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shakespeare - Page 4

  • Shakespeare contre Nietzsche

    Nitche s'abuse et il abuse son lecteur quand il dit Shakespeare de la même chapelle que lui. Je fais d'ailleurs le constat que la scolastique française, quand elle a été influencée par Nitche, en dépit du cordon sanitaire stalinien (J.-P. Sartre), en a toujours presque systématiquement répété les erreurs, et écarté les jugements plus sérieux.

    Pas très sérieux, par exemple, le jugement de Nitche sur la tragédie grecque, mais néanmoins colporté par la plupart des conservateurs de musée. La médiocrité des critiques et historiens d'art français, sur le modèle de Diderot, vient de ce qu'ils se prennent eux-mêmes pour des artistes, bien qu'ils le soient rarement d'une manière aussi convaincante que Diderot ou Baudelaire.

    Beaucoup plus intéressants, en revanche, les arguments de Nitche contre l'art et la philosophie modernes. Ils permettent de distinguer, par exemple, que le masque du communisme, de l'athéisme et du progrès, dissimule en réalité un prêcheur judéo-chrétien, J.-P. Sartre, adapté à la réalité de l'Etat providentiel et son culte. Sans doute un artiste français sera capable de flairer assez facilement en Sartre et Beauvoir le type du curé et de sa bonne, mais tout le monde n'a pas le loisir de s'adonner à l'art.

    Bien sûr Nitche n'a rien d'un anarchiste, contrairement à ce que certains gugusses colportent, mais sa façon de dévaluer l'ordre moral nouveau au profit de l'ancien fournit quelques arguments à la dissidence théorique de quelques adeptes de la décroissance. Si la gauche et la droite libérales françaises ne sont que tenon et mortaise d'une même politique, il n'y a entre l'extrême-droite et l'extrême-gauche qu'une feuille de papier à cigarette idéologique.

    Si le propos de Nitche permet de le comprendre, c'est en raison de son effort pour ramener la culture à une plus grande simplicité, interprétant à juste titre la complexité apparente de la culture moderne comme un labyrinthe de fausses valeurs judéo-chrétiennes, les plus propices à entraîner la perte de l'humanité. Puisque la "théorie du genre" est à la mode, disons que Nitche est le plus farouche adversaire de cette détermination ultra-moderne, qui traduit l'influence délétère de l'idéalisme judéo-chrétien. Nitche pense en effet que la foi moderne dans l'autodétermination est une pure inconscience.

    L'effort de simplification de Nitche, grâce auquel il fait valoir la beauté de sa prose contre l'exaltation de la laideur par les artistes modernes, comme le propre de l'homme, le fait croire proche de Shakespeare, mais ce n'est pas le cas. Ils sont plutôt dos-à-dos, comme deux duellistes qui s'apprêtent à s'affronter, et dont on ne peut dire lequel l'emportera.

    Vive attaque contre l'idée de progrès chrétien de la part de Nitche, donc, qui trouva dans la littérature française de nombreux échos, avant que l'Etat ne verrouille l'accès à la littérature. Raisonnement implacable et imparable de Nitche, qui projette ici en enfer tous les technocrates après lui, lorsqu'il démontre l'irresponsabilité d'une élite ou d'une aristocratie qui prétend mener le peuple vers le progrès, c'est-à-dire vers un mot, qui n'a que la consistance d'un mot. Le progrès est la négation même de l'aristocratie. La politique le vérifie depuis le XVIIe siècle et le ravalement de l'aristocrate au rang de lèche-cul de l'Etat. Notre monde le prouve plus encore, où l'élitisme consiste à savoir mieux manipuler autrui que son voisin de promotion.

    Du point de vue aristocratique pur défendu par Nitche, le progrès n'est donc qu'un fantasme, propice à s'installer dans un esprit chrétien, faible et efféminé, en un mot raté.

    La position de Shakespeare n'est pas la même. Le progrès que Shakespeare dénonce comme une illusion est le progrès moral ou social, celui-là même que les élites occidentales ont inventé de toutes pièces. Mais Shakespeare n'est pas installé sur le mensonge, qui provoque un certain cafouillage dans le raisonnement de Nitche, selon lequel l'idée du progrès social serait issue des évangiles ou des apôtres, puisqu'on n'y trouve aucun plan de cette sorte.

    Shakespeare est donc conscient comme Nitche que le progrès est la monture la plus dangereuse qu'un homme d'élite puisse enfourcher, qui tôt ou tard le mettra à bas. Mais pour Shakespeare, contrairement à Nitche, ce mouvement est inéluctable et il a un sens, non pas chrétien comme le prétendent Nitche et Hegel ensemble, l'un pour le fustiger, l'autre pour s'en féliciter, mais antichrétien, de sorte que s'oppose au christianisme et au progrès, bien plus efficacement que l'appel à la raison naturelle de Nitche, sa volonté de restaurer la morale dans ses droits, l'apparence du progrès chrétien, exhibant les signes de la foi chrétienne, mais réduisant le plus efficacement les apôtres au silence.

    Le tableau de l'antichristianisme brossé par Shakespeare, et qui coïncide presque avec l'évolution politique de l'Occident, diffère donc nettement de l'athéisme exalté par Nitche comme le moyen de rétablir la paix dans le monde.


     


  • Nietzsche et la modernité

    On sait que Nitche est l'adversaire le plus radical de la modernité ; au nom de l'art, et, ce qui est plus intéressant dans mesure où la culture de masse lucrative et le cinéma font peu illusion, au nom de la science rationaliste, à laquelle l'appareil d'Etat et ses fonctionnaires continuent de fournir une caution plus sérieuse.

    Au contact de Nitche, la culture laïque moderne volerait en éclats. C'est le rôle de Michel Onfray, par exemple, de fournir une présentation de Nitche moralement correcte à l'attention des milieux populaires, méthode où l'élitisme culturel républicain est reconnaissable. Nitche méprise ouvertement le peuple, et le seul profit que celui-ci pourrait tirer de la lecture de la doctrine de Nitche est sa dénonciation de la démocratie comme une ruse sinistre et probablement catastrophique, ce qui a été confirmé maintes fois depuis le décès de cet antichrist. On ne peut plus prôner l'antichrist Maurras depuis que celui-ci s'est compromis avec une bande de politiciens mafieux, alors on prône Nitche. Ce dernier a oublié de mentionner l'extraordinaire capacité de censure du monde moderne, contrairement à G. Orwell.

