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Lapinos - Page 2

  • Shakespeare et la Musique

    Je donne ci-dessous des extraits d'une étude d'une vingtaine de pages sur SHAESPEARE & LA MUSIQUE à paraître prochainement dans une nouvelle revue littéraire ("La Revue Z" - pour + d'infos écrire à zebralefanzine@gmail.com).

    L'omniprésence de la musique dans le théâtre de Shakespeare (surtout les comédies) a valu au dramaturge anglais le surnom de "barde" ; nous montrons dans cette étude que Shakespeare développe un point de vue philosophique complet sur la musique, et qu'il ne s'est pas contenté de la mettre au service de sa dramaturgie.

    Intro

    Le retard de la France à traduire Shakespeare se double d’un retard à admettre le dramaturge anglais comme un philosophe à part entière ; mais avant de nous pencher sur la place de la musique dans la philosophie de Shakespeare - philosophie qui recourt au procédé de la fable -, voyons d’abord pourquoi et comment Sh. incorpore la musique à sa dramaturgie.

    Les études savantes déclenchées par la présence -pour ne pas dire l’omniprésence de la musique dans le théâtre de Sh-, mentionnent d’emblée l’expansion de la musique au cours du règne d’Elisabeth Ire ; cette expansion coïncide avec celle du théâtre en Angleterre. Dès le début du XVIe siècle, l’Angleterre a la réputation, entre toutes les nations d’Europe, de s’adonner à la musique avec un enthousiasme exceptionnel. On estime que la Renaissance anglaise est avant tout littéraire et musicale.

    Un érudit a dénombré mille références à la musique dans les pièces de Sh., dont une centaine de chansons ou ballades, tantôt inventées par l’auteur, tantôt puisées par lui dans le répertoire populaire de son temps.

    On ne s'attardera pas ici sur ce qui a été déjà exposé en détail par des spécialistes dans de nombreux articles dédiés à la musique au temps de Sh. ; nous en avons dit le minimum en préambule pour nous attacher à l’usage original de la musique par Sh., en tant que dramaturge, puis à son propos sur la musique en tant que métaphysique ; la musique eût en effet ce statut élevé dans l’Antiquité (les pièces de Sh. situées dans l’Antiquité y font plusieurs fois référence), mais aussi au Moyen-âge et à la Renaissance, du fait de l’appropriation par la culture occidentale de la culture antique.

    La musique dans le théâtre de Shakespeare n’est pas seulement ornementale ou destinée à le rendre plus attractif et populaire. Les moyens du théâtre public commercial, qui étaient ceux de Shakespeare, ne lui permettaient pas de rivaliser avec le théâtre de cour, beaucoup plus richement doté en musiciens et chanteurs qualifiés. Seule une poignée de musiciens et acteurs-chanteurs était employée par le théâtre du « Globe ».

    Sh. met la musique au service de sa mise en scène, précédant ainsi l’usage par les metteurs en scène de cinéma d’accompagnements musicaux pour « créer une atmosphère » ou stimuler les sens du spectateur ; de surcroît les chansons qui émaillent les pièces (dont les mélodies se sont envolées avec le temps) jouent un rôle de révélateur des personnages, qui s’expriment ainsi sur un autre registre, moins conscient.

    Plan de l'étude :

    - Une Comédie parfaite (Etude de l’intrigue dédoublée et des personnages de « La Nuit des Rois ».)

    - Eloge de la Folie (De l'importance de comprendre Erasme pour comprendre Shakespeare.)

    - La Musique démystifiée (Sh. et la musique comme métaphysique.)

    - Miroir, mon beau miroir… (Sur les limites de l'anthropologie.)

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  • Chrétiens en guerre (2)

    Le christianisme est une religion de paix, mais les chrétiens s'affrontent depuis des siècles au cours de guerres sans pitié. Il y a là sans doute de quoi dégoûter du christianisme...

    Je lisais il y a quelques heures sur un réseau social les messages d'un soi-disant chrétien, un de ces cadres supérieurs de la nation, ayant occupé un haut rang dans l'échelon administratif militaire : il éructait littéralement de haine. L'un de ses parents venait-il d'être fauché par une balle ou écrasé par un obus ? Il ne semble pas.

    Tournons-nous plutôt vers un artisan de paix : Francis Bacon. J'hésite à le qualifier d'humaniste car le terme a perdu toute signification précise. F. Bacon tire de la Bible cette leçon, illustrée aussi par Homère, que la modération est ce qui fait le plus défaut à l'homme naturel (sans morale), le précipitant tantôt vers Charybde, tantôt vers Sylla.

    Sur le plan religieux, F. Bacon décrit donc le pacifisme radical de certains chrétiens (les "anabaptistes", par ex.), d'une part, et la justification de la guerre par des motifs chrétiens d'autre part (les exemples ne manquent pas), comme deux erreurs ou deux écueils opposés.

    Autant que possible la guerre doit être évitée par les dirigeants chrétiens ; et, bien sûr, on ne prévient pas la guerre grâce à des incantations pacifistes ou en faisant la course aux armements - ni en faisant les deux en même temps (ce qui est assez caractéristique du régime démocrate-chrétien).

    Et, lorsque la guerre éclate malgré tout, comme la guerre relève de la politique, elle ne doit en aucun cas être justifiée par des arguments chrétiens, car les chrétiens doivent "rendre à César ce qui est à César" selon la réplique de Jésus aux pharisiens.

  • De quoi Benoît XVI est-il le nom ?

    Tâchons de faire le bilan critique de l'oeuvre intellectuelle de Benoît XVI (1927-2022), de la façon la moins polémique possible. J'explique ailleurs (sur ce blogue) pourquoi j'ai renié la religion catholique de mon enfance, à l'âge adulte, reniement qui n'est pas directement lié à Benoît XVI, mais plutôt au culte de la personnalité des papes, accru dernièrement par leur canonisation quasi-systématique et, bien entendu, l'usage de moyens de propagande médiatiques.

    Je crois avoir lu attentivement à peu près toutes les encycliques de Benoît XVI, y compris celles qu'on lui attribue sous lebenoit xvi,pape,mort,encyclique,fides et ratio nom de ses confrères. Il ne me paraît pas que Benoît XVI fût un "théologien", ni même un "philosophe". Joseph Ratzinger n'a pas conçu de nouveau dogme, ni cherché à élucider certaines prophéties comme Th. d'Aquin ; ni spécialement combattu l'hérésie comme Irénée ; son plaidoyer pour le mariage de la Foi et de la raison est bien de nature philosophique, mais assez minimaliste et problématique au pays de Voltaire et des Lumières, puisque les Lumières entendaient restaurer la raison, non pas contre la Foi, mais contre l'Eglise romaine. Benoît XVI s'inscrit-il comme G. Hegel dans la continuité des Lumières ? Ce n'est pas clair (pas plus clair de la part de Benoît XVI que ça ne l'est de la part de Hegel).

    - De mon point de vue, l'oeuvre de Benoît XVI, comme celle du concile Vatican II, est avant tout juridique et politique ; elle consiste à raffermir le lien entre la doctrine catholique (longtemps liée à la monarchie de droit divin) et la démocratie-chrétienne. On peut parler d'un effort de "rattrapage" par rapport aux Etats-Unis, nation fondée sur des valeurs démocratiques et chrétiennes (on peut voir au cours du conflit russo-ukrainien les dirigeants nord-américains invoquer des arguments et des textes chrétiens pour appuyer leur politique de soutien à l'Ukraine).

    Le double statut de chef politique et de chef religieux du président des Etats-Unis est assez évident, souligné par les querelles religieuses entre Républicains et Démocrates (en raison de sa culture "autarcique", la France est sur ce point un mauvais poste d'observation).

    Pour le dire plus simplement, il n'y a plus de différence entre un "catholique" et un "démocrate-chrétien", depuis la fin du XXe siècle, grâce à l'oeuvre de Benoît XVI et de ses confrères. Ce n'est pas un simple détail : cela pourrait faciliter, par exemple, le ralliement à l'évêque de Rome de certaines communautés dissidentes ou protestantes.

    L'ouvrage de Benoît XVI est donc un ouvrage de modernisation institutionnel. La meilleure preuve en est qu'il s'appuie sur la philosophie de Hegel, qui concilie la Foi et la raison ; K. Marx a montré que cette "raison" n'est pas n'importe quelle raison, puisqu'elle n'est autre que la raison d'Etat.

    C'est ici que le bât blesse, En effet, la différence entre "la raison d'Etat chrétienne" (présentée comme la "démocratie") et la monarchie de droit divin chrétien semble ténue, voire inexistante. Il semble donc que le point de vue politique et juridique de Benoît XVI soit le plus éloigné de la critique des temps modernes totalitaires. L'Etat totalitaire n'est-il pas justement "hégélien" ? Ne pèche-t-il pas par la volonté de viser autre chose que la satisfaction du bien commun ?

    D'autre part le point de vue institutionnel de Benoît XVI est réducteur. L'Eglise n'est pas un tas de pierre joliment agencées, comme les Juifs avaient tendance à croire, et certains conservateurs du patrimoine catholique ; mais elle n'est pas non plus une organisation étatique.

    NB : On peut reprocher à cette critique d'être réductrice ; elle est délibérément restreinte à la volonté de modernisation de l'Eglise de Benoît XVI, coordonnée avec celle de Jean-Paul II, son prédécesseur, et François Ier son successeur.

  • Les Amis de l'Argent

    On me demande d'expliquer la parabole de Jésus sur le mauvais intendant (Luc XVI, 1-15).

    Cette parabole désigne les pharisiens comme étant sataniques (adversaires de la Foi telle que Jésus l'expose) ; précisons à la suite de Paul que les pharisiens ne sont pas sataniques en tant que Juifs, mais en tant que clergé dépositaire de la Loi de Moïse, restée lettre morte sous leur ministère.

    Cette explication est d'autant plus utile que la culture bourgeoise occidentale nous incite à fraterniser avec l'argent, suivant un processus historique sur lequel je dirai seulement quelques mots.

    Comment puis-je affirmer que la "culture bourgeoise occidentale" incite à fraterniser avec l'argent ? Parce que Shakespeare en a fait la démonstration dans "Le Marchand de Venise" ; cette démonstration constitue en quelque sorte l'élucidation de ce que l'on appelle couramment "capitalisme", qui place l'argent au centre de la vie publique.

