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Lapinos - Page 107

  • Climat d'apocalypse

    Toute éruption volcanique ou tremblement de terre, surtout quand il a lieu au cours de la Semaine sainte non loin de Rome, la marraine des nations, ne peut que contribuer à entretenir le climat présent d'apocalypse.

    Ce ne sont pas les romans ou les films apocalyptiques qui manquent en effet en ce moment, liés au changement de climat ou au nouveau millénaire, apparemment. J'ai déjà dit ici à quel point les thèses de Maurice Dantec, lèche-cul capitaliste, me paraissent ineptes et fournir des arguments à ceux qui tentent de tourner le Nouveau Testament en dérision. Travesti le plus souvent en suppôt de Satan, Dantec doit d'ailleurs avoir pas mal de lecteurs au sein de chapelles satanistes à qui le développement de la sous-littérature dite "de science-fiction" doit beaucoup.

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    Dans le style "emberlificoteur" de Dantec, on peut citer aussi le feuilleton yanki 'Lost-away' ('Les Disparus', de J.J. Abrams & Damon Lindelof, produit par la chaîne ABC et diffusé en France par TF1), feuilleton qui relègue les prophètes et saint Jean auxquels il se réfère au rang du divertissement pour enfants gâtés.

    Vision d'ensemble de l'histoire ramassée en quelques pages, l'Apocalypse de saint Jean est extrêmement synthétique et donc parfois mystérieuse ; mais cela n'empêche pas l'Apocalypse d'être aussi d'une très grande cohérence dans ses rappels des prophéties de l'Ancien Testament et des phases de la vie de Jésus, contrairement à Maurice Dantec ou aux scénaristes de "Lost", qui font tout pour brouiller les cartes.

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    Mircéa Eliade relève bien le rôle des prophètes puis de saint Paul et saint Jean dans la formation de la pensée historique moderne. Mais son erreur, typiquement "laïque", tient à ce que Eliade oppose beaucoup trop radicalement l'histoire au mythe, alors même que certains mythes grecs possèdent un aspect historique marqué, notamment ceux d'Homère, que Shakespeare-Bacon après Dante Alighieri a incorporé à sa propre vision chrétienne apocalyptique, dans le style typique de la théologie néo-platonicienne dite "millénariste" par ses détracteurs.

    La Bible en général, et l'Apocalypse en particulier, concilient justement le mythe et l'histoire.

    D'où vient le préjugé laïc d'Eliade ? D'une conception chronologique de l'histoire, alors même que la caractéristique des grands historiens, Karl Marx en tête, est d'échapper à la chronologie, qu'elle soit linéaire ou cyclique. Marx fait d'ailleurs bien mieux qu'échapper à l'ordre chronologique ; en s'attaquant aux puissances temporelles, l'Etat et la religion laïque issue du christianisme, il parachève le style historique en participant lui-même de sa vision historique (G.W.F. Hegel, lui, si admiré, si "pompé", n'est même pas un historien !)

    Le 'cycle' simule en réalité lui aussi la chronologie, et ce sont bien au contraire les mythes primitifs les plus anciens qui sont les plus "moraux" et les plus "chronologiques" (Nitche a commis la même bévue qu'Eliade ; il faut souligner que le secret de la bévue de Nitche réside dans son ignorance ne serait-ce que de la trame de l'histoire). S'il convient de qualifier l'apocalypse de saint Jean de "mythe historique", précisons en outre que G.W.F. Hegel précède Hitler, Nitche ou Lévi-Strauss dans la mythomanie laïque d'inspiration génitale.

    Il y a une autre façon de le formuler : Plus on s'approche de l'art vrai, plus on s'approche de l'histoire et de l'apocalypse ; plus on s'éloigne de l'art, plus on s'approche en revanche de la sorcellerie. Il n'y a aucune modestie dans la révérence de la secte laïque vis-à-vis des civilisations primitives ; l'attraction est de l'ordre du magnétisme. L'hommage que Lévi-Strauss rend au tribalisme, c'est en réalité à lui-même qu'il le rend. C'est autre chose de dire qu'un sorcier vaudou est plus émouvant qu'un membre de l'Académie française. Il est certain que lorsque le tribalisme se donne à fond, il est plus émouvant, plus féminin. Les fétiches des Dogons sont plus émouvants que ceux de Jeff Koons, ça ne fait aucun doute. C'est bien parce que le tribalisme de Sarkozy et de Guaino est extrême que leur position de donneurs de leçon est intenable, outre le racket capitaliste dont le tiers-monde est victime.

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    On pourrait multiplier les exemples de sous-littérature apocalyptique, au rayon SF de la Fnac ou à l'affiche des cinémas. Peut-être la fortune accumulée par les Evangélistes yankis n'est-elle pas étrangère à ce tombereau de niaiseries cinématographiques qui dévaluent l'aspect historique de l'apocalypse ?

    Sur le ouaibe sont publiées des théories qui ont le mérite d'être plus originales que celles que la sous-culture officielle développe. En vrac quelques exemples de thèses assez "fouillées" par leurs auteurs :

    - La démonstration par l'héraldique que le Prince William d'Angleterre est l'envoyé de Satan (il est vrai que la mythologie bretonne, contre laquelle Bacon-Shakespeare se bat, a de nombreuses connotations sataniques, le mythe des Chevaliers de la Table Ronde et du graal en particulier) ; l'Angleterre après Shakespeare est devenue "latine" peu à peu, après avoir été touchée par l'"héllénisme", contrairement à l'Allemagne qui ne l'a jamais été ; la difficulté de la science laïque à "situer" François Bacon vient de là, de ce qu'il est un sommet et qu'après lui, avec J. Locke ou D. Hume, l'humanisme retourne à la caverne.

    - La démonstration par la guématrie que Benoît XVI, cette fois, obéit au Prince des Ténèbres (par un admirateur de Blaise Pascal, ce qui m'incite à prendre la démonstration avec des pincettes, comme tout ce qui touche à l'idiot archaïque de Clermont-Ferrand. M. Luther, moins superstitieux que B. Pascal, vit lui aussi dans la papauté une entreprise diabolique, et rien n'indique que Luther souhaiterait aujourd'hui être "réhabilité" par l'Eglise catholique.) ;

    - La démonstration que New York est la "nouvelle Babylone" sous prétexte que de nombreuses nationalités y sont réunies et que la communauté grecque y est importante (?) ;

    - La démonstration que Barak Obama est l'envoyé de l'Esprit-saint (Vu le nationalisme yanki de Barak Obama, et la condamnation sans appel des nations dans l'Apocalypse, cette théorie semble plutôt bancale ; l'alliance souhaitée par l'Allemagne et les Etats-Unis avec la Turquie a tout l'air d'une stratégie d'attaque contre les Russes.) ;

    - La démonstration que le soleil est entré dans une phase d'activité et de rayonnement plus intense, d'ordre apocalyptique, et qui doit atteindre son maximum autour de 2012 ; certains climatologues pensent de fait que, loin d'accélérer le réchauffement, la pollution atmosphérique le ralentirait plutôt ; difficile de trancher étant donné le brouillard médiatique autour de cette question ; aucun des camps, "pour" ou "contre", ne paraît d'ailleurs atteindre le minimum scientifique requis comme la superstition laïque dans l'"effet papillon" l'établit assez ; l'"effet papillon" n'est autre que la poésie des imbéciles laïcs ;

    Ces diverses théories "underground" peuvent paraître au moins aussi étranges que les méli-mélo et le vortex de Dantec ou le divertissement "Lost" ; le plus bizarre est à mes yeux le mutisme de l'Eglise catholique sur le sujet de l'apocalypse, quand ce n'est pas carrément la condamnation de la théologie "millénariste" qui a donné pourtant à l'Eglise, sans remonter jusqu'à Joachim de Flore ou Dante Alighieri, les plus dynamiques impulsions. Si la scolastique ne possède pas d'ailleurs toujours le même dynamisme, c'est surtout en raison du cléricalisme et du monachisme sévères qui règnent encore au XIIe et au XIIIe siècle.

    Que sont les confidences de parloir de sainte Thérèse de Lisieux ou l'hystérie étrange de Thérèse d'Avila, les pirouettes de Jean Guitton, à côté de la science de François Bacon alias Shakespeare ? Les invectives de Léon Bloy font-elles peur au clergé ? Simone Weil est-elle beaucoup trop indépendante pour des Eglises sous la coupe de potentats locaux ou internationaux pour qu'on veuille lui enfiler une camisole, comme Polonius à Hamlet ?

     

  • Le pape et moi (2)

    La lettre d'excuse du 13 mars traduit donc l'ignorance de la part du pape, ignorance assez invraisemblable, que le langage médiatique, de la 'communication', n'est pas un langage de vérité mais un langage de séduction, et que sur le plan intellectuel la plupart des journalistes sont des escrocs au service de partis ou de cartels (la charité au contraire est "immédiate"). L'Eglise a inventé la propagande qui se retourne désormais contre elle.

