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  • Kritik der Kritik

    L’épaisse fiction de Johnatan Littell n’a pas bénéficié en Allemagne de l’accueil révérencieux que la critique en France lui réserva. Les Bienveillantes a été classé “Gestaporn-Roman” Outre-Rhin. Ça veut-il dire que la critique allemande est plus sérieuse et moins dépendante des lois de la grande distribution ?
    Ou alors est-ce que les Allemands ont été vexés par la caricature de l’officier allemand en homosexuel dépravé ? De ce point de vue-là, il est certain que les Yankis, qui ont créé dans certaines villes de véritables ghettos pour pédés, sont mal placés pour donner des leçons aux nazis. Trier les êtres humains en fonction de leur religion, comme les nazis ont fait, au moins c’est un critère politique qui respecte le choix de l’individu ; les trier en fonction de critères raciaux, ou de leurs goûts sexuels (!), comme font les Yankis, c’est de la barbarie.
    On pourrait imaginer un quartier pour sado-masos, avec des passages cloutés mais pas trop, histoire de se faire renverser de temps en temps. Ce n’est pas la brutalité ou la méchanceté qui caractérise la barbarie, mais la bêtise profonde.

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    Du reste on devine que c’est le puritanisme de Littell qui l’a poussé à faire endosser la dépravation et la cruauté à un homosexuel. Or, d’où vient le puritanisme yanki, si ce n’est une importation d’Europe de l’Est et d’Europe centrale, d’Allemagne ?
    Gérard Schröder, en s’opposant à l’envoi de troupes allemandes en Irak a amorcé un mouvement d’émancipation de la tutelle yankie, qui était particulièrement tenace dans le domaine de la politique étrangère et de la culture.
    L’agacement de la classe politique allemande vis-à-vis de Sarkozy est au moins pour partie due aux mêmes motifs. Au moment où l’entente franco-allemande semble pouvoir enfin se concrétiser autrement que par des accords commerciaux, Sarkozy renverse les alliances et fait désormais pencher la France du côté des Anglo-saxons.

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    Mais la principale raison de la divergence de jugement sur Les Bienveillantes entre Français et Allemands n’est pas là. Autant le nazisme est tabou en Allemagne où il vaut mieux ne plus en parler, ni en bien ça va de soi, ni en mal, autant le nazisme fascine toujours les Français.
    Quel écrivain, de Robert Merle au pitoyable Moix, quel cinéaste n’a pas fait son beurre sur les nazis ? Comme au XIXe siècle de véritables écrivains se passionnèrent pour Napoléon.
    Je ne me suis pas livré à un calcul, mais je suis prêt à prendre le pari qu’il n’y a pas un jour où un film ayant trait à l’Allemagne nazie n’est diffusé sur une chaîne de télévision française. Spécialement sur “Arte”, paradoxalement censée contribuer au réchauffement des relations franco-allemandes. “L’Europe sera sado-masochiste ou ne sera pas”, telle pourrait être la devise d’“Arte”.

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    Ce qui ne colle pas dans la propagande de Littell, Claude Lanzmann l’a très bien compris et réservé d’abord un accueil glacial à Littell, ce n’est pas tant que son héros soit homosexuel, le hic c’est qu’il est “cultivé”.
    En effet, dans le raisonnement laïc français, qui était déjà celui des nazis, plus on est cultivé moins on est barbare. Or on n’imagine pas un officier de l’armée yankie aujourd’hui s’intéresser à Picasso, à Sartre ou à Céline, comme certains officiers nazis naguère. A vrai dire il m’est arrivé de fréquenter un certain nombre d’officiers français au cours de mes études et eux-mêmes étaient plus passionnés de billard ou d’automobile que de littérature ou d’art. Lorsqu’ils lisaient, c’étaient des romans à deux balles, comme la critique du Figaro ou de Libé en recommande chaque semaine.

    Cette faille logique, l’esprit cartésien de Claude Lanzmann l’a détectée immédiatement.
    Sans compter l’esprit religieux dogmatique de Lanzmann. Un dogme c’est comme une planche, s’il y a un nœud au milieu elle finira par se fendre ; qu’on comprenne bien : “Le soldat nazi est et demeurera à jamais la brute sanguinaire la plus terrible.” Pour lui on est même allé jusqu’à inventer la rétroactivité des lois, qui ne s’applique pas à un Dutroux ou un Fourniret. Si vous commencez à entrer dans le détail du dogme, à prétendre que ces types-là étaient des salauds, certes, mais des salauds cultivés, bizarrement, c’en est fini, le doute s’installe et la planche éclate.
    Littell n’a pas du tout pigé cette dimension religieuse. Qui plus est, et ça n’a rien de “freudien”, Littell était persuadé d’écrire un roman historique, sans se rendre compte que sa production est de l’ordre de la propagande, qu’elle n’ajoute rien à l’histoire ni au style.
    C’est le même principe pour Wikipédia. On rédige une note scientifique pompée plus ou moins dans une encyclopédie et on est persuadé de faire de la science.

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    Enfin, il faut faire la part de la critique et du succès commercial d’un bouquin. Après avoir vu les Français se précipiter à Noël avec ferveur sur le pavé de Littell, quelques mois plus tard je tombai sur le blogue d’une blogueuse cultivée. La demoiselle désespérait de rencontrer enfin quelqu’un qui ait lu en entier, ou au moins la moitié des Bienveillantes, pour en causer ensemble. Probable que les lecteurs des Bienveillantes sont trop cultivés pour rédiger un blogue.

  • Triste Tropisme

    Deux manières de comprendre le roman populaire de Pierre Boulle, La Planète des singes. Au premier degré, on peut le prendre pour un roman de science-fiction évolutionniste. Dans ce cas il faut plutôt le rattacher à Lamarck qu’à Darwin, étant donné que Lamarck postule le premier l’hérédité des caractères acquis, c’est-à-dire une évolution dépendante de critères sociaux ou politiques, qui amène chez Boulle les singes à se raffiner.
    L’hérédité des caractères acquis est aussi chez Darwin, pour la simple raison qu’il emprunte largement le principal de sa théorie à Lamarck ; mais les néo-darwiniens, en revanche, ont abandonné l’hypothèse lamarckienne d’hérédité des caractères acquis. Et ce n’est pas un hasard.

    À y regarder de plus près, Pierre Boulle, lui, contrairement à Darwin, postule plutôt l’idée d’une régression de l’homme vers le singe. Une hypothèse plus séduisante de mon point de vue créationniste. Je tiens Finkielkraut ou François de Closets, par exemple, pour des prototypes d’hommes-primates. Ils gesticulent, leurs jambes s’agitent, leurs mains tournoient, fouillent à la recherche d’un pou ; Surtout, ils émettent des sons mais ils ne disent rien. Si la fonction crée l’organe, comme croient certains, bientôt ils ne parleront plus.
    Plus rationnellement, il faut faire le distinguo entre la politique-fiction d’un côté - Pierre Boulle -, et la science-fiction - Darwin, de l’autre.
    La vertu de ce roman, La Planète des Singes, c’est qu’il révèle le caractère anthropomorphique de la prétendue “science” darwinienne.
    Quand un créationniste yanki attaque l’évolutionnisme, il le fait au nom de la religion, de la Bible. Un créationniste français, lui, c’est au nom de la SCIENCE qu’il attaque les superstitions néo-darwiniennes (Le démocrate-chrétien, lui, ne dit rien, il subit, se contentant de vagues discours moraux.)

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    Pour comprendre que le néo-darwinisme n’est pas une science mais une religion, pour être plus précis un “moralisme”, ça demande juste un peu de bonne foi et un peu de liberté. Un effort pas si bénin par les temps qui courent.
    Un moyen de preuve simple, c’est de feuilleter un bouquin de l’évolutionniste Pascal Picq : on constatera qu’il n’est pas question de science mais de morale laïque.
    En gros l'évolutionnisme néo-darwinien remplit dans la religion laïque la fonction des mythes grecs, de L’Illiade et de L’Odyssée dans la religion païenne gréco-romaine.
    La preuve ? La preuve c’est que les créationnistes yankis et les évolutionnistes du monde entier se livrent une guerre de religions. Sur l’hypothèse scientifique, les créationnistes yankis et les évolutionnistes sont d’accord. C’est sur le mythe qu’ils divergent. Pour les néo-darwiniens, il n’y a pas de finalité, tandis que pour les créationnistes protestants, il y en a une, mais les uns comme les autres sont incapables d’apporter la preuve de ce qu’ils avancent. Même l’hypothèse de l’hérédité des caractères acquis de la science lamarckienne n’est pas infirmée par les hypothèses néo-darwiniennes. Il n’est pas prouvé que l’ARN-messager “encode” l’ADN de façon illogique.
    Le rejet de la science lamarckienne par les religieux néo-darwiniens est également probant. Pour le néo-darwinien F. Jacob, la Bible est entachée de lamarckisme (!?).
    On peut même distinguer la religion laïque “jacobine”, son grand-prêtre Richard Dawkins (ou F. Jacob, J. Monod), de la religion laïque “réformée” et son grand-prêtre Stephen J. Gould.
    Si Lamarck est l’héritier du matérialiste Francis Bacon, Darwin est l’héritier de l’idéaliste E. Kant, et les néo-darwiniens de Karl Popper.
    Si l’on prend le cancer au stade de la métastase, c’est-à-dire au “stade Popper”, on touche du doigt le néant scientifique ; à force de superposer des syllogismes, Popper parvient à postuler l’idée de causalité et à nier l’idée de but simultanément, ce qui en fait sans doute un des esprits scientifiques les plus bêtes que l’Occident ait connu. La recherche scientifique, avec Popper, se résout à une morale. “L’important c’est de participer”. Karl Popper est le Pierre de Coubertin de la science.

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    Je me permets de faire observer aux esprits vifs qui m’ont suivi jusque-là que la faille de l’épistémologie de Popper, on la retrouve chez le fondateur de la religion laïque, à savoir l’athéologien Ludwig Feuerbach, qui, en même temps qu’il détruit systématiquement la religion protestante réformée, détruit la nouvelle religion laïque athée qu’il pense fonder sur le roc.
    On peut appeler ça “l’effet-miroir”. De mon raisonnement simple découle la supériorité du mythe grec païen sur le mythe néo-païen. Et découle aussi la supériorité de la politique-fiction de Pierre Boulle sur la science-fiction de Darwin. On peut même dire que le boullisme est un humanisme.
    Bien sûr, si vous dites que vous êtes “boulliste” plutôt qu’évolutionniste, ça fera ricaner les bobos autour de vous. Mais, comme on dit, “les singes hurlent, la science passe.”

