dans la sphère privée qui vient d’être bafouée ouvertement.
    L’avocat du couple musulman, Me Labbée, avait bien pris soin d'emprunter les fourches caudines du droit laïc. Il ne s’agit pas ici d’un père de famille musulman ou catholique "intégriste" qui ramène de force à son domicile sa fille émancipée légalement. La forme laïque et ses circonvolutions a été scrupuleusement respectée.

    Le caractère fourchu de cette théorie algébrique qui met en parallèle les sphères privée et laïque a surgi. Encore une fois c’est un cas d’école. La fiction de la sphère privée a été démantelée pour pouvoir s’attaquer à la religion musulmane qui s’y était réfugiée.
    Le sophisme, présenté comme une vérité universelle, utilisé communément par les laïcs pour traquer les religions dans la Cité et les en expulser, en affirmant que la virginité n’est pas un motif subjectif, que les seuls motifs subjectifs valables sont des motifs laïcs, les lobbys laïcs ont fait voler en éclat. Ils l'ont écarté pour mieux s’en prendre à l’islam, dans la vie privée, trahissant ainsi le véritable mobile laïc.

    La négation de la jurisprudence d’un tribunal laïc, la négation du principe de séparation des pouvoirs, la négation de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, tous ces reniements accumulés ne signifient qu’une seule chose : le superfanatisme de la religion laïque spéculée.

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    Ici j’en profite pour faire observer une chose à mes frères musulmans respectueux de la loi divine, et qui refusent de se prosterner devant des idoles laïques comme le football ou le cinéma. Une chose qu’ils ne sont peut-être pas les mieux placés pour observer : le fanatisme laïc, décrit par Marx comme un opium surpuissant, emprunte les voies du droit et de l’algèbre ; ce n’est pas un hasard si la réalité objective est subvertie par ces moyens. Car il n’y a pas de hasard, pas plus qu’il n’y a de fatalité.
    Le paganisme laïc, pas plus que l’hérésie démocrate-chrétienne qui le sert, n’étaient inscrits dans les gènes de la France. Les musulmans ne doivent donc pas s’interdire de comprendre l’esprit de l’Occident pour mieux éviter le piège mortel dans lequel celui-ci est tombé.

  • L'essence de la laïcité

    « Rien qui ne devienne vénal, qui ne se fasse vendre ou acheter ! La circulation devient la grande cornue sociale où tout se précipite pour en sortir transformé en cristal monnaie. Rien ne résiste à cet alchimie, pas même les os des saints, et encore moins des choses sacro-saintes, plus délicates, res sacro-sanctae extra commercia hominum. De même que toute différence de qualité entre les marchandises s’efface dans l’argent, de même lui, niveleur radical, efface toutes les distinctions. Mais l’argent est lui-même marchandise, une chose qui peut tomber sous les mains de qui que ce soit. La puissance sociale devient ainsi puissance privée des particuliers. Aussi, la société antique le dénonce-t-elle comme l’agent subversif, comme le dissolvant le plus actif de son organisation économique et de ses mœurs populaires.* La société moderne qui, à peine née encore, “tire déjà par les cheveux le dieu Pluton des entrailles de la terre”, salue dans l’or son Saint-Graal, l’incarnation éblouissante du principe même de sa vie. » Karl Marx, Le Capital, livre I. *« Rien n’a, comme l’argent, suscité parmi les hommes de mauvaises lois et de mauvaises mœurs ; c’est lui qui met la discussion dans les villes et chasse les habitants de leurs demeures ; c’est lui qui détourne les âmes les plus belles vers tout ce qu’il y a de honteux et de funeste à l’homme, et leur apprend à extraire de chaque chose le mal et l’impiété. » (Sophocle : Antigone. Note de Karl Marx)

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    Accuser Marx de manquer de spiritualité, c’est exactement comme accuser Balzac de manquer de poésie - un reproche qu’on entend parfois ici où là. C’est la haine du romantisme vis-à-vis du classicisme, la haine d’Alexandre Dumas vis-à-vis de Racine. Dans la même veine sournoise, il y a les efforts de la critique contemporaine pour réduire les peintres de la Renaissance, puissants, beaucoup trop puissants et populaires, beaucoup trop populaires, pour les réduire à des géomètres-experts ou à des magiciens et les ramener ainsi à la mesure du bourgeois amateur de gadgets conceptuels. Le fétichisme des mots contre l’art. L’orthographe contre la syntaxe. Le haïku contre la Bible.
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    Non seulement ceux qui accusent Marx d’être dépourvu de spiritualité sont des ignares, mais ce sont des ignares qui entendent le demeurer. C’est parce que la question de la foi est un question bourgeoise que Marx ne l’aborde pas. Le pilier ne doute pas de la voûte. Marx est bien placé pour connaître cette hypocrisie, lui qui a démontré que la laïcité était une fiction ; par conséquent la foi démocrate-chrétienne, chrétienne-démocrate, la foi athée qui en découlent, sont des fictions elles-aussi. À moins de nier la liberté individuelle, ce que Marx ne fait pas, ces fictions qui se présentent comme des angélismes, sont librement consenties. Étant donné que l’essence de la religion laïque, c’est la négation, en théorie aucune autre religion ne devrait accorder plus de place au doute. Or dans les faits, il n’est que de voir ses représentants les plus médiatiques, perpétuellement à la chasse aux sorcières, pour constater qu’on est en présence de fanatiques. La laïcité, c’est le fanatisme du doute.

  • Pour un art communiste

    Comme le dessein de la Renaissance, la pensée de Marx repose beaucoup sur ses articulations.
    L’articulation entre Marx et les Lumières, l’articulation entre Marx et le religion, l’articulation entre Marx et la doctrine historique de Hegel, l’articulation entre Marx et l’anarchie… Toutes ces questions un peu subtiles ont été noyées dans le flou impressionniste de la pensée dite “post-moderne”.

    En France, des penseurs gnostiques comme Althusser, Derrida, ou même Sartre, sont pour partie responsables du voile épais de préjugés qui recouvre désormais la doctrine marxiste. La gnose elle-même, ce style n’est pas marxiste. Une partie de l’œuvre critique de Marx consiste en effet à démontrer que la gnose de Hegel, des gadgets comme le “sein” et le “dasein” par exemple, revêt l’apparence du mysticisme pour mieux dissimuler en réalité des syllogismes et des tautologies destinés à combler lacunes et contradictions.
    « Ce qui ce conçoit bien s’énonce clairement. » Marx prône un style radical, imagé, allégorique : par là il montre qu’il est bien l’héritier des Lumières. Le style de Marx c'est celui d'Alexandre qui tranche le nœud gordien.
    Althusser, Derrida et Sartre n’ont fait que recouvrir de mysticisme frelaté une praxis marxiste qui rejette ce langage romantique décadent.

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    A propos de l’articulation avec l'anarchie : Marx éprouvait de la sympathie pour le mouvement anarchiste de lutte contre l’oppression bourgeoise. Mais il s’oppose au raisonnement des anarchistes, primitif de son point de vue. Tout simplement parce que pour Marx l’Etat laïc totalitaire est le principal moteur d’anarchie, c’est-à-dire de dissolution de tous les critères humanistes. Les institutions de la société civile bourgeoise, la presse bourgeoise, les cartels bancaires, l’université bourgeoise, le droit bourgeois, la religion laïque des Droits de l’homme, voilà l’anarchie pour Marx.
    On entend parler parfois d’”anarcho-marxistes”, ou encore on entend dire que “l’histoire a donné raison à Hegel, et tort à Marx. Ceux-là ne savent pas lire. N’est-il pas tout à fait étrange d’entendre Ségolène Royal se dire antilibérale et se revendiquer simultanément de Tocqueville, penseur décadent ? Elle se revendiquerait de Maurras que ça ne serait pas plus illogique.
    On objectera qu’il s’agit juste de tactique électorale, de ne pas se laisser déborder par Besancenot. Certes, mais en tant qu’elle est mensongère, la propagande électorale est un facteur d’anarchie ; l’”opium du peuple” : on est en plein dedans.

  • Pourquoi Marx ?

