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Lapinos - Page 5

  • Hazarou akbar !

    Le sentiment religieux est particulièrement développé dans les régimes technocratiques, d'où l'expression judicieuse utilisée par certains critiques de "nouveau tribalisme" pour désigner la culture ultra-moderne.

    Le téléphone portable fait partie des outils qui illustrent le mieux cet extrémisme religieux, et l'on ne peut pas s'empêcher de sourire en voyant de soi-disant "esprits laïcs" consulter fébrilement leur messagerie, comme un moine bouddhiste tripote son chapelet à longueur de journée.

    Si l'utilisateur en question se déclare "rationaliste", on éclatera de rire car l'usage du téléphone portable est tout sauf "rationnel". A la réflexion, j'ai beaucoup trop de doigts sur la main pour compter les personnes dans mon entourage qui font du téléphone un usage rationnel. Le plus souvent cet usage est sentimental, c'est-à-dire religieux.

    Quelques-uns de ces usagers plaident pour un usage moins compulsif et masturbatoire, s'en déclarant des exemples- ce sont sans doute les pires, car lorsque l'alcoolisme ravage un peuple, ceux qui savent boire raisonnablement devraient s'abstenir de le faire publiquement, ainsi qu'un adulte s'abstient devant un enfant de montrer l'exemple d'un comportement qu'un enfant ne pourrait imiter sans s'exposer à un grave danger.

    Hannah Arendt aborde cette question du sentimentalisme religieux excessif qui règne dans les régimes totalitaires technocratiques sous un autre angle. Elle note la disparition progressive des préoccupations pragmatiques, ce qui revient à indiquer le progrès du mysticisme religieux. Un auteur mystique, dans le mauvais sens du terme, cultive le néant, s'adonne à la quadrature du cercle.

    Plus une personne est pragmatique, plus elle résistera à l'usage du téléphone portable, y discernant plus facilement qu'une femme ou un enfant un gaspillage.

    On peut aussi qualifier de littérature mystico-religieuse la "science-fiction", définissable au sens strict comme un produit de la technocratie, visant principalement le divertissement ; cette définition englobe de nombreux travaux et formules mathématiques récents dont l'utilité est plus que discutable.

     

  • Piège de la Femme

    Le piège tendu par la femme selon la Bible est le piège de la religion, c'est-à-dire de l'illusion. Douce illusion, amère en définitive comme tous les poisons.

    La femme est "stupéfiante", pourrait-on dire, à l'heure où la drogue s'achète au coin de la rue et les casques diffusent de la musique dans les oreilles pour écarter la pensée.

    L'avertissement est aussi dans Homère. Il concerne ceux qui savent lire, hommes ou femmes, c'est un avertissement universel.

    Ophélie aussi est un piège, bien qu'elle n'agisse pas de son plein gré mais soit sacrifiée comme une pièce dans un jeu d'échecs satanique. Hamlet déjoue le piège dans lequel Roméo est tombé.

    IL NE FAUT PAS SE MENTIR A SOI-MEME ! C'est par là que la religion s'insinue : une femme vous dit qu'elle vous aime et vous croyez que vous êtes aimable. Et que sont les encouragements d'une mère, sinon des mensonges ?

    J'entends l'objection qu'il y a de saintes femmes dans la Bible. Ma réponse : "On ne naît pas sainte, on le devient."

    Il faut dire aussi qu'une femme ayant introduit le péché dans le monde, et la religion qui s'enorgueillit du péché et de la mort, il se doit symboliquement qu'une femme terrasse ce dragon à la fin des temps ; on reconnaît cette femme à l'acharnement du monde et des nations contre elle, car le monde et les nations portent ordinairement en triomphe les putains.

  • De Nietzsche à Léopardi

    En lisant le "Zibaldone" de Léopardi, on s'aperçoit des larges emprunts de Nietzsche au poète italien. L'idée que le christianisme est responsable de la mort de dieu est ainsi développée par Léopardi et reprise par Nietzsche.

    A la différence de Nietzsche, Léopardi ne bâtit pas une doctrine. C'est sans doute l'idée "d'éternel retour", pierre angulaire de la doctrine satanique, qui est la moins léopardienne.

    Léopardi ne se refuse pas à aborder la question de la métaphysique, que Nietzsche définit comme une pure illusion chrétienne ou juive.

    Disons-le autrement : Nietzsche est un auteur polémique, ce qui n'est pas le cas de Léopardi.

  • Preuve de Dieu

    Le temps passé à faire la preuve de Dieu est du temps perdu sur le chemin qui mène à Dieu.

    De même les grands savants n'ont pas attendu la preuve que l'univers existe pour observer les étoiles.

  • Pentecôte (2)

    La Pentecôte est une fête religieuse originale, puisqu'elle abolit la religion et la transforme en science. Elle abolit la religion au sens ancien de "ciment social" pour la transformer en relation entre l'homme et dieu.

    Et Jésus n'a eu de cesse, tout au long de sa vie publique, de souligner le désengagement des affaires humaines, entachées du péché, que la fidélité à sa parole exige.

    La religion sociale exige un dieu distant -tenu à distance à travers les rituels d'un groupe d'initiés, faisant office de clergé. La religion sociale fait passer la religion, c'est-à-dire le besoin humain, avant dieu.

    La religion "scientifique", au contraire, fait passer l'amour (qui ne répond à aucun besoin humain), avant la religion.

    "Comme le jour de la Pentecôte était arrivé, les apôtres étaient tous ensemble au même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d'un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis. Et ils virent paraître des langues séparées, comme de feu, et il s'en posa sur chacun d'eux. Et tous furent remplis d'Esprit-Saint, et ils se mirent à parler en d'autres langues, selon ce que l'Esprit leur donnait de proférer (...)".

    Les actes des apôtres racontent comment cette manifestation de la force de l'Esprit entraîna de nombreux Juifs à se repentir et se convertir, c'est-à-dire à reconnaître en Jésus-Christ le Messie annoncé par les prophètes :

    "Un rameau sortira du tronc de Jessé,

    et des ses racines croîtra un rejeton.