  • Le Jansénisme pour les Nuls

    A propos du style de saint Augustin : il est certain qu’on n’entendrait plus parler de la théologie de saint Augustin aujourd’hui sans le style si personnel, si vivant, des Confessions, qui fait appel aux sens du lecteur.

    Les admirateurs de saint Augustin : Calvin, Luther, Jansénius, Feuerbach, Lucien Jerphagnon, Joseph Ratzinger, n’auraient-ils pas mieux fait d’écrire à leur tour leurs confessions, comme Rousseau ?

    L’originalité de Rousseau, c’est que de sa position de puritain genevois, sa biblique frayeur des sodomites, des prêtres catholiques, "a fortiori" des prêtres catholiques sodomites (!), il évolue vers une doctrine quasiment “pélagienne” plus conforme au Nouveau testament, dans laquelle le péché n’est plus l’axe primordial. Il fait le chemin de la morale à la politique.
    Au contraire de son ami Denis Diderot, sympathique catholique langrois aimant la bonne chère et boire dans la compagnie de ses amis,
    qui en théorie est un moraliste acharné, allant jusqu’à théoriser un théâtre moral et une peinture morale.
    L’héritier de Pascal au XVIIIe siècle et des jansénistes, c’est Diderot, non pas Rousseau bizarrement.
    Diderot et Pascal ont en outre ceci en commun d’être de piètres scientifiques. Diderot en est resté à la science de Lucrèce, d’où il tire son athéisme. Quant à Pascal, il est en retard sur les découvertes astronomiques. Tous les deux sont fascinés par la géométrie qu’ils assimilent à l’espace. Diderot est considéré généralement comme un “matérialiste”, mais il n’est pas difficile de voir que son matérialisme est en fait un idéalisme. Diderot a le bon goût, de mon point de vue, de proférer ses blasphèmes à l’extérieur de l’Eglise et non à l’intérieur comme Pascal fait.

    Ce sont les communistes français qui ont forgé le mythe de l’emprunt du matérialisme de Marx à Diderot. Alors que le matérialisme de Marx vient de Locke, de Shakespeare, de Balzac.
    Benoît XVI perpétue ce mythe dans son encyclique, alors qu’il n’est pas difficile de comprendre que l’idéalisme cauteleux des penseurs libéraux ne fait que servir de prétexte à la gabegie des bâtards capitalistes qui ne jurent que par le gadget : gadget scientifique, gadget littéraire, gadget moral, gadget politique - c’est là que se situe concrètement le matérialisme, chez ces gens qui n’ouvrent leur gueule que pour parler d’éthique.

  • Téléscopage

    La théologie de Benoît XVI me fait penser à ces canards à qui on a coupé la tête et qui continuent sur leur lancée.

    La morale janséniste de Benoît XVI a une conséquence bizarre : le téléscopage des démocrates-chrétiens supporteurs du pape et de l’islam. Le "djihad" de Tariq Ramadan, par exemple, est très proche du jansénisme de Benoît XVI.
    Tariq Ramadan ne cache pas sa sympathie pour Voltaire, qu’il semble d’ailleurs apprécier à sa juste valeur, contrairement à beaucoup de laïcs imbéciles ; et l’influence de l’idéalisme allemand rapproche beaucoup Benoît XVI de Jean-Paul Sartre et de sa morale hybride.
    Il y a aussi chez Benoît XVI une sorte de fascination (très allemande elle aussi) pour l’ingéniosité, qui le pousse à méconnaître la vraie science ; et incontestablement une partie du monde musulman est fasciné par la technologie nord-américaine d’inspiration nazie.

    Autrement dit, je crois qu’un musulman qui lirait l’encyclique “Spe salvi” de Benoît XVI n’y trouverait rien à redire, au contraire. Probablement le seul grief que Tariq Ramadan pourrait faire à Benoît XVI serait de ne pas être assez “scolastique”, quelque chose dans ce genre.

    Il est évident qu’il y a une “concurrence” entre Benoît XVI et ses partisans d’une part (en France le renouveau charismatique, une bonne partie des “vieux catholiques” dits “traditionnalistes”, et les démocrates-chrétiens “gaullistes”), et les musulmans d’autre part. Comment expliquer autrement le fait qu’on vive d’un côté comme de l’autre coupé d’une réalité première, à savoir que la religion athée et ses ministres occupent une place dominante et qu’ils exercent une répression assez nette des autres cultes.

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    Comment expliquer, diront certains, l’empressement de certains maires à faire construire dans leurs communes des mosquées pour les affecter au culte musulman, dans ce cas ?
    La première explication qui vient à l’esprit c’est que pour nos édiles l’argent n’a pas d’odeur, et que “quand le bâtiment va, tout va”. A elle seule cette raison est en béton armé, à l'époque où nous sommes.
    La deuxième explication, c’est que la religion laïque dans sa conception française, “jacobine”, “dictatoriale”, subit l’influence du modèle américain plus opaque, de type totalitaire.
    Peut-être les cervelles mathématiques comprendront mieux si je parle dans le premier cas français de PGCD, dans le deuxième de PPCM ?
    80 à 90 % des Français idolâtrent l’Etat, et ils en sont relativement conscients ; tandis qu’une proportion plus grande encore des Yankis adore aussi l’Etat, mais sans le savoir.

  • Vers l'Ouest rien de nouveau

    Contre-lettre encyclique dédiée à Claire F., moraliste, et Myriam T., dissidente catholique.

    J’achève tout juste la lecture de la lettre encyclique de Benoît XVI sur l’Espérance (Spe salvi) que j’ai jugé bon de croiser avec une lecture du Port-Royal de Sainte-Beuve. Où le fameux critique entreprend une analyse, sinon exhaustive du moins sagace, du jansénisme, de ses préliminaires jusqu’à ses chutes.

    Sauf à faire preuve d’un négationnisme imbécile, on est forcé d’admettre l’influence du christianisme sur les différents courants de la pensée moderne occidentale. Même Marx, réputé athée, cite souvent le Nouveau et l’Ancien Testament ; quant aux théoriciens de l’athéisme : Diderot, Nitche, Feuerbach ou Sartre, d’une manière ou d’une autre, tous, même si Feuerbach est de loin le plus logique, empruntent le cheminement de la pensée chrétienne avant de s’en écarter.
    Le jansénisme lui-même a eu de l’influence sur le christianisme. Port-Royal pouvait, me disais-je, procurer du recul.

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    Mais étant donné les obstacles aujourd’hui au dialogue et à la critique historique et théologique, l’esprit partisan qui règne partout, le petit préambule suivant s’impose :

    Certains théologiens ont critiqué récemment le principe de l’érection d’un pape au rang de saint, quels que soient ses mérites avérés, afin de ne pas provoquer une confusion entre le spirituel et le temporel.
    Il y a la même ambiguïté dans le fait pour un pape de publier des écrits théologiques sous son nom, y compris (surtout ?) des ouvrages de vulgarisation.
    Rome conserve le dépôt de la Foi sur lequel l’Eglise est solidement bâtie jusqu’à la fin des temps. Lorsque le pape s’exprime à titre personnel sur des questions théologiques, on risque de le prendre pour infaillible, de le transformer automatiquement en Père de l’Eglise.
    Aussi certains fidèles ou clercs idôlatrent-ils presque le pape ; la moindre de ses allocutions devient parole d’Evangile, l’esprit critique tourne à l'apologie.
    D’autres fidèles en revanche, sous prétexte que tel ou tel pape tient des propos hérétiques, s'en vont fonder leur propre église orthodoxe.
    La coutume multiséculaire du dialogue au sein de l’Eglise, gouvernée par la certitude que “la Vérité rend libre”, semble éteinte… au moment même où l’œcuménisme, le dialogue avec les autres religions chrétiennes est à la mode !?

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    Voilà, toutes ces précautions prises, je ne peux m’empêcher de penser qu’on vit une époque, si ce n’est désespérante, du moins foncièrement oiseuse.
    Mais Joseph Ratzinger, en tant que théologien, invite lui-même à la critique.
    Cela posé, autant le dire franchement, dès les premiers paragraphes mon espoir de voir le pape forger des critères nouveaux pour une nouvelle croisade a été encore déçu. Comment ne pas distinguer dans Spe salvi les accents d’une réforme janséniste ?
    D’où Sainte-Beuve. Celui-ci se place assez bizarrement, sans doute pour des raisons de convenance personnelle, du côté des jansénistes, tout en gardant l’œil clair et la mesure.
    À propos du jansénisme, Sainte-Beuve recommande de ne pas y voir une doctrine parfaitement cohérente, mais plutôt quelques leitmotivs. Idem pour saint Augustin, le docteur préféré de Jansénius, lu et relu dix fois, qui inspire le plan janséniste.
    Le plus simple selon Sainte-Beuve est de voir le jansénisme “grosso modo” comme une tentative de réforme sur les mêmes bases que la réforme de Calvin, hors la rupture avec Rome. L’enquête de Sainte-Beuve porte donc seulement sur le plan spirituel et non historique.

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    Quels sont les principaux leitmotivs jansénistes repris dans l’encyclique de Benoît XVI ?

    1- La morale, notamment sexuelle, est un leitmotiv de Saint-Cyran et Jansénius comme de Calvin. Jansénius approuve le synode calviniste de Dortrecht (1678) et sa condamnation du pélagianisme. Pélage, contrairement à saint Augustin et à Calvin, ne place pas le péché originel au centre de la religion chrétienne, il ne fait pas de la purge le principe de la vie chrétienne.
    De manière caractéristique, Jansénius considère que le péché vient de la concupiscence, de la “libido”, qu’il trie en trois variétés (dont la “libido” du savoir).
    À plusieurs reprises, si la traduction française est exacte, Benoît XVI évoque la "saleté" et le besoin de purification, proches de l’idée d’hygiène morale très présente chez Calvin, de l’ascétisme puritain des jansénistes. Il consacre même un paragraphe au purgatoire et au “feu purificateur”, ce qu’une encyclique sur l’Espérance n’impliquait pas forcément.
    Le pape affirme d’ailleurs son Espérance dans la justice divine avant tout (n°44-47).