    À propos de la convergence du catholicisme avec la doctrine marxiste, trois remarques supplémentaires :

    - Il ne vient à personne l’idée de dénoncer la collusion de la pensée chrétienne avec Platon, Aristote, Nitche, Maurras, Kant, etc., a priori. Le pape cite lui-même Kant comme un visionnaire, dont Péguy a au contraire souligné l’ineptie.
    Des maisons d’édition se revendiquant clairement catholiques publient même des biographies de Nitche où l’auteur n’hésite pas à étaler sa sympathie pour l’inventeur de la morale du super-héros. Michel Onfray, nitchéen médiatique, spécialisé dans l’anticléricalisme, n’en a pas moins reçu dans sa Normandie natale une éducation démocrate-chrétienne exemplaire, avant d’être initié aux arcanes de la philosophie par Lucien Jerphagnon. Bien sûr, s’agissant de la repentance de l’Eglise catholique, Onfray préfère la position de l’Inquisiteur à celle de l’accusé ; ça peut se comprendre de la part d’un super-héros comme lui, “best-seller” édifiant (il prend sur la couverture de ses bouquins une pose de super-héros laïc qui n’a peur de rien et surtout pas du ridicule.)

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    S’il fallait décerner la palme du paganisme à l’un de ces auteurs, Platon ou Nitche l’emporteraient évidemment sur l’auteur du Capital, loin, très loin de l’”éternel retour” ou de la mythologie de Platon. Alors pourquoi Marx ? Est-ce un hasard ?

    - Secundo, cette convergence entre le communisme et le catholicisme est d’abord contestée par des catholiques qui ignorent à peu près tout du marxisme. Benoît XVI a-t-il connaissance du rejet du césarisme par Marx ?
    Ou contestée par des marxistes qui ignorent à peu près tout de la doctrine catholique. Ce versant-là est plus intéressant, dans la mesure où Marx lui-même, s’il avait une bonne connaissance de l’Ancien et du nouveau Testament, voit la religion chrétienne à travers le prisme de Feuerbach, c’est-à-dire de la théologie protestante, même si Marx rejette en définitive la démonstration générale de Feuerbach, après un examen approfondi. Feuerbarch fonde d’ailleurs la morale laïque bien plus sérieusement que Nitche ou les divers existentialistes.

    - Enfin, il convient de remarquer que le communisme a été perverti par la même hérésie que le catholicisme au cours du XXe siècle, à savoir la religion laïque. Ce sont les principes laïcs, admis par une large majorité de communistes en Europe de l’Ouest qui ont ôté au communisme son caractère révolutionnaire et scientifique. Exactement comme l’intrusion de principes laïcs dans la doctrine catholique, malgré le syllabus de Pie IX et le combat d’écrivains comme Bloy, Péguy, Claudel, Chesterton, Waugh… a eu pour effet de transformer le christianisme en césarisme. Les démocrates-chrétiens continuent d’aller à la messe, de faire des retraites de Saint-Ignace, d’analyser les textes sacrés, mais pour le reste, beaucoup, en purs esprits s’en lavent les mains, quand ils n’apportent pas carrément leur soutien à l’Etat laïc, affirmant contre la lettre et l’esprit que le devoir d’un chrétien est en toutes circonstances… de payer l’impôt à César.

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    De la même façon que la religion laïque est fondée sur sa propre négation désormais, à savoir l’affirmation de sa “neutralité” (de l’usage du kantisme dans le fanatisme…), la religion démocrate-chrétienne est fondée sur sa propre négation elle aussi : le passage de l’Evangile de Matthieu où Jésus, en présence des Pharisiens, recommande de ne pas rendre un culte à César - d’une façon qui semble inaccessible à l’entendement de ces pharisiens, entre parenthèses.
    Le manifeste du Parti communiste en particulier, et Marx en général qui démystifie l’Etat, est plus conforme que la religion démocrate-chrétienne à l’évangile de Matthieu.
    On pourrait rétorquer que Marx, s’il s’oppose à la religion de l’Etat, critère qui permet de distinguer un régime totalitaire d’une dictature, fonde une religion de l’homme pour l’homme. Ça serait inexact ; Marx fonde une religion de l’“humanité”. L’histoire récente montre que cette religion de l’“humanité” s’oppose à la religion libérale des “Droits de l’homme”. En niant Dieu, serait-ce en passant par l’angélisme philosophique de Kant ou le “pari de Pascal” (Péguy a fait le lien entre les deux sophistes), on finit par nier l’homme. En réaffirmant l’humanisme, Marx peut-il nier Dieu ? Le fait est qu’il ne le nie pas. Ce que Marx nie, c’est l’aptitude de la religion à mettre en valeur la Vérité.
    Même si la volonté de restaurer l’esprit scientifique et artistique dans l’Eglise sous-tend en partie le récent concile de Vatican II, le moins qu’on puisse dire c’est que cette volonté a échoué ; le style gnostique des actes du concile le prouve. Cet échec est le même que celui de Mai 68. Cet échec a un nom : victoire du libéralisme, ou de l'angélisme.

  • Ligne de fracture

    Contemporain de Zola déjà, Léon Bloy, même s’il ne fut pas “dreyfusard” comme Péguy, dégoûté par la mise en scène médiatique, Léon Bloy a démontré qu’entre les libéraux laïcs (alors antisémites) et “les Juifs”, c’était un problème de concurrence, de jalousie, une jalousie qui préfigure celle du peuple allemand d’entre les deux guerres, exploitée par Hitler, non pas une question d’idéal.
    La métaphysique du peuple allemand (Heidegger), cette idéologie est parallèle à la métaphysique du peuple juif. C’est ce que Bernanos a voulu dire par : « Hitler a déshonoré l’antisémitisme. »
    Le judaïsme, qui était d’abord une religion, est devenu avant tout un nationalisme.

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    La volonté actuelle des démocrates-chrétiens (Sébastien Lapaque dans Le Figaro) ou de la revue Les Temps modernes, de déshonorer à son tour Bernanos ou Simone Weil, au mépris de l’histoire, est parfaitement logique. Elle vise à dissimuler la continuité des principes laïcs totalitaires, de la France de Drumont aux Temps modernes, en passant par le régime nazi.
    La gnose d’Heidegger, de Popper, d’Adorno, etc., inspirée du saucissonnage saucissonnage kantien, s’avère être l’outil idéal de mystification.
    Au passage, Les Temps modernes déshonorent d’ailleurs aussi Sartre, qui aurait certainement récusé cette propagande capitaliste, bien qu’il ait lui même mêlé à son engagement marxiste une bonne dose de fausse mystique existentialiste.
    L’idéologie laïque assigne désormais à Sartre le rôle que l’idéologie démocrate-chrétienne assigne à Chateaubriand ou à Mauriac, et qu’elle voudrait assigner à Bernanos, un rôle de fétiche, de gourou.

    La véritable ligne de fracture idéologique se situe entre le protestantisme, la religion laïque dans ses différentes versions, le judaïsme et l’islam d’une part, et le catholicisme, la religion orthodoxe et le communisme d’autre part.

  • CRS = SS

    Certes, comme l’explique Simone Weil dans Les Causes de l’oppression, la foi dans la religion laïque peut être sincère. La Nature toute-puissante imposait aux sociétés primitives une crainte superstitieuse ; l’Etat laïc totalitaire tout-puissant et ses institutions bureaucratiques tiennent eux aussi les individus en “respect”, leur inspirent la même sorte de crainte, le sentiment d’être le jouet de forces supérieures.
    Celui qui fait du soldat nazi, prêt à obéir aveuglément à son führer le seul exemple de fanatisme laïc, c’est celui-là qui est le vrai “révisionniste”.

    La France contemporaine fournit encore quantité d’autres exemples de ce panurgisme à grande échelle, de plans Marshall de la bêtise. On pense bien sûr au gaullisme ; mais le moins qu’on puisse dire c’est que les successeurs de De Gaulle n’ont pas enrayé la machine à broyer les consciences et que les héritiers de Mai 68 se planquent derrière un idéal qu’ils ont trahi. Ici Sarkozy vaut mieux que Glucksman, Cohn-Bendit ou Alain Geismar : il est moins hypocrite.