    Si l'Eglise catholique est exclue complètement de la tribune médiatique pour telle ou telle raison, les pauvres seront les derniers à venir le lui reprocher puisqu'ils se sentent eux-mêmes exclus et incompris des puissances d'argent.

    *

    La clef de cette réaction du pape est un petit paragraphe sur l'antisémitisme, assez affligeant lui aussi il faut bien le dire. Le pape y entretient le mythe d'une discorde entre catholiques et Juifs, discorde qu'il affirme s'être efforcé "depuis le début" d'éteindre.

    Cette obsession du rapport entre Juifs et chrétiens tient sans doute au fait que le pape est allemand. On sait qu'en Allemagne depuis la fin de la seconde guerre mondiale la question de l'antisémitisme est un véritable "enjeu de propagande" et que la société civile allemande s'est efforcée de se racheter autant que possible par des déclarations multiples de repentance et le versement de dommages-intérêts à l'Etat d'Israël.

    Mais il n'y a que Benoît XVI ou Michel Onfray pour poser l'équation entre le régime laïc et républicain national-socialiste et... le christianisme ?? On peut comprendre qu'un militant laïc comme athée fasse semblant d'ignorer que les guerres mondiales à répétition depuis la fin du XIXe siècle ne sont pas des guerres de religion, ou qu'il travestisse le dernier conflit mondial en une guerre entre chrétiens et Juifs, mais de la part du pape le raisonnement surprend.

    Pour prendre le cas français du régime de Vichy, sa devise "Travail, famille, patrie", non seulement n'est pas particulièrement chrétienne, mais elle est même complètement païenne dans la mesure où le travail comme la famille ou le patriotisme constituent souvent de véritables obstacles entre Dieu et les hommes ; ils sont d'ailleurs dénoncés comme tels dans le Nouveau Testament où les apôtres quittent tout pour suivre Jésus, y compris leur travail et leur famille. A toutes les manifestations de patriotisme, vertu juive archaïque, le Messie rétorque que "son Royaume n'est pas de ce monde".

    On peut regretter qu'il y ait eu des prêtres pour "bénir" le régime de Vichy, mais on peut bien hélas trouver des prêtres pour bénir n'importe quel régime, y compris des entreprises capitalistes impérialistes aujourd'hui, bâties sur la sueur et le sang des pauvres du tiers-monde.

    La théorie du complot chrétien contre les Juifs non seulement ne tient pas debout, mais elle dessert en outre autant les Juifs que les chrétiens.

    Par ailleurs lorsque des Français sont venus en aide à des Juifs traqués pendant l'Occupation, comme mes grands-parents, ils n'ont pas considéré la religion ou la race mais la situation périlleuse de ces gens ; ils auraient pu tout aussi bien être belges ou bouddhistes, ça aurait été la même chose. "A contrario", ceux qui se sont abstenu d'intervenir quand ils auraient pu, furent surtout mûs par la trouille ou une conscience du danger plus grande (en ce qui concerne mes grands-parents, ils m'ont confié n'avoir vraiment pris la mesure des dangers qu'ils couraient en cachant des enfants juifs qu'après coup).

    *

    L'"antisémitisme" de théologiens comme Léon Bloy ou Bernanos, Balzac, sans remonter jusqu'à saint Jean Chrysostome, tient au fossé entre la religion chrétienne et la religion juive, fossé qui est bien mieux résumé par Pierre dans les Actes des apôtres que dans les sermons de la curetaille démocrate-chrétienne actuelle qui ferait bien de se rappeler que "ce qui sort de sa bouche, voilà qui souille l'homme" (Mt, 15,11) :

    "Israélites, écoutez ces paroles : Jésus de Nazareth, homme que Dieu a accrédité auprès de vous par les miracles, les prodiges et les signes que Dieu a faits par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes ; lui, livré selon le dessein arrêté et la prescience de Dieu, que vous avez fait mourir en le crucifiant par la main des impies, Dieu l'a ressuscité, déliant les liens de la mort, parce qu'il n'était pas possible qu'elle le tînt en son pouvoir.

    (...) Or, en entendant cela, ils [les israélites] eurent le coeur transpercé, et ils dirent à Pierre et aux autres apôtres : 'Frères, que ferons-nous ?' Pierre leur dit : 'Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour la rémission de vos péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit, car la promesse est pour vous, et pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, autant qu'en appellera le Seigneur notre Dieu. (...)" (Actes, II, 22-40)

    L'"axe théologique" des médiats, "Le Figaro", "Le Monde" et "Libé" en tête est essentiellement de dissimuler l'exploitation impérialiste du tiers-monde en fabriquant de toute pièce des saints laïcs. On ferait mieux de s'interroger sur l'activité pendant l'Occupation des cartels qui financent la presse et que l'antisémitisme préoccupe tant. Que faisaient les avionneurs français, les industriels de l'automobile alors ? Pour le compte de qui travaillaient-ils ? Est-ce qu'on peut vraiment prendre la morale d'Alain Juppé, celle de Michel Drucker, de Julie d'Europe 1, de Finkielkraut, de Philippe Val, bref de tous les porteurs de pin's, au sérieux ?

  • Résurrection

    "Le Capital est mort, vive le Capital !" : sur les ondes radio ce matin, de jeunes clercs enthousiastes annoncent la naissance d'un nouveau petit veau d'or tout neuf. "Jouez hautbois, résonnez musettes, chantons tous son avènement !"

    Sainte Ethique, sa marraine, n'a pas manqué de se rendre au baptême et de faire un petit discours.

    Tout a déjà été annoncé par le prophète Paul Lafargue dans "La Religion du Capital". Tel au chapitre des "devoirs du capitaliste", le n°23 : "Le capitaliste ne se mêle pas aux parlotages sur le libre-échange et sur la protection : il est tour-à-tour libre-échangiste et protectionniste suivant les convenances de son commerce et de son industrie."

    Ou le n°24 : "Le capitaliste n'a aucun principe : pas même le principe de n'avoir pas de principes."

    Il y a entre Alphonse Allais et Paul Lafargue comme une sorte de virage dans l'humour français.

     

  • Ma méthode de lecture

    Vu que j'ai choisi comme axe de mes études la confrontation entre les eschatologies laïques du XIXe siècle (Hegel et Marx) et l'apocalypse de saint Jean, l'ouvrage de Mircéa Eliade intitulé "Le mythe de l'éternel retour" retient mon attention. J'en profite pour donner ma méthode de lecture :

    - Du fait qu'Eliade cite à plusieurs reprises le philosophe nazi Heidegger (dénazifié pour blanchir Sartre de lui avoir emprunté quelque gadget), je peux déduire que je ne tirerai rien de bien substantiel d'Eliade. Le problème d'Heidegger n'est pas en l'occurrence qu'il soit nazi, mais qu'il confonde à peu près Aristote avec Epicure, ce qui pose un problème majeur puisqu'on peut considérer ces deux philosophes grecs comme antinomiques.

    Or la Grèce a connu un progrès du mythe de l'Eternel retour vers la dialectique, avant de revenir à l'Eternel retour. Comment Eliade peut-il comprendre clairement une telle évolution dans ces conditions ?

    - Et je constate rapidement qu'Eliade prend conséquemment au sérieux l'"existentialisme", qui n'est rien d'autre que la morale capitaliste ou laïque, ce dont Eliade ne semble pas dupe mais qu'il n'énonce pas clairement.

    Un toubib me disait un jour que les aborigènes d'Australie n'ont pas de lombalgies parce qu'ils ignorent la définition de la lombalgie ; de la même manière, quiconque vit sous la pression constante d'un pouvoir quel qu'il soit ignore que son existence relève de l'existentialisme chrétien/athée/juif/musulman/sucré/amer.

    - Eliade souligne que le mythe de l'éternel retour a un effet psychologiquement rassurant dans les civilisations primitives, un peu comme le nationalisme ou le patriotisme rassurent, c'est moi qui précise ici, en procurant l'illusion aux individus qu'ils partagent avec un vaste groupe -armé et puissant-, un même "karma" (tant que ces enfants ne sont pas eux-mêmes dévorés par leur mère-patrie). De même le mythe de l'éternel retour est-il un peu inquiétant vers la fin, comme les propos du journaliste-philosophe P. Muray le prouvent ; et les drogues plus ou moins dures complètent utilement l'existentialisme.

    Si Malraux, par "religieux" voulait dire que le XXIe siècle serait "sectaire", il ne s'est pas trompé ; mais ce n'est que le corollaire de la force centrifuge du capitalisme : à l'intérieur de la grande nef étatique glaciale se forment de petites chapelles pour ne pas mourir de froid. Le tribalisme laïc est à une échelle différente. Le sous-bassement de ces chapelles est souvent beaucoup plus instinctif qu'on croit ; il n'y a pas que les gays qui s'associent en fonction de leurs appétits sexuels ; les partouzeurs vont avec les partouzeurs, les continents avec les continents, ce qui ne le sont qu'à-demi ensuite, etc. Plus la spiritualité est mise en avant, plus on peut craindre que ce soient de vils mobiles qui gouvernent en réalité ces contrats sociaux secondaires.

    - C'est donc à faire ressortir le véritable caractère de la pensée dite "historique", opposée aux mythes de l'éternel retour, qu'Eliade se montre impuissant, commettant la grossière erreur de qualifier l'existentialisme d'"historicisme", alors que celui-ci nie au contraire l'histoire. Eliade n'a pas vu que la pensée historique de Hegel n'en est pas une mais reste ancrée dans le byzantinisme allemand. L'erreur d'Eliade est ici d'autant plus grave que Marx, déjà, l'avait relevé.

    - Malgré l'avertissement d'Aristote cette fois, Eliade oppose le "cycle païen", "indo-aryen" à la "ligne historique". Qu'elle soit cyclique ou linéaire, une idéologie est une idéologie et renferme forcément un paradoxe. Si seulement Eliade avait lu Aristote plutôt que les conneries d'Heidegger (d'autant plus vicelard qu'il rend hommage à la "Physique" d'A.). La ligne n'est qu'une portion de cercle. Seul les crétins nullibistes yankis, Riemann, Beltrami, Einstein et "tutti quanti" peuvent croire qu'ils ont approfondi Euclide ou Aristote quand ils ne font qu'effleurer sa surface.

    Eliade aurait dû dire plus nettement que l'éternel retour et l'histoire ne sont pas opposés comme deux idéologies. Ce qui les oppose est ce qui oppose l'artifice à la nature. Le créationnisme d'Aristote contient bel et bien une pensée historique. Quant à Homère, si le théologien "millénariste" François Bacon (alias Shakespeare) l'a récupéré, c'est bien parce que "L'Iliade" et "L'Odyssée" ont un caractère apocalyptique et historique. 

    - Pour résumer : Mircéa Eliade critique le mythe de l'éternel retour seulement dans la mesure où il est lui-même sous son emprise. Autrement dit, il est impossible de concevoir une pensée historique qui ne soit pas théologique. Et, à l'inverse, une théologie qui se mélange au mythe de l'éternel retour n'est pas une théologie mais une généalogie déguisée en théologie. Là où l'erreur quasi-algébrique d'Eliade est encore perceptible, c'est qu'on voit bien que la pensée marxiste, conçue comme une pensée linéaire, demeure statique et finit par retomber au niveau idéologique de Hegel : c'est Althusser ou Balibar.

     

  • Histoire télévisée

    La chaîne d'Etat "Arte" diffuse et rediffuse un documentaire autour d'un vieil officier de la SS, réfugié en Espagne et qui continue de nier obstinément la choa.

    On peut penser que la tradition jacobine française explique en partie la loi Fabius-Gayssot, cas de censure étatique assez isolé à une époque où il est devenu "interdit d'interdire" en principe, et où le pouvoir dispose par l'intermédiaire des médiats qu'il contrôle directement ou indirectement d'un pouvoir de filtre et de censure bien plus efficace que les vieilles méthodes napoléoniennes terroristes. La liberté de nier la choa aux Etats-Unis s'explique par le fait qu'ils sont persuadés de n'y avoir aucune part. Bien que Madrid soit une ville boche, les Madrilènes ne se sentent pas coupables non plus.

    Pour une fois il ne s'agit pas d'un reportage de pure propagande sur "Arte", comme le documentaire de Prieur et Mordillat autour de l'apocalypse de saint Jean récemment, qui ne faisait pas dans la dentelle en opposant la vision de saint Jean à la théologie de saint Paul (!) ; ou encore l'éloge de l'art contemporain capitaliste sans aucun recul critique.

    De fait, cet ancien officier SS peut apparaître comme un pur imbécile qui continue de nier l'évidence, lorsqu'un ancien déporté lui présente par exemple d'anciennes photographies montrant des monceaux de cadavres de prisonniers. Il se défend en prétendant que les photographies sont truquées. Mais dans ce cas, comment ce SS justifie-t-il sa participation à un documentaire télévisé, qui relève du même procès de preuve que la photographie ? C'est illogique.

    L'équilibre du documentaire vient de ce que le téléspectateur peut constater le calme de cet ancien SS accusé d'être un tortionnaire et qui n'est pas agité de tics lorsqu'on le soumet à des questions gênantes sur son ancien métier. Le téléspectateur peut donc se dire qu'après tout l'hypothèse d'un officier imbécile qui, du fait de cette imbécillité, n'aurait même pas vu les coups et les mauvais traitements infligés aux prisonniers, cette hypothèse est plausible tant le Boche a l'air d'être enfermé dans la tour d'ivoire de son honneur et de son patriotisme.

    Idem lorsque la fille d'officier supérieur franquiste qui l'accueille lui révèle soudain qu'elle a des origines juives (cette séquence relève presque du gag, mais ça semble involontaire) ; cette révélation ne fait apparemment ni chaud ni froid à la vieille baderne nazie qui fait penser au collectionneur de papillons Ernest Jünger (à ce détail près que ce dernier s'est au contraire prévalu d'avoir trahi Hitler en fin de compte).

    Mais même si ce documentaire laisse les différents protagonistes s'exprimer assez librement (seule la voix française qui "double" l'officier allemand est caricaturale, exagérément démoniaque), on ne peut pas se satisfaire d'une Histoire télévisée, quel que soit le sujet : Hitler, Staline, les croisades, l'apocalypse, quel que soit le sujet, le documentaire historique constitue un recul important des études historiques. Quel que soit son sens, qu'il nie la choa ou au contraire qu'il l'affirme, le témoignage d'un ancien officier des Sections de Sécurité est irrecevable. Il y a trop de raisons d'ordres divers qui peuvent pousser un soldat allemand à se disculper ou, au contraire, à s'accuser. Et le côté "bête de foire" qu'on exhibe (le vieillard continue de fêter l'anniversaire d'Hitler) de ce documentaire est quand même assez troublant.

    L'Allemagne nazie et le régime de Vichy ont d'ailleurs eux-mêmes largement utilisé le procédé cinématographique au service de leurs régimes iniques. Sans compter les Etats-Unis qui se sont carrément blanchis de leurs crimes contre l'humanité, les bombardements atroces en Normandie, sur les villes allemandes, au Vietnam à l'aide du napalm, au Japon, en Irak plus récemment, par le biais du cinéma, procès qu'ils ont porté au rang de l'art pour le rendre encore moins discutable. Alors même que le cinéma possède toutes les caractéristiques de la fiction.

  • Théorie de la relativité

    Peut-on lire Blaise Pascal ou Montaigne après avoir lu François Bacon ? Je m'y suis efforcé la semaine dernière, mais rien à faire ; même si l'on s'en tient au style, je trouve que Pascal ne vaut pas la Rochefoucault, dont les pensées de jurisconsulte romain mélancolique ne me font déjà pas beaucoup bander. Probable que c'est parce que La Rochefoucault est un athée plus sincère que Pascal qu'il a plus de style. Pascal balance trop.

    Quant à Montaigne, comme le titre l'indique, ce ne sont que des "essais". Il faut pour trouver une perle ouvrir beaucoup trop d'huîtres vides. L'idée qu'il puisse y avoir des "moralistes chrétiens" n'est acceptable que pour un janséniste et elle est aussi farfelue que l'idée qu'il puisse y avoir des romanciers catholiques. Evelyn Waugh tenait à cette étiquette d'"écrivain catholique", mais il ne l'est pas plus que L.-F. Céline, ce qui n'est déjà pas si mal. Waugh comme Céline valent d'ailleurs pour n'avoir pas ou peu versé dans l'"existentialisme", c'est-à-dire pour s'être tenus à l'écart d'une morale officielle qui doit autant, si ce n'est plus, à Pascal qu'à Voltaire ou Rousseau.

    Quand François Bacon ressuscite le théâtre grec "in extremis" sous le nom de Shakespeare, Montaigne fait, lui, l'apologie des systèmes métriques romains. Les meilleurs d'entre les Boches sont français. Montaigne a deux siècles d'avance sur ses cousins germains et il ne s'exprime pas de façon entièrement conventionnelle. Sans le côté "autodidacte" qui fait son charme buissonnier, Montaigne serait aussi scolaire que Nitche.

  • Partis génitaux

    Si "Mort à Crédit" n'était qu'un règlement de compte familial, ça serait "Le Temps retrouvé". Mais il y a quelque chose chez Céline qui n'est pas seulement d'ordre pédérastique ou génital, mais apocalyptique.

    Céline est aussi ambigu que Voltaire ou Baudelaire, puisque le communisme autant que le nazisme séduisit le martyr athée de la Butte, saint Ferdinand : pour ma part je vois plutôt "Le Voyage" comme un roman "nazi" (à cause notamment de la description de New York en métropole nationale-socialiste, dressée contre le Ciel, et puis parce que le genre romanesque n'est pas communiste ; encore parce que le "mouvement" est vu par Céline comme "moderne") ; tandis que "Mort à Crédit" est plus "balzacien" ou "marxiste".

    Le personnage de Courtial des Pereire incarne en effet le charlatanisme capitaliste, qu'on retrouve dans tous les domaines de la science. Quand je vois Max Gallo à la télé, je ne peux pas m'empêcher de penser à Courtial des Pereire ; idem quand je vois l'astrophysicien Brahic ; Yves Coppens ou Pascal Picq sont encore Courtial des Pereire. Des bricoleurs partout, intitulés "experts".

    L'historien F. Furet lui aussi a relié le capitalisme naissant en Angleterre au début du XVIIe siècle à l'ingéniérie, même s'il n'a pas vu comme Céline le caractère fondamentalement bordélique et insane de l'ingénieur laïc. Furet oublie aussi de préciser qu'au stade "métaphysique", de Galilée à Newton en passant par Descartes et Blaise Pascal, il n'y a plus que des ingénieurs, dès le XVIIe siècle.

    *

    Complètement univoque en revanche est le dernier entré à l'Académie des vieillards cacochymes qu'on dit "française", je veux parler de l'écrivain boche François Weyergans, antépénultième ersatz de Proust. Fils de Franz Weyergans, qui fit carrière dans le "moralisme bourgeois", François W. n'a fait que reprendre la boutique familiale en repeignant l'enseigne chrétienne aux couleurs libérales, pour ne pas se laisser dépasser par la mode. Quand Baudelaire conchie la Belgique, ce sont sûrement des types comme Weyergans qui l'inspirent.

    Céline a fait de sa propre famille le protype de la famille petite-bourgeoise républicaine, mais ce n'était pas pour reprendre ensuite le flambeau académique comme Weyergans.

  • Le Retour d'Alain

    Au programme cette semaine à la télé : le retour d'Alain Juppé ; ça ressemble à une mauvaise blague, je me frotte les yeux, mais non, pas de doute, cette hyridation de la mâchoire de Chirac avec les locutions de Giscard, pas de doute, c'est le modèle Juppé, "tête de promo".

    Alain Juppé pense qu'il a un problème de communication ?! Du coup il se lance dans des demi-confidences sur les scènes de ménage entre ses parents, les bons conseils et les petits plats de sa légitime, en pensant que ça va nous intéresser et le rendre plus humain. C'est là qu'on voit que Juppé est à peu près dépourvu d'intelligence. Ce genre de truc ne marche réellement qu'à condition de s'épancher en détails réellement sordides, comme l'ont fait Yann Moix, Franz-Olivier Giesbert, et, le meilleur d'entre tous, Houellebecq, la bagarre animée avec sa daronne :

    - "Ma mère n'est qu'une pute, une gauchiste irresponsable..."

    - "Approche-toi un peu petit con que je t'en mette une bonne au coin de la gueule, pour t'apprendre à vivre !"

    Là ça fonctionne. Les confidences à moitié crapuleuses seulement, c'est crétin. Est-ce que Juppé s'imagine qu'une pute BCBG va raccoler comme raccole un pute normale ? Quant au registre du délayage d'une vie de fonctionnaire ou de rentier dépourvue de faits saillants, on peut penser qu'il restera à jamais l'apanage de Marcel Proust, et que ses fans ne le lâcheront pas pour Alain Juppé.

    Juppé n'a aucun problème de communication ; les Français sont juste parfaitement au courant désormais que l'élite politicienne est une élite autoproclamée ; que la "prospective" des experts-comptables est à peu près aussi foireuse que celle des cartomanciennes ; de ce point de vue, on ne peut pas en vouloir à Mitterrand d'avoir fait plus confiance à Elisabeth Tessier qu'à Jacques Attali ou Jean Guitton. Si Juppé arrivait à nous persuader qu'il n'est pas complètement dépassé par les événements comme ses collègues de travail, c'est là qu'il aurait un problème de communication ! 

     

  • De Jaurès à Le Pen

    - Si le Parti socialiste avait voté CONTRE l'envoi de troupes françaises en Afghanistan pour assister les Etats-Unis dans leur stratégie d'acheminement des "tankers" remplis de pétrole du tiers-monde pauvre vers le tiers-monde gavé, alors il pourrait reprocher à Le Pen de "récupérer" le pacifiste Jean Jaurès. Mais il a voté POUR.

    - Si le Parti socialiste avait un électorat populaire, et non un électorat composé en grande partie de fonctionnaires intéressés à la survie de l'Etat jacobin, et donc du capitalisme, alors il pourrait reprocher à Le Pen de comparer son parti à celui de Jaurès.

    - S'il est vrai que les "200 familles", pour reprendre l'expression de Jean Galtier-Boissière, manipulent indirectement le parti de Le Pen, comme elles manipulent indirectement le parti de Besancenot, quant au Parti socialiste, lui, c'est DIRECTEMENT qu'il est actionné par ces "200 familles".

    Qu'est-ce que le conseiller économique du PS, Jacques Généreux, trouve à dire à l'occasion de la crise ? Que "C'est la faute à Sarkozy" et que "Les courtiers en banque n'ont pas une morale très reluisante".

    1. "Exit" le constat que la crise correspond au schéma marxiste décrivant une concentration du capital entre trop peu de mains, cause que les banques sont CONTRAINTES de jouer à la loterie et gaspillent l'argent comme aucun service public n'oserait le faire, c'est-à-dire par paquets de cinq ou dix milliards d'euros d'un coup.

    2. "Exit" le constat que le capitalisme a été préservé jusqu'ici de l'absurdité totale et de la paralysie générale par la manne pétrolière et l'arme nucléaire, celle-ci étant un moyen pour tenir en respect le tiers-monde ouvrier - deux "faits extérieurs" que Marx n'avait pas prévus.

    3. "Exit" cette vérité que le PS a mené une politique capitaliste active, probablement encore plus efficace que celle des gaullistes, car plus rusée (Fabius et Rocard, par exemple, se sont montré des dirigeants capitalistes extrêmement habiles si on les compare à Alain Juppé ou Dominique de Villepin, François Fillon).

    Maintenant, ce que Le Pen comme le PS occultent carrément, et ce n'est pas le moins important, c'est l'Histoire : le fait que depuis Jaurès la division du travail à l'échelle internationale, mouvement centrifuge décrit par Marx et qui finit par arracher les rênes des mains des industriels capitalistes eux-mêmes ("Le pire ennemi du Capital c'est le Capital lui-même."), ce mouvement a mis fin à la lutte des classes en Europe. A vrai dire la fin de la lutte des classes en France remonte même avant Jaurès : elle remonte selon Marx à 1850, c'est-à-dire à l'élection par la France rurale de Napoléon III, représentant de la bourgeoisie industrielle ; on verra ce type d'élection bizarre se répéter ensuite : c'est le cas notamment de l'élection d'Adolf Hitler en Allemagne dans des circonstances qui rappellent celles de l'élection de Napoléon III. C'est le cas de toutes les élections à la présidence de la République sous la Ve. Il y a selon Marx, de la "classe sociale" au simple "sentiment d'appartenance à une classe sociale", un fossé historique.

    La crise mondiale qui replace Marx "sous les feux de la rampe" est-elle l'occasion de redécouvrir ou de découvrir Marx ? On voit bien que non. Les médiats, la presse, font tout pour que cela n'arrive pas. J'ai dû entendre au total à la télévision et à la radio depuis le début de la crise deux personnes qui tenaient un discours marxiste cohérent.

    L'Etat laïc n'a jamais eu d'ennemis plus acharnés que Marx et Engels puisqu'il n'est à leurs yeux en quelque sorte rien d'autre que la structure religieuse du capitalisme. On peut même voir qu'il y a deux structures religieuses successives ; celle qui correspond au capitalisme industriel, phase au cours de laquelle le discours religieux est tenu par les instituteurs et les professeurs, que Péguy (le vrai, pas celui de Finkielkraut) appelle "hussards noirs" ; et celle que nous connaissons actuellement, depuis que les "services" se sont substitués à l'industrie, phase où les hussards noirs ont été destitués de leur rôle moral au profit des journalistes et des médiats, le cinéma y compris. Pourquoi les hussards noirs ont-ils été destitués au profit de ceux qu'on appelle "journalistes", mais qui ne sont en réalités que des mercenaires. Tout simplement parce que vendre des services plutôt qu'une production industrielle, étant donné la nature subtile de beaucoup de services, impose de la part des médiats une ruse et des accommodements avec la morale et la vérité plus grands encore.

    Pour quelle raison le marxisme est-il donc malvenu jusque dans le parti d'Olivier Besancenot ? Parce que la science marxiste est extrêmement dérangeante pour une grande majorité de Français qui préfère largement se vautrer dans des petits discours existentialistes à deux balles. Qu'est-ce qu'un ouvrier français syndiqué aux yeux d'un esclave chinois ? Un privilégié, comme le patron de cet ouvrier. On ne pas demander à un esclave chinois d'entrer dans des nuances trop subtiles. Parmi les aristocrates privilégiés qui furent exécutés au cours de la Terreur déjà, certains étaient beaucoup moins privilégiés que d'autres. Quand la misère explose, elle ne fait pas dans le détail.

    Le combat marxiste ou même "jaurèsien" n'a donc plus de sens désormais qu'en faveur du "haschich-prolétariat" de banlieue et des esclaves qui, dans le tiers-monde, fabriquent pour les privilégiés des gadgets en plastique et alu.

  • Pourvu qu'elle soit une putain

    Comme Paul Lafargue le souligne, "amour vénal" rime avec "Capital" ; seul Tartuffe peut d'ailleurs feindre de l'ignorer désormais. Non que la prostitution soit inconcevable sans le Capital, mais le Capital est inconcevable, lui, sans la prostitution et la convention matrimoniale.

    "L'amour, la passion sauvage et brutale, qui trouble le cerveau, pousse l'homme à l'oubli et au sacrifice de ses intérêts, la courtisane le remplace par la facile, la bourgeoise, la commode galanterie vénale, qui pétille comme l'eau de Seltz et n'enivre pas.

    La courtisane est le présent du Dieu-Capital, elle initie ses élus aux savants raffinements du luxe et de la luxure ; elle les console de leurs légitimes, ennuyeuses comme les longues pluies d'automne." (In : "La Religion du Capital")

    Quoi de plus logique, dans cette voie de garage à bites, que l'idéalisation de la pute par la télévision publique ? Un reportage diffusé récemment renseigne sur l'évolution de la prostitution :

    - une pute "à l'ancienne" fait l'éloge de son métier, du contact avec le client, de l'évasion de métiers abrutissants qu'il permet, de l'incompréhension des "légitimes" qui ont d'autres chats à fouetter... bref, le discours du petit épicier contre la grande distribution. On en deviendrait presque poujadiste tellement la putain à l'ancienne est attendrissante et rappelle les descriptions amoureuses de putes par Drieu La Rochelle ou Picasso ;

    - la pute nouvelle, elle, travaille plutôt dans le porno, qui permet un meilleur rendement et une hygiène sans taches, de ne pas mourir étouffée sous le client ; la pute nouvelle génération est plus jeune, semi-professionnelle, parfois une étudiante qui se prostitue pour payer ses études et s'orienter ensuite vers un autre job. Elle tient un discours plus "froid", plus "marketing", celui d'un chef de rayon, avec des mots anglais pour bien montrer que la prostitution n'est pas en retard sur la technologie. D'ici qu'elle ponde un "mémo" avec des diagrammes et des courbes pour expliquer les parts de marché et les grandes tendances du plaisir, il n'y a qu'un pas.

    "Il est difficile pour un homme de demander à sa femme de lui pisser dessus, si tel est son bon plaisir." explique la pute traditionnelle dans le langage d'une pute qui n'a pas bac+3 et doit avoir du mal à rivaliser dans le domaine du sado-masochisme "high tech" avec ses consoeurs plus jeunes. La tendance à vouloir souffrir encore un peu plus au sortir du boulot ou du conjuguo, et non plus à prendre du plaisir comme au bon vieux temps, est elle aussi caractéristique du capitalisme. Si l'on réouvrait les camps de concentration, il y aurait pas mal de volontaires aujourd'hui, à en croire les putes.

    *

    Ce qui est frappant, et confirmerait encore si c'était nécessaire les vues de Charles Fourier*, Karl Marx ou Paul Lafargue, c'est l'évolution concomittante de la prostitution et du mariage depuis la fin du XIXe siècle. Ces deux institutions éminement sociales et fondées sur l'argent, le pouvoir, ont été peu à peu, depuis le XIXe siècle, recouvertes d'une épaisse couche de guimauve et de sentimentalisme. La prostitution et le mariage bourgeois ou petit-bourgeois, qui ont de toute évidence été modifiés juridiquement par les bouleversements économiques importants au cours du siècle et demi écoulé avant tout, -évolution vers le salariat "grosso modo"-, le mariage et la prostitution sont maquillés par la propagande capitaliste comme une voiture volée ou une mariée le jour de son mariage : le mariage est déguisé en "projet sentimental" ou "existentiel" ; et la prostitution qui en découle en "service social".

    L'éloge de la prostitution n'est donc rien d'autre en définitive que l'éloge discret du mariage. Le capitalisme ne détruit pas l'idéologie du mariage en réalité, mais la renforce bel et bien toujours plus, exactement comme il renforce la prostitution, même si les deux institutions ont de plus en plus tendance à se confondre dans le même sentimentalisme, et pas seulement dans les "parties carrées" qui permettent de faire des économies.

    Il est juste difficile de savoir ce qui est le plus grotesque, du "mariage-divorce" laïc, sorte de polygamie successive à l'usage des bourgeois, qui voudraient donner par-dessus le marché des leçons de morale sexuelle à l'Afrique (!), ou de sa version chrétienne, sorte de "mariage de droit divin" inspiré de la "monarchie de droit divin", qui se présente comme la muséographie ou l'archéologie du mariage ? Choix cornélien.

    On n'hésite pas dans la version démocrate-chrétienne à se référer, pour les plus ignares, à... l'"amour courtois", comme pour prouver que question mensonge et ignorance, le chrétien rivalise sans peine avec le capitaliste lambda.

    Le médiéviste Georges Duby a émis l'hypothèse ("Dames du XIIe siècle") que "l'amour courtois" n'était qu'une forme d'hommage indirect d'un chevalier à un autre, un témoignage (poétique) de vassalité. En somme, en tant que "manipulation politique", l'amour courtois ne serait autre que l'ancêtre du PACS. C'est plutôt cocasse. Ou encore il serait comparable aux éloges incessants de la presse à l'endroit de Carla Bruni. Comme si Sarkozy pouvait avoir un doute sur la servilité du corps journalistique.

    Certitude en revanche, et qui confirme l'hypothèse de Duby, rappelée par l'historien Denis de Rougemont cette fois : l'"amour courtois", qu'il soit réel ou du domaine exclusif de la propagande politique, se présente comme un éloge de l'adultère. Donc "grotesque", le mot est faible pour désigner le fétichisme démocrate-crétin.

    *

    C'est aussi ici l'occasion de rappeler que Karl Marx démontre dans la "Sainte Famille" que l'idéologie allemande, cristallisée dans la philosophie du droit totalitaire de Hegel, est en grande partie inspirée d'une idéologie de la famille et du mariage chrétien. Cette inspiration, qu'on peut résumer à la "génitalité" en réalité, trahit le caractère statique et fixe de l'idéologie de Hegel. Le fameux "progrès laïc" n'est qu'un point mort. Hegel ne se distingue qu'apparemment de Maurras ou Montesquieu ; il ne s'en distingue pas fondamentalement.

    C'est d'ailleurs faute de pouvoir expliquer l'évolution politique autrement que par un mécanisme, que Hegel invente son fameux "sein-dasein", mécanique ET ésotérique. Cet ésotérisme a produit la morale existentialiste capitaliste, aussi sûrement que l'algèbre mène à la spirale et n'appartient plus au domaine de la science dès lors qu'elle n'est plus un simple outil mais commence à engendrer des théories (c'est le cas dès Kopernik).

    La morale existentialiste, divisée en autant de chapelles et de curés qu'il faut pour satisfaire la demande, allant du plus stupide, l'existentialiste nazi d'Heidegger et sa poule Hannah Arendt, au plus ambigu et au plus profond, l'existentialiste Louis-Ferdinand Céline, qui n'est pas un simple touriste et dont la profondeur passe par les bas-fonds, à qui il doit plus qu'aux gratte-ciel, et qui "rachètent" sa poésie ; Céline qui ne se paye pas que de mots.

    L'analyse poussée de Marx permet de comprendre que cet existentialisme n'est autre que la morale totalitaire par excellence. Il permet de comprendre son paradoxe fondateur et son caractère binaire et successif. Et pourquoi même l'épicurisme est une philosophie plus raffinée, puisque l'existentialisme s'efforce de ramener Hegel au niveau moral, au niveau du figuier, l'arbre de la connaissance du bien et du mal dont le sado-masochisme est l'ultime fruit, alors que ce niveau moral, Hegel, malgré toute sa bonne volonté, ne l'a jamais dépassé. Jamais Hegel n'a compris la forme. Il a juste anticipé le cinématographe.

    Epicure procède de la même façon avec Démocrite, mais il le fait sciemment. Marx a donc appliqué l'analyse aux analystes et il en est sorti de l'eau de boudin, baptisée pompeusement par l'université "Philosophie".

    Dans l'idéologie totalitaire de Hegel, je précise que c'est l'Etat qui joue le rôle de la femelle, et l'"homme de la Providence", pour reprendre la terminologie de Hegel, Napoléon, Bismarck, Napoléon III ou Hitler, joue le rôle du mâle fécondant. C'est à ce niveau qu'il faut d'ailleurs situer le mythe d'Oedipe, et non au niveau du drame bourgeois, étant donné qu'on voit bien que l'Etat totalitaire est non seulement une femelle, mais qu'il est aussi une matrice. Louis XIV a beau dire : "L'Etat, c'est moi", on voit bien qu'il n'en est rien et que cette mante religieuse a fini par le bouffer.

    *A propos de Charles Fourier, il faut se défier des inepties à son sujet de l'écrivaillon bourgeois Pascal Bruckner, qui fait pratiquement dire l'inverse de ce qu'il dit à Charles Fourier. Ce bourgeois "rive-gauche" qui n'a cessé de déverser pendant vingt ans ses idioties dans les médiats a d'ailleurs bâti sa réputation de romancier sur l'éloge de la prostitution.

     

     

  • Internet et la censure

    Internet commence à poser des problèmes au gouvernement  de Sarkozy. D'une situation où l'UMP s'était adjoint les services du crétin blogueur-vedette Loïc Le Meur, on est passé assez rapidement à une situation de "dissidence larvée" des blogues qui commence à poser un problème institutionnel, ne serait-ce qu'à cause des millions qu'un gouvernement démocratiquement élu, quel qu'il soit, au moins depuis Goebbels, est obligé de dépenser dans la propagande, rebaptisée "communication".

    Autrement dit à quoi sert "Le Point", à quoi sert "Le Monde", si les blogues contredisent pour pas un rond des journalistes grassement payés à bourrer le mou de l'opinion publique dans TOUS les domaines.

    Et la situation de la France est plus "avancée", dans la mesure où le nombre de blogueurs est très supérieur à celui de tous les autres pays, compte tenu de l'individualisme des Français et de leur niveau élevé d'équipement (tous les services gouvernementaux répètent en boucle depuis cinq ans que les gamins qui n'apprennent pas à se servir d'un ordinateur sont voués à l'arriération mentale, contre la plus élémentaire vérité que l'humanisme vrai se passe aussi bien d'ordinateurs que de la machine à calculer de Blaise Pascal.)

    On avait prévu les profits de la pornographie en ligne (l'essai du "Minitel rose" aidant), ceux des services marchands, même s'ils s'avèrent beaucoup moins juteux que la traite des Hongroises ou des Slovaques par dizaines de milliers, mais on ne se doutait pas qu'il y aurait des blogueurs, autant de blogueurs.

    Surtout on ne se doutait pas qu'ils ne se contenteraient pas tous de recopier les articles de "Libé" ou du "Figaro" tels quels, ou de commenter le dernier épisode de "Plus Belle la Vie". On ne s'attendait qu'à des blogueurs dans le style de Jean d'Ormesson ou de Laurent Joffrin.

    Bien sûr les blogues sont "a priori" beaucoup moins dangereux que des radios ou des télévisions libres, susceptibles d'ameuter rapidement des foules d'auditeurs. Mais on peut poser l'axiome suivant que, dès l'instant où la vérité sera publiée sur internet et que cette vérité sera accessible facilement à travers le dédale de "sites" (la "Propaganda Staffel" en est réduite, paraît-il, à acheter des mots-clé dans "Google" pour tenter d'étouffer la contradiction !), un groupe de députés réclamera alors qu'une forme de censure efficace soit mise en place sur le ouaibe, car les blogueurs ne vérifient pas leurs informations, tandis que les baveux officiels, eux, disent la vérité, toute la vérité et rien que la vérité que le ministère de l'Intérieur leur livre gratuitement. Jamais un bobard dans la presse officielle. Ou très peu. Si peu que les lecteurs ne s'en rendent même pas compte.

    Il y a un an ou deux, la journaliste de télé Marie Drucker s'inquiétait qu'on puisse parler librement sur internet de la choa, jusqu'à débattre de ses modalités ou de ses mobiles, auprès de Serge Klarsfeld, célèbre chasseur international de nazis. Comment pouvait-il laisser s'ébattre tous ces petits Le Pen librement sans rien faire ?

    Celui-ci lui fit cette réponse tolérante que les discussions sur le ouaibe peuvent être assimilées à des correspondances privées. Je signale de nouveau cette "jurisprudence" à l'attention de quiconque serait attaqué en justice pour des propos tenus sur internet et "passant la mesure" de ce qu'on peut écrire dans un pays démocratique, libéré de son passé clérical et monarchique, où brille le soleil de la liberté d'expression.

    Serge Klarsfeld n'est pas magistrat, ni rabbin, ni curé, certes, mais sans conteste il fait partie des plus hautes autorités morales du pays et il est un des défenseurs de la communauté des Français la plus sensible aux attaques et à l'humour noir. Faut bien sûr pas se faire trop d'illusions. Un chasseur de nazis qui ne changerait pas d'avis ne serait qu'un imbécile comme tout le monde.

    Comment elle fait cette phrase de Voltaire, au fait. Ah oui : "Je ne suis pas d'accord avec vous, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ?" Une référence un peu dépassée. On venait alors à peine de sortir du Moyen-âge.

  • Printemps des antipoètes

    Minorité impuissante et asservie de mon pays ! Artistes brisés par lui, hors-la-loi, égarés dans les villages, on ne vous croit pas, on parle contre vous.

    Amoureux de la beauté, affamés, contrariés par les systèmes, impuissants contre le Pouvoir, vous qui ne pouvez pas vous épuiser à trouver le succès, vous qui ne pouvez que parler, qui ne pouvez vous astreindre à la réitération ;

    Vous les trop subtils, brisés par le faux Savoir, vous qui savez par instinct, on vous hait, on vous écarte, on ne vous croit pas :

    Apprenez ceci :

    J'ai affronté la tempête, j'ai fait taire mon exil.

    (Ezra Pound, antipoète maudit.)

  • Histoire de pute

    Baudelaire, le plus révolutionnaire des poètes, signale déjà que l'honnêteté, chez un commerçant, ne va pas au-delà de l'intelligence, de la bonne compréhension des règles du métier. La banqueroute des industriels et des banquiers imbéciles ratifie le jugement de Baudelaire ; ça permet même d'espérer que les supermarchés se casseront la gueule à leur tour un jour proche, tant les principes qui régissent la grande distribution sont stupides.

    Aucun doute que c'est la cause aussi qu'une pute de quartier passe désormais, à juste titre, pour une commerçante plus estimable qu'un assureur ou un journaliste, un agent immobilier. Elle n'a pas volé son pognon, comme on ne peut plus dire du banquier.

    Qu'on s'imagine avoir deux gosses, une fille et un garçon, par exemple. L'une veut devenir pute pour payer ses études, l'autre courtier à Londres après qu'il aura terminé son école, pour payer sa dette. Sacré dilemme moral pour les parents ! Surtout s'ils sont chrétiens ou musulmans.

  • Calote sur capote

    Le sermon de Benoît XVI aux Camerounais lui vaut d'être traité d'"autiste" par Alain Juppé, expert en la matière. On peut penser que ce politicien, condamné pour corruption, tente par là de se refaire une virginité auprès de l'électorat laïc.

    Depuis les romans de Mauriac, on sait à quel niveau moral situer la bourgeoisie bordelaise, qui a sans doute pardonné à Juppé ses malversations depuis longtemps.

    Le parti gaulliste, par ailleurs, dont Alain Juppé est un des principaux parrains, a beaucoup œuvré avec l'UDF en faveur de l'avortement. C'est encore un gaulliste éminent, alors président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, qui a récompensé solennellement la militante pro-IVG Caroline Fourest pour son combat prétendûment féministe en faveur de l'avortement.

    Le pape ne fait donc que récolter ce que l'Eglise a semé. L'inconséquence du pape, ici, est double :

    - d'abord Rome n'interdit pas aux catholiques de se prononcer lors des élections pour le parti d'Alain Juppé, bien au contraire. Idem pour l'UDF. Pour n'en citer que trois, de tailles variées : "Le Figaro", "Valeurs actuelles" et "Famille chrétienne", on a là trois organes de presse ouvertement gaullistes et qui ont fait campagne en faveur de Sarkozy, avant de le lâcher dans l'adversité.

    Comment oublier la compromission du christanisme par Christine Boutin, avec un gouvernement dont la devise anti-évangélique fut naguère : "Travailler plus pour gagner plus" (compromission d'autant plus flagrante et terrible que la carrière gouvernementale de Christine Boutin a stoppé net toutes ses velléités antérieures de combattre le crime d'Etat qu'est l'avortement, crime d'Etat soutenu par les industriels de la chimie au point que des dirigeants du "planning familial" furent "consultants" simultanément auprès de laboratoires pharmaceutiques, et qu'aucune précaution concernant les risques cancérigènes de ces pilules n'a été prise) ;

    - deuxième inconséquence : le "coïtus interruptus" est prôné aux fidèles en Europe par le clergé catholique lui-même, et rien en dehors de sa sophistication ne le distingue du "coïtus interruptus" à l'aide d'une capote anglaise reproché à des Camerounais. Cette deuxième inconséquence confine à l'hypocrisie ou à l'ignorance.

    *

    Mais le plus important est de ne pas tomber ici dans le piège médiatique. L'influence de l'Eglise en Afrique est aussi réduite qu'en Europe ; dans un sens comme dans l'autre, les sermons du pape ne peuvent pas infléchir le destin de l'Afrique. Le "coup du sida", tout ce battage médiatique autour du pape dont la racaille journalistique n'a en réalité rien à secouer, n'a qu'un but : dissimuler que les malheurs de l'Afrique en général et le sida en particulier, sont le résultat de la politique impérialiste occidentale en Afrique. Et, par les crimes impérialistes, le parti gaulliste d'Alain Juppé a été copieusement éclaboussé, et continue de l'être en Afghanistan. Les médiats ne se sont d'ailleurs quasiment pas enquis de l'avis des Camourenais sur les propos du pape ; la stratégie médiatique est définie d'avance. Si on ne peut pas parler de "complot médiatique", il y a bien un réflexe impérialiste.

    Dans cette dissimulation il est évident que l'Eglise, à l'échelle réduite qui est la sienne, joue un rôle actif, et que les petits sermons à deux balles du pape, pour cette raison, sont scandaleux : une vraie marionnette ! C'est du côté de l'Afrique et de l'Amérique du Sud contre l'oppresseur occidental que le pape devrait être.

    J'estime avoir le droit de critiquer le pape, contrairement à Alain Juppé, dans la mesure où je ne suis pas membre ni n'ai jamais voté pour un parti, le parti gaulliste, qui a largement contribué à entraîner la France, l'un des pays les plus riches du monde, au bord de la faillite économique et morale. Un parti qui a oeuvré à l'élimination de près de six millions d'embryons depuis les années soixante-dix, et qui pour compenser cette décroissance naturelle, a favorisé la venue d'immigrés du tiers-monde, parmi les plus qualifiés en général, immigrés traités avec mépris ou hypocritement le plus souvent, entassés dans des banlieues dessinées par des architectes dont les idées totalitaires sautent aux yeux. En tant que Français de souche, le parti gaulliste est à mon sens l'emblème même de la pourriture française. Tous les militants catholiques honnêtes qui s'en sont approché imprudemment, que ce soit Simone Weil, Maritain, Bernanos, s'en sont éloigné rapidement, dégoûtés. Plus mensonger encore que le régime de Pétain fut le régime de de Gaulle : telle est la sentence de Bernanos qui vaut plus que jamais.

    *

     L'animatrice Julie d'Europe 1, grassement payée à jouer les potiches, suggère qu'on inculpe Benoît XVI de "crime contre l'humanité" (jeudi 19 mars). L'académicien Jean d'Ormesson l'approuve. Rappelons que l'animatrice comme l'académicien sont des employés de Lagardère et Dassault, fabriquants d'"outils de défense nationale", de missiles destinés à des "frappes chirurgicales", des employés qui doivent presque tout à leurs patrons. Il est difficile de croire en effet que Jean d'Ormesson aurait pu avoir une carrière littéraire aussi longue, étant donné la nullité de sa prose, sans l'appui du "Figaro". Ce qui était appréciable chez les nazis, c'est leur FRANC cynisme.

  • Brave New World

    Qu'il y ait des vaches charolaises qui acceptent qu'on les trimballe au Salon de l'Agriculture, c'est encore quelque chose que je peux comprendre ; ou même des putes virtuelles au Salon de la Pute virtuelle. Mais que peut faire un écrivain dans un Salon du Livre ??? Qu'est-ce que c'est encore que ce gadget boche ?

    C'est pour moi une énigme qui ressurgit chaque année quand je vois les affiches publicitaires pour ce salon-là dans le métro. Sans doute parce que je vois la littérature comme un truc très très individuel et qui demande de la concentration, à mille lieues du foot ou du cinoche.

    J'imagine que ce salon du Livre est surtout fréquenté par des lectrices qui espèrent coucher avec leur(s) écrivain(s) préféré(s) ? J'essaie de trouver une explication humaine. Quand j'étais gosse, mon paternel m'a emmené à un salon de la bande-dessinée ; c'était un peu dégueulasse (il y avait pas mal d'adultes), mais c'est compréhensible qu'un gamin veuille qu'on lui fasse un petit dessin, rien que pour lui.

    Il n'y aurait pour moi qu'une seule bonne raison de me rendre au "Salon du Livre", c'est de pouvoir y casser la gueule de Yann Moix, ou celle de Karl Zéro, qui sont les deux Français connus que je déteste le plus. C'est-à-dire que si on me lançait le défi suivant : "Tu es chrétien et dois donc pardonner aux deux personnes que tu détestes le plus, qui sont elles ?", je citerais Karl Zéro et Yann Moix, deux véritables suppôts de Satan.

    Il arrive que la laideur physique soit compensée par la beauté morale, et vice-versa,  mais là c'est un comble ! Ou plutôt deux. Mais le risque du corps-à-corps et de l'échange copieux de bourre-pifs est de se réconcilier immédiatement après, de faire tomber la tension (c'est même ce qui fait que les gonzesses préfèrent les poisons lents aux bourre-pif, dans leur grande majorité). Et dans mon combat contre des salauds comme Moix ou Zéro, pas question de fléchir, je serai inflexible.

     

  • La grande diversion

    Il est significatif qu'en s'efforçant de tuer le temps par toutes sortes de divertissements, on ne fait qu'entrer dans son jeu, baiser la mort sur la bouche. Voilà à quoi la religion laïque ou démocrate-chrétienne, vautrée dans le cinéma, fait penser : un ballet macabre de femelles prédisposées à la branlée.

    L'ennui, l'acédie, la mélancolie... autant de vocables pour dire la dépossession de soi au profit de Satan. Il est à peu près sûr que Baudelaire ou le romancier anglais E. Waugh, qui souffraient d'ennui, aient su la cause profonde de leur tourment ; dans le cas de Baudelaire, ça ne fait même aucun doute.

    S'il est hâtif de la part de Verlaine de faire de Watteau un peintre "mélancolique", c'est que la pure mélancolie se traduit par l'absence d'érotisme. Par principe l'art n'est pas mélancolique, c'est la musique qui l'est, qui oscille entre guerre et existentialisme, cruauté et masochisme. Même s'il a peint beaucoup la soldatesque, ne pas confondre Watteau avec Blaise Pascal, génie malfaisant ! Le romantisme, c'est l'assassinat d'Eros, étouffé dans une capote anglaise ; la mort du Sexe et par conséquent celle de la Science : on en est là.

  • Les démons de Simone W.

    Toutes ces attaques contre la rebelle Simone Weil, c'est plutôt bon signe... pour elle.

    La dernière en date vient de la gazette papiste "Famille chrétienne", dont la dévotion au cinéma suffit à résumer tous les principes réels, sous le crépi blanc d'un christianisme BCBG. L'attaque de "Famille chrétienne" contre Simone Weil est d'autant plus perfide qu'elle passe par le courrier des lecteurs, stratagème journalistique transparent.

    Deux longues lettres sont publiées, développant les leitmotivs habituels, l'accusation d'hystérie et celle d'antisémitisme. L'asile ou les flics, voilà le sort que "Famille chrétienne" réserve à celle qui offrit, d'assez loin, la plus forte pensée du XXe siècle (une pensée qui comme celle de Marx est une science puisque Simone Weil a constaté l'absurdité des "travaux" scientifiques de Max Planck).

    - Hélène Mongin, de Lisieux, écrit ainsi : "(...) Ce n'est pas la tuberculose qui l'a tuée, mais son refus complet de s'alimenter, sous prétexte que les Français n'avaient pas assez à manger. Raisonnement généreusement fallacieux d'une grande anorexique qui haïssait son corps. Alors Simone Weil, un des plus grands génies de notre époque, certes... mais pas un modèle à suivre ! (...)"

    On a envie de dire à la dinde farcie de principes auteur de ces lignes qu'elle se rassure : étant donné que la principale vertu de Simone Weil fut le courage, elle ne suit absolument pas son exemple en pratiquant la diffamation en  toute impunité (du moins le croit-elle).

    L'anorexie !? C'est quand même un comble de coller cette maladie typiquement capitaliste à Simone Weil, qui dégueula à peu près tous les principes libéraux, capitalistes ou jansénistes ; alors qu'on peut trouver du sado-masochisme dans la littérature de nombreux saints ou philosophes chrétiens, y compris chez Benoît XVI dont le désir exprimé de "purgatoire" est pour le moins bizarre, Simone Weil n'a jamais fait l'éloge de l'autoflagellation ; bien au contraire, puisque sa théologie se rapproche de l'antimonachisme occitan, voire de Rabelais, admirateur comme Simone du naturalisme grec abandonné par l'Eglise catholique au profit de la science-fiction.

    Le frère de Simone Weil a témoigné que la maladie seule a causé le décès de sa soeur. Vu qu'elle écrit de Lisieux, on peut subodorer que cette Hélène Mongin est une bonne soeur jalouse de la concurrence que Simone Weil pourrait faire à l'extrême platitude de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus.

    On déduit aussi hâtivement du fait que Simone Weil ne s'est pas mariée qu'elle n'aimait pas son corps. Déduction téléologique qui ne tient pas compte du fait que le mariage est sans doute une des institutions les moins érotiques qui soit. Les "théologiens" chrétiens du mariage sont d'ailleurs en général des abrutis complets (on peut citer par exemple dans ce cas le père de l'écrivain belge François Weyergans.)

    (Précisons en outre qu'il n'y a pas de "génie" chrétien, contrairement à ce que le pédérastique Chateaubriand tente de faire croire ; il n'y a que des suppôts de Satan. Et le catholicisme est l'ennemi du temps et de l'époque, en aucun cas il n'a vocation à l'accompagner servilement comme un magazine télé.)

    - L'autre lettre est signée Joël Losfeld, indisposé par les diatribes de Simone Weil contre le peuple juif (de l'Ancien Testament). Cet énergumène prétend faire d'Etty Hillesum et Edith Stein deux saintes plus grandes que Simone Weil. Primo, il se trouve que ladite Etty Hillesum fait l'apologie du crime d'avortement dans son "Journal". Deuxio, Edith Stein a grenouillé dans la philosophie de Husserl, qui est un des plus sinistres idolâtres du temps, dans le sillage de Hegel, que le terreau judéo-boche ait jamais engendré. Même si l'accusation lancée à saint Paul d'avoir dérobé aux Juifs leur religion (!) n'est pas imputable à Edith Stein elle-même, mais à l'écrivaillon putassier Yann Moix, biographe d'Edith Stein, cette dernière n'excède pas le niveau de la bigoterie hystérique.

    Ce J. Losfeld exprime d'ailleurs lui-même dans sa bafouille des opinions parfaitement ésotériques sur la religion catholique, dignes seulement d'un abonné à ce "Télé-poche" prétendument chrétien qu'est "Famille chrétienne".

    La chiantissime revue "Les Temps modernes" de Claude Lanzman, dont la ligne consiste à tenter de faire passer les principes les plus archaïques pour des principes modernes, avant "Famille chrétienne" a fait à Simone W. le même procès (fleuve) en antisémitisme. Instruit par un guignol yanki nommé Francis Kaplan, l'instruction s'achevait sur une sentence raciste, puisque l'acquittement de Simone Weil en raison de ses origines juives était prononcé. Un gag.

    - Un troisième courrier est publié qui fait cette fois l'éloge du philosophe Henri Bergson. Qu'il fut baptisé ou non, jamais Bergson n'épousa comme Simone Weil une pensée catholique. L'évolutionnisme de Bergson, emprunté à Spencer et Huxley, non seulement est hérétique au regard du catholicisme, mais cet évolutionnisme discrédite l'ensemble des spéculations philosophiques de Bergson, puisque la théorie de Darwin n'est plus défendue que par des fonctionnaires et ne subsiste plus qu'à l'état de dogme. Tout au plus le mérite de Bergson est-il de souligner le déterminisme "protestant" qui sous-tend l'évolutionnisme. La part de hasard que contient l'idéologie évolutionniste, inacceptable sur le plan du raisonnement scientifique, cet aléa vient de la religion dite "judéo-chrétienne" ou "protestante", "puritaine".

    Par ailleurs, les critiques que Bergson adresse au scepticisme de Descartes ne sont pas moins ineptes que celles de Voltaire auparavant. Bergson n'a pas mieux compris que l'algèbre de Descartes ou B. Pascal vient d'une fiction... fiction que Bergson entretient lui-même, un comble, sous prétexte de combattre Descartes (!). Si les sophismes de H. Bergson sont plus brillants que ceux du crétin Albert Einstein, ils n'en sont pas moins de vains sophismes.

    Ce lecteur distrait ignore du reste qu'une bonne partie de la communauté juive est remontée contre Bergson tout autant que contre Simone Weil dans la mesure où Bergson a écrit (comme Churchill) que certains Juifs, par leur comportement, ont excité les persécutions du régime allemand et de Vichy. Propos qui, contrairement à la lecture dialectique de Simone Weil de l'Ancien et du Nouveau Testament, n'a pas de consistance historique et ressemble fort à une affirmation gratuite.

  • Philologie

    La "philologie" est une passion romaine déguisée en sagesse grecque. Derrière le fétichisme délicat de Jacques Lacan ou Roland Barthes, Philippe Sollers ou Frédéric Nitche, se cache l'extrême violence de la bourgeoisie. Il n'y a qu'un seul philologue vraiment sensible, c'est Alphonse Allais. Chacun sera jugé sur ses oeuvres, les branlements ne comptent pas.

  • Ara breton

    Je constate dans une librairie que le dernier bouquin du navigateur Kersauzon est mis en avant. M'étonne pas que ça cartonne : c'est exactement le genre de propos doux-amers qui sont faits pour plaire aux gonzesses qui lisent les nouveautés. Une qui lit Kersauzon trouvera son "alter ego" dans le gonze déplorable qui, lui, lit "L'Equipe".

    Quel Breton n'a pas été abusé par sa mer ? C'est ce qui les rapproche des Juifs. Le rapport des Bretons aux femmes est d'ailleurs assez semblable : ambigü, limite incestueux. Quand Lévi-Strauss dit cette énorme connerie que la fin de l'inceste marque le début de la société, il ne fait comme Freud que se déterminer "par rapport à la religion juive" ; ça explique aussi pourquoi le cléricalisme a persisté plus longtemps en Bretagne, terre archaïque, et notamment sur les côtes. Expliquer à un Breton à quel point le clergé est une organisation désuète, c'est "mission impossible". Rabelais se ferait virer à coups de sabots au derrière s'il se pointait en Bretagne, idem pour Molière. D'ailleurs il y aurait aussi pas mal de trucs à dire sur "la Bretagne et Satan". En revanche, la femelle Chateaubriand ou la femelle Proust, il y a un public pour ça en Bretagne.

    Dire de Kersauzon que c'est un "Juif antisémite" me paraît être une bonne définition, extensible à beaucoup de Bretons. Quand j'étais en Bretagne, j'ai remarqué que si les Bretons, par principe, sont plutôt hostiles aux Juifs, la religion juive au contraire leur plaît beaucoup, ainsi que les "télécommunications", autre point commun.

    Drieu La Rochelle, homme sensible et doux égaré parmi les brutes, a dit que les Allemands n'ont aucun sens de la politique. Juste remarque. On a vu à quel point les Boches se sont fait berner par les Anglais en 1940. Pour les Juifs et les Bretons, c'est exactement la même chose : la plupart du temps, ils iront là où c'est le plus dangereux pour eux, confiants dans leur bonne étoile (qui est une Méduse, en réalité).

    Le Pen est un bon exemple de verbe politique gâché par une vue d'ensemble défaillante. Et je suis sûr que, secrètement, il y a plein de Juifs qui admirent Le Pen, à commencer par les Juifs les plus authentiquement Juifs. Proust aurait adoré Le Pen. Si Serge Dassault avait pu se payer Le Pen, par exemple, au lieu de Chirac ou Sarkozy, tous ces minables scribouillards du "Figaro", quelle fête pour son "trust", quelle avance pour ses idées pythonesques !

    Sans oublier la grosse contribution des Bretons à la connerie capitaliste, bien sûr, de Bolloré à Pinault, en passant par PPDA, Edouard Leclerc, vulgaires exploitants dépourvus du sens de l'économie. La baderne de Gaulle a noté pour s'en plaindre qu'elle n'avait été ralliée instinctivement à Londres que par quatre Juifs et deux Bretons.

  • Pour un art communiste

    Vu une sorte de dame-patronnesse sur "Arte" attaquer l'art contemporain : Aude de Kerros. Est-il besoin de se saper comme une poule de Cranac'h pour dénigrer l'art capitaliste ? La gonzesse était en effet coiffée d'une sorte de couronne d'étoffe de style troubadour XIXe qui aurait fait pouffer Balzac. Cette Kerros imprime d'ailleurs elle-même des eaux-fortes coloriées comme on pouvait en voir à la Fiac en 1982. Complètement dépourvue d'érotisme.

    Sérieusement, le pire ennemi de l'art capitaliste, c'est le Capital lui-même ; d'ailleurs sans le krach boursier, jamais la Kerros n'aurait été autorisée à exprimer son opinion réactionnaire dans l'émission de propagande télévisée d'Isabelle Giordano.

    Les deux arguments du "business" quand il est attaqué, même faiblement, en l'occurrence la Giordano avait invité deux galeristes un peu plus sexy que Mme de Kerros (Judith Benhamou et Magda Danysz), les deux arguments sont toujours les mêmes : le bon vieux coup du fachisme, d'abord - car Hitler ne s'est pas contenté de déshonorer l'antisémitisme, Bernanos aurait pu ajouter qu'il a aussi déshonoré la critique d'art.

    Et l'argument rhétorique dit "des Médicis", genre : "Certes, Pinault et Arnault sont des crétins mal dégrossis, mais les Médicis l'étaient tout autant." Bien sûr à chaque fois on cite les Médicis et pas François Ier, lui-même poète et dessinateur, ou l'empereur Rodolphe, versé dans de nombreuses sciences. Je ne peux pas m'empêcher d'imaginer à chaque fois la gueule que font les Médicis quand on les compare à deux tronches chefs de rayon comme Pinault & Arnault. Pour que l'argument fasse mouche, il faut toute la stupidité du public d'Isabelle Giordano. Un peu comme si on disait : "Certes, Houellebecq est un auteur pessimiste et qui n'incite guère à la consommation, mais Dante déjà avant Houellebecq était pessimiste."