    2- En outre Benoît XVI se réclame à moitié de deux théologiens mineurs, Horckheimer et Adorno (n°42). Je ne cache pas qu’avant d’être choqué par l’esprit général de cette encyclique, j’ai été surpris par de telles références dont on peut se demander ce qu’elles viennent faire au milieu de “pointures” telles que saint Augustin, saint Paul, voire Francis Bacon, Luther, Marx ou Kant, auxquelles Benoît XVI fait aussi appel…
    Proches du judaïsme, Adorno et Horckheimer sont en effet attachés à l’interdiction vétéro-testamentaire (sic) de façonner des images de Dieu. L’iconoclasme de Calvin, qui a entraîné la destruction de nombreux retables, est encore plus fameux.
    Bien sûr Benoît XVI assigne des limites à la doctrine iconoclastes et à l’influence du judaïsme sur le christianisme ; mais comment pourrait-il en être autrement ? Calvin lui-même n’est pas un pur iconoclaste et ses zélateurs ont largement débordé le cadre souhaité par leur chef.

    (Il faut à à cet endroit signaler une réalité qui distingue l’Eglise catholique d'aujourd’hui de celle d'hier : elle a presque cessé de produire de grandes images religieuses. Dès le XIXe siècle, ce mouvement était amorcé puisque les meilleurs peintres, Delacroix, Ingres, nonobstant les commandes d’art sacré qu’ils honorèrent, se tenaient eux-mêmes hors de l’Eglise et se voulaient plutôt “libre-penseurs”. Sur ce point l’Eglise aujourd’hui n’est donc pas différente du monde extérieur.)

    3- La doctrine "iconoclaste" permet de faire la transition avec un troisième aspect, le plus important, auquel Benoît XVI accorde beaucoup de place, c’est la négation du progrès et de la science. Encore un leitmotiv janséniste, illustré par le scepticisme assez hautain de Pascal, notamment. « Les inventions des hommes vont en avançant de siècle en siècle : la bonté et la malice du monde en général reste la même. » ; le point de vue de Benoît XVI sur la marche du monde (n°24,25) est ici assez bien condensé par Pascal.
    (Baudelaire est beaucoup moins sceptique qui dit, lui : « Il n’y a de progrès que moral. »)

    Comme il règne à propos des notions de science et de progrès la plus totale confusion désormais, à la suite des saucissonnages de Kant notamment, précisons un peu ; le pape lui-même donne des détails sur sa façon de voir les choses. La science à laquelle il dénie tout pouvoir relativement à l’Espérance, c’est celle de Francis Bacon et de Karl Marx, nommément visés, la Renaissance et le communisme.
    De fait le classicisme de Bacon et celui de Marx sont très proches et Benoît XVI n’a pas tort de les rapprocher. Les humanistes de la Renaissance tendent, comme Marx, vers le réalisme et l’objectivité ; et l’image, la métaphore, est au centre de leur méthode dite “phénoménologique”. Pour Marx comme pour les humanistes de la Renaissance, la politique et l’art sont indissociablement liés, comme deux montants d’une même échelle qui mène à la Vérité pour Marx, à Dieu pour Bacon ou Léonard. Marx hérite cette conception de Hegel, lui-même héritier d’Aristote.
    Cette négation des effets de la science dite “humaniste” entraîne Benoît XVI à assimiler presque complètement l’Espérance à la Foi. Dans une encyclique sur l’Espérance, la Providence et l’Esprit-Saint ne sont pas directement évoqués !

    4- Un éclair de Sainte-Beuve, c’est de comprendre que le jansénisme, pas plus que le calvinisme, ne postule l'idée de prédestination, mais que celle-ci se déduit des idées jansénistes.
    L’hypothèse de la "grâce" découle du puritanisme, de l’iconoclasme, de la négation du progrès. Sorti du contexte politique et artistique, l'homme est réduit à son comportement moral ; dans ce schéma la grâce, don gratuit de Dieu, s’impose. Et comme la grâce est manifestement le don le moins bien partagé du monde, l’idée de la prédestination de tel ou tel parachève le raisonnement.
    Autrement dit : le jansénisme est le rapport que l’homme entretient avec sa propre “essence”. La grâce est ce qui le relie à Dieu, faute de quoi il étouffe.

    L’exemple de l’esclave soudanaise cité par Benoît XVI en exergue de son encyclique est typique. Opprimée par ses propriétaires successifs, Joséphine Bakhita est sauvée par une conversion quasi-miraculeuse en Italie. La politique n’a pas de place dans ce genre de récit où Dieu s’entremet directement : “Deus ex machina” (n°3,4).

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    Sainte-Beuve n’a pas tort d’insister sur le manque de cohérence du jansénisme. Car comment concilier la prédestination, la “plus-value” (sic) des grâces, avec le prosélytisme fanatique de saint Paul ?
    En effet, si les jansénistes élèvent saint Augustin au rang de l’apôtre Paul, ils n’évacuent quand même pas saint Paul complètement de leur doctrine.
    Les jansénistes réussissent le tour de force de ne citer que les versets “existentialistes” de saint Paul, ce qui étant donné son caractère de militant n’est pas facile. Comme quoi les Jésuites n’ont pas l’apanage de la langue de bois.
    Benoît XVI cite notamment Ep. 2, 12, où saint Paul parle de l’“homme intérieur”, en liant cette expression de l’apôtre Paul à l’exercice spirituel et à la grâce. En l’occurrence l’homme intérieur dont parle saint Paul dans sa lettre aux Ephésiens est l’homme fortifié par la révélation et confirmé par l’Esprit saint. La force de l’homme dont parle saint Paul lui vient de l’extérieur et non d’exercices spirituels ou de l’ascèse.

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    Il convient enfin d’élever le débat au-dessus d’une simple querelle entre le point de vue janséniste et le point de vue classique, d’en rechercher la logique supérieure.

    La permanence même de la dialectique, “scientifiques” d’un côté, “sceptiques” de l’autre, consacre à mon sens la rationalité de Hegel.
    Apparemment l’encyclique du pape a été plutôt bien reçue dans l’ensemble par le clergé occidental et par ses ouailles (sauf peut-être à Rome même).
    Rien de plus logique de la part du mouvement charismatique, inspiré ouvertement par la réforme protestante, et nostalgique lui aussi de l’Eglise primitive.
    Les milieux traditionnalistes, proches de feu Mgr Lefebvre, à qui le pape a fait quelques concessions liturgiques récemment sont, eux, plutôt des nostalgiques du Moyen-âge et de saint Thomas d’Aquin ; le décalage vers l’antiquité romaine ne les bouscule pas beaucoup.

    Plus largement, la philosophie “existentialiste” occupe le terrain en Occident où chacun peut, à la carte, choisir comme son parfum d'existentialisme ; certains clercs n’hésitent plus à se réclamer de la morale de Nitche (!) ou de celle de Heidegger (!!) ; c’est à la fois parfaitement incongru et parfaitement logique.
    Ici c’est Aristote, Machiavel ou Joseph de Maistre qui fournissent l’explication. Lorsqu’on refuse de s’élever au niveau de la politique, on tombe au niveau de la morale, où Benoît XVI se situe, sa conception de la grâce ayant en outre une connotation “capitalistique” (n°35).
    Mais la morale sans la politique n’a pas de sens.
    La morale janséniste de Benoît XVI, sa théologie, n’est pas libre. Elle est presque entièrement dictée par le contexte politique qui enferme toutes les religions, en dehors de la religion de l’homme pour l’homme, dans le cadre exigü de la sphère morale, pour mieux les étouffer.
    Les Etats-Unis incarnent bien cette théocratie d’un genre nouveau où l’homme place sa foi dans la solvabilité de son prochain beaucoup plus que dans sa sainteté.

    Au lieu de justifier la nécessité de briser le cercle où la religion dynamique de l’Occident, où le progrès et l’espérance ont été enfermés, comme à force de bêtise, Benoît XVI justifie au contraire de ne pas briser ce cercle !
    Au n°42 de sa lettre, le pape écrit : « L’athéisme des XIXe siècle et XXe siècles est, selon ses racines et sa finalité, un moralisme (…) »
    C’est ce genre d’idéalisme qui me paraît le plus hérétique, le plus nuisible. L’athéisme, en tant que religion, on ne peut nier que l’athéisme soit une forme de religion païenne, implique une morale. Mais selon ses racines l’athéisme est une anthropologie… chrétienne. C’est-à-dire une théologie !
    Chesterton est beaucoup plus près du diagnostic juste que Benoît XVI. Et c’est hélas la théologie de Benoît XVI qui est un moralisme selon ses racines et sa finalité, non pas l’athéisme !

    Si le paganisme, au-dessus duquel la raison grecque s’élève en tentant de délimiter l’espace et le temps, si le paganisme antique est un panthéisme, où la Nature a force divine, les penseurs néopaïens, Nitche ou Heidegger, en décrétant la fin de l’histoire et du progrès, ont créé un paganisme nouveau où l’Homme a force divine, une fiction totale (la Nature des païens, elle, est bien réelle), hors du temps et de l’espace, niés absurdement par des sophistes aveugles et sourds : un “gogothéisme”.
    On ne peut que se désoler de voir Benoît XVI flirter avec ce genre de philosophies qui déshonorent la pensée occidentale et justifient d’une certaine façon le mépris des musulmans et des orthodoxes pour les démocrates-chrétiens, désormais prosternés devant leurs gadgets.

    Renoncer à la Renaissance catholique en échange d’une sorte de nostalgie de l’Eglise primitive incarnée par saint Augustin paraît peu propre à tirer l’Eglise de l’état semi-comateux dans laquelle elle se trouve.
    Dans la droite ligne de théologiens français qui, de Baudelaire à Claudel en passant par Bloy et Péguy, ont fustigé le byzantinisme allemand, je définis Benoît XVI ainsi : “Un cardinal qui indique l’Orient.”

  • Tremblante du mouton

    Pour une Chantal Sébire souhaitant abréger ses souffrances physiques, combien de jeunes drogués, d’adolescents sans foi ni loi tentent de se suicider tous les jours, de mettre un terme à leurs souffrances MORALES ?

    Dans la religion laïque, tout se réduit à l’enveloppe corporelle, au sens épidermique ; le trou du cul devient mystérieux et l’âme incertaine.

    Ceux qui doutent que la laïcité remplisse toutes les conditions humaines pour être une véritable religion n’ont qu’à regarder François de Closets, VRP multicartes jamais dépourvu de slogans et de statistiques, prêcher le principe sacré de l'euthanasie avec ferveur à la télé. Sacré Graal que l'euthanasie ! (Closets a vraiment la gueule parfaite du bourgeois qui se récure le nombril au kärcher tous les matins et s'épile jusqu'aux amygdales - une hygiène écœurante.)

    Non seulement la laïcité est une religion, mais elle s'impose de plus en plus comme LA religion des vieux cons stériles.