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    Les Yankis n’ont pas, hélas, le monopole de l’ignorance. Mais le régime yanki a perfectionné la propagande de Goebbels. Le sécularisme laïc et capitaliste que l’Allemagne nazie a échoué à imposer à l’Europe, les Etats-Unis ont réussi à l’imposer au monde entier.
    C’est le mérite particulier de Drieu La Rochelle d’avoir distingué très tôt, dès qu’il fut en contact avec la réalité nazie, la continuité entre le régime nazi et le régime yanki, lui qui était devenu nazi par anti-américanisme. En un sens Drieu s’est moins trompé que Malraux ou Bernanos ; c’est ce qui lui vaut la haine recuite des propagandistes.

    Un intellectuel comme Claude Allègre fait le chemin inverse aujourd’hui de celui de Drieu ou Bernanos, vite décillé sur le compte de De Gaulle et des gaullistes. A contrecourant de l’histoire. Allègre est pourtant bien placé pour constater les dégâts du capitalisme sur la science, qu’il combat d’ailleurs vigoureusement, par un étrange dédoublement de personnalité… pas si étrange que ça, en fait ; pour tout dire, cette contradiction est même très répandue.
    On la retrouve au cœur même du nazisme. Ce qui distingue le régime nazi du régime yanki, en effet, c’est que le premier, avant de s’abîmer dans une guerre totale capitaliste a accompli le socialisme réel, dans le cadre d’une nation, ce qu’aucun Etat n’est parvenu à faire dans l’ère capitaliste avant lui ni après. Le rapport que les libéraux entretiennent aujourd’hui avec le nazisme est bien un rapport de répulsion ET de fascination.
    La caricature de l’Allemagne nazie est plus que jamais nécessaire. Il convient pour la propagande laïque de ne pas entrer dans les détails de l’Histoire. Ainsi, en éludant “le point de détail”, Le Pen n’a fait qu’éviter le piège qu’on lui tendait pour mieux tomber dedans.
    La leçon de l’histoire du nazisme tirée par Drieu, c’est que la voie du capitalisme à visage humain, du capitalisme “réformé”, du capitalisme “socialiste” est une impasse. C’est une leçon qui vaut aussi bien pour Allègre que pour Le Pen, Sarkozy ou Ségolène Royal aujourd’hui, idolâtres à des degrés divers de l’Etat laïc républicain.

    *

    Bien sûr un des aspects les plus odieux de cette propagande laïque, c’est sa façon de faire de Tariq Ramadan, du régime iranien ou de l’islam en général des boucs émissaires, de les dépeindre en héritiers d’Adolf Hitler. On remarque que ce sont les mêmes qui sont à la pointe de la propagande anti-islamiste en France, Le Monde, Le Figaro, dont l’influence s’étend au-delà de leurs seuls abonnés, qui ne se gênent pas pour vendre des armes à l’Arabie saoudite.

  • Marx, Antigone et les crétins

    Le mérite revient à Marx d'avoir démontré de façon drastique comment, en fait, la laïcité est la religion de l'Etat totalitaire (In : Critique de l'Etat hégélien). Il fait voir en quoi la mystique de Hegel est une illusion (elle-même issue des ratiocinages gnostiques de Kant). Evidemment on aurait tort de croire que Marx s'attaque au penchant naturel de l'homme à s'organiser, à concevoir des critères et une hiérarchie. Tout au contraire, la religion laïque est pour Marx facteur d'abrutissement, un opium plus fort que n'importe quel autre, destructeur au bout du compte de tout art, de toute science et de toute politique - en un mot de toute spiritualité.

    Ce qui confirme la démonstration de Marx que la religion laïque mène au totalitarisme, c'est que bien peu d'adeptes de la laïcité aujourd'hui ont une notion à peu près claire des principes de Hegel, pourtant le plus solide théoricien de l'Etat divin. Ni même une notion claire de Feuerbach, le plus solide théoricien de la morale démocrate-chrétienne. Il est vrai qu'en France on a tendance à tout ramener aux Lumières, à Voltaire et à Rousseau, bien que le premier ait plutôt été inspiré par le régime de la monarchie constitutionnelle anglaise, qui n'est pas une théocratie laïque, et que le second ne soit en aucun cas un athéologien comme Feuerbach ou un admirateur de l'Etat-Dieu dirigé par un homme providentiel comme Hegel (On imagine mal Rousseau admirateur de Bismarck, Napoléon ou Hitler).

    Balzac de son côté a bien compris que le XIXe siècle et la société civile bourgeoise naissante qu'il a si bien peinte en humaniste, est non seulement marquée par la haine de Dieu mais également par la haine du siècle de Louis XV et de ses Lumières. Rousseau et Voltaire n'ont pas été enterrés, bien sûr, mais ils survivent à l'état de fétiches, comme Baudelaire et Balzac dans le petit musée de Proust. Au mieux on peut dire que Proust est un fétichiste qui a le bon goût de ses fétiches, comme l'égocentrique Sollers aujourd'hui. Mais ce fétichisme n'a pas grand-chose à voir avec le contenu de Voltaire, Rousseau, Balzac ou Baudelaire.

     

  • Fiction totalitaire

    - Paraît que la destination préférée des adolescents en fugue, en majorité des filles, c’est Marseille, le quartier du Mistral où est tourné le feuilleton Plus belle la vie.

    - Besancenot, de la Ligue communiste révolutionnaire, congratulé par Michel Drucker sur le plateau de Vivement dimanche : si c’est pas une preuve que le patronnat qui finance la télévision sait se montrer compréhensif avec le prolétariat opprimé…
    Etant donné ma conversion au communisme, je pourrais avoir plus de sympathie, désormais, pour Besancenot que pour Marine Le Pen ; mais quelque chose m’en empêche.

    La mutation du PS n'est pas tant l'adhésion au libéralisme que le rejet de l’idéal révolutionnaire, pour s’adapter au vieillissement du corps électoral. Ça implique que le débat gauche-droite n’est plus qu’une guerre médiatique. De Delanoë ou de Ségolène, le meilleur scénario l’emportera. Ségolène ne peut mieux investir son temps et son argent que dans des cours de danses, de diction, des cures de rajeunissement.

    À côté de cette compétition à l’américaine entre bonimenteurs de gauche ou de droite, s’ils veulent incarner autre chose, Besancenot et Marine Le Pen n’ont pas d’autre choix que de se radicaliser ; Besancenot de se couper complètement de la gauche caviar dont les deux tiers des médias expriment les idées du matin au soir ; Marine Le Pen de se couper complètement de la droite saumon dont le tiers restant des médias exprime les idées. Plutôt que d'une fracture sociale, il vaut mieux parler d'une fracture entre les générations, de plus en plus difficile à surmonter par les partis politiques ; d'un côté le désir d'une mort lente dans des conditions de confort optimales, de l'autre le désir d'une vie réelle sans cinéma, moins confortable et plus libre.
    Comme la résistance à l’esprit capitaliste totalitaire, indissociable de la religion laïque de l’Etat, se situe autour de vingt à trente pour cent des votants, il est probable que l’un des deux candidats qui revendique l’esprit de jeunesse et de résistance, Besancenot ou Le Pen, est amené à passer à la trappe. Que le plus imaginatif l'emporte !

    Vingt à trente pour cent, c’est à la fois très peu, et en même temps un tel score est inimaginable dans beaucoup de pays.
    Malgré tous les signes de débilité mentale profonde, je ne peux pas m’empêcher d'observer que la France est mal préparée au totalitarisme. Même Plus belle la vie, les ficelles sont tellement grosses qu’il y a peu de téléspectateurs à prendre ce moralisme-là au sérieux.
    Même Sarkozy qui prend pour modèle la laïcité positive totalitaire, paradoxalement son immaturité est telle qu’il discrédite l’idée même d’État ; il la désacralise par son petit théâtre grand-guignolesque. Berlusconi passe pour un type sérieux à côté de Sarkozy.