    Venons-en à la parabole sur le mauvais intendant (recopiée ci-dessous, après son explication) ; Jésus compare la gestion des biens terrestres à la gestion du trésor que représente pour les chrétiens la Parole de Dieu. Le trésor de la Parole représente pour un pauvre le seul trésor, auquel il a le loisir de se consacrer ; ceci explique la difficulté quasiment insurmontable qu'éprouvent les gens riches à se tourner vers Dieu, car la gestion de leurs biens les accapare et les inquiète au point qu'ils délaissent les choses spirituelles.

    Or le Messie fait une comparaison stupéfiante pour les Pharisiens qui l'écoutent, qui réagissent par des moqueries. En effet Jésus montre en exemple un mauvais intendant, un intendant véreux qui a dilapidé la fortune de son maître au lieu de la gérer convenablement ; et c'est cet exemple, dit Jésus, qu'il faut suivre ! "Faites-vous des amis avec la Richesse malhonnête", dit Jésus.

    De fait le mauvais intendant n'est pas un "ami de l'argent" : sa négligence le prouve. Il n'est pas non plus stupide, puisqu'il parvient in extremis à rétablir sa situation auprès de son maître, grâce à sa ruse.

    Le maître suspend la sanction. C'est lui aussi un "mauvais maître", d'une certaine façon ; un ami de l'argent pourrait le trouver laxiste de garder à son service un serviteur qui l'a spolié.

    Il ne faut pas se comporter de façon plus bête avec le trésor de la parole divine qu'un intendant véreux avec les biens d'un homme riche ; il y a là une invitation à se comporter intelligemment vis-à-vis de la Parole divine, et non en dévot.

    L'idée qu'il y a une justice dans l'argent est bien sûr très répandue dans la culture bourgeoise capitaliste. Encore une fois, je ne m'attarderai pas ici sur la démonstration de ce phénomène historique exposé par Shakespeare, mais la notion (déterministe) même de "lois économiques" ou de "science économique", contraire à la réalité des faits politiques, véhicule l'idée qu'il y a une justice comptable.

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    Luc XVI, 1-15 : "Il disait aussi à ses disciples : "Il était un homme riche qui avait un intendant ; celui-ci fut dénoncé comme dissipant ses biens. Il l'appela et lui dit : "Qu'est-ce que j'entends dire de toi ? Rends compte de ton intendance, car tu ne pourras plus être intendant." Or l'intendant se dit en lui-même : "Que ferai-je, puisque mon maître me retire l'intendance ? Bêcher, je n'en ai pas la force ; mendier, j'en ai honte. Je sais ce que je ferai pour que, quand je serai destitué de l'intendance, il y ait des gens qui me reçoivent chez eux." Ayant convoqué chacun des débiteurs de son maître, il dit au premier : "Combien dois-tu à mon maître ?" Il dit : "Cent mesures d'huile." Et il lui dit : "Prends ton billet, assieds-toi vite et écris : "quatre-vingts" Et le maître loua l'intendant malhonnête d'avoir agi d'une façon avisée. C'est que les enfants de ce siècle sont plus avisés à l'égard de ceux de leur espèce que les enfants de la lumière.

    Et moi je vous dis : - Faites-vous des amis avec la Richesse malhonnête, afin que, lorsqu'elle viendra à manquer, ils vous reçoivent dans les pavillons éternels. Qui est fidèle dans les petites choses est aussi fidèle dans les grandes, et qui est malhonnête dans les petites choses est aussi malhonnête dans les grandes. Si donc vous n'avez pas été fidèles pour la Richesse malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ? Et si vous n'avez pas été fidèles pour le bien d'autrui, qui vous donnera le vôtre ? Nul domestique ne peut servir deux maîtres : car ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et la Richesse."

    Les Pharisiens, qui étaient amis de l'argent, écoutaient tout cela et ils se moquaient de lui. Et il leur dit : "Vous, vous êtes de ceux qui se font justes aux yeux des hommes ; mais Dieu connaît vos coeurs ; car ce qui est élevé parmi les hommes est abomination aux yeux de Dieu."

  • L'Affaire NordStream

    Je suppose que tous les disciples d'Orwell ont réagi comme moi en apprenant que les gazoducs "NordStream" de la compagnie russe Gazprom avaient été sabotés sous la mer : - Ouah, les types (les sous-merdes) qui ont fait ça sont sacrément imprudents !

    Et là je suis obligé de donner une définition de la "sous-merde humaine", une définition orwellienne pour le cas où quelqu'un qui n'aurait pas lu "1984" passerait par là. Evidemment, pour Orwell, une sous-merde humaine n'est pas "un gros nazi", suivant la définition du dictionnaire, mais "un gros nazi qui se fait passer pour un antinazi pour s'approcher plus près de sa proie". Il va de soi que la sous-merde évolue en bas de l'échelle sociale : son humanisme est badigeonné à la peinture bleue sur son casque. Il agit par amour ou pour l'argent, comme un type binaire lambda. Au-dessus des sous-merdes, il y a ceux que j'appelle "lieutenants du chaos", mais vous pouvez leur donner un nom moins pompeux si ça vous chante. Quoi qu'il en soit, les lieutenants ne mettent jamais les mains dans la nitroglycérine ; parce que ça peut péter à la figure, mais surtout parce qu'ils ne doivent pas être pris la main dans le sac.

    Oui, je me souviens parfaitement où j'étais le jour de l'attentat contre le World Trade Center, ce jour où les Etats-Unis se sont pris en pleine poire le boomerang du chaos qu'ils avaient semé, en bons chrétiens, dans les déserts montagneux infertiles d'Orient ; mais l'endroit où j'étais n'a aucune importance, sauf pour moi. Je me souviens aussi de l'extraordinaire brouhaha médiatique qui a suivi, dès le soir même, comme un nuage de poussière recouvrant rapidement tout : les ruines, les morts, les survivants, les indices ou l'absence d'indices, un vrai simoun !

    J'ai toujours eu horreur des puzzles, depuis le jour où j'ai retrouvé mon oncle spécialiste de la conception de robots à quatre pattes sur le carrelage du salon de mes grands-parents pour faire un "1000 pièces". Il avait 39 ans ! La pluie torrentielle d'informations qui s'abat sur nous quand nous allumons la radio ou la télévision me fait le même effet que ces puzzles que l'on offre aux fous dans les asiles psychiatriques pour entretenir leur folie.

    Au temps de l'attentat du WTC, j'avais entamé ma lecture de K. Marx pour soigner ma tête de con. J'aurais aussi bien pu lire "1984" à ce moment-là, qui est à la fois plus difficile (pour une tête de con) et plus facile que K. Marx. Dans les deux cas, il s'agit de lectures peu féminines ; il va de soi que les femmes préfèrent les trucs ludiques. Je n'ai lu "1984" que bien après le 11-Septembre, par acquis de conscience, comme on peut lire Flaubert après avoir lu Balzac.

    Le silence assourdissant qui fait suite au sabotage du pipe-line russe fournissant à l'industrie allemande le précieux sang dont elle a besoin pour inonder le monde de chimères en acier et en plastique, ce silence fait écho au vacarme assourdissant des commentaires plus autorisés les uns que les autres sur l'attentat de Manhattan.

    Un reste d'esprit spéculatif m'a poussé à me demander, je le confesse, qui avait commandité ce coup extrêmement bas, d'une bassesse subaquatique, des enculés russes ou des enculés du Pacte atlantique ? Assez naturellement j'ai soupçonné les Russes, que je tiens dans l'ensemble pour des joueurs d'échecs, des lecteurs de Dostoïevski, des Huns, des loups se faisant passer pour des chiens domestiques, des "mencheviks"... ne dit-on pas que Vladimir Poutine a été éduqué au KGB, ce qui est la meilleure façon de devenir une sous-merde en se prenant pour un gros malin. Le jeu d'échecs est proche du puzzle, bien qu'il y a une part de sadisme arachnéen supplémentaire dans le jeu d'échecs. Sous prétexte que tout est déterminé à l'avance aux échecs, les abrutis dans le genre de Gary Gasparov s'imaginent - ou plutôt déduisent -, qu'il en est ainsi partout : dans la vie, en politique, dans les arts comme à la guerre...

    Le silence assourdissant de la presse et des journalistes - d'une manière générale de tous les employés du grand souk médiatique tumultueux-, soudain muets, matés comme on voudrait qu'ils le soient définitivement, par l'officier suédois en charge de l'enquête sous-marine, ce soldat-belge du "secret défense", voilà qui a coupé net mes spéculations "racistes", comme disent ceux qui manipulent et financent des escadrons de nègres afin que leurs exactions proclament partout la supériorité de la race blanche... L'Empire du Mensonge vient de surgir dans les ténèbres de la Guerre froide, plus net et plus visible qu'au cours des Trente Glorieuses, brillantes comme une boule à facettes - l'Empire du Mensonge arc-bouté sur la soif de mensonge de la foule, tel qu'il n'a pas de secret pour les lecteurs de ce brave Georges Orwell.

  • Autour de "1984"

    On tient pour admis par le lecteur de cette note que "1984" n'est pas un roman d'anticipation ni de science-fiction. La brève correspondance entre G. Orwell et A. Huxley est, à cet égard, éclairante. En effet, tandis que Huxley a imaginé un régime totalitaire "nec plus ultra", un monde quasi-parfait dirigé par des technocrates darwinistes ("Brave New World"), Orwell s'est contenté de faire le portrait du XXe siècle totalitaire dans une sorte de fable.

    Il faut donc considérer "1984" comme un livre d'Histoire - le plus synthétique des essais de ce genre ; il souligne au premier chef que le mensonge est devenu un outil politique primordial, plus important que la force armée elle-même. Autrement dit, jamais le mensonge n'a autant contribué à cimenter la nation, et nul Etat ne peut se passer au XXe siècle d'un outil de propagande sophistiqué. Orwell montre que le mensonge politique réclame un effort constant de la part des propagandistes. "1984" dévalue la production dans le domaine des sciences sociales au XXe siècle, incitant à y voir des pseudo-sciences basées sur les statistiques.

    Bien entendu Orwell ne prétend pas que la propagande et la censure qui l'accompagne sont des inventions du XXe siècle, mais qu'elles ont atteint un sommet - en termes de sophistication, notamment. La propagande occupe un personnel considérable.

    On peut lire "1984" comme la Comédie humaine du XXe siècle, puisque Balzac a produit la description de la société de son temps la plus large, avec le souci de réalisme qui anime les zoologues décrivant les différentes espèces animales ou les botanistes décrivant les différentes sortes de plantes. Contrairement au réalisme artificiel des sociologues (réalisme "in vitro"), le réalisme de Balzac n'est pas coupé de l'observation attentive des comportements humains - il n'est pas déterministe comme les sociologues, sous l'influence du darwinisme.