  • Fœmina complex

    Aussi égalitariste soit la société capitaliste, la différence de comportement entre hommes et femmes ne semble altérée qu’en surface.
    La caissière de supermarché fournit un bon exemple de femme, non pas "virilisée" mais plutôt "déféminisée" ; et même dans cette branche pourtant, une minorité de spécimens perpétue une attitude de séduction passéiste.

    Jusqu’à la féministe Isabelle Alonso : bien que chienne de garde, elle minaude et cligne de l’œil avec fard sans arrêt comme une chatte ibérique en chaleur, refusant pour elle l’androgynie qu’elle réclame pour les autres.
    Il n’y a guère que la pomme d’Adam de Christine Ockrent qui soit une signe objectif de mutation propre à satisfaire le préjugé évolutionniste de la science actuelle.

    Les revendications féministes, en outre, se présentent souvent comme un renversement du schéma de la domination prétendûment exercée par l’homme sur sa compagne.
    Un aïeul à moi, juge de son métier, émut les chroniqueurs locaux en allégeant de moitié la peine d’un garçon qui s’était rendu coupable d’un viol, tenant pour une circonstance atténuante le fait que la victime se tenait sur le bord de la route dans une attitude provocante sur le plan vestimentaire (pas facile pour moi d’avouer un juriste dans ma généalogie).
    Désormais la gent féminine a pris une place prépondérante dans la magistrature et elle est, à l’inverse de mon ancêtre, d’une sévérité accrue pour les délinquants sexuels, encore des hommes dans l’écrasante majorité des cas.

    Si l’on observe la peinture du XVIIe ou du XVIIIe siècle en général, mettons de Watteau en particulier, on constate que les hommes et les femmes sont plus proches qu’aujourd’hui sur un point au moins, celui de l’élégance et du port distingué, y compris dans les classes subalternes que ce (petit) maître a décrites aussi.
    Comment ne pas voir dans le féminisme l’héritage des idées folles qui sont nées au XIXe siècle ? D’une certaine façon, être féministe c’est se réclamer du XIXe siècle - les antiféministes comme moi ayant plutôt de l’admiration pour le siècle des Lumières.
    (Dans ces cas-là, il y a toujours un crétin arithméticien pour affirmer que XIX c’est mieux que XVIII, et XX mieux que XIX, ainsi de suite ; mais prendre le parti de s’arrêter à l’opinion de chaque crétin aujourd’hui, c’est se barrer la voie du progrès.)

    *

    Un dernier point, plutôt d’interrogation cette fois.
    A propos du mouvement “gothique”, que j’interprète comme une contestation plus profonde que celle de Mai 68 des valeurs bourgeoises capitalistes. Affirmer l’existence de Satan au XXIe siècle me paraît nettement plus révolutionnaire que le vague branlement idéologique de Mai 68, tout cet existentialisme sorbonnard porté à bout de bras par une poignée d’intellos oiseux qui compensent l’intelligence par la ténacité.

    En même temps que du maquillage et des anneaux aux doigts, les damoiselles gothiques semblent posséder un pouvoir d’attraction érotique que leurs consœurs n’ont pas. C’est du moins la sensation que j’éprouve au contact visuel de la plupart d’entre elles. Idem pour les jeunes musulmanes issues de l’immigration.
    Les bobos, elles, lorsqu’elles se piquent de vous séduire, ce qui est plus rare et ne précède jamais au moins une discussion sur un thème d’actualité ou un sujet plus spirituel, les bobos utilisent plutôt leur intelligence comme une arme de séduction, intelligence qu’elles enveloppent dans un regard pénétrant, à la manière des héroïnes de séries nord-américaines ; le but, la séduction, est toujours là, mais le moyen de parvenir au but diffère ; ce qui fait qu’à vingt-neuf ans les bobos échouent sur “Meetic” où elles se prostituent gratuitement.

    Je conclus avec mes gothiques. Laissons de côté le maquillage, souvent outrancier chez les bobos aussi, pour nous concentrer sur les anneaux. Qu’est-ce que ça signifie ? Comment le lien se fait-il avec l’érotisme ? Ces bagues sur toutes les phalanges sont-elles portées comme un banal outil de séduction supplémentaire, ou sont elles plus profondément un clin d’œil lancé au tempérament dominateur masculin, destiné à faire chavirer leur cœur ? Est-ce prémédité ou pas ? Si quelqu’une a la solution de cette petite énigme, qu’elle n’hésite pas à m’en faire part (cadres sup. s’abstenir).

  • No Sex in France

    Converti au communisme, je n’en reste pas moins misogyne : les slogans féministes sont typiquement des slogans bourgeois. Ce que les “chiennes de garde” défendent avec rage et avec la complaisance des médias, ce sont les valeurs bourgeoises et non les droits de la femme à vivre hors de portée du désir charnel et du pouvoir de contrainte des hommes.
    La haine des féministes vis-à-vis de l’islam est tout à fait caractéristique. Qu’il soit féministe (Caroline Fourest) ou démocrate-chrétien (Redeker, Philippe de Villiers), libéral de gauche (BHL) ou de droite, le bourgeois entretient soigneusement le fantasme de la menace islamique afin de justifier son propre fanatisme à caractère totalitaire. J’ajoute que le féminisme étant le contraire de l’humanisme et de l’universalisme, c’est tout sauf une idée marxiste.

    *

    Mme (Mlle ?) Michèle Reiser, présidente d’une commission nouvellement créée contre les “dérives sexistes” à la télé, qui comporte tout de même un membre masculin, le présentateur Frédéric Taddéi, se donne pour objectif d’abolir les clichés véhiculés sur la femme par la télé.
    Michèle Reiser distingue trois grands clichés : le cliché de la ménagère ; celui de la ravissante idiote, blonde ou pas ; et enfin celui de la femme, désirable et séductrice, de la “vamp”.

    Je n’ai pas entendu Michèle Reiser proposer un autre exemple. Suggère-t-elle le modèle de la femme qui aurait une bite comme tout le monde et qui saurait s’en servir avec délicatesse ? Ou le contre-exemple dissuasif de la blonde, séduisante donc forcément idiote ?
    On voit mal au terme de ce féminisme médiatique - tous les membres de cette commission de vigilance à la mord-moi-le nœud sont employés par les médias -, se dessiner autre chose que l’androgynie morale de la femme yankie (WASP), qui repose sur un arsenal de droits privés aberrants.

    Difficile d’accorder un quelconque crédit à cette nouvelle bande d’écervelées féministes. Ça saute aux yeux que la télévision est un outil de propagande avant toute chose, une machine à véhiculer des clichés.
    Il n’y a pas de série plus caricaturale que la série Plus belle la vie, conçue justement pour enseigner la morale féministe, entre autre, à grands coups de clichés hénaurmes. Une commission qui voudrait s’attaquer aux caricatures véhiculées par la télé commencerait par stopper la diffusion de ce genre de programmes.

    *

    Un régime totalitaire se définit par rapport à un régime dictatorial par son caractère particulièrement sournois, insidieux.
    Ce genre de commission de contrôle, le BVP ou le CSA sont d’autres exemples, sous le fallacieux prétexte de combattre les clichés ou les dérives, contribuent à multiplier les clichés bourgeois.
    On peut penser comme Marx que le totalitarisme porte en lui les germes de sa destruction ; c’est l’idée que Marx exprime lorsqu’il dit que “le premier ennemi du capital, c’est le capital lui-même”, car ce qui frappe, plus encore que l’hypocrisie des membres de cette commission, c’est leur bêtise, leur mièvrerie.
    Ce n’est pas l’excès de raison qui menace l’humanité, cette thèse n'a pas de consistante, mais bien la bêtise, le crétinisme aggravé de nos élites.
    Le communisme n'est pas, contrairement aux médisances, un nivellement vers le bas, mais une aspiration vers le haut, un combat contre l'asphyxie de la conscience politique par les préjugés bourgeois dans tous les domaines.

  • Question dignité

    Il semble que par “mourir dans la dignité”, le bourgeois entende “mourir sur un plateau de télé, interviouvé par Jean-Luc Delarue, Frédéric Taddéi ou Marc-Olivier Fogiel”, un désir dans ce goût-là.

    Si l’on a une idée plus classieuse de la dignité, plus “cadre sup. de la République”, on se tournera plutôt vers la sœur de Lionel Jospin : le physique spectral de Noëlle Châtelet la prédispose en effet à réciter des vers républicains sur la dépouille des héros ou des martyrs de la laïcité.
    On peut s’amuser à imaginer ce que serait la liturgie laïque si les bourgeois étaient moins guindés et plus imaginatifs, s’ils lisaient un peu plus Homère et un peu moins Harry Potter.

    *

    Il faut dire que tout ça n’est qu’un pis-aller. La mort pour le bourgeois est une extrémité regrettable, voire un “extrémisme”. Que les extrémistes de droite meurent, ou les communistes révolutionnaires, ce n’est que justice, mais le bourgeois, lui qui est si raisonnable, si modéré dans ses propos et ses institutions, qui ne fait jamais la guerre sans avoir une bonne raison de la faire, lue, approuvée et tamponnée ?
    Non, en principe le bourgeois ne veut pas mourir, et on aurait tort de croire que l’inaction lui pèse. Au contraire, il ne se lasse pas de se contempler, de se remémorer les détails les plus insignifiants de son enfance. « Le 19 mars, je me suis branlé… », il met une croix dans son calepin pour se souvenir, au cas où il ne lui adviendrait rien d’autre.

    Même la mort de ceux qu’il condamne finit par indisposer le bourgeois. Car elle lui fait penser à la sienne propre, de mort. « Tuez Saddam puisque la Cause l’exige, puisque c'est un extrémiste, mais avec doigté, euthanasiez-le - la technique c’est pas fait pour les chiens, bordel de Dieu ! »
    Puisque Dieu n'existe pas, le bourgeois a décidé de prendre son destin en main. Et le moins qu'on puisse dire c'est que le monde entier lui envie ses rites funéraires.

    Ou alors c’est, à l’autre bout, la larve humaine immonde qui pousse le bourgeois vers la sortie (en déformant odieusement sa bourgeoise au passage). « Etouffez-moi ça aussi, et en silence, de grâce ! ». Lorsqu’on aura trouvé un meilleur moyen de régler définitivement la question du patrimoine et de sa transmission par des voies moins barbares, alors il sera temps d’abolir la naissance, principale cause d'inégalité comme chacun sait, la chose se démontre aisément par l'algèbre.