  • Chanson française

    Quoi de plus bluffant que le succès de Cynthia Sanders ? De fait la jeune chanteuse française d’inspiration américaine n’était pas l’héritière d’une dynastie de chanteurs mais simple gérante d’un salon de toilettage pour chiens dans le Nord-pas-de-Calais ; elle ne pouvait se prévaloir d’aucune vedette de la chanson, aucun acteur, pas le moindre journaliste dans sa famille.
    Absolument rien ne laissait prévoir que son tube Carillons de bonheur, composé pendant ses RTT, cartonnerait comme il cartonna - 300.000 singles vendus en un mois ! -, sans d’autre soutien que son petit ami de toujours, Sébastien, en congé préparental d’éducation (Cynthia avait cessé de prendre la pilule depuis cinq mois et demi.)
    Une spontanéité qui faisait plaisir à voir !

    D’abord, grâce au bouche-à-oreille, tout le canton de B*** fredonna bientôt en chœur le refrain (“Carillons de bonheur battent dans mon cœur, lalala, pour Jo-hon-ny Walkeur !…”.) ; puis aucun night club à cent kilomètres à la ronde ne put débuter la soirée autrement qu’au son des “Carillons” de Cynthia Sanders.
    Cynthia ne faisait plus ses courses dans B*** sans s’armer de son feutre à dédicacer.

    La nouvelle star du cru brilla ensuite rapidement d’une aura nationale : les animateurs les plus populaires du PAF s’arrachaient Cynthia qui faisait souffler un vent de fraîcheur dans des émissions pourtant déjà peu suspectes de parisianisme.
    Internet se chargea enfin d’en faire une célébrité internationale, notamment dans la francophonie, et la barre symbolique du million de téléchargements sur son site Myface.com (hors hexagone) fut franchie.

    *

    Bien sûr un tel succès n’alla pas sans provoquer quelque jalousie. Par exemple de la part de chanteurs à textes qui avaient bossé dur pendant des années, se coltinant des questions sociétales brûlantes, produisant des chansons engagées dont l’utilité publique était reconnue unaniment, mais qui ne décollaient pas.

    Néanmoins les Français, eux, ne boudaient pas leur joie d’entendre et voir chanter Cynthia Sanders, et c’est ce qui comptait le plus aux yeux de la jeune femme. Peu importait que les bobos fissent la fine bouche et préférassent les calembours lacaniens de Ménabar ou les mélodies subtiles de Karine Khan.
    Pour preuve, le “remix” techno des “Carillons” se vendait encore mieux que la version originale.

    L’arrogance que certaines vedettes de la télé ne dissimulent pas toujours parfaitement, Cynthia en était complètement exempte ; c’était ce qui touchait les gens au plus profond ; elle était tout à fait simple et exprimait les meilleures intentions du monde : apporter un peu d’espérance aux Français dans une période où le pouvoir d’achat n’était pas rose, et composer un album complet pour la rentrée avec quelques titres en anglais.

    La gloire de Cynthia aurait pu n’être qu’éphémère ; elle aurait pu, tel un papillon de nuit, être happée par la lumière des phares d’une célébrité à laquelle elle n’était pas génétiquement préparée et périr d’une métaphore aussi banale… si un documentaire de la chaîne culturelle “Arte” sur Coluche ne lui avait pas donné l’idée, comme le grand comique, de se présenter à l’élection présidentielle à son tour.

    Comme pour Coluche, la campagne fut semée d'embûches, mais Cynthia était têtue et son tube faisait taire en cas de besoin tous ses détracteurs. De plus la France avait évolué depuis Coluche et les dernières crispations s'étaient relâchées.
    Au milieu de la campagne, alors que l’enthousiasme pour la jeune candidate semblait faiblir après la révélation par le Canard enchaîné que Cynthia n’avait même pas décroché son brevet des collèges ni payé ses impôts en 2006, elle obtint le soutien inattendu de Mgr Philistin, fringant cardinal primat des Gaules, qui sortit de sa réserve et de sa componction théologique habituelle pour donner une interview au Figaro.
    Le cardinal jugeait qu’il était temps d’en finir avec le préjugé franco-français à l’égard de la société de consommation, cause d’une apathie spirituelle déplorable ; et Mgr Philistin de souligner le côté “positif” et donc sain de Cynthia Sanders ; le tube de la chanteuse, quand le cardinal l’avait entendu pour la première fois au XVIe Festival œcuménique de la Part-Dieu, lui avait fait irrésistiblement penser au Cantique des cantiques, pour l'anecdote…
    Difficile de mesurer l’impact d’une telle interview avec précision, mais étant donné le net "retour du religieux" constaté par les instituts de sondage et l’audience du Figaro dans les maisons de retraites, grâce à l’idée de génie de son nouveau directeur d’imprimer en plus gros caractères, il n’était pas interdit de penser que la bénédiction du Primat des Gaules avait joué un rôle décisif, même si le cardinal aurait préféré manger sa mitre plutôt que d'avouer sortir du cadre de la laïcité, naturellement.

    Toujours est-il que Cynthia Sanders l’emporta au finish sur le président sortant d’une bonne tête au second tour des élections de 2012, entrant ainsi, comme on dit, dans l’Histoire.
    Qui aurait pu prévoir, quelques années auparavant, que le président Sarkozy serait battu sur son propre terrain, où il semblait pourtant inaccessible, le terrain du dynamisme et de la sincérité, de la présence charismatique dans les médias, du sens de l’innovation dans le respect de toutes les cultures, laïque ou religieuses, le tout dans un style certes un peu tape-à-l’œil mais résolument moderne ?

  • Les mains pures

    Le débat actuel sur l'Education nationale permet de voir que le véritable enjeu, derrière les prêchi-prêcha laïcs dont ni la droite libérale ni la gauche libérale (jusqu'à Besancenot) ne sont avares, ce n'est pas tant l'EDUCATION des enfants que la GARDE des enfants.

    La droite libérale insiste pour que les mères de famille puissent se délester en toutes circonstances de leurs enfants et se rendre sur leur lieu de travail - en général, que cette mère de famille exerce la profession de pute, de caissière ou de sage-femme, car dans la logique libérale le travail n'a pas d'odeur : il rend libre, point à la ligne.

    A ce motif, la gauche libérale n'oppose pas un programme éducatif, mais simplement une conception de l'éducation de masse un peu différente, un système dans lequel le pouvoir d'achat des professeurs se verrait revalorisé.

     On aurait tort de croire que ces deux logiques libérales sont faciles à départager ; elles sont en réalité complémentaires. Comme Marx l'explique, le capitalisme est pris dans la contradiction de la capitalisation et de la consommation. A propos des 35 heures, la gauche libérale a défendu le volet "consommation" (plus on travaille, moins on a de temps pour consommer) et la droite libérale le volet "capitalisation" (moins on produit, moins les cartels accumulent de plus-values).

    Il n'y a pas là un discours économique plus stupide que l'autre, les deux discours sont aussi stupides car ils ne tiennent pas compte de la réalité politique (en l'occurrence la montée dans le Tiers-monde de la haine vis-à-vis des Occidentaux, hypocrites esclavagistes munis de leur chapelet de droits de l'homme virtuels).

     Il convient de relever la position démocrate-chrétienne particulièrement cynique. Michelin ou Edouard-Leclerc dans le domaine du commerce international détaché de toute contingence morale - Xavier Darcos dans le domaine de l'Education nationale, qui défend en principe une Education nationale qui ne serait pas soumise aux lois du marché, tout en défendant en réalité une Education nationale qui répond d'abord aux exigences du marché. Le cours de l'évolution de masse suit le cours des besoins du marché français, particulièrement avide en employés du "tertiaire" désormais, en ingénieurs, informaticiens, boursicoteurs douteux, etc.

    La propagande de droite aime à se moquer du petit fonctionnaire en gris, à s'offusquer du désir manifesté par des cohortes de diplômés d'entrer (en sommeil) dans la fonction publique.

    La propagande de gauche se garde bien de remarquer que la carrière d'un chef de rayon yahourts ou d'un conseiller de clientèle bancaire est loin d'offrir un grand contraste et de ressembler à l'existence d'un super-héros nitchéen comme Indiana Jones.