    Sur lui reposera l'Esprit de Yahweh,

    esprit de sagesse et d'intelligence,

    esprit de conseil et de force,

    esprit de connaissance et de crainte de Yahweh; (...)"

    Le prophète Isaïe (chap. XI) énumère ici les six dons de l'Esprit dont le Messie sera pourvu.

    On trouve auparavant dans Isaïe une diatribe contre la religion qui n'est pas celle qu'il a ordonné, mais une religion sociale hypocrite : "Ne continuez pas de m'apporter de vaines oblations ; l'encens m'est en abomination."

  • Pentecôte

    Certains athées pensent détenir un argument contre la religion et dieu quand ils énoncent que : "La religion est l'invention des hommes."

    En effet la religion est un besoin social, donc primaire, de l'homme. Voltaire se fit ainsi l'avocat de la religion contre certains athées qui voulaient la détruire entièrement - en raison de la menace que l'irréligion représente pour la société.

    L'avenir a partiellement donné tort à Voltaire, puisque des élites laïques ont conçu des religions laïques autour de notions abstraites comme l'Etat (URSS, France, Chine, etc.) afin de compenser "la mort de dieu".

    Dans cette perspective sociale, dieu n'est qu'un détail, un "concept". Définissant dieu comme un "point", Blaise Pascal le définit de façon typique comme une invention humaine.

    La "providence" est aussi un concept qui doit faire suspecter un "dispositif religieux".

    Mais, comme dit Karl Marx, "Prouver qu'une religion est mensongère ne suffit pas à prouver que dieu n'existe pas."

    Or la Pentecôte est un événement qui, pour les chrétiens, indique que le christianisme ne répond à aucune nécessité sociale et n'est par conséquent pas une invention humaine, contrairement à de nombreuses religions.

    Non seulement le peuple juif, dépositaire de la loi divine, ne l'a pas inventée, mais le peuple juif et ses prêtres n'ont pas été capables de comprendre le motif spirituel de la Loi de Moïse, explique l'apôtre Paul dans ses épîtres. Tout au long de sa vie publique, Jésus-Christ fut en butte non seulement à la stupidité sournoise des prêtres juifs, mais aussi à l'incompréhension des apôtres qu'il avait choisis, que l'on voit raisonner comme si le message évangélique avait une vocation sociale et qu'il était enfermé dans les limites de la mort, suivant le schéma des religions inventées par l'homme.

     

  • Culture de Mort

    Tâchons de donner un peu de consistance à la notion de "culture de mort", car cette expression est souvent employée à tort et à travers dans un but polémique.

    La "culture de mort" dans la Bible, l'ancien testament comme le nouveau, est une notion liée au péché, ainsi qu'à l'antichristianisme et son avènement (nombre de la bête 666) ; et encore à la "femme-piège" (Eve, ou encore la grande prostituée décrite dans l'apocalypse de Jean). La misogynie antique (juive, grecque ou chrétienne) a souvent pour cible la "culture de mort".

    Tout soldat ou guerrier est bien sûr nécessairement mû par une "culture de mort", c'est-à-dire sous l'emprise d'un mysticisme macabre. C'est souvent le cas aussi des prostituées, compte tenu du risque important de mourir que la prostitution fait courir.

    Dans ces cas-là, on peut parler de "religion de la bonne mort".

    Notons ici que les soldats "affranchis" de la culture de mort, et en quelque sorte "athées", tels les mercenaires, qui ne combattent pas pour des principes, l'argent ou le pur plaisir de tuer représentent un substitut.

    Notons encore que l'exaltation du "travail humain", typiquement moderne dans la mesure où aucun philosophe antique n'a exalté la condition humaine ou l'esclavage comme les "modernes", l'exaltation du travail est un des volets de la culture de mort.

    Voilà pour des aspects saillants et facilement repérables de la "culture de mort", qui ne concernent directement qu'une petite partie de la population.

    - La mort est un principe de précaution contre la vie : par ce biais on peut comprendre pourquoi l'Etat moderne, hyper-policé, qualifié par certain de "totalitaire", repose sur la culture de mort. Rien d'étonnant à ce qu'une partie de la population dont l'existence est protégée par un Etat de type totalitaire soit proche du suicide ou développe une culture proche du suicide, comme on peut l'observer ici ou là.

    Comme la fourmilière, qui recèle la philosophie naturelle du régime totalitaire, est organisée en différentes castes, remplissant différentes fonctions, la fourmilière humaine est conçue de sorte qu'une large majorité des sujets obéit à la culture de mort (privée du savoir-vivre), tandis qu'un petit nombre seulement peut se permettre de vivre, affranchi de la norme.

    Précisons encore que la culture de mort étatique moderne n'est pas seulement observable dans l'aspect "hyper-sécuritaire" des politiques libérales, mais aussi dans les risques inconsidérés des politiques libérales, tout aussi macabres. Autrement dit l'incitation (puritaine) à ne pas vivre, et l'incitation (libertine) à jouer sa vie sur un coup de dé, c'est-à-dire à la gaspiller, sont deux méthodes complémentaires, qui se justifient et se facilitent l'une l'autre.

    Dieu est mort... mais il a été remplacé dans le cadre de l'Etat de droit totalitaire par la Mort, qui n'est pas moins susceptible de fournir d'appui à la religion et au fanatisme, pour ne pas dire que c'est l'inverse qui est vrai. Le fanatisme religieux obéit à la Mort, quel que soit le déguisement de celle-ci.

  • Saint Marx

    La vie et l'oeuvre de Karl Marx illustrent que la Vérité se dérobe aux riches, tandis qu'elle s'offre aux pauvres.