  • Causerie du mardi

    L'astuce de l’inconscient abolit l’examen de conscience.

    Cette trouvaille s’adapte merveilleusement bien à la justice bourgeoisie qui juge Hitler, Staline, Ben Laden, Bush, Saddam Hussein, Le Pen, Jérôme Kerviel - tous coupables, pour mieux s’ôter tout remord ; la “fin de l’histoire” : un fusible bien pratique pour faire la nuit sur des contradictions trop voyantes ; la fin de l’histoire et le début du cinoche.
    La démocratie est totalement irresponsable de tout crime, passé, présent et à venir… Qu'on se le dise ! Et si quelque génocide impromptu vient quand même éclabousser le beau système de défense immaculé, il reste toujours le pape pour porter le chapeau, qui n'est pas à une repentance près.

    *

    Ouf, Lazare Ponticelli est mort ! La guerre de 1914-18, le “prénazisme”, n’était pas une notion facile à expliquer à la télé, à l’école, sauf à dire que nos arrière grands-parents n’étaient encore que des primates sans l’internet, ne soupçonnant même pas la bionique future ni la littérature post-moderne, les blogues, Wikipédia, prêts à se mettre sur la gueule pour des détails sans importance. Surtout Pétain.

    Lazare, brave chaînon manquant médaillé : tu vas nous manquer !
    Et comme il n’est pas question de refiler un poilu à chaque classe de primaire - les poils c’est cra-cra - eh bien zappons plutôt.

  • L'Antisémitisme est un humanisme

    Sous ce titre provocateur, Les Temps modernes a commenté récemment ce mot fameux de Bernanos : « Hitler a déshonoré l’antisémitisme ».
    L’article en lui-même n’a aucun intérêt ; il s’agit de faire dire à Bernanos exactement le contraire de ce qu’il a voulu dire, de le changer en pur lèche-cul philosémite en déployant des trésors de sophisme, un minimum de bonne foi suffit pour le comprendre.

    La revue de Claude Lanzmann mérite le détour. En effet, des religions nouvelles, il s’en crée et il en meurt chaque jour aux Etats-Unis aussi spontanément que des PME-PMI en France. La “laïcité positive”, comme disent les crétins, les barbarins, consiste en fait à ravaler la religion au rang d’une petite entreprise de franc-maçonnerie ou de services payants à la personne.
    Mais la revue de Claude Lanzmann prétend carrément fonder, elle, une nouvelle religion… universelle : c’est ça qui est plus inhabituel. Il faut remonter à la révolution française de 1789, ou celle de 1848, pour trouver une tentative semblable en France - à la révolution de 1917 en Russie pour ce qui concerne le continent européen.
    La base de la religion de la Choa est une sorte d'amalgame de la religion juive, chrétienne et laïque, proprement rocambolesque, que nul juif, nul catholique, nul laïc qui se respecte ne peut gober évidemment, un galimatia stupéfiant. Seule l’anarchie intellectuelle qui règne peut expliquer un tel cabotinage. Même l’absurdité a sa logique, comme l’ont bien décrit Allais et Jarry.

    *

    La récupération de Bernanos n’est pas un cas isolé. Il y a un an environ, la revue Commentaire cette fois, revue démocrate-chrétienne libérale, faisait de même avec Paul Claudel, transformé lui aussi en pur philosémite, sur la base de quelques lettres adressées par le diplomate Claudel à des amis juifs. Avec ses amis peu philosémites, Claudel savait se montrer tout aussi conciliant en privé. Il n'en demeure pas moins un auteur "angulaire", sur lequel la nostalgie païenne de Maurras, ou la désespérance de Pascal, se brisent.
    Aussi le cas de Léon Bloy, le plus intéressant en l’occurrence, car s’il est un écrivain catholique "antisémite", c’est bien Bloy, qui dans un ouvrage à part (Le Salut par les Juifs) a opposé de façon radicale l’antisémitisme chrétien, “médiéval”, politique, celui de Balzac, de Shakespeare, à l’antisémitisme bourgeois, libéral, de Drumont. Pour Bloy l’antisémitisme est bien comme un humanisme, même si Bloy refuse, tout comme L.-F. Céline plus tard, d’être marqué au fer rouge du sceau de l’antisémitisme. Bloy comme Céline sont parfaitement conscient de l'aptitude de la bourgeoisie à retourner la situation ; c'est ce que les bourgeois ont fait en échangeant le racisme du libertaire Drumont pour l'antiracisme des libéraux BHL ou Finkielkraut. La misère morale qui règne dans les zones peuplées d'immigrés, la politique du ghetto aux Etats-Unis, illustrent bien l'hypocrisie du régime bourgeois, qui accuse Hitler pour mieux se dédouaner de ses crimes actuels.
    Un petit sorbonnard étique, Georges Steiner, dont la notoriété ne dépasse pas le cercle restreint des auditeurs de “France-Culture”, insomniaques théseux, a tenté de transformer les imprécations de Bloy en une sorte de potage sans sel. En vain ; il n’a pas convaincu au-delà du cercle restreint des auditeurs de “France-Culture”, public composé essentiellement de demoiselles de compagnie kierkegaardiennes ou jansénistes, public qui ne réclame rien d'autre à vrai dire qu’on le berce près du mur pour l'endormir.
    Jusqu’au Figaro littéraire, qui s’emploie à désamorcer Bloy lui aussi, sous couvert de l’honorer (signé Sébastien Lapaque), alors que le Figaro représente exactement le genre de littérature bourgeoise que Bloy honnissait, ses plumitifs mercenaires avec. Nul doute que la devise voltairienne de l’espion Beaumarchais au fronton du Figaro, “Sans la liberté de blâmer il n’est pas d’éloge flatteur”, eût inspiré à Bloy des insultes choisies et des désirs de horions contre de ce torchon d’agioteurs égalitaristes.

    *

    Les cas de Baudelaire et de Balzac sont réglés depuis longtemps ; ça fait belle lurette que l’Education nationale s’est fait un devoir civique de les pasteuriser, transformant Baudelaire en petit poète en prose, et Balzac en précurseur des séries télévisées américaines.
    Tout se passe comme si Claudel, Bernanos et Bloy représentaient les dernières aspérités du catholicisme, que les démocrates-chrétiens se portent volontaires pour raboter, histoire de donner des gages supplémentaires de soumission. Déjà du temps de Bloy...
    « Etrange société chrétienne qui (…) aux expulsions variées dont la gratifient les gouvernements modernes, répond par l’ablation immédiate de tout ce qui peut rester en elle de généreux et d’intellectuel.* »
    Même si ce genre de procédé est le fait de censeurs véreux, il y a quelque chose de rassurant là-dedans. On pourrait s’attendre logiquement à ce que le Figaro ou Les Temps modernes ignorent complètement Bloy ou Bernanos vu que c’est un mode de censure beaucoup plus efficace.
    De l’hypocrisie ou de la bêtise, il semble que chez le bourgeois ce soit cette dernière qui, à la fin, l’emporte. De son embonpoint et le la couche d'ignorance épaisse qui recouvre chacune de ses sentences, il déduit son invincibilité et se voit encore peiner à jouir ainsi sur le dos des pauvres pendant mille ans, au bas mot, Hitler n'était qu'un petit joueur.
    « Il se peut que le Dieu terrible, Vomisseur des Tièdes, accomplisse un jour le miracle de donner quelques sapidité morale à cet écœurant troupeau qui fait penser, analogiquement, à l’effroyable mélange symbolique d’acidité et d’amertume que le génie tourmenteur des Juifs le força de boire dans son agonie.
    Mais il faudra, je le crains, d’étranges flambées et l’assaisonnement de pas mal de sang pour rendre digérables, un jour, ces rebutants chrétiens de boucherie.* »


    (*Léon Bloy, Le Christ au dépotoir, 1885)

  • Créationnisme

    L'épistémologie c'est la fin de la science, la queue de la comète.

    Je propose la métaphore suivante afin de mieux comprendre le principe, l'épistémologie qui gouverne la science évolutionniste. C'est comme un inspecteur de police qui serait confronté à un suspect, sur le point d'avouer, lorsque son adjoint introduirait tout à coup dans la salle d'interrogatoire cinq nouveaux suspects, avec des mobiles et des alibis différents. À son commissaire qui l'interroge sur les progrès de l'enquête - vu que les médias exigent des nouvelles fraîches -, cet inspecteur répond : « On avance, chef, rendez-vous compte, on a pas moins de cinq nouveaux suspects ! » Mathématique, n'est-il pas ?

    Les créationnistes yankis se sont parfaitement insérés dans la lacune de la théorie "néo-darwinienne". Ils sont utilisés comme repoussoir par les évolutionnistes, mais en réalité les hypothèses sont exactement les mêmes. D'ailleurs le créationnisme est illustré depuis des lustres par Spencer, par Bergson, sans que ça choque aucun journaliste.
    Les créationnistes yankis mettent en lumière la fin de la pseudo-science du plagiaire Darwin et de l'épistémologie impotente de Kant ou de Popper. Voilà ce qui met en rage les néo-darwiniens.
    Les créationnistes sont aussi indispensables aux évolutionnistes pour exister que les racistes sont utiles aux antiracistes. Ou que la droite libérale à la gauche libérale. On est en présence, non pas d'une dialectique mais d'un raisonnement binaire manichéen. Hegel et Marx n'ont rien à voir avec ces palinodies, avec le scandale qui consiste à désunir la politique, la science et la poésie, pour mieux les anéantir par le raisonnement philosophique.

    La palme du crétinisme mathématique, je la décerne à l'évolutionniste Stephen Gould, en tête de gondole à la Fnac. Car il n'y a pas de hasard. Du point de vue scientifique, même le fanatisme religieux laïc de l'évolutionniste Richard Dawkins est préférable car, au moins, lui n'est pas détourné de son objectif par une tonne de démagogie niaise. Le fanatisme est un humanisme.
    Du moins c'est un fait historique que nul prétexte n'a fait plus de victimes que le prétexte de défendre la démocratie ou celui d'instaurer la paix et les droits de l'homme dans le monde entier, de faire respecter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Un prétexte qui continue de faire des victimes par centaines tous les jours.



  • Stèle païenne

    À vrai dire je connaissais assez mal La Rochefoucauld, seulement à travers les petites anthologies de Marx et du parigo-belge t’Serstevens.
    Et si, de loin, La Rochefoucauld paraît fin, de près il est plus épais. On se lasse assez vite de son aigreur trop systématique. Rivarol est beaucoup plus impertinent et La Fontaine bien meilleur poète.
    Est-il toujours vrai aujourd’hui, pour prendre la plus célèbre des maximes, que l’hypocrisie “rend hommage à la vertu” ?
    L’hypocrisie contemporaine est comme "redoublée" et ne rend plus hommage, bêtement, qu’à elle-même, un réflexe et non plus un calcul.