    Ce n'est pas seulement le christianisme qui est moribond, comme le remarque Nitche pour s'en réjouir : l'antichristianisme a lui-même été édulcoré par les disciples de Nitche, suivant la même méthode subversive anthropologique, qui consiste à faire passer pour scientifique ou rationnel un discours essentiellement d'ordre religieux. Un chrétien ne doit surtout pas laisser se développer le discours anthropologique au nom du christianisme: c'est la méthode d'infiltration de base du pharisaïsme: la clef du cléricalisme catholique afin de détruire la vérité universelle. On peut d'ailleurs faire du purgatoire la matrice juridique de la modernité, ce qui permet de démentir l'amalgame de Nitche. Le purgatoire résulte en effet de la double négation de dieu et de Satan, caractéristique de la modernité ; intellectuels néo-païens et démocrates-chrétiens en sont d'ailleurs à peu près au même degré d'abrutissement : la merde cinématographique, du point de vue de l'art païen, est sans doute l'eau de boudin la plus fade. Très peu de cinéastes ont conscience du plan de Satan. L'anthropologie est la doctrine d'Ubu.

    Nitche ment pour le compte de Zarathoustra lorsqu'il prétend qu'un chrétien ne peut pas discerner l'action de l'anthropologue dans le cannibalisme moderne, parce que le christianisme est la racine de ce cléricalisme qui ne dit pas son nom.

    La preuve qu'il ment, c'est que Shakespeare a tranché la gorge de l'anthropologie chrétienne avant lui : celle-ci ne continue plus de se mouvoir que comme les canards après qu'on leur a coupé la tête. Et Shakespeare n'a pas agi "au nom de Satan", mais de l'apocalypse chrétienne.


  • Hegel = SS

    Je replonge un peu pour le besoin de mon "Dialogue avec l'Antéchrist" dans l'entreprise de démolition de l'hégélianisme par Karl Marx, parallèle à celle de Nitche (non pas comme Nitche, au nom de la culture et de l'élite, mais au nom de l'histoire et du peuple).

    L'introduction de l'hégélianisme en France après la 2nde guerre par ses "nouvelles élites", à lui seul suffit à les condamner dans les termes catégoriques de Bernanos. Cette introduction revient en effet à substituer, disons à la variété des idées françaises, la philosophie pangermaniste de Hegel et faire perdurer l'uniformité allemande au-delà de l'Occupation. On comprend ici pourquoi certains passages de Bernanos ou Simone Weil restent confinés à l'enfer des bibliothèques. Et ce sont les élites démocrates-chrétiennes qui, en ce qui concerne Bernanos et S. Weil, effectuent le travail de censure, comme les élites staliniennes ont effectué le travail de translation du marxisme en hégélianisme.

    Le dégât de l'hégélianisme est comparable à une régression de la pensée au moyen-âge : il en est en effet de la "Phénoménologie de l'esprit" comme des sommes théologiques médiévales : personne ne la lit, mais tout le monde se prosterne devant ce Reich de syllogismes. Il est vrai que le curé Sartre en a donné dans "Les Mots" une version sublimée pour les écolières, exprimant dans un français correct ce que Hegel exprime dans un allemand de cuisine. De la même manière il faut reconnaître une plus grande efficacité au curé d'Ars qu'à Maître Eckart ou Thomas d'Aquin.

    Je reviens à Marx et sa dénonciation du subterfuge du droit moderne, sur ce point très proche de Nitche, c'est-à-dire faisant valoir la nature de la règle de droit contre l'abstraction juridique, comme un mathématicien pourrait faire valoir la règle mathématique contre les syllogismes d'Einstein.

    «Constatons avant tout le fait que les «droits de l'homme», distincts des «droits du citoyen», ne sont rien d'autre que les droits du membre de la société bourgeoise, c'est-à-dire de l'homme égoïste.» (Marx, La Question Juive)

    J'avais oublié que la dénonciation des droits de l'homme comme une imposture de la bourgeoisie libérale figurait dans "La Question Juive", où Marx se démarque complètement de Nitche, puisque Marx fait valoir dans cet ouvrage secondaire qu'il ne faut pas confondre Juif et adorateur du veau d'or ; tandis que Nitche lance de temps à autres des compliments aux banquiers juifs ou à la race juive.

    Puisqu'il est question de droit et de loi, soulignons que la critique de Marx est conforme aux prophètes juifs en général, et à Moïse en particulier. La transcendance de la loi que Hegel s'est efforcée de fabriquer, si elle a le don de remettre les clefs de la loi entre les mains d'un nouveau clergé -ici Hegel joue le rôle de la "trappe" des prêtres babyloniens dans le livre du prophète Daniel-, ce deus ex-machina plus totalitaire encore que le culte brahmanique emprunté à Nitche par les nazis, est bien sûr irrecevable pour un Juif fidèle à la loi de Moïse, qui n'a pas le caractère anthropologique des "droits de l'homme". Hegel se défend d'être subjectif, mais sa démonstration revient à démontrer que la démocratie n'est pas une utopie subjective. Pour le chrétien qui ne reconnaît pas d'autre loi que l'amour, c'est-à-dire le perfectionnement de la loi de Moïse dans la matière ou l'esprit le moins subjectif et le plus contraire à la règle juridique, il verra dans le procédé hégélien une extraordinaire sournoiserie en comparaison de la loi égyptienne ou romaine ; il ne s'agit plus en effet seulement d'ignorer l'amour, mais de l'empêcher en le reléguant dans les mots.

    On voit à quel point les idéologies modernes naissent de l'arbitraire humain, c'est-à-dire d'un désir de mort parfaitement identifié par Nitche. En effet, cette idéologie hégélienne, Shakespeare en a parfaitement discerné le mécanisme près de deux siècles avant qu'elle ne germe et pousse sous la forme de la très volumineuse somme de Hegel. On peut constater en effet que pas un des éléments de cette conjuration ne manque dans "Hamlet". Ni la trahison de Luther par Hegel, bien plus subtile que celle de Nitche ; ni le mariage incestueux de l'Eglise et de la loi, à quoi Hegel ne fait qu'apporter un perfectionnement tactique, essentiellement sous la forme du flou juridique (Hobbes, lui, est un traître positif, aussi peu hypocrite qu'un jurisconsulte chrétien peut l'être) ; ni le préalable essentiel de la réduction de la cosmologie à une mécanique céleste ; ni le retour provisoire de l'Aryen Fortinbras au sein d'un complot occidental, dont son faible degré d'initiation le condamne comme Nitche à jouer le second rôle d'inséminateur culturel ; et on pourrait continuer ainsi morceau par morceau, jusqu'au moindre détail : Ophélie comme la pétasse existentialiste kirkegaardienne à son papa. Sans oublier la transposition du prophète Daniel dans le personnage de Hamlet, qui explique que les banquiers juifs ou démocrates-chrétiens ne reconnaissent pas Hamlet, et estiment qu'il s'agit-là d'un personnage énigmatique et peu policé.

     

  • Hinterwelter

    "Baudelaire n'est pas seulement un décadent, mais aussi un idéaliste, un platonicien chrétien, ce qui le rapproche dangereusement des hinterwelter (amateur d'arrière-mondes)" F. Nitche

    "Platonicien chrétien" : une fois n'est pas coutume, l'accusation de Nitche vise précisément un courant de penseurs chrétiens, qui a tenté d'interpréter les évangiles à la lumière de Platon, lui-même pythagoricien. C'est donc le syncrétisme médiéval à quoi Nitche aurait dû limiter ses attaques, comme Shakespeare-Bacon l'a fait au nom du christianisme et de la pureté de la parole divine.