    Comme il y a des chrétiens qui se disent chrétiens, mais ne sont en réalité que des pharisiens, il y a des athées qui se disent athées et dont la vie est entièrement tournée vers le Ciel et les choses spirituelles (c'est-à-dire antisociales).

    Le riche s'entoure d'illusions pour éluder le spectre de la mort. Les nations riches, dans le même but, se dotent de gadgets technologiques. 

  • L'Apôtre diffamé

    Paul de Tarse, "l'apôtre des Gentils", est de nos jours très souvent publiquement diffamé. J'ai déjà mentionné dans ce blogue l'exemple de "La Dernière Tentation du Christ" production filmée qui ne vise pas tant la figure de Jésus-Christ qu'elle ne s'efforce de diffamer Paul de Tarse et à opposer cet exégète fidèle à Jésus.

    Il ne s'agit pas ici de multiplier les exemples de diffamation que d'en donner la raison : les épîtres de Paul constituent une menace pour le nouveau pharisaïsme démocrate-chrétien.

    En effet la démocratie-chrétienne repose sur le "salut par les oeuvres" -c'est ce qui se cache derrière le vocable de "christianisme social". Or Paul conteste catégoriquement que les oeuvres puissent constituer une voie de salut ; c'est là un des points-clefs de son exégèse.

    Foi, espérance et charité diffèrent des "oeuvres de la Loi" ; celle-ci n'était qu'un tuteur.

    Le "christianisme social", d'après Paul, est une parodie de christianisme. Il mène à l'idée que "tout le monde ira au paradis", perspective qui demeure implicite car les idéologues démocrates-chrétiens ne peuvent l'indiquer sans faire l'aveu de leur athéisme.

    Parmi les moyens de diffamation, il est parfois suggéré que Paul de Tarse serait "antisémite" ou qu'il se serait approprié la religion juive. Cette dernière assertion est ridicule puisque Paul définit justement la religion de Jésus-Christ comme une religion véritablement parfaite et universelle, distincte de la religion juive telle que les prêtres juifs l'enseignaient. Jésus accomplit la prophétie juive et désavoue le clergé juif. "La Foi nous a affranchi de la tutelle de la Loi, dont par conséquent le temps est passé."

    La Loi procure seulement la connaissance du péché, ignoré des païens. Mais la Loi ne libère pas du péché contrairement à la Charité.

    Par conséquent, bien mieux que de nombreux théologiens chrétiens, Paul de Tarse explique pourquoi le message évangélique n'est pas superposable à la loi de Moïse, régissant le peuple hébreu.

    Vis-à-vis des Juifs, Paul de Tarse recommande à ses disciples parmi les Gentils de ne pas se montrer orgueilleux et se prendre à leur tour pour "le peuple élu", quand bien même l'incrédulité des Juifs à entraîné leur chute et leur retranchement. Paul lui-même était Juif, ennemi des disciples de Jésus, et Dieu lui a fait la grâce de s'adresser à lui. Tout Israël sera sauvé à la fin des temps, non seulement l'"olivier sauvage" auquel Paul compare les Gentils.

    On doit s'attendre des faux docteurs chrétiens, qui prônent Satan sous couvert de prôner l'Evangile, qu'ils s'efforcent de réhabiliter la "chair". Cette réhabilitation est le corollaire du "christianisme social". L'un n'est pas possible sans l'autre. Or la "chair" représente pour Jésus comme pour Paul la voie contraire au Salut chrétien et à la vie éternelle, car l'homme de chair est faible, et le christianisme social est la religion des hommes soumis à la mort.

  • Léopardi ou la solitude

    Le propre de l'homme est le goût de la solitude, pourrait-on dire, tandis que les espèces inconscientes la craignent.

    Improprement ou injustement qualifié de penseur "pessimiste" ou "misanthrope", Léopardi s'en défend dans son "Zibaldone":

    - Ma philosophie ne mène pas à la misanthropie, comme on pourrait le croire en la considérant de manière superficielle, ce dont beaucoup l'accusent. Elle exclut au contraire toute misanthropie et tend naturellement à guérir, à faire disparaître cette humeur néfaste, cette haine (qui, si elle n'est pas systématique, n'en est pas moins réelle) que tant de gens, qui ne sont pas philosophes et qui ne voudraient passer pour misanthropes, éprouvent continuellement ou occasionnellement envers leurs semblables en raison du mal que leur font, avec ou sans raison, les autres hommes.

    Ma philosophie rend la nature coupable de tout, et en disculpant les hommes, elle déplace la haine et les plaintes vers un principe plus élevé, vers la véritable origine des maux des êtres vivants.

    Ici Léopardi éclaire le sens véritable du péché chrétien, qui n'accuse pas l'homme, ou n'accroît pas la haine de soi mais accuse la nature et souligne l'impasse du "droit naturel" des païens ou des élites politiques (qui en tous temps et sous tous les régimes sans exception tirent leur légitimité et leurs moyens du droit naturel).

    Au passage, Léopardi élucide pourquoi il y a tant de haine dans le socialisme qui s'avance au nom de l'amour de l'Humanité et a pourtant fait couler le sang des hommes comme aucune autre religion auparavant, attisant des querelles violentes dont l'humanité ne se remettra peut-être jamais. Les socialistes sont en effet ces gens "qui ne voudraient pas passer pour misanthropes", tantôt par ruse, tantôt par esprit moutonnier.

     

  • Léopardi contre Darwin

    Lisant Léopardi, je suis frappé par le fait que la description qu'il fait de l'être humain ne peut s'accommoder avec le transformisme darwinien, l'idée qu'il y aurait entre l'homme et l'animal seulement un degré d'évolution.

    Voici pourquoi : le darwinisme tend à nier l'individualisme, ou du moins à le déprécier; c'est sans doute ce qui explique que toutes les idéologies totalitaires s'appuient, au moins en partie, sur une forme de darwinisme social (libéralisme, communisme et nazisme).