    L’exemple du clown triste Jacques Attali me vient à l’esprit. On peut l’introduire dans certaines maximes :
    « La fidélité retrouvée à François Mitterrand, dont Jacques Attali ne se sépare plus, n’est qu’une invention de son amour-propre pour attirer la confiance ; c’est un moyen de s’élever au-dessus des autres et de se rendre dépositaire des choses les plus importantes. »

    Invraisemblable Jacques Attali qu’une journaliste félicite dans un cocktail mondain pour les quelques noms prestigieux qui l’entourent, et qui répond, impavide :
    - Et encore, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg…

    D’où je déduis cette petite maxime personnelle :
    « L’orgueil est le seul vice qui ne requiert aucune intelligence. »

  • Exotisme

    Aux catholiques et aux communistes attachés à l’idée de science et de progrès vers la vérité s’oppose l’argument païen de l’éternel retour du soleil après la pluie et du printemps après l’hiver. Cette idéologie climatique, horizontale, devrait conduire à l’optimisme et ôter toute angoisse aux païens désormais ultra-majoritaires en Occident (l’idéologie démocrate-chrétienne est très proche du paganisme, l'“américanisme” primaire des démocrates-chrétiens le prouve, qui équivaut à la perte de toute conscience politique et artistique).
    Au lieu de ça, curieusement, le païen est plutôt mélancolique qu’optimiste. Ce qui devrait le rassurer l’inquiète.

    (Au passage j’en profite pour redire l’extrême stupidité de la thèse d’un pseudo prof de lettres, Antoine Compagnon, qui classe les auteurs en deux catégories, “modernes” et “antimodernes”, sans tenir compte de critères politiques assez élémentaires ni de l’évolution de la querelle des anciens et des modernes ; pour qualifier Rousseau, Baudelaire (!), Barbey d’Aurevilly, Céline, d’”antimodernes”, il faudrait démontrer que ces auteurs sont hostiles à l’idée de progrès et non qu’ils sont hostiles à l’idéologie dominante depuis le XIXe siècle. Cette thèse est quasiment “orwellienne”, qui revient à démontrer de manière totalement subjective et amphigourique que tous les écrivains dissidents sont à contresens de l’histoire.)

    *

    Ce qui me frappe en tant que catholique c’est la dégradation de la littérature païenne. Autant La Fontaine, La Rochefoucauld, Diderot, impressionnent par la limpidité de leurs styles et leurs saillies, autant les auteurs païens plus récents craquent sous la dent comme une viande trop cuite. Je ne parle même pas de Nitche, qui me fait penser à ces cocktails improbables qu’on sert dans les bars américains ! Paul Valéry, il préfigure Finkielkraut, on a envie de lui botter les fesses ; Cioran fait vite l’effet d’un rabâchage ; la mélancolie, c’est comme un chewing-gum, on ne la mâche pas deux fois. Tant qu’à traduire les moralistes français, autant les traduire en roumain.
    Le cas de Céline est un peu à part, vu qu’il est à la fois païen, communiste, nazi, anarchiste et “bloyen”, c’est sans doute en partie ce qui fait sa force.

    Un tournant dans la mentalité païenne, c’est Darwin. L’amalgame entre l’idéologie climatique horizontale et l’évolution verticale de Darwin. C’est ce qui rend Nitche aussi bouffon, il ne sait pas sur quel pied danser ce Bacchus de salon de thé. Même le matérialisme de Diderot, emprunté à Lucrèce, coïncide mieux avec l’idée de cycle. En somme c’est l’idée de hasard, d’imprévu, à laquelle les néo-darwiniens sont revenus, après l’effondrement de la théorie de Darwin.
    On comprend pourquoi le vieux paganisme bénéficiait de l’indulgence des autorités catholiques, ainsi que de Marx.
    Benoît XVI ne devrait faire aucune concession, en revanche, au paganisme contemporain, complètement délirant et dépourvu de poésie. Lorsqu’un membre est gangrené, on le coupe, comme le figuier qui ne donne pas de figues.
    Je me sens de plus en plus isolé au milieu des païens, étranger dans mon propre pays, et parfois je rêve, comme Bernanos, d’exil en Amérique du Sud, à Cuba, ou en Afghanistan au milieu des Talibans, ou bien à Moscou où l’avenir est peut-être en train de se jouer.

  • L'Empire d'essence

    La grossièreté du cinéma français fait ressortir la subtilité de certaines productions yankies. Plus belle la vie évoque même la politique-fiction de George Orwell, représente une sorte de France totalitaire scénarisée par BHL. Tous les clichés sont là. En dehors de quelques méchants qui ont des bobines d’électeurs de Le Pen, le soleil brille sans éclipse sur une société pluriculturelle métissée.

    La proportion importante de fictions policières, elle, est caractéristique de la mentalité puritaine. L’état-policier, l’état-hygiénique, c’est un rêve typiquement bourgeois. Avec une fascination, une incrimination particulière des crimes sexuels tels que le viol, l’inceste ou la pédophilie (qui dans la civilisation classique grecque ne sont même pas des crimes, sauf peut-être pour les stoïciens, et encore…).
    Les malversations de la “Société générale” ou de l'UIMM, l’étalage de la haine des nantis de Neuilly les uns pour les autres ont certainement des répercussions sociales plus graves que tel ou tel acte pédophile, mais cela le bourgeois ne le voit pas.

    Bien sûr il y a des raisons politiques d’abord à la supériorité de l’industrie cinématographique des Etats-Unis. Seul un cuistre peut l’imputer à la richesse des studios d'Hollywood.
    Les Yankis ne lisent pas, ou peu. Et la frontière entre le cinéma et la littérature n’existe pas, n’a quasiment jamais existé aux Etats-Unis. Cette fonction de propagande subtile, elle est jouée en France par une sous-littérature écrite, des écrivains comme Eric-Emmanuel Schmitt, Anna Gavalda, BHL, Marc Lévy, Frédéric Beigbeder, Patrick Besson, etc.
    Patrick Besson ne demanderait pas mieux que d’être scénariste pour TF1, et il n’est pas si “cher” que TF1 ne puisse l’embaucher, mais il n'y pas encore de demande en France pour un produit impertinent, même si Sarkozy en rêve, pour pimenter ses soirées avec Carla.

    *

    À côté de séries comme 24 h, Les Experts, Prison break, qui jouent sur des ressorts banals, la fascination commune pour le sexe et la violence, avec une dose de suspense et de patriotisme yanki en plus, et qu’on peut qualifier de “pornographiques” sans s’y attarder, d’autres séries plus psychologiques visent le public féminin.
    Il faut garder à l’esprit que près de soixante-quinze pour cent de la production littéraire commerciale est épongée par des femmes ; si le bovarysme touche de plus en plus les hommes, c’est d’abord historiquement une affaire de femmes. Si la gent féminine fait des efforts hypocrites dans ce sens, elle reste assez imperméable à la débilité psychologique profonde d’un match de football ou de rugby.
    Sex and the city est l’exemple le plus célèbre de ce genre de séries qui donnent dans l’épaisseur psychologique, sans équivalent à la télé française
    Sex and the city est une sorte de publicité pour la société new-yorkaise, mais sans verser dans le manichéisme, avec un contraste qui rend la propagande plus efficace. Spielberg est plus efficace que Léni Riefenstahl : le public paie pour voir les films de Spielberg !
    Reste que l’androgynie morale des héroïnes de la série Sex and the city, pour le public français amateur de jolies femmes, est assez dégoûtant.

    *

    Plus récemment, dans la même veine "impertinente", la série Dr House évite aussi les clichés du cinéma européen, balourd jusque dans les analyses sociales de Chabrol, ou ontologiques de Godard.
    Ce personnage de toubib handicapé, chef du service des cas épineux, qui appelle un chat un chat, et une chienne une chienne, en dit assez long sur la société yankie. À condition de ne pas porter sur cette série le regard d’une téléspectatrice française moyenne.
    Cette série n’est bien sûr pas fabriquée pour le public français d'abord.
    Ainsi le Dr House étant politiquement incorrect, il se doit pour les Etats-Unis d’être athée ; difficile à piger en France où ce sont au contraire les “intégristes” musulmans ou catholiques, les membres de l’Eglise de Scientologie, qui sont politiquement incorrects, l’athéisme étant banal sous nos latidudes.
    Le comique de cette série est typique du nouveau comique bourgeois. Le Dr House fonctionne exactement de la même façon que les bouquins de Nitche. Il dit ce qu’un bourgeois peut entendre de plus choquant, tout en restant dans les limites de ce qu’un bourgeois peut entendre. Aussi politiquement incorrect soit-il, il ne faut pas s’attendre bien sûr à ce que le Dr House nie l’existence des chambres à gaz, par exemple, ou se mette à vanter les mérites de Ben Laden en tant que résistant à l’occupation israélo-américaine, ce genre de truc, même pour rigoler, dans le cadre d’une fiction, par pure provocation (le rire doit beaucoup à l'effet de surprise) ; l’émoi dans les chaumières serait trop grand et l’avenir commercial de la série compromis (Même si aux Etats-Unis elle fut diffusée en “pay per view” sur une chaîne du cable, ce qui est une donnée du cahier des charges.)
    Le bourgeois est plein de petits tabous que le Dr House brise par surprise, et ça chatouille. La ménagère yankie est prête à ce que ses valeurs antiracistes ou féministes, la limitation de vitesse ou l’interdiction de fumer soient ridiculisées par un personnage de fiction, qui a l’excuse d’ailleurs d’être handicapé. De toutes façons ces valeurs sont superficielles et n’engagent à rien. Mais pas touche aux grands tabous bourgeois.
    De même si Le Pen fait toujours des cartons en termes d’audience à la télé, c’est aussi parce qu’il y a des bobos qui le regardent juste “pour se faire peur”.
    Dans la vraie vie, un tel personnage “socialement incorrect” a peu de chances de faire mouiller les gonzesses qui, dans la série, sont toutes au garde-à-vous devant House. D’autant moins que malgré ses fonctions de chef d’un service hospitalier, le Dr House est complètement raide.
    Même s'il est un phénomène avant-coureur, le bobo en France ne donne encore qu’une faible idée du niveau de conformisme qui règne aux Etats-Unis. La diffusion par TF1 de ce genre de série prouve que le décalage entre le public français et le public yanki tend à s'effacer ; tous les efforts des politiciens libéraux et de la propagande télévisée vont dans ce sens.
    Malgré sa volonté d’indépendance, son refus ferme de se plier à l’hypocrisie bourgeoise, le Dr House comme Nitche en définitive rentre dans le rang et le système en ressort encore plus fort. C’est bien tout le sens du mépris qu’un catholique ou un communiste réserve à la philosophie de Nitche : en définitive elle ne fait que renforcer les valeurs bourgeoises, son principe est antirévolutionnaire, comme le mouvement de Mai 68 qui, sous couvert de combattre le puritanisme et l’ignorance, n’a fait que les renforcer, ajouter de l'hypocrisie à l'hypocrisie.
    Nul hasard dans le fait qu’un cochon de curé démocrate-chrétien, dans une basilique française en 2008, invoque les bienfaits de la morale de Nitche dans son sermon. Idem pour l’hédonisme laïcard ridicule de Michel Onfray ; c’est la même religion.
    L’”identité française” est un concept crétin de philosophe sarkozyste ; en revanche le peu d’honneur français qui subsiste incite à botter le cul de tels énergumènes en soutanes, plus prompts à défendre les valeurs bourgeoises évolutionnistes et athées que les valeurs évangéliques.
    Comment prétendre à l’universalisme chrétien lorsqu’on se berce d’illusions aussi ringardes ? Certes un type comme Tariq Ramadan, à défaut d’être moderne, est plus français qu’un curé démocrate-chrétien, étant donné qu’être français, ça se mérite, ce n’est pas un magot ni une rente de situation.