    Le consensus est général pour laisser aux immigrés le soin de tenir les marteaux-piqueur sur les chantiers de Jean Nouvel ou autre crétin multimédaillé. Il faut surtout garder les mains pures.

     

     

     

     

     

  • Marx pour les Nuls

    Le bureaucrate international d’origine helvétique Jean Ziegler milite médiatiquement contre la faim dans le monde.

    Après l’échec des organisations internationales, SDN et ONU à assurer la paix mondiale, c’est le fiasco des organisations internationales chargées d’assurer un minimum de nourriture aux habitants du tiers-monde, qu’un ancien membre comme Ziegler est obligé de constater.

    Si Ziegler évite bien sûr de citer le nom de Karl Marx, il établit un lien direct entre le déséquilibre alimentaire à l’échelle mondiale et le capitalisme :

    - La division de la production agro-alimentaire à l’échelle mondiale, sous l’impulsion de cartels de l’industrie agro-alimentaire yankis, notamment, a éradiqué l’agriculture vivrière dans de nombreux pays, soumettant les habitants de ces pays aux aléas des cours de la bourse de Chicago. Le Mali produit des noix de cajous pour l’apéro des Occidentaux, le Kenya des roses pour la saint-Valentin et autres cérémonies stupides, etc.

    - La spéculation est intensifiée par le monopole des cartels sur le tiers de la production mondiale de céréales qui peuvent ainsi mieux organiser la disette.

    - La bureaucratisation de la paysannerie en Europe et aux Etats-Unis, qui s’accompagne de subventions gouvernementales aux “agriculteurs”, a un effet de “dumping” qui rend la production des Etats-Unis ou de l’Europe compétitive sur les marchés du tiers-monde.

    Il faudrait aussi parler de la forte consommation de haschisch et de cocaïne des pays occidentaux qui oriente les pays d’Amérique du Sud, notamment, vers la culture du cannabis ou de la coca.

    *

    Mais surtout Jean Ziegler se garde d’évoquer le rôle joué par la propagande évolutionniste malthusienne dans cette faillite économique et morale.
    D’abord parce que la fausse science évolutionniste, fondée sur la prospective malthusienne, est au centre de l’idéologie écologiste, celle qui a légitimé que les cartels de l’industrie agro-alimentaire se tournent vers la production de biocarburants et détournent la production de maïs de sa fin.

    Secundo parce que l’évolutionnisme a servi à endormir l’opinion publique occidentale, aussi bien qu’il avait servi la propagande nazie. Comment ? En fourrant dans la tête des gens que la planète est trop exiguë pour accueillir des milliards d’êtres humains, et par conséquent que la famine dans le Tiers-monde est une fatalité - alors qu’elle est le résultat d’une politique dite “libérale”.
    Le sort des juifs fut aussi perçu par une majorité d’Allemands au cours de la dernière guerre mondiale comme une fatalité… ALORS QUE CES ALLEMANDS ÉTAIENT EUX-MÊMES DANS UNE SITUATION PRÉCAIRE, ce qui n’est pas le cas de l’Occident sur le plan alimentaire aujourd’hui.

    On se souvient des propos récents du crétin médiatique Pascal Sevran à propos de la famine en Afrique ; cet imbécile pontifiant a été largement réhabilité depuis par ses pairs : il ne faisait qu’exprimer une opinion évolutionniste largement répandue dans la “patrie des droits de l’homme”.
    Le milliardaire Ted Turner aux Etats-Unis est aussi un militant actif de cette idéologie de mort.

    Un dernier point : Jean Ziegler est-il naïf ou cynique lorsqu’il propose d’inclure dans les Droits de l’homme le droit pour tout homme de manger à sa faim ? Nul n’est mieux placé qu’un type comme lui, pourtant, pour avoir connaissance de l’hypocrisie profonde de la religion des Droits de l’homme. Une hypocrisie au service du capitalisme.

    Nul mieux que Karl Marx, qui déjà prédisait les conséquences catastrophiques de la mondialisation il y a un siècle, nul mieux que Marx n’a démasqué la supercherie laïque des Droits de l’homme et son caractère particulièrement pervers (In :Critique de l’Etat hégélien).
    Un chrétien est censé savoir qu’on ne peut servir deux maîtres à la fois, Dieu et l’Argent, ou Dieu et l’Etat ; cependant il a fallu que ce soit un penseur anticlérical comme Marx qui dénonce avec le plus de netteté le principe laïc.
    Néanmoins si Veuillot, Bloy, Péguy, Claudel ou Bernanos ont été trahis par le clergé démocrate-chrétien, de gauche comme de droite, les partis communistes européens de leur côté ont étouffé tout ou partie des révélations contenues dans la leçon d’histoire de Marx…

    Malheureux les riches en esprit.

  • Créationnisme

    Si l'identification au singe est de l'ordre de l'anthromorphisme - Darwin n'est pas un canon de beauté - alors que signifie l'identification à l'amibe ? Serait-ce un rapprochement cette fois, non plus avec l'enveloppe extérieure, la forme, le dessin, mais avec la vie intérieure de l'homme contemporain laïc, qui met des capotes avant de faire l'amour et se brosse les dents trois fois par jour en guise de morale ?

    Simple hypothèse créationniste de ma part ; que j'appuie cependant sur un indice, un exemple significatif :

    J'étais en train d'examiner la société contemporaine à travers la télévision en prenant des notes, la télé qui révèle surtout la mentalité des élites citoyennes qui la font, lorsqu'elle a diffusé un reportage sur le photographe-reporter Yann Artus-Bertrand. Les photographes, comme les cinéastes ou les avocats, sont de bons clients pour le genre d'étude que je mène.

     Au cours d'un voyage au-dessus de la planète en avion, afin d'édifier la foule des téléspectateurs à l'aide de quelques clichés colorés représentant des végétaux ou des animaux exotiques, Yann (on appelle les aventuriers par leurs prénoms) décide de s'aventurer jusqu'au domicile d'une éminente "primatologue" britannique, Jane Goodall, afin de s'entretenir un brin avec cette papesse de la bonobomie.

    Selon moi cette donzelle a plutôt gâché de longues cuisses fuselées et une anatomie très évoluée par rapport à celle d'une guenon à crapahuter des lustres et des lustres dans la jungle. Mais ce n'est que mon avis et il est sans doute un peu terre-à-terre et bien peu missionnaire. Moralement rien ne dit d'ailleurs que le destin de Miss Goodall n'était pas au milieu des chimpanzés plutôt que des hommes, ces salauds.

     Dans une tentative despérée (car Yann a de longues moustaches) de séduire ce qui n'est plus qu'une vieille peau écologiste, après un long blabla sur l'humanité des singes et les mimiques des hommes, ne voilà-t-il pas que Yann propose à Jane de la quitter en la saluant "à la manière des singes" ?! Et le couple improbable s'enlace alors, museau contre museau, en poussant des petits grognements simiesques. Sans aucune arrière-pensée ni crainte du ridicule, ça va de soi.

  • Les Fâcheux

    Ne voilà-t-il pas que le Tartuffe Xavier Darcos veut qu'on enseigne la morale aux enfants dès la maternelle... Comme si les fables de La Fontaine ne suffisaient pas. On croit rêver. On croule sous la morale virtuelle : à tous les coins de rue des panneaux pour vous interdire de baiser pour de bon, ou de fumer, de boire du vin... et pourtant jamais la morale réelle n'a été aussi absente. Comment lorsque des énarques et des polytechniciens qui fourguent des armes et des supermarchés à qui veut bien éponger nos stocks, en l'absence d'autres considérations morales, comment dans ce paysage-là Darcos peut-il espérer que le petit voyou dealer de cigarettes ou autres pétards suspects respecte, lui, la morale, et envisage les conséquences de ses actes à long terme ?

    Les voyous devraient respecter la morale en premier et montrer l'exemple aux gens honnêtes ? Est-ce que Xavier Darcos ne se fout pas un peu de la gueule du peuple avec sa morale laïque de derrière les fagots ?