    A contrario, Léopardi, tout en indiquant la limite de l'autonomie de la volonté humaine, son conditionnement biologique et social, illustre la capacité de l'homme à s'émanciper des lois de la nature, comme aucun autre animal ne peut. Le lecteur attentif de Léopardi sera le moins convaincu, en définitive, que l'on peut réduire la personne humaine à un "être social".

    La profondeur de l'analyse psychologique de Léopardi, en comparaison de celle de Freud qui demeure superficielle ou médicale, vient de ce qu'il ne résume pas la conscience humaine à la volonté.

    L'individualisme de Léopardi est "expérimental", en même temps qu'il résulte de sa méditation des évangiles.

    Expérimental, en effet, car les circonstances de sa naissance dans un milieu aristocratique et de son grave handicap physique dû à la maladie (deux signes contradictoires de la fortune) furent causes de l'isolement exceptionnel de Léopardi qui, pour ne pas être complètement cloîtré dans son château, un entourage restreint et la maladie, s'échappa dans la lecture des auteurs, classiques et modernes, apprenant les langues étrangères pour pouvoir lire ces auteurs dans le texte.

    S'il a pu souffrir parfois de cette réclusion, Léopardi n'en estime pas moins le bénéfice de la solitude à sa juste valeur. La poésie a probablement procuré à Léopardi une jouissance comparable à celle que tirent des relations sociales des esprits plus bourgeois. La poésie de Léopardi est émouvante car c'est celle d'un homme qui triomphe par ce moyen d'une maladie atroce.

    A cet égard, il est globalement faux ou trompeur de considérer Léopardi comme un auteur pessimiste. En effet celui-ci a compris et explique que l'optimisme dissimule souvent la peine à jouir, en particulier sous la forme de l'optimisme religieux.

    D'autre part Léopardi, méditant les saintes écritures, relève que personne n'a autant méprisé la société que Jésus-Christ, ce que sa condamnation du monde systématique implique ; a contrario il n'y a pas de témoignage plus individualiste que le témoignage de Jésus-Christ, dans la mesure où ce témoignage dévalue toutes les dimensions sociales dans lesquelles l'être humain croit ordinairement s'accomplir (civique, sociale, artistique, familiale, etc.).

    On peut traduire ainsi l'individualisme évangélique : l'amour de la vérité scinde l'individu du reste de l'humanité, tandis que son goût naturel pour le mensonge (l'art) le fait membre du troupeau. Le péché peut en effet se traduire du point de vue chrétien comme "la loi sociale commune".

    A ce propos, Léopardi commet une erreur d'interprétation de la Genèse (dans le "Zibaldone"), caractéristique de la culture latine (on la trouve chez Cicéron, quand ce dernier interprète la fable similaire des sirènes). Le péché n'est pas lié dans le récit de la Genèse à la connaissance en général, mais à une forme de connaissance particulière, symbolisée par l'arbre et son fruit : la connaissance du bien et du mal, c'est-à-dire à l'éthique.

    Force et de constater que la science ou la connaissance n'a aucune justification ni utilité sociale, tandis que l'éthique est, elle, indispensable sur le plan social. Le paradoxe de l'anthropologie darwinienne ou transformiste, c'est qu'elle ne laisse aucune place à l'activité scientifique.

  • Satan dans l'Eglise

    Dans la démocratie-chrétienne nous pouvons voir l'aboutissement du catholicisme romain. On pourrait multiplier les preuves, comme je l'ai déjà fait sur ce blogue, mais je me contente de rappeler celle-ci : "l'anthropologie chrétienne", qui au stade de la démocratie-chrétienne a pratiquement remplacé la foi évangélique, est introduite par la théologie catholique romaine (c'est pourquoi Shakespeare, qui parle dans de nombreuses pièces de la trahison de l'Esprit évangélique -représenté par le Spectre dans "Hamlet"-, demeure d'actualité).

    On peut parler de "talmudisme chrétien" à propos de ladite "anthropologie chrétienne", c'est-à-dire d'adaptation aux circonstances temporelles d'une loi spirituelle intemporelle. Mais si le droit au talmudisme est ouvert par l'imperfection de la loi de Moïse, les évangiles et Paul ferment absolument la porte à toute forme de doctrine sociale chrétienne car l'Evangile EST la parole de dieu, ce que ne sont pas les commandements de Moïse, mais seulement une étape vers dieu.

    Le nouveau général des jésuites Arthur Souza (Arturo Sosa Abascal) (-2016) a quelque peu défrayé la chronique dernièrement en affirmant dans un entretien que "le diable est une invention des hommes", suscitant ainsi quelques protestations.

    Nous devons expliquer cette affirmation, qui est typiquement démocrate-chrétienne. Ce soi-disant prêtre aurait aussi bien pu dire que dieu, non seulement le diable, est une invention des hommes. En effet l'anthropologie chrétienne, qui est le cadre général de sa réflexion, est entièrement une invention des hommes, comme l'est toute réflexion anthropologique en général. Pour être précis, l'anthropologie chrétienne a pour effet, non pas de nier positivement l'existence de dieu, mais de la réduire à une hypothèse.

    La notion du bien et du mal est en effet relative aux intérêts humains, dans toutes les cultures, y compris la culture occidentale moderne sous influence démocrate-chrétienne. Le diable est donc une invention des hommes, et il faut souligner ceci que le diable joue un rôle plus important que dieu. La preuve en est que la culture communiste athée peut se passer de dieu, mais non de la diabolisation du point de vue anticommuniste.

    Les Evangiles chrétiens, qui parlent peu d'éthique, ou indirectement, mais d'amour et de vérité, parlent peu du diable. Ils parlent de Satan (l'adversaire), et de l'antichristianisme dont l'apôtre Paul décrit la montée en puissance comme une résistance à l'esprit évangélique au cours du temps. Un chrétien ne peut concevoir Satan autrement que comme une force supérieure à l'homme, analogue au destin et en aucun cas comme une "invention" ou une "idée humaine".