    Les idéologies modernes totalitaires, qu'elles soient nazie, soviétique ou démocratique sont toutes teintées de ce platonisme chrétien, dans lequel Hegel n'a fait qu'introduire une théorie de l'histoire truquée, destinée à donner le beau rôle aux élites occidentales.

    L'amalgame pratiqué par Nitche le plus souvent entre le "platonisme chrétien" et le christianisme authentique lui permet d'établir un lien entre le populisme ou l'anarchie, et le message évangélique, suivant la vieille tactique des historiens romains en quête de boucs émissaires. Mais, comme le montre Shakespeare-Bacon, le platonisme chrétien est une ruse des élites. Le syncrétisme est opéré par des moines catholiques pour le compte de potentats, badigeonnant le tout d'un prétexte compassionnel totalement étranger à l'esprit du christianisme.

    On retrouve la même ruse que celle, moderne, qui consiste à faire passer le populisme démocratique pour un mouvement populaire, en effaçant soigneusement des tablettes, par exemple, le profit du suffrage universel pour l'empereur Napoléon III, aussi crédible dans le rôle du chef d'Etat chrétien que Ponce Pilate.

    Depuis le moyen-âge, les universités occidentales ont persévéré dans leur rôle de blanchiment systématique des valeurs occidentales.


  • Bacon, Shakespeare & Nitche

    "Je ne suis qu'un homme. Mais j'ai déjà vécu plusieurs vies à travers d'autres hommes, et de toutes leurs expériences, les pires comme les meilleures, j'ai su tirer des leçons. Parmi les habitants de l'Inde j'étais Bouddha, en Grèce Dionysos - je me suis incarné dans Alexandre et César, ainsi que le poète Shakespeare, lord Bacon."

    F. Nitche (lettre à Cosima Wagner)

    Nitche fait subir à l'histoire et à Shakespeare-Bacon le même traitement qu'il inflige à l'univers. Il n'en garde que ce qui le conforte.

    Shakespeare est un historien trop prophétique pour confondre le moine-théologien du moyen-âge et son bagage philosophique platonicien avec l'apôtre Paul.

    Plutôt que de se réincarner, Nitche aurait mieux fait, pour ne pas mourir bête, de lire ce que dit Bacon de ce sacré Dionysos. A savoir, fait historique, que c'est tout juste si Dionysos figure au panthéon des Grecs. Il semble que Dionysos fut trop humain pour ça.

    Il semble que Nitche-Dionysos n'a pas lu "Jules César" non plus, ni d'autres pièces de Shakespeare les plus dissuasives pour la nation anglaise d'imiter le modèle romain, dont les chrétiens savent qu'il est le plus satanique. Tout l'effort de Shakespeare est de montrer que la culture chrétienne médiévale n'a rien de chrétien. 

    Bien sûr Shakespeare n'est pas plus "moderne" que Nitche, mais en principe il n'y a que les imbéciles et les spéculateurs qui le sont.

  • Histoire et Salut

    "(...) Le péché de l'homme et l'intention de la rédemption de Dieu, cela seul exige et justifie le temps de l'histoire. Sans péché originel et sans rédemption finale, le temps intermédiaire serait inutile.

    Cet "intérim", c'est-à-dire toute l'histoire, n'est ni un temps vide dans lequel rien ne se produit, ni un temps affairé où tout peut arriver, mais le temps décisif destiné à séparer le bon grain de l'ivraie. Son contenu constant est fait de variations sur un seul thème : l'appel de Dieu et la réponse de l'homme."

    Karl Löwith

    Précisons qu'il faut entendre par "péché", non le sens social habituel, variable selon les sociétés, auquel les sociétés modernes, à partir de la résurrection, ont commencé d'attribuer des buts chimériques, tels que "l'égalité" ou la "démocratie", mais l'erreur ou l'ignorance, tel que les anciens Grecs comme Homère, déjà, l'avaient conçu, faisant d'Ulysse un apôtre de la sagesse, qui seule peut procurer à l'homme la force qu'il n'a pas. La justice ecclésiastique infernale du moyen-âge, en introduisant le droit de l'Eglise, a renversé le sens des paraboles et du sacerdoce selon l'apôtre Paul.

    De cette "histoire du salut", les chrétiens ont une représentation mythologique, en images, l'apocalypse, que les institutions ecclésiastiques chrétiennes ont toujours tenté d'escamoter (Bossuet, par exemple), en raison de sa délégitimation du pouvoir temporel et de la représentation du jugement de l'homme par l'homme sous l'apparence d'un cavalier noir, entre autres fléaux. La volonté de Swedenborg, pour fournir une explication du symbolisme apocalyptique, de se placer en dehors de toute institution, qu'elle soit catholique romaine, protestante, ou autre, s'explique ainsi. Quant à Shakespeare, il n'y a rien d'énigmatique à ce qu'il précipite les rois de la terre au sol ou dans la confusion mentale. Plus l'homme s'élève dans l'ordre institutionnel ou juridique, plus il s'aliène à la loi du destin. Les géants politiques consultaient des astrologues, les nains politiques modernes se fient aux statisticiens. 

  • Dans la Matrice

    La où règne la publicité, l'esprit critique est condamné à mort par les gauleiters qui veillent au respect des systèmes d'exploitation.

    Le combat des prophètes en faveur de la vérité contre les gauleiters du prêt-à-penser religieux, formant la synagogue de Satan, durera jusqu'à la fin des temps. Chacun est en mesure de mener ce combat, à l'instar de Shakespeare, contre le club du Siècle.

    Aucune institution, aucune matrice, n'arme comme les prophètes peuvent le faire, et dernièrement le prophète Shakespeare, appelé à prophétiser par l'esprit de Dieu.


  • Sacrée modernité

    L'argument de la modernité est entièrement soutenu par la technique. Le mot "technocratie" dissimule moins bien le caractère totalitaire de la démocratie libérale, aussi les thuriféraires du totalitarisme ont-ils inventé le gadget de la "modernité", qui permet mieux de berner les foules.

    Etre "moderne" est pour le bourgeois en 2013 comme d'être assuré du purgatoire pour son ancêtre de 1213.

    Le fondement technique de la "modernité" explique sans doute que les Français gobent assez peu cette religion inventée par l'élite pour son seul profit.

    Si l'on comprend la démonstration de Molière que la subversion de la charité chrétienne consiste surtout dans le détournement par l'élite d'un message spirituel qu'elle ne peut entendre, et que la hyène Joseph de Maistre prêche Satan sous l'apparence de prêcher Jésus-Christ, alors on comprendra que la religion moderne dérive de ce dérapage incontrôlé des élites.

    Il n'est pas inutile de comprendre, puisque c'est un rouage essentiel de la mécanique totalitaire dont les élites sont actionnaires, que la philosophie d'une élite, son art, reflète toujours le système d'exploitation en vigueur, en tous temps. La pensée de l'élite est gadget. Elle en possède le charme et l'inutilité, se déprécie rapidement. Plus les systèmes d'exploitation sont puissants, plus la pensée de l'élite est nullissime.

    C'est d'ailleurs ce qui explique le retentissement mondial de la littérature de Céline. D'autres l'ont fait, mais de façon moins manifeste et retentissante - tout d'un coup Céline décide, non seulement qu'il n'est pas né pour lécher des bottes, comme un intellectuel normal, mais il s'affranchit complètement des codes du langage, et accomplit ainsi ce qu'un intellectuel ne peut pas faire, en raison de la dévotion de l'élite vis-à-vis de ses propres dogmes. De même c'est la dévotion religieuse qui protège les sophismes d'Einstein d'être dénoncés comme des sophismes.

    L'intellectuel est comme l'ordinateur ou le joueur d'échecs, ignorant qu'il est un imbécile.

    Il convient de comprendre les meilleurs penseurs humanistes occidentaux comme des anti-intellectuels. Le rôle de l'intellectuel à l'intérieur du christianisme est d'ailleurs le plus ténébreux. Shakespeare exécute dans ses pièces des intellectuels chrétiens à bon escient.

    L'humanisme explique que la recherche technologique est le meilleur moyen de faire triompher le point de vue conservateur. Il n'y a aucun paradoxe dans le goût des Japonais, profondément conservateurs et efféminés, pour les gadgets technologiques modernes. Ceux-ci ne traduisent que l'imitation servile et dépourvue d'imagination de la nature. Si l'irresponsabilité des modernes est encore plus grande que celle des conservateurs ou des réactionnaires, c'est en raison de l'imbécillité et de l'arrogance de l'argument moderne, destiné à faire croire au progrès de l'humanité.

  • Des nouvelles de Satan

    Ses partisans ne sont pas unanimes sur son état de santé. De l'influence de la musique et du cinéma dans le monde, certains déduisent qu'il est au maximum de sa puissance et n'hésitent pas à plastronner. D'autres, au contraire, s'alarment de la médiocrité de l'art et l'économie occidentales, qui traduit selon eux l'épuisement de la puissance physique. Je suis de l'opinion de ces derniers : beaucoup de physiciens ou d'artistes sont plus près de la confusion mentale que de la foi et de la raison pythagoriciennes droites.

    L'inquiétude sur l'état de santé de Satan ne fait d'ailleurs que prolonger la déploration plus ancienne de certains hommes d'élite antichrétiens, tel Napoléon ou Nitche, de la mort de leur maître, c'est-à-dire de la difficultée croissante à légitimer les droits des castes dirigeantes par les lois de la nature.

    Ces sectateurs du grand Pan ne peuvent que tirer le constat que les moyens dont disposent les élites pour inspirer la terreur aux masses a changé de nature, et, en effet, cette métamorphose n'est pas anodine.

    Satan est un être d'une conscience supérieure, d'où dérivent tous les cultes identitaires, qui sont des déterminations plus ou moins inconscientes. Le combat des chrétiens contre Satan exige un niveau de conscience équivalent au sien, tel que celui dont Shakespeare témoigne dans les "temps modernes", "temps modernes" qu'il traduit pour contribuer à notre salut comme un pur divertissement de l'esprit humain. En faisant table rase de la culture occidentale, Shakespeare replace l'homme dans la situation de faire un vrai choix, entre la fortune d'une part, et dieu d'autre part.

  • Mélancolique bourgeoisie

    De trop courir après des chimères qu'il ne rattrape jamais est ce qui rend le bourgeois mélancolique, et donne à son art le goût de la soupe pas assez salée qu'on sert dans les hôpitaux.

    Il arrive que le philosophe bourgeois connaisse, à l'article de la mort, une dernière érection et le désir de fabriquer enfin quelque chose, après avoir dépensé tout son intellect sur l'examen des causes premières et des fins dernières.

    Son mobile essoufflant lui a au moins appris une chose, c'est que la chimère qu'il poursuivait est, en fait, derrière lui. Cela explique la jalousie extrême des bourgeois à l'égard de leurs enfants, et leur violence à se débarrasser sur leurs épaules de fardeaux aussi inutiles que l'avenir, la réforme sociale ou le soin de la planète. Si Proust ne songe qu'à retremper son biscuit dans le giron de sa mère, c'est sûrement parce qu'il a toujours été à l'article de la mort, et pas assez sportif pour courir après une cause plus chimérique encore.

    Quel tableau d'histoire formidable nous propose Shakespeare dans "Troïlus et Cressida", peignant les valeureux guerriers troyens et achéens animés des mêmes intentions bourgeoises et médiocres que l'homme moderne, pratiquant déjà l'art de l'échangisme comme Claudel. Que Shakespeare emploie le même mot de "labeur" pour parler du travail de la terre et du coït, voilà qui était fait pour scandaliser le bourgeois à travers les âges, jusqu'à notre Claudel. La dramaturgie bourgeoise n'est pas dramatique au regard du tragédien - elle est ridicule et pompeuse comme le code civil, uniquement faite pour le blanchiment de l'argent.

    Il n'y a que deux voies pour échapper à la mélancolie des tièdes, rançon de leur habileté à s'adapter au monde - la voie de l'art selon Satan, ou bien celle de la vérité selon dieu.


  • Dans la Matrice

    Être dans la matrice signifie être la proie du destin et s'illusionner sur le sens de sa vie. La culture est l'opium qui permet cela.

    Nitche s'interroge sur ce que peut bien vouloir Shakespeare -peu importe que celui-là soit sincère ou non. Ce que Shakespeare veut n'a rien d'énigmatique : faire table rase de la culture pour permettre d'y voir clair. Ce que Shakespeare écrit est terrifiant pour les élites occidentales. Comme tous les prophètes, Shakespeare s'adresse directement à l'homme du peuple, qu'il sait nécessairement plus détaché de la culture.

    Vis-à-vis de la culture, l'homme d'élite se comporte de la manière la plus stupide, comme le capitaine d'un vaisseau qui sombre dans la tempête et ne veut pas abandonner la nef qui justifie toute son existence. Les marins, eux, savent qu'il y a d'autres navires et d'autres capitaines semblables.

    Ainsi réagissent Nitche, ou encore Baudelaire, en hommes d'élite : ils haïssent la démocratie, cargo trop lourdement chargé qui prend l'eau de partout, mais ils n'ont pas d'autre solution que de contempler la ruine de cette théorie catastrophique, qui les emporte. Cette ruine aurait dû leur inspirer le mépris de l'élitisme, et non de la plèbe, car celle-ci n'a jamais songé à la démocratie : le concept lui a été inculqué par des hommes d'élites portant le masque du judéo-christianisme.

    Être dans la matrice implique aussi d'ignorer que le mensonge universel porte la marque du judéo-christianisme. Suivant cette ruse le maître dominera sur l'esclave jusqu'à la fin des temps nous dit Shakespeare. Plus fort le témoignage de la Vérité dans le monde, plus puissant l'effort du monde pour produire une musique consolante et mensongère. La culture de vie païenne est impuissante à faire barrage à l'histoire. Seule la culture de mort judéo-chrétienne et ses oeuvres faisandées peuvent fournir la dose d'occultisme et d'opium nécessaires au monde pour se projeter dans l'avenir.

    Et, dans sa chute, l'humanité entraîne Satan, dont quelques esprits nostalgiques veulent restaurer le culte... en vain. Shakespeare est pur, Shakespeare est sauf, accompagnons-le.

  • Roméo+Juliette

    On voit encore la prescience de Shakespeare des temps barbares dans les manifestations hystériques autour du mariage gay, au coeur de Paris.

    Les cris de haine ignobles, de part et d'autre, SOUS COUVERT D'HUMANISME, voilà qui nous rappelle sans aucun doute la haine entre les Capulet et les Montaigus. Car le barbare qui se saigne devant l'autel de Notre-Dame comme un animal de sacrifice, le fait "au nom de principes élevés". Ceux que les chrétiens qualifient de fornication, attentats contre l'Esprit, et à travers lesquels se manifeste l'Antichrist.

    Je reprends cette manière d'écrire Roméo+Juliette, car elle transcrit bien la façon dont Shakespeare élucide dans ses pièces la façon dont l'Antéchrist investit l'Eglise chrétienne : c'est-à-dire par la substitution du droit naturel à la parole de dieu, qui est son esprit selon l'Apôtre Paul, fiable au milieu des serpents romains. En effet, de la même façon les sectateurs de Satan attribuent aux spéculations et au calcul algébrique une valeur métaphysique improbable, usant de cette métaphysique afin de suborner le peuple au plan de l'élite.

    L'aliénation mentale de Roméo et Juliette est typique du sacrifice de ses enfants par la bourgeoisie occidentale sur le bûcher des vanités. Les pogroms de lycéens américains entre eux ont exactement la même cause.

    Shakespeare illustre ici la manière particulière de l'Occident de violenter et d'assassiner en invoquant le bienfait de l'humanité ; le soin particulier apporté par les élites occidentales à la dissimulation de la prédation et du pillage des richesses d'autrui. Bien sûr Shakespeare est authentiquement inspiré par les saintes écritures qui ont annoncé cet excès de maléfice de la part des élites, entraînant dans leur chute des populations innombrables.

    La description des élites dans l'apocalypse est fidèle à la réalité, et on ne doit pas s'étonner que la simple évocation de la vision de Jean fasse trembler la plupart d'entre eux. On pourrait écrire un ouvrage entier consacré aux différentes manières dont les universités européennes ont tenté depuis le moyen-âge d'enterrer l'apocalypse.

    Les clercs absurdes et démoniaques qui vont entraîner l'imbécile Roméo à sa perte, sont apparemment animés de la meilleure intention de sceller la paix entre les Capulet et les Montaigu. Si le lecteur ne comprend pas pourquoi Shakespeare décèle la malignité d'une telle intention, apparemment utile et sainte, c'est qu'il n'a aucune notion de l'histoire et des centaines de millions de vies sacrifiées au nom d'une espérance aussi folle, et qui a engendré un sentimentalisme politique d'une barbarie sans précédent, puisque la violence physique ordinaire de l'existence, se trouve doublée d'une violence psychologique, qui contraint l'homme moderne à ramper ou se réfugier dans la musique et les rêves.

    Shakespeare transperce de son épée tous les soi-disant hommes d'élite chrétiens ou juifs qui ont prêté, prêtent ou prêteront leur concours à une entreprise aussi antichrétienne, conçue par Satan pour inspirer aux hommes la haine de Jésus-Christ.

    Petits crétins qui vous identifiez à Roméo+Juliette, Roméo+Roméo ou Juliette+Juliette, et croyez par la sanctification de vos désirs échapper au plan général sinistre, comprenez que ce spiritueux-là est du même tonneau que les drogues médiocres que vos parents ne vous ont pas appris à mépriser - afin que vous leur FOUTIEZ LA PAIX.

     

  • Shakespeare athée

    Le "Shakespeare sauvage" de Voltaire a un sens, puisque Shakespeare est en effet le plus antisocial des tragédiens. Si Shakespeare n'a pas pris une ride, et que chacun de ses aphorismes continue de déchirer le voile social, c'est pour la raison soulignée par le christ Hamlet que la société est déterminée par un principe macabre. Chaque citoyen persuadé du bien-fondé de la société a le front marqué d'une croix par Shakespeare, c'est-à-dire du symbole de la bêtise et de la torture sociale.

    Le "Shakespeare païen" de Claudel est d'un illuminé incapable de reconnaître que l'art de l'architecte Gaudi est le plus démoniaque que l'on puisse faire.

    Le "Shakespeare athée" traduit la volonté d'universitaires ignares de faire de Shakespeare un auteur moderne, c'est-à-dire le plus éloigné de son propos apocalyptique, celui-là même qui soutenait déjà la tragédie antique. Cela ressemble beaucoup au mouvement de propagande débile et scandaleux du clergé catholique qui consista autrefois à "christianiser" les institutions païennes, poursuivant ainsi le mobile le plus éloigné du message évangélique.

    L'université moderne est la fille cachée de l'Eglise catholique romaine : c'est ce qui explique que les tragédies de Shakespeare persistent à demeurer énigmatiques à ses yeux, notamment l'élucidation la plus efficace par Shakespeare de la subversion du christianisme par les institutions ecclésiastiques.

    Même le comique de Shakespeare est incompréhensible pour l'universitaire moderne. Francis Bacon, alias Shakespeare, a en effet conscience de la plus grande rationalité des civilisations antiques, comparées à la civilisation occidentale moderne, dont la bêtise se traduit concrètement par l'impuissance à atteindre l'équilibre politique auquel le monde antique était parvenu. La géométrie de Platon ou Pythagore est un art plus grand que celui des Allemands Descartes ou Einstein, manifestement.

    Le monde moderne, en faisant de la science une divinité, a rabaissé la science au niveau des moyens techniques, dont le monde antique païen savait mieux faire l'économie ; elle l'a rabaissée au niveau de la "culture scientifique", dont la détermination religieuse saute aux yeux. Typique de l'imbécillité scientifique moderne, le pseudo-savant Karl Popper, quand il assigne à la science un but de recherche et non d'élucidation. C'est la plus funeste et la plus totalitaire orientation que l'on peut donner à la science. Elle légitime l'appropriation par les élites de la science et de l'art, tout en posant le principe de l'irresponsabilité des élites. Au procès insane de Nuremberg, ce sont les élites occidentales et la science polytechnique que l'on aurait dû attraire, non pas quelques badernes et fonctionnaires dont ce n'était pas le métier de penser. La bêtise humaine est toujours systématiquement acquittée par la justice humaine.

    Rabelais et Bacon affirment au contraire que la conscience peut venir seulement au savant, et donc la responsabilité, de ce qu'il poursuit un but d'élucidation, et non seulement la recherche de nouveaux moyens. L'usage moderne de la science est celui d'un garde-fou : mais comme celui-ci ne soigne pas la folie, se contentant de lui fournir des dérivatifs, c'est un barrage précaire. Instrumentaliser le peuple à l'aide de la science est pour les élites la garantie que le peuple se retournera un jour contre elles, dès lors que les dérivatifs feront défaut.

    Le comique de Shakespeare s'appuie sur l'absurdité et la pataphysique de la conscience moderne ; le comique de Shakespeare ne vise pas le divertissement, mais au contraire l'avertissement.

  • Bûcher des vaniteux

    Si Samuel Johnson (1709-1784) à la suite de Shakespeare énonce que le libéralisme est l'invention de Satan, c'est pour la raison de la confusion du pouvoir et de la liberté dans les doctrines libérales. C'est-à-dire de la présentation de la liberté comme un "droit", quand bien même c'est une dangereuse illusion d'attendre d'une société, quelle qu'elle soit, antique ou moderne, l'émancipation de l'homme du péché. Le chrétien n'attend rien de la société ; l'homme tombé dans le piège libéral en attend tout.

    On peut plus précisément encore de dire que le libéralisme est "la queue de Satan", car c'est cette promesse de liberté qu'il fait constamment mais ne tient jamais, d'où vient l'érosion du pouvoir et de la puissance politiques, par lesquels la souveraineté de Satan sur le monde était la mieux établie.

    Dieu protège les chrétiens qui le reconnaissent comme leur seul maître, jusqu'à la fin des temps, du mouvement convulsionnaire de Satan et ses suppôts, désormais trop vaniteux pour comprendre qu'ils ne sont que des marionnettes.


  • Exit la culture

    La culture, c'est de posséder une vaste bibliothèque, remplie d'ouvrages en latin si possible, comme Montaigne. La science, c'est de savoir faire le tri dans une vaste bibliothèque pour se séparer de tous les ouvrages culturels. D'où le mépris de l'homme de science pour la religion ou la culture.

    La culture accouche, comme Montaigne, d'une souris. Je me demande si la Gironde n'est pas le bas-ventre de la France, tant la veulerie de ses "grands hommes" paraît systématique. Même le vin de Bordeaux me paraît plus macabre que les autres, et destiné à plaire surtout aux femmes et aux curés.

    De tous les suppôts de Satan girondins, Montesquieu est le plus respectable, celui qui feint le moins d'être chrétien. Montesquieu est un homme de loi droite, purement satanique, reconnaissant la primauté du Sphinx dans l'ordre juridique satanique. Pratiquement Montesquieu est comme les Egyptiens, il n'entend rien à l'histoire.

    L'homme de culture possèdera Montaigne et Shakespeare dans sa bibliothèque, tandis que l'homme de science lira que Shakespeare est un cavalier qui traverse l'Italie, réduisant en cendres toute la culture latine.

    Shakespeare n'est pas tendre avec nombre de sornettes françaises non plus, comme Jeanne d'Arc, où le culte républicain opère comme par hasard sa jonction avec le culte romain, mais pour ce qui est de l'Italie et de la connivence de Satan avec cette vieille sorcière, Shakespeare se montre plus radical encore. Les Italiens sont les moins capables de comprendre pourquoi le Messie des chrétiens fait fi des "valeurs familiales". Un Italien, sans sa mère, n'est rien. Le plus athée des Italiens n'osera pas dire du mal de l'Eglise, de peur que sa mère ne lui donne une fessée. Il faut pour qu'un Italien commence d'exister, pratiquement que sa mère l'ait abandonné à la naissance.

    L'attrait de la culture italienne s'exerce le plus souvent en France sur les pédérastes, en raison de cet aspect "maternel". C'est encore une raison de choisir la culture plutôt que la science : la culture comporte le moins de risque.

    Une chose que l'homme conçoit mal, "l'honnêteté", à laquelle il parvient très difficilement, si tant est qu'il y parvienne, la culture en dispense largement, comme d'une chose inhumaine - en particulier la culture élitiste, car il semble que "l'honnêteté" a été inventée, comme la démocratie, dans la seule fin de berner le peuple. C'est pourquoi il y a autant d'escrocs à se faire les avocats de la culture, cette espèce d'écoulement fluvial aussi malodorant que le Gange, sacré en dépit de sa puanteur, mélangeant dans son cours toutes les vieilles carcasses des religions mortes, et qui sert à empoisonner les gosses avec la caution de l'Etat.

  • La Femme et l'Histoire

    L'apocalypse chrétienne décrit l'histoire de l'humanité encadrée par deux femmes : Eve, symbole de la chute, et l'Epouse du Christ, dont l'ascension coïncide avec la fin des temps.

    La culture de vie égyptienne ou païenne, symbolisée par un serpent dans la mythologie de Moïse, est source d'un symbolisme religieux que le christianisme renverse, comme on abat des idoles. La vie éternelle est une voie opposée à celle de la vie biologique. C'est certainement l'inspiration chrétienne qui fait dire au philosophe Léopardi que "le suicide prouve dieu", signifiant par là la capacité de l'homme à penser différemment du plan éthique ou social. Léopardi sait aussi que l'objectif du bonheur ne peut satisfaire que des esprits sous-alimentés spirituellement ou scientifiquement.

    A l'inverse, les païens nieront l'aspiration spirituelle pour affirmer le destin ou la providence, c'est-à-dire que la nature vivante est le point de départ et la solution finale de l'existence humaine.

    Il faut signaler ici que la subversion de nombreux clercs du moyen-âge consiste à transformer le christianisme en providentialisme, ce qu'il n'est pas. Il n'est pas difficile de deviner la détermination biologique ou érotique du providentialisme. De même que "l'au-delà" païen antique, c'est-à-dire la vie après la mort, comme l'inconscient moderne, est entièrement spéculatif. Disons que l'au-delà païen antique traduit le prolongement de la volonté politique. Certains poètes païens, d'ailleurs, n'ont pas foi dans cet au-delà, mais seulement dans sa nécessité politique et sociale. Tandis que la théorie de l'inconscient moderne, selon Freud ou Jung, prolonge et renforce la volonté personnelle, au stade de la décomposition politique libérale, suivant le principe identitaire, qui consiste à diviser pour mieux régner sur les consciences.

    Ces symboles féminins sont ceux utilisés par Bacon-Shakespeare dans ses pièces, par conséquent dépourvues de ressort psychologique, et négligeant cet aspect à cause de son peu d'intérêt historique et apocalyptique. Une lecture attentive permet de voir que Shakespeare attribue l'abus de langage et le style, c'est-à-dire l'habileté, aux imbéciles. Polonius, par exemple. Le style traduit souvent la haute estime que l'homme a de lui-même, en dépit de la médiocrité de sa condition.

    La psychologie est une détermination trop hasardeuse pour Shakespeare. Et si l'artiste ou le savant cède ainsi au hasard, il n'a aucune chance de triompher de la nature, ce qui constitue le but de l'art chrétien, et explique la détermination de Bacon contre l'idolâtrie scientifique. Le paganisme, lui, s'accommode parfaitement de l'idolâtrie, c'est-à-dire de la production d'objets d'art. Le progrès de l'homme vers dieu, au contraire, implique la destruction de toutes les flatteries et réconforts que l'homme s'adresse à lui-même à travers le motif de la civilisation ou de la culture.

    L'absence de passion du Messie n'est pas un signe de passivité, ainsi que le traduisent les Romains, ni encore moins de féminité selon le propos de Nitche, qui semble méconnaître totalement les femmes, mais la connaissance du Christ que la nature gouverne toutes les passions, bonnes ou mauvaises.

  • Subversion du christianisme

    L'essayiste Jacques Ellul impute la subversion du christianisme depuis le moyen-âge à l'Eglise catholique et sa doctrine imitant l'islam, ou complètement sous son influence. On peut noter comme une curiosité que Thomas d'Aquin, symboliquement décrété docteur majeur dans l'Eglise catholique, est plus "islamiste" qu'Averroès, dans la mesure où ce dernier traduit mieux Aristote, en particulier la méfiance de ce dernier vis-à-vis des matières spéculatives telles que l'algèbre ou le droit.

    La critique d'Ellul, doublement dirigée contre l'Eglise romaine et l'islam, était prédestinée à faire florès aux Etats-Unis où les catholiques sont peu représentés dans les élites, et les préjugés raciaux importants, comme dans toutes les nations où la science juridique tient les foules en respect, non comme en France où l'on a mieux conscience que le jugement d'autrui implique une forme d'aliénation mentale, et que la conscience scientifique s'érige contre le lien social.

    C'est ce qui fait de Moïse une des premières consciences scientifiques de l'humanité : le fait qu'il discrédite le lien social où Satan se tient tapi. Les Juifs ont restauré le lien social contre leurs prophètes ; c'est ce que leur reproche Jésus-Christ. La méthode des prêtres juifs a été reprise ensuite par l'Eglise catholique.

    La critique de Jacques Ellul n'est pas fausse, dans la mesure où l'islam fait place au droit naturel, que le Messie, anarchiste, ne cesse de remettre en cause en raison de la justification du péché et de la mort à laquelle les païens procèdent en indexant leur conscience au droit naturel.

    Où le jugement d'Ellul est faux, c'est qu'il est psychologique et non historique. Comme un musulman, comme un catholique romain, il se situe sur le plan psychologique ; celui-là même que le point de vue authentiquement chrétien de Shakespeare s'efforce de faire voler en éclat, au profit de l'histoire. L'Eglise romaine a toujours comploté pour empêcher l'histoire : c'est la marque de fabrique de la doctrine catholique romaine.

    C'est ce qui permet à Ellul, après avoir démontré la subversion catholique romaine, par imprégnation de l'islam, de blanchir subitement l'Occident, comme si l'Eglise romaine n'en était pas la matrice, et que l'Occident ne continuait pas de se conduire exactement selon son faux pas.

    Sur le plan individuel seul, la responsabilité est pleine et entière. Le monde seul oblige Thomas d'Aquin à subvertir le message évangélique pour y ajouter ce qu'il juge opportun. Tout mensonge est une concession au monde, et il importe de ne jamais le traduire comme un souhait de dieu.

    On peut se passer d'inculper l'islam pour examiner le procédé de la subversion. L'obligation de travailler est la principale cause pourquoi les foules se détournent de dieu dans les temps modernes. La consécration du travail est donc là où les esprits sataniques ont agi principalement, contre l'Esprit et la lettre des évangiles. La bourgeoisie libérale chrétienne est décrite comme une puissance infernale déterminante par les meilleurs théologiens pour cette raison ; parce qu'elle a rétabli l'esclavage de l'homme, son attachement viscéral à la terre, contre le Messie.

    Pourquoi les philosophes antiques sont beaucoup plus misogynes que les nôtres : parce qu'ils n'ont pas du travail ou du labeur une très haute idée, c'est mathématique. Pour Aristote ou Démocrite, par exemple, le travail est bon pour les animaux, et non pour les personnes humaines. Le travail est un mal nécessaire, et donc le philosophe doit s'efforcer d'échapper à ce mal nécessaire pour pouvoir penser autrement que selon lui, qui ne serait pas penser, mais vouloir en vain ; sinon, tant qu'à faire, autant travailler comme boulanger ou cordonnier. Voilà ce que pensaient Aristote et bon nombre de philosophes antiques du travail. Le libéralisme consiste à l'aide de quelques sophismes évolutionnistes à enchaîner le travail à la pensée. Le nazisme ne se dégage pas de l'influence libérale. Pratiquement le nazisme est une manière de vouloir pratiquer le libéralisme avec honnêteté.

    Pour que vous sachiez, enfants, entre les mains de qui vous êtes, et qui a l'odeur immonde du Danemark.

  • Rome ou la Prostituée

    Un certain nombre d'esprits réactionnaires, au sein de l'Eglise romaine, se sont élevés au cours de l'histoire de cette institution contre son clergé. Pour plus de commodité, je les qualifient "protestants", bien que leurs critiques visent les hommes : clercs, évêques ou papes, et non l'institution elle-même.

    Le cas le plus connu est celui de Dante Alighieri, qui retourne la morale catholique elle-même, puisque, pour ainsi dire, il projette les papes dans l'enfer. D'une certaine manière, les derniers évêques de Rome prouvent que Dante s'était lourdement trompé : le pouvoir politique ne peut être scindé du pouvoir moral ; l'économie est capitaliste, par conséquent les moeurs portent son empreinte, donc les démocrates-chrétiens sont des chiens, puisque leur puissance repose sur la sueur et le sang d'autrui et la négation de l'amour. Cette erreur de jugement de Dante -sa foi dans un régime laïc, dont l'Eglise sortirait purifiée-, n'est pas la seule raison pour Shakespeare de rejeter Dante : - que vient faire Virgile dans le christianisme ?

    On peut indiquer aussi parmi les "protestants", plus récemment, Léon Bloy et Georges Bernanos. Bloy n'hésite pas à vitupérer le clergé catholique, qu'il accuse d'être mondain. Bernanos ne ménage pas ses confrères catholiques, et affiche utilement son dédain du métier d'écrivain ou d'intellectuel, sentant sans doute trop le rapport que ce genre de "métier" peut avoir, dans le monde moderne, avec le pharisaïsme.

    Cette réticence à critiquer l'institution, ses fondements, sa mécanique institutionnelle, est le fait de l'ignorance historique, principalement. Bloy invente ainsi un âge d'or chrétien, médiéval, qui n'a pas existé, et qu'il aurait été le premier à détester, étant donné son peu de goût pour la casuistique et la philosophie platonicienne, dont les effets pernicieux se font particulièrement sentir en ce temps-là.

    La lecture de l'apôtre Paul renseigne aussi sur le fait que l'épouse du Christ, à laquelle l'Eglise est comparée, ne peut avoir une forme institutionnelle, puisque "les oeuvres de la loi", dit saint Paul, ne sauvent pas. L'Eglise romaine est donc dans le prolongement de la synagogue.

    Couramment les institutions politiques païennes sont représentées sous les traits d'une femme : ville, état, voire continent ; de médiocres artistes ont d'ailleurs souvent représenté Marie, mère de Jésus-Christ, dotée de symboles païens, oubliant que c'est ce que la soldatesque romaine fit avec Jésus-Christ, confondant sa royauté avec la monarchie divine des païens, qui repose sur le droit naturel et la providence. On observe ainsi que le symbolisme chrétien inverse le symbolisme païen élémentaire ou naturel. Comme le royaume de Jésus-Christ renverse les valeurs babyloniennes ou égyptiennes des royaumes humains dits "de droit divin", l'Epouse du Christ est un symbole historique qui renverse celui de la tentatrice primitive, Eve, dont la grande Prostituée ne fait que prolonger le discours.  Les siècles doivent s'achever avec l'union de l'épouse véritable, c'est-à-dire l'Eglise véritable, et non celle qui passe son temps à se justifier comme une prostituée, avec son époux.

  • La Censure

    La censure qui opère efficacement au service du confort intellectuel est la censure de la vérité. On voit fréquemment les vieillards se momifier dans la certitude que la vérité n'existe pas. Il est fort douteux qu'ils l'ont jamais recherchée, si ce n'est sous la forme de quelque formule magique.

    L'idée que la vérité n'existe pas, circule comme un opium apaisant au sein de la société. La vérité ne procure aucun confort physique, et le commun des mortels n'aspire à rien d'autre qu'un peu de quiétude. La fascination des peuples bovins pour les animaux, celle de Nitche, vient de ce qu'ils n'ont pas de pensée, et sont donc moins tourmentés. L'homme rêve en secret d'être un robot, animé par la mémoire et agissant par réflexe.

    J'ai l'habitude de prendre pour exemple de censure moderne le voile de mystère dont l'université enveloppe Shakespeare. Je ne parle pas du mystère qui entoure la biographie de Shakespeare, mais du sens de ses pièces. - Gardez-vous de la science des élites, dit Shakespeare, qui avait prévu qu'on tenterait de l'étouffer.

  • Besoin d'amour

    La subversion de l'amour procède comme celle du christianisme. Le besoin d'amour est mis à la place de l'amour, comme le besoin de dieu est mis à la place de dieu. Dieu a-t-il besoin de l'homme ? Non. Tandis que la nature est difficilement concevable sans l'homme, quoi qu'en disent les adeptes du transformisme des espèces, hypothèse elle-même inconcevable en dehors du prisme humain.

    Il est donc aussi difficile pour l'homme d'appréhender dieu qu'il lui est facile de faire la démonstration de la grande architecture du monde (666). C'est, en gros, le drame du prophète Job, que cette distance qui le sépare de son dieu - celle de la bêtise humaine -, tandis que les païens reçoivent tous les jours des témoignages de la présence du grand architecte auprès d'eux, "tutélaire" comme un père ou une mère pour un enfant. Même pour Jésus, dieu ne semble pas bouger le petit doigt, ce qui déclenche les sarcasmes des assassins Juifs et Romains, au nom de la loi.

    L'homme a-t-il besoin de dieu ? Non. Les élites ne peuvent se passer d'un principe qui inspire le respect aux masses qu'elles gouvernent, mais l'homme n'a pas plus besoin de dieu qu'un animal requiert d'être domestiqué. Indiqué comme un besoin, dieu n'est que le principe conçu par les élites pour intimer à la masse le respect de ses possessions. Dans les régimes dits "laïcs", c'est la culture qui joue ce rôle. La culture pour les niais, l'argent pour ceux qui le sont un peu moins.

    C'est ce qui explique l'absence de dieu, mais aussi de l'amour, dans un monde bourgeois ou capitaliste organisé en fonction des besoins ou de la nécessité. Pour ce qui est d'exclure dieu des arts et des lettres, c'est-à-dire de la culture, c'est d'abord le clergé catholique qui s'en est chargé. La technique de Pascal est exemplaire, mais elle est loin d'être le seul exemple. La technique de Pascal est typiquement cléricale, et Voltaire ne la caractérise pas ainsi suffisamment : elle consiste à expulser dieu de la conscience humaine au profit d'un principe d'organisation essentiel : le hasard. Dans l'ensemble, il faut dire que la méfiance atavique du Français vis-à-vis des mathématiciens et des mathématiques est bien fondée. Il faut s'en méfier autant que des femmes, car tous leurs raisonnements partent d'eux-mêmes.

    Un monde sans amour est l'enfer. Si Shakespeare inspire parfois le respect, même à ceux qui n'y comprennent rien, c'est parce qu'il écrit au milieu de l'enfer, que les esprits faibles et les esprits manipulateurs s'entendent pour situer au-delà du moment présent. Pratiquement toute la religion ou la culture est faite pour ça : pour mettre l'enfer et la mort à distance. Ce qui dissout presque instantanément la niaise Ophélie, n'est pas le mépris ou le rejet de son fiancé, mais la conscience subite que le monde dans lequel elle vit ne connaît l'amour que sous la forme d'un subterfuge. Ophélie n'est pas, contrairement à ce qu'elle croit, la fille chérie de son père, mais un vulgaire appât ; pire qu'une putain, car la putain sait qu'elle est un appât, et que la société n'est qu'un bras de fer. La putain est animée par l'énergie du désespoir : la petite Ophélie raisonne comme un fromage à pâte molle.

    Shakespeare est l'auteur d'une charge d'une violence inouïe contre la culture occidentale. Les papes sont à quatre pattes dans la boue, cherchant leurs lunettes. Les rois se tiennent la gorge à deux mains, pour tenter de retenir le sang qui s'en écoule. Le cinéma : le cinéma est un invention uniquement pour tenter de cautériser la plaie que Shakespeare a ouverte.

    Ne laissons pas Shakespeare tenir sa position seul à la bataille d'Armagédon. Prenons la milice de Satan à revers.