    *

    Ce n'est pas la révolution permanente, ce régime, mais plutôt la comédie de Molière permanente. Pas seulement Darcos en Tartuffe, mais aussi Sarkozy en Scapin, qui commence à se demander ce qu'il est venu faire dans cette galère au lieu de se faire embaucher chez LVMH ou Bolloré ; Fillon en misanthrope, pas mécontent qu'on lui fiche la paix ; ou en Sganarelle, obligé d'approuver toutes les foucades de son Dom Juan de patron, mais qui n'en prie pas moins la sainte Vierge pour que tout ce cirque-là s'arrête ; Carla Bruni en vraie-fausse pucelle consentante, en Agnès affranchie ; pour les femmes savantes, Christine Lagarde, Roselyne Bachelot et Rama Yade offrent des exemples variés d'arrogance et de prétention femelles qui se veulent mâles ; ne dites pas que j'exagère : Bernard Kouchner n'est-il pas le bourgeois-gentilhomme parfait, qui parle les droits de l'homme ou le droit international comme une seconde langue naturelle ? Le Malade imaginaire c'est la France, qui ne souffre pas de "pas assez" mais de "trop plein".

    Je cherche un rôle pour Xavier Bertrand, vu que le Tartuffe est déjà pris... Et Sganarelle aussi... Après tout rien n'impose que l'Avare ne soit pas gras et un peu franc-maçon.

     (Jacques Attali est trop "bouffon triste" pour ne pas le réserver à la Comédia del Arte.)

    Les "Amants magnifiques", bien qu'un peu décatis, mais le maquillage n'est pas une nouveauté au théâtre : Cécilia et son nouveau Jules.

    On peut juste constater que la droite au gouvernement peine à recruter des Trissotins et Vadius crédibles ; Guaino est un peu "limite". La gauche est beaucoup plus douée pour ça. Finkielkraut avait sa place au gouvernement, pour succéder à Luc Ferry.

    *

     Molière vous tient en haleine quatre ou cinq actes ; après, tomber de rideau. Mais quatre longues années, comment diable ? L'opposition a de quoi être inquiète pour la suite. Le spectacle qu'elle produira ne sera jamais aussi burlesque et la réalité du libéralisme, même repeint en gris laïc de gauche, risque d'apparaître comme plus violente encore après cette parenthèse de fou-rire encouragée par les médias, qui n'avaient pas prévu ce fou-rire de travers.

    On peut toujours rêver de Ségolène Royal, flanquant aux oubliettes Daniel Bouton et Bernard Arnault, Jacques Attali et Alain Minc, toute la fine fleur du patronnat français, comme jadis Louis XIV avec Fouquet, qui ne le méritait pas autant... On peut toujours rêver.

  • Hypothèses hypothèques

    - Si la Chine se développe avec un taux de croissance de 7 % sur 30 ans, alors il n'y aura bientôt plus de pauvres opprimés en Chine. Le meilleur des mondes, ça ne sera plus seulement la France ou les Etats-Unis mais aussi toute l'Asie !

    Et, quand on ouvre une boutique, il faut commencer par soigner la vitrine. Quelle plus belle vitrine que les jeux olympiques, avec ses athlètes bien musclés et bien épilés, cette confraternité des peuples autour d'un "100 mètres", couru pour la beauté du geste, par des amateurs de grâce olympique. Aux JO, les femmes sont presque des hommes, même le féminisme est presque accompli ! (nonobstant une petite différence de salaires, mais ne soyons pas mesquins).

    - Si la France, tête pensante du monde libre, et ses ministres éclairés du culte des JO, David Douillet, Bernard Laporte, Jean-Luc Mélanchon, Jean-François Lamour, Tony Estanguet, la crème de la politique visionnaire, épaule la Chine en implantant un réseau de grandes surfaces modèles du type "Leclerc" ou "Carrefour", comment les Chinois pourraient-ils se montrer ingrats à l'avenir, ne pas contribuer à payer nos retraites et à entretenir notre croissance, comme ils font déjà pour les étatsuniens ? Ils le feront NECESSAIREMENT parce qu'ils auront tellement de pognon qu'ils ne sauront même plus quoi en foutre, ces petits veinards. Avec un peu de chance, ils pourront même se permettre comme Daniel Bouton, comme les banques françaises ou britanniques, de jeter des milliards par les fenêtres sans que ça prête vraiment à conséquence.

    A ces hypothèses on ne peut plus appétissantes : qui n'a pas envie de devenir un jour Français ou citoyen des Etats-Unis, pays de cultures immenses et de jardins publics entretenus avec soin, j'oppose quand même mon hypothèse à moi, de pisse-vinaigre (probable qu'en se penchant sur ma petite enfance ou ma sexualité on doit pouvoir expliquer pourquoi autant de fiel et si peu de philosophie). Mon hypothèse :

    - Si Goebbels revenait aujourd'hui, il serait sans doute effrayé par notre cynisme. Tout ce business, non pas au nom de la "Race supérieure" mais carrément au nom de la "Morale", que l'Education nationale entend inculquer dès le plus jeune âge aux enfants. Si pas effrayé, au moins épaté de voir que sa leçon n'a pas servi à rien.

     

     

  • Collabos d'hier et d'aujourd'hui

    Ce qui rend la compromission avec les autorités chinoises particulièrement scandaleuse, c'est les leçons de morale laïque continuelles sur les vilains nazis, les méchants staliniens, l'horrible Le Pen, les immondes Talibans, ce salaud de George Bush, etc., dans tous les médias officiels.

    Parmi les Français qui collaborèrent avec les autorités nazies, certains justifièrent leurs actes par la volonté d'obtenir en échange le retour de prisonniers, une plus grande clémence des autorités allemandes, certains avantages matériels pour la population...

    La collaboration du gouvernement Sarkozy, elle, est légitimée par la volonté d'implanter quelques hypermarchés "Carrefour" de plus sur le territoire chinois, l'achat d'une centrale nucléaire ou deux par la Chine, un renvoi d'ascenseur aux sponsors.

    Les "collabos" d'hier ne sont pas allés à l'Allemagne, c'est l'Allemagne qui est venue à eux. La prostitution, aujourd'hui, est complète ; la France fait la démarche positive d'aller se vendre en Chine. Faut-il recouvrir cette politique d'une couche de marketing, Guy Sorman est là, pour faire rimer "libération" avec "société de consommation" : plus néocolonialiste, tu meurs.

    L'esclavage industriel, tel qu'il se perpétue en Chine, a provoqué en Europe tout au long du XIXe siècle des révolutions et des guerres civiles sanglantes. Mais l'aplomb de Sorman et de ses semblables est celui d'un chef de rayon "gadgets idéologiques" méprisant de l'histoire.

    Et la fiction morale de l'esprit sportif et de l'esprit olympique... Laure Manaudou, qui fait quinze kilomètres par jour dans un bassin d'eau chlorée, une vraie mutante, qui peut croire une seconde qu'il s'agit-là d'une "amatrice" qui travaille à entretenir l'amitié entre les peuples ? Qui peut avaler ça en dehors d'un militant sarkozyste qui entretient son patriotisme en regardant les JO sur TF1 ou France 2 ?

    La bêtise viscérale de la droite libérale nuit gravement à la politique. Et la gauche, par son hypocrisie, elle, bafoue la morale. Tous ces discours moraux, ces cours d'éducation civique, pour, lorsque l'occasion se présente de passer du discours aux actes, se vautrer dans le cynisme et le double langage libéral. Bravo ! Belle victoire en tandem.

    Il n'y aura probablement aucun athlète professionnel à boycotter les JO pour une question d'honneur, à refuser d'apporter sa caution à un régime totalitaire. En revanche tous ces athlètes professionnels seraient probablement d'accord pour fustiger comme un seul homme la collaboration de certains Français avec l'Allemagne nazie. On peut s'attendre aussi à des pleurnicheries en cas de concurrence déloyale de la part d'athlètes chinois dopés jusqu'aux yeux. Une morale laïque de cochons élevés en batterie.