    On voit ici que l'anthropologie ou la doctrine sociale chrétienne a pour effet d'effacer la notion de péché ou d'occulter Satan et son action.

  • De l'Athéisme

    L'étude de la philosophie du XIXe siècle m'a conduit à la même conclusion que Léopardi en ce qui concerne l'athéisme. Léopardi a développé son point de vue dans le "Zibaldone" (notes rédigées entre 1817 et 1832) :

    "N'est-il pas paradoxal de voir dans la religion chrétienne la principale source de l'athéisme, ou plus généralement, de l'incroyance en matière de religion ? Je la tiens néanmoins pour telle. L'homme est naturellement croyant, car il raisonne peu, et ne fait pas très grand cas des raisons des choses. (...) L'homme peut naturellement tout au plus imaginer, concevoir une religion et y croire, comme l'expérience nous le montre, tout comme il peut imaginer, concevoir et croire tant d'illusions dont certaines sont communes à tous, alors que les religions imaginées par les hommes naturels étaient toutes différentes.

    La métaphysique, qui plonge jusqu'aux raisons cachées des choses, qui examine la nature, nos imaginations, et nos idées, etc., et l'esprit profond, philosophique et raisonneur sont les véritables sources de l'incroyance. Tout ceci fut en grande partie répandu par les religions judaïque et chrétienne, qui enseignèrent aux hommes et les habituèrent à regarder au-delà de leur clocher, à contempler plus bas que le sol, à réfléchir en somme, à rechercher les causes cachées, à examiner et, souvent aussi, à condamner et à abandonner leurs croyances naturelles, leurs imaginations spontanées et sans fondements, etc. (...) Aussi toutes les religions constituent-elles une espèce de métaphysique, et toutes les religions un tant soit peu constituées peuvent être tenues pour des causes d'irréligion, ou inversement (admirable agencement du système de l'homme, qui ne serait pas irréligieux s'il n'avait été religieux) ; toutefois, comme chacun le voit, cette particularité appartient principalement aux religions judaïque et chrétienne."

    Quelques lignes de commentaire :

    - D'abord on voit dans ce passage combien Léopardi diffère de Nietzsche, en même temps qu'il permet de comprendre la doctrine antichrétienne et antijuive de Nietzsche. En effet ce dernier combat la métaphysique (au nom du bonheur) comme une invention judéo-chrétienne funeste et délirante.

    - L'analyse de Léopardi a pour effet de dissoudre la propagande, sans doute plus répandue en France que dans d'autres nations, qui tend à faire croire que le christianisme est une religion dissidente.

    L'idéologie démocrate-chrétienne est, au contraire, une idéologie dominante, distincte de la foi dans la parole de dieu. A la foi chrétienne, la rhétorique démocrate-chrétienne substitue un calcul, la probabilité que dieu existe; il s'agit là d'un athéisme qui n'ose pas dire son nom.

     

  • Chute de Rome

    "L'homme est un loup pour l'homme." : qu'est-ce qu'un chrétien peut ajouter de plus à cette description lapidaire de la civilisation ?

    Et comment décrire la décadence, quand les loups ne sont plus vraiment des loups mais des bêtes bien plus sournoises ? Un homme d'élite admiré en France (Clemenceau) a comparé la démocratie au règne des poux - ils opèrent la même besogne que les loups, mais d'une manière plus subtile.

    De la civilisation ou de la décadence, le chrétien ne doit pas trop se préoccuper mais suivre la voie que les évangiles lui montrent, viser ce chemin de crête qui surplombe la civilisation et la décadence un peu plus bas.

    Un prêtre chrétien plein de zèle (Calvin) faisait le reproche à ses ouailles de passer plus de temps à lire des ouvrages techniques médiocres qu'à lire les évangiles. En revanche, du point de vue de la civilisation, il est inutile que la plupart des hommes et des femmes sachent lire car cela ne fait que contribuer à la décadence.

  • Dans la Matrice

    L'intellectualisme est le mal du siècle.

    Il y a plusieurs façons de débusquer cet intellectualisme, contre lequel quelques mouvements artistiques, philosophiques ou scientifiques se sont dressés, faisant valoir des figures et des formules simples contre des formules et des figures complexes.

    Prenons le jeu d'échecs comme un exemple simple de divertissement intellectuel presque vain ; cet exemple permet de comprendre pourquoi l'esprit de sérieux s'est envolé avec l'intellectualisme, de sorte que les grands massacres odieux perpétrés au cours des temps dits "modernes" peuvent être mis en relation avec la part grandissante accordée au divertissement.

    Le jeu d'échecs passe pour un jeu intelligent, ce qui revient à prendre et faire passer la gymnastique intellectuelle pour l'intelligence ; et l'espèce humaine pour une espèce inférieure, car en termes de réflexe et de calcul, de mémoire, l'homme est moins bien doté que la plupart des animaux.

    Une manière de débusquer l'intellectualisme est de le rapprocher du confort intellectuel, qui en est la conséquence. Il n'est pas rare de voir certains intellectuels produire une oeuvre volumineuse, dont à peine quelques phrases pourront être retenues. L'intellectualisme et le divertissement font bon ménage : on peut le vérifier en observant la culture américaine ultra-moderne, marquée simultanément par ces deux aspects.

    Dans tous les domaines où l'esprit humain trouve à s'exercer, l'intellectualisme peut faire et a fait des ravages : dans le domaine politique, moral, religieux, artistique, mais aussi scientifique.

    Sur le plan scientifique, le terme de "révolution scientifique" appliqué aux changements de perspective qui se sont produits depuis la fin de la Renaissance est un terme ambigu et trompeur. On feint ici de ne pas voir le poids considérable de l'industrialisation dans les changements qui sont intervenus dans la manière d'envisager la science et les études scientifiques, jusqu'au confort intellectuel actuel.

    Pour le besoin du développement industriel, on s'est penché sur la matière et les matériaux principalement sous l'angle de leurs propriétés.