    *

    Pour revenir à Dr House, c’est plus précisément l’apologie de la science (médicale) yankie à quoi cette série œuvre tout compte fait.
    La science yankie, rappelons-le, en dehors de prolonger l’usage de quelques super-gadgets nazis (sans les nazis, les Etats-Unis seraient sans doute en faillite depuis longtemps), la science yankie n’a accompli aucune prouesse et ses missiles pourraient bien se retourner contre elle.
    Depuis cinquante ans, quelle “potion magique” nouvelle les laboratoires américains multimilliardaires ont-ils élaborée ? Que dalle en dehors de produits dopants et de repeindre en rose des pilules vertes - même le “pot belge” est une invention belge.
    (En sciences humaines, les Yankis nous ont “chipé” les trois plus grands raseurs que la France ait enfanté : Derrida, Robbe-Grillet et BHL ; si les universités yankies y mettaient plus de conviction et que le niveau d’anglais était un peu moins faible dans l’université française, le débauchage américain pourrait même contribuer à améliorer sensiblement le niveau moyen du corps professoral européen.)

    Néanmoins, de façon dialectique, derrière la propagande, le scénariste de Dr House émet quand même une critique authentique. Elle est presque indiscernable puisqu’elle porte sur l’épistémologie.
    Aux Etats-Unis, pour résumer, on peut dire que l’épistémologie stagne au “niveau Wikipédia”, c’est-à-dire le plagiat plus ou moins rigoureux d’encyclopédies solides dans un but prétendument humaniste, ce que certains qualifient (le plus sérieusement du monde) de “science démocratique”.
    Cela donne le type de raisonnement statistique suivant : “Puisque 80 % des gens pensent que l’hypothèse évolutionniste de Darwin est exacte, eh bien c’est qu’elle ne peut pas être fausse.”
    Les tirades du Dr House vont à l’encontre de cette épistémologie-là, et montrent plutôt bien ce qu’elle a d’arrogant et de niais à la fois.
    Les assistants du Dr House incarnent la médecine académique, systématique, pleine de certitudes statistiques, et bien sûr carriériste. Sans le carriérisme à l’arrière-plan, on ne peut pas comprendre la science démocratique.
    L’esprit imaginatif et ouvert, élitiste, du Dr House, au strict plan de l’épistémologie, l’emporte toujours dans cette série. Le Dr House a toujours raison et ses assistants ont toujours tort (Je précise que je n’ai pas vu la fin de la série et qu’il n’est pas exclu que le Dr House finisse cinglé ou avec une MST comme Nitche.)
    Sur ce plan-là la série a valeur de pamphlet - ou de sous-pamphlet.

    Si l’athéisme du Dr House est d’une banalité telle en France que même Sollers et BHL jugent plus branché de se draper d’une sorte de voile spirituel, en ce qui concerne son niveau scientifique le public français n’est plus très loin du public yanki. Je vous laisse conclure.

  • Table rase du cinéma

    Pourquoi le cinéma yanki est-il plus intéressant que le cinéma français ? Cette question ! Et pourquoi les souchis sont-ils meilleurs au Japon, le cidre en Normandie ou la bande-dessinée en Wallonie ?
    Les Yankis maîtrisent, voilà tout. Ils maîtrisent une industrie qui a perdu depuis longtemps la légèreté du début.
    Les Yankis ne confondent pas le cinéma avec autre chose, le théâtre ou la poésie, par exemple.
    Un peintre qui confond la peinture avec la sculpture s’expose à des déboires. La petite peinture bourgeoise ratée de Cézanne s’explique ainsi, par un aveuglement, un manque d’objectivité. Un artiste moyen qui respecte le cahier des charges produira une œuvre plus solide qu’un artiste largement doté qui emprunte une voie de garage. Cependant Cézanne se prête bien au format carte-postale.
    On range bêtement Picasso dans la catégorie des peintres abstraits, alors que sa fortune critique (démesurée) tient au contraire à son classicisme, que son éclectisme trahit, de sa rupture d’avec la doctrine cubiste ; chez Picasso c’est l’artisan qui domine et lui évite de tomber complètement dans le panneau tendu par la philosophie, à l’instar de Braque, Franz Marc, ou dans une moindre mesure Kandinsky. C’est l’objectivité de Picasso qu’il faut remarquer, confronter à l’extrême stupidité doctrinale de Klee. Le plus concret, le plus madré, l'a emporté.

    Si les Yankis n’éprouvent pas de complexe à s’adonner au divertissement pur, contrairement aux Occidentaux en qui l’amour de l’art, le désir de s’élever par l’art - “La beauté sauvera le monde” - subsiste à l’état de nostalgie, c’est parce que l’horizon yanki ne va guère au-delà du divertissement. Même leurs musées sont conçus comme des parcs d’attraction.
    Cette bestialité “évolutionniste” est liée à l’absence de conscience politique des Américains. Déjà Hegel disait que l’Allemagne n’était pas un Etat. Par un autre chemin que Hegel, j’en arrive au même constat à propos des Etats-Unis. Les Etats-Unis ne sont ni un Etat, ni même DES Etats. Ils sont une sorte de parenthèse dans l’histoire.

    Les Occidentaux, eux, éprouvent toujours le besoin de recouvrir leur cinoche d’une esthétique imbitable qui n’abuse que les bobos. La mesquinerie des bobos est telle qu’ils doivent s’appliquer à faire passer Karl Lagerfeld, Paul Bocuse ou Zinédine Zidane pour des “artistes”.
    S’habiller, manger, se divertir, voilà pour le cahier des charges du bobo.

    *

    Gros carton des séries télé yankies en ce moment, notamment auprès des femmes. On leur prête plus d’épaisseur psychologique. “Epaisseur”, c’est un peu exagéré, disons que la clientèle des psychanalystes, des curés démocrates-chrétiens et autres charlatans est plutôt féminine.
    Non seulement le public des séries, mais le format aussi est différent. Ce n’est pas la même pornographie, axée plutôt dans les formats courts sur l'exploitation du sexe, de la violence et du bovarysme. Déjà l’allongement moyen de la durée des films s’expliquait par la volonté de jouer sur un ressort plus psychologique, afin de séduire une clientèle féminisée.
    La victoire des séries sur le cinéma est non seulement une victoire féministe mais encore une victoire commerciale, car vendue sous forme de dévédés, cette sous-littérature cinématographique s’avère très lucrative. D’une façon générale, les conquêtes féministes sont indissociables des "progrès" du capitalisme. L’idéalisme de Simone de Beauvoir s’est mué logiquement en cette sorte d’impavide cynisme dont font preuve aujourd’hui des féministes comme Caroline Fourest et Christine Ockrent en tête.

    *

    Sartre a démystifié dans Les Mots le cinéma de son enfance - “Inaccessible au sacré, j’adorais la magie” - distraction de petit bourgeois puritain escorté par sa “Môman”. "Le tout transformé en rien”, car en effet du point de vue de l’artiste le cinéma ne crée rien, ne peut rien créer d’autre, dans le meilleur des cas, qu’une sorte de magie. La caméra n'est pas un outil, c'est tout un procès. La production n'est pas un idéal, ni même un plan, c'est une stratégie commerciale.
    A l’inséparable et odieux couple formé par le féminisme et le capitalisme, il faut ajouter l’inséparable et odieux couple formé par le puritanisme et la pornographie.
    Voyez le bourgeois s’extraire à demi abruti de la salle obscure où il est demeuré aligné en rang d’oignons pour subir patiemment un spectacle conçu pour des masses de voyeurs… Cette fête triste n’inspire-t-elle pas la pitié ? Plus encore que la famine de l'Africain. A ceux qui n'ont pas faim donnez-leur du pain et non du cinéma !
    Vivement qu’un art communiste et orthodoxe, à la fois populaire et sacré, vienne refermer la parenthèse. C’est du moins là l’espérance des derniers catholiques, qui s’oppose radicalement aux spéculations et aux martingales des bâtards démocrates-crétins.

  • Marcher sur la tiare

    Ancien condisciple de Joseph Ratzinger, Hans Küng a tenté dans un bouquin de persuader le pape du progrès théologique que représente Hegel (en vain).
    De fait il serait temps pour l’Eglise catholique d’abandonner les ratiocinages juridiques dépassés, inspirés de Thomas d’Aquin, et à plus forte raison encore l'épistémologie inepte de Kant, de Popper, ou l’existentialisme crétin. Même le ludion Sartre a jugé plus prudent de se convertir peu avant de mourir plutôt que de tout miser sur le néant.
    Si l’Eglise catholique reste paralysée sur son grabat de préjugés démocrates-chrétiens, on peut penser que les catholiques seront balayés en Occident par le fanatisme orthodoxe, allié à la raison communiste. Il ne manque plus qu’un Savonarole, un saint Paul, pour redonner aux Russes entièrement confiance en eux et dans le destin de la Russie.