     

  • Marx pour les Nuls

    Une poignée d'intellectuels communistes sur un plateau de télé confrontés à François Hollande. Emmanuel Todd, Daniel Bensaïd, pour ne citer que les plus cohérents. Aucun d'entre eux, pas même Todd, n'a l'air d'avoir retenu la leçon d'histoire de Marx. Marx, transformé en fétiche par les communistes. Avec une nuance de mépris chez Bensaïd pour Marx, comme si celui-ci appartenait à la préhistoire. Le même mépris que celui de Guaino pour les Africains ; le mépris de celui qui dépense pour celui qui aurait à peine, selon lui, commencé à penser. L'hôpital qui se moque de la charité - Bernard Kouchner.

    Quant à François Hollande, il ignore lui-même ce qui le distingue réellement de Sarkozy ; que des communistes acceptent de causer avec lui, voilà qui le réconforte. Tant que les communistes, LCR ou PCF, continueront de considérer les bobos de gauche autrement que comme des bobos de droite, ils ne recouvriront par leur crédit.

    Ezra Pound déjà l'avait remarqué : on ne fait pas plus ignorant de la doctrine marxiste qu'un communiste français. Confirmation de Céline, goguenard, qui qualifie son roman Mort à crédit de roman communiste... que les militants communistes sont trop cons pour prendre comme tel.

    *

    Franchouillardise : on confond Marx avec Proudhon. Brièvement, la lutte des classes, dans laquelle la production joue un rôle déterminant, pour Marx, c'est la période 1750-1850. Avec Napoléon III commence une nouvelle ère, qu'on peut qualifier de "totalitaire", même si Marx n'emploie pas cet adjectif. La "lutte des classes" ne permet plus de comprendre l'évolution politique de la France après 1850 selon Marx lui-même.

    Marx écrit Le 18 Brumaire de Louis Napoléon précisément pour cette raison, pour tenter d'expliquer en quoi consiste le changement, pourquoi la lutte des classes en France "a vécu". C'est une chronologie de l'avènement de la société civile bourgeoise, dont l'Etat totalitaire est l'émanation. Ce qui n'empêche pas l'Etat ainsi créé et son appareil administratif, sa bureaucratie, de produire ensuite de manière plus ou moins autonome des droits et des devoirs, des lois, destinées à la société civile.

    Superficiellement, on fera observer que l'Etat existait déjà en France auparavant. Bien sûr, mais ce n'était pas la même organisation ; peu à peu la société civile bourgeoise a modelé l'Etat autrement. Balzac est pour Marx le meilleur peintre de cette nouvelle société.

    *

    Il me semble que la comparaison avec les micro-Etats que constituent les grands sociétés anonymes de production de biens, dirigées par un PDG (non propriétaire), permet de mieux comprendre le schéma tracé par Marx. Le personnel, employés et cadres, jusqu'aux dirigeants, constituent la société civile, dans laquelle les cadres intermédiaires pèsent bien sûr d'un poids plus lourd, pris individuellement. La direction, le PDG et ses lieutenants, forment l'appareil d'Etat. Le nom de la société, ses slogans, ses séminaires de formation, constituent l'aspect religieux, mystique, et les étapes de la promotion interne une voie de progression vers une sorte de Nirvana. Pas très spirituel, il est vrai ; mais Marx explique justement comment dans la société totalitaire le matérialisme est maquillé en spiritualité.

    On ne peut pas dissocier ces sphères, personnel et direction, liées par un même destin et communiant avec plus ou moins de sincérité dans la même religion. L'imbrication est parfaite. Même la vie d'un salarié en dehors de l'entreprise n'est pas distincte du travail de ce salarié dans l'entreprise.

    Ma comparaison est fausse dans la mesure où, au-dessus des SA et des SARL en tous genres, il y a l'Etat français, tandis qu'au-dessus de l'Etat français il n'y a rien... ou presque ; presque, car si la République française ressemble de plus en plus à une société anonyme "managée" par un PDG à coup d'objectifs et de slogans creux, c'est parce qu'elle est dominée de plus en plus par l'Etat européen ; les paysans français, par exemple, sont désormais des bureaucrates qui dépendent au moins autant de l'Etat européen que de l'Etat français.

    *

    Dans une France largement bureaucratique, où le secteur tertiaire prend une place toujours plus grande, continuer de parler de "lutte des classes" relève de la part des communistes et des syndicats de la mystification. Ce faisant, les ouvriers sont aussi menteurs que leurs patrons. Mais le plus grave n'est pas là. Si on peut comprendre que pour des raisons tactiques, de mobilisation, l'idée de lutte des classes soit toujours mises en avant par les communistes, en revanche ceux-ci n'ont aucune raison de participer à la mystification laïque, de s'agenouiller devant les "droits de l'homme" totalitaires. Ces "droits de l'homme" virtuels ne sont, comme Marx le démontre, qu'un opium plus fort qu'aucune religion auparavant, une pure fiction qui mène à l'abrutissement. Voyez Mélanchon ou Michel Charasse, Robert Redeker : ce sont des exemples typiques de fanatiques de l'Etat et de sa religion laïque, des mythomanes complets. Si l'on pouvait concevoir la religion laïque en dehors du fanatisme, dans l'absolu elle ressemblerait au bouddhisme ou à l'animisme. Et ce parfait crétin de Mélanchon ne trouve rien de mieux à faire que de dénoncer le fanatisme religieux du Dalaï Lama.

    "Chrétienne, la démocratie politique l'est en ce que l'homme... y est considéré comme un être souverain ; mais l'homme dont il s'agit dans la démocratie politique, c'est l'homme inculte et non social. La chimère (...), le postulat du christianisme [luthérianisme], la souveraineté de l'homme (...) devient dans la démocratie une réalité concrète, une présence, une maxime séculière."

    Et aussi : "L'homme des droits de l'homme est l'individu égoïste et indépendant."

    Karl Marx, in : Critique de l'Etat hégélien.

    Cette critique de l'Etat totalitaire que Benoît XVI s'abstient de faire, bien que les circonstances l'imposent et qu'il soit l'une des rares autorités spirituelles mondialement reconnues, cette critique est dans le marxisme, plus drastique que chez n'importe quel théologien catholique antilibéral, Bloy ou Chesterton.

    On peut déduire aussi que dans la République des traîtres, si Sarkozy est le premier, il est loin d'être le dernier. Ce qui est dépassé, ce n'est pas Marx, ce sont les tentatives des sociaux traîtres et des démocrates crétins de réformer la société civile et l'Etat bourgeois.

  • Pyromanie

    Par une indiscrétion de D. de Villepin, on connaît le mépris affiché de Sarkozy pour la poésie. Etant donné que je ne fais nulle confiance à Villepin et à ses goûts de bourgeois gaulliste pour les poètes les plus pompiers (pompiers-pyromanes, ça va de soi), je préfère dire que c'est la poésie qui méprise Sarkozy, plutôt que l'inverse, spécialement la poésie du poète-critique fachisto-communiste Ezra Pound : 

    Avec l’Usure

    Avec l’usure nul homme n’a maison de bonne pierre

    chacune taillée, puis ajustée

    afin que le décor puisse orner la façade,

    avec l’usure

    nul ne possède un paradis peint aux murs de l’église

    harpes et luz

    ni la vierge qui reçoit le message

    une auréole s’élevant de l’incision,

    avec l’usure

    nul homme ne voit Gonzague, ses héritiers, ses concubines

    un tableau n’est plus fait pour durer, pour vivre avec

    mais pour se vendre et se vendre vite

    avec l’usure, péché contre nature,

    ton pain sera fait de chiffons, toujours plus

    ton pain sera sec, comme du papier

    sans le blé des montagnes, sans la forte farine

    avec l’usure le trait s’empâte

    avec l’usure les contours s’estompent

    et nul homme sur terre ne trouve sa place.

    Le tailleur de pierres est privé de ses pierres

    le tisserand de son métier

    AVEC L’USURE

    la laine ne se vend plus

    avec l’usure les moutons n’apportent plus de gain

    l’Usure est une peste, l’usure

    émousse l’aiguille dans la main de la servante

    éteint le talent de la fileuse. Pietro Lombardo

    ne vient pas de l’usure

    Duccio ne vient pas de l’usure

    Ni Pier Della Francesca ; ni de l’usure Zuan Bellin’

    ni peinte “La Calunnia”.

    Ni de l’usure Angelico ; ni Ambrogio Praedis,

    Ni l’église de pierre taillée signée : Adamo me fecit.

    Ni de l’usure s&int Trophime

    Ni de l’usure saint Hilaire,

    l’usure a fait rouiller le ciseau,

    Rouiller l’art et l’artisan

    Rongé la trame sur le métier

    Nul ne sait plus y mêler le fil d’or ;

    Azur est dévoré par ce cancer ; cramoisi n’est plus brodé

    Emeraude ne trouve plus de Memling

    L’Usure frappe l’enfant dans le ventre de sa mère

    Elle frappe le jeune homme qui fait sa cour

    Le paralyse dans la couche nuptiale, l’usure s’étend

    entre le mari et sa jeune épousée

    CONTRA NATURAM

    Ils ont amené les putains à Eleusis

    Des cadavres prennent place au banquet

    sur mandement de l’usure.

    Cantos XLV

    NB : Usure : droit prélevé pour l’utilisation du pouvoir d’achat sans tenir compte de la production ; souvent sans tenir compte des moyens de production.

    NL : La "plus-value" n'est rien d'autre qu'un "perfectionnement" de l'usure : un prélèvement à la source, hypocrite.

     

  • Finissons-en !

    Pour en finir avec Dieu, c'est le titre du dernier ouvrage de référence signé Richard Dawkins. Vu que ce pavé s'est déjà vendu à des millions d'exemplaires dans le monde, Flammarion s'est dit que ça ne pouvait être qu'une bonne chose de publier les derniers travaux de Dawkins en français, en évitant un titre trop raccoleur, comme il se doit dès qu'on quitte le terrain du journalisme pour entrer sur le territoire de la Science.

    Les éditeurs français ne reculent devant rien pour faire bénéficier au grand public des derniers progrès de la Recherche scientifique où qu'ils se logent, la recherche en général, sur les origines de l'humanité en particulier, où c'est qu'il y a plein d'animaux, c'est plus rigolo. On est en démocratie oui ou crotte de bique ? On est dans un Etat laïc et républicain qui essaie de préserver les enfants de la superstition et du voile islamique, bordel, ou pas ?

     Dawkins est une sorte de Michel Onfray grand-breton. Si je les compare sur le plan scientifique, à vue de nez je donne un léger avantage au Britannique. "A vue de nez" parce que c'est encore la meilleure technique pour jauger les truffes.

    Avantage léger, vu que Dawkins gratifie ses lecteurs tout au long de son bouquin d'arguments de ce niveau : "Newton se disait effectivement croyant. Comme pratiquement tout le monde jusqu'au XIXe siècle (ce qui en dit long à mon avis)." Avec des arguments comme ça, entre parenthèses, la science est VRAIMENT à la portée de tous (à mon avis).

    Assassiner Dieu dans un bouquin tous les dix ans, ça semble le meilleur moyen que la bourgeoisie ait trouvé pour se rassurer sur sa toute-puissance.

    *

     Blague à part, deux remarques sérieuses à propos de Dawkins. D'abord la parenté entre les théologiens qui démontrent par A+B l'existence de Dieu et les athéologiens qui cherchent à établir par A-B qu'il n'existe pas, saute aux yeux. Comme dit Simone Weil, le pari de Pascal relève de l'autosuggestion et pas de la science expérimentale. Pascal = Nitche ; Dawkins = Thomas d'Aquin ; Onfray = mon curé démocrate-chrétien.

    En même temps ce qu'il faut bien voir c'est que malgré sa légèreté dans le domaine des sciences humaines, Richard Dawkins est quand même moins crétin que son homologue évolutionniste yanki Stephen Gould, archétype du kantien inepte, de l'épistémologue forcené, que Dawkins ne peut s'empêcher d'égratigner au passage, respectant ainsi une vieille tradition anglaise de mépris de la science et de l'art étatsuniens, dissimulée derrière des gentlemen agreements commerciaux.

    Car Dawkins postule que si Dieu n'a pas de réalité, si c'est juste une invention humaine, alors la recherche scientifique ne peut pas ne pas en tenir compte. Bravo ! A l'inverse, le scientifique qui croit dans l'objectivité de Dieu, comme Poincaré, ne peut se satisfaire de la théorie du hasard ou de celle du chaos, de la physique quantique mathématique "empruntée" aux nazis par les Yankis. Dawkins n'est pas un scientifique qui fait abstraction, volontairement, comme Gould, de la nature (à l'exception notable du panda).

    C'est-à-dire qu'on doit au moins savoir gré à Dawkins de n'être pas un faux-cul de première comme Gould. Un faux-cul viscéral.

    *

    Et puis j'ai quand même appris un truc dans le bouquin de Dawkins, qui s'est cogné de lire Mein Kampf dans le cadre de ses travaux, ce qui est au-dessus de mes forces.

    Comme Drieu la Rochelle, Hitler relève la convergence entre Karl Marx et saint Paul. Je me dis que si Hitler a été capable de voir cette convergence, il y a une chance pour que Benoît XVI finisse lui aussi par s'en rendre compte et arrête de nous bercer avec saint Augustin, produit de la décadence de l'empire romain.

     

     

  • Solution finale

    Il semble que la solution soit toute trouvée pour régler le problème de la faim dans le monde, aggravé par des années de politique démocratique malthusienne : c'est bien simple, le tiers-monde n'a plus qu'à se nourrir de la mauvaise conscience des néo-colonialistes ! On dispose là d'une manne abondante et grasse dont la source ne risque pas de se tarir.

    Mais promis, aussitôt les nuages chassés par le grand ventilateur de bonheur capitaliste, bientôt le soleil rebrillera de plus belle sur le Brave New World régulé par l'ONU et le FMI.

    Ici intervient forcément l'ultime crétin Jacques Attali pour prôner l'industrialisation de l'agriculture africaine et l'implantation subséquente d'un réseau d'hypermarchés "Carrefour" sur tous les territoires affamés (l'industrialisation trouve sa justification dans le malthusianisme, autant que l'écologie).
    On sait en général que Karl Marx, comme Guizot ou Tocqueville, fait de la lutte entre les classes sociales le moteur de l'histoire moderne. Mais ce qu'on sait moins, c'est que contrairement aux historiens "libéraux", il voyait dans l'anéantissement des classes sociales par le capitalisme, c'est-à-dire dans la société civile et l'Etat bourgeois, non pas un progrès mais les prémices de l'anarchie, de la perte de conscience politique, Y COMPRIS, c'est ça qui est neuf, la perte de conscience politique de l'oligarchie au pouvoir.

    Ce n'est sûrement pas un hasard si, avec son micro-crédit, réservé aux femmes indiennes, à l'exclusion des hommes, Jacques Attali a décidé de s'attaquer à l'une des rares sociétés du tiers-monde structurée en classes sociales : l'Inde.

    « Seigneur, donnez du pain à ce qui ont faim, et faim à ce qui ont du pain. » suppliait l'abbé Pierre, qui ne faisait pas que répandre son autosatisfaction frustrée dans les médias, comme ce fléau d'Attali.

  • Créationnisme

    Un phénoménologue sans dieu, c'est comme un climatologue sans soleil.

    Le terme de l'évolution de la mystique laïque, dont Hegel et Marx démontrent qu'elle est une mystification, le terme de cette évolution c'est la mystique du singe.

    C'est un marxiste italien, Labriola, qui a dit à quel point l'idéologie selon laquelle l'homme est un singe achevé est funeste à la compréhension de l'évolution politique de l'humanité, c'est-à-dire aux sciences humaines. Pour un héritier de l'humanisme de la Renaissance, qu'il soit communiste ou catholique, la science s'arrête à Lamarck ; au-delà, on verse dans la propagande ou la "pasquinade", comme dit Marx parlant de la science de Darwin.
    Admettre ne serait-ce que l'hypothèse (hétéroclite) néo-darwinienne, sous la pression du monde, comme l'a fait Benoît XVI, est par conséquent une concession intolérable de plus à la mystique libérale.

    Si l'étiquette de philosophe athée va si mal à Marx, c'est qu'il est au XXe siècle un des très rares penseurs à perpétuer l'humanisme de la Renaissance : un "phare", comme dirait Baudelaire.