    Si le monde physique est principalement décrit aujourd'hui sous forme de "lois", relatives à la force, la puissance, l'énergie, et que l'on cherche à écrire la loi unique qui pourrait résumer toutes ces lois apparemment effectives dans les différents compartiments d'investigation de la science (mais qui se contredisent parfois entre elles), c'est d'abord parce que l'on a analysé la matière sous l'angle de ses propriétés, balistiques ou autres, dont on peut tirer parti sur le plan technique. On s'est limité à ces propriétés fonctionnelles, ce qui est insuffisant du point de vue scientifique.

    Il s'agit là à la fois d'une étude intellectuelle et superficielle ; de la même manière la sociologie ou l'étude comparée des sociétés en dit assez peu sur l'individu et la condition humaine ; la sociologie ne répond pas à des questions plus difficiles qui se posent à propos de l'homme une fois fait le constat que l'homme est ordinairement un loup pour l'homme et que l'Etat, que l'on peut traduire comme le coeur de la société, est un "monstre froid".

    Les "sciences humaines" ne méritent pas le nom de "sciences". Or la science physique dite "fondamentale" est en réalité une science humaine, comme l'importance de la géométrie algébrique l'indique, ou encore certaines "avancées de la science" présentées comme "fondamentales" dans les domaines on ne peut plus techniques de la géolocalisation et de la cryptographie - pour ne rien dire du bavardage autour de l'intelligence artificielle.

    Plus subtilement et sans doute plus efficacement que le philistinisme qui consiste à s'opposer à la science frontalement, au nom du bonheur (Montaigne, Nietzsche), l'intellectualisme consiste à vider de son sens la science en la ramenant à un simple moyen d'existence technique dont le bénéfice est incertain.

  • Amour barbare

    De toutes les religions, la religion de l'amour est la plus meurtrière. Si vous en doutez, faites le compte des abominations commises sous l'effet de la passion ou bien en son nom.

    Au nombre de ces abominations, il faut inclure celles perpétrées au nom du nationalisme, c'est-à-dire de l'amour immodéré de la patrie. Cette absence de modération est un ressort du nazisme, aussi bien que du communisme soviétique et de la démocratie-chrétienne (idéologies détestables du point de vue patriotique "authentique", c'est-à-dire raisonnable).

    On devrait tenir l'antisémitisme caractéristique du régime nazi, ou la haine des possédants qui caractérise le régime soviétique pour secondaires en comparaison de la folie meurtrière nationaliste. Si on ne le fait pas, c'est afin de préserver intacte la cupidité qui anime l'Occident. On pointe du doigt l'étincelle populiste, mais on ignore le tonneau de poudre du nationalisme, ou de l'hypernationalisme européen.

    Certain philosophe a d'ailleurs souligné la passion amoureuse qui unit les tyrans sanguinaires (Louis XIV, Napoléon, Hitler, Staline...) à leur peuple et à la nation qu'ils dominent ; la cupidité de ces chefs d'Etat est telle qu'elle ne trouve pas à se satisfaire dans les relations sexuelles banales.

    La rupture est ici consommée entre la culture occidentale moderne et l'humanisme, puisque ce courant de pensée difficile à cerner précisément implique au minimum la condamnation, sur le plan éthique, de la "passion".

    Dans "Roméo & Juliette", Shakespeare fait mieux que condamner l'amour, il en démonte tout le mécanisme, illustrant comment deux jeunes personnes mal instruites peuvent, en étant les jouets de leurs illusions et de la nature (ces deux aspects sont illustrés), se duper mutuellement.

    Or on ne peut mieux dissuader contre le poison de l'amour, puisque Shakespeare montre à quel point les amoureux sont passifs et privés de leur libre-arbitre. En effet l'amour a ceci de commun avec le fanatisme religieux qu'il repose sur une idée de la liberté entièrement fausse ou illusoire. Shakespeare procède donc comme un prestidigitateur qui dévoilerait le trucage d'un tour fascinant.

    Un autre mérite de la pièce est de souligner combien l'existence des amoureux est vaine, c'est-à-dire macabre. C'est aussi ce que l'on peut déduire du personnage d'Ophélie (dans "Hamlet"). On a pu dire que "L'amour, c'est l'infini mis à la portée des caniches". Or cela peut se dire aussi de la mort, qui dans les sociétés barbares a une connotation et un parfum mystique.

     

  • Décadence

    La décadence n'est pas une source d'inquiétude pour le chrétien, car le Royaume de Dieu n'est pas de ce monde.

    La décadence est une source d'inquiétude pour les élites, qui sont actionnaires du monde, tandis que le chrétien s'efforce de remonter le courant de la vanité et du péché.

    Le moraliste Léopardi dit de l'homme ""qu'il tire toutes ses forces de la nature ou bien de ses illusions". Il exclut ici la Vérité, qui procura à Jésus-Christ un surcroît de force pour affronter ses assassins, ses juges et ses bourreaux.

    Des sociétés ou des civilisations, qui ne tirent aucun profit de la Vérité, on peut mieux affirmer qu'elles prennent leurs forces dans la nature ou bien dans des perspectives illusoires ; ces dernières ont le plus souvent la forme d'utopies politiques.

    Qu'est-ce que l'illusion, si ce n'est un mirage, par conséquent une force naturelle dérivée, exactement comme la puissance technologique n'est qu'un emprunt à la nature.

    Il est probable que l'illusion joue un rôle plus grand chez les femmes (généralement plus perméables à l'amour, cet apitoiement sur soi), ou dans les sociétés proches de leur naissance ou de leur agonie. Au contraire les hommes dans la force de l'âge tirent plus directement leur force dans la nature. Les civilisations, à leur apogée, se nourrissent moins d'illusions.

    L'étude de l'art permet de mesurer la part de la nature et la part de l'illusion dans telle ou telle culture, comme le nombre des anneaux permet de dater l'arbre tronçonné. La musique ne procure-t-elle pas l'illusion de l'âme et de la vie après la mort ?