    *

    Hegel anticipe notamment avec lucidité la métamorphose de l’art en une sorte de prurit philosophique qu'on ne peut éviter aujourd'hui, la moindre réclame aujourd'hui constituant un petit sophisme mesquin.
    N’importe qui est un peu sensible est à même de comprendre le dynamisme spécial de Hegel. Mais les démocrates-chrétiens sont de véritables Philistins.

    À la décharge de Benoît XVI, et comme Marx l’a remarqué, la pensée de Hegel reste marquée par l’idéalisme bourgeois. Hegel "marche sur la tête” et ses efforts louables pour être en prise avec la réalité historique auraient été insuffisants si Marx n’avait pas révolutionné la dialectique de Hegel. Par conséquent les propositions politiques, pratiques, de Hans Küng portent le plus souvent la marque d'un idéalisme idiot, pas très convaincant.
    La vérité finit toujours par s’imposer par sa force au plus grand nombre ; ainsi le christianisme s’est imposé dans l’empire romain comme une traînée de poudre, les vieilles idoles païennes n'ont pas résisté au progrès chrétien.
    D’une certaine façon le nouvel alliage entre christianisme et communisme a déjà pris en Amérique du Sud et en Russie. Quel intérêt le pape peut-il avoir à s’accrocher aux vieux fétiches de l’Occident bourgeois, la laïcité positive, les séries télévisées américaines, le cinéma français, la religion de la Choa, l’existentialisme ? Laissons ça aux abonnés du “Monde” et du “Figaro”, entrés en phase terminale.

  • Un critique sinon rien

    Un lieu commun qui circule dans le milieu douteux des critiques littéraires dotés d’une carte de presse et qui s’en servent pour aller au cinéma le dimanche, c’est que Philippe Sollers, comme romancier, la cause est entendue, ne vaut pas tripette… mais gare à la sagacité du critique Sollers ! Il sait même le latin, figurez-vous. Tiens donc, se pourrait-il qu’un romancier qui cache l’inconsistance de ses intrigues derrière la graisse d’une syntaxe et d’un vocabulaire rococo-bling-bling fasse un bon critique, après tout ? Comme je n’ai jamais entendu Sollers parler de littérature sur un plateau télé, jamais que de Nitche, de gondoles ou du tailleur taillé pour la victoire de Ségolène Royal, je profite de ce que je suis au BHV pour une bricole pour me faire une idée. Sollers a conscience que la littérature “passe mal” à la télé et qu’il vaut mieux causer d’autre chose, d’autant plus si on n’est pas un auteur. Il a moins conscience en revanche que le téléspectateur pourrait fort bien se passer de ses sketches un peu répétitifs. Le rayon “livres” est toujours désert au BHV ; il semblerait que les gays soient plutôt des bricoleurs hors-pair que de grands lecteurs ; à moins qu’ils préfèrent se fournir chez des libraires spécialisés. Dans la case “Sollers”, il y a son dernier titre. Peu mémorable. Derrière Sollers “invente”, outre Nitche, Dante, Confucius et Joseph de Maistre. Seul ce dernier sort un peu de l’ordinaire d’une bibliothèque municipale. Il y a chez Maistre quelques sensations fortes qui, comme chez Nitche, sont de nature à faire frémir à peu près tout ce que la clientèle de la Fnac compte de bas-bleus. D’Eric-Emmanuel Schmitt à Maistre, il y a comme un pic. Face à Maistre, Sollers est comme le bourgeois emmitouflé dans ses après-ski au pied des pentes de la Haute-Savoie. Un peu essoufflé. Hélas Sollers oublie de replacer Maistre dans son intertextualité. Maistre ne fait que ressusciter Machiavel au XIXe siècle, il fait office de camp de base à Baudelaire et à Bloy, avant les sommets. Le sommet de la poésie-critique pour Baudelaire, celui de la théologie-critique pour Bloy. Comme sujet à disserter, j’aurais plutôt proposé à Sollers, si j’avais été son éditeur : “Expliquez-nous pourquoi Baudelaire écrit qu’”il faut battre sa femme”, en évitant toute digression philosophique et les justifications psychanalytiques oiseuses.” Un autre lieu commun qui circule, c’est que Jean-Edern Hallier, lui, n’était pas un bon critique, et même un malappris qui n’hésitait pas à jeter les livres par terre, sans même les avoir lus ! Ici quelques bas-bleus tombent dans les pommes. Dire qu’Edern-Hallier aurait pu flanquer à la poubelle le bouquin de Littell en 2006 ! On l’a échappé belle. Edern-Hallier est mort, vive Sollers ! Il dit parfois des grossièretés, mais dans l’ensemble, jamais un mot de travers, le critique idéal.

  • Extension du domaine de la lutte

    En refusant de partager le même plateau télé que Le Pen, Sophie Marceau a donné un exemple de la résistance dont le milieu du cinéma est capable, au nazisme d'aujourd'hui qui ne dit pas son nom mais dont la vigilance des bobos nous garde. Pour ceux qui doutaient des valeurs morales du show-biz, les voilà édifiés.

    Beau coup de pub en même temps, pour Sophie et Jean-Marie. Quand on peut joindre la promo à la morale, pourquoi se priver ? On ne va pas reprocher à Jean Moulin d'être une célébrité, pas vrai ?

    Résistance aussi admirable à l'usure du temps de Sophie Marceau qui refuse, au prix d'un régime strict, ça se voit, d'être une victime de la mode. Si Sophie Marceau ne cède pas à la boulimie, elle viendra compléter la longue liste des boudins "light" qui, de Catherine Deneuve à Juliette Binoche en passant par Isabelle Huppert, refusent de quitter la toile. Résistance, j'écris ton nom !... au générique des films.

    Dommage que Sophie Marceau ne soit pas avec Yann Moix. Ils formeraient un beau couple de résistants, je trouve, pour succéder à Lucie et Raymond Aubrac.

     

     

     

  • Table rase des "Temps modernes"

    Un lecteur catholique peut trouver étrange que Les Temps modernes, revue dirigée par Claude Lanzmann, “adoube” la théologie de Benoît XVI dans son numéro d’avril-juillet 2007. L'article est signé Jean-Claude Milner et intitulé avec une balourdise qui se veut humoristique "La Science, combien de divisions ?"

    Jean-Claude Milner en quelques pages, sous le prétexte de critiquer l’ouvrage de Benoît XVI Jésus de Nazareth transforme Benoît XVI en une sorte de vicaire de la "religion de la Choa", ni plus ni moins.
    Au deuxième degré, cet article qui se veut tout ce qu’il y a de plus sérieux a donc un côté burlesque. Au premier degré, il devrait, il doit heurter les catholiques - accessoirement les juifs orthodoxes pour qui la bible a une valeur plus grande que les films de Claude Lanzmann.

    Le plus choquant n’est pas que Milner “tire la couverture à soi”, mais bien qu’il puisse trouver dans la théologie de Benoît XVI des arguments pour pouvoir procéder à cette récupération, pour transformer l’universalisme chrétien en particularisme ; la religion de la Choa est en effet une religion très très particulière.

    P. 334, § 2, un extrait qui révèle le mélange de morgue, de préjugés et de burlesque involontaire qui caractérisent les propos de Milner :

    "Le Pape fait preuve de courtoisie à l'égard des grandes religions du monde ; il fait mine de n'en mépriser aucune, mais cela se ramène à de la pure et simple diplomatie. Le judaïsme, lui, ne relève pas de la diplomatie, mais du respect. (...)"

    *


    Hélas si Benoît XVI n'est pas si fumeux que ne l'était Mgr Lustiger, tout de même, il donne prise à ce genre de prose.

    Jean-Paul Sartre n’est pas cité par Jean-Claude Milner, mais le rapprochement s’impose avec Benoît XVI. Leurs philosophies, à l’un comme à l’autre, sont très ambiguës. En dernier ressort, Sartre est apparu comme le prophète de l’égotisme bourgeois, ce n’est pas pour rien qu’il est le pape de la Rive-gauche, mais son idéalisme bourgeois est néanmoins traversé par le mot d’ordre communiste d’”engagement”.
    De son côté Benoît XVI ne fait qu’opposer à ce qu’il appelle le “rationalisme” un autre idéalisme, et non pas une méthode concrète. Il jette le bébé avec l’eau du bain, la science avec le positivisme.
    Et les sources d’inspiration de Benoît XVI et Sartre sont à peu près les mêmes ?
    A son cocktail d'humanisme cartésien et de marxisme, Sartre additionne une dose de gnose médiévale, la muflerie philosophique d’Heidegger. Il refuse de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie, ce qui n’est ni très marxiste ni très humaniste.

    L’idéalisme de Benoît XVI vient aussi de la philosophie allemande, de cette philosophie allemande romantique qui n’est pas sortie de l’obscurité du Moyen-âge et qui a donné des philosophes aussi décadents que Kant, Heidegger et Nitche, incapables d’émettre sur des sujets concrets autre chose que des niaiseries ou des préjugés, notamment des préjugés racistes. Les préjugés racistes doivent être condamnés pour ce qu’ils sont, non pas de la méchanceté mais de la bêtise. La bêtise de Kant, celle de Heidegger ou de Nitche ne doivent rien au hasard, pas plus que leur succès public.

    *

    Il ne serait même pas étonnant que Benoît XVI protestât contre l’interprétation de Jean-Claude Milner ; de la même manière on peut être sûr que Sartre aurait protesté contre la métamorphose des Temps modernes en une sorte d’organe de la religion de la Choa, frisant souvent le rocambolesque, comme lorsqu’un universitaire yanki, Francis Kaplan, exécute Simone Weil parce qu’elle refuse l’érection de la Choa en culte et s’oppose à ce qu’on fasse d’elle une juive, parce qu’elle ne croit pas au déterminisme racial et ne veut pas d’autre religion qu’une religion humaniste et universelle.
    Dans le dernier numéro des Temps modernes, un commentaire de la citation de Bernanos : « Hitler a déshonoré l’antisémitisme », est un sommet dans la mauvaise foi, le but étant bien sûr de faire de Bernanos par tous les moyens un crétin comme les autres.
    Les temps modernes en définitive sont donc, au propre comme au figuré, le tombeau de la science humaine, qu’il faut ressusciter, contre des gugusses comme Milner ou Kaplan, contre Sartre, et contre Benoît XVI si c’est nécessaire. Si l’Occident ne le fait pas, ce sont les Russes communistes et orthodoxes qui s’en chargeront à notre place. Ils ont déjà du mal à dissimuler le mépris que nos fétiches leur inspirent.