    G. Orwell s'est mis en scène dans son roman ; le personnage de Winston Smith n'est autre qu'Orwell, mais un Orwell sur lequel l'auteur de "1984" a pris du recul, prenant conscience de ses erreurs de jeunesse.

    "1984" a bien sûr une dimension satirique dont l'oeuvre de Balzac est à peu près dépourvue. L'outrance de "1984" est volontaire (méthode empruntée à J. Swift), pour botter le cul du lecteur, lui montrer le lien direct entre la propagande d'Etat déversée doucement dans l'oreille du citoyen lambda, et la torture brutale de celui qui, justement, ne l'entend pas de cette oreille.

    Ce n'est pas la seule explication du volume réduit à quelques centaines de pages de "1984", en comparaison des milliers de pages que compte la Comédie humaine. Balzac était feuilletoniste, et les feuilletonistes ont tendance à tirer à la ligne, à faire visiter la Touraine à leurs lecteurs.

    Sans doute est-ce surtout la pauvreté des caractères et des types au XXe siècle qui explique la maigreur d'Orwell. L'humanité a rétréci, elle s'est schématisée ; il n'y a plus beaucoup de différence entre un homme et une femme. Ne subsiste plus au XXe siècle, de tous les types, que le "pauvre type". Winston Smith n'échappe lui-même que de très peu à cette dénomination ; son honnêteté suffit à en faire un type exceptionnel, en même temps que marginal - l'honnêteté est devenue antisociale ; la fidélité aussi, comme nous le montre une scène où Winston est torturé jusqu'à trahir sa compagne.

    Cette observation historique d'Orwell rejoint la description d'Adolf Eichmann par Hannah Arendt comme étant, non pas un sale type mais un pauvre type, un type banal. Encore faut-il ajouter : "banal" pour son temps, où la monstruosité se cache derrière le voile de la banalité.

    Cette observation est encore plus nette au plan politique, puisque d'une certaine manière le tyran Big Brother n'est personne. De tête, l'Etat totalitaire n'a pas - il n'a qu'une tête d'affiche. On peut imaginer le visage de Big Brother débonnaire, ou souriant à l'Avenir, ou impassible, ou sévère suivant l'humeur de la populace qui lui rend un culte complice. Pour les lecteurs de Shakespeare, il y a là un saisissant contraste avec la galerie de portraits d'hommes et de femmes politiques peinte par l'historien élisabéthain, marchant vers la gloire avec plus ou moins d'assurance et d'intelligence.

    G. Orwell n'est-il pas justifié de résumer la politique au XXe siècle à une tête d'affiche ? Cela concorde du moins parfaitement avec le propos selon lequel le culte du pouvoir pour le pouvoir est au coeur de la démarche totalitaire, du citoyen lambda au n°1 dans l'organigramme. En effet, quel homme ou femme politique, de ceux dont Shakespeare fit le portrait, se serait contenté des symboles du pouvoir politique, acceptant de n'être qu'une image ?

    *

    On peut objecter que le pouvoir politique est désormais entre les mains des acteurs économiques, et que c'est dans ce domaine que l'on trouve des hommes et des femmes ambitieux et volontaires, non plus au sein du personnel politique. Mais c'est sans doute ici la même illusion que d'opposer l'Etat au Capital, alors qu'ils sont solidaires. La guerre froide, qui dure depuis 1945, et que Orwell évoque, au second plan, comme la conséquence d'un mal intérieur, est une guerre qui se joue aussi bien au niveau économique qu'au niveau politique, sans que l'on puisse bien séparer ces registres. On ne distingue nulle part le fruit de l'ambition des entrepreneurs capitalistes s'ils en ont une. L'ordre mondial n'est pas une ambition mais une utopie chimérique.

    Les milliers de scribes appointés pour chanter les louanges de l'économie capitaliste, aussi nombreux soient-ils, ont du mal à dissimuler ses plus catastrophiques inconvénients. Le mensonge n'est pas moins requis sur le plan économique qu'il n'est requis sur le plan politique.

    L'honnêteté est devenue antisociale en même temps que l'argent s'est imposé comme un lien social primordial, suivant l'analyse de Karl Marx ; celui-ci décèle dans l'argent non seulement un moyen économique (pragmatique), mais aussi mystique (non pragmatique). K. Marx louait Balzac d'avoir montré mieux qu'un autre dans son oeuvre romanesque la transformation sociale opérée par le capitalisme : la juridicisation des rapports sociaux. Cette juridicisation se traduit de façon encore plus nette au XXe siècle par divers phénomènes, dont la disparition des cultures et modes de vie traditionnels (annoncée par Marx). C'est ce phénomène de judiciarisation qui confère à Big Brother, dans "1984", une légitimité qu'aucun citoyen ne songe à contester. On voit que même aux Etats-Unis, dans cette confédération initialement si réticente à se prosterner devant l'Etat comme devant Dieu, le capitalisme a eu raison de la sphère privée.

    *

    Ainsi on peut dire que la fragilité de l'Etat totalitaire, tel que Orwell le décrit, plus instable et moins capable de distribuer à tous une ration satisfaisante de bonheur que l'organisation idéale imaginée par Huxley, la fragilité de cet Etat tient à ce qu'il est une superstructure capitaliste ; qui plus est une superstructure non pas unique, mais concurrencée par plusieurs rivaux analogues. Chez Huxley, le totalitarisme rime avec la fin de l'Histoire, une fin heureuse orchestrée par des élites dirigeantes ayant renoncé à la science.

    Certainement Orwell n'est pas plus disposé à croire que le Balzac de "La Peau de Chagrin" que l'argent rend libre, ce qui constitue en somme le slogan principal du libéralisme ou de la démocratie-chrétienne, cette musique bourgeoise jouée en boucle dont il convient que le citoyen lambda, y compris quand il n'a pas un sou en poche, soit imprégné.

    Par conséquent Orwell ne décrit pas un avenir menaçant, mais plutôt une impasse dans laquelle l'Occident se serait fourvoyé, comme enivré par le progrès technique (omniprésent dans "1984"), sur quoi repose principalement le régime d'oppression de l'homme par l'homme. Aucun régime n'illustre mieux que le régime nazi cette ivresse dangereuse, la foi naïve dans l'intelligence artificielle et la confusion entre le scientisme et la science, confusion qui n'a fait que s'aggraver depuis.

  • Chrétiens en guerre

               « Heureux les pacifiques, car ils seront appelés les enfants de Dieu. » Math. V:9.             

                  « S’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes. » Romains XII:18.

                Je propose, sous un titre volontairement ambigu, quelques réflexions sur la guerre et la foi chrétienne. L’ambiguïté reflète ici les postures adoptées par les chrétiens vis-à-vis de la guerre, différentes selon l’Eglise à laquelle ils adhèrent, leur nationalité, ou encore selon que la guerre les touche de près ou de loin.

    Cela peut laisser penser qu’il y a trente-six attitudes chrétiennes différentes vis-à-vis de la guerre. Ces tergiversations s’expliquent par la difficulté à être fidèle à la Parole de Dieu à cause du péché, non seulement à respecter cette Parole, mais aussi à l’entendre comme il faut.

    On voit ainsi que les apôtres de Jésus écoutèrent d’abord ses sermons et ses paraboles sans les comprendre ; l’apôtre Pierre manifesta plusieurs fois la volonté d’être fidèle à l’enseignement de Jésus, tout en faisant le contraire, par manque d’intelligence. Il se saisit ainsi un jour d’une épée pour défendre celui qu’il tenait pour son maître, contre des soldats venus l’arrêter, suivant un réflexe bien humain. Le Messie a condamné par avance toute intervention armée, sous prétexte de le défendre ; il a réparé immédiatement la blessure faite par Pierre à un soldat (symboliquement à l’oreille).

    ***

    Balayons pour commencer une contradiction apparente, pointée parfois par des adversaires de Jésus-Christ et de son enseignement, afin de démentir qu’il soit un prophète animé par un esprit de paix : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée. » Math. X:34.

    La guerre revêt ici une apparence symbolique ; le Messie se présente comme le chef d’une guerre sainte conduite contre leguerre,chrétien,témoins de jéhovah,pierre,royaume épée,paul de tarse mensonge, contre l’esprit de Vérité, c’est-à-dire Satan ; cette guerre dont l’apocalypse de Jean décrit symboliquement les étapes, ne passe pas par l’usage d’une épée en fer forgé, mais par la Foi chrétienne, représentée par une épée (on voit parfois l’apôtre Paul armé de cette épée dans des peintures chrétiennes, afin de rappeler le rôle primordial qu’il joue dans la guerre sainte de Jésus-Christ).

    La précision qu’il n’est pas venu apporter la paix « sur la terre » indique bien que le Messie n’est pas un chef ordinaire, qui chercherait à instaurer la paix civile dans tel ou tel pays ou contrée.

    Autrement dit le chrétien contribue par ses actions charitables à la guerre sainte contre Satan ; la parabole du Samaritain incite même à dire qu’un acte charitable, même s’il n’est pas accompli par un chrétien confirmé, contribue à la défaite annoncée de Satan.

    Précisons que les métaphores ou les symboles dans la bouche du Messie renversent l’ordre des obligations et des droits humains : en effet, la guerre qui est pour l’homme une nécessité, dans bien des cas (un acte de défense ou de survie), devient pour Jésus un acte d’amour, aux antipodes de ce que l’homme entend par « guerre » ; il en est de même pour le royaume, le mariage (de Jésus-Christ et de son Eglise), la pierre d’angle (la Foi)…, qui décrivent des réalités spirituelles célestes à l’opposé de ce que l’homme entend par royaume, mariage, pierre...

    On voit que le Messie n’affronta pas l’autorité civile romaine représentée par Ponce Pilate, détenteur d’une autorité politique et civile temporelle, qu’il ne contestait ni ne cautionnait. Le Messie affronta en revanche les pharisiens, le clergé juif, dans la mesure où celui-ci avait accaparé la Loi de Moïse et ne l’avait pas fait fructifier selon le plan de Dieu-Yahweh.

    ***

    Quand il parle de « paix » et de « guerre », Jésus-Christ parle donc de choses difficiles à concevoir pour l’homme, qui ont trait au salut et à la vie éternelle.

    Mais il n’est pas besoin d’être disciple de Jésus-Christ pour concevoir l’utilité de contenir les passions humaines et d’y mettre un frein pour éviter la guerre autant que possible.

    Le célèbre récit de « L’Iliade », plusieurs siècles avant l’ère chrétienne, nous montre que le guerrier le plus intelligent – Ulysse – est celui qui parvient à mettre un terme à la guerre, une guerre qui n’en finit pas, déclenchée par la passion illicite de deux amants.

    Sans trahir Homère, Shakespeare a prêté au personnage d’Ulysse dans son « remake » de « L’Iliade » (« Troïlus & Cressida ») l’intention pacificatrice, doublée de la ruse qui permet à Ulysse d’enrôler des guerriers guidés par leur orgueil au service du bien commun.

    La guerre fournit l’occasion à Homère, et plus nettement encore à Shakespeare, de montrer le mécanisme de la bêtise humaine.

    Il n’est pas besoin d’être chrétien pour comprendre l’utilité de contenir les passions humaines, cependant l’histoire des siècles récents XIXe, XXe et XXIe siècle, illustre combien la culture guerrière a pris le pas sur la civilisation. Le procès de régimes barbares comme le régime nazi ou le régime soviétique ne fait qu’ajouter à la barbarie l’hypocrisie, la moins susceptible d’infléchir le cours de la culture guerrière, qui va bien au-delà du nazisme et du communisme.

    Les chrétiens doivent au contraire remarquer que l’esprit belliqueux a contaminé des nations chrétiennes, ou qui se disent telles, à travers leurs représentants, leurs drapeaux, leurs constitutions…

    Ainsi un homme raisonnable, modéré ou encore civilisé, ne se résout à faire la guerre, ainsi qu’Ulysse, qu’en dernière extrémité seulement, et cela bien qu’il soit parfaitement entraîné au maniement des armes. La réticence d’Ulysse n’est pas celle d’une femme.

    ***

    Un chrétien se conformera à la prescription de l’apôtre Paul d’être en paix avec tous les hommes, autant qu’il est possible. Ce n’est sans doute pas une chose facile par les temps qui courent, tant la culture moderne a tendance à justifier les mouvements politiques violents.

    L’Evangile prohibe-t-il le métier des armes, suivant la pratique de certaines communautés chrétiennes (ordres religieux catholiques désarmés, « quakers » anglais au XVIIe et XVIIIe siècles…) ?

    Actuellement l’organisation des Témoins de Jéhovah proscrit le métier des armes à ses membres, ainsi que la conscription ; cela a valu à cette communauté chrétienne une interdiction de pratiquer son culte par la Fédération de Russie (en 2017), suivie de quelques arrestations pour infraction.

    Cette prohibition des Témoins de Jéhovah peut paraître à la fois une règle sage et une règle folle. Sage, car elle fait office de garde-fou contre l’esprit particulièrement belliqueux du monde contemporain, sa culture et son économie (« course aux armements ») qui semblent concourir à faire la guerre.

    Néanmoins la guerre n’est plus menée seulement par des soldats, maniant des armes, elle est aussi supervisée par des banquiers qui la financent, des ingénieurs qui travaillent à la conception d’armes sophistiquées, des physiciens qui découvrent l’usage létal de certains minéraux, des publicistes qui justifient les déclarations de guerre, des artistes qui exaltent le courage militaire, des ouvriers qui assemblent des chars… autrement dit la guerre mobilise beaucoup de monde et, suivant cette parole d’un philosophe : « Les citoyens d’une nation ne pourraient dormir tranquillement sur leurs deux oreilles si des soldats brutaux et prêts à toutes les exactions ne veillaient pas sur leur sommeil, postés aux  frontières. »

    On ne peut pas imputer aux seuls soldats et chefs militaires la responsabilité de guerres qui sont le fruit d’une volonté collective. On peut se demander si la proscription du métier des armes par les Témoins de Jéhovah est une mesure juste pour lutter contre l’esprit du monde ? Mais également si elle est une protection efficace contre cet esprit satanique ?

    Comme certains chrétiens ont confondu et confondent encore la « guerre sainte » avec la défense d’intérêts politiques terre-à-terre, la paix éternelle promise par Jésus-Christ ne doit pas être confondue avec la paix civile.

    Le pacifisme chrétien est donc un combat pour la paix. Déjà les prophètes de l’Ancien Testament faisaient coïncider l’avènement du royaume du Fils de Dieu, avec l’avènement de la paix :

    « Il [le Messie] sera le juge des nations, L'arbitre d'un grand nombre de peuples. De leurs glaives ils forgeront des hoyaux, Et de leurs lances des serpes : Une nation ne tirera plus l'épée contre une autre, Et l'on n'apprendra plus la guerre. » Esaïe, II,4.

    (Illustration : l'apôtre Paul représenté par Le Gréco portant l'épée de la Foi au côté de Pierre -XVIIe siècle)

  • Orwell et la "crise sanitaire"

    Article corrigé (4 févr. 2022) sous forme de fichier pdf à lire ici.

  • Faut-il dissoudre l'Eglise catholique ?

    Le rapport d'enquête Sauvé sur la pédocriminalité dans l'Eglise catholique en France vient d'êtrepédérastie,clergé,catholique,sauvé,sodoma,frédéric martel rendu public par les enquêteurs (CIASE). S'appuyant sur la méthode statistique, ce rapport évalue à 300.000 le nombre des crimes commis sur des enfants par des prêtres et des laïcs catholiques au cours des soixante-dix dernières années (1950-2020).

    L'ampleur de cette criminalité est-elle surprenante ?

    • Le rapport Sauvé ne fait que répéter l'enquête de Frédéric Martel ("Sodoma"), menée à l'échelle internationale, qui exhibait déjà toute la gangrène.

    Ce journaliste décrit, plus utilement que le rapport Sauvé, le procédé de "l'omerta" à l'oeuvre au sein de l'Eglise catholique, ainsi qu'une forme d'angélisme de la part de certains prêtres, non au sens spirituel du terme, mais au sens « d'imbécillité », propice aux exactions des prêtres sournois.

    Ajoutons ici que la dépravation sexuelle d'une partie du clergé trouve dans les malversations financières un prolongement logique. crimes sexuels et crimes d'argent sont des crimes cupides. Bien qu'ils frappent l'imagination moins durement que les crimes sexuels, les crimes financiers ont aussi toujours des conséquences atroces.

    • Le monde dans lequel nous vivons est ultra-violent. On pourrait citer de nombreux exemples de cette violence que la France ne veut pas regarder en face. La violence touchant les enfants choque particulièrement, mais c’est loin d’être la seule. Cette violence, Georges Orwell l’a très bien décrite dans « 1984 » comme une violence contributive à l’organisation sociale, dont l'Etat ne peut se passer ; or les représentants officiels de l’Eglise catholique représentent une des cautions morales du monde moderne dans de très nombreuses nations.

     L’ampleur des crimes n’est pas surprenante, mais le déguisement du prêtre catholique ajoute à l’horreur du crime. Il s’agit ici d’abus au nom de l’Amour. L’Antiquité considérait les crimes commis au sein de la famille, le parricide ou le fratricide, comme particulièrement odieux ; cette mesure semble dépassée ici.

    En conséquence, faut-il dissoudre l’Eglise catholique ?

                Souvenons-nous de cette parabole de Jésus-Christ, faisant écho aux prophètes : "Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits. Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits est coupé et jeté au feu." (Mt. 7:18-19)

                Jésus-Christ condamne ici la religion des pharisiens hypocrites, qui ne donna pas les fruits escomptés. Plus largement, il enseigne que la Foi se situe au-dessus des affaires et des institutions humaines. L’engloutissement de la Cité du Vatican dans une faille sismique, avec tout son personnel, laisserait la Foi intacte. On ne doit pas confondre, comme les prêtres juifs, le Temple et la Foi.

                Mais je suis mal placé pour parler de dissoudre l’Eglise catholique, en étant déjà sorti moi-même il y a plusieurs années, sans esprit de vengeance, comme on s’écarte d’une ruine branlante sur le point de s’écrouler.

                D’ailleurs ne peut-on tenir l’Eglise catholique pour d’ores et déjà dissoute ? Je m’explique : elle est partout et elle est nulle part. Le catholicisme imprègne en effet tellement la culture des nations occidentales, qu’il est très difficile de dire où le catholicisme commence et où il s’arrête. Même laïques, de nombreuses cultures sont déterminées par le christianisme ; quant à l'islam, il paraît souvent entièrement déterminé par le rejet des "valeurs occidentales". Le catholicisme EST la culture occidentale (Je ne m’étends pas ici sur cette imprégnation, comme je l'ai déjà longuement évoquée par ailleurs).

                L’Eglise catholique est donc déjà « dissoute » comme le sucre est dissout dans le thé chaud.

  • Bacon et les "Rose-Croix"

    Sir Francis Bacon est parfois rapproché de l’ordre (laïc) des "Rose-Croix", de type maçonnique, encore actif aujourd’hui. Il s’agit là d’un rapprochement ou d’une récupération fantaisiste qui brouille les cartes.

    Ce rapprochement est infondé car l’ordre des "Rose-Croix" n’existait pas du temps de Francis Bacon. Il a été créé longtemps après la mort du savant, en 1626. Que F. Bacon ait pu être la source d’inspiration de cet ordre n’aurait rien d’étonnant puisque aucun savant du XVIIe siècle n’a une influence plus large que Bacon sur la pensée des siècles ultérieurs ; cette influence ou ce rayonnement est comparable à celui de Shakespeare dans le domaine littéraire (cette comparaison pour souligner le "poids" de Bacon, minimisé en France).

    Ce rapprochement avec le groupuscule des "Rose-Croix" a l’inconvénient de donner à Bacon un parfum d’ésotérisme ou d’occultisme, tel qu’il émane parfois des organisations secrètes maçonniques.

    Il est vrai que le chancelier Bacon prête au secret et à la ruse des vertus sur le plan politique ; il n’aurait certainement pas cru dans la "transparence démocratique", règle sans doute plus théorique que concrète. Mais, sur le plan scientifique, prépondérant à ses yeux, Bacon s’est toujours montré le plus didactique possible ; quelques réserves ou périphrases dans son œuvre peuvent s’expliquer par la volonté de ne pas provoquer la censure ecclésiastique, alors très puissante, contrairement à Galilée dont les nombreuses provocations accrurent la notoriété.

    Faisant le bilan des connaissances de son temps dans le domaine de la philosophie naturelle, Bacon n’est guère plus indulgent avec les derniers alchimistes (Paracelse) qu’il n’est avec les savants "scolastiques" et leur méthode excessivement spéculative.

    D’une certaine façon, on peut dire que la science de Francis Bacon est beaucoup plus laïque (au sens de "publique") que celle d’Isaac Newton, dont certains pans sont assez occultes, ou du moins peu explicites.

    A l’égard de la psychanalyse, qui comme l'alchimie promet beaucoup et tient peu, il est vraisemblable que F. Bacon aurait émis les mêmes réserves.

    Bacon est aussi parfois rapproché d’érudits tel Pic de la Mirandole, le plus célèbre d'entre eux, théoriciens d’un savoir primordial caché, dont les mythes antiques auraient conservé la trace.

    Mais si Bacon est loin de mépriser les fables de l’Antiquité ou de les croire "irrationnelles", sa démarche n'est pas une sorte de syncrétisme philosophico-religieux. La méthode de Bacon dans le domaine de la philosophie naturelle repose sur le pragmatisme ; en effet, si les Grecs ont imaginé que l’immortalité n’était pas une chose impossible, dit Bacon, ils n’ont pas découvert les moyens de cette immortalité, et il n’y a donc pas lieu de se reposer sur les lauriers de la philosophie grecque mais de poursuivre au contraire l’exploration de la nature entamée par les Grecs (probablement héritiers de plusieurs "philosophies" - juive, égyptienne…).

    De surcroît Bacon ne méconnaît pas la caractéristique de la religion chrétienne, qui est d’être une religion révélée, à l’opposé de religions comme l’épicurisme ou le bouddhisme, qui s’accommodent de la condition humaine et visent seulement à l'améliorer.

    Dans son livre dédié au savoir des Anciens, conservé dans leurs fables, publié en latin en 1609 ("De Sapientia Veterum"), Bacon aborde dans son explication du mythe d’Orphée le thème debacon,rose-croix,paracelse,franc-maçonnerie,alchimiste,mythologie,amazon la philosophie. Ce chapitre permet de comprendre que Bacon ne conçoit pas la philosophie séparée de la science physique, amenée à progresser au fil du temps ; la philosophie ne doit donc pas être négligée, bien au contraire, mais elle ne doit pas non plus être mélangée ou confondue avec la Foi des apôtres, comme elle fut au moyen-âge selon un mauvais procédé nuisible aussi bien à la Foi qu'à la philosophie.

    - Je propose depuis quelques jours une version brochée (illustrée) de "La Sagesse des Anciens" sur le site Amazon.fr, renommée "La Mythologie dévoilée", d'après la traduction d'Antoine de Lasalle (1800) corrigée et modernisée.

  • Sur la Dictature sanitaire

    Quelques mots à propos de la dictature sanitaire instituée en France en mars 2020.

    A ceux qui trouvent le terme « dictature » trop fort, on répondra qu’il décrit mieux la réalité du mode de gouvernement actuel que le mot « démocratie ».

    L’assentiment de la majeure partie des Français à la dictature n’enlève rien à son caractère de impérieux ; depuis plus d'un demi-siècle la France est une monarchie républicaine hypercentralisée, et le parlement joue un rôle symbolique, pour ne pas dire décoratif.

    La crise sanitaire, comme le mouvement des Gilets jaunes auparavant, a eu pour effet de souligner un élément caractéristique de l'organisation politique actuelle, un élément «orwellien» puisqu’il s’agit du rôle crucial joué par les médias. L’assignation des Français à leur domicile et un périmètre de promenade réduit aurait été impossible sans le rôle de "persuasion" de la télévision et de la radio ; l’armée et la police n’auraient pas pu contenir la population française à elles seules.

    On pense ici à «1984» car son auteur y souligne le rôle du mensonge dans la dictature moderne ; celle-ci ne repose pas tant sur la contrainte physique que sur l’adhésion du plus grand nombre aux discours de propagande répétitifs, remplaçant peu à peu la culture écrite.

    On peut parler de fable marxiste car ce que Orwell qualifie de "mensonge" est très proche de l'idéologie combattue par Marx au nom de la science. Les différentes idéologies se justifient les unes les autres, un peu comme « la droite » justifie « la gauche » sur l'échiquier politique français, et vice-versa.

    En effet le nazisme se justifie par rapport au communisme ; le communisme se justifie par rapport à la démocratie-chrétienne (bourgeoisie), et la démocratie-chrétienne se justifie par rapport au nazisme. Tandis qu’en historien, au contraire, Orwell souligne les points de convergence entre les régimes nazi, communiste et démocrate-chrétien ; en effet ce qu’ils ont en commun est plus important que les divers slogans démagogiques qui permettent de les distinguer.

    Orwell accuse de surcroît «les intellectuels» d’être les actionnaires du mensonge, c’est-à-dire de maintenir autant qu’il est possible le peuple dans l’ignorance, au niveau de l’idéologie. Je ne veux pas m’y attarder ici, mais il ne serait pas difficile de démontrer que la télévision et la radio sont avant tout des instruments de manipulation de l'opinion publique, afin de la réduire à une masse la plus malléable possible.

    Certains font observer que la dictature chinoise est beaucoup plus sévère ; peut-être, mais ce genre de comparaison est très difficile à faire ; le nombre de suicides est-il plus élevé en Chine ou en France ? On l’ignore. Quoi qu’il en soit, pour des raisons économiques évidentes, on ne peut plus distinguer nettement la France de la Chine, car une bonne partie des produits de consommation courante vendus en France sont fabriqués en Chine par des esclaves.

    De mon point de vue, la crise sanitaire n’est qu’un aspect de la crise économique qui frappe l’Europe, une réplique de la secousse violente de 2008. La crise sanitaire n’a quasiment de sanitaire que le nom. La paralysie du système hospitalier, d’où découle la décision de placer le pays dans un coma artificiel, faute de réponse appropriée à la situation, est un problème économique et non directement médical. Le système hospitalier tel qu’il fonctionne en France reflète d'ailleurs une conception capitaliste de la médecine, qui touche tous les aspects : l’organisation des hôpitaux, mais aussi les études de médecine et la recherche médicale.

    On pourrait multiplier les exemples concrets à propos de cette médecine qui n’en est pas vraiment une ; je n’en citerai qu’un, ô combien significatif : l’arnaque du viagra à l’échelle mondiale ; il n’est guère difficile de comprendre en quoi et pourquoi la fameuse pilule bleue est un « remède » typiquement totalitaire.

    Disons aussi pourquoi la fable de G. Orwell n’est pas «complotiste», pourquoi elle ne fournit pas une explication et une solution simplistes. Orwell pointe la responsabilité des «intellectuels», ce qui n’implique pas tant une action concertée de leur part, que la faiblesse morale des intellectuels, qui trouvent dans l’idéologie ou le mensonge un certain confort, exactement comme le soldat ne peut pas se passer de «l’esprit de corps», ou les femmes de la «famille». Orwell ne craignait pas l'inconfort intellectuel, ce qui est la marque d'un esprit plus scientifique que militant.

    Les médias et la presse ne forment pas plus que l’armée française un «complot». Ils sont simplement caractéristiques d’une organisation politique où le mensonge, c’est-à-dire la publicité, la substitution du rêve à la réalité, joue un rôle essentiel.

    «1984» ne signale pas tant l’activité politique sournoise d’un parti accaparant le pouvoir qu’il souligne la passivité politique du plus grand nombre, travestie parfois en activisme politique. Les rares dissidents sont considérés et traités comme des grains de sable enrayant la mécanique du pouvoir.

    «Big brother» pourrait aussi bien être une intelligence artificielle, résolvant les problèmes d’organisation, exactement comme si l’espèce humaine était une espèce animale comme les autres.

    *

    Et les chrétiens dans tout ça ? Les chrétiens sont dans une position particulière sous plusieurs rapports. D’abord parce que le mensonge médiatique revêt parfois une teinture ou une coloration chrétienne. La démocratie-chrétienne, qui associe la démocratie à Jésus-Christ au mépris de son interdiction de mêler le Salut aux affaires humaines, n’est que la queue d’un vieux procédé consistant à accommoder la Foi chrétienne aux besoins des élites dirigeantes. La démocratie-chrétienne est avant tout destinée à légitimer le pouvoir de la bourgeoisie.

    Or les chrétiens fidèles sont les mieux placés pour reconnaître cette apostasie et la combattre ; je prétends d’ailleurs que c’est ce que Shakespeare a fait dans de nombreuses pièces, abattant méthodiquement tous les pans de la culture médiévale dans laquelle ce mensonge s'enracine.

    D’autre part, suivant les explications d’Augustin d’Hippone dans son sermon sur la chute de Rome, il n’y a pas de nation ni de ville sacrée sur cette terre pour les chrétiens puisque la « Jérusalem céleste » est la seule terre sacrée des chrétiens, dont la signification est métaphysique.

    La rébellion contre la dictature n’est donc pas plus chrétienne que le soutien à celle-ci. Ces deux erreurs, qui sont comme des pièges tendus par Satan, n’en sont qu’une seule, en fait.

    Rebelles ou obéissants, les gens le sont généralement par nature et alternativement ; nul n’est justifié d’accuser son prochain. Le chrétien ne doit pas craindre d’être traité de lâche par les rebelles ou d’anarchiste par les tenants de l’ordre public dictatorial. La Foi soustrait le chrétien à la folie du monde.

    Le Christ s’est contenté de souligner l’extrême difficulté pour le jeune homme riche d’accéder aux choses spirituelles, et on peut penser que cela vaut plus globalement pour les parties du monde corrompues par une richesse excessive, telle que l’Occident aujourd’hui.

  • S. Weil contre la physique quantique

    La meilleure part de Simone Weil, à mes yeux, est sa critique de la science physique contemporaine. Dès lors qu'on souhaite sincèrement restaurer l'éthique ou la morale commune, selon le voeu de cette essayiste, on doit s'intéresser à la philosophie naturelle, rebaptisée "science physique".

    L’éthique découle en effet de la philosophie naturelle, de sorte que l’on peut dire que lasimone weil,physique quantique,science,einstein,max planck,catherine chevalley barbarie, dans le premier âge du monde ou dans son état de décrépitude actuel, coïncide avec la superstition.

    J'insiste sur la sincérité de Simone Weil car je la considère comme une denrée rare dans les milieux intellectuels, probablement en raison de la façon dont les études universitaires sont organisées en France.

    La critique de Simone Weil, en raison de son parcours scolaire, se concentre sur la physique dite « quantique », nouveau discours sur les atomes, si petits qu’ils ne sont mesurables et l’énergie émise par ces systèmes n’est quantifiable qu’au moyen d’expériences très délicates, où tous les sens humains doivent être suppléés par un appareillage technique sophistiqué. Le discours de la physique quantique est dit « nouveau » car il déduit des expériences menées à l’échelle subatomique des lois contradictoires de celles considérées préalablement valables, à une échelle moins microscopique.

    L’étude de S. Weil, abrégée par sa disparition précoce mais qu'elle entama très tôt, l’a conduite au constat que la science physique quantique n’est pas une science véritable car elle n’existe pas sous la forme d'une vérité exprimée de façon claire et univoque, qui puisse être entendue par des non-spécialistes, ce qui pour S. Weil constitue une exigence scientifique aussi bien qu’éthique. De même n’existerait pas une Histoire du XXe siècle qui se présenterait sous la forme de tableaux enregistrant des données brutes chiffrées, statistiques, s’abstenant d’une description synthétique et raisonnée de ce temps.

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  • Bacon contre Aristote

                Cette note a pour but d’éclairer un épisode majeur de l’histoire moderne des sciences, parfois mal compris. Sur l’importance de cet épisode, je reviendrai dans ma conclusion, en précisant pourquoi le propos de F. Bacon reste novateur, bien que plusieurs siècles se sont écoulés depuis.

    On relève dans les écrits du chancelier Bacon de nombreuses critiques de la philosophie d’Aristote, en particulier dans son « Novum Organum », dont le titre indique un changement de cap par rapport au philosophe et savant grec. Pour filer la métaphore nautique, F. Bacon estime qu’il est temps pour l’homme de se donner les moyens de « franchir les colonnes d’Hercule » du Savoir.

                A travers Aristote, c’est surtout la scolastique qui est visée par F. Bacon, c’est-à-dire la
    francis bacon,science,aristote,novum organum,voltaire,shakespearepensée scientifique dominante de son temps, à laquelle B. reproche de s’épuiser en vaines exégèses de la doctrine philosophique et scientifique d’Aristote.

                En inculpant Aristote plutôt que la scolastique, F. Bacon atténue les coups qu’il porte au savoir académique et ses représentants, afin de ne pas tomber dans un des travers qu’il impute à Aristote, à savoir le goût et l’usage excessifs de la polémique. « La vérité n’est pas, explique F. Bacon, du côté de celui dont les arguments sont les plus convaincants ou qui plaide le mieux. » Telle qu’elle se présente du temps de Bacon, la scolastique est surtout un art rhétorique, dont le contenu scientifique est pauvre et qui entrave le progrès de la science (Bacon explique de façon détaillée comment la dialectique conduit à des erreurs de jugement).

                Un autre péché de la scolastique aux yeux de Bacon est le culte excessif de l’Antiquité gréco-romaine, dont Bacon s’est astreint au long de sa vie à faire un bilan juste, en tirant le meilleur parti de chaque auteur, pour peu qu’il soit digne d’intérêt.

                Pour donner une image, Bacon se comporte exactement comme un affamé qui aurait trouvé une orange dans la rue et s’appliquerait à en détacher les parties pourries pour se réserver les seules encore mangeables ; tel est l’usage que Bacon fait des doctrines antiques ; cette image a l’inconvénient de dissimuler l’effort surhumain accompli par Bacon pour trier le bon grain de l’ivraie en passant au crible les auteurs antiques.

                En comparaison les érudits qui se réclament d’une antique tradition multimillénaire enfouie, dont ils auraient retrouvé la trace dans quelque vieux grimoire, tel un Pic de la Mirandole, un Henry More (ou l’un de leurs successeurs), font penser aux alchimistes qui seraient, à les entendre, sur le point de découvrir la transmutation des corps vils en or, mais se gardent bien d'en donner la recette.

                Le reproche adressé à Aristote vise donc d’abord la méthode scientifique ; la science ne peut donner de véritables fruits sans une bonne méthode selon F. Bacon ; ce principe est admis depuis le XVIIe siècle sans pour autant que la méthode prônée par Bacon, qu'il nomme "induction vraie", ait pour autant fait florès. Sur le plan de la méthode ou du raisonnement scientifique, Aristote était de l’école de Platon.

                Quant aux éléments effectifs ou concrets de la science d’Aristote, bien que B. fasse grief au philosophe et savant grec d’être trop approximatif ou lacunaire, et de ne pas percer ainsi les mystères de la Nature en profondeur, on doit remarquer que B. s’accorde avec le géocentrisme (position centrale de la terre dans l’univers) d'Aristote et Ptolémée, géocentrisme plus conforme à l’expérience que le système héliocentrique (mouvement de la terre) de Copernic, qui constitue le préambule de la théorie de la relativité, c’est-à-dire d’une représentation de l'univers fondée sur le calcul des distances interplanétaires (comme une planisphère terrestre est une représentation algébrique de la terre).

                Pour résumer (à l'extrême) le bilan détaillé du chancelier F. Bacon, disons qu’il estime la science de Démocrite, posant les bases de l’atomisme, meilleure que celle du précepteur d’Alexandre. B. accorde peu à Platon dans le domaine de la science physique ; et à Pythagore il accole toujours le qualificatif de « superstitieux », refusant de le ranger parmi les savants à part entière.

                De l’Egypte il est difficile de parler, dit Bacon ; quant aux Romains, ils ne sont pas doués pour la science, la politique étant l’essentiel de leur part. Sur les Grecs on peut donc prendre un appui, à condition de ne pas considérer le savoir des Grecs comme un sommet.

    *

               Disons maintenant pourquoi ce qui paraît une opposition ancienne à la science scolastique, remontant au début du XVIIe siècle, demeure d’actualité.

                Pour simplifier mon propos, je passerai par le truchement de la philosophie des Lumières, qui un peu moins de deux siècles plus tard introduit Bacon en France (une grande partie du génie de Voltaire consiste à s’être incliné devant Bacon ; sa plus grande erreur est de ne pas s’être penché assez).

                Donc Voltaire, d’Alembert et Diderot ne se rangèrent pas seulement derrière Bacon et son oeuvre de rénovation, mais aussi un peu hâtivement derrière Isaac Newton, qui passe pour le grand savant de leur temps. Or la théorie de la gravitation d’Isaac Newton, largement déduite des travaux de W. Gilbert sur le magnétisme et les aimants, est peu compatible avec le "Novum organum" de Bacon et le processus d'expérimentation qu'il recommande ; le système de Newton est en effet beaucoup trop hypothétique ou lacunaire pour être admis entièrement selon les critères de Bacon. Qu’on me pardonne de m’en tenir à cette remarque pour compléter ma démonstration que, dès le début –tout du moins en France- Bacon n’a eu que des "demi-disciples", si on peut dire ; F. Bacon a ensuite été relégué de plus en plus, pour ne plus servir que de vague référence ensuite.

                Il serait donc abusif de croire ou prétendre que la réforme scientifique de Francis Bacon a produit tous ses effets. Un lecteur attentif du «Novum Organum» se rendra compte que l’état actuel de la science, à l’aube du XXIe siècle, aurait déçu le chancelier, ne serait-ce qu'en raison de l'éparpillement de la science en une multitude de disciplines, et d'une accointance quasiment "médiévale" avec certaines hypothèses farfelues de science-fiction.

    Dans un autre ouvrage, "La Nouvelle Atlandide", F. Bacon énumère tous les fruits à venir de la science empirique : l'avion, la communication à distance, le réfrigérateur..., comme pour dire : - Ce n'est qu'une question de temps avant que ces inventions, dont on peut déjà décrire le principe, ne soient effectives. On ne doit pas confondre la science avec les inventions qui résultent secondairement de l'investigation des phénomènes naturels. Et Bacon a même prévu que, de cette confusion, pouvait résulter une idolâtrie nouvelle, reposant sur les miracles de la science empirique.

                De nombreux développements ou «excroissances» scientifiques contemporaines contredisent même nettement le projet baconien. On pourrait citer de grands noms (par la réputation) de l’épistémologie au cours des deux derniers siècles qui ignorent le projet de rénovation de Bacon ou s’assoient carrément dessus. Autant dire que presque tous le font, car Bacon ne conçoit pas l’épistémologie comme une discipline autonome.

                On peut résumer les caractéristiques «baconiennes» de la science contemporaine aux différents progrès accomplis empiriquement au cours des quatre derniers siècles dans des domaines aussi variés que la médecine, la physique moléculaire ou atomique, la radiophonie, certains modes de transport révolutionnaires, notamment à travers les airs et l’atmosphère de la terre… à condition de faire un bilan de ces inventions, et de remarquer, par exemple, que la médecine paraît régresser depuis une cinquantaine d’années dans de nombreux pays occidentaux.

                D’autre part, et c’est ici le plus important, les inventions technologiques issues de la recherche scientifique ne sont, du point de vue de Bacon, qu’un bénéfice secondaire ; elles ne sauraient en aucun cas constituer le but principal de la science. En effet, suivant la comparaison de la science physique avec un arbre poussant vers le ciel, qui figure le savoir ultime en ce domaine, les diverses branches ou spécialités de la science ne doivent pas trop s’écarter du tronc à peine de ployer excessivement, voire de céder sous leur propre poids, devenant stériles comme sont les arts qui procèdent exclusivement de l’imitation.

                Or la science contemporaine a l’aspect du réseau de branches enchevêtrées qui forme la canopé, non de l’arbre montant au ciel voulu par F. Bacon ; à l'opposé, la scolastique combattue par Bacon en son temps était une ligne droite tirée en partant du sol jusqu'au ciel, mais entièrement théorique et dépourvue de branches et de fruits. Démontrer l'existence de Dieu est de même absolument inutile puisque la distance qui sépare l'homme de Dieu est infranchissable par le moyen de l'intellect.

                D’une grande prudence et loin de croire le progrès scientifique une chose facile, pouvant reposer sur les forces d’un seul, F. Bacon envisage qu’il y aura, au cours du voyage pour franchir la limite des colonnes d’Hercule, accidents et naufrages, déceptions, comme lors du voyage de Christophe Colomb afin de découvrir le Nouveau Monde et permettre la cartographie complète de la terre.

  • Premiers chrétiens ?

    La mode, depuis environ deux siècles, est au retour au "christianisme primitif" ; aux Etats-Unis en premier lieu cette mode s’est fait jour, car la législation laïque de cette nation a permis l’épanouissement d’une multitude de sectes chrétiennes, dont le point commun est la rupture avec la « tradition ».

    Conçue comme un retour au christianisme primitif, aux premières assemblées et communautés chrétiennes, une imitation de leurs rituels et modes de vie, cette mode ressemble à celle des congrégations religieuses monastiques, dont l’âge d’or se situe au moyen-âge, répondant pour beaucoup à une aspiration à une plus grande sincérité.

    Or de ces monastères sont sortis une infinité de théologiens variés, parfois condamnés pour cause d’hérésie par leurs supérieurs hiérarchiques, et d’autre part la science dite « scolastique », pratiquement autonome de la foi chrétienne, et que nul chrétien n’est tenu de prendre au sérieux. Le Messie a condamné la religion juive de son temps, rendue stérile par ses prêtres, invitant à en extirper jusque aux racines ; de même les fruits de la scolastique sont invisibles.

    Le retour au christianisme primitif est un voyage en arrière inutile puisque la religion chrétienne est entièrement tournée vers la fin des temps, le temps dit du « Jugement dernier ». Il est aussi dit que « Les derniers seront les premiers. » (à trois reprises dans l’évangile de Mathieu), paroles divines que l’Apôtre éclaire, au moins en partie, disant que certaines paroles mystérieuses du Messie seront dévoilées seulement à la fin des temps.

    De surcroît le mot « tradition » est un mot qui sonne creux comme un tronc évidé de l’intérieur ; par conséquent il est difficile de rompre avec une chose qui n’existe pas.

    Ainsi que le savant chrétien Francis Bacon en a fait la démonstration, il n’existe pas une mais plusieurs traditions philosophiques antiques, qui se contredisent entre elles ; si une telle tradition monolithique a un jour existé, ajoute ce saint (contre la vanité de certains érudits de son temps), elle a été engloutie et il n’en reste pas de trace utilisable pour soigner la bêtise humaine, « bêtise » au sens de « péché » ; cette démonstration est confirmée par le « flou artistique » dans lequel se réfugient les théoriciens de cette Tradition (Pic de la Mirandole, fin XVe), dont les propos résonnent eux-mêmes comme un tronc creux.

    De ce mirage de la Tradition, la psychanalyse est, par les temps qui courent, une formule courante, qui feint de dévoiler la nature humaine à l’aide d’un savoir exhumé dans l’Antiquité.

    A dire vrai, le contenu scientifique de la psychanalyse, s’il n’est pas inexistant et restaure bien certain savoir antique, est assez mince, bien que des foules entières de personnes crédules accordent un grand crédit à la psychanalyse.

    D’autres sectes ou communautés chrétiennes ont mieux compris que le risque éloignement n’est pas d’ordre temporel, mais vis-à-vis de la Foi, dont le Messie enseigne à ses apôtres qu’elle est la pierre angulaire de l’Eglise, contre laquelle les portes de l’Enfer ne peuvent prévaloir ; l’apocalypse de Jean de Patmos révèle que, très tôt, les sept premières Eglises chrétiennes s’éloignèrent de la Foi selon des mobiles différents pour se rapprocher de « l’esprit du monde », par quoi on caractérise la volonté de ceux qui ont fait le choix de se tenir éloignés de la Foi et de l’Amour, soit qu’ils les méprisent à la manière des anciens païens, soit qu’ils s’en fassent une fausse idée en confondant l’Amour avec l’élan sexuel et la Foi avec la superstition (deux erreurs presque toujours reliées) comme beaucoup d’esprits mondains aujourd'hui.

    A l’athée qui s’étonnerait d’une multiplicité de sectes chrétiennes, prônant parfois des doctrines contradictoires, et serait découragé pour cette raison de s’approcher de la foi chrétienne, je veux donner une explication et un conseil.

    On ne s’étonne pas des dérives et changements de cap nombreux dans la science astronomique et des bouleversements radicaux de perspective qu’elle a connu au cours des siècles, pour ne pas dire des millénaires. Il y a de nombreuses explications plausibles à la persistance de l’erreur humaine à propos de sujet élevés. La foi chrétienne n’est pas moins exigeante que l'art de pénétrer les mystères du Ciel ou les choses de la nature. Les esprits faibles (superstitieux) se contentent volontiers de miracles et s’y arrêtent. On peut faire l’éloge d’un certain athéisme qui ne se contenterait pas de miracles. Ainsi que Jésus-Christ l’a dit, la chair s’interpose entre l’homme et la Foi, comme elle s’interpose entre toute entreprise courageuse et l’homme.

    Quant au conseil il est donné par Jésus-Christ lui-même à ses apôtres de se méfier des discours qui ont seulement l’apparence chrétienne mais trahissent en réalité la Foi. En effet, dès les premiers temps du christianisme, des imposteurs s'emparèrent de la foi chrétienne pour la mettre à leur service ; il y en eût même qui le firent en étant animés d’une bonne intention, mais négligeant son contenu.

    On peut tenir Paul de Tarse pour un authentique promoteur et défenseur de la Foi, d’un accès facile pour quiconque n’appartiendrait pas à une chrétienne.

  • Joie chrétienne ?

    Peut-on parler de "joie chrétienne" ? Y a-t-il quelque chose de réjouissant à se savoir dans la Vérité, tandis joie,chrétien,job,mélancolie,albert dürerque les autres cheminent dans les Ténèbres de l'ignorance ?

    La charité empêche ici de se réjouir de savoir autrui dans les Ténèbres, y compris quand il s'y obstine suivant une pente humaine.

    La plainte du prophète Job adressée à Dieu fait écho à cette question un peu théorique. Loin de se réjouir ou d'être satisfait de son sort, Job envierait plutôt les païens et leurs dieux souvent généreux, pourvoyeurs de dons.

    Sans l'assistance de l'Esprit saint, la Vérité demeure comme un petit trou de lumière au bout d'un tunnel, y compris quand on est chrétien. L'effort de l'Apôtre pour faire comprendre à ses disciples pourquoi seule la Foi sauve, à l'exclusion des oeuvres, n'est ni un mince ni un vain effort ; ce n'est pas un effort caduc non plus, si l'on se fie aux âneries proférées parfois par de soi-disant "chrétiens".

    Un païen au cours de son existence terrestre connaît une certaine quantité de jouissances physiques et une certaine quantité de frustrations physiques dont l'équilibre approximatif et précaire représente à peu près ce que l'on appelle "bonheur".

    Le bonheur et la joie de vivre des chrétiens ne sont pas si différents du bonheur et de la joie de vivre terrestres des païens, dont la pierre angulaire décelée par leur philosophe (Epicure) est la modération. Pour la même raison que l'Apôtre recommande d'accomplir des oeuvres sur cette terre, il est recommandable de cultiver la vertu comme font les païens ou les athées ordinairement, s'efforçant d'être ainsi en bonne intelligence avec la Nature.

    - Comme je l'ai déjà écrit ici : il n'y a aucune raison de voir dans l'aliénation mentale et les délires hystériques qui les accompagnent autre chose que le vice. Les chefs des communautés chrétiennes, à l'instar de Paul, ne devraient pas permettre à tel alcoolique ou tel illuminé de se proclamer "chrétien" ; encore moins soustraire aux autorités civiles des criminels ou délinquants, ce qui revient à préférer la gangrène à l'hôpital.

    Quelques mots sur la mélancolie, par lesquels j'aurais dû commencer. En effet, aussi heureux soit-il, l'athée n'échappe pas à la mélancolie, "humeur" que le peintre érudit Albert Dürer a figurée sous les traits de Satan, ange déchu, entouré d'objets symboliques. De la mélancolie on peut dire qu'elle est le propre de l'homme -les plus belles oeuvres d'art ont toujours un caractère mélancolique, parfois imperceptible au commun des mortels qui préfère la musique à des arts moins légers. La mort a pour effet de conférer aux plus belles oeuvres et aux plus grandes jouissances humaines une légère amertume.

    Le chrétien, lui, n'est pas condamné à la mélancolie, ni sous la forme aristocratique de l'art, ni sous celle, vulgaire et entraînant la déchéance, de l'alcoolisme.

  • Sens chrétien

    ...de l'Ancien Testament.

    Quelques mots d’un copieux ouvrage de Pierre Grelot (1917-2009), érudit catholique (professeur à l’Institut catholique de Paris), dont je reprends le titre pour cette note.

    Judaïsme et foi chrétienne sont parfois amalgamés à tort, ce qui ne vaut pas mieux que l’erreur du célèbre Marcion qui présente la foi chrétienne pour la pierre angulaire d’une religion entièrement nouvelle.

    La démarche de P. Grelot consiste à critiquer la religion juive à la suite de l’apôtre Paul. Que reste-t-il de l’Ancien Testament pour un disciple de Jésus ?

    Une telle démarche critique heurte bien sûr les Juifs, pour qui les prophéties juives ne préparent ni n’annoncent l’avènement de Jésus-Christ, et pour qui la religion juive est réservée aux seuls Juifs, à l'exclusion des païens ; non seulement la foi chrétienne est universelle, donnée à tous les hommes, mais elle leur est offerte directement, sans l'intermédiaire d'un clergé, Jésus-Christ refusant pour cette raison d'être appelé "maître" par ses apôtres.

    La démarche critique de "Sens chrétien de l'Ancien Testament" heurte également les « judéo-chrétiens », qui occultent l’aspect de perfectionnement de la Loi (juive) caractéristique de la foi chrétienne - si caractéristique qu’elle explique la haine farouche du clergé juif contemporain de Jésus pour un prédicateur dont l’enseignement prive le clergé de légitimité.

    On pourrait qualifier le « judéo-christianisme » d’erreur grossière, car elle méconnaît à la fois les exigences des Juifs et celles des disciples du Messie. Néanmoins cette hérésie est très répandue.

    Tandis que l’Apôtre résume de façon concise la Loi de Moïse à un « pédagogue » : « (…) Ainsi la Loi nous servit-elle de pédagogue jusque au Christ, pour que nous obtenions de la Foi notre justification. Mais la Foi venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue. » (Galates 3, 23-25). P. Grelot traite la question de façon quasiment exhaustive ; il explique pourquoi et comment l’Ancien Testament est "préparation" (pédagogie) et "annonce" (prophétie de l’avènement de Jésus), mais aussi les problèmes que l’eschatologie ont posé et posent encore au « monde chrétien », ou encore la signification spirituelle de la « Jérusalem nouvelle », opposée à celle du peuple juif, encore prisonnière des griffes du temps.

    • Qu’est-ce qui empêcha les Juifs de reconnaître en Jésus le Messie que l’Ancien Testament annonçait ?

    C’est ici le chapitre qui m’a le plus intéressé, mais qui est malheureusement le moins clair, le plus intellectuel au sens péjoratif du terme. Le « manque de spiritualité » est la réponse lapidaire de l’Apôtre à cette question, face à des Ecritures saintes juives qui requièrent de comprendre l’esprit caché derrière la lettre.

    On sait que les douze ne comprenaient pas l’enseignement de Jésus pour les mêmes raisons. Ils suivaient sans comprendre, comme des enfants, notamment Simon-Pierre.

    Comme les fables, les écritures juives sont le plus souvent allégoriques. Un esprit trop terre-à-terre, efféminé, ramènera leur sens spirituel à un sens temporel. On voit d’ailleurs que le Messie est assiégé par des questions terre-à-terre - le paiement des impôts, le mariage, le divorce, illustrant le manque d’intérêt du commun des mortels pour les choses spirituelles.

    La difficulté des Juifs à comprendre le sens spirituel de la Loi et des prophéties juives se traduit par la multiplication des rituels. Les rituels, qu’ils soient religieux ou profanes, trahissent toujours un degré plus ou moins élevé de superstition (et donc d'athéisme). Ils sont synonymes dans le Nouveau Testament de la stérilité de la religion des pharisiens.

    Les chrétiens rencontrent aussi cette difficulté d’interprétation, bien que les paraboles du Messie heurtent de plein fouet l’ordre naturel des choses et que le Messie rappelle la faiblesse de la chair.

    NB : Je n’ai pas été gêné à la lecture de cet ouvrage par le « dogme catholique », c'est-à-dire par certaines interprétations du Nouveau Testament contestées par d’autres chrétiens ; cette guerre rend sans doute pour les païens la compréhension du « monde chrétien » difficile, bien que la Bible leur soit accessible directement.

  • Pourquoi Shakespeare ?

    Léon Bloy (1846-1917) est l'auteur de pamphlets virulents contre la bourgeoisie en général et la bourgeoisie catholique en particulier, dont les mondanités le révulsent ; ces mondanités chrétiennes attestent du règne de Satan sur les esprits et les coeurs.

    La presse catholique ("L'Univers" et son directeur Louis Veuillot) est la cible de Bloy, qui lui reproche d'entretenir cet esprit mondain, contraire à la Foi et la Charité. Lui-même journaliste, Bloy rêve d'une presse catholique plus combative, mais son style pugnace heurtait la susceptibilité de ses confrères et du milieu littéraire.

    Le rôle du journaliste chrétien selon Bloy est de confronter l'actualité, du fait divers jusqu'aux événements politiques majeurs, à la révélation chrétienne, autrement dit l'apocalypse, récit prophétique du recul du monde et ses actionnaires face au progrès de la Vérité divine.

    Cette définition du journalisme correspond assez à "l'entreprise Shakespeare" ; Shakespeare a l'audace de raconter le choc d'une violence inouïe entre la volonté humaine et la Vérité divine, et les répercussions tragiques de ce choc, les convulsions qu'il entraîne, aussi bien dans les pièces dites "historiques" et celles qui ont le caractère de fables ou de mythes.

    Quelques critiques littéraires ont reproché à Shakespeare d'introduire la comédie dans la tragédie et l'altérer ainsi. Cela revient à introduire l'homme du peuple dans un cercle aristocratique, mais aussi à résumer "l'homme moderne" à un personnage de comédie, jouant dans une pièce écrite à l'avance.

  • Autour du nombre 666 (2)

    Billet en réponse à une objection faite à l'interprétation du "nombre de la bête" comme un nombre désignant le "calcul humain" et non un homme en particulier (Hérode, Néron, l'évêque de Rome, Hitler...).

    Pour replacer l'objection dans son contexte, on peut lire la note contestée, ainsi que l'interprétation attribuée à Tresmontant.

    - Le débat a lieu depuis les premiers temps du christianisme de savoir si la vision apocalyptique de Jean a une valeur limitée aux premières années de l'Eglise ou si elle a une portée plus large, eschatologique.
    Je penche pour la deuxième interprétation, pour plusieurs raisons : la principale est que les avertissements contenus dans l'apocalypse de Jean coïncident avec ceux contenus dans l'apocalypse de l'Apôtre (Paul) et les avertissements du Messie lui-même.

    Les chrétiens qui négligent l'apocalypse de Jean, négligent en général aussi l'enseignement de Paul (qui dissuade de croire que l'on peut obtenir le Salut en accomplissant de "bonnes oeuvres").

    - Une raison complémentaire est le caractère symbolique ou mythologique de l'apocalypse de Jean, qui est une formule littéraire "conservatoire", faite pour durer.

    On ne voit pas bien pourquoi la vision de Jean annoncerait un événement proche d'une manière symbolique, difficile à comprendre ("bête de la mer", "bête de la terre", "cavaliers de l'apocalypse"...). La vision du prophète Daniel décrit aussi des événements très lointains à l'échelle humaine, vision qui présente de nombreuses analogies avec la vision de Jean.

    Pour ces raisons (et d'autres encore expliquées dans ce blog), je ne crois pas que le nombre 666 désigne un homme en particulier, satan,apocalypse,jean,666,christianisme,tresmontant,paul,shakespearebien qu'il soit tentant comme cela a été fait pendant des siècles de démasquer tel ou tel : Hérode, Néron, Hitler...

    Je penche du côté des interprètes qui voient dans le nombre 666 l'indication d'un "déterminisme" ou d'une volonté humaine. Comme je l'explique dans un petit essai, l'oeuvre à caractère mythologique de Shakespeare dévoile la signification du nombre 666, "qui est un nombre d'homme", tout spécialement "Roméo & Juliette".

  • Du Totalitarisme

    Pour un disciple de Karl Marx, le "totalitarisme" peut se définir comme la formule chrétienne de la dictature.

    K. Marx a ainsi immédiatement dénoncé les "Droits de l'homme" comme une ruse bourgeoise impérialiste ; "bourgeoise" c'est-à-dire chrétienne.

    K. Marx écrit ainsi : "La démocratie est à tous les autres régimes politiques ce que le christianisme est à toutes les autres religions."

    K. Marx sait-il que le "christianisme" dont il parle est satanique, contrecarrant l'avertissement divin : "Mon Royaume n'est pas de ce monde." ?

    Intéressons-nous plutôt à Shakespeare, vers qui Marx remonte comme Freud remonte à Platon.

    - Shakespeare est à la fois plus difficile et plus simple que Marx. Plus difficile, car notre époque en proie à l'intellectualisme a pris ses distances avec les récits mythologiques qui formaient le socle de la culture et de la sagesse antiques.

    La culture bourgeoise est une culture romanesque, privée de mythologie... Shakespeare est isolé au sein de la culture bourgeoise comme Hamlet est isolé au Danemark.

    On peut définir l'art de Shakespeare comme l'inverse de l'art cinématographique ; Shakespeare n'a rien de fascinant. La culture et la critique littéraires bourgeoises ont donc creusé un fossé entre Shakespeare et l'homme moderne.

    Cependant Shakespeare est plus simple que Marx car la mythologie va à l'essentiel. Shakespeare est beaucoup moins démonstratif que Marx. Shakespeare se débarrasse de l'intellectualisme en le caricaturant sous les traits de Polonius et en l'expédiant dans l'au-delà d'un coup d'épée.

    Il y a de nombreux points de correspondance entre Homère et Shakespeare, néanmoins Homère n'a pas connu la Révélation ; il n'a connu que l'Ancien testament.

    Francis Bacon explique d'où le mythe tire sa force et pourquoi il n'est pas démodé. Le théâtre de Shakespeare s'avère l'oeuvre laïque chrétienne la plus anticléricale de l'Occident moderne. Il est difficile de ne pas y voir la main de F. Bacon.

    - L'athée Georges Orwell a donné dans la fable "1984" une description assez précise du gouvernement totalitaire. Cette fable souligne le rôle décisif joué par les intellectuels dans la dictature socialiste de "Big Brother". Les intellectuels contribuent notamment à élaborer une "culture-opium" et à concevoir la "novlangue", qui ramène le langage humain au niveau d'un simple outil de communication animal.

    La foi chrétienne dispose mieux que l'athéisme à voir dans le totalitarisme un satanisme, c'est-à-dire non pas une simple dictature destinée à assurer la domination d'une petite élite sur une majorité d'hommes soumis (dans ce cas la dictature ne se présenterait pas sous la forme paradoxale ou complexe décrite par Orwell), mais un régime disposé et orienté contre la foi chrétienne, c'est-à-dire contre la Révélation.

    Bien qu'il soit athée, la réaction d'Orwell s'explique (il l'explique lui-même ainsi) par sa volonté de ne pas sombrer dans la folie ; Orwell est conscient qu'il n'y a pas de raison humaine autonome.

    La "Vérité", avec tout ce qu'elle suppose d'ardu et de risqué pour l'homme, a pour Orwell comme pour Marx une importance capitale.

  • Signes sinistres des temps

    simone weil,totalitaire

    "La politique m'apparaît comme une sinistre rigolade." Simone Weil.

    La politique au stade totalitaire où nous sommes rendus a en effet une dimension "bouffonne" proche de la physique quantique (dont S. Weil a dénoncé par ailleurs l'ineptie). Cette dimension bouffonne n'enlève rien à la férocité du totalitarisme nazi, communiste ou démocrate-chrétien.

    Et ce n'est pas faute d'avoir essayé, car Simone Weil s'est jetée à peu près dans toutes les impasses idéologiques, progressistes comme réactionnaires, avant de faire ce constat.

    Au stade totalitaire, l'homme politique est un démagogue qui manipule les foules, mais qui n'a lui-même que peu de prise sur les domaines où il prétend régner. Qu'est-ce que Hitler en comparaison de la puissance technologique de l'Allemagne et son besoin d'expansion ? Lorsque Lénine compare a posteriori son gouvernement à celui de Louis XIV, également meurtrier et absolutiste, n'est-ce pas une façon de mesurer sa faible marge d'action ?

    La foi chrétienne rend particulièrement lucide sur les oeuvres humaines, politiques ou artistiques : leur inachèvement, leur imperfection, leur conditionnement par le péché...

    La foi chrétienne rend aussi particulièrement attentif et hostile à cette tentative de vider la foi de son sens, qui se nomme "démocratie-chrétienne" et ne fait que prolonger la doctrine satanique du salut par les oeuvres. L'apostasie sort du sein de l'Eglise comme le pharisaïsme est sorti du clergé juif.