  • Exit Darwin

    Nous abordons ici la question du transformisme darwinien à travers celle de l'antispécisme à la mode.

    On peut définir l'antispécisme comme la volonté d'accorder aux espèces animales subalternes les mêmes droits qu'à l'homme, en réaction aux traitements brutaux que les animaux subissent, notamment dans le cadre de leur élevage dit "intensif" par l'industrie agro-alimentaire.

    Il est frappant de constater -je le prends comme un indice d'erreur-, que les reportages prétendument scientifiques dédiés aux espèces animales et à leur comportement sont de plus en plus teintés du sentimentalisme qui unit certaines personnes à leurs "animaux de compagnie" - sentimentalisme qui est d'ailleurs souvent la cause des sévices infligés aux animaux et aux enfants. Comme le darwinisme est le cadre scientifique de ces reportages, il est logique qu'on soupçonne un "biais" dans l'hypothèse transformiste (la place du hasard dans cette hypothèse scientifique le fait soupçonner aussi).

    Mais revenons à l'antispécisme : il contient l'illusion, encouragée dans les régimes dits "démocratiques", du progrès juridique à l'infini ; autrement dit les défenseurs de la cause antispéciste ferment les yeux sur le fait que les lois ne protègent pas parfaitement contre l'abus, la violence ou la brutalité. Ainsi que le souligne Marx, les grands principes juridiques abstraits sont les meilleurs alliés du capitalisme ; ces grands principes abstraits jouent de fait pour le citoyen lambda le rôle que joue la religion de rassurer et entretenir l'espoir.

    L'attitude qui consiste à nier le moindre droit aux espèces animales subalternes, et celle qui consiste à vouloir leur conférer un statut égal à celui de l'espèce humaine, bien qu'on peut croire ces attitudes radicalement opposées, en réalité sont proches. On passe d'un extrême à l'autre. Cet "extrémisme" traduit l'immoralité grandissante de l'Occident, immoralité à laquelle la théorie darwiniste a servi de nombreuses fois de justification. Autrement dit, l'idéologie est un succédané de la morale et le darwinisme un des piliers de l'idéologie occidentale moderne ; l'hypothèse darwiniste a en effet une aura scientifique que la démocratie ou la psychanalyse n'ont pas, ou dans une moindre mesure.

    Cette immoralité ou absence de mesure se traduit aussi sur le plan des moeurs par la coexistence et la justification mutuelle du libertinage et du puritanisme.

    La plupart des idéologies modernes occidentales présentent cet aspect paradoxal. Des essayistes superficiels étudieront les deux aspects comme s'ils étaient opposés, alors qu'ils sont comme tenon et mortaise, ou bien les deux faces d'une même médaille.

    La culture occidentale se trouve fragilisée et comme rongée de l'intérieur du fait de ce paradoxe. Cela rend la propagande nécessaire afin de compenser la faiblesse du raisonnement.

    En l'occurrence le darwinisme règle le problème de la condition humaine en postulant un progrès de l'espèce humaine dans une direction tout-à-fait vague, quand elle n'a pas un aspect de science-fiction, exploité par l'industrie du divertissement. L'idéologie du progrès évolutionniste, présente aussi bien dans le nazisme que dans la propagande capitaliste ou démocrate-chrétienne, ou encore communiste, cette idéologie demeure une référence dans les régimes technocratiques, mais elle est en danger d'être remise en cause par tous ceux qui, à l'extérieur ou à l'intérieur de ces régimes technocratiques, voient en eux un système totalitaire.

  • Voeux pieux

    Comme une dizaine de millions de Français, j'ai regardé les voeux du président E. Macron pour l'année 2018. Ils témoignent selon moi de l'importance de la religion dans la culture contemporaine. En effet le discours du président est un discours entièrement mystique.

    Ayant l'habitude des sermons "démocrates-chrétiens" (habitude prise pendant l'enfance), je discerne dans le sermon présidentiel un avatar des sermons démocrates-chrétiens. Emboîtant comme ses prédécesseurs le pas des Etats-Unis en matière économique et politique, il n'y a rien d'étonnant à ce que le président adopte aussi la rhétorique démocrate-chrétienne cauteleuse.

    Cette rhétorique vise notamment à dissimuler que l'Etat est un monstre froid. C'est en quoi la démocratie-chrétienne s'oppose nettement à la parole de Dieu ; nulle part on ne trouve dans les évangiles de tentative pour faire passer l'organisation politique pour ce qu'elle ne peut pas être. La "solidarité" existe au sein de l'espèce des loups, dont l'organisation clanique ou familiale n'est pas moins "froide et monstrueuse" pour autant.

    Les personnes sentimentales sont les premières victimes d'une organisation froide et monstrueuse, portant le masque de la fraternité ou de la solidarité: aussi les chrétiens fidèles à la parole de Dieu ne doivent-ils pas tremper dans l'hypocrisie démocrate-chrétienne, qui a d'abord pour effet d'affaiblir les faibles.

    Le mysticisme démocrate-chrétien s'organise autour de la notion d'Avenir. Tandis que les peuples païens connaissaient la Nature et le Destin, les peuples modernes connaissent l'Avenir et le Hasard, perspective aussi tronquée et courte qu'elle paraît infinie - perspective macabre.

    Qu'est-ce que cet Avenir insondable ? C'est un ersatz de la notion de Salut chrétien : une transposition sociale impossible du message évangélique - impossible car proscrite par la parole de Dieu, qui interdit de se soumettre à l'esprit du Temps.

    Les chrétiens sont les mieux placés pour s'opposer à l'abus de confiance que représentent les sermons démocrates-chrétiens, car ils peuvent les confronter aux vérités évangéliques. Les "oeuvres ne sauvent pas" dit Paul de Tarse, et cela condamne ABSOLUMENT l'entreprise démocrate-chrétienne. Et cela explique encore l'effort des prêtres démocrates-chrétiens pour trahir Paul ou le diffamer autant que possible.

  • Religion de Voltaire

    Cloué au lit par une grippe, je relis les "Lettres philosophiques" de Voltaire.

    Son propos est assez actuel ; sans doute le style clair et net de Voltaire n'est-il pas étranger à cette impression, tandis que la plupart des auteurs contemporains ne parviennent pas à donner vie à leur style.

    La religion catholique honnie par Voltaire a fondu en France comme neige au soleil, réduite désormais à une petite secte condamnée à rêver de la grandeur catholique d'autrefois (ou du futur).

    Cependant le culte de l'Etat perdure en France, le respect de l'autorité incarnée par les fonctionnaires chargés de la police, de l'enseignement et de la défense du pays ; dans ce goût de l'uniforme et de la censure, on reconnaît le service rendu autrefois par le clergé catholique aux représentants de la puissance publique.

    Pour mémoire, Voltaire s'oppose d'une part au clergé catholique, et plus encore au jansénisme ; d'autre part il combat le matérialisme athée de certains "philosophes", qu'il juge aussi excessif. De fait, le XXe siècle sera le siècle d'une forme de fondamentalisme athée.

    Voltaire est lui-même matérialiste, mais non athée. Cette opinion religieuse n'est pas si originale, car on la retrouve dans l'Antiquité chez certains philosophes, dont Aristote.

    Les convictions religieuses de Voltaire sont difficiles à cerner exactement ; la formule de sa foi dans un dessein supérieur intelligent fluctue au gré de l'influence de tel ou tel savant philosophe - l'admiration de Voltaire pour Newton est bien connue. On pourrait dire que la religion de Voltaire fut celle dont Newton, savant et théologien, fut le prophète.

    Voltaire est partisan d'une religion "moyenne", préservant la France des abus du clergé catholique comme de certains philosophes faisant la promotion d'un athéisme dogmatique.

    Rien d'étonnant à ce que Voltaire s'en prenne à Pascal et ses "Pensées", dans une lettre philosophique (XXV) qui constitue un morceau de bravoure. On constate que Voltaire n'a pas tout renié de sa scolarité chez les jésuites, car c'est un efficace propagandiste. Il joue sur le velours, diront certains, car Pascal ne peut lui répondre.

    On ne peut se ranger complètement du côté de Voltaire ou de Pascal, tant la vérité semble divisée entre les deux. Voltaire convaincra plus facilement un esprit français, car la clarté de l'expression est de son côté, et il n'a pas de mal à souligner les contradictions entre certaines pensées, ou la confusion de telles autres. Voltaire a sans doute raison d'accuser les admirateurs de Pascal de le trahir en admirant ce qui paraît un brouillon, des "Pensées" ébauchées mais non finies.

    Un sujet de discorde entre Voltaire et feu Pascal, c'est l'aptitude de l'homme au bonheur. Pascal affirme l'inaptitude particulière de l'homme au bonheur ; il y décèle la trace d'un manque dont Voltaire ne veut pas entendre parler. Pour Voltaire au contraire, l'homme est particulièrement apte au bonheur, et les Parisiens ou les Londoniens le prouvent bien, qui savent profiter de la vie dans des limites raisonnables.

    Sur ce point, je penche plutôt du côté de Pascal, bien que le moraliste italien J. Léopardi a mieux décrit cette insatisfaction de l'homme, à qui il manque toujours quelque chose, même quand il est le plus heureux des hommes. On ne saurait mieux dire que : "Le suicide prouve dieu." : c'est ce que s'efforce de dire maladroitement Pascal, et que Voltaire contredit, affirmant que l'homme ne pense qu'à vivre.

    La succession d'événements politiques plus catastrophiques les uns que les autres depuis le siècle de Voltaire paraît indiquer la difficulté de l'homme au bonheur, c'est-à-dire à fonder une société, non pas juste mais seulement stable. Voltaire lui-même paraît bien humain quand il déplore le terrible séisme de Lisbonne et son injustice, que rien ne peut justifier.

    Le chancelier Francis Bacon Verulam, auquel Voltaire consacre une brève lettre philosophique (XII), distingue suivant la mythologie grecque les hommes "épiméthéens" des hommes "prométhéens" : les premiers sont plus aptes au bonheur, mais moins perspicaces et intelligents, plus "terre-à-terre" ; les hommes prométhéens veulent en savoir plus et ne se contentent pas de réponses toutes faites sur la condition humaine, tel le mythe de l'éternel retour - questionnement qui peut être cause de désespoir ou de frustration.

    Au crédit de Voltaire et au débit de Pascal en revanche j'inscris tout ce qui relève de l'influence sur Pascal des calculs algébriques en quoi l'auteur des "Pensées" excellait, et dans lequel Voltaire n'a pas de mal à dénoncer une idéologie abstraite et étrangère à l'esprit évangélique.

    Qui est Dieu ? Cette question à laquelle les évangiles répondent partiellement en indiquant qu'il est source d'amour, alors que l'Antiquité ne connaissait presque que la puissance de l'instinct, maîtrisé grâce à l'art, cette question divise les chrétiens, qui souvent pour la résoudre ont appelé à leur secours la philosophie ou la science.

    Francis Bacon recommandait à ce sujet, pour ne pas accroître les divisions entre les chrétiens, de ne pas ériger en dogmes des principes incertains et des hypothèses, de la même manière que l'on ne devrait pas enseigner comme une science certaine ce qui n'est encore qu'une hypothèse.

    Les querelles scientifiques actuelles, que la censure s'efforce d'étouffer en ne laissant paraître dans la presse que le point de vue dominant, sont les petites soeurs des querelles théologiques du passé. La question du salut resurgit sous la forme du questionnement scientifique et historique. Le clergé chrétien a été comme dépossédé d'un questionnement qui, selon l'évangile, n'appartient à personne